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Message par Cinci Dim 16 Juin 2024 - 7:15

Texte intéressant à propos de la guerre perpétuelle sur le territoire de l'ancienne Palestine du mandat britannique, donc entre sionistes et arabes palestiniens. Je le soumets aux lecteurs parce qu'il contient des faits et dates qu'il est bon de connaître, pouvant former autant de repères. 

 Ici :


 La cause des Palestiniens

En quoi consiste la cause légitime des Palestiniens ? Quels arguments peut-on invoquer pour la contester et soutenir contre eux l'État d'Israël ? Laissons de côté les arguments bibliques, qui relèvent de la foi plutôt que de la raison. Les fous de Dieu sont malheureusement réfractaires à toute argumentation qui n'émane pas de leur propre champ de références. Examinons plutôt les considérations qui en appellent à la raison commune et aux valeurs des droits humains et du droit international. 

«L'État d'Israël a été crée en vertu de la résolution 181 de l'Assemblée générale des Nations unies adoptée le 29 novembre 1947 et relative au partage de la Palestine entre un État juif et un État arabe avec un statut spécial pour Jérusalem». 

L'ONU n'avait alors que 57 États membres (contre 193 à présent). La résolution 181 fut approuvée par 33 États dont douze occidentaux (Amérique du Nord, Europe et Océanie), treize États latino-américains sous influence états-unienne, et seulement deux États africains (coloniaux : Afrique du Sud et Libéria), ainsi qu'un unique État asiatique sous domination américaine : les Philippines. 

Cette résolution attribuait 56% du territoire de la Palestine sous mandat britannique au futur État juif, alors que les juifs ne constituaient que 33% de la population de ce territoire selon les statistiques officielles - sans parler du fait qu'ils étaient, dans leur grande majorité, des immigrants nés dans d'autres pays. En outre, l'État juif tel qu'envisagé par ladite résolution aurait regroupé dans ses frontières 45% d'Arabes et non juifs. 

Malgré toutes ces iniquités, l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a reconnu cette résolution dans la Déclaration d'indépendance palestinienne adoptée par le Conseil national palestinien le 15 novembre 1988. 

DROITS HUMAINS

Institué par la légalité internationale, l'État d'Israël était toutefois, dès sa fondation, en contradiction avec au moins six articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 10 décembre 1948, l'année même de la naissance de l'État d'Israël. 

Article premier :

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits

Bien que la citoyenneté israélienne eût été octroyée aux habitants palestiniens arabes du nouvel État, ils furent soumis à la loi martiale jusqu'en 1966. Ils demeurent à ce jour privés de plusieurs droits et fonctions liés à la condition d'avoir effectué le service militaire, de sorte qu'Israël contredit de fait le principe de la Déclaration qui stipulent que toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays et a droit aussi à accéder dans des conditions d'égalité, aux fonction publiques de son pays

Par ailleurs, l'exigence actuelle du gouvernement israélien d'imposer aux Palestiniens de le reconnaître comme «État juif» - alors que l'OLP a déjà officiellement reconnu l'État d'Israël depuis les accords d'Oslo conclus en 1993 - est une négation directe du principe de l'égalité entre citoyens israéliens juifs et non juifs.

Cinci
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Message par Cinci Dim 16 Juin 2024 - 8:09

Article 9

Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé

Au 30 avril 2014, il y avait 191 détenus administratifs dans les prisons israéliennes, dont une moitié incarcérée depuis plus de six mois. Ces incarcérations se font en violation du droit international, selon B'tselem, le centre israélien d'information pour les droits de l'homme dans les territoires occupés. Le nombre de ces détenus administratifs - les ordres de détention sont délivrés pour une période de six mois, renouvelable - varie considérablement en fonction des tensions suscitées par l'occupation de la Cisjordanie et de Gaza depuis 1967. Il était de 1789 prisonniers détenus au 5 novembre 1989 et de plus d'un millier au Ier janvier 2003. 

[commentaire personnel : les détenus administratifs sont des personnes arrêtées et emprisonnées mais sans qu'aucune charge d'accusation bien précise ait pu être portée contre eux, démontrée ou prouvée. C'est la définition même de la détention arbitraire]

Article 13

Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays

Le refus par Israël d'autoriser les Palestiniens de l'exode de 1948 de revenir dans leur pays est une négation flagrante de cet article. 

Le déni par l'État d'Israël du droit des Palestiniens au retour sur leurs terres et dans leurs demeures contredit également la résolution 194 au sujet des réfugiés palestiniens, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 11 décembre 1948 dont l'article 11 «... décide qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins et que des indemnités doivent être versées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé». 

Alors que l'État juif s'était vu octroyer 56% du territoire de la Palestine mandataire par la résolution de partition adoptée par l'ONU en 1947, il parvint à s'emparer de 22% de plus lors de la guerre israélo-arabe de 1948, contrôlant au final 78% du territoire palestinien. En dépit du principe - crucial en droit international de l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire par la guerre, ce sont les lignes d'armistice issue de la guerre de 1948 qui finirent par être reconnues par l'ONU comme frontières d'Israël. 

Il n'en alla pas de même cependant pour les territoires conquis par Israël lors de la guerre de juin 1967. La résolution 242 adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU le 22 novembre 1967 s'appuie sur le principe précité pour exiger le retrait des forces armées israéliennes de ces territoires; les «territoires occupés palestiniens» - autrement dit les 22% restants du territoire de la Palestine mandataire qui n'avaient pas été conquis par le nouvel État israélien en 1948 - demeurent occupés militairement de façon directe (Cisjordanie) ou indirectement (Gaza) depuis bientôt un demi siècle, en violation flagrante du droit international.

Les Palestiniens sous occupation directe et indirecte dans les territoires conquis par Israël en 1967 vivent une situation typiquement coloniale : ils subissent le rouleau compresseur de la répression militaire exercée par l'armée métropolitaine en Cisjordanie afin de maintenir une population autochtone sous contrôle et de protéger les implantations coloniales par lesquelles la métropole vise à pérenniser sa mainmise sur le territoire; ils sont enfermés dans un vaste «camp de regroupement» sous étau militaire à Gaza.

Gilbert Achcar

Cinci
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Message par Cinci Dim 16 Juin 2024 - 9:26

Au sujet du mur ...



 
Le Mur 

Pourquoi le gouvernement israélien a-t-il entrepris en juin 2002, la construction d'un mur et d'une barrière à l'intérieur de la Cisjordanie ? Officiellement, pour protéger la population d'Israël des attentats perpétrés par des terroristes en provenance du territoire palestinien. C'est sous le nom de barrière de sécurité que le projet a été présenté à l'opinion israélienne et à la communauté internationale. C'est ainsi qu'il est encore désigné par les officiels israéliens, la majeure partie de la presse israélienne et les amis d'Israël à l'étranger. 

L'idée d'entreprendre la construction de cette clôture géante est en fait née de la rencontre d'un contexte particulier et d'un concept stratégique ancien. 

Le contexte politique, c'est celui de la seconde Intifada déclenchée par la visite, le 28 septembre 2000, d'Ariel Sharon, alors à la tête du Likoud et de l'opposition, sur l'esplanade des Mosquées. Cette visite provoque le jour même des affrontements très violents qui s'étendent à la Cisjordanie, puis à la bande de Gaza. 

Pendant près de quatre ans, aux attentats suicides des islamistes du Hamas et du Djihad islamique, qui rejettent le processus de paix, et aux attaques des tanzim, liés au Fatah, vont répondre les liquidations de dirigeants palestiniens, la destruction des infrastructures en Cisjordanie et à Gaza, puis la réoccupation par l'armée israélienne des villes pallestiniennes. 

Dans l'opinion israélienne, habituée depuis la signature des accords d'Oslo en 1993, à vivre sinon dans la tranquilité, du moins dans une hostilité de faible intensité, la répétition des attentats-suicides provoque un véritable traumatisme : en quatre ans plus de 900 citoyens israéliens, civils et soldats, sont tués. Certes, pendant la même période, les opérations de l'armée israélienne dans les territoires occupés palestiniens font trois fois plus de victimes, mais les Israéliens, accoutumés à ce déséquilibre des forces et des dommages, réclament davantage : le retour à la sécurité. 

Au début de 2002, Ariel Sharon, qui a succédé un an plus tôt à Ehud Barak au poste de Premier ministre, après une élection très confortable, constate que sa popularité décline dans les sondages et qu'il faut trouver une réponse convaincante à l'exigence de sécurité de ses concitoyens. 

Qu'importe si la solution adoptée - un obstacle continu - ne constitue qu'une protection relative contre les intrusions terroristes et ne sert à rien contre les tirs de missiles, de roquettes ou d'obus de mortiers, puisqu'elle permet à l'État de montrer qu'il agit. C'est dans ce contexte politique que ressort des tiroirs le vieux concept de séparation entre Israéliens et Palestiniens envisagé par Yitzhak Rabin en 1995, puis résumé par Ehud Barak en une célèbre formule «Nous sommes ici, ils sont là». 

Ariel Sharon, est alors contre. A ses yeux, une séparation, ou qu'elle soit, en Cisjordanie, est la négation de son rêve ultime d'un Grand Israël de la Méditerranée au Jourdain. Les militaires ne sont pas non plus favorables à cette idée qu'ils considèrent comme une manifestation de défaitisme et de passivité opérationnelle. Ce sont les arguments que le chef d'état-major Shaul Mofaz puis son successeur Moshe Ya'alon répéteront à Sharon lorsque le chef du Likoud devenu Premier ministre, chargera l'armée de mettre à l'étude le projet d'obstacle continu. Au prix, il l'admettra plus tard, d'une révision déchirante de son rêve.

