L'Aventureuse histoire du Seigneur Esprit.
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L'Aventureuse histoire du Seigneur Esprit.
Pour entendre ce conte, il faut se fermer les yeux, descendre au fond de son coeur et s'ouvrir à une présence qui déploie un vaste horizon, devant nous, sans bruit. Car le Seigneur Esprit est comme un souffle, un vent qui passe. Il est le souffle divin qui veut respirer en nous, et nous inspirer sa vie. Le Seigneur Esprit, c'est le Dieu de la modestie, du silence, du mouvement intérieur qui guide, parfois avec bourrasque, le plus souvent paisiblement. Il lui arrive de produire des étincelles de lumière là où il faut que le jour paraisse.
*
Le Seigneur Esprit planait sur les eaux mouvantes de la première création. La Parole de Dieu parla fort; elle cria l'existence du monde comme un grand tourbillon lancé dans les espaces infinis. Mais l'Esprit planait, déposait son ombre, pour que l'ordre se fasse et que la vie surgisse. Le Seigneur Esprit a toujours travaillé dans l'ombre. Il est la patience de Dieu. Il est le mouvement inlassable de Dieu qui met de l'ordre dans les affaires du monde.
Aussi, après avoir longtemps laissé le monde s'organiser sous l'impulsion du souffle originel, et lorsque les temps furent bons, le Seigneur Esprit insuffla dans la matière ennoblie le souffle de l' être humain . Et il continua d'accompagner cette gent qui croissait en dispersion. Ce fut un long temps de croissance muette ou colérique, selon les cas, auquel l'Esprit demeura toujours attentif. Il était le souffle de vie qui creuse son chemin pour croître à l'encontre des blessures, des désertions et de la mort. Écoutez la très belle page de Jean d'Ormesson, "En l'honneur des hommes". Et goûtez cette lente montée des premiers humains vers l'accouchement de leur humanité.
Ils marchaient. Ils vivaient. Ils venaient de très loin. Ils avaient traversé des déserts et des forêts, des montagnes et des fleuves. Beaucoup étaient morts et les autres mourraient. Mais il y avait des enfants pour continuer à vivre et pour marcher encore. Il n'y avait pas d'écriture et il n'y avait pas d'histoire. Il n'y avait guère de langage. Ils mangeaient des herbes, du miel, des fruits sauvages, des animaux qu'ils tuaient avec des flèches de pierre et des piques de bois. Si les souvenirs et la mémoire avaient pu se transmettre de génération en génération, ils auraient su d'où ils venaient et le mystère des origines en aurait été éclairé. Mais des siècles et des siècles s'étaient succédé presque sans fin. Ou plutôt: sans vrai début. Et la pensée, en ce temps-là, ne servait qu'à survivre. Avec leurs pièges et leurs armes grossières, à travers la lutte sans cesse recommencée contre le froid et la faim, ils survivaient...
(...) Ils venaient d'Afrique. Mais l'Afrique n'existait pas. Ils venaient d'Asie. Mais l'Asie n'existait pas. Certains se jetaient sur la mer et réussissaient à la vaincre. De formidables échecs menaient à des victoires inconnues et inouïes . Le langage, le feu, les rudiments d'agriculture et d'élevage, l'amour surgissaient peu à peu. L'homme accouchait de lui-même sous le regard du Dieu tout-puissant qui ne fait rien du tout, qui l'avait à peine créé et qui le bénissait...
Le Seigneur Esprit accompagna de son souffle éternel la lente pérégrination de la caravane humaine, à travers les empires qui se mesurèrent aux jeux des guerres et se succédèrent au timon des nations. Des empires, cependant, créèrent des cultures prodigieuses où croissait une humanité plus consciente d'elle-même; des cultures accompagnées de balbutiements religieux adressés à des dieux avides de posséder le fief humain. Alors les passions des hommes calquèrent celles des dieux sur qui ils projetaient leur indigence profonde. Et la confusion régna à travers des autocraties qui, le plus souvent, mutilaient l'être humain. La condition de survie des longs débuts se poursuivait à d'autres niveaux.
