Etats Unis : les religieuses sur la sellette

les bonnes religieuses et les mauvaises religieuses.... Tiens ça me rappelle un sketche des inconnus (la différence entre un bon et un mauvais chasseur)
MadameMim


http://www.lavie.fr/l-hebdo/une/article/1452-etats-unis-les-religieuses-sur-la-sellette/retour/11/hash/58f53c5a27.html

Après sa grande enquête de 2005 sur les séminaires américains, le Vatican a décidé d'une « visite apostolique » des ordres religieux féminins des Etats Unis, pour laquelle il vient de faire connaître sa feuille de route.
La Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, en effet, a lancé en décembre dernier une grande enquête, qui a été confiée à mère Clare Millea, supérieure générale à Rome des Apôtres du Sacré Coeur de Jésus (dont 135 soeurs se trouvent aux Etats-Unis). Objectif général officiel : « évaluer la qualité de vie » dans les instituts religieux; ou plus explicitement, leur fidélité aux normes et à la constitution de leurs ordres, et leur adéquation à ce qu'entend l'Eglise par « vie consacrée ».
Ce sont donc 341 congrégations de religieuses américaines qui vont être auditées, notamment par le biais de questionnaires à remplir sur la vie de leurs communautés. Depuis janvier, les supérieures ont été interrogées; les évêques locaux seront également mis à contribution; ce repérage suscitera, dans un dernier temps, la visite d'une équipe du Vatican chez un certain nombre de religieuses début 2010. Un rapport, assorti de recommandations, sera remis dans deux ans environ au cardinal Rodé, et ne devrait pas être rendu public.

Pour le moins ciblée — au delà du fait qu'elle se centre sur les femmes, elle ne concernera que les religieuses « apostoliques », et non pas les contemplatives — cette enquête est le fruit concret des positions très claires tenues par le cardinal slovène Franc Rodé, préfet de la Congrégation concernée, selon lequel une interprétation du Concile Vatican II « fondée sur la rupture plutôt que sur la continuité » a conduit certaines communautés religieuses à sortir des rails.
C'est ce qu'en personne, il déclarait devant les religieux américains le 27 septembre 2008, à l'occasion d'un symposium consacré au 40e anniversaire de la déclaration conciliaire Perfectae caritatis (qui visait justement le renouveau de la vie religieuse). Ce jour-là, le cardinal, qui dresse un bilan négatif des vocations dans le monde, n'avait pas masqué sa préoccupation toute particulière pour les Etats Unis, où les femmes, 180 000 dans les ordres en 1965, ne sont plus que 60 000. Alors que les communautés nouvelles sont en bonne santé, et que de plus anciennes luttent pour inverser la tendance à la baisse, beaucoup d'autres « se sont simplement résolues à la disparition de la vie religieuse », et certaines «ont opté pour des chemins qui les ont fait quitter la communion avec le Christ et l'Eglise catholique, même si elles ont fait le choix d'y rester physiquement », avait-il dénoncé.

Au centre, la question du témoignage portée par des religieuses qui ont renoncé à l'habit et qui ont adopté un mode de vie sécularisé, marqué par l'abandon « de la prière, notamment communautaire », et par le rejet de « la pénitence et l'ascétisme », dans le cadre d'un apostolat centré sur « l'agitation sociale et politique », a dit le cardinal Rodé. L'enquête, dont les modalités viennent d'être détaillées, s'intéressera donc globalement au « témoignage particulier véhiculé par la vie consacrée au travers du charisme particulier de chaque institut », en détaillant la façon dont les vocations sont promues, la formation, la teneur de la doctrine vécue et enseignée par les religieuses, la nature des oeuvres apostoliques prises en charge, autant que l'administration des biens temporels et le mode de vie adopté.

Au premier plan aussi, la question cruciale de l'obéissance. A travers le cardinal Rodé, le Vatican entend reprendre en main les supérieures de congrégation, et les engager à faire de même avec les membres de leur communauté. On se souvient du scandale qu'avait provoqué en 2001 Soeur Joan Chittister, bénédictine des Etats Unis (Ohio), en décidant de participer contre la volonté du Vatican à la première conférence mondiale pour l'ordination des femmes. Or la soeur avait agi avec l'autorisation expresse de sa prieure; qui à l'époque, n'hésitait pas à s'expliquer en déclarant qu' « il y a une différence fondamentale entre la conception de l'obéissance selon la tradition monastique, et celle qui est utilisée par le Vatican pour exercer pouvoir et contrôle, et pour produire une impression de fausse unité inspirée par la peur... »
Et alors que le cardinal Rodé aujourd'hui, ne cesse de recommander aux congrégations de renouer avec l'esprit d'origine de leur ordre, la prieure se prévalait justement de son souci de fidélité « à une tradition monastique vieille de 1 500 ans, remontant aux pères et mères du Désert, quand les communautés vivaient à l'écart, afin de pouvoir assurer une présence priante et questionnante à l'égard de l'Eglise et de la société ».

Une liberté de parole revendiquée, donc, et révélatrice d'un état d'esprit américain devenu caractéristique de ces religieuses globalement considérées d'une part comme des féministes, d'autre part comme des activistes. Car elles n'estiment pas seulement avoir leur mot à dire en matière de théologie : elles sont également très présentes sur la scène sociale et jouissent d'une vraie notoriété dans le domaine des droits de l'homme, notamment. A l'instar de la soeur Helen Prejean, accompagnatrice des prisonniers dans les couloirs de la mort américain, qui a sillonné les Etats Unis pour en dénoncer le système judiciaire, dont les ouvrages sont devenus des best-seller, et à laquelle le cinéma a rendu hommage sous les traits de Susan Sarandon (La Dernière marche). Lire à ce propos la réaction de la soeur Sandra Schneiders.

Parallèlement et dans le même sens, une enquête a été commanditée par la Congrégation pour la doctrine de la foi, dirigée par le cardinal William Levada, pour évaluer les positions doctrinales tenues par la Conférence des dirigeantes des femmes religieuses (LCWR), qui représente justement 95% des religieuses du pays. Et qui s'est dite prête à faire face à cette procédure avec « confiance », sûre d'avoir assuré sa mission au service de religieuses « désireuses de mener à bien la tâche qui leur a été confiée par le Christ dans le monde d'aujourd'hui ». Cette organisation a déjà déplu plusieurs fois au Vatican en raison du débat qui s'y tient sur l'exclusivité du sacerdoce masculin, sur l'homosexualité, et sur la primauté de l'Eglise catholique pour le salut. Tout l'inverse d'une autre organisation, la CMSWR, qui représente le reste des religieuses et se démarque en faisant état de « sa fidélité à l'Eglise », tout en précisant que ses membres « portent un habit religieux identifiable, et sont actives dans un apostolat déterminé ». Des religieuses qui, de leur côté, concentreraient 35% des nouvelles vocations.

Nul ne sait quelles seront les suites de cette enquête. Se contentera-t-elle de compter les points en termes de vocations? Pourra-t-elle entraîner des sanctions disciplinaires? Elle suscite d'ores et déjà du remous, et si ces résultats seront tenus secrets, elle devrait ébranler l'Eglise américaine et susciter de nombreuses questions au delà. En révélant et en cristallisant l'opposition entre deux conceptions (irréconciliables?) de la vie religieuse...