Vers une nouvelle Genèse? Présentation de COLLET
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Vers une nouvelle Genèse? Présentation de COLLET
(Ne pas effacer) Ma #présentation: Quatre lettres pour écrire tout le vivant A-C-T-G les quatre nucléotides constituants la base de tous les gênes Jusqu'à ce que la recherche génétique décide de tenter l'expérimentation en incorporant de nouveaux nucléotides...
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No 4 - juin, 2002
Vers une nouvelle Genèse?
Pour la première fois dans l’histoire des sciences du vivant, des chercheurs ont entrepris de créer de nouveaux organismes, qui ne correspondent pas aux règles du code génétique. Simple expérimentation ou véritable révolution?
Michel Rochon*
Pour la première fois, des chercheurs ont entrepris de modifier la machinerie moléculaire fondamentale du vivant. Certains ont littéralement ajouté de nouveaux éléments unitaires à l’ADN dans le but de synthétiser de nouveaux acides aminés, les éléments constitutifs des protéines.
Il n’y a actuellement qu’une poignée de laboratoires qui s’intéressent à cette nouvelle branche de la génétique, qu’on pourrait qualifier de «néo-génétique», mais elle suscite beaucoup d’intérêt. Ces scientifiques américains, japonais, allemands et français rêvent de créer des nouvelles molécules qui serviront à des applications pharmaceutiques ou biotechnologiques.
Par exemple, en février dernier, dans la revue Nature Biotechnology, Ischiro Hirao et son équipe japonaise rapportent qu’ils ont été en mesure de modifier le code génétique d’une bactérie en y incorporant des éléments qui n’existent pas dans la nature. Ils ont synthétisé deux nouveaux nucléotides –les éléments fondamentaux de l’ADN- qu’ils ont baptisé S et Y. Ils ont ainsi trafiqué le code génétique naturel, ce qui a ensuite produit de nouveaux acides aminés qui permettront éventuellement la synthèse de protéines aux propriétés encore inconnues.
Les interrogations que suscitent ces travaux sont nombreuses. Quelles sont les implications éthiques d’une telle manipulation de la base-même de la vie? Ces molécules seront-elles viables, pourra-t-on les intégrer à des organismes vivants à des fins thérapeutiques? Et de manière plus fondamentale: devons-nous créer des formes de vie entièrement nouvelles, susceptibles de ne pas répondre aux lois régissant l’évolution du vivant tel que nous le connaissons? Quels sont les risques associés à une telle démarche, pour l’humanité et pour le monde du vivant dans son ensemble?
Changer les règles de base de la programmation génétique…
Au cœur de la mécanique génétique se trouve un grand principe général, que partagent tous les êtres vivants. L’ADN est d’abord transcrit en différents types d’ARN, l’acide ribonucléique, pour être ensuite transformé en une chaîne d’acides aminés, c’est-à-dire en une protéine. C’est ce principe de base qui est subtilement trafiqué par les chercheurs d’aujourd’hui pour tenter de créer une nouvelle forme de vie.
Dans la nature, il y a seulement quatre nucléotides différents dans l’ADN, que l’on nomme Adénine, Thymine, Guanine et Cytosine. Ces nucléotides, ou bases, forment des liaisons entre eux: A avec T et C avec G. Le code génétique, déchiffré au début des années 1960, est la règle qui permet de passer de l’alphabet de quatre lettres à un alphabet de 20 lettres, les acides aminés. (Il faut une succession de trois nucléotides -un codon- pour produire un acide aminé. À partir des quatre nucléotides, il y a donc 64 permutations possibles, soit 4x4x4, mais plusieurs de ces combinaisons codent pour le même acide aminé. Au total, seulement 20 acides aminés sont produits).
En résumé, un gène est formé de deux longues chaînes en spirale, dans lesquelles ces quatre molécules sont assemblées selon un code binaire. Les protéines, quant à elles, sont constituées d’une longue chaîne d’acides aminés, qui est toujours une combinaison des 20 acides aminés de base. Que l’on parle d’un humain ou d’une humble bactérie, ces règles sont immuables.
En important de l’ARN d’un autre organisme…
Pourtant, deux équipes, une américaine et une franco-germano-américaine, viennent de briser la règle des 20 acides aminés. Ils ont réalisé ce coup de maître en utilisant une bactérie classique en recherche, l’Escherichia coli. La première étude, publiée dans Science par l’équipe de Lei Wang de l’Institut de recherche Scripps à LaJolla en Californie, démontre comment il est possible d’incorporer un acide aminé entièrement synthétique dans la machinerie génétique du E. coli. Ils y sont parvenus, non pas en fabriquant un nouveau type d’ADN, mais en intervenant dans la deuxième étape de la mécanique génétique, celle de l’ARN. Ils ont ajouté un ARN et un enzyme provenant d’un autre organisme pour permettre l’insertion de ce nouvel acide aminé artificiel directement dans les protéines du E. coli. Ils ont réussi avec une efficacité de plus de 99%!
En fait, cette idée d’importer l’ARN d’un autre organisme remonte à plus de 20 ans. Ce n’est qu’aujourd’hui que les techniques de laboratoire permettent un tel tour de force. Un des collaborateurs de cette étude, Peter Schultz, également de l’Institut Scripps à LaJolla en Californie, travaille depuis de nombreuses années sur ce projet. Selon ce chimiste de formation, cette technique permettrait de mettre au point de nouveaux polymères aux propriétés physiques et chimiques encore inconnues. D’ailleurs, cette recherche a bénéficié de l’appui du géant pharmaceutique Novartis.
La deuxième étude visait à modifier les protéines de la bactérie E. coli et a été réalisée par Philippe Marlière du Génoscope en France et une équipe internationale. Ils ont utilisé une approche différente, celle de la sélection artificielle. Les chercheurs ont sélectionné des bactéries mutantes qui ne possèdent pas de mécanisme de vérification des enzymes. Ce mécanisme sert à s’assurer que certains enzymes sont produits au bon moment pour favoriser la synthèse des protéines. L’équipe de Marlière a donc utilisé ces bactéries mutantes pour insérer, à la place de l’acide aminé nommé valine, un acide aminé de synthèse, l’aminobutyrate.
Selon le biologiste August Böck de l’Institut de génétique et de microbiologie de Munich qui a publié une étude comparative de ces techniques dans la revue Science, ces deux approches démontrent qu’il est possible de déjouer les règles de la génétique. Il prétend que ces organismes modifiés seront bénéfiques à la production de nouvelles molécules dans le domaine de la biotechnologie, sans toutefois préciser pour quel type d’applications.
…ou en créant carrément un nouveau code génétique?
D’autres équipes travaillent carrément à créer un nouveau code génétique. On peut citer le groupe de Ronald Breslow de l’Université Columbia à New York, les équipes de Floyd Romesberg et Peter Shultz à l’Institut Scripps, le Français Philippe Marlière et plusieurs équipes japonaises.
La stratégie utilisée est différente de celle de la nature. Les liaisons entre les nucléotides A et T ainsi que G et C sont des liaisons entre les atomes d’hydrogène. Selon Floyd Romesberg, un nouveau nucléotide, disons Z, ne doit pas avoir la même structure et surtout pas la même capacité de faire des liaisons hydrogène sinon, on risque d’avoir des paires comme A et Z ou G et Z, des paires qui seraient incompatibles. Il faut donc créer, non pas un nouveau nucléotide, mais une paire de nouveaux nucléotides qui seront exclusifs, disons X et Z. Pour cela, Romesberg privilégie les molécules hydrophobes, qui s’incorporent bien aux nucléotides existants. D’ailleurs, son collègue Peter Shultz a déjà créé une vingtaine de ces nucléotides artificiels. Certains ont même été incorporés à des fragments d’ADN de l’Escherichia coli avec succès. Reste maintenant à passer de l’éprouvette aux cellules vivantes, une étape évidemment cruciale.
De la science-fiction?
À la phase actuelle de l’ensemble de ces travaux, la question technique fondamentale est de savoir si ces nouvelles molécules sont viables dans un organisme vivant. Selon Auguste Böck, il faut déterminer si les nouvelles protéines produites vont pouvoir survivre à toutes les étapes du métabolisme. Le premier obstacle à franchir est la mise en forme des protéines en structures tridimensionnelles. Est-ce que ces nouveaux acides aminés vont interférer avec ce processus? Quelle sera la fonction de ces protéines dans un organisme vivant? Et indépendamment de leur fonction, se pose la question des mécanismes de dégradation: est-ce que ces protéines pourront être métabolisées correctement?
À ce chapitre, on sait seulement que la bactérie Bacillus subtilis, par exemple, survit dans un environnement où l’acide aminé tryptophane a été remplacé par un acide aminé analogue, le fluorotryptophane. Cette bactérie produit alors sans problèmes des nouvelles protéines. À un point tel que si l’on retourne au tryptophane, il n’est plus incorporé aux protéines de la bactérie. Preuve que cette forme de vie primitive peut s’adapter à des changements importants dans sa constitution chimique. Cette nouvelle discipline, à l’interface entre la chimie organique et la génétique, soulève également des questions d’ordre éthique…
Sommes-nous à l’aube d’un monde nouveau où des créatures issus de ce génie génétique vont partager leur vie avec la nôtre? Il est évidemment trop tôt pour y répondre. Mais l’histoire des sciences nous enseigne que les choses peuvent évoluer très vite. Personne ne pouvait prédire l’avènement des OGM il y a 40 ans. Cette fois-ci, les scientifiques ont à leur disposition des techniques sophistiquées, notamment en synthèse de molécules, et en design moléculaire, qui pourraient les faire progresser rapidement.
Les organismes génétiquement modifiés qui se retrouvent dans nos assiettes ont un code génétique identique au nôtre. Pourtant, plusieurs scientifiques doutent encore de l’innocuité de ces aliments. Que dire alors d’aliments qui contiendraient des gènes différents des nôtres? Ce qui est le plus inquiétant, c’est qu’une grande partie de la recherche sur les OGM s’est déroulée dans les laboratoires des grandes entreprises, comme Monsanto, sans contrôle, ni débat éthique, social ou politique. Les produits se sont retrouvés sur le marché comme un fait accompli. En sera-t-il de même avec ces nouvelles molécules et les organismes qui pourraient en découler?
Le discours officiel des chercheurs de la «néo-génétique» n’a rien de philosophique. Pour eux, l’important est de créer de nouvelles protéines. Cette approche est discutable au moment où le séquençage du génome humain s’achève, donnant un accès royal aux protéines. Plusieurs projets de recherche internationaux se sont d’ailleurs attaqué au séquençage du protéome humain, qui a commencé à livrer de précieuses connaissances (voir notamment www.ebi.ac.uk/proteome). Dans ce contexte, on peut se demander pourquoi la création de nouvelles protéines ne pourrait pas partir des protéines existantes, sans avoir à modifier la nature même du code génétique pour y parvenir.
Cela dit, quel impact aura la création de formes de vie qui n’ont jamais existé auparavant, même après des millions d’années d’évolution? Ces techniques très fondamentales risquent de s’appliquer aussi bien aux bactéries qu’aux humains, qui sont soumis aux mêmes règles du vivant. Pour le moment, leurs travaux sont tellement originaux qu’ils échappent aux systèmes d’autorisations et de contrôle en vigueur dans la plupart des pays. Dès lors, il y a manifestement urgence pour les gouvernements et pour les organismes subventionnaires à examiner de plus près ce type de recherche.
Mais au bout du compte, on peut toutefois se demander ce qui empêchera les géants de la biotechnologie de poursuivre dans l’intimité de leurs puissants laboratoires cette transgression des lois de la nature, non pas au nom de l’avancement de la science, mais au nom du profit.
*Michel Rochon est journaliste scientifique à Montréal.
Pour en savoir plus:
Site du Groupe Romesberg, Institut Scripps
Site du Groupe Breslow, Université Columbia
Site du Laboratoire de Peter Schultz, Institut Scripps
Böck, A.: «Invading the Genetic Code», Science, vol. 292, no. 5516, avril 2001, pp 453-454.
Döring,V. et al: «Enlarging the Amino Acid Set of Escherichia coli», Science, vol. 292, no. 5516, avril 2001, pp 501-504.
Hirao,I.: «An unnatural base pair for incorporating amino acid analogs into proteins», Nature Biotechnology, vol. 20, no. 2, février 2002.