 A vrai dire, ce n'est pas seulement la nécessité de répondre à l'inquiétude des Israéliens et à leur exigence de sécurité qui explique le revirement de Sharon. En réalité, le projet d'itinéraire de la séparation telle qu,elle a été conçue par les stratèges du ministère de la Défense n'a plus rien à voir avec le tracé d'un rempart parallèle à la ligne verte qui sépare la Cisjordanie d'Israël. Il ressemble en revanche d,assez près à ce que pourrait être la nouvelle frontière sur laquelle Israël entend s'appuyer dans les négociations à venir. 

Car il existe aussi au sein de la hiérarchie militaire israélienne des officiers qui jugent négligeables les critiques stratégiques et opérationnelles que l'on peut adresser au projet de séparation et qui sont essentiellement attachés à la protection et au développement de la colonisation. Sharon va obtenir que le tracé du mur soit «aussi à l'est que possible et qu'il englobe le maximum d'Israéliens et le minimum de Palestiniens». Alors que la ligne verte - la ligne d'armistice du 3 avril 1949 reconnue implicitement comme frontière de l'État d'Israël par la résolution 242 du Conseil de sécurité de l,ONU - mesure 313 km, le tracé de la «barrière de sécurité» mesure près de 730 km. 

La future frontière d'Israël

Parce que la barrière et le mur, construits pour la quasi-totalité à l'intérieur du territoire de la Cisjordanie - et non au pourtour, comme l'avaient a priori envisagé les militaires - dessinent d'immenses méandres dont l'un des plus profonds, autour de la colonie d'Ariel, s'enfonce jusqu'à 20 km au coeur de la Cisjordanie. Au grand dam de certains militaires, depuis que le tracé sinueux de la séparation est connu, plusieurs officiers ont fait observer que s'il était déjà difficile - et coûteux - de surveiller un rempart de 313 km, assurer la sécurité d'un ouvrage de plus de 700 km est une ruineuse gageure. La Cour suprême elle-même a constaté à plusieurs reprises que les considérations qui ont guidé le tracé de la barrière n'avaient visiblement rien à voir avec la sécurité puisque certains tronçons du mur ou de la barrière sont placés de telle manière qu'ils mettent en péril la vie de ceux qui doivent la protéger. En vain. 

La barrière de séparation est la future frontière de l'État d'Israël. C'est Tzipi Livni, ministre chargée des négociations qui l'affirme en décembre 2005. Aveu confirmé par Ehud Barak en décembre 2007, dans une interview à la radio de l'armée. Ariel Sharon avait été très clair sur ce point dès 2003 : «Les Palestiniens devraient avoir compris que ce qu'ils n'ont pas obtenu aujourd'hui il se pourrait qu'il soit impossible de le leur donner demain». 

Pour les Palestiniens, l'existence du mur n'est pas seulement la manifestation concrète de la volonté israélienne d'imposer, sur le terrain, un fait accompli, c'est aussi au jour le jour l'expression d'une stratégie de domination, de harcèlement, d'humiliation. Un rappel quotidien de leur statut d'occupés.  

Cinci
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Message par Cinci Dim 16 Juin 2024 - 10:09

Car aux méandres de l'ouvrage, qui coupe le territoire palestinien en tranches et s'accompagne d'un véritable apartheid routier - les meilleures routes étant réservées aux colons, les autres imposées aux Palestiniens- s'ajoute le régime des nouveaux droits de résidence et de circulation qui transforme la vie des habitants de Cisjordanie en cauchemar kafkaïen. Les plus mal lotis sont les quelques 7 500 Palestiniens qui vivent et possèdent des terres agricoles dans les poches coincées entre la ligne verte et le mur. Pour en sortir ou y entrer, ils doivent disposer d'un permis et obtenir une carte de résident permanent pour y habiter. 

Des permis délivrés par l'administration civile - c'est à dire l'armée - sont également nécessaires pour franchir les terminaux, checkpoints routiers ou portes agricoles qui jalonnent le mur et la barrière. La durée de validité des documents peut aller de 24 heures à deux ans. Les critères de délivrance varient selon les conditions de sécurité du moment, le climat politique, voire l'humeur des militaires. 

On imagine ce que peut être la vie quotidienne des Palestiniens qui sont séparés par le mur de l'école, de l'hôpital, des commerces, des champs ou des oliveraies, des parents et des amis. Si on ajoute à ces tourments, endurés par ceux qui vivent au voisinage du mur, les centaines d'obstacles - checkpoints, barrages, chicanes, fossés, routes de contournement - disposés par l'armée sur les voies de communication de Cisjordanie, on comprend que l'économie palestinienne soit à l'agonie, l'agriculture en déclin, que le taux de chômage dépasse 20% et que 33% de la population des Territoires occupés soient en situation d'insécurité alimentaire.

La barrière et le mur ont-ils réellement sauvé des vies ? L'armée et le gouvernement l'affirment bien qu'il soit difficile de recenser les attaques ou les attentats qui n'ont pas eu lieu. Il est en effet possible que l'existence de cet obstacle, ajoutée à l'omniprésence des barrages et checkpoints, fixes ou improvisés, à l'intérieur de la Cisjordanie, ait dissuadé certains terroristes de passer à l'action. Mais cet ouvrage gigantesque dont chaque kilomètre coûte entre 2,5 et 3,3 millions d'euros est loin d'être infranchissable. D'abord parce qu'il n'est pas terminé et laisse sans protection plusieurs dizaines de kilomètres. Ensuite parce que même là ou il a été construit, existent des points de passage discrets, utilisés chaque jour par des travailleurs clandestins palestiniens pour entrer en Israël. En réalité, la chute brutale du nombre d'attentats terroristes en Israël est probablement due aux trèves secrètes conclues entre les islamistes et Israël, puis à la mise en place progressive en Cisjordanie des services de sécurité de l'Autorité palestinienne. 

Le mur agit désormais comme un rideau et un rempart. Un rideau à l'abri duquel les Israéliens peuvent vaquer en toute sécurité à leurs affaires et à leurs loisirs sans avoir sous les yeux le spectacle de cet autre pays, de cet autre peuple, si proche et si lointain que leur armée occupe et qu'ils colonisent depuis près d'un demi siècle. Un rideau qui éloigne de leurs regards le désarroi ou la colère de leurs voisins. 

La protection de ce statu quo confortable mais trompeur semble être aujourd'hui, avec le développement de la colonisation et la recherche d'un épouvantail extérieur - pour l'heure, iranien - l'horizon stratégique de Netanyahou. Et l'espérance ultime, en terme politique, de la majorité de ses concitoyens. Ainsi s'explique sans doute en partie l'indifférence croissante de ce secteur de l'opinion israélienne qui, sans jouer un rôle politique majeur, manifestait hier contre la colonisation et en faveur des droits légitimes des Palestiniens. Ainsi s'explique aussi, peut-être, pourquoi la majorité des Israéliens affirment demeurer favorables à la paix mais refusent, en choisissant d'élire ceux qui les gouvernent aujourd'hui, d'assumer cette conviction. Et d'en payer le prix. 

René Backmann

Cinci
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Message par Cinci Dim 16 Juin 2024 - 17:19

Sur l'échec des pourparlers de paix ... 




 Rony Brauman a déjà écrit ceci :


Rony Bauman

«... un nouvel élément de langage fit alors son apparition, plus sophistiqué que l'éternelle accusation de terroriste à l'encontre des Palestiniens, non pour s'y substituer mais pour le prolonger : «Nous n'avons pas de partenaires». Les offres généreuses du Premier ministre israélien Ehud Barak lors des négociations de Camp David (juillet 2000) se seraient heurtées à la duplicité et l'intransigeance de Yasser Arafat. Cette phrase qui fut tant répétée lors de la seconde Intifada, est au coeur de la stratégie de communication des gouvernements successifs depuis la fin des années 1990. Le quotidien Haaretz a révélé qu'elle fut élaborée par le général Amos Gilad, alors chef du département diplomatie et sécurité du ministère de la Défense. Il s'agissait d'imposer la théorie selon laquelle Arafat ne négociait que pour tromper le reste du monde, n'ayant en réalité jamais renoncé au terrorisme et à son but ultime : la destruction d'Israël. 

Une version moins brutale, tenant plus compte de la psychologie, s'est répandue en France, selon laquelle Arafat préférait, aux exigences prosaïques et aux tâches ingrates de la responsabilité gestionnaire, son statut de star planétaire reçue et fêtée dans le monde comme une icône de la résistance. Terroriste implacable ou cynique affabulateur, le résultat était le même : les «offres généreuses sans précédent» répondant à l'essentiel des aspirations palestiniennes, les efforts magnanimes de l'un dévoilaient le véritable visage de l'autre. 

On sait, depuis lors, ce qu'il en est de cet échec, grâce à plusieurs enquêtes et témoignages convergents publiés par certains négociateurs, notamment Robert Malley, conseiller spécial du président Clinton pour le Proche-Orient, ainsi que par les journalistes Charles Enderlin et Sylvain Cyprel. 

Les rétrocessions territoriales consenties par les Israéliens étaient significatives, mais écartaient tout règlement basé sur les résolutions de l'ONU et divisaient la Cisjordanie en trois espaces séparées du fait de l'annexion de «blocs de colonies» barrant le territoire. C'était à prendre ou à laisser. Procédant par diktat, comme chacun l'a noté, Ehud Barak refusa par ailleurs de reconnaître la responsabilité israélienne dans la création du problème des réfugiés. Le président Clinton fit porter la responsabilité de l'échec sur Arafat et lui seul, après avoir assuré celui-ci qu'il n'en serait rien.  Quant aux Palestiniens, ils péchèrent d'abord par manque de contre-proposition pratique. S'il fallait toutefois une preuve que les concessions n'étaient pas si généreuses d'une part, et que la partie palestinienne était ouverte à une solution négociée d'autre part, on la trouverait dans la rencontre de Taba, en Égypte, en janvier 2001. Là, au contraire, furent discutés les éléments d'une paix acceptable, un compromis reconnaissant la ligne de cessez le feu de 1949 comme base du tracé de frontières définitives. Israël annexait 3% du territoire cisjordanien correspondant aux blocs de colonies, entérinait le partage de Jérusalem en fonction des paramètres Clinton - les quartiers juifs à Israël, les quartiers arabes à la Palestine -, renonçait à la vallée du Jourdain et cédait un territoire nécessaire à la mise en place d'un passage sûr entre la Cisjordanie et Gaza. Non seulement Jérusalem devenait la capitale des deux États, mais le tabou des réfugiés était lui aussi levé, plusieurs options de réinstallations étaient proposées. 

Amos Malka, directeur du renseignement militaire israélien de 1998 à 2001, confirma dans une entrevue accordée au quotidien Haaretz en 2004 sa conviction qu'un accord était à portée de main, prenant alors à contre-pieds Amos Gilad. Il résumait ainsi l'analyse fournie au gouvernement par ses services :

«Nous sommes parvenus à l'hypothèse qu'il était possible de parvenir à un accord avec Arafat dans les conditions suivantes : un État palestinien avec Jérusalem comme capitale et la souveraineté sur le Mont du Temple, 97% de la Cisjordanie plus des échanges de territoires selon un ratio 1: 1 pour les territoires restants, une formule qui comprendrait la reconnaissance de la responsabilité d'Israël pour le problème des réfugiés et une disposition à accepter 20 000 à 30 000 réfugiés. Tout au long de cette période, cela a été l'évaluation du renseignement militaire. Arafat devrait obtenir une quelconque déclaration qui montrerait qu'il n'a pas bradé le droit au retour, mais il serait prêt à se contenter d'une application très limitée». 

Ehud Barak restera dans l'histoire comme le Premier ministre qui aura fait un grand pas dans la traduction concrète des accords de paix signés à Oslo en 1993 par son prédécesseur Rabin, et comme son fossoyeur. Son gouvernement ne renonça pas aux négociations après Camp David , bien que son autoritarisme et son intransigeance eussent été dans une large mesure à l'origine de l'échec.

Mais, entretemps, les affrontements provoqués par l'irruption d'Ariel Sharon sur l'esplanade des Mosquées et la fusillade fatale au jeune Al-Durah deux jours plus tard, le 30 septembre 2000, marquaient le début de la seconde Intifada et la remontée de la droite israélienne conduite par Benjamin Netanyahou. Le jeu interne l'emporta sur les pourparlers. Cherchant à barrer la route à son principal rival qui, faute d'être député, ne pouvait pas conduire une liste aux élections, Ehud Barak annonça en décembre des élections anticipées pour le mois de février suivant. Dans ce contexte politique tendu, toute concession devenait un renoncement, tout compromis un aveu de faiblesse. la victoire électorale était gagée non sur la détermination à conduire à leurs termes les pourparlers prometteurs avec l'adversaire, mais sur la démonstration d'une implacable fermeté face à l'ennemi. 

Ariel Sharon, l'homme de la colonisation, mais aussi le complice des tueurs du massacre de Sabra et Chatila (septembre 1982) aux yeux des Palestiniens, savait que sa présence sur l'esplanade des Mosquées déclencherait des troubles graves, comme cela avait été le cas à chaques incursions israéliennes précédentes. Ce n'est cependant pas lui, mais le premier ministre Barak qui donna l'ordre le lendemain de tirer à balles réelles sur les protestataires. Sept d'entre eux furent tués ce jour-là. C'est dans ce contexte dégradé que Barak rompit des pourparlers de paix qui, pour la première fois dans l'histoire du conflit, s'engageaient sur des bases juridiques internationalement reconnues et politiquement acceptables pour les deux parties. Il espérait de cette rupture des gains électoraux. Il perdit les élections au profit d'Ariel Sharon, notamment parce que les Arabes israéliens, ayant perdu toute confiance en une gauche israélienne qui les avait ouvertement trahis, cessèrent alors de voter pour elle. La solution «Deux États pour deux peuples» était morte. Depuis ce temps, le processus de paix n'existe plus. 

Sur fond de violences et d'attentats suicides, les autorités israéliennes et les amis d'Israël feignirent de déplorer l'absence de partenaires pour la paix, selon les éléments de langage mis au point par le général Amos Gilad. Des attentats palestiniens contre les civils, voitures piégées puis surtout commandos suicides se sont multipliés entre 2001 et 2005, causant plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés, semant la peur et la haine en Israël. Vengeances, représailles, attaques visant à démanteler des installations terroristes, les victimes se sont ajoutées aux victimes, dans une désespérante spirale de violences qui nourrit les radicaux et marginalise les partisans du dialogue.»

Cinci
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Message par Cinci Lun 17 Juin 2024 - 17:04

Rony Brauman poursuivait ...


«[...]

Non seulement les gouvernements successifs ont ignoré les offres et ouvertures, mais ils se sont employés à en disqualifier la possibilité même. Le plan de paix saoudien adopté lors du sommet de la ligue arabe de 2002, tenu à Beyrouth, reprenait les éléments essentiels d'une paix globale tels qu'ils avaient été énoncés lors des négociations de Taba, y ajoutant la garantie des États arabes voisins. 

Cette initiative de paix arabe fut suivie en 2003 de l'initiative de Genève, conduite à titre privé, comme une proposition venant de deux sociétés, par les négociateurs principaux des pourparlers précédents, Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo. Ces deux offres restèrent lettres mortes ne recueillant aucun signe d'intérêt du côté des autorités israéliennes, celles-ci persistant à faire mine de s'affliger de l'absence de partenaires. 

L'Intifada d'Al-Aqsa engagée à l'automne 2000 n'eut d'autre effet que de marginaliser plus encore le camp de la paix des deux côtés, tandis que se poursuivait la colonisation de la Cisjordanie, laquelle n'avait connu qu'une brève pause sous le règne de Yitzhak Rabin. De quelques milliers de colons dans les années 1970, les implantations de populations juives dans les Territoires occupés sont passées à 50 000 au moment de la première Intifada [1988], à 260 000 en 1993, et ont doublé depuis les accords d'Oslo. Le mitage des territoires par de nouvelles implantations et l'expansion des colonies existantes étaient largement, avec le constant report des échéances par les Israéliens, à l'origine de l'exaspération palestinienne. 

La mort en novembre 2004 du leader historique du nationalisme palestinien, Yasser Arafat, méthodiquement diabolisé par les Israéliens, comparé à Ben Laden par Sharon au lendemain du 11 septembre, n'y changea rien. Le profil politique de son Premier ministre et successeur Mahmoud Abbas, première personnalité palestinienne d'envergure à appeler au dialogue avec les organisations pacifistes israéliennes dès les années 1970, signataire et promoteur de la paix d'Oslo et qui prit position contre l'Intifada militaire, n'eut pas plus de conséquences. 

Le rapport Sasson, document officiel publié en 2005 [Israël] expose en détail le détournement de millions de shekels par les institutions gouvernementales destiné à financer les colonies et de nouvelles implantations : le ministère du logement fournit des caravanes, le ministère de l'Éducation paye école et enseignants; voies d'accès et raccordements électriques sont assurés par le ministère des Infrastructures et de l'Énergie et, bien sûr, le ministère de la Défense assure la sécurité de l'ensemble. 

Déjà, en 1982, un rapport établi dans des conditions analogues sous la conduite de la procureur adjointe de l'État, accusait le gouvernement israélien de violer ses propres lois en finançant la colonisation des Territoires occupés. Non seulement l'argument légal brandi par le camp de la paix israélien ne pèse rien face à la stratégie d'expansion voulue par les gouvernements successifs, mais il se heurte de plus à d'autres arguments légaux avancés par d'autres experts juridiques au service des colons et de leurs représentants politiques, en phase avec la culture politique dominante du pays. 

En tout état de cause, c'est l'installation de civils dans les Territoires occupés qui est illégale au regard du droit international, quelle que soit la législation mise en place par l'occupant. «Le maximum de terres avec le minimum d'Arabes», telle est la maxime guidant la politique de colonisation freinée seulement par le souci de ne pas mécontenter excessivement les alliés d'Israël. Sur ce plan, gauche et droite de gouvernement en Israël ne diffèrent que par les moyens, non pas les fins. «L'Occupation a écrit le romancier et intellectuel pacifiste David Grossman, est devenu le projet national, économique et identitaire le plus important qu'Israël ait jamais connu».  

 Le «désengagement de Gaza» en août 2005, décidé et conduit par Ariel Sharon, fut salué - une fois de plus, dira-t-on - comme l'amorce d'une nouvelle ère politique : pour la première fois, il est vrai, un territoire palestinien occupé était restitué à ses propriétaires légitimes, et l'on félicitait en Europe le Premier ministre qui avait osé prononcer les mots de «démantèlement de colonies» pour son courage et sa clairvoyance. Le départ des colons était sans aucun doute un bienfait pour les habitants de Gaza, qui voyaient disparaître avec eux les entraves incessantes qui empoisonnaient  leur vie quotidienne. Mais il y avait loin du désengagement de Gaza à l'amorce d'un retrait général. Dov Weissglass, conseiller politique de Sharon, dès octobre 2004 : «Le sens du désengagement est de geler le processus de paix déclarait-il alors à Haaretz. La question de l'État palestinien allait être retirée de l'agenda, se réjouissait-il, avec la bénédiction du président américain et des deux chambres du Congrès américain. Il s'agissait, précisait-il encore, de répondre à l'inquiétude suscitée par l'érosion internationale et interne de l'image d'Israël, que manifestaient d'une part le large soutien à l'initiative de Genève et d'autre part des protestations publiques émanant non pas de «gamins bizarres avec une queue de cheval verte et des anneaux dans le nez», mais des pilotes et des commandos israéliens, las des basses oeuvres qu'ils exécutaient dans les Territoires.  

Cinci
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Message par Cinci Mer 19 Juin 2024 - 15:36

Une parenthèse ...


 Dans une vidéo vu récemment, avec un Norman Finkelstein interrogé alors par l'animatrice de Democracy Now en janvier 2018 :


  

 Il y relatait, déjà, comment,  hors de tous doutes possibles, les forces israéliennes ciblaient pour tuer de façon volontaire des enfants palestiniens. Ses exemples ?  Tirés des opérations israéliennes de 2008-2009 et 2014 soit «plomb durci» et «bordure protectrice».

 Dans un cas, il s'agissait de drones militaires guidés à distance avec caméra et tout, avec un opérateur ne pouvant pas «ne pas voir» sur quoi le drone était dirigé; dans l'autre, encore un drone piloté pour s'abattre sur des enfants qui jouaient sur une plage ... zéro menace, zéro objectif militaire, 100% des civils, zéro terroriste. Etc.   

 Ailleurs, il donnait un point de comparaison chiffré, pour saisir la différence entre aujourd'hui (2024) et hier (2008). Il racontait comment dans la foulée de l'opération «Plomb durci», le haut commissaire du Comité international de la Croix Rouge disait qu'il n'avait jamais vu encore autant de destructions. Les destructions à Gaza en 2008 étaient ce qu'il avait vu de pire dans toute sa carrière. Les destructions se montaient alors à quelque chose de l'ordre de 2.5 millions de tonnes de gravats. En 2024, après plus de six mois d'opérations israéliennes à Gaza, les destructions atteindraient déjà le volume de 38.5 millions de tonnes de gravats. Finkelstein rapporte que l'on estime à quinze ans le temps qui sera nécessaire pour déblayer tout cela, avant même de pouvoir commencer à reconstruire sur place. Faut imaginer que sous les gravats se trouvent quantité de charges n'ayant pas explosées. 


Autre chose intéressante : il dit qu'il n'y a aucun combat ou aucun affrontement militaire direct à Gaza. Les Israéliens souhaitent tout simplement perdent le moins d'hommes possible et font reposer leur tactique sur la force de frappe aérienne. Il s'agit d'écraser l'autre sous les bombes. En retour, ces autres demeurent bien planqués. Et les Israéliens ne savent absolument pas ou ils se trouvent exactement. Par ailleurs, en fait de rockets ou de missiles, et c'est toujours Finkelstein qui parle, les gens du Hamas ne disposeraient en réalité que de vulgaires pièces pyrotechniques un peu améliorées. Des feux d'artifices quoi ! Tant le Hamas que les politiciens israéliens auraient intérêt à laisser croire qu'il devrait s'agir d'un véritable armement menaçant. En fait, le Hamas n'a rien. C'est pourquoi leurs milliers de rockets tirés sur le territoire israélien n'aura jamais rien fait d'autre que réussir à endommager une seule maison !

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Message par Cinci Mer 19 Juin 2024 - 15:40

Partir de la 44e minute, dans la vidéo (en anglais), pour le cas des enfants pris pour cibles à Gaza.

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Message par Cinci Mer 19 Juin 2024 - 22:05

« ... ce que disent les organisations de défense des droits de l'homme ? Toutes les organisations de défense des droits de l'homme. Elles diront toujours qu'Israël a utilisé une force disproportionnée, mais il y a une chose qu'elles ne diront jamais. Ce qu'elles ne diront jamais, c'est que des civils ont été pris pour cible, car c'est la règle absolue.

C'est contraire au droit international.

 Les attaques aveugles sont des crimes de guerre. Les attaques disproportionnées sont des crimes de guerre. Cibler des civils est un crime de guerre. C'est la loi. 

Mais il y a aussi l'opinion publique. Elle est prête à fermer les yeux sur les attaques disproportionnées. Je ne peux même pas prouver qu'une attaque est disproportionnée. C'est pratiquement impossible.

La seule chose que l'opinion publique ne tolère pas, c'est l'attaque ciblée contre des civils. Et c'est exactement ce qu'Israël fait dans tous ses massacres, et c'est exactement ce que les organisations de défense des droits de l'homme font maintenant [...]  seule chose qu'elles évitent de faire. Elles ne veulent pas dire qu'Israël cible des civils.»

 Norman Finkelstein (dans la vidéo, 42e minute)

Cinci
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Message par Cinci Mer 19 Juin 2024 - 22:45

Rony Brauman continue ...


Rony Brauman 


«Une politique reposant sur la seule intimidation militaire ne pouvait évidemment pas apaiser les tensions et c'est pourquoi le «désengagement» n'a pas mis fin aux violences. Ripostes au blocus pour les uns, ripostes aux ripostes pour les autres, les discussions sur l'enchaînement des tirs aveugles de roquettes par le Hamas sur le sud d'Israël et des inévitables ripostes de Tsahal sont un exercice sans fin. Reste que ledit blocus est une décisions israélienne et qu'aucune population au monde ne peut accepter d'être - à la lettre - mise intégralement en prison. Israël n'avait d'autre raison de mettre l'Autorité palestinienne hors-jeu à Gaza que de placer le Hamas au pouvoir et de poursuivre avec l'approbation occidentale son éternelle pédagogie noire, fondée sur la punition et la dissuasion par la force, en faisant de ce territoire une zone de bouclage permanent, où se succèdent les opérations punitives. 

Les tirs de roquettes et de missiles sur Israël sont une source d'angoisse pour un nombre croissant d'Israéliens, et il n'est que juste de condamner le Hamas sur ce point. Mais prétendre que le Hamas représente une menace pour l'existence d'Israël n'est pas sérieux. D'une part en raison du rapport de force sans commune mesure, d'autre part parce que le Hamas multiplie depuis des années les annonces de sa volonté de négocier sur les bases des résolutions de l'ONU. Il est vrai que figure dans la charte de cette organisation la négation de l'État d'Israël mais c'est également le cas du côté des gouvernements israéliens, dont les figures les plus éminentes contestent toute légitimité à un État palestinien, quand ils ne se prononcent pas pour une annexion pure et simple. Le Hamas, comme le Likoud et ses principaux alliés au gouvernement, conteste la validité des traités antérieurs, notamment l'accord d'Oslo. Il faudrait dès lors en tenir rigueur aux deux et non pas au seul Hamas, comme le font depuis tant d'années l'Union européenne et les États-Unis. Les dirigeants du Hamas sont-ils sincères dans leur intention de négocier ? Ils se placent dans cette perspective politique et c'est la seule chose qui devrait importer, d'un côté comme de l'autre. 

La nouvelle exigeance israélienne, juridiquement et politiquement extravagante, de se voir désormais reconnaître par les Palestiniens comme un «État juif» n'a d'autre fonction, personne n'est dupe, que de dresser un obstacle supplémentaire sur la voie d'un compromis.  De même, la réconciliation entre l'Autorité palestinienne et le Hamas, pour fragile qu'elle soit, devrait être accueillie comme l'occasion de pouvoir enfin discuter avec un interlocuteur palestinien unifié, plus représentatif et légitime. Mais cet accord a été, une fois de plus, retourné contre Mahmoud Abbas, jusqu'alors disqualifié comme non représentatif et désormais accusé de «choisir le Hamas contre la paix». Le «processus de paix» n'est plus depuis longtemps que le nom de code d'une politique du mensonge et de la violence.

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Message par Cinci Mer 19 Juin 2024 - 23:52

Pour finir ici avec Brauman :


Rony Brauman

«La mort de Nelson Mandela a donné lieu à un concert mondial d'éloges par des chefs d'État [...] Fort de ses qualités et de son charisme, «Madiba» a su conduire une société profondément divisée par l'injustice et la peur. Ayant connu l'Afrique du Sud du temps de l'Apartheid, les humiliantes mesquineries et la condescendance méprisante qu'engendrait au quotidien le système ségrégationniste, je n'imaginais pas que ce pays parviendrait à s'en extraire sans verser le sang. Les soulèvements étaient durement réprimés, l'opposition divisée, ses divers groupes s'affrontaient, les privilèges des Blancs semblaient inatteignables, si ce n'est dans une explosion aussi redoutable que le mal auquel elle aurait mis fin. L'Afrique du Sud d'aujourd'hui souffre de maux sérieux - injustices sociales, violence et insécurité - mais elle s'est sortie pacifiquement de ce système ignoble que seule une petite minorité blanche regrette. 

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou n'a pas jugé opportun de se montrer aux obsèques de Mandela, arguant du coût du voyage et se contentant de saluer la disparition d'un «dirigeant moral de premier ordre». On le comprend, il était directement concerné et sa situation aurait été pour le moins délicate.

«Nous savons trop bien que notre liberté n'est pas complète car il lui manque la liberté des Palestiniens», déclarait Mandela en 1997, à l'occasion du 20ième anniversaire de la journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien. Il est vrai qu'Israël avait assuré la modernisation de l'armée sud-africaine au temps de l'Apartheid. Mais surtout, le régime sous lequel vivent les Palestiniens des Territoires occupés n'est-il pas un apartheid de fait ? 

Apartheid, le mot fâche, il déchaîne les protestations des amis d'Israël qui y voient une nouvelle manière de délégitimer l'État d'Israël. Réaction doublement fautive : d'une part, le démantèlement de l'apartheid n'a pas mis fin à l'Afrique du Sud, bien au contraire, d'autre part, le mot est couramment utilisé en Israël, comme descriptif d'une réalité objective prévalant dans les Territoires occupés. Israël est assurément un État démocratique pour les juifs, mais tout aussi assurément un État juif pour les Arabes, comme le faisait remarquer Ahmed Tibi, député arabe à la Knesseth, l'assemblée israélienne. Notons au passage qu'il ne suffit pas que des députés arabes siègent dans un parlement israélien pour effacer les discriminations dont les Palestiniens d'Israël font l'objet : salaires inférieurs, subventions publiques plus basses, interdiction d'épouser un(e) Palestinien(ne) des Territoires occupés, accès au crédit entravé, entre autres pratiques discriminatoires. 

Tel que défini par l'ONU en 1973, «le crime d'apartheid désigne les actes inhumains commis en vue d'instituer ou d'entretenir la domination d'un groupe racial d'êtres humains sur n'importe quel autre groupe racial d'êtres humains et d'opprimer celui-ci»

Les centaines d'enfants tués, les maisons détruites à l'explosif, les irruptions fracassantes en pleine nuit, les milliers de détenus administratifs, la pratique de la torture, les routes réservées, les routes barrées, les heures d'attente aux check points, le mur de séparation, les saisies de terres et la transformation  du paysage en terrains vagues au nom de la sécurité, voilà qui peu ou prou résume le quotidien de l'occupation. Au demeurant, un sondage réalisé en octobre 2012 révélait qu'entre un tiers et la moitié des juifs israéliens veulent vivre dans un pays qui pratique officiellement et ouvertement une discrimination à l'égard de ses citoyens arabes. Une majorité encore plus large souhaiterait vivre dans un pays pratiquant l'apartheid si Israël annexait la Palestine. 

L'extrême-droite, ouvertement raciste, est actuellement au pouvoir en Israël et ne cache pas ses vues. Le ministre des Affaires étrangères qui vit lui-même dans une colonie de Cisjordanie, n'a-t-il pas appelé à traiter Gaza comme les États-Unis le firent du Japon en 1945, avec des bombes nucléaires, à noyer des prisonniers palestiniens qu'Israël s'apprêtait à libérer ? Naftali Bennett, le ministre de l'Économie, lui aussi un colon, se vante «d'avoir tué beaucoup d'Arabes, ce qui ne pose aucun problème». Moshé Feiglin, vice-président de la Knesseth, décrit comme un acte de résistance la tuerie commise par Baruch Goldstein en février 1994 à Hébron (23 morts). 

On allongerait sans peine la liste des responsables politiques, membres de partis de gouvernement, auteurs de déclarations racistes, appelant au «transfert», c'est à dire l'expulsion d'une partie des citoyens de leur propre pays, une mesure à laquelle se rallie une proportion croissante de juifs israéliens. 

Le risque pour l'état hébreu de se voir isolé comme le fut l'Afrique du Sud s'accroit, comme l'indiquent diverses mesures récentes prises non seulement par des institutions universitaires, mais aussi par des entreprises et des gouvernements traditionnellement alliés. L'Union européenne a enfin décidé de ne plus financer les institutions israéliennes opérant dans les territoires occupés. Les entreprises high-tech israéliennes situées dans les colonies de Cisjordanie et à Jérusalem-Est ne peuvent plus bénéficier de financement allemand ni néerlandais. L'un des plus importants fonds de pension, basé à Amsterdam, a récemment rompu son partenariat avec des banques israéliennes en raison de leur implication dans le financement de la colonisation. Au-delà de leur aspect symbolique, l'impact des sanctions prises par l'Union européenne, son premier partenaire économique, pourrait signifier une réduction de 20% des exportations israéliennes vers l'Union européenne. Si l'on en juge par la vivacité croissante des réactions d'Israël, cette menace semble désormais prise au sérieux.   

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Message par Cinci Sam 22 Juin 2024 - 2:36

Vidéo instructive :

 

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Message par Cinci Sam 22 Juin 2024 - 3:56

Ici c'est la mère Michèle qui passe un savon à Pierre Perret. 

 


Quelle réplique sur le fond ! 

Faut dire que notre vieux chanteur l'aurait bien cherché avec son étrange saillie qu'il aurait pu manifester récemment.

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Message par Cinci Sam 22 Juin 2024 - 4:58

La muraille d'acier ...

«... intérioriser l'idée que les Arabes n'accepteront jamais un État juif et donc appelant la jeunesse juive, les habitants juifs de la Palestine à ne pas penser, ne pas croire que si on négocie, si on leur promet un niveau de vie plus favorable, les Arabes vont accepter la présence des juifs en Palestine. Il dit que ce n'est pas par antisémitisme que les Arabes refusent cette présence, mais parce qu'ils se ressentent comme des autochtones et pour eux les immigrants qui viennent d'Odessa, de Paris, de Marseilles, de Marrakech ou d'ailleurs, sont des étrangers et des colonisateurs. Il dit qu'ils n'accepteront pas plus la présence des juifs en Palestine que les Aztecs, les Incas ou les aborigènes d'Australie n'ont accepté la présence des Espagnols, des conquistadors ou des immigrants anglais qui sont arrivés. Donc il faut ériger cette muraille de fer. Il dit clairement dans son article : ils n'accepteront un État juif que le jour ou ils seront persuadés que cet État juif est indestructible. L'opposition arabe sera toujours aussi ferme peu importe que cet État juif soit plus petit ou plus grand. L'opposition sera irrémédiable.»

 [Le présentateur nous résume le contenu d'un article majeur écrit par Jabotinsky à son époque - pour cela il faut dépasser la huitième minute dans la vidéo] 

 Très intéressant. 

Comment cette pensée ou cette leçon de Jabotinsky a pu essaimer en Israël et se trouver dans le fond de cette mentalité absolument rétive à toute idée de négocier avec les Arabes, négocier sérieusement, faire un réel compromis en devant accepter de perdre ceci ou cela. «Jamais !», dit Jabotinsky. 

Par ailleurs, il est extrêmement intéressant, fondamental, de bien voir que même Jabotinsky en personne comprenait que le vrai problème entre les Arabes et lui ne tenait pas du tout, à son avis, à une affaire d'antisémitisme. Non, mais bel et bien à une affaire de colonialisme. La pensée de Jabotinsky à l'époque rejoindrait bien à cet égard celle des Ben Gourion et même Ehud Barak; quand l'un disait que s'il était arabe il ne négocierait pas lui-même avec les juifs et l'autre que s'il était né arabe il serait terroriste lui-même !


Toute cette histoire d'antisémitisme n'est que du flan, de la diversion, un écran de fumée.

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Message par Cinci Sam 22 Juin 2024 - 6:28

La muraille d'acier ...

«... intérioriser l'idée que les Arabes n'accepteront jamais un État juif et donc appelant la jeunesse juive, les habitants juifs de la Palestine à ne pas penser, ne pas croire que si on négocie, si on leur promet un niveau de vie plus favorable, les Arabes vont accepter la présence des juifs en Palestine. Il dit que ce n'est pas par antisémitisme que les Arabes refusent cette présence, mais parce qu'ils se ressentent comme des autochtones et pour eux les immigrants qui viennent d'Odessa, de Paris, de Marseilles, de Marrakech ou d'ailleurs, sont des étrangers et des colonisateurs. Il dit qu'ils n'accepteront pas plus la présence des juifs en Palestine que les Aztecs, les Incas ou les aborigènes d'Australie n'ont accepté la présence des Espagnols, des conquistadors ou des immigrants anglais qui sont arrivés. Donc il faut ériger cette muraille de fer. Il dit clairement dans son article : ils n'accepteront un État juif que le jour ou ils seront persuadés que cet État juif est indestructible. L'opposition arabe sera toujours aussi ferme peu importe que cet État juif soit plus petit ou plus grand. L'opposition sera irrémédiable.»

 [ Le présentateur nous résume le contenu d'un article majeur écrit par Jabotinsky à son époque - pour cela il faut dépasser la huitième minute dans la vidéo] 

 Très intéressant. 

Comment cette pensée ou cette leçon de Jabotinsky a pu essaimer en Israël et se trouver dans le fond de cette mentalité absolument rétive à toute idée de négocier avec les Arabes, négocier sérieusement, faire un réel compromis en devant accepter de perdre ceci ou cela. «Jamais !», dit Jabotinsky. 

Par ailleurs, il est extrêmement intéressant, fondamental, de bien voir que même Jabotinsky en personne comprenait que le vrai problème entre les Arabes et lui ne tenait pas du tout, à son avis, à une affaire d'antisémitisme. Non, mais bel et bien à une affaire de colonialisme. La pensée de Jabotinsky à l'époque rejoindrait bien à cet égard celle des Ben Gourion et même Ehud Barak; quand l'un disait que s'il était arabe il ne négocierait pas lui-même avec les juifs et l'autre que s'il était né arabe il serait terroriste lui-même !


Toute cette histoire d'antisémitisme n'est que du flan, de la diversion, un écran de fumée.

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Message par Cinci Sam 22 Juin 2024 - 21:07

La réplique de Pierre Perret à ses fans déçus (nouveaux ex-fans) sur Facebook ...


Pierre Perret 

«Mes P’tits loulous antisémites, il y a maldonne ! D’abord si vous êtes antisémites, racistes, vous ne pouvez faire partie de mes loulous ! Après avoir écrit des chansons telles que « Ferdinand » « Lily » ou « La bête est revenue », j’ai eu l’honneur - moi qui me tamponne des honneurs - de me voir attribuer par deux fois le prix de la LICRA (ligue contre le racisme et l’antisémitisme).
Mes chansons sont apprises depuis longtemps dans des tas d’écoles qui portent mon nom. Non, on n’y apprend pas la haine. Non, on n’y glorifie pas non plus les bombardements de pauvres gens, pas plus que le carnage du sept octobre perpétré par de courageux barbares amis de la grande résistante R. HASSAN désolé !

Adieu donc mes faux loulous et ne perdez plus votre temps à écouter des chansons que vous ne comprenez pas !»


 https://www.facebook.com/lesitepierreperret/posts/pfbid02D4Xqc5TDfo58my9L61ATZRq57TeWxDh834Q4T3VbUXqiA2VKwnAywsFGVTQTVdTYl

Hé là, là ... 