*
Un jour de notre temps humain, au milieu des foules grouillantes et terreuses, Dieu discerna l'ombre d'un homme où planait l'Esprit... Un homme à la fois quelconque et prodigieux d'humilité et de disponibilité. Avec lui - et avec l'Esprit naviguant qui le conduisait en douceur à travers les arrachements inévitables de la mue divine - Dieu initia une nouvelle étape de son projet créateur. Un projet difficile de partenariat humain-divin où l'Esprit s'ingénierait, avec le plus grand respect de l'humaine volonté, à recréer sans cesse l'harmonie de la première alliance de Dieu avec sa création. Cet homme s'appela Abraham... Puis Jacob, Joseph, Moïse, Samuel, David, Élie, Isaïe, Amos, Jérémie, Ézékiel. Le Seigneur Esprit, au nom et à l'heure de Dieu, s'emparait de chacun et lui insufflait sa mission auprès du peuple en marche: il se fit bourrasque violente, douce plainte et brise du soir, lamentation incessante, urgence et réconfort. À travers ces hommes, le Seigneur Esprit n'abandonna jamais le peuple qui, hélas, courait encore à ses idoles frivoles. L'Esprit de Dieu veillait, redoublait d'intensité en son labeur, car s'approchait le temps de construire à neuf un Royaume de Dieu pour les humains de bonne volonté. Il fut même l'Esprit d'un peuple en exil où la purification humiliante retapait l'image de Dieu au coeur humain transpercé. Il en sortit le Serviteur de Yahvé , un Serviteur souffrant qui annonçait l'imminence du temps divin.
Voici mon serviteur que je soutiens,
mon élu, que préfère mon âme.
J'ai mis sur lui mon esprit
pour qu'il apporte aux nations le droit.
Il ne crie pas, il n'élève pas le ton,
il ne fait pas entendre sa voix dans les rues.
Il ne rompt pas le roseau broyé,
il n'éteint pas la flamme vacillante.
Fidèlement, il apporte le droit,
il ne vacille ni n'est broyé
jusqu'à ce que le droit soit établi sur terre,
car les îles attendent ses instructions.
Ainsi parle Yahvé, Dieu,
lui qui a créé les cieux et les a déployés,
qui a solidifié la terre et produit sa végétation,
qui a donné l'haleine au peuple qui l'habite
et le souffle aux êtres qui s'y meuvent.
Moi, Yahvé, je t'ai appelé dans la justice,
je t'ai pris par la main et je t'ai formé,
je t'ai désigné comme alliance du peuple et lumière des nations,
pour ouvrir les yeux des aveugles,
pour faire sortir de prison les captifs
et du cachot ceux qui habitent les ténèbres.
*
Encore quelques siècles de tâtonnement et de déchirement, puis " vint la plénitude des temps ", tel que Dieu l'avait déterminé en sa Sagesse éternelle. La Parole qui avait créé les mondes, sous le souffle de l'Esprit générateur, entra elle-même en création humaine. Mystère insondable où l'éternel incréé se fait créature faillible, où la vie éternelle s'assujettit à la mort temporelle.
Dieu appelle Marie, une jeune vierge d'un pauvre pays du peuple choisi. Elle vivait du Ciel en son coeur. Et le Ciel lui rendit visite. L'Esprit la couvrit de son ombre, et la Parole prit chair en son sein. Un enfant d'homme, fils de Dieu, naquit d'elle afin que soient rachetés ses frères du pouvoir de la mort, et proclamé le Pacte Nouveau, l'alliance éternelle de Dieu avec le monde.
Jésus, le bien-aimé, fut marqué et conduit toute sa vie par l'Esprit. Que ce soit dans l'humble attente du signe de Dieu, durant trente ans de vie ordinaire en l'échoppe du menuisier. Que ce soit pour livrer combat aux forces des Ténèbres au désert, ou annoncer la Bonne Nouvelle au peuple d'Israël. Aux gens de son bourg, un jour de sabbat, il lut l'écrit du Prophète: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres..." Et, les yeux tournés vers le chemin intérieur de son coeur, il dit simplement: "Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture".
Le langage de l'Esprit habitait le discours de Jésus. À Nicodème, son visiteur de nuit, il dit qu'il fallait renaître de l'eau et de l' Esprit, pour entrer dans le Royaume du Père. Aux gens de Jérusalem, qui l'écoutaient au Temple, Jésus, debout , dit l'Évangile, lança à pleine voix:
Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi
et qu'il boive, celui qui croit en moi!
selon les Écritures: De son sein couleront des fleuves d'eau vive.
Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croient en lui;
car il n'y avait pas encore d'Esprit,
parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié.
Être glorifié et communiquer l'Esprit qui l'animait en tout, telle fut la tâche ardue de la sainte Passion de Jésus. Par sa mort il vainquit le Prince de ce monde, par sa résurrection il renversa le pouvoir de la Mort. Sortie du tombeau, la mort n'est plus la mort; elle est devenue passage vers la Vie en Jésus glorifié. Or, cet immense passage de vie est l'oeuvre de l'Esprit livré par le Fils du haut de la croix. "Père, entre tes mains, je remets mon Esprit" . Et la tornade-effusion de l'Esprit qui suivit le retour du Fils vers le Père, Jésus l'avait annoncée aux siens: "Je vous enverrai l'Esprit qui vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Par lui, vous ferez ce que j'ai fait, et des choses plus grandes encore".
Ainsi vint l'Heure de l'Esprit... qui dure à ce jour. Par la brusque tourmente du cinquantième jour, le Seigneur Esprit, Souffle divin passé en tempête, sortait de l'ombre et s'emparait de l'Église naissante. L'effusion de Pentecôte fut la plus grande bourrasque que l'Esprit déclencha, qu'il retenait depuis des siècles - sinon de toute éternité comme le désir du Père d'habiter le coeur humain - et qui s'empara des disciples pour en faire des langues de feu adressées à toutes les nations. Le Livre des Actes de la primitive église est rempli de son action dévorante. Qu'il s'agisse de l'Assemblée de Jérusalem, de Pierre, Jacques, Étienne, Philippe, Paul, Barnabé, Apollos et de la foule des petites gens qui savouraient la fervente venue de la Vie...tous se revendiquent de l'infatigable présence du Seigneur Esprit...
*
Sommes-nous toujours à l'heure du Seigneur Esprit? De ce grand souffle vigilant du Père et du Fils qui ne s'essoufflera tant que tout ne sera UN selon l'heure de Dieu, que Dieu lui-même sera tout en tous et que régnera la Vie éternellement.
Si tu veux prier ce conte de l'aventureuse équipée du Seigneur Esprit, et confier à sa puissance de vie le monde en transes d'accouchement, voici quelques strophes d'une hymne que l'Église adresse encore à l'Esprit:
Viens, Esprit Saint, en nos coeurs
et envoie du haut du ciel
le rayon de ta lumière...
Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé...
Ô lumière bienheureuse,
viens remplir jusqu'à l'intime
le coeur de tous tes fidèles.
Lectures
Bible
- Genèse chapitres 1 et 2; Isaïe chapitre 42.
- Marc chapitre 1; Luc chapitres 1 et 4: Jean chapitres 3, 7 et 18.
- Actes des apôtres: tout le livre, surtout les chapitres 1, 2, 5, 8, 9, 11, 13, 15 et 16.
- Romains chapitre 8; Galates chapitres 4 et 5.
Autres
- Jean d'Ormesson, Dieu, sa vie, son oeuvre, NRF, Gallimard, 1980, ch. XIV, "À l'honneur des hommes", pp. 147-149.
- Jacques Guillet, article "Esprit" in Vocabulaire de Théologie Biblique.
http://www.jesuites.org/
Invité- Invité
Re: L'Aventureuse histoire du Seigneur Esprit.
Merci Lumen de nous partager ce très très beau texte ; qui est magnifique pour ce que j'en ai lu et semble l'être encore plus pour la suite que je lirai demain ; car il se fait tard et je n'avais plus la tête à me concentrer.
En fait, j'ai lu jusqu'à la citation de Jean d'Omersson ; et j'ai fureté, voyant qu'il parlait de la création du monde, de la venue de Jésus, de la présence de l'Esprit Saint en Marie ; je l'imprimerai et j'essaierai de l'imiter.
Mais l'introduction à elle seule m'a profondément touché et est inspirante pour le chemin de foi que le Seigneur me propose pour bientôt... j'essaierai soit de m'écrire cette phrase et de m'en souvenir pour la vivre dans mon quotidien.
