Les techniques de torture physique, psychologique et les conséquences
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Les techniques de torture physique, psychologique et les conséquences
Les techniques de torture physique et psychologique
Les procédés permettant de briser la nature humaine vont des plus simples aux plus sophistiquées. Sans vouloir être exhaustive, citons les techniques naturelles et instrumentales, les moyens psychologiques, les violences sexuelles, les procédures scientifiques ainsi que quelques brutalités spécifiques liées aux attributs identitaires de la victime. Comme toute catégorisation, celle-ci est arbitraire. Ainsi, les sévices physiques et psychologiques sont étroitement liés et poursuivent les mêmes répercussions internes.
1. Les techniques naturelles
Les techniques naturelles ne nécessitent aucun instrument. Les plus couramment utilisées sont :
les privations de toute nature : insuffisance de nourriture et de boisson, de sommeil, de soins, de stimulations sensorielles (bandeau oculaire, détention en chambre sourde ou dans une pièce plongée dans l’obscurité), d’oxygène (suffocation), de motilité (station debout prolongée sans pouvoir bouger, contention douloureuse par des liens serrés) [9], sociale (isolement total prolongé)
l’hyper-stimulation sensorielle : confrontation à des bruits violents ou à une lumière aveuglante, lumière intense de jour comme de nuit, etc.
les positions non physiologiques : garder les bras levés ou liés dans le dos, rester durant de longues heures sans bouger assis, accroupi, debout, en appui sur un pied, sur la pointe des pieds, etc.
les coups (préférentiellement sur les parties les plus sensibles du corps) : coups de poing, coups de pied, gifles sur les oreilles [10], etc.
la détention au secret : détention non reconnue par les autorités ou sans aucun contact avec l’extérieur (famille, avocat)
l’ingestion forcée de substances expulsées du corps (urine, selles, vomissure)
Les privations, l’hyper-stimulation et les positions non physiologiques laissent généralement peu de traces physiques visibles. Les séquelles ne sont cependant pas négligeables. Par exemple, les déprivations sensorielles peuvent occasionner des atteintes non réversibles des organes sensoriels ; certaines positions provoquent des douleurs séquellaires, voire des dommages, au niveau de la moelle épinière.
Parce qu’elles ne nécessitent aucun investissement technique ou financier, parce qu’elles sont applicables immédiatement et sur un grand nombre de personnes simultanément, parce qu’elles sont un moyen redoutable d’infliger la souffrance, les tortures « naturelles » sont fréquemment utilisées par les bourreaux, notamment dans les contextes de guerre.
2. Les techniques instrumentales
Les techniques instrumentales recours à des objets ordinaires aussi bien qu’aux technologies les plus sophistiquées.
Parmi les techniques faisant usage d’objets ordinaires, mentionnons :
les coups assénés à l’aide de bâton, de barre de fer ou d’autres objets, les flagellations infligées par des ceinturons, des branches de bois souples ou des câbles d’acier ainsi que les blessures provoquées par des outils contondants, des morceaux de verre ou des cailloux pointus [11]
les positions non physiologiques par suspension par les poignets, les pieds, etc. à l’aide de cordage, de chaînes, de câbles ou de barres
les brûlures provoquées par des cigarettes, des produits acides, des liquides portés à ébullition (par exemple, huile), des métaux chauffés à blanc
les suffocations par submersions dans des liquides naturels (eau, urine, selles, sang) ou chimiques (essence, huile mécanique, produits d’entretien, etc.), par intromission de chiffons dans les orifices buccaux et nasaux, par introduction de la tête dans un sac en plastique, etc. .
l’ingestion de produits impropres à la consommation : produits chimiques tels qu’essence, huile mécanique, produits d’entretien, etc.
les mutilations commises à l’aide d’outils simples (pince, marteau, etc.) telles que l’arrachage des ongles ou la fracture des dents
Tout comme les techniques naturelles, celles qui recourent aux objets usuels, sont très économiques, tant financièrement que techniquement. Elles permettent de torturer un grand nombre de personnes en peu de temps. Elles sont, de ce fait, d’un usage répandu parmi les tortionnaires et notamment dans les contextes de guerre.
Les instruments technologiques regroupent les appareils dispensant des décharges électriques (matraques, électrodes, ceinture, etc.). Le plus souvent, les décharges sont délivrées sur les parties du corps les plus innervées (organes génitaux, bouche, doigts et orteils, etc.)
3. Les moyens psychologiques
Rappelons que la torture a pour but de briser la part humaine des victimes et donc, leur appartenance au monde des humains. Toute technique de torture, quelle qu’elle soit, constitue donc un vecteur de souffrance morale. Néanmoins, les tortionnaires recourent à certains procédés dans lesquels l’intégrité physique du corps des victimes est préservée. Ces formes sont appelées « torture blanche » car elles ne laissent pas de traces physiques.
Voici quelques exemples de torture psychologique :
les railleries, les moqueries, les insultes visant la victime (son apparence physique, ses organes génitaux, son appartenance politique ou ethnique, etc.), ses proches ou sa communauté
les humiliations tels que les déshabillages forcés, l’imitation forcée d’animaux (marcher comme un canard, aboyer, etc.), attribution d’un prénom féminin aux hommes, etc.
les conditions précaires de détention limitant drastiquement la satisfaction des besoins primaires (en nourriture, boisson, hygiène, soins médicaux) et sociaux (isolement, surpeuplement, interdiction de parler à ses co-détenus, etc.) reléguant les détenus à un rang inférieur au bétail
les menaces de mort proférées à l’égard des victimes ou de leurs proches
l’exécution des proches ou de compagnons d’infortune
la confrontation aux tortures infligées aux autres détenus (les entendre crier ou agoniser, les voir souffrir ou mourir) faisant redouter prochainement le même sort
les allégations affligeantes des bourreaux telles que les déclarations (avérées ou mensongères) de décès de proches des victimes, déclarations ou fausses preuves de trahison de leurs proches
la contrainte à transgresser des valeurs et des tabous personnels, religieux et culturels : obligation de signer des fausses accusations concernant sa propre personne ou des proches, astreinte à renier des valeurs sacrées personnelles ou communautaires (voir : section 6. « Brutalités spécifiques liées aux attributs identitaires »)
les mises en scène diverses telles que simulacres d’exécution les promesses de libération non tenues
les choix impossibles : Les victimes sont poussées à trahir les leurs pour garder la vie sauve ; elles sont contraintes à dénoncer un compagnon pour éviter que ne soit torturé un membre de leur famille ; elles doivent maltraiter ou tuer un co-détenu pour ne pas être elles-mêmes maltraitées ou tuées, etc.
