De l'exaltation de la Sainte Croix
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De l'exaltation de la Sainte Croix
Comme convenu, voici le premier texte majeur de saint François de Sales dont je vous ai parlé. Celui-ci, relativement difficile à trouver, s’intitule « de l’exaltation de la sainte croix (Entretien XXII) ». Ce texte nous rappelle des notions fortes. Celles-ci sont intimement liées aux béatitudes qui, aujourd’hui, n’existent plus que dans les livres rongés par le temps. Il est l’heure de les dépoussiérer et de faire de ces écrits nos valeurs, nos pensées afin de rester dans la vertu et de tourner le dos au péché. Il s’agit du seul moyen de sauver la France de la guerre et des fléaux, même si nous ne sommes plus qu’une poignée à conserver précieusement le flambeau de la vraie foi.
Le prochain texte publié sera celui de la « crucifixion de Jésus-Christ (Entretien XXIII) » expliquée en détail par le vénérable saint François de Sales.
NB : J’ai placé les annotations personnelles entre parenthèses et en italiques, dans le texte suivant, afin d’en éclaircir le sens lorsque cela semblait indispensable.
« Dieu m’a donné un extraordinaire désir de planter en tous les cœurs des enfants de la sainte Église, la révérence et l’amour de la sainte croix de Notre-Seigneur Jésus- Christ ; j’ai plusieurs fois considéré qu’après que le grand Judas Machabée eut réédifié le temple de l’ancienne synagogue, la nation hébraïque sentit tant de consolation, que tous les peuples tombant en face (contre terre), louèrent et bénirent Dieu, qui les avait ainsi favorisés. Dans cette pensée je dis : ô mon Dieu, quelle consolation et jubilation de cœur doivent avoir les chrétiens, considérant l’exaltation de la sainte croix, laquelle ayant été terrassée et abattue par les infidèles, fut relevée et redressée par ce généreux capitaine Héraclius. Certes notre joie doit être d’autant plus grande, qu’en cet ancien temple il n’y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des agneaux, etc. Mais sur la croix, et en la croix, le Fils éternel de Dieu s’est offert et immolé pour nous.
L’ancien temple ne fut jamais teint d’autre sang que des bêtes, mais cette sainte croix a été teinte du sang de l’auteur et consommateur de tous les sacrifices : cette croix surpasse d’autant plus la magnificence de l’ancien temple, que le sacrifice de la sainte croix surpasse tous les autres ; et il n’y a point de bons chrétiens, qui ne doivent aimer plus tendrement la pauvreté, l’abjection, et les douleurs de la croix de Jésus-Christ, que les anciens Juifs n’aimaient les richesses, la magnificence, et les délices de leur temple.
Cet ancien temple fut édifié trois fois ; la première sous Salomon, la seconde sous Darius, et la troisième sous Machabée : et ainsi la très-sainte croix a été exaltée trois fois ; la première sous Notre-Seigneur Jésus-Christ, la seconde sous Constantin, par la dévote sainte Hélène, et la troisième sous Héraclius. Les bons Juifs ont toujours essayé de rebâtir leur temple quand les ennemis l’ont abattu, ou qu’ils y ont fait des brèches ; de même, les bons chrétiens doivent d’autant plus travailler à exalter la sainte croix, que ses ennemis s’efforcent d’en abattre l’honneur et la dévotion.
Saint Paul, cet incomparable maître et docteur de l’Église naissante, avait pris Jésus-Christ en la croix pour les délices de ses amours, pour le thème de ses sermons, pour le but de toutes ses gloires, pour le terme de toutes ses prétentions en ce monde, et pour l’appui de toutes ses espérances en l’éternité. J’ai estimé, dit-il, ne rien savoir que mon Jésus crucifié ; il ne m’arrivera point que je me glorifie en quelque autre chose qu’en la croix de mon Jésus ; ne croyez pas, mes chers Galates, que j’aie d’autre vie que celle de la croix : car je vous assure, que je vois et sens tellement partout la croix de mon Sauveur, que par sa grâce je suis tout à fait crucifié au monde, et le monde m’est entièrement crucifié. Bien heureuse est l’âme qui voit ainsi partout Jésus-Christ crucifié.
Je conseille volontiers à mes dévots et dévotes, pour se rafraîchir plus souvent la mémoire de la très-sainte croix, qu’ils en portent toujours une, ou à leur cou, ou à leurs chapelets, et qu’ils ne soient jamais sans avoir une croix sur eux pour la voir et baiser souvent : car le baiser est un signe d’amitié : c’est pourquoi Jésus- Christ, le parfait amant de nos âmes, baisait ses apôtres, quand ils revenaient à lui. Et Saint Paul enseignait à ses disciples ; saluez-vous l’un l’autre de ma part, en vous donnant le saint baiser.
