** Chant Grégorien **

Chant Grégorien
Durée : 51 Mn 37... de calme dans la Paix du Seigneur

très beau Maud, merci j'aime beaucoup !

J'écoute ces chants en parcourant le forum. Merci!

Dominicains de Fribourg: le chant grégorien en version 2.0

Alexandre Frezzato et Stefan Ansinger, dominicains du couvent Saint-Hyacinthe de Fribourg, diffusent sur Youtube des pièces de chant grégorien, depuis novembre 2019. Avec l’idée initiale de faire profiter les autres communautés de leur travail. Contre toute attente, l’expérience connaît un bel engouement sur la toile.

https://www.cath.ch/newsf/dominicains-de-fribourg-le-gregorien-en-version-2-0/

En l'honneur de Saint Thomas d'Aquin   que nous fêtons aujourd'hui, auteur de ce très beau chant d'Adoration  

Le chant est vraiment en accord avec les paroles. Tantôt des cris, tantôt des suppliques.
Les voix sont extraordinaires.



Si avec ça on n'arrive pas à voyager au moyen-âge

Demain, nous célébrerons le 22e dimanche du Temps Ordinaire. Pour célébrer ce dimanche, nous avons choisi à Neumz le chant d’offertoire Domine in auxilium. Le texte, tiré du Psaume XXXIX, versets 14-15, est une supplication qui est toujours sur les lèvres de l’Eglise, toujours confrontée à des persécutions ici et là.... « Seigneur, tourne ton regard pour me secourir ». Et ces persécutions nous concernent également, car nous sommes nous aussi constamment menacés par les ennemis visibles ou invisibles de nos âmes. Les ennemis du psalmiste sont mentionnés, comme c’est souvent le cas dans les psaumes, et le châtiment du Seigneur est invoqué contre eux. Dans la mesure où nous avons reçu le message du Christ et ses exigences infinies de pardon, les ennemis ne sont plus ceux du peuple de Dieu, ils ne sont plus ceux de tel ou tel individu, car la loi nouvelle nous demande de les aimer. Ce ne sont plus des frères en humanité, mais des réalités spirituelles : ce sont nos péchés, nos mauvaises actions et aussi les instigateurs de ces actions, c’est-à-dire le diable et ses armées d’esprits impies, qui appartiennent irrémédiablement au monde des ténèbres, de la haine et de l’orgueil ; et nous, les hommes, créatures inférieures mais gratifiées de l’amour de Dieu qui s’est incarné pour nous, nous sommes devenus l’objet d’une haine incurable de la part de ces êtres invisibles. Le combat spirituel entre la lumière et les ténèbres est une réalité à laquelle nous ne devons pas nous soustraire.

Quant à la mélodie, cet offertoire a la particularité mélodique d’avoir une sorte de refrain. En effet, la plupart des anciens offertoires étaient de type responsorial, c’est-à-dire qu’ils étaient composés de plusieurs versets ornés, chantés par un soliste ou une schola, séparés par un refrain repris par le chœur. Notre offertoire est un vestige de cette ancienne forme de chant lors de la longue procession de l’offertoire. La première phrase, très courte, qui sert de refrain - Domine in auxilium meum respice - est suivie d’un verset plus long et plus développé, auquel succède la troisième phrase, répétition du même refrain, dans une mélodie parfaitement identique à celle de la première phrase.

Cette mélodie, composée en 6ème mode, est modeste, ne dépasse pas le LA et reste généralement dans la tierce FA-LA, avec quelques descentes à la quarte inférieure (FA-MI-RÉ-DO) du 6ème mode. C’est une mélodie empreinte d’une grande paix. C’est la prière d’une âme complètement abandonnée qui repose dans les bras de Dieu, dans une tranquillité et une joie si profondes que rien ne peut l’émouvoir.

