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Message par Invité Sam 1 Mai 2021 - 15:48

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Psaume 26 (25) - "Prière de l'innocent"





Psaume 26 (25) - "Prière de l'innocent" : Ps 26,1 : De David. Justice pour moi, Yahvé, moi j'ai marché en mon intégrité, je m'appuie sur Yahvé et ne dévie pas.

Le psaume 26 (25 selon la numérotation grecque) est attribué à David. Dans la liturgie des Heures, le psaume 25 (26) est chanté à l’office du milieu du jour du vendredi de la première semaine (I).


Le « Psaume 25 et son Antienne » psalmodié par les Moines Bénédictins de l’Abbaye de Keur Moussa au Sénégal :




Antienne : « J'aime la beauté de ta maison et le lieu de séjour de ta gloire »

Psaume 25 :

Seigneur, rends-moi justice : j'ai marché sans faillir. Je m'appuie sur le Seigneur, et ne faiblirai pas. Eprouve-moi, Seigneur, scrute-moi, passe au feu mes reins et mon cœur.
J'ai devant les yeux ton amour, je marche selon ta vérité. Je ne m'assieds pas chez l'imposteur, je n'entre pas chez l'hypocrite. L'assemblée des méchants, je la hais, je ne m'assieds pas chez les impies.
Je lave mes mains en signe d'innocence pour approcher de ton autel, Seigneur, pour dire à pleine voix l'action de grâce et rappeler toutes tes merveilles. Seigneur, j'aime la maison que tu habites, le lieu où demeure ta gloire.
Ne m'inflige pas le sort des pécheurs, le destin de ceux qui versent le sang. Ils ont dans les mains la corruption ; leur droite est pleine de profits.
Oui, j'ai marché sans faillir : libère-moi ! Prends pitié de moi ! Sous mes pieds le terrain est sûr ; dans l'assemblée je bénirai le Seigneur.

Rendons gloire au Père tout puissant, à son fils Jésus-Christ le Seigneur, à l’Esprit qui habite en nos cœurs, pour les siècles des siècles. Amen.



Le Psaume 25 (26) en français : "Justice pour moi, Yahvé" (La Bible de Jérusalem, 1998)

Ps 25:1- De David. Justice pour moi, Yahvé, moi j'ai marché en mon intégrité, je m'appuie sur Yahvé et ne dévie pas.
Ps 25:2- Scrute-moi, Yahvé, éprouve-moi, passe au feu mes reins et mon cœur
Ps 25:3- j'ai devant les yeux ton amour et je marche en ta vérité.
Ps 25:4- Je n'ai pas été m'asseoir avec le fourbe, chez l'hypocrite je ne veux entrer;
Ps 25:5- j'ai détesté le parti des méchants, avec l'impie je ