Agantuk ou Le Visiteur - Film

Il était un grand admirateur du poète Rabindranath Tagore et influencé comme ce dernier, par la culture occidentale ; en particulier dans son domaine, l'art cinématographique, il emprunte à la nouvelle vague (Truffaut, Godart en France ;  Rossellini, De Sica etc. en Italie) et particulièrement au maître Jean Renoir, à la suite desquels il témoigne à sa manière propre, de son époque : la misère de son pays, mais aussi sa beauté et sa noblesse, la spiritualité profonde d'une certaine Inde éternelle

Il est aussi un de ces auteurs, comme Ozu au Japon qui cherche l'unité spirituelle de son pays : ne pas perdre ses racines, ne pas rejeter en bloc la modernité. Recherche de la sagesse éternelle. Agantuk est son tout dernier film (du moins achevé), intitulé en français : "Le visiteur"

En Inde, l'hospitalité est un devoir sacré. Et voilà qu'un oncle disparu depuis 35 ans la réclame à sa nièce, en l'avertissant par lettre qu'il se rend pour quelques jours à Calcutta. Le doute s'installe, en particulier chez le mari : comment être sûr qu'il n'est pas un imposteur ? Comment découvrir sa véritable identité ?

Pour en savoir un peu plus, un ami au cours d'une soirée, soumet l'oncle à un interrogatoire : d'où vient-il ? Qu'a t-il fait pendant 35 ans sans donner signe de vie ? Pourquoi a t-il fréquenté des tribus de "sauvages" ? Est-il bien apte à la civilisation ?

Les seuls qui lui font confiance immédiatement sans lui poser de question sur son identité sont bien sûr les enfants, et les tribus (nombreuses en Inde) dans l'une desquelles il ira se réfugier après l'éprouvante "inquisition" de la soirée précédente :



"Maintenant, je vais vous montrer quelque chose de magique. C'est quoi tout ça ? Je vais vous demander plusieurs choses, voyons si vous pouvez y répondre correctement. Prêt? - Prêt ! Dites-moi, lequel est le plus grand, le soleil ou la lune ? Le soleil ! Comment tu le sais ? Attends. Ça, c'est le soleil, et ça, c'est la lune. On dirait qu'ils sont tous les deux identiques dans le ciel. Le soleil est beaucoup plus loin. Plus loin comment ? Je vais te le dire. Le soleil est à 9,5 millions de miles. Et la lune est juste à 5 lakh miles. C'est pourquoi ils semblent avoir la même taille. Supposons qu'au lieu de 5 lakhs, la lune soit à seulement 2 lakh miles, alors comment serait-elle apparue ?

Elle serait apparue plus grande. Comme ça, n'est-ce pas ? - Oui. Et si elle avait été à 8 lakh miles, alors ? Alors elle serait apparue beaucoup plus petite. Comme ceci, n'est-ce pas ? - Oui. Mais ça ne s'est pas produit. La lune est juste assez loin pour que ce soit comme ça. C'est pourquoi, quand la lune fait de l'ombre, le soleil la recouvre complètement. - Éclipse solaire. Une éclipse solaire totale. - Et quand l'ombre de la terre couvre la lune, de tous les côtés. - Eclipse lunaire. Eclipse lunaire totale. Comment cela se produit-il ? Vous ne savez pas ? Demandez à l'homme le plus sage de la terre, même lui ne pourra pas le dire. Personne ne le sait. C'est un mystère. Selon moi, c'est le plus grand mystère de l'univers. Le soleil et la lune, l'un est le roi du jour et l'autre, la reine de la nuit. L'ombre de la terre sur la lune. Tout est sombre d'un côté. Magique !"

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A partir de 1:45:32 : la scène est simple, après enquête, ils retrouvent leur oncle dans une tribu voisine ;  il est blessé, ils regrettent ce qui s'est passé, et le prient de revenir. Belle scène de danse : elle va rapprocher tous les membres de la famille.



Qui était-il ? Ils le découvrent au moment de son départ (les 5 dernières minutes du film) : la petite enveloppe qu'il remet discrètement à sa nièce, "of little or no value" dit-il, contient toute sa fortune - l'héritage pour lequel il avait dû se déplacer à Calcutta : il lui donne tout !

Comme c'était le dernier film de Satyajit Ray, on a pu y voir aussi une sorte de testament de l'auteur : "Well, that’s it. I’m done. I’ve said all I wanted to say" d'après le témoignage de son épouse Bijoya.

A propos de la scène centrale du film, dans laquelle l'oncle visiteur (Mitra) est interrogé sur le pourquoi de toutes ses années passées auprès des "sauvages", voici une analyse intéressante :

"L'une des réponses de Ray provient de son développement sur la civilisation et la barbarie, lors du long discours auquel nous assistons entre l'oncle Mitra et Sen Gupta, l'intellectuel avisé qui vient l'interroger un soir. La conversation roule sur des sujets tels que : peut-on qualifier de civilisés des primitifs mangeurs de chair ? Peut-on considérer la polygamie comme civilisée ? Face à ces questions, notre étranger n'hésite pas. Non, dit-il, toutes les pratiques humaines ne sont pas humanisantes, il y a un élément de barbarie dans les cultures primitives, malgré d'autres éléments d'art et de technologie accomplis (l'exemple que Manmohan donne est le bison d'Altamira, source de son admiration pour les formes primitives de culture). Mais il retourne habilement (à la manière de Socrate) la question : notre propre civilisation, peut-elle être dite civilisée ou supérieure en termes de progrès moral et éducatif ? Est-ce la civilisation quand un seul homme peut, en appuyant sur un bouton, envoyer des missiles qui risquent de détruire la planète entière ? On pourrait ajouter : est-ce la civilisation quand des bombes humaines se font exploser sur des marchés en plein air, à la sortie des écoles ? Est-ce de l'humanité civilisée quand elle torture, mutile, éradique ? Ne devrions-nous pas préférer une forme d'humanité plus primitive ? A quoi servent Michael-Angelo, Mozart et Einstein, si l'humanité se détruit elle-même ? Qui est cette humanité qui tue Dieu quand il vient la visiter?"

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http://www.letstalkaboutbollywood.com/article-22320498.html

Son avant-dernier film : "Les branches de l'arbre" ou le drame de quatre frères qui se retrouvent à l'occasion de la visite qu'ils rendent à leur père malade.
L'un est buveur et joueur, l'autre bon mari mais ferme les yeux sur "l'argent noir", le troisième devenu "saltimbanque" (en fait comédien) pour fuir les compromissions du monde des affaires ; seul a échappé Proshanto (extraits ci-dessous) qu'un accident - providentiel ? - a obligé de rester au domicile, un peu simplet, silencieux, contemplatif, mais en quelque sorte resté pur (il joue un peu le rôle de "l'Idiot" de Dostoïevsky) aimant JS Bach ; il est le confident de ses frères, et le réconfort du père lorsque celui-ci réalise, de son lit de malade, ce que que ses trois autres fils, sa chair et son sang, sont devenus.

Absence de sous-titres mais le fil narratif est simple : crise cardiaque du père (13:50), arrivée des trois frères, l'un aime l'alcool et trompe sa femme (14:00), une sorte d'amitié amoureuse lie cependant cette dernière à son autre frère (37:15 etc.), qui lui avoue être devenu "saltimbanque" (métier considéré comme indigne) lorsqu'il a pris conscience de la corruption du milieu des affaires (41:30) ; la scène du diner, moment de vérité où Proshanto "pète les plombs" (51:40 etc.). Après cette éprouvante soirée, le frère aîné (1:00 etc.) avoue à sa femme, choquée, que sans "l'argent sale", il n'aurait pu leur assurer un suffisant train de vie, le temps de "baba" père est révolu, conclut-il ; apaisement grâce à une sortie en forêt (1:26 etc.), ils disent au revoir au père (1:38 etc.) qui entretemps a appris la vérité sur "l'argent sale" ; il se console avec Proshanto (1:43 et la toute fin du film)



Mais voici trois autres extraits, cette fois sous-titrés en anglais :

Extrait 3 : Protap avoue à sa belle-soeur, être devenu "saltimbanque" pour échapper à la corruption du monde des affaires



Extrait 4 : scène du dîner. Proshanto "pète les plombs". Le fils aîné reconnaît : le temps de 'baba" (père) est révolu.



Extrait 5 : scène d'apaisement, en forêt

Voici la deuxième partie du film, sous-titrée en anglais (à partir de la scène du dîner), malheureusement il semble que la partie 1 sous-titrée ne soit plus disponible

Un acte de foi pour préserver le trésor des films de Satyajit Ray, la trilogie Apu ; pour visionner cliquer sur "regarder sur youtube",  traduction française en allant dans les paramètres



Un extrait :