Je ne me doutais pas que Pierre Perret pouvait être aussi bête, s'en révéler aussi débile et dégoulinant de haine, sa propre tire harnachée à une si mauvaise cause. Je nomme : la défense des oppresseurs de peuple. Vouloir défendre des oppresseurs sionistes, colonialistes, racistes et fascistes : non mais vraiment ... Défendre la cause des Ben Gvir, Smotrich ou d'un Naftali Bennett (Premier ministre d'Israël un temps) et qui se vantait «d'avoir déjà tué des Arabes et que cela ne posait aucun problème» (sic.) Le discours qui émane de tant de personnalités dans les échelons les plus élevés de l'appareil d'État israélien est hallucinant, proprement inimaginable. Un véritable discours de chemises noires de l'an 1924 ou 1934. Puis un idiot de Pierre Perret défend ça !

La mère Michèle a bien raison de trouver ignoble le comportement de l'autre bouffi. Il mériterait bien un concert de sifflets, de corne de brume, de cloche à vache.

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Message par Cinci Sam 22 Juin 2024 - 21:11

La conférence de Pierre Stambul évoquée par la mère ... 

 

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Message par Cinci Sam 22 Juin 2024 - 21:39

Voir la 42e ou 43e minute ... ; et alors qu'après 1977 (Menahem Begin, figure phare de l'Irgoun) tous les dirigeants israéliens sont des disciples de Jabotinsky. 

Puis le marché de dupes d'Oslo ... 49e minute ... sur les offres «généreuses» d'Ehud Barack qu'Arafat va refuser et le comportement biaisé de Clinton. 

et 

«Je vous enlève toute idée qu'à l'intérieur du sionisme il y aurait des partenaires pour la paix» (52e minute) 

- Aïe ! Houuuuch.

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Message par Cinci Sam 22 Juin 2024 - 21:45

Le propos de l'ancien diplomate et ambassadeur suisse ... 

 

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Message par Cinci Dim 23 Juin 2024 - 5:21

Sur de Gaulle et la question de 1967 et ses conséquences ...


Le général de Gaulle 

«Nous pensons, comme nous l'avons toujours fait, d'une part, qu'Israël existe. Encore une fois, ce n'est pas nous qui l'avons fait, mais nous avons accepté qu'il existe; ses voisins doivent donc le reconnaître en tant qu'État. D'autre part, il a eu le tort de commencer le feu et ses conquêtes par les armes ne sont pas valables. Quant aux Arabes, de toute manière, il ne faut pas les laisser se diviser, et s'anarchiser; ils doivent continuer leur effort de développement [...] Quant à Israël, il sera très difficile d'obtenir qu'il revienne à ses positions de départ; cela prendra longtemps et exigera de grandes pressions. Au demeurant, tout dépend des États-Unis : si ceux-ci encouragent par en-dessous Israël à rester, il restera, mais s'ils acceptent l'idée qu'Israël doit revenir, il reviendra. De toute façon, le plus grave dans cette conquête, ce n'est pas le Sinaï, qui ne représente pas une affaire importante, sinon qu'Israël ne doit pas rester sur le canal. L'important c'est qu'il ne garde pas les territoires situés à l'ouest du Jourdain, terres fertiles, ni Jérusalem. Quant au reste, pour l'affaire des hauteurs de Kuneistra, ou Israël ne devrait pas rester, il faudra qu'un jour intervienne un système qui neutralise cette région, au nord de Tibériade, afin que l'on n'y tire plus de part et d'autre. Pour en arriver là pourtant cela sera long et difficile et cela dépendra du soutien réel des États-Unis.»

Kossyguine :

«Johnson m'a dit que les troupes israéliennes devraient évacuer les territoires conquis, mais qu'il fallait pour cela résoudre des questions telles que celles de la reconnaissance d'Israël, de la liberté de navigation dans le canal de Suez et dans le golfe d'Aqaba, et celles des réfugiés palestiniens. Il faut bien entendu les régler, mais comment ? Cela n'est pas clair, et Johnson n'a guère d'idées là-dessus. Il m'a affirmé qu'il appuierait un retrait d'Israël à condition qu'une solution fût apportée à ces différents problèmes. Nous avons proposé d'examiner séparément la question du retrait, mais Johnson n'a pas été d'accord. Il n'y a donc pas eu de position commune sur ce point. Il est d'ailleurs naïf de vouloir résoudre la question des réfugiés comme il le propose, à savoir qu'une partie d'entre eux émigrent au Canada et une autre aux États-Unis. L'Amérique, m'a-t-il dit, les accepterait. Or, les réfugiés, eux, ne l'accepteraient pas car ils veulent rentrer chez eux.» 

Entretien de Gaulle/Kossyguine, 1er juillet 1967  







 Henry Laurens 


Charles de Gaulle est le seul chef d'État occidental à avoir longuement séjourné au Proche-Orient, d'abord comme officier dans les années 1930 puis durant la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période et celle de la traversée du désert (1946-1958), il s'est montré peu amène envers le nationalisme arabe vu comme une création britannique destinée à ruiner la présence française au Levant. Sa perspective initiale a été celle de la «question d'Orient» héritée du XIXe siècle. Lors de la crise de mai-juin 1945, qui consacre l'élimination de la France de Syrie, il a appelé à la restauration du concert des puissances tel qu'il était pratiqué avant la Première Guerre mondiale. 

[...]

Dès son retour au pouvoir en 1958, s'il considère l'État d'Israël comme un allié de la France, il s'inquiète de sa volonté supposée d'expansion. Il l'a marqué dans ses différents entretiens avec des responsables israéliens, provoquant l'incompréhension ou la dénégation de ses interlocuteurs. 

Sa politique depuis le début de la crise en mai 1967 s'articule autour du danger que provoquerait une guerre au Moyen-Orient, qui risquerait de déboucher sur une Troisième Guerre mondiale. Il a compris la nécessité d'interdire le passage à la violence armée, ce qu'il a intimé aussi bien aux Israéliens qu'aux Arabes, et ne voit de solution que dans une action concertée des quatre grandes puissances pour fixer un cadre de règlement global, c'est à dire la résurrection du concert des puissances. De Gaulle a ostensiblement proclamé un embargo sur les livraisons d'armes à destination du Moyen-Orient. Comme l'embargo ne concerne pas les pièces détachées. vitales en matière d'aviation, et qu'il existe plusieurs moyens de les tourner avec la complicité tacite des autorités françaises, il est très probable qu'après le 5 juin 1967, au moins en valeur monétaire, la France a livré plus de matériel militaire que les États-Unis. Le seul gel véritable concerne les pièces d'avions. Mirage commandés précédemment par Israël. Cet enjeu est important puisque l'aviation israélienne n'a pu combler ses pertes durant la guerre, contrairement à l'armée de terre qui a récolté sur l'ennemi de nombreux armements. 

Dès la fin des opérations militaires, la diplomatie française a marqué son inquiétude devant l'avenir. La guerre n'a rien réglé et n'a fait qu'aggraver la situation. Le 15 juin, Couve de Murville, alors ministre des Affaires étrangères et qui a jadis été ambassadeur au Caire, s'exprime sur les conséquences psychologiques du conflit : «Je pense au choc crée par les événements, au traumatisme qui frappe tous ces peuples, dont les effets n'apparaîtront qu'à la longue, qui sont difficiles à mesurer en durée et en profondeur.» Au nom de la France, il demande que l'on aboutisse à une solution réelle, c'est à dire durable, qui ne peut être imposée par la force mais qui doit résulter de l'accord de toutes les parties. Les puissances doivent en donner l'orientation. 

Le 21 juin, dans une déclaration, de Gaulle est plus explicite. Il blâme les voisins arabes d'avoir menacé de détruire Israël et fait porter la responsabilité de la crise mondiale sur la guerre du Vietnam. La France ne tient pour acquis aucun des changements réalisés sur le terrain par l'action militaire. Le 8 juillet, lors d'une visite en Union soviétique, Georges Pompidou rappelle cette position : «Il est évident que ces problèmes ne peuvent pas trouver de solution satisfaisante par la voie militaire. La France ne peut reconnaître le fait accompli de la conquête par les armes». 

Le 17 octobre, durant sa visite au Pakistan, de Gaulle donne le contenu global de sa vision des choses. La France tient pour condamnable le fait [pour les Israéliens] d'avoir engagé les combats, pour inacceptable l'acquisition de territoires étrangers [Cisjordanie, Gaza, etc.] occupés par la force des armes.

En terme d'analyses pures, la perspective gaullienne conteste deux des positions israéliennes [...]

La très grande majorité de l'opinion publique française est pro-israélienne. La défaite arabe a été interprétée par beaucoup comme une revanche de la guerre d'Algérie. Les Juifs de France, bien au-delà de la mouvance des mouvements sionistes, se sont identifiés à Israël, ont eu peur pour sa survie et ont ressenti l'immense joie de la victoire. 

L'analyse stratégique gaullienne n'est pas comprise. Elle est définie comme une prise de position pro-arabe et une absence de neutralité dans le conflit en cours. Beaucoup y voit une nouvelle extravagance dont le vieux chef est coutumier. 

Le hasard du calendrier fait qu'uen grande conférence de presse est prévue pour le 27 novembre, cinq jours après le vote de la résolution britannique. De Gaulle s'y exprime avec un vocabulaire magnifique qui va plutôt singulièrement aggraver la situation. Il commence par un rappel historique d'événements dont il a lui-même été témoin, le foyer national juif et la création de l'État d'Israël :

«On pouvait se demander, en effet, et on se demandait même chez beaucoup de Juifs, si l'implantation de cette communauté sur des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables et au milieu de peuples arabes qui lui étaient foncièrement hostiles n'allait pas entraîner d'incessantes frictions, d'interminables conflits.»