Quiconque baise (considérez comme le vocabulaire contemporain est vulgaire. Ici, le verbe conjugué « baise » étant à prendre au premier sens du terme : un simple baiser appliqué avec la bouche) sans feinte et sans hypocrisie, mais avec une vertueuse intention, son frère chrétien, témoigne en vérité qu’il l’aime. Or, pour preuve de notre foi, il ne se faut pas contenter de baiser la croix, mais il faut aimer la croix ; car la baiser sans l’aimer, c’est augmenter le crime de notre infidélité, et attirer sur nous les punitions de ce peuple, duquel Jésus-Christ disait : « Ces gens ici m’honorent des lèvres, ils me donnent des baisers hypocrites et des feintes louanges ; mais leur cœur est fort éloigné de moi, et par conséquent leurs œuvres sont fort éloignées de mes intentions. » D’où le chrétien doit inférer (déduire) que ce n’est pas assez d’honorer la croix, s’il ne l’aime ; de la baiser, s’il ne l’embrasse par une cordiale et ferme résolution, non seulement d’aimer le crucifix, mais encore la crucifixion de cœur.
Quelques contemplatifs ont médité que Jésus-Christ, dans la boutique de saint Joseph, et dans les trente ans de son adorable vie cachée, s’occupait quelquefois à faire des croix pour toutes sortes de personnes ; et j’ose de sa part en présenter à tous.
À messeigneurs les prélats, je présente la croix de la sollicitude et des travaux qu’il faut qu’un bon pasteur souffre pour garder, augmenter, nourrir, perfectionner et corriger ses brebis : cette croix du pasteur est la première que Jésus a portée ; je le prouverais facilement par sa crèche, par ses courses, par ses lassitudes et sueurs, proche du puits de la Samaritaine, et par son charitable soin pour ceux mêmes qui le tourmentaient
Aux religieuses et autres gens d’Église, je présente la croix de la solitude, du célibat et de l’abnégation du monde ; croix sainte, qui a vraiment touché celle de Notre-Seigneur ; croix précieuse portée par la Vierge des vierges, Notre-Dame, qui, après son adorable Fils, a été la plus sainte, la plus innocente, et la plus entièrement crucifiée de toutes les âmes aimantes de la très-sainte croix.
À messieurs de la noblesse, je donne la croix de la modestie, le bon usage du temps par des occupations d’esprit, bonne et sainte, autant relevée par-dessus les œuvres manuelles des roturiers, que leur condition leur donne de prééminence, et leur naissance d’avantage sur les autres ; et pour troisième branche de cette croix, qu’ils aient l’amour du vrai honneur, qui est la seule vertu de piété et crainte de Dieu, et la fuite de ce fantôme d’honneur imaginaire qui les poursuit, et qui s’étant emparé d’eux, les jette dans la vanité, dans l’estime de soi-même, et de-là dans les duels (les duels étant le moyen de l’époque de mettre un terme à une querelle), et des duels dans la damnation éternelle.
À messieurs de la justice, je présente la croix de la doctrine de l’équité et de la sincère vérité ; croix vraiment digne des ministres et officiers du Dieu juste et vivant, qui fait marcher la justice et le jugement devant sa face, et juge toute la terre en équité et vérité, comme parle David : « croix désirable qui crucifie les respects humains, la crainte des hommes, et l’amour du propre intérêt, fait fleurir dans une province la paix et le repos des familles. »
À ceux du tiers état, j’offre la croix de l’humilité, du travail et labeur de leurs mains, croix que Dieu a attachée à leur naissance, mais sanctifiée par l’usage que Jésus-Christ a fait du métier de charpenterie ; et il a fait dire de soi-même par son prophète (les prophètes d’Israël ayant parlé en Son nom) : « Je suis dans le travail et le labeur dès ma jeunesse : cette croix du travail est très salutaire, pour aider les hommes au salut éternel, parce que l’oisiveté étant la mère des vices, une nécessaire et bonne occupation délivre l’âme de mille fantaisies, qui sont la source des péchés, et la tient dans une aimable innocence et bonne foi.
Aux jeunes gens, je destine la croix de l’obéissance, de la chasteté et de la retenue en leurs déportements (comportements) ; croix salutaire, qui crucifie les fougues d’un jeune sang, qui commence à bouillir, et d’un courage qui n’a pas encore la prudence pour guide ; qui rendra enfin nos jeunes gens capables de porter le très-suave joug de Notre-Seigneur, en quelque condition que Son inspiration les appelle.
Aux vieillards, je présente la croix de la patience, de la douceur et du sage conseil ; croix qui requiert un cœur armé de courage, car ils ne trouveront dans cet âge avancé et refroidi, que labeur et douleur sur la terre ; c’est le dire de David.
Il y a si grand nombre de croix pour les personnes mariées et chargées de famille, qu’il n’est pas besoin de leur en destiner de particulières ; néanmoins, celle que je leur présente plus volontiers, c’est le support mutuel, l’amitié fidèle et non interrompue par des amours étrangers (des aventures extra-conjugales), et le soin de l’élévation (l’éducation) des enfants, en donnant bon exemple à toute la famille : ne se pas rendre criminel des crimes d’autrui (ne pas pointer du doigt le défaut des autres afin de conserver une conduite sainte).