4. Les violences sexuelles
La sexualité cristallise de nombreuses valeurs et de multiples tabous, tant personnels que sociaux. En effet, la majorité des individus répugnent à envisager la sexualité hors d’une relation intime et toute contrainte provoque détresse et humiliation. Par ailleurs, toutes les sociétés régulent, codifient, fixent, voire légifèrent, l’accès à la sexualité. Ainsi, une relation sexuelle sera permise avec un partenaire répondant à des critères spécifiques mais l’envisager dans tout autre cadre est prohibé. Par exemple, dans certaines cultures, les relations sexuelles et le mariage ne sont concevables qu’avec un individu d’une ethnie, d’une tribu ou d’une religion déterminées alors que pour d’autres, le consentement du partenaire, quelle que puisse être son origine, est un pré-requis indispensable. Pour la plupart des communautés, l’accès à la sexualité est soumis à l’âge des individus et pour toutes, l’inceste est strictement interdit. Contrevenir à ces règles expose le plus souvent les personnes à l’opprobre, voire au rejet social.
L’importance de la sexualité et du contrat social dont elle est l’objet tient au fait que dans la plupart des sociétés, les groupe s’unissent et s’allient en mariant leur enfant. Ces alliances sont par ailleurs renforcées par la progéniture qui naît des unions.
Au vu de l’importance que revêt la sexualité pour les individus et pour les communautés, il n’est pas étonnant que dans la majorité des cas, les victimes de torture subissent de sévices d’ordre sexuel [12]. Les femmes et les fillettes sont violées presque systématiquement par leurs bourreaux tandis que les organes sexuels des hommes et des garçons sont fréquemment le siège privilégié des brutalités qui leurs sont infligées. Les détenus masculins sont également souvent contraints à avoir des relations sexuelles avec leurs compagnons d’infortune.
Voici les violences sexuelles les plus fréquemment pratiquées :
les railleries et les moqueries par rapport aux organes sexuels
les brutalités exercées sur les zones génitales : décharges électriques, coups, torsions, etc.
l’introduction d’objets dans le vagin ou l’anus (bouteille, matraque, bâton)
l’amputation des organes génitaux
la destruction des fonctions reproductives (ligature)
le spectacle du viol des membres de sa famille par les tortionnaires ou par des co-détenus
les relations sexuelles contraintes avec un de ses proches (parent, enfant, fraterie)
les actes sexuels forcés tels que fellations entre détenus ou prodiguées aux gardes, militaires, etc.
le viol (viols multiples, collectifs, sodomie) accompagnés le plus souvent de brutalités et de coups
les grossesses forcées. Les femmes sont violées de façon répétée jusqu’à ce qu’elles soient enceintes. Elles sont maintenues en captivité jusqu’à un terme avancé de la gestation et sont relâchées lorsqu’un avortement ne peut plus être pratiqué. Il s’agit d’une stratégie visant délibérément à corrompre les liens communautaires en forçant les femmes à donner naissance à un enfant porteur de l’identité culturelle des bourreaux.
pour les hommes, les relations sexuelles forcées avec un co-détenu. Les tortionnaires forcent les hommes à avoir des rapports sexuels entre eux comme forme de « divertissement ».
pour les hommes, les relations sexuelles forcées avec un militaire, un garde, etc. Les tortionnaires peuvent faire subir des agressions sexuelles aux détenus pour les humilier ou pour assouvir leurs propres pulsions sexuelles.
les rapports sexuels contre-nature : relations sexuelles avec un animal
5. Les procédures scientifiques
Les procédures scientifiques nécessitent le conseil, voire la participation active, d’un professionnel de la santé. Citons :
l’administration de produits pharmaceutiques ou chimiques
les amputations et mutilations non médicales (notamment des organes génitaux)
6. Brutalités spécifiques liées aux attributs identitaires
De nombreuses brutalités forcent les victimes à transgresser des valeurs et des tabous personnels et culturels. D’autres visent explicitement les caractéristiques propres à un individu.
les sévices liés à la culture de la victime : contrainte à bafouer des symboles culturels : insulter sa patrie, déchirer des photos de leaders, brûler un drapeau, inscription au fer rouge ou au couteau de symboles (par exemple, « U » pour Ustachi [15] gravés dans la chair des croates), etc.
les sévices liés à la religion de la victime : contrainte à proférer des paroles ou à accomplir des actes blasphématoires, rapports sexuels considérés comme impies (par exemple, la sodomie dans le monde musulman), rasage de la barbe des dignitaires musulmans, crucifixion des catholiques, inscription au fer rouge ou au couteau de symboles religieux (tels que croix)
les sévices liés aux spécificités de la victime : victime torturée par un objet qu’elle possède ou a possédé [16], sévices inspirés de sa profession (par exemple, un boucher battu à l’aide d’une planche à attendrir la viande), etc.
La capture de la victime, moment particulier de torture
La torture est un processus dynamique. Elle commence dès l’arrestation ou la privation de liberté des victimes, la capture elle-même constituant déjà parfois de la torture.
Au moment où elles tombent dans le piège de leurs bourreaux, les victimes sont généralement raillées, moquées, insultées.
Elles sont délibérément détenues dans des conditions précaires (insatisfaction des besoins de base, isolement total dans une cellule individuelle ou au contraire, surpeuplement de lieux de détention collective)
Elles ne sont généralement pas informées des raisons justifiant leur détention ni de sa durée pas plus qu’elles ne sont averties des intentions de leurs bourreaux à leur égard.
Les sévices physiques sont généralement particulièrement intenses dans les premiers moments de la détention.
Ces conditions ont pour effet rapide d’épuiser physiquement et psychologiquement les victimes et donc d’amoindrir leur résistance.