Dès le début de la pièce, l’âme chante avec confiance sur la tonique, le FA, amplifié par la tristropha, avant la descente de quarte sur la syllabe finale, où elle s’incline avec une révérence totale sur le pes quadratus, DO-RÉ. De là, elle revient avec un bel élan vers le FA dans l’accent auxilium, souligné par une bivirga. C’est bien le triomphe paisible de la confiance qui s’exprime ici dès le début, et cela nuance le texte, qui lui-même fait penser à un appel au secours. Le mot auxilium se termine également par un pes quadratus, FA-SOL, qui invite le mouvement mélodique à poursuivre son crescendo jusqu’à l’adjectif possessif meum, point culminant de cette phrase où s’épanouit pleinement cette tendresse confiante dans le Seigneur. La mélodie atteint pour la première fois la dominante, le LA, dans un beau mouvement solennel de scandicus allongé qui reçoit l’intensité de cette confiance totale du priant dans l’aide qu’il reçoit du Seigneur. Le LA, doublé d’une clivis avec épisème dans le manuscrit d’Einsiedeln continuera à sonner dans la syllabe finale du mot mais avec un mouvement plus léger et plus fluide avant que le mouvement mélodique ne revienne définitivement au FA pour souligner, par un élégant torculus cadentiel, l’impératif qui conclut cette première phrase, respice - regarde - fixe son regard : dans la cadence, ce sont les degrés de FA et de SOL, sur lesquels repose presque exclusivement cette première phrase, qui dessinent ce respice, cet appel du priant au Seigneur pour qu’Il tourne ses yeux vers lui et l’aide. Tout est intimité et espérance confiante.

La deuxième phrase commence légèrement, l’orateur élève la voix, confundantur - qu’ils soient confondus, le mouvement vers le LA est décisif, notamment dans l’accentuation du mot. L’épiphonus nous invite à savourer cette supplication avec toutes ses lettres avant que la mélodie ne revienne avec révérence sur le FA : l’orateur chante avec la pleine certitude qu’il sera entendu. Dans revereantur - qu’ils soient remplis de honte - après un bref récitatif sur le FA qui renforce cette pleine assurance que la supplication sera entendue, la mélodie descend sur le RÉ. Dans l’accent du mot, de l’articulation du RÉ initial émane une prosternation de la mélodie qui finit par se « clouer » au DO, comme ceux qui seront confondus et devront s’agenouiller devant le Très-Haut. Tout le mouvement mélodique est fluide, léger, et, au grave, d’une grande révérence.

La montée de qui quaerunt, avec son accent très ferme et quelque peu emphatique, nous ramène au FA. De nouveau un saut de quarte, mais cette fois-ci ascendant, ainsi que l’articulation initiale dans l’accent de quaerunt donnent beaucoup de force à ce verbe, mais cette impulsion est contenue, calmée et devient intérieure et contemplative dans animam meam. Ceux qui cherchent mon âme, tout ce qui nous sépare de Dieu, ce qui nous incite à tomber sur notre chemin d’élévation. Le locuteur ne perd jamais sa sérénité, il ne se sent pas troublé dans cette pièce : surtout dans l’adjectif possessif meam, il chante avec une dévotion révérencieuse au plus profond de son être. Notons l’utilisation du quilisma pour la première et unique fois dans cet offertoire qui prolonge cette contemplation, ainsi que l’oscillation du mouvement mélodique autour du RÉ dans le registre grave de la pièce, touchant même le DO.

Dans la dernière incise, ut auferant eam - pour l’emporter - le même motif que dans qui quaerunt est répété, un saut ascendant d’une quarte qui donne une impulsion vigoureuse à la mélodie et la sort de sa contemplation. L’accent de auferant est également souligné, mais la mélodie dépasse ici le SOL et s’élève jusqu’au LA de la fin du verbe, résonnant des échos de auxilium meum (FA-SOL-LA-SOL). Cet offertoire pieux et confiant se termine par une admirable cadence, synthèse de la pièce, à eam - elle (mon âme) : une magistrale descente par tierces, LA-FA-RÉ, pleine de révérence et de dévotion, ainsi que deux développements à l’unisson autour du FA avec deux sauts de quarte ascendants et descendants, DA-FA, FA-DO, sont tout simplement le dernier génie compositionnel de ce chant et la touche finale d’une supplication confiante, sereine, paisible, dans laquelle le priant se tourne vers le Seigneur, cherchant son aide et sachant avec certitude que son Créateur lui rendra la pareille.