Aidez moi pour mon fils, j'ai besoin de vos idées

Je vais vous répondre, mais je pense qu'il pourrait être utile d'en discuter de manière plus détaillée en MP.

J'aurais en effet besoin de connaître quelques éléments supplémentaires. Pourriez-vous m'en dire un peu plus sur la vie de ce jeune homme et sur votre famille ? Et notamment : est-ce que le père de ce jeune homme était votre premier mari décédé ? Et était-il d'origine italienne ?

Je soupçonne votre fils de chercher à dissimuler par son comportement de fuite une grande douleur personnelle. Les moyens qu'il utilise pour fuir (alcool, drogue, prise de risques, jeux vidéos) ne sont que les symptômes d'un mal plus profond ; il faut d'abord diagnostiquer ce mal, et ensuite centrer vos efforts pour le faire exprimer cette douleur profonde.

Le culpabiliser sur ses errements risque bien de ne servir à rien, car je pense qu'il a conscience qu'il agit mal en se comportant comme il le fait, quand bien même il n'imagine pas pouvoir agir autrement.

Vous savez, Lorena, ce que vous vivez est très commun à notre époque, mais toujours extrêmement douloureux pour une mère. Votre angoisse de mère vous amène sans doute à entamer des échanges tendus avec lui, mais si le mal est celui que je suspecte, cela risque bien de l'enfoncer encore davantage dans ses comportements déplorables.

Essayez de le faire prendre conscience de sa valeur personnelle : le BTS CI dans lequel il s'est engagé n'est pas un diplôme au rabais. Ce BTS reste encore à notre époque une formation sélective, du niveau d'un DUT techniques de commercialisation. Les étudiants qui s'y inscrivent viennent pour beaucoup des Terminales générales : le BTS CI est la crème des BTS tertiaires !

De plus, s'il échoue aux examens, il faut savoir que les notes au dessus de la moyenne qu'il aura obtenu resteront valables 5 ans quoi qu'il advienne : si votre fils persévère, il n'y a pas de raison qu'il ne puisse pas décrocher son diplôme tôt ou tard. Vous savez, Lorena, je suis jury d'examen dans un autre BTS, et nous interrogeons régulièrement des étudiants de plus de 30 ans, qui repassent le BTS pour décrocher une ou deux matières tout en travaillant par ailleurs. Donc, ne dramatisez pas trop vite. Bien entendu, ce que je vous dis là, gardez-le pour vous jusqu'au 9 juillet !

La suggestion de le faire participer à un chantier humanitaire me paraît bonne, mais il faudrait que cette expérience l'amène à un dépaysement total pour être efficace. Il doit apprendre à prendre ses marques dans un contexte radicalement différent de celui qui est le sien actuellement. Sur les chantiers historiques français, par exemple, il faut savoir qu'il y a souvent beaucoup d'alcool le soir... En revanche, s'il allait en Afrique, il risquerait d'être confronté à une société dans laquelle existe encore le respect des anciens, et un certain sens de la famille. Le fait de devoir s'adapter à cette nouvelle donne, de devoir "faire", d'être autonome tout en étant encadré, de connaître le succès, et de sentir qu'on a apporté quelque chose aura comme grand mérite de le faire prendre confiance en lui.

En revanche, je ne crois pas du tout que cette histoire de l'inscrire au Cours Florent soit une bonne idée. Ce que cherche par là à exprimer votre fils, c'est un besoin de reconnaissance. C'est ce besoin de reconnaissance qui pousse bon nombre de jeunes vers les arts et spectacles, car ils s'imaginent ainsi pouvoir être aimés et reconnus par les autres. Un bon tiers de mes étudiants s'imaginent réussir par de tels moyens, mais combien y arrivent ? C'est ce besoin de reconnaissance que vous devez aborder avec lui. D'ou lui vient-il ? De quoi a-t-il manqué pour en venir à avoir besoin d'un public pour se sentir exister ? Se sent-il vide à l'intérieur de lui ? Ne comprend-il pas qu'il a de la valeur, juste parce qu'il est homme au yeux de Dieu ?

Je pense qu'une partie de cette quête de reconnaissance vient du fait qu'il croit impossible de réussir à notre époque par les moyens classiques que sont les études et le travail. Mais, il me semble pourtant que le plus gros du problème est ailleurs, et il faudrait que votre fils puisse l'exprimer.

Je crois également que son attirance pour le spectacle repose sur un profond besoin d'exprimer le mal qui le ronge. Aussi, je vous recommanderais quand même de l'inscrire dans une troupe de théâtre, car il en a certainement besoin. Mais il est important de lui faire comprendre que cela devra sans doute rester pour lui un centre d'intérêt, et que ce ne sera probablement pas une possibilité de carrière.

L'être humain arrive plus facilement à exprimer ce qu'il a de plus douloureux en lui en se déguisant derrière un masque. Cela lui ôte son sentiment de honte et de culpabilité : l'être humain redoute généralement moins le jugement des inconnus que celui de ses proches.

Il est probable que votre fils n'osera pas, dans un premier temps tout du moins, vous parler de ses douleurs, car il vous aime. Un fils est toujours mu par le désir de ne pas décevoir sa mère, même (et surtout) lorsque les rapports mère-fils dégénèrent. Vous avouer le mal qui le ronge, ses doutes et ses insuffisances le terrorise, car il redoute de vous décevoir, et il appréhende la manière dont vous pourriez accueillir ses paroles. Il faut que vous preniez en compte cet état de fait avant d'entamer tout dialogue avec lui.