Les veuves ne manquent non plus de croix ; si elles sont vraies veuves, leur cœur, leur amour et leur plaisir doivent être attachés à la croix de Jésus-Christ, par l’abnégation des passe-temps du monde, et par la méditation de la mort, puisque leur chère moitié est déjà pourrissante au tombeau.
Le glorieux saint Antoine vit un jour toute la terre couverte de pièges et de filets (nous sommes dans ces temps annoncés par saint Antoine : les filets pouvant symboliser la maille de l’internet et les pièges, les multinationales et autres entités politiques internationales) ; et il me semble que de mes yeux intérieurs, je la vois toute parsemée de croix (la période de paix prophétisée avant la fin annoncée) ; heureux ceux qui ne fuient point la croix. Judas, ce perfide disciple, mena son infernale troupe pour prendre Jésus, et le faire clouer à la croix ; mais quant à lui, le malheureux, il refusa entièrement la croix, ne voulant pas seulement celle de la sainte contrition et pénitence que Jésus-Christ lui offrait. Ceux qui refusent de prendre humblement et porter vertueusement les croix que Dieu leur présente en cette vie, auront en l’autre le partage de Judas.
Le grand roi Salomon dit, que tout ce qui se passe sous le soleil est vanité et affliction d’esprit : cela présupposé, il n’y a point d’homme sous le soleil qui puisse éviter les croix et la souffrance : mais les impies, les âmes mal faites, sont, contre leur gré et en dépit qu’elles en aient (des croix à porter), attachées à la croix et aux tribulations, et par leur impatience elles se rendent leurs croix fatales ; elles ont des sentiments d’estime d’elles-mêmes, approchant ceux du mauvais larron : elles unissent par ce moyen leur croix à celle de ce méchant, et aussi infailliblement leurs salaires seront égaux : Hélas !
Le bon larron fit, d’une mauvaise croix, une croix de Jésus-Christ ; certes les travaux, les injures, les tribulations que nous recevons, sont des croix du vrai larron, et nous les avons bien méritées ; et nous devons humblement dire comme ce bon larron : « Nous recevons dans nos souffrances ce que nous avons mérité par nos offenses ; et par cette humilité, nous rendons notre croix de larron, une croix de vrai chrétien. Unissons donc, comme le bon larron, notre croix de pécheur, à la croix de celui qui nous a sauvés par Sa croix ; et par cette amoureuse et dévote union de nos souffrances aux souffrances et croix de Jésus-Christ, nous entrerons, comme des bons larrons, dans son amitié, et à sa suite dans son paradis. »
Regardant donc la sainte croix de Jésus avec un cœur plein d’amour et de révérence, je ferai ces éternelles et inviolables résolutions.
Ô mon Jésus, le bien-aimé de mon âme ! Permettez- moi que, comme un bouquet de myrrhe, je vous serre sur mon sein, et que je baise le pied de cette sainte croix, teinte de votre précieux sang, et que je vous dise que ma bouche, qui est si heureuse que de baiser (d’embrasser tendrement et avec amour) votre sainte croix, s’abstiendra désormais de médisance, de murmure et de lasciveté ; mes yeux qui voient, ô Jésus, vos larmes couler pour mes péchés sur la croix, ne regarderont jamais chose qui vous soit contraire : ces deux luminaires de mon corps défailleront, à force de regarder en haut mon Sauveur élevé sur la croix ; je les détournerai, afin qu’ils ne voient la vanité du monde, mais qu’ils considèrent toujours la vérité de votre sainte dilection (amour spirituel).
Mes oreilles, qui entendent avec tant de consolation les sept paroles prononcées sur la croix, ne prendront plus de plaisir aux vaines louanges, aux faux rapports, aux discours abaissant mon prochain, aux vains propos, aux devis inutiles (conversations superflues).
Mon entendement, qui considérera avec goût les adorables mystères de la très-sainte croix, ne se ravalera jamais en des malicieuses et mauvaises imaginations.
Ma volonté, qui s’est soumise aux lois de la sainte croix et à l’amour de Jésus-Christ crucifié, ne haïra jamais personne, parce que son bien-aimé, Jésus, est mort d’amour pour tous.
Enfin, mon zèle sera de planter la croix en mon cœur, en mon entendement, en mes yeux, en mes oreilles, en ma bouche, en tous mes sens intérieurs et extérieurs, afin que rien n’y entre ni n’en sorte, qui ne soit contraint de demander congé à la sainte croix. Je formerai ce sacré signe avec révérence, j’en marquerai mon cœur à mon réveil, et avant mon dormir ; et cherchant en la sainte croix mon support parmi les angoisses de cette vie, j’espère d’y trouver ma joie éternelle : car ayant aimé Jésus-Christ crucifié en ce monde, je jouirai en l’autre de Jésus glorifié, auquel soit honneur et gloire aux siècles des siècles. Ainsi soit-il. Dieu soit béni. »
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