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Note du Quai d'Orsay la Chine sera la principale menace "le jour d'après"l'Opinion
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Le Quai d’Orsay s’inquiète du rôle de la Chine le «jour d’après»
Jean-Dominique Merchet
01 Avril 2020 à 17h45
Une note interne des Affaires étrangères s’inquiète de la montée en puissance chinoise et de la perte du leadership américain, sans parvenir à fournir des idées nouvelles.
Jean-Yves Le Drian et Wang Yi, l'actuel ministre des affaires étrangères chinois, en Chine le 14 septembre 2018
Sipa Press
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L’Opinion a eu connaissance d’un document récent du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère français des Affaires étrangères, dont nous publions de larges extraits. Par ailleurs, interrogée sur les « propos virulents » tenus sur Twitter par l’ambassade de Chine en France, la porte-parole du Quai d’Orsay a estimé que « dans un contexte de crise où la pandémie touche tout le monde, les polémiques n’ont pas leur place ».
Une récente note interne du Quai d’Orsay tente de définir ce que sera le « jour d’après » l’épidémie pour la diplomatie française, et désigne la Chine comme le principal problème.
Ce document, intitulé « Covid-19 - Premières réflexions en vue du jour d’après » et dont l’Opinion a eu connaissance, provient du CAPS, le centre d’analyse, de prévision et de stratégie. Ce centre est un peu le « think tank » interne du ministère des Affaires étrangères. Dirigé par Manuel Lafont-Rapnouil, il fournit des travaux de qualité avec une grille d’analyse très « occidentaliste », voire « néoconservatrice » selon les plus critiques. Constatant « nos vulnérabilités rendues évidentes par la crise », le CAPS explique que « nous devons nous assurer que nous [la France] restons en mesure de peser » alors que « le monde d’après les crises majeures se prépare pendant la crise, et non à l’issue ».
Listant ces « vulnérabilités », le CAPS les voit « politiques, économiques, symboliques et stratégiques ». C’est sur les deux dernières que l’accent est mis sur la Chine. Ou plutôt contre elle. « Nos propres difficultés alimentent la prise de distance d’avec le modèle européen. Notre soft power s’en trouve davantage fragilisé ». Et « dans ce contexte, le narratif chinois est problématique, autant pour ses valeurs sous-jacentes que pour son agenda caché. Mais le fait est qu’il peut afficher des résultats, malgré les doutes qui les entourent et donc l’efficacité présumée de son modèle. Dès lors, l’enjeu pour les pays qui ne partagent pas cet agenda caché n’est pas seulement de développer un contre-narratif mais aussi de pouvoir s’appuyer sur un bilan éloquent et de mettre en avant les différences de méthodes. Car, in fine, l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. »
Manipulations. Au niveau stratégique, le CAPS évoque les « vides de puissance », les « effets d’aubaine » et la « redistribution des cartes ». Là encore, la Chine est redoutée, le rapport pointant « la prédation diplomatique (nouvelles alliances) mais aussi économique (rachat d’entreprises fragilisées), technologique, politique (informations manipulées et narratifs triomphants), etc. Le fait est que la Chine mais désormais aussi la Russie, se sont engouffrées dans cette brèche, y compris en Europe, dans un contexte où l’aide chinoise contrastait avec le manque de solidarité initiale des partenaires européens ». Le document dénonce explicitement « les manipulations de l’information opérées par certains acteurs, à commencer par la Chine ».
« Si elle ne peut prétendre à un leadership similaire à celui que les Etats-Unis auraient assumé il y a encore quelques années, la Chine occupe d’ores et déjà le terrain en se rendant indispensable, voire centrale. Même si le reste du monde ne se réalignera pas d’un coup, l’effet cliquet sera majeur. » Dans ce contexte, « les Etats démocratiques » doivent « éviter » que « l’après-crise ne permette l’emprise de la Chine sur la mondialisation et la gouvernance mondiale », conclut la note.
S’ils partagent le « narratif » anti-Chinois qui a largement cours à Washington, les têtes pensantes du Quai d’Orsay semblent pourtant être en deuil du « leadership » américain malmené par Donald Trump et sont « dans l’attente d’une administration plus tournée vers la coopération ». « L’élection américaine de novembre est évidemment la principale échéance politique de l’année » alors que « le risque est non négligeable » de voir « l’élection générer une forte instabilité ». « L’éventuel changement de pied de l’actuelle administration américaine, ou celui d’une nouvelle administration élue en novembre, si alternance il y a, sera décisif. Mais d’ici à janvier 2011, du temps aura passé. En attendant, les Etats-Unis confondent les attentes en termes de prise d’initiative de la mobilisation internationale et leur choix d’insister sur la confrontation avec Pékin - précisément avec l’espoir de freiner cette redistribution en cours ».
Inquiétudes sur l’Europe. La note du CAPS est également inquiète à propos de l’Europe, qui doit « rester unie et cohérente, donc solidaire ». « Si l’UE a jusque-là toujours su avancer au gré des crises, elle n’a pu le faire que péniblement et en ayant réussi à chaque fois à accomplir le minimum face à la crise elle-même pour gagner du temps. Le risque est que le Covid-19 soit la goutte d’eau du proverbe qui fait déborder le vase. » Et d’ajouter : « Le débat en Italie ou dans les Balkans sur la réalité de la solidarité européenne (.) peut-être fatal ». Le CAPS constate que « la Commission [européenne] n’a toujours pas saisi l’occasion de démontrer la réalité de ce que recouvrait l’idée d’une Commission géopolitique, alors qu’elle a un rôle clé à jouer dans l’établissement d’un leadership collectif et dans le dialogue avec les Etats-Unis ». La notion de « Commission géopolitique » a été avancée par sa nouvelle présidente Ursula von der Leyen, nommée avec le soutien de la France.
La note affirme qu’ « une crise d’une telle ampleur est toujours l’occasion de réorientations profondes. » A cet égard, il est frappant de constater combien le CAPS ne propose aucune « réorientation profonde » de la diplomatie française, mais plaide au contraire pour la poursuite des choix précédents, tels qu’Emmanuel Macron les a formulés à de nombreuses reprises. Seule l’idée du Président de se rapprocher de la Russie pour éviter qu’elle ne tombe dans l’escarcelle de la Chine ne semble pas trouver grâce à leurs yeux. Elle n’est nulle part évoquée.
Sur le fond, on retrouve la critique du « populisme » et du « protectionnisme », la lutte contre les inégalités et la défense des « biens communs » et surtout la nécessité de la « coopération multilatérale forte ». « La question du leadership s’intensifiera pour réussir la sortie de la crise » peut-on lire. « Faute de volonté américaine, il convient de mettre en place un leadership collectif (...) Le G7, malgré l’hypothèque de sa présidence américaine et a fortiori le G20, qui inclut à la fois Pékin et Washington, sont les mieux placés pour assumer le rôle ». Au niveau européen, le CAPS remet en avant les traditionnelles positions françaises en faveur d’un budget de l’UE plus ambitieux ( « Le débat sur le budget européen et celui de la zone euro doit être ajusté. ») et d’une Europe à la carte pour les plus allants ( « La question des groupes pionniers et de l’intégration flexible va être posée par la crise . ») Quoiqu’il mette en garde contre « le risque d’un retour au business as usual », le Quai d’Orsay semble bien y céder, dès lors qu’il s’agit de proposer une stratégie française pour « le jour d’après ».
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Par pierre.lam.laforet_234326, le mercredi 01 avril à 21h12
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