[quote="Lumen"]
[size=14]]Pour entendre ce conte, il faut se fermer les yeux, descendre au fond de son coeur et s'ouvrir à une présence qui déploie un vaste horizon, devant nous, sans bruit. Car le Seigneur Esprit est comme un souffle, un vent qui passe. Il est le souffle divin qui veut respirer en nous, et nous inspirer sa vie. Le Seigneur Esprit, c'est le Dieu de la modestie, du silence, du mouvement intérieur qui guide, parfois avec bourrasque, le plus souvent paisiblement. Il lui arrive de produire des étincelles de lumière là où il faut que le jour paraisse.
Voilà,
En fait, j'ai lu jusqu'à la citation de Jean d'Omersson ; et j'ai fureté, voyant qu'il parlait de la création du monde, de la venue de Jésus, de la présence de l'Esprit Saint en Marie ; je l'imprimerai et j'essaierai de l'imiter.
Mais l'introduction à elle seule m'a profondément touché et est inspirante pour le chemin de foi que le Seigneur me propose pour bientôt... j'essaierai soit de m'écrire cette phrase et de m'en souvenir pour la vivre dans mon quotidien.
[quote="Lumen"]
[size=14]]Pour entendre ce conte, il faut se fermer les yeux, descendre au fond de son coeur et s'ouvrir à une présence qui déploie un vaste horizon, devant nous, sans bruit. Car le Seigneur Esprit est comme un souffle, un vent qui passe. Il est le souffle divin qui veut respirer en nous, et nous inspirer sa vie. Le Seigneur Esprit, c'est le Dieu de la modestie, du silence, du mouvement intérieur qui guide, parfois avec bourrasque, le plus souvent paisiblement. Il lui arrive de produire des étincelles de lumière là où il faut que le jour paraisse.
*
Voilà,
MartinV- Avec les chérubins
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Re: L'Aventureuse histoire du Seigneur Esprit.
Ceci est un conte qui nous vient de fort loin. L’histoire de deux petits cousins issus de mères juives, elles-mêmes cousines... et assez spéciales! Ils vivaient dans l’arrière-pays de Galil. L’un s’appelait Iohanân et l’autre Iéshoua. Iohanân était de six mois plus âgé que Iéshoua. Iohanân était grand, fort, rude, parfois violent. Iéshoua était grand aussi pour son âge, mais doux et calme, un peu comme son père Iehosseph qui ne parlait pas beaucoup.
Les deux cousins habitaient des villages de montagne éloignés l’un de l’autre. Mais ils se visitaient plusieurs fois l’an. Dans ce temps-là, les visites n’étaient pas de quelques heures: “Bonjour! Ça va? Au revoir...!” Non, elles duraient des jours, des semaines et parfois plus. On plantait sa tente, on partageait les vivres et l’on parlait beaucoup. On prenait le temps de vivre. Et les petits cousins trouvaient grand plaisir à jouer ensemble, de même qu’avec les gamins du bourg.
Iohanân faisait toujours la loi et dirigeait le jeu. Et Iéshoua admirait beaucoup son cousin. On pratiquait alors un jeu qui se déroulait ainsi: les jeunes garçons quittaient leur grande robe légère et ne gardaient que le pagne qui leur serrait la ceinture; ils se tenaient sur le pied droit, retenant l’autre de la main gauche, dans le dos, et ils tentaient de se faire tomber l’un l’autre en frappant de l’épaule. À cause de sa taille, Iéshoua avait souvent le dessus sur les autres. Mais quand Iohanân s’attaquait à lui, Iéshoua perdait toujours la partie et s’écroulait avec un grand éclat de rire. Les deux petits cousins aimaient beaucoup s’amuser.
À d’autres moments, et en vieillissant, Iohanân et Iéshoua se retiraient du jeu et allaient causer à l’écart. Ils aimaient parler ensemble de leur avenir. Iohanân était né de parents âgés et son père, Zekharyah, avait été prêtre de la classe d’Abyah. Aussi Iohanân se demandait s’il devait suivre la voie de son père. Sa mère Èlishèba, qui l’avait mis au monde alors que les médecins la déclaraient stérile, lui prédisait un avenir important. Quant à Iéshoua, il était né de parents modestes. Son père était charpentier au bourg de Nasèrèt. La famille possédait aussi une parcelle de terre où, le plus souvent, Iéshoua cultivait et moissonnait la nourriture pour tout un chacun. Volontiers, Iohanân partageait ses inquiétudes à Iéshoua qui l’écoutait avec beaucoup d’attention. Car les parents de Iéshoua lui avait dit, secrètement, que lui aussi était appelé à quelque chose de spécial à cause d’une naissance tout aussi spéciale. Mais Iéshoua ne pouvait avoir l’ambition d’être prêtre, comme son cousin. Il espérait, avec le temps et beaucoup de prière, découvrir sa vocation.
Lorsqu’ils eurent atteint l’âge d’être intégrés dans la société des adultes, les deux cousins devinrent sérieux; le jeu ne les intéressa plus. Ce qui se passait au pays de Galil les inquiétait beaucoup. Ils n’avaient que huit ou neuf ans quand la capitale de Galil, Séphoris, à huit kilomètres de Nasèrèt, fut objet de la répression romaine: tout le bourg fut rasé et les habitants emmenés en esclavage. Ils savaient aussi que, plusieurs années auparavant, dans le sud du pays, on avait crucifié 6,000 juifs pour enseigner au peuple à se soumettre. Maintenant, ils se remémoraient tout cela et prenaient conscience de la gravité des événements: répression policière, esclavage et ignorance, injustice cruelle exercée sur le dos des petits par les collecteurs d’impôts au service d’Hérode, ce roi de Iehouda qui allait régner durant 40 ans. Que devenait, en tout cela, le fameux “peuple élu” dont on leur avait tant conté la belle histoire? Depuis l’âge de cinq ans, ils l’avaient apprise par coeur à l’école de la Tora. Aussi, devenus sérieux, les deux cousins se sentaient vivement appelés par le Dieu de leurs pères, mais ils ne savaient à quoi. Il leur arrivait de prier ensemble, comme Miriâm l’avait appris à son fils Iéshoua: “Notre père du ciel, que ton règne vienne, que ta volonté se fasse...”
De son côté, après mûre réflexion, Iohanân ne voyait pas comment il pourrait vraiment aider le peuple en servant comme prêtre à la manière de son père. Il ne rejetait pas le service du culte, mais cela ne lui suffisait guère. Par le côté bouillant de son caractère, il fut tenté de s’inscrire au parti des Zélotes qui voulaient chasser l’occupant par la force de la guérilla; eux qu’on appelait aussi les “brigands”. Iohanân compris vite que chasser la violence par la violence ne réglait rien. L’esprit de son Dieu, qu’il apprenait à discerner avec Iéshoua, ne le confirmait pas dans cette voie. On pensa alors à la Communauté des Esséniens: la radicalité de leur engagement religieux les attirait, tous les deux, lui et Iéshoua. Ils prirent informations et, après beaucoup de prière, Iohanân y discerna un appel de Dieu pour lui, et il entra au couvent très austère de Qumrân. Iéshoua demeura seul, perdant le grand confident de ses rêves. Des rêves où se mêlaient le désir de Dieu, les souffrances du peuple et l’ouverture à une mission qu’il pressentait sans trop comprendre...
Or, un jour, Iehosseph se trouva sur le point de mourir. Selon la coutume sacrée du peuple, il appela son fils Iéshoua pour le bénir, lui et son avenir. En présence de Miriâm, il lui confia le secret des événements qui avaient entouré sa naissance, à Béit-Lèhèm, 18 ans plus tôt; il lui dit pourquoi ils avaient dû séjourner quelques années au pays de Misraîm avant de revenir à Nasèrèt. Iéshouha comprit alors comment son père de la terre et sa mère Miriâm avaient été choisis afin de préparer, avec toute la discrétion de l’Esprit et du temps, la fameuse venue des temps messianiques. Le message venu du Ciel précisait à Miriâm qu’on appellerait son fils “Bèn Éliôn - fils du Suprême”. Iehosseph recommanda à Iéshoua d’être plus que jamais aux choses de son Père, comme il en avait eu fortement le pressentiment à l’âge de 12 ans, lors de son examen de la Bar Miztvah au Temple de Ieroushalaîm. Iehosseph lui dit qu’il devait attendre de Dieu lui-même l’importante mission dont il lui incomberait, en union avec sa mère, de découvrir le quand et le comment: jusqu’ici personne n’en savait davantage Comme il le lui avait souvent répété, Iehosseph lui dit en mourant: “Chaque chose en son temps!”