Wang, L. et al: «Expanding the Genetic Code of Escherichia coli», Science, vol. 292, no. 5516, avril 2001, pp 498-500.
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No 4 - juin, 2002
Vers une nouvelle Genèse?
Pour la première fois dans l’histoire des sciences du vivant, des chercheurs ont entrepris de créer de nouveaux organismes, qui ne correspondent pas aux règles du code génétique. Simple expérimentation ou véritable révolution?
Michel Rochon*
Pour la première fois, des chercheurs ont entrepris de modifier la machinerie moléculaire fondamentale du vivant. Certains ont littéralement ajouté de nouveaux éléments unitaires à l’ADN dans le but de synthétiser de nouveaux acides aminés, les éléments constitutifs des protéines.
Il n’y a actuellement qu’une poignée de laboratoires qui s’intéressent à cette nouvelle branche de la génétique, qu’on pourrait qualifier de «néo-génétique», mais elle suscite beaucoup d’intérêt. Ces scientifiques américains, japonais, allemands et français rêvent de créer des nouvelles molécules qui serviront à des applications pharmaceutiques ou biotechnologiques.
Par exemple, en février dernier, dans la revue Nature Biotechnology, Ischiro Hirao et son équipe japonaise rapportent qu’ils ont été en mesure de modifier le code génétique d’une bactérie en y incorporant des éléments qui n’existent pas dans la nature. Ils ont synthétisé deux nouveaux nucléotides –les éléments fondamentaux de l’ADN- qu’ils ont baptisé S et Y. Ils ont ainsi trafiqué le code génétique naturel, ce qui a ensuite produit de nouveaux acides aminés qui permettront éventuellement la synthèse de protéines aux propriétés encore inconnues.
Les interrogations que suscitent ces travaux sont nombreuses. Quelles sont les implications éthiques d’une telle manipulation de la base-même de la vie? Ces molécules seront-elles viables, pourra-t-on les intégrer à des organismes vivants à des fins thérapeutiques? Et de manière plus fondamentale: devons-nous créer des formes de vie entièrement nouvelles, susceptibles de ne pas répondre aux lois régissant l’évolution du vivant tel que nous le connaissons? Quels sont les risques associés à une telle démarche, pour l’humanité et pour le monde du vivant dans son ensemble?
Changer les règles de base de la programmation génétique…
Au cœur de la mécanique génétique se trouve un grand principe général, que partagent tous les êtres vivants. L’ADN est d’abord transcrit en différents types d’ARN, l’acide ribonucléique, pour être ensuite transformé en une chaîne d’acides aminés, c’est-à-dire en une protéine. C’est ce principe de base qui est subtilement trafiqué par les chercheurs d’aujourd’hui pour tenter de créer une nouvelle forme de vie.
Dans la nature, il y a seulement quatre nucléotides différents dans l’ADN, que l’on nomme Adénine, Thymine, Guanine et Cytosine. Ces nucléotides, ou bases, forment des liaisons entre eux: A avec T et C avec G. Le code génétique, déchiffré au début des années 1960, est la règle qui permet de passer de l’alphabet de quatre lettres à un alphabet de 20 lettres, les acides aminés. (Il faut une succession de trois nucléotides -un codon- pour produire un acide aminé. À partir des quatre nucléotides, il y a donc 64 permutations possibles, soit 4x4x4, mais plusieurs de ces combinaisons codent pour le même acide aminé. Au total, seulement 20 acides aminés sont produits).
En résumé, un gène est formé de deux longues chaînes en spirale, dans lesquelles ces quatre molécules sont assemblées selon un code binaire. Les protéines, quant à elles, sont constituées d’une longue chaîne d’acides aminés, qui est toujours une combinaison des 20 acides aminés de base. Que l’on parle d’un humain ou d’une humble bactérie, ces règles sont immuables.