Clinique de la torture
« Depuis son arrestation, Pannonique avait de Dieu un besoin atroce. Elle avait faim de l’insulter jusqu’à plus soif. Si seulement elle avait pu tenir une présence supérieure pour responsable de cet enfer, elle aurait eu le réconfort de pouvoir la haïr de toutes ses forces et l’accabler des injures les plus violentes. Hélas, la réalité incontestable du camp était la négation de Dieu : l’existence de l’un entraînait inéluctablement l’inexistence de l’autre.
On ne pouvait même plus y réfléchir : l’absence de Dieu était établie.
Il était insoutenable de n’avoir personne à qui adresser une telle haine. Il naissait de cet état une forme de folie. Haïr les hommes ? Cela n’avait pas de sens. L’humanité était ce grouillement disparate, cet absurde supermarché qui vendait n’importe quoi et son contraire. Haïr l’humanité revenait à haïr une encyclopédie universelle : il n’y avait pas de remède à cette exécration-là ». (« Acide sulfurique », Amélie Nothomb)
Source:
http://www.resilience-psy.com/spip.php?article4
Les procédés permettant de briser la nature humaine vont des plus simples aux plus sophistiquées. Sans vouloir être exhaustive, citons les techniques naturelles et instrumentales, les moyens psychologiques, les violences sexuelles, les procédures scientifiques ainsi que quelques brutalités spécifiques liées aux attributs identitaires de la victime. Comme toute catégorisation, celle-ci est arbitraire. Ainsi, les sévices physiques et psychologiques sont étroitement liés et poursuivent les mêmes répercussions internes.
1. Les techniques naturelles
Les techniques naturelles ne nécessitent aucun instrument. Les plus couramment utilisées sont :
les privations de toute nature : insuffisance de nourriture et de boisson, de sommeil, de soins, de stimulations sensorielles (bandeau oculaire, détention en chambre sourde ou dans une pièce plongée dans l’obscurité), d’oxygène (suffocation), de motilité (station debout prolongée sans pouvoir bouger, contention douloureuse par des liens serrés) [9], sociale (isolement total prolongé)
l’hyper-stimulation sensorielle : confrontation à des bruits violents ou à une lumière aveuglante, lumière intense de jour comme de nuit, etc.
les positions non physiologiques : garder les bras levés ou liés dans le dos, rester durant de longues heures sans bouger assis, accroupi, debout, en appui sur un pied, sur la pointe des pieds, etc.
les coups (préférentiellement sur les parties les plus sensibles du corps) : coups de poing, coups de pied, gifles sur les oreilles [10], etc.
la détention au secret : détention non reconnue par les autorités ou sans aucun contact avec l’extérieur (famille, avocat)
l’ingestion forcée de substances expulsées du corps (urine, selles, vomissure)
Les privations, l’hyper-stimulation et les positions non physiologiques laissent généralement peu de traces physiques visibles. Les séquelles ne sont cependant pas négligeables. Par exemple, les déprivations sensorielles peuvent occasionner des atteintes non réversibles des organes sensoriels ; certaines positions provoquent des douleurs séquellaires, voire des dommages, au niveau de la moelle épinière.
Parce qu’elles ne nécessitent aucun investissement technique ou financier, parce qu’elles sont applicables immédiatement et sur un grand nombre de personnes simultanément, parce qu’elles sont un moyen redoutable d’infliger la souffrance, les tortures « naturelles » sont fréquemment utilisées par les bourreaux, notamment dans les contextes de guerre.
2. Les techniques instrumentales
Les techniques instrumentales recours à des objets ordinaires aussi bien qu’aux technologies les plus sophistiquées.
Parmi les techniques faisant usage d’objets ordinaires, mentionnons :
les coups assénés à l’aide de bâton, de barre de fer ou d’autres objets, les flagellations infligées par des ceinturons, des branches de bois souples ou des câbles d’acier ainsi que les blessures provoquées par des outils contondants, des morceaux de verre ou des cailloux pointus [11]
les positions non physiologiques par suspension par les poignets, les pieds, etc. à l’aide de cordage, de chaînes, de câbles ou de barres
les brûlures provoquées par des cigarettes, des produits acides, des liquides portés à ébullition (par exemple, huile), des métaux chauffés à blanc
les suffocations par submersions dans des liquides naturels (eau, urine, selles, sang) ou chimiques (essence, huile mécanique, produits d’entretien, etc.), par intromission de chiffons dans les orifices buccaux et nasaux, par introduction de la tête dans un sac en plastique, etc. .
l’ingestion de produits impropres à la consommation : produits chimiques tels qu’essence, huile mécanique, produits d’entretien, etc.
les mutilations commises à l’aide d’outils simples (pince, marteau, etc.) telles que l’arrachage des ongles ou la fracture des dents
Tout comme les techniques naturelles, celles qui recourent aux objets usuels, sont très économiques, tant financièrement que techniquement. Elles permettent de torturer un grand nombre de personnes en peu de temps. Elles sont, de ce fait, d’un usage répandu parmi les tortionnaires et notamment dans les contextes de guerre.
Les instruments technologiques regroupent les appareils dispensant des décharges électriques (matraques, électrodes, ceinture, etc.). Le plus souvent, les décharges sont délivrées sur les parties du corps les plus innervées (organes génitaux, bouche, doigts et orteils, etc.)
3. Les moyens psychologiques
Rappelons que la torture a pour but de briser la part humaine des victimes et donc, leur appartenance au monde des humains. Toute technique de torture, quelle qu’elle soit, constitue donc un vecteur de souffrance morale. Néanmoins, les tortionnaires recourent à certains procédés dans lesquels l’intégrité physique du corps des victimes est préservée. Ces formes sont appelées « torture blanche » car elles ne laissent pas de traces physiques.
Voici quelques exemples de torture psychologique :
les railleries, les moqueries, les insultes visant la victime (son apparence physique, ses organes génitaux, son appartenance politique ou ethnique, etc.), ses proches ou sa communauté
les humiliations tels que les déshabillages forcés, l’imitation forcée d’animaux (marcher comme un canard, aboyer, etc.), attribution d’un prénom féminin aux hommes, etc.
les conditions précaires de détention limitant drastiquement la satisfaction des besoins primaires (en nourriture, boisson, hygiène, soins médicaux) et sociaux (isolement, surpeuplement, interdiction de parler à ses co-détenus, etc.) reléguant les détenus à un rang inférieur au bétail
les menaces de mort proférées à l’égard des victimes ou de leurs proches
l’exécution des proches ou de compagnons d’infortune
la confrontation aux tortures infligées aux autres détenus (les entendre crier ou agoniser, les voir souffrir ou mourir) faisant redouter prochainement le même sort
les allégations affligeantes des bourreaux telles que les déclarations (avérées ou mensongères) de décès de proches des victimes, déclarations ou fausses preuves de trahison de leurs proches
la contrainte à transgresser des valeurs et des tabous personnels, religieux et culturels : obligation de signer des fausses accusations concernant sa propre personne ou des proches, astreinte à renier des valeurs sacrées personnelles ou communautaires (voir : section 6. « Brutalités spécifiques liées aux attributs identitaires »)
les mises en scène diverses telles que simulacres d’exécution les promesses de libération non tenues
les choix impossibles : Les victimes sont poussées à trahir les leurs pour garder la vie sauve ; elles sont contraintes à dénoncer un compagnon pour éviter que ne soit torturé un membre de leur famille ; elles doivent maltraiter ou tuer un co-détenu pour ne pas être elles-mêmes maltraitées ou tuées, etc.
4. Les violences sexuelles
La sexualité cristallise de nombreuses valeurs et de multiples tabous, tant personnels que sociaux. En effet, la majorité des individus répugnent à envisager la sexualité hors d’une relation intime et toute contrainte provoque détresse et humiliation. Par ailleurs, toutes les sociétés régulent, codifient, fixent, voire légifèrent, l’accès à la sexualité. Ainsi, une relation sexuelle sera permise avec un partenaire répondant à des critères spécifiques mais l’envisager dans tout autre cadre est prohibé. Par exemple, dans certaines cultures, les relations sexuelles et le mariage ne sont concevables qu’avec un individu d’une ethnie, d’une tribu ou d’une religion déterminées alors que pour d’autres, le consentement du partenaire, quelle que puisse être son origine, est un pré-requis indispensable. Pour la plupart des communautés, l’accès à la sexualité est soumis à l’âge des individus et pour toutes, l’inceste est strictement interdit. Contrevenir à ces règles expose le plus souvent les personnes à l’opprobre, voire au rejet social.
L’importance de la sexualité et du contrat social dont elle est l’objet tient au fait que dans la plupart des sociétés, les groupe s’unissent et s’allient en mariant leur enfant. Ces alliances sont par ailleurs renforcées par la progéniture qui naît des unions.
Au vu de l’importance que revêt la sexualité pour les individus et pour les communautés, il n’est pas étonnant que dans la majorité des cas, les victimes de torture subissent de sévices d’ordre sexuel [12]. Les femmes et les fillettes sont violées presque systématiquement par leurs bourreaux tandis que les organes sexuels des hommes et des garçons sont fréquemment le siège privilégié des brutalités qui leurs sont infligées. Les détenus masculins sont également souvent contraints à avoir des relations sexuelles avec leurs compagnons d’infortune.
Voici les violences sexuelles les plus fréquemment pratiquées :
les railleries et les moqueries par rapport aux organes sexuels
les brutalités exercées sur les zones génitales : décharges électriques, coups, torsions, etc.
l’introduction d’objets dans le vagin ou l’anus (bouteille, matraque, bâton)
l’amputation des organes génitaux
la destruction des fonctions reproductives (ligature)
le spectacle du viol des membres de sa famille par les tortionnaires ou par des co-détenus
les relations sexuelles contraintes avec un de ses proches (parent, enfant, fraterie)
les actes sexuels forcés tels que fellations entre détenus ou prodiguées aux gardes, militaires, etc.
le viol (viols multiples, collectifs, sodomie) accompagnés le plus souvent de brutalités et de coups
les grossesses forcées. Les femmes sont violées de façon répétée jusqu’à ce qu’elles soient enceintes. Elles sont maintenues en captivité jusqu’à un terme avancé de la gestation et sont relâchées lorsqu’un avortement ne peut plus être pratiqué. Il s’agit d’une stratégie visant délibérément à corrompre les liens communautaires en forçant les femmes à donner naissance à un enfant porteur de l’identité culturelle des bourreaux.
pour les hommes, les relations sexuelles forcées avec un co-détenu. Les tortionnaires forcent les hommes à avoir des rapports sexuels entre eux comme forme de « divertissement ».
pour les hommes, les relations sexuelles forcées avec un militaire, un garde, etc. Les tortionnaires peuvent faire subir des agressions sexuelles aux détenus pour les humilier ou pour assouvir leurs propres pulsions sexuelles.
les rapports sexuels contre-nature : relations sexuelles avec un animal
5. Les procédures scientifiques
Les procédures scientifiques nécessitent le conseil, voire la participation active, d’un professionnel de la santé. Citons :
l’administration de produits pharmaceutiques ou chimiques
les amputations et mutilations non médicales (notamment des organes génitaux)
6. Brutalités spécifiques liées aux attributs identitaires
De nombreuses brutalités forcent les victimes à transgresser des valeurs et des tabous personnels et culturels. D’autres visent explicitement les caractéristiques propres à un individu.
les sévices liés à la culture de la victime : contrainte à bafouer des symboles culturels : insulter sa patrie, déchirer des photos de leaders, brûler un drapeau, inscription au fer rouge ou au couteau de symboles (par exemple, « U » pour Ustachi [15] gravés dans la chair des croates), etc.
les sévices liés à la religion de la victime : contrainte à proférer des paroles ou à accomplir des actes blasphématoires, rapports sexuels considérés comme impies (par exemple, la sodomie dans le monde musulman), rasage de la barbe des dignitaires musulmans, crucifixion des catholiques, inscription au fer rouge ou au couteau de symboles religieux (tels que croix)
les sévices liés aux spécificités de la victime : victime torturée par un objet qu’elle possède ou a possédé [16], sévices inspirés de sa profession (par exemple, un boucher battu à l’aide d’une planche à attendrir la viande), etc.