C'est le paragraohe suivant, ou le Général continue à utiliser l'indétermination («On», «Certains»), qui va soulever le plus de passions :

«Certains même redoutaient que les Juifs, jusqu'alors dispersés. mais qui étaient restés ce qu'ils avaient été de tout temps, c'est à dire un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur, n'en viennent, une fois rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu'ils formaient depuis dix-neuf siècles» 

L'attention portera moins sur la suite du texte, sauf le début du paragraphe suivant :

«Cependant, en dépit du flot tantôt montant, tantôt descendant, des malveillances qu'ils suscitaient dans certains pays et à certaines époques, un capital considérable d'intérêt et même de sympathie s'était accumulé en leur faveur, surtout il faut bien le dire dans la chrétienté; un capital qui était issu de l'immense souvenir du Testament, nourri par toutes les sources d'une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu'inspirait leur antique malheur et que poétisait chez nous la légende du Juif errant, accru par les abominables persécutions qu'ils avaient subies pendant la Deuxième Guerre mondiale et grossi, depuis qu'ils avaient retrouvé une patrie, par leurs travaux constructifs et le courage de leurs soldats.» 

De Gaulle rappelle que la France a vu avec satisfaction la création de l'État d'Israël. Mais aussi qu'à la faveur de l'expédition franco-britannqiue de Suez en 1956, on avait vu apparaître, en effet, un État d'Israël guerrier et résolu à s'agrandir. 

Il évoque la reprise des relations avec le monde arabe :

«D'autre part, une fois mis un terme à l'affaire algérienne, nous avions repris avec les peuples arabes d'Orient la même politique d'amitié et de coopération, qui avait été pendant des siècles celle de la France dans cette partie du monde et dont la raison et le sentiment font qu'elle doit être aujourd'hui une des bases fondamentales de notre action extérieure. Bien entendu nous ne laissions pas ignorer aux Arabes que pour nous l'État d'Israël était un fait accompli et que nous n'admettrions pas qu'il fut détruit.» 

Il décrit la position française lors de la crise qui la suit et passe à la situation présente :

«On sait que la voix de la France n'a pas été entendue. Israël ayant attaqué, s'est emparé, en six jours de combat, des objectifs qu'il voulait atteindre. Maintenant, il organise sur les territoires qu'il a pris, l'occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion et il s'y manifeste contre lui une résistance qu'il qualifie à son tour de terrorisme.»

Il aborde la question du règlement final :

«Il est bien évident que le conflit n'est que suspendu et qu'il ne peut pas avoir de solution, sauf par la voie internationale. Mais un règlement dans cette voie, à moins que les Nations unies ne déchirent elles-mêmes leur propre chartre, un réglement doit avoir pour base l'évacuation des territoires qui ont été pris par la force, la fin de toute belligérance et la reconnaissance réciproque de chacun des États en cause par tous les autres. Après quoi, par des décisions des Nations unies, en présence et sous la garantie de leurs forces, il serait probablement possible d'arrêter le tracé précis des frontières, les conditions de la vie et de la sécurité des deux côtés, le sort des réfugiés et des minorités et les modalités de la libre navigation pour tous. Suivant la France, dans cette hypothèse, Jérusalem devrait recevoir un statut international.»

Cinci
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Message par Cinci Dim 23 Juin 2024 - 6:04

Si la conférence du Général en 1967 est devenue un grand fait notoire, on sait moins qu'après celle-ci Ben Gourion aura pris sa plume pour écrire à de Gaulle. Et de Gaulle lui aura répondu volontiers. 

 Le 30 décembre 1967 :


La réponse commence par un rappel de l'estime que le Général porte à Ben Gourion et à son peuple.

«Je sais ce que la restauration d'Israël en Palestine, telle que vous la décrivez après y avoir éminemment participé, a comporté de foi, d'audace et de difficultés, et combien a été méritoire la mise en valeur de régions semi-désertiques par le nouvel État grâce à l'afflux de tant de Juifs venus de partout et à l'aide de tant de leurs communautés réparties à travers le monde. Vous rappelez à juste titre que mon pays et moi-même n'avons pas ménagé notre sympathie à cette construction nationale et vous ne pouvez douter que, le cas échéant, nous nous serions opposés à ce qu'elle fût anéantie, comme le garantissaient nos entretiens officiels de naguère et le fait que j'avais publiquement qualifié Israël d'État ami et allié.» 

Ces conditions mêmes imposent à Israël une stricte modération dans ses rapports avec ses voisins et dans ses ambitions territoriales. 

«Cela d'autant plus que les terres initialement reconnues à votre État par les puissances sont considérées par les Arabes comme leurs biens, que ceux-ci, au milieu des quels s'installait Israël, sont, de leur côté, fiers et respectables, que la France éprouve à leur égard une amitié ancienne et naturelle, et qu'ils méritent eux aussi de se développer en dépit de tous les obstacles que leur opposent la nature, les graves et humiliants retards qu'ils sont souvient subis depuis des siècles du fait de leurs occupants successifs, enfin leur propre dispersion.» 

Il poursuit expliquant la nécessité de s'en tenir à la modération que doit imposer une saine politique.

«Je demeure convaincu que, en passant outre aux avertissements donnés en temps voulu à votre gouvernement par celui de la République française, en entamant les hostilités, en prenant par la force des armes possession de Jérusalem et de maints territoires jordaniens, égyptiens et syriens, en y pratiquant la répression et les expulsions qui sont inévitablement la conséquence d'une occupation dont tout indique qu'elle tend à l'annexion, en affirmant devant le monde que le réglement du conflit ne peut être réalisé que sur la base des conquêtes acquises et non pas à condition que celles-ci soient évacuées, Israël dépasse les bornes de la modération nécessaire.» 

De Gaulle revient sur son jugement controversé sur le peuple juif pour en revenir à l'essentiel de sa vision du problème, la primauté du politique sur la mystique :

«Il ne saurait y avoir rien de désobligeant à souligner le caractère grâce auquel ce peuple fort a pu survivre et rester lui-même après dix-neuf siècles passés dans des conditions inouïes. Mais quoi ? Voici qu'Israël, au lieu de promener partout dans l'univers son exil émouvant et bimillénaire, est devenu bel et bien, un État parmi les autres et dont, suivant la loi commune, la vie et la durée dépendent de sa politique. Or, celle-ci, combien de peuples l'ont, tour à tour, éprouvé !, ne vaut qu'à la condition d'être adaptée aux réalités.» 


Cinci
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Message par Cinci Dim 23 Juin 2024 - 16:21

L'historien juif Ilan Pappé ...



 Une partition futile et immorale 

«Selon une maxime juive célèbre, on devrait chercher sa clé perdue à l'endroit où on l'a égarée, et non à l'endroit où il y a de la lumière. A bien des égards, le prétendu processus de paix en Palestine, fondé sur le concept de solution à deux États, a toujours été une quête futile, menée à la lueur d'un puissant lampadaire situé très loin de la clé perdue.

La réunion sous le lampadaire des dirigeants du monde, des médiateurs, des sionistes progressistes, des Palestiniens soi-disant modérés et de certains des meilleurs amis occidentaux de la Palestine a été motivée par une mésinterprétation partagée, du conflit israélo-palestinien, envisagé comme s'il mettait au prise deux mouvements nationaux. De cette perspective ont émergé deux autres idées fausses, selon lesquelles le conflit a débuté autour de 1967 avec l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, et ces deux régions sont les plus «palestiniennes» par leur nature et leur histoire que le reste de la Palestine. Loin du lampadaire se cachent des vérités qui semblent déranger non seulement les sionistes, mais quiconque craint de tenir tête à Israël. Là, dans l'obscurité, réside la seule interprétation juste du conflit : une lutte opposant depuis la fin du XIXe siècle un mouvement colonialiste de peuplement et une population autochtone. 

Vu sous cet angle, le conflit apparaît comme une tentative soutenue des sionistes d'accaparer la plus grande partie du territoire palestinien possible en y laissant vivre le moins de Palestinien possible. Paradoxalement, cette volonté de désarabiser le pays découle de leur rêve de créer une démocratie à l'européenne en plein coeur du monde arabe, lequel est toutefois assorti d'une seule réserve : il doit s'agir d'une démocratie juive.

C'est pourquoi les colons ont toujours été portés par un élan à la fois géographique et démographique. A ses débuts, le mouvement sioniste était dirigé par des chefs pragmatiques, tel David Ben Gourion, qui reconnaissait la nécessité de s'emparer de la Palestine progressivement, un morceau à la fois, sans jamais perdre de vue l'impératif de constituer un territoire à majorité juive. Par conséquent, au cours de la période mandataire (1918-1948), ou les Juifs représentaient moins du tiers de la population, le mouvement a proposé une partition de la Palestine qui assurerait à la petite minorité des colons l'exclusivité de certaines zones, dans l'espoir d'y attirer de nouveaux arrivants et de s'emparer de territoires plus vastes. Dès les années 1930, les chefs sionistes ont tenté de convaincre le gouvernement britannique de les aider à concrétiser ces rêves en déplaçant les Palestiniens qui vivaient dans les futures zones juives, ce qui, affirmaient-ils, contribuerait à la résolution du conflit. Mais l'empire ne s'est pas laissé convaincre. 

Le mouvement sioniste a dû prendre les choses en main, c'est à dire envisagé à la fois de se rendre maître du territoire où implanter une démocratie juive et d'en chasser les Palestiniens. Dans ce pays ou, en 1948, les colons juifs ne représentaient encore que le tiers de la population, la nécessité de recourir à la force a été accentuée par l'incapacité des sionistes d'acheter un grand nombre de terres. Cette situation a eu pour aboutissement inéluctable une vaste opération de nettoyage ethnique en Palestine, laquelle a commencé avant même le départ des Britanniques en février 1948 et s'est poursuivie jusqu'au début de l'année 1949. 