En important de l’ARN d’un autre organisme…
Pourtant, deux équipes, une américaine et une franco-germano-américaine, viennent de briser la règle des 20 acides aminés. Ils ont réalisé ce coup de maître en utilisant une bactérie classique en recherche, l’Escherichia coli. La première étude, publiée dans Science par l’équipe de Lei Wang de l’Institut de recherche Scripps à LaJolla en Californie, démontre comment il est possible d’incorporer un acide aminé entièrement synthétique dans la machinerie génétique du E. coli. Ils y sont parvenus, non pas en fabriquant un nouveau type d’ADN, mais en intervenant dans la deuxième étape de la mécanique génétique, celle de l’ARN. Ils ont ajouté un ARN et un enzyme provenant d’un autre organisme pour permettre l’insertion de ce nouvel acide aminé artificiel directement dans les protéines du E. coli. Ils ont réussi avec une efficacité de plus de 99%!
En fait, cette idée d’importer l’ARN d’un autre organisme remonte à plus de 20 ans. Ce n’est qu’aujourd’hui que les techniques de laboratoire permettent un tel tour de force. Un des collaborateurs de cette étude, Peter Schultz, également de l’Institut Scripps à LaJolla en Californie, travaille depuis de nombreuses années sur ce projet. Selon ce chimiste de formation, cette technique permettrait de mettre au point de nouveaux polymères aux propriétés physiques et chimiques encore inconnues. D’ailleurs, cette recherche a bénéficié de l’appui du géant pharmaceutique Novartis.
La deuxième étude visait à modifier les protéines de la bactérie E. coli et a été réalisée par Philippe Marlière du Génoscope en France et une équipe internationale. Ils ont utilisé une approche différente, celle de la sélection artificielle. Les chercheurs ont sélectionné des bactéries mutantes qui ne possèdent pas de mécanisme de vérification des enzymes. Ce mécanisme sert à s’assurer que certains enzymes sont produits au bon moment pour favoriser la synthèse des protéines. L’équipe de Marlière a donc utilisé ces bactéries mutantes pour insérer, à la place de l’acide aminé nommé valine, un acide aminé de synthèse, l’aminobutyrate.
Selon le biologiste August Böck de l’Institut de génétique et de microbiologie de Munich qui a publié une étude comparative de ces techniques dans la revue Science, ces deux approches démontrent qu’il est possible de déjouer les règles de la génétique. Il prétend que ces organismes modifiés seront bénéfiques à la production de nouvelles molécules dans le domaine de la biotechnologie, sans toutefois préciser pour quel type d’applications.
…ou en créant carrément un nouveau code génétique?
D’autres équipes travaillent carrément à créer un nouveau code génétique. On peut citer le groupe de Ronald Breslow de l’Université Columbia à New York, les équipes de Floyd Romesberg et Peter Shultz à l’Institut Scripps, le Français Philippe Marlière et plusieurs équipes japonaises.
La stratégie utilisée est différente de celle de la nature. Les liaisons entre les nucléotides A et T ainsi que G et C sont des liaisons entre les atomes d’hydrogène. Selon Floyd Romesberg, un nouveau nucléotide, disons Z, ne doit pas avoir la même structure et surtout pas la même capacité de faire des liaisons hydrogène sinon, on risque d’avoir des paires comme A et Z ou G et Z, des paires qui seraient incompatibles. Il faut donc créer, non pas un nouveau nucléotide, mais une paire de nouveaux nucléotides qui seront exclusifs, disons X et Z. Pour cela, Romesberg privilégie les molécules hydrophobes, qui s’incorporent bien aux nucléotides existants. D’ailleurs, son collègue Peter Shultz a déjà créé une vingtaine de ces nucléotides artificiels. Certains ont même été incorporés à des fragments d’ADN de l’Escherichia coli avec succès. Reste maintenant à passer de l’éprouvette aux cellules vivantes, une étape évidemment cruciale.
De la science-fiction?
À la phase actuelle de l’ensemble de ces travaux, la question technique fondamentale est de savoir si ces nouvelles molécules sont viables dans un organisme vivant. Selon Auguste Böck, il faut déterminer si les nouvelles protéines produites vont pouvoir survivre à toutes les étapes du métabolisme. Le premier obstacle à franchir est la mise en forme des protéines en structures tridimensionnelles. Est-ce que ces nouveaux acides aminés vont interférer avec ce processus? Quelle sera la fonction de ces protéines dans un organisme vivant? Et indépendamment de leur fonction, se pose la question des mécanismes de dégradation: est-ce que ces protéines pourront être métabolisées correctement?