La capture de la victime, moment particulier de torture
La torture est un processus dynamique. Elle commence dès l’arrestation ou la privation de liberté des victimes, la capture elle-même constituant déjà parfois de la torture.
Au moment où elles tombent dans le piège de leurs bourreaux, les victimes sont généralement raillées, moquées, insultées.
Elles sont délibérément détenues dans des conditions précaires (insatisfaction des besoins de base, isolement total dans une cellule individuelle ou au contraire, surpeuplement de lieux de détention collective)
Elles ne sont généralement pas informées des raisons justifiant leur détention ni de sa durée pas plus qu’elles ne sont averties des intentions de leurs bourreaux à leur égard.
Les sévices physiques sont généralement particulièrement intenses dans les premiers moments de la détention.
Ces conditions ont pour effet rapide d’épuiser physiquement et psychologiquement les victimes et donc d’amoindrir leur résistance.
Clinique de la torture
« Depuis son arrestation, Pannonique avait de Dieu un besoin atroce. Elle avait faim de l’insulter jusqu’à plus soif. Si seulement elle avait pu tenir une présence supérieure pour responsable de cet enfer, elle aurait eu le réconfort de pouvoir la haïr de toutes ses forces et l’accabler des injures les plus violentes. Hélas, la réalité incontestable du camp était la négation de Dieu : l’existence de l’un entraînait inéluctablement l’inexistence de l’autre.
On ne pouvait même plus y réfléchir : l’absence de Dieu était établie.
Il était insoutenable de n’avoir personne à qui adresser une telle haine. Il naissait de cet état une forme de folie. Haïr les hommes ? Cela n’avait pas de sens. L’humanité était ce grouillement disparate, cet absurde supermarché qui vendait n’importe quoi et son contraire. Haïr l’humanité revenait à haïr une encyclopédie universelle : il n’y avait pas de remède à cette exécration-là ». (« Acide sulfurique », Amélie Nothomb)
Source:
http://www.resilience-psy.com/spip.php?article4
Dernière édition par Charles-Edouard le Mar 26 Fév 2013 - 0:37, édité 1 fois
Re: Les techniques de torture physique, psychologique et les conséquences
2. Les conséquences psychologiques de la torture
La souffrance des victimes de torture constitue un tout où se mêlent séquelles physiques, douleurs, sentiments d’impuissance, honte, vécus d’étrangeté et d’irréalité, impression de ne plus être soi, etc. Sans compter que de nombreuses victimes, contraintes de quitter leur pays d’origine, sont confrontées aux multiples difficultés et souffrances liées à l’exil (perte du statut social, éclatement de la cellule familiale, installation précaire dans un pays d’accueil, insertion dans une nouvelle culture, etc.).
2.1. Les différents niveaux de conséquences de la torture, de l’individuel au social
Nous l’avons vu, la torture a pour but de détruire les victimes et d’anéantir leur groupe d’appartenance. Dès lors, il n’est donc pas étonnant qu’elle ait des effets au niveau individuel, familial et communautaire.
Au niveau individuel, le but de la torture est de produire intentionnellement un traumatisme. Les réactions qui dérivent de cette attaque contre la personnalité sont multiples et provoquent une altération des capacités cognitives, émotionnelles et comportementales (syndrome post-traumatique et symptômes associés, voir infra) ainsi qu’un changement de personnalité.
Au niveau familial, la torture engendre fréquemment des dysfonctionnements. En effet, le retrait affectif ou, à contrario, les attitudes de dépendance vis-à-vis des proches, l’irritabilité et l’agressivité, la perte de curiosité pour les activités professionnelles et de loisirs, la perte de motivation pour quoi que ce soit et l’apathie entravent le bon déroulement de la vie de famille. Par ailleurs, de nombreuses victimes sont amenées à s’exiler loin des leurs.
Au niveau social, la torture entraîne une baisse globale du fonctionnement psychosocial. Du fait même que les sévices sont intentionnels et sont perpétrés dans le cadre d’une relation humaine, la torture sape les fondements même des rapports interpersonnels que sont la confiance et le respect.
2.2. Les conséquences au niveau individuel
Les conséquences psychologiques de la torture peuvent être envisagées selon une dimension temporelle. En effet, nous pouvons distinguer la réaction initiale aiguë immédiate et post-immédiate observée les premiers temps (réaction de stress et queue de stress [21]) de la pathologie différée et séquellaire observée ultérieurement (syndrome psychotraumatique chronique). Ces effets de la torture perdurent parfois toute la vie
Pour ce qui relève des conséquences immédiates et post-immédiates, évoquons:
l’état confusionnel
les phénomènes des dissociation : absence de réaction émotionnelle, état de sidération (stupéfaction, incapacité de percevoir nettement, d’évaluer, de mémoriser, de raisonner et d’agir), déréalisations (sentiment bizarre d’être étranger au monde familier, impression de vivre un rêve éveillé ou un cauchemar), dépersonnalisation (impression de détachement, d’agir comme un robot et d’une façon tout à fait machinale, d’assister en spectateur à sa propre vie), incapacité à se rappeler d’aspects importants de son vécu, etc.
une alternance entre un émoussement (état d’impuissance, dépression, retrait affectif, etc.) et une hyperactivité émotionnelle (anxiété, colère, « rage aveugle »)
En ce qui concerne les conséquences à long terme, outre les signes cliniques du syndrome post-traumatique (reviviscences, évitements, activation neurovégétative persistante), les rescapés de la torture présentent fréquemment :
de l’asthénie : asthénie physique (fatigue morbide qui persiste malgré le repos, lassitude générale, épuisement au moindre effort physique), psychique (baisse des facultés mentales d’attention, d’acquisition mnésique et de concentration intellectuelle) et/ou sexuelle (émoussement du désir et du plaisir sexuel, impuissance, frigidité)
des troubles dépressifs (tristesse, désespoir, tendances suicidaires, etc.)
des troubles anxieux (crises d’angoisse, attaques de panique, anxiété diffuse)
des troubles somatiques, psychosomatiques et fonctionnels (maux de tête, trouble menstruel, dysfonctionnements sexuels, troubles gastriques, etc.). Ces symptômes relèvent autant des séquelles des traumatismes corporels que de l’expression des souffrances psychiques. La limite entre les conséquences physiques et psychologiques de la torture est incertaine dans la mesure où le corps est malmené précisément pour atteindre l’esprit. Il est le lieu même du contrôle et des agressions.
des troubles du comportement (crises de colère, propos ou actes agressifs, consommation abusive d’alcool ou de psychotropes, etc.)
des altérations de la personnalité. Il s’agit d’un changement de la personnalité du fait même de l’impact du trauma caractérisé par une altération de l’intérêt porté aux autres (attitude de dépendance et de détresse dans les relations affectives, perte d’intérêt pour la sexualité) et au monde extérieur (perte de curiosité pour les activités, réduction des activités, perte de motivation, monde extérieur perçu comme artificiel ou déréel, avenir appréhendé comme dénué de promesse) ainsi que par une attitude d’hypervigilance et d’alerte.
Détaillons l’impact de la torture au niveau individuel.
Dans leur revue de la littérature, F. Somnier et coll. (1992) [22] remarquent que les signes symptomatiques les plus fréquemment rencontrés sont, par ordre de fréquence décroissant, les troubles du sommeil et les cauchemars, les maux de tête, l’anxiété, la dépression, le retrait social, les troubles de la mémoire et de la concentration, la fatigue, l’agressivité et l’hypersensibilité.
I. Genefke et P. Vesti (1998) [23] mettent en évidence les douze symptômes principaux présentés par les patients reçus au Centre International de Recherche et de Réhabilitation pour les Victimes de Torture de Copenhague (IRCT) :
La labilité émotionnelle (irritabilité, hypervigilance, colère)
Les troubles du sommeil (cauchemars, difficulté d’endormissement)
Les troubles de la concentration et de la mémoire (amnésie psychogène)
L’évitement de pensées associées aux traumatismes
L’évitement d’activités ou de situations pouvant réactiver des souvenirs liés à la torture
Les difficultés à instaurer des relations interpersonnelles (sentiments de détachement ou d’étrangeté, émoussement effectif)
Le manque d’intérêt pour des activités significatives
Le sentiment de futur « bouché »
Agir ou avoir l’impression « comme si » la situation de torture se représentait (flash-back après l’exposition à des stimuli rappelant la torture)
Le changement de personnalité
La « culpabilité du survivant » [24]
L’anxiété
A. E. Goldfeld, R. F. Mollica, B. H. Pesavento et S. V. Faraone (1988) établissent à partir de l’analyse de nombreux articles, une liste de symptômes psychologiques communément associés à la torture. Cette liste comprend :
des symptômes cognitifs : confusion et désorientation, troubles de la mémoire, dyslexie, troubles de la concentration
des symptômes psychologiques : anxiété, dépression, agressivité et irritabilité, labilité émotionnelle, isolement et retrait social
des symptômes neurovégétatifs : perte d’énergie, insomnie, cauchemars, dysfonctions sexuelles.
F. Sironi (1999) note que les plaintes des personnes torturées relèvent d’un ordre binaire. « Il y a d’une part les symptômes « bruyants », caractérisés par le mouvement, l’agitation, l’explosion : l’irritabilité, l’agressivité, l’hallucination, les cauchemars, les réveils en sursaut, les cris dans la nuit, les insomnies, les frayeurs, les troubles psychosomatiques, les tremblements, les changements de personnalité, tout ceci aboutissant à une extériorisation, à un débordement des limites. D’autre part, il y a toute une série de symptômes qui peuvent être caractérisés par la fermeture, l’arrêt, le silence, la perte ou l’absence de mouvement : la tristesse, l’apragmatisme, la fatigue, la clinophilie [25], le besoin de s’isoler, les pleurs, la méfiance, les troubles de la concentration et de la mémoire, l’impossibilité de penser, les changements de personnalité allant vers la fermeture. [… ]. Quand elle présente une souffrance traumatique consécutive à la torture, une même personne peut être décrite des deux manières, en référence à deux catégories diamétralement opposées. On peut dire qu’en elle, il y a une partie qui est encore directement sous influence, et une autre qui lutte bruyamment et activement contre cette influence. Enfin sont également présents les signes spécifiques qui témoignent d’un accès « sauvage » à des connaissances cachées sur l’humain : la recherche systématique de l’intention de l’interlocuteur, les rêves prémonitoires, les coïncidences troublantes dans la vie de tous les jours, la perception à distances des événements, la découverte de dons nouveaux et l’appétence pour l’étrange et l’inexpliqué. »
F. Sironi distingue les signes relatifs à l’effraction, ceux relatifs à l’influence du tortionnaire intériorisé et ceux relatifs à l’accès à des connaissances cachées. Elle propose un regroupement des signes selon ces différentes catégories :
Effraction:
sursauts, cris, tremblements, peurs incontrôlées
céphalées, atteinte de la sphère cutanée (démangeaisons, eczéma…), ulcère
doute, étrangeté, isolement, souffrance liée au sentiment d’être différent des autres
troubles de la mémoire et de la concentration
cauchemars
autoaccusation et culpabilité d’avoir une identité propre
peur qu’on puisse lire sa pensée, peur d’être transparent et influencé
Influence du tortionnaire:
tristesse, apragmatisme, apathie, asthénie, clinophilie
agressivité non contrôlée, sentiment de ne plus être maître de soi
impossibilité de penser
sommeil troublé et cauchemars (la nuit), et reviviscences traumatiques (le jour)
hypertension artérielle, douleurs diffuses et changeantes, vertiges,
nausées, chutes, « avoir un chat dans la gorge »
changement de personnalité
Accès à des connaissances cachées:
recherche systématique de l’intention de l’interlocuteur
rêves prémonitoires
coïncidences troublantes dans la vie de tous les jours
perception à distance des événements
découverte de dons nouveaux
appétence pour l’étrange et l’inexpliqué
Les bourreaux
« Je veux vous dire ceci : vous avez souffert mais cela ne vous rend pas meilleur que ceux qui vous ont fait souffrir. Ce sont des gens comme vous et moi. Le mal est en chacun de nous. » (« Murambi. Le livre des ossements », Boubacar Boris Diop)
Il serait confortable de croire que les bourreaux sont des monstres, des psychopathes, des sadiques ou des êtres pervertis par de mauvais traitements subis durant leur enfance. Ces hypothèses sont néanmoins inopérantes à expliquer pourquoi de nombreuses personnes d’une communauté affables et débonnaires en temps de paix, et pas uniquement quelques individus isolés, se métamorphosent en tortionnaires cruels et invétérés dans les contextes de conflit. Les victimes de la guerre en Bosnie le savent, elles qui ont parfois eu à souffrir des tortures infligées par de proches connaissances.