Ce nettoyage ethnique a donné naissance à la Cisjordanie et à la bande de Gaza, deux entités géopolitiques issues de la prise de contrôle de la Palestine par le mouvement sioniste, auxquelles s'est ajoutée une troisième zone, le Wadi Ara, qui faisait partie de la Cisjordanie, mais a été annexé à Israël sous la contrainte, lorsque, en avril 1949, une Jordanie menacée par la guerre le lui a concédé dans le cadre d'un armistice bilatéral. 

La Cisjordanie est constituée des parties de la Palestine allouées à un futur État arabe en vertu du plan de partage adopté par l'ONU le 29 novembre 1947. C'est le compromis qu'on a trouvé pour que la Jordanie accepte de se contenter d'un rôle mineur dans l'effort global du monde arabe de sauver la Palestine (la légion arabe et l'armée israélienne naissante s'étaient livré une rude bataille pour le contrôle de Jérusalem, qui avait fini par être scindée). Quant à la bande de Gaza, crée dans l'ouest du Néguev, elle s'est vu attribuer par Israël la fonction de vaste camp de réfugiés : tous les habitants des villages situés au sud de Jaffa ont été chassés de chez eux par l'armée pour y être parqués. Ces deux entités géopolitiques sont donc issues de la tentative sioniste de judaïser toute la Palestine : la première est le fruit d'un accord stratégique avec la Jordanie, et la seconde est née d'une volonté de régler la question démographique. 

Telle était la véritable partition de la Palestine jusqu'en 1967. La «fausse partition de paix» - le lampadaire - a été imaginée par Israël à la suite de la guerre des Six Jours. Elle s'inscrivait dans une série de décisions stratégiques du 13e gouvernement israélien, attribuables au mécontentement de nombreux responsables à propos de l'entente tacite de 1948 avec la Jordanie. Un  vigoureux lobby tentait de convaincre le premier ministre Ben Gourion, qui a été au pouvoir jusqu'en 1963, de reconsidérer l'entente et de trouver un prétexte pour occuper la Cisjordanie, en partie ou totalité. Il était constitué de gens très puissants; certains d'entre eux, tels Yigal Allon et Moshe Dayan, avaient été généraux pendant la guerre de 1948, tandis que d'autres étaient des idéologues pour qui la Cisjordanie était le coeur de l'Israël antique, sans lequel l'État juif ne pourrait pas survivre. Les militaires ont aussi forgé le mythe voulant que le fleuve Jourdain oppose une barrière naturelle à d'éventuelles invasions en provenane de l'Est. Quiconque a déjà vu le Jourdain sait que ce ruisseau qui n'a de fleuve que le nom pourrait à peine freiner un troupeau d'ânes, et encore moins une unité de tanks. 

Lorsque Ben Gourion a quitté le pouvoir en 1963, ce lobby a eu une chance de transformer ses rêves d'expansion en plan stratégique. Le vieux premier ministre s'opposait fermement à l'occupation d'une plus grande partie de la Palestine, car il craignait que cela n'oblige Israël à intégrer les Palestiniens en masse. Après son départ, le gouvernement a intensifié ses préparatifs en vue d'une telle expansion. Alors qu'il était encore en poste, Ben Gourion avait empêché une situation potentiellement explosive de dégénérer en guerre - une situation assez semblable à celle qui a mené au conflit en 1967. En 1960, le président égyptien et grand leader du monde arabe avait adopté une stratégie de la corde raide qui laissait présager l'orientation qu'il a prise en 1967, année ou le premier ministre israélien et le secrétaire général de l'ONU n'ont pas su prévenir une guerre que leurs prédécesseurs étaient parvenus à éviter en 1960. [Ami Gluska, The Israeli Military and the Origins of the 1967 War, 2007]

A partir de 1963, donc, les stratèges israéliens ont pu accélérer la planification systématique de l'occupation militaire de la Cisjordanie et la bande de Gaza. En juin 1967, leur plan a été appliqué en quelques jours seulement. Mais cela n'a pas été suffisant; il fallait formuler une stratégie, une tâche dont s'est acquitté le gouvernement israélien au cours des mois qui suivirent la fin des combats. 

Aussitôt la guerre des Six Jours terminée, le 13e gouvernement israélien a inauguré la série de décisions qui, d'une manière ou d'une autre, condamnaient l'ensemble des habitants de la Cisjordanie et de Gaza à la prison à vie dans le plus grand centre de détention de l'histoire moderne. Ces Palestiniens ont été ainsi incarcérés pour des crimes qu'ils n'avaient jamais commis et qui n'ont jamais été définis. Aujourd'hui, c'est une troisième génération de ces «détenus» qui vient de voir le jour. 

Le gouvernement responsable de cet impitoyable virage était fort du plus large consensus sioniste qu'on put imaginer. Tous les courants idéologiques y étaient représentés : les socialistes du Mapam y côtoyaient le révisionniste Menahem Begin  et y partageaient gloire et pouvoir avec les diverses tendances du mouvement sioniste ouvrier; à leurs côtés siégeaient des partis libéraux les plus séculiers et des partis les plus ultra-orthodoxes. Jamais partenariat plus consensuel n'avait autant façonné  - et ne façonnerait autant - l'avenir de l'État d'Israël. 

Les décisions prises par ses ministres en juin, juillet et août 1967 ont constitué la pierre angulaire de l'actuelle politique israélienne à l'égard des territoires occupés. Aucun des gouvernements subséquents n'a dévié (et n'a voulu dévier) de la trajectoire qu'il avait tracé. 

Le caractère inébranlable de ces décisions s'explique en partie par l'extraordinaire composition du gouvernement de 1967, ou, comme nous l'avons vu, pratiquement tous les courants du sionisme étaient représentés. Il est sans doute attribuable aussi à l'euphorie suscitée par l'anéantissement de six armées arabes par les forces de défense israéliennes et par la guerre éclair s'étant conclue par l'occupation de vastes territoires arabes. Les dirigeants de l'époque étaient entourés d'un aura messianique, ce qui les encourageaient à prendre des décisions audacieuses et historiques que leurs successeurs peineront à critiquer ou à renverser. 

Tous ces motifs tendent à indiquer que ces politiques sont le produit du contexte exceptionnel qui régnait en 1967. Or elles sont avant tout le résultat inéluctable de l'idéologie sioniste (quelle que soit la définition qu'on en donne) et de l'histoire du mouvement. Ces circonstances particulières ont aidé la classe politique à renouer avec son héritage idéologique et, comme en 1948, avec le projet de judaïser la plus grande portion possible de la Palestine. 

Malgré l'enthousiasme suscité par l'éventualité d'étendre l'État juif à l'ensemble de ce que bon nombre d'Israéliens considéraient comme le territoire naturel et historique de l'Israël antique, la première décision a consisté à ne pas entreprendre de nettoyage ethnique. Les ministres y ont réfléchit un moment, mais ont fini par écarter l'idée, car ils doutaient que l'armée eût la volonté et les moyens d'entreprendre une telle opération en 1967. 

La plupart des participants aux réunions avaient le sentiment que la communauté internationale leur accordait l'immunité en matière d'expansion territoriale - non pas tant parce qu'elle approuvait l'expansionnisme en soi  -que parce qu'elle n'avait pas la volonté de s'y attaquer. Ils sont assorti leur décision d'une réserve alors déterminante : il n'y aurait pas d'annexion de jure, seulement de facto. 

La troisième décision a été de ne pas accorder la pleine citoyenneté à la population occupée, afin de ne pas mettre en danger la majorité démographique juive. 

Les procès-verbaux de ces réunions ministérielles sont maintenant accessibles aux historiens. Ils mettent au jour l'incompatibilité de ces deux sentiments que sont la soif de nouveaux territoires et la réticence à en chasser ou intégrer les populations. Mais ils révèlent également à quel point les ministres étaient fiers d'avoir rapidement trouvé un moyen de sortir de cette impasse logique et théorique. Ils étaient convaincus d'avoir découvert la formule qui permettrait à Israël de conserver les territoires qu'il convoitait, sans intégrer le peuple dont ils niaient l'existence et en préservant son immunité et sa réputation internationale.

Traduits en politiques concrètes, de tels objectifs ne peuvent donner lieu qu'à une réalité inhumaine et impitoyable sur le terrain. Il ne peut exister de variante bénigne ou éclairée d'une politique destinée à priver des gens de leur citoyenneté pour une longue période.»

Noam Chomsy, Ilan Pappé, «Une partition futile et immorale» dans Palestine, 2016

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Message par Cinci Dim 23 Juin 2024 - 18:00

Georges Martin plus haut. Et ancien ambassadeur de Suisse à Tel-Aviv ...

Dans les deux premières minutes de l'interview :

«...c'est pire qu'il y a quarante ou soixante ans. On a vraiment l'impression qu'Israël, comme l'a décrit un professeur juif, israélien, spécialiste de la Shoah et du nazisme - et il l'écrivait en février 2022, le professeur ; « ... un État qui dérive vers le fascisme». Daniel Blatman, professeur à l'université de Jérusalem : «Israël me rappelle l'Allemagne des années 1930. Il se radicalise. Il va vers un État fasciste.» Et il citait, pour faire bonne mesure, - il chiffrait cela à un tiers (30%) -, la présence de ministres néo-nazis. Des ministres juifs néo-nazis ... dans le gouvernement israélien. » (Georges Martin)


Dans la troisième minute ...

Il raconte qu'après avoir formulé quelques critiques et, donc, laissé voir ses interrogations sur l'évolution de l'État israélien, sur son compte personnel Facebook (même s'il a fait attention pour le choix de ses mots et tout : il est viré comme un malpropre. En un un claquement de doigt ! Chassé comme un antisémite, d'un groupe institutionnel de rencontres et de réflexions germano-suisse. «Allez ouste. Dehors !» L'ambassadeur de Suisse ...

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