À ce chapitre, on sait seulement que la bactérie Bacillus subtilis, par exemple, survit dans un environnement où l’acide aminé tryptophane a été remplacé par un acide aminé analogue, le fluorotryptophane. Cette bactérie produit alors sans problèmes des nouvelles protéines. À un point tel que si l’on retourne au tryptophane, il n’est plus incorporé aux protéines de la bactérie. Preuve que cette forme de vie primitive peut s’adapter à des changements importants dans sa constitution chimique. Cette nouvelle discipline, à l’interface entre la chimie organique et la génétique, soulève également des questions d’ordre éthique…
Sommes-nous à l’aube d’un monde nouveau où des créatures issus de ce génie génétique vont partager leur vie avec la nôtre? Il est évidemment trop tôt pour y répondre. Mais l’histoire des sciences nous enseigne que les choses peuvent évoluer très vite. Personne ne pouvait prédire l’avènement des OGM il y a 40 ans. Cette fois-ci, les scientifiques ont à leur disposition des techniques sophistiquées, notamment en synthèse de molécules, et en design moléculaire, qui pourraient les faire progresser rapidement.
Les organismes génétiquement modifiés qui se retrouvent dans nos assiettes ont un code génétique identique au nôtre. Pourtant, plusieurs scientifiques doutent encore de l’innocuité de ces aliments. Que dire alors d’aliments qui contiendraient des gènes différents des nôtres? Ce qui est le plus inquiétant, c’est qu’une grande partie de la recherche sur les OGM s’est déroulée dans les laboratoires des grandes entreprises, comme Monsanto, sans contrôle, ni débat éthique, social ou politique. Les produits se sont retrouvés sur le marché comme un fait accompli. En sera-t-il de même avec ces nouvelles molécules et les organismes qui pourraient en découler?
Le discours officiel des chercheurs de la «néo-génétique» n’a rien de philosophique. Pour eux, l’important est de créer de nouvelles protéines. Cette approche est discutable au moment où le séquençage du génome humain s’achève, donnant un accès royal aux protéines. Plusieurs projets de recherche internationaux se sont d’ailleurs attaqué au séquençage du protéome humain, qui a commencé à livrer de précieuses connaissances (voir notamment www.ebi.ac.uk/proteome). Dans ce contexte, on peut se demander pourquoi la création de nouvelles protéines ne pourrait pas partir des protéines existantes, sans avoir à modifier la nature même du code génétique pour y parvenir.
Cela dit, quel impact aura la création de formes de vie qui n’ont jamais existé auparavant, même après des millions d’années d’évolution? Ces techniques très fondamentales risquent de s’appliquer aussi bien aux bactéries qu’aux humains, qui sont soumis aux mêmes règles du vivant. Pour le moment, leurs travaux sont tellement originaux qu’ils échappent aux systèmes d’autorisations et de contrôle en vigueur dans la plupart des pays. Dès lors, il y a manifestement urgence pour les gouvernements et pour les organismes subventionnaires à examiner de plus près ce type de recherche.
Mais au bout du compte, on peut toutefois se demander ce qui empêchera les géants de la biotechnologie de poursuivre dans l’intimité de leurs puissants laboratoires cette transgression des lois de la nature, non pas au nom de l’avancement de la science, mais au nom du profit.
*Michel Rochon est journaliste scientifique à Montréal.
Pour en savoir plus:
Site du Groupe Romesberg, Institut Scripps
Site du Groupe Breslow, Université Columbia
Site du Laboratoire de Peter Schultz, Institut Scripps
Böck, A.: «Invading the Genetic Code», Science, vol. 292, no. 5516, avril 2001, pp 453-454.
Döring,V. et al: «Enlarging the Amino Acid Set of Escherichia coli», Science, vol. 292, no. 5516, avril 2001, pp 501-504.
Hirao,I.: «An unnatural base pair for incorporating amino acid analogs into proteins», Nature Biotechnology, vol. 20, no. 2, février 2002.
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COLLET- Combat avec Sainte Marie
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Tout va dans le mauvais sens.
Heureusement que j'ai la Foi.
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Jean21- Pour la Paix
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