En résumé, oui, je pense que le théâtre pourrait constituer pour lui, dans un premier temps, un bon moyen d'expression et qu'il pourrait même y gagner un début de confiance en lui. Il faut juste qu'il comprenne qu'il n'y gagnera en tous cas aucune reconnaissance. Dans le même esprit, il pourrait être judicieux de l'amener voir un Prêtre, pour peu qu'il soit un tantinet psychologue, sans pour autant être complaisant (c'est une perle rare, je vous l'accorde).

Seules les personnes qui ont confiance en elles-mêmes peuvent exprimer les douleurs qui les tourmentent. Ce processus d'acquisition de la confiance en soi sera long, mais c'est la route la plus sûre pour que votre fils puisse se sortir de son marasme existentiel. Il doit passer par des expériences nouvelles, et impliquantes pour gagner en confiance en lui, et oser dire les choses pour pouvoir les dépasser.

Comme beaucoup de jeunes actuels, votre fils hésite devant l'épreuve, renonce par peur d'échouer, et s'en veut ensuite de ne pas être à la hauteur, même s'il ne vous l'avoue jamais. Il faut lui faire comprendre qu'il a besoin d'échouer pour réussir, et que la confiance en soi-même se nourrit des réalisations entreprises.

Il y a quarante ans, ce processus d'insertion dans la vie des nouveaux venus était plus facile qu'aujourd'hui. Tous les adolescents arrivant à l'age adulte pouvaient rapidement s'insérer, et se projeter dans telle ou telle activité. Les doutes, les peurs adolescentes, étaient rapidement surmontées, car les jeunes pouvaient devenir autonomes rapidement. Se voyant autonomes, tout en étant encadrés, ce qui est toujours rassurant, se voyant "faire" des choses nouvelles, accumulant les expériences, ils en arrivaient plus facilement à surmonter ce manque de confiance en eux hérité de l'adolescence. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus dur. Ce qui est important, c'est que votre fils puisse vivre des expériences modérément déstabilisantes, et qu'il les surmonte.

Pour l'aider à persévérer dans les tracas et les doutes, parlez-lui du Christ. Le Christ l'aime, quoi qu'il fasse. Parlez-lui de Jésus, de cette confiance qu'il vous apporte à vous. Demandez-lui pourquoi, à son avis, les adolescents du XVIIIe et du XIXe siècle arrivaient à surmonter ces désespoirs et ces doutes que nous avons tous plus ou moins connus ? Ne lui donnez pas la réponse, ça sera à lui de faire ce dernier pas vers Celui qui est notre berger, notre roc, notre bouclier.

Si vous lancez cette discussion, il en viendra sans doute à vous parler du monde pourri qui l'attend, de son manque de perspectives, d'humanité et de sens. Faites-lui bien comprendre, s'il met ses difficultés sur le compte de la société actuelle, que lorsque vous lui parlez du Christ, vous parlez bien de la même chose que lui : si la société est si dure pour les nouveaux venus, c'est parce qu'elle s'est éloignée du Christ. Si les patrons n'embauchent plus et licencient vertement, c'est que l'amour inconditionnel manque cruellement, et que les personnes en responsabilité ont perdu cet esprit de service et de sacrifice qu'on a jeté à la poubelle en même temps que le Christ.

Le Christ seul peut nous faire surmonter toutes les difficultés de la vie ; le Christ seul peut amener vers un dépassement de cette époque inhumaine. C'est Son amour qui peut nous faire avancer, si nous en avons manqué plus jeune. L'amour est ce qui nous permet de nous construire, et de "faire" quelque chose dans la vie. Si on ne l'a pas, on désespère sur sa propre nullité, et on n'avance pas.

Il faut comprendre que le problème de la jeune génération actuelle vient du fait qu'ils sont nombreux à ne pas avoir connu l'amour et la reconnaissance étant jeunes. Et je ne parle pas de l'amour des parents, je parle de l'amour au sens large : celui d'être reconnu comme le membre unique et irremplacable d'une communauté véritable. Le fait de savoir que, même lorsqu'on fait n'importe quoi et que l'on échoue, il y aura toujours quelqu'un pour nous accueillir est important lorsque l'on doit se jeter dans le bain de la vie.

Le Christ, seule cause du succès personnel, avant même d'être le Juge de nos excès, n'imbibe plus la société actuelle, et les parents, même avec la meilleure volonté du monde, ne peuvent pas toujours lutter contre l'absence d'amour qui règne au delà des murs du foyer ou dans les mondes virtuels des adolescents. A ce sujet, il est très important que vous ne vous culpabilisiez pas vous-même. Les parents de notre époque ont à lutter héroïquement contre quelque chose qui les dépasse.

Les modèles d'identification qui sont proposés aux adolescents les font désespérer d'eux mêmes plus qu'ils de les élèvent : on leur donne pour exemple des personnages impassibles et dominateurs, ou au contraire soumis jusqu'à l'asservissement. On leur propose de rentrer dans un "marche ou crève" qui ne peut que les amener à rester sur place ! Ou on est un winner, ou on est un looser. Ou on devient un "mercenaire de la thune" à la Scarface ou à la Jérôme Kerviel, un "bluffeur" à la Michael Vendetta ou à la Christophe Rocquencourt, ou on est un "assisté", un "bolosse", une "victime" au sens péjoratif du terme.

Face à ce choix, manquant de confiance en eux, la plupart des jeunes décident de ne pas choisir, et préfèrent rester dans le cocon protecteur de la famille, même si les soirées sont plutôt agitées...

Ce narcissisme impotent, ce n'est pas cela qu'attend le Christ. Le Christ souhaite que votre fils s'aime d'abord lui-même, pour ensuite être capable de rendre cet amour aux autres.

En espérant vous avoir apporté des éléments de réponse,