Si la personnalité ou l’histoire individuelle peut promouvoir des vocations de bourreaux, ces seuls éléments sont cependant nettement insuffisants à expliquer ce phénomène. Devenir bourreau résulte, en effet, d’une association complexe d’éléments individuels, sociaux, politiques et/ou culturels qui autorisent ou promeuvent la violence et la cruauté.
Source:
http://www.resilience-psy.com/spip.php?article4
La souffrance des victimes de torture constitue un tout où se mêlent séquelles physiques, douleurs, sentiments d’impuissance, honte, vécus d’étrangeté et d’irréalité, impression de ne plus être soi, etc. Sans compter que de nombreuses victimes, contraintes de quitter leur pays d’origine, sont confrontées aux multiples difficultés et souffrances liées à l’exil (perte du statut social, éclatement de la cellule familiale, installation précaire dans un pays d’accueil, insertion dans une nouvelle culture, etc.).
2.1. Les différents niveaux de conséquences de la torture, de l’individuel au social
Nous l’avons vu, la torture a pour but de détruire les victimes et d’anéantir leur groupe d’appartenance. Dès lors, il n’est donc pas étonnant qu’elle ait des effets au niveau individuel, familial et communautaire.
Au niveau individuel, le but de la torture est de produire intentionnellement un traumatisme. Les réactions qui dérivent de cette attaque contre la personnalité sont multiples et provoquent une altération des capacités cognitives, émotionnelles et comportementales (syndrome post-traumatique et symptômes associés, voir infra) ainsi qu’un changement de personnalité.
Au niveau familial, la torture engendre fréquemment des dysfonctionnements. En effet, le retrait affectif ou, à contrario, les attitudes de dépendance vis-à-vis des proches, l’irritabilité et l’agressivité, la perte de curiosité pour les activités professionnelles et de loisirs, la perte de motivation pour quoi que ce soit et l’apathie entravent le bon déroulement de la vie de famille. Par ailleurs, de nombreuses victimes sont amenées à s’exiler loin des leurs.
Au niveau social, la torture entraîne une baisse globale du fonctionnement psychosocial. Du fait même que les sévices sont intentionnels et sont perpétrés dans le cadre d’une relation humaine, la torture sape les fondements même des rapports interpersonnels que sont la confiance et le respect.
2.2. Les conséquences au niveau individuel
Les conséquences psychologiques de la torture peuvent être envisagées selon une dimension temporelle. En effet, nous pouvons distinguer la réaction initiale aiguë immédiate et post-immédiate observée les premiers temps (réaction de stress et queue de stress [21]) de la pathologie différée et séquellaire observée ultérieurement (syndrome psychotraumatique chronique). Ces effets de la torture perdurent parfois toute la vie
Pour ce qui relève des conséquences immédiates et post-immédiates, évoquons:
l’état confusionnel
les phénomènes des dissociation : absence de réaction émotionnelle, état de sidération (stupéfaction, incapacité de percevoir nettement, d’évaluer, de mémoriser, de raisonner et d’agir), déréalisations (sentiment bizarre d’être étranger au monde familier, impression de vivre un rêve éveillé ou un cauchemar), dépersonnalisation (impression de détachement, d’agir comme un robot et d’une façon tout à fait machinale, d’assister en spectateur à sa propre vie), incapacité à se rappeler d’aspects importants de son vécu, etc.
une alternance entre un émoussement (état d’impuissance, dépression, retrait affectif, etc.) et une hyperactivité émotionnelle (anxiété, colère, « rage aveugle »)
En ce qui concerne les conséquences à long terme, outre les signes cliniques du syndrome post-traumatique (reviviscences, évitements, activation neurovégétative persistante), les rescapés de la torture présentent fréquemment :
de l’asthénie : asthénie physique (fatigue morbide qui persiste malgré le repos, lassitude générale, épuisement au moindre effort physique), psychique (baisse des facultés mentales d’attention, d’acquisition mnésique et de concentration intellectuelle) et/ou sexuelle (émoussement du désir et du plaisir sexuel, impuissance, frigidité)
des troubles dépressifs (tristesse, désespoir, tendances suicidaires, etc.)
des troubles anxieux (crises d’angoisse, attaques de panique, anxiété diffuse)
des troubles somatiques, psychosomatiques et fonctionnels (maux de tête, trouble menstruel, dysfonctionnements sexuels, troubles gastriques, etc.). Ces symptômes relèvent autant des séquelles des traumatismes corporels que de l’expression des souffrances psychiques. La limite entre les conséquences physiques et psychologiques de la torture est incertaine dans la mesure où le corps est malmené précisément pour atteindre l’esprit. Il est le lieu même du contrôle et des agressions.
des troubles du comportement (crises de colère, propos ou actes agressifs, consommation abusive d’alcool ou de psychotropes, etc.)
des altérations de la personnalité. Il s’agit d’un changement de la personnalité du fait même de l’impact du trauma caractérisé par une altération de l’intérêt porté aux autres (attitude de dépendance et de détresse dans les relations affectives, perte d’intérêt pour la sexualité) et au monde extérieur (perte de curiosité pour les activités, réduction des activités, perte de motivation, monde extérieur perçu comme artificiel ou déréel, avenir appréhendé comme dénué de promesse) ainsi que par une attitude d’hypervigilance et d’alerte.
Détaillons l’impact de la torture au niveau individuel.
Dans leur revue de la littérature, F. Somnier et coll. (1992) [22] remarquent que les signes symptomatiques les plus fréquemment rencontrés sont, par ordre de fréquence décroissant, les troubles du sommeil et les cauchemars, les maux de tête, l’anxiété, la dépression, le retrait social, les troubles de la mémoire et de la concentration, la fatigue, l’agressivité et l’hypersensibilité.
I. Genefke et P. Vesti (1998) [23] mettent en évidence les douze symptômes principaux présentés par les patients reçus au Centre International de Recherche et de Réhabilitation pour les Victimes de Torture de Copenhague (IRCT) :
La labilité émotionnelle (irritabilité, hypervigilance, colère)
Les troubles du sommeil (cauchemars, difficulté d’endormissement)
Les troubles de la concentration et de la mémoire (amnésie psychogène)
L’évitement de pensées associées aux traumatismes
L’évitement d’activités ou de situations pouvant réactiver des souvenirs liés à la torture
Les difficultés à instaurer des relations interpersonnelles (sentiments de détachement ou d’étrangeté, émoussement effectif)
Le manque d’intérêt pour des activités significatives
Le sentiment de futur « bouché »
Agir ou avoir l’impression « comme si » la situation de torture se représentait (flash-back après l’exposition à des stimuli rappelant la torture)
Le changement de personnalité
La « culpabilité du survivant » [24]
L’anxiété
A. E. Goldfeld, R. F. Mollica, B. H. Pesavento et S. V. Faraone (1988) établissent à partir de l’analyse de nombreux articles, une liste de symptômes psychologiques communément associés à la torture. Cette liste comprend :
des symptômes cognitifs : confusion et désorientation, troubles de la mémoire, dyslexie, troubles de la concentration
des symptômes psychologiques : anxiété, dépression, agressivité et irritabilité, labilité émotionnelle, isolement et retrait social
des symptômes neurovégétatifs : perte d’énergie, insomnie, cauchemars, dysfonctions sexuelles.
F. Sironi (1999) note que les plaintes des personnes torturées relèvent d’un ordre binaire. « Il y a d’une part les symptômes « bruyants », caractérisés par le mouvement, l’agitation, l’explosion : l’irritabilité, l’agressivité, l’hallucination, les cauchemars, les réveils en sursaut, les cris dans la nuit, les insomnies, les frayeurs, les troubles psychosomatiques, les tremblements, les changements de personnalité, tout ceci aboutissant à une extériorisation, à un débordement des limites. D’autre part, il y a toute une série de symptômes qui peuvent être caractérisés par la fermeture, l’arrêt, le silence, la perte ou l’absence de mouvement : la tristesse, l’apragmatisme, la fatigue, la clinophilie [25], le besoin de s’isoler, les pleurs, la méfiance, les troubles de la concentration et de la mémoire, l’impossibilité de penser, les changements de personnalité allant vers la fermeture. [… ]. Quand elle présente une souffrance traumatique consécutive à la torture, une même personne peut être décrite des deux manières, en référence à deux catégories diamétralement opposées. On peut dire qu’en elle, il y a une partie qui est encore directement sous influence, et une autre qui lutte bruyamment et activement contre cette influence. Enfin sont également présents les signes spécifiques qui témoignent d’un accès « sauvage » à des connaissances cachées sur l’humain : la recherche systématique de l’intention de l’interlocuteur, les rêves prémonitoires, les coïncidences troublantes dans la vie de tous les jours, la perception à distances des événements, la découverte de dons nouveaux et l’appétence pour l’étrange et l’inexpliqué. »
F. Sironi distingue les signes relatifs à l’effraction, ceux relatifs à l’influence du tortionnaire intériorisé et ceux relatifs à l’accès à des connaissances cachées. Elle propose un regroupement des signes selon ces différentes catégories :
Effraction:
sursauts, cris, tremblements, peurs incontrôlées
céphalées, atteinte de la sphère cutanée (démangeaisons, eczéma…), ulcère
doute, étrangeté, isolement, souffrance liée au sentiment d’être différent des autres
troubles de la mémoire et de la concentration
cauchemars
autoaccusation et culpabilité d’avoir une identité propre
peur qu’on puisse lire sa pensée, peur d’être transparent et influencé
Influence du tortionnaire:
tristesse, apragmatisme, apathie, asthénie, clinophilie
agressivité non contrôlée, sentiment de ne plus être maître de soi
impossibilité de penser
sommeil troublé et cauchemars (la nuit), et reviviscences traumatiques (le jour)
hypertension artérielle, douleurs diffuses et changeantes, vertiges,
nausées, chutes, « avoir un chat dans la gorge »
changement de personnalité
Accès à des connaissances cachées:
recherche systématique de l’intention de l’interlocuteur
rêves prémonitoires
coïncidences troublantes dans la vie de tous les jours
perception à distance des événements
découverte de dons nouveaux
appétence pour l’étrange et l’inexpliqué
Les bourreaux
« Je veux vous dire ceci : vous avez souffert mais cela ne vous rend pas meilleur que ceux qui vous ont fait souffrir. Ce sont des gens comme vous et moi. Le mal est en chacun de nous. » (« Murambi. Le livre des ossements », Boubacar Boris Diop)
Il serait confortable de croire que les bourreaux sont des monstres, des psychopathes, des sadiques ou des êtres pervertis par de mauvais traitements subis durant leur enfance. Ces hypothèses sont néanmoins inopérantes à expliquer pourquoi de nombreuses personnes d’une communauté affables et débonnaires en temps de paix, et pas uniquement quelques individus isolés, se métamorphosent en tortionnaires cruels et invétérés dans les contextes de conflit. Les victimes de la guerre en Bosnie le savent, elles qui ont parfois eu à souffrir des tortures infligées par de proches connaissances.
Si la personnalité ou l’histoire individuelle peut promouvoir des vocations de bourreaux, ces seuls éléments sont cependant nettement insuffisants à expliquer ce phénomène. Devenir bourreau résulte, en effet, d’une association complexe d’éléments individuels, sociaux, politiques et/ou culturels qui autorisent ou promeuvent la violence et la cruauté.
Source:
http://www.resilience-psy.com/spip.php?article4
Re: Les techniques de torture physique, psychologique et les conséquences
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