Depuis lors, Iéshoua s’occupa du négoce paternel et prit soin de sa mère. Et cela dura de longues années encore. Avec Miriâm qui avait conservé tant de choses dans la mémoire de son coeur, Iéshoua relisait son histoire en union avec celle du Peuple choisi, et il cherchait patiemment les signes du Seigneur: d’où viendrait la libération du peuple? quelle chemin prendrait-elle? et comment devrait-il y travailler? Ensemble, le fils et la mère attendaient l’heure marquée pour révéler au monde la présence active du Messie de Dieu. Iéshoua voyait clairement que cela se ferait en relation avec la situation de pauvreté et d’injustice qui régnait en Galil. De plus, ses visites régulières à Ieroushalaîm, au Temple de prière qu’il voyait transformé en antre de négoces, le préoccupaient beaucoup. Que devait-il faire? quand le faire? et, surtout, avec quelle sorte d’adeptes était-il appelé à réaliser le projet de Dieu? Il aurait bien aimé parler de tout cela avec son cousin retiré au désert; lui, proche de Dieu, devait en savoir quelque chose... Mais cela lui était impossible à cause de la règle très sévère du Couvent.
Vers l’âge de 21 ans (en l’an 18 de notre ère), Iéshoua se rendait souvent sur une haute montagne voisine d’où il pouvait observer la construction en marche de la nouvelle capitale de Galil. Cela le faisait souffrir. Il y voyait s’élever une riche cité, nommée “Tiberias” en l’honneur de l’empereur romain Tiberius: une ville païenne avec son amphithéâtre, ses thermes et son palais royal. Le roi Hérode se payait une ville à l’image des cités romaines, pour les aristocrates du haut-pays, dont le luxe extravagant se payait à même les impôts qui ruinaient paysans et pêcheurs en Galil. Et Iéshoua était triste. Des questions lui revenaient sans cesse, comme leitmotiv de prière: “quand, Seigneur, prendrais-je la parole pour dénoncer, comme les prophètes antérieurs, et pour appeler à la conversion?” Avec Miriâm, il scrutait les signes du temps et priait Dieu de l’éclairer.
Ce fut un événement majeur qui le détermina. Un jour, un commerçant du village, rentrant de Ieroushalaîm, lui annonça que son cousin Iohanân était sorti de religion, qu’il se tenait aux abords du fleuve du Iardén, à la hauteur de Béit-Hananyah; que, là, il immergeait les gens dans l’eau, comme on faisait au Couvent, les invitant à la conversion de leurs péchés. Il lui dit que Iohanân se déclarait “la voix du crieur dans le désert” qui annonce que “le temps est accompli” et que “le royaume de l’Elohîm est proche”.
En entendant cela, Iéshoua reçut un grand coup au coeur. Il se rappela la parole du prophète Iesha‘yahou qu’il avait apprise par coeur à l’école du rabbin: Voix du crieur: “Au désert, frayez la route de Adonaï; redressez dans la steppe un sentier pour notre Elohîm! Tout val sera relevé, toute montagne et colline seront rabaissées; la sinuosité sera plane, les crêtes, une trouée. La gloire de Adonaï se découvre; toute chair ensemble, ils voient; oui, la bouche de Adonaï parle”. Iéshoua y discerna le signe qu’il attendait. Il ferma boutique, partit résolument vers le Iardén et se dit qu’il devait avoir une bonne conversation avec son cousin Iohanân.
De fait, durant ces années de mûrissement, Iohanân avait suivi strictement la règle de Qumrân. Appliqué au scriptorium du Couvent, il recopiait avec minutie les écritures du prophète Iesha‘yahou. Pourtant, malgré ses trois ans de probation pour être accepté comme qumranite, il demeurait très sensible à l’intervention du Souffle de Dieu, se remémorant les souvenirs et les inquiétudes partagés avec Iéshoua: il sentait qu’il n’avait pas fini de découvrir la volonté de Dieu sur lui. Un jour, ce fut clair: il était passé par le désert pour se préparer... et non pour y rester! Animé du Souffle de son Elohîm, il tint tête aux autorités rigides de Qumrân qui le vouaient aux enfers s’il quittait la Communauté: on n’entrait pas au couvent pour en sortir! Il partit cependant, dénudé de tout, à peine vêtu de poil de chameau. Et il commença à proclamer avec la virulence qui l’avait toujours animé: “Il est accompli, le temps, et proche, le Royaume d’Elohîm. Convertissez-vous, adhérez à l’annonce”. Et les gens accouraient de tout le pays de Iehouda et même de la cité de Ieroushalaîm.
En affirmant que le Royaume était proche, Iohanân se savait mandaté de par Dieu pour en annoncer la venue imminente... Mais il ignorait QUI serait ce grand Messie dont il proclamait la venue avec la certitude que lui donnait le Souffle divin - lequel ne manquerait pas d’agir en son temps pour lui en dire davantage! Iohanân avait conscience qu’il répondait à un appel exceptionnel, après une absence de prophètes en Israël de près de cinq cents ans. Aussi déclarait-il fermement aux gens qui le prenaient pour le prophète Élyahou revenu parmi eux, ou pour quelque autre inspiré du passé: “Moi? la voix du crieur dans le désert”, rappelant l’annonce d’ Iesha‘yahou. Et il ajoutait: “Moi, j’immerge dans l’eau. Parmi vous se tient celui que vous ne connaissez pas. Il vient après moi et je ne vaux pas pour délier la lanière de sa sandale”.
Un jour, dans la foule des gens qui se pressaient autour de lui, Iohanân reconnut Iéshoua qui s’approchait, et qu’il n’avait pas revu depuis toutes ces années. Il l’accueillit avec beaucoup d’empressement. Mais, comme il allait l’embrasser, un effroi soudain le saisit: le Souffle de Dieu lui faisait comprendre que Iéshoua était Celui qu’il attendait sans savoir. Il dit à Iéshoua: “Mais, ami, est-ce possible?” Et Iéshoua comprit que Iohanân comprenait. Il lui dit simplement: “Faisons la volonté de notre Père du ciel”. Et Iohanân, avec beaucoup de respect, immergea Iéshoua dans l’eau du Iardén. Aussitôt la confirmation tomba sur eux avec une force telle qu’elle les bouleversa: ils entendirent comme une voix, celle de “notre Père du ciel”, qui affirmait que Iéshoua était son bien-aimé et qu’il le oignait de son Esprit.
Très émus, Iéshoua et Iohanân s’excusèrent auprès des gens, et ils se retirèrent à l’écart comme autrefois. Ils causèrent avec fébrilité du Royaume de leur Elohîm qui se manifestait à eux de telle façon. Iéshoua demanda alors à Iohanân de le conseiller pour découvrir la suite de sa mission. Toujours à l’écoute de l’Esprit, Iohanân lui suggéra de se retirer au désert, pour un temps, afin de se livrer à toute la force du Souffle de Dieu; lui, cependant, continuerait de proclamer la venue, très très proche, du Royaume. “Tu ne viendras pas avec moi?” lui dit Iéshoua, étonné. “Non, répondit Iohanân... Tu trouveras sans moi; je ne suis que le crieur du désert, et je dois disparaître pendant que toi tu croîtras, suivant le rythme de l’Esprit”. Iéshoua fut triste à la pensée que Iohanân devait “disparaître”; il venait à peine de le retrouver! Il le lui dit et Iohanân se moqua un peu en disant: “Mon Iéshoua, c’est toi maintenant le Fort. Tu verras... Moi, je donnerai ma vie pour toi comme déjà je la donne pour notre Elohîm.” Et, avec beaucoup de tendresse, ils s’embrassèrent longuement comme s’ils ne devaient jamais se revoir.
C’est ainsi que les deux petits cousins d’autrefois, maintenant grands et forts dans l’Esprit, comprirent que le dessein de Dieu prenait forme définitive et qu’ils auraient, à l’instar des prophètes antérieurs, à payer de leur vie: pour que la Vie l’emporte sur la Mort.
Lectures
Bible -Isaïe chapitre 40; Ben Sirach chapitre 48.
- Matthieu chapitre 3; Marc chapitres 1 et 9; Luc chapitre 3; Jean chapitre 3.
Autre - Carlos Mesters, Suivre Jésus à contre courant, Éd. Paulines. 1995, chapitres 1 et 2.
http://www.jesuites.org/
Invité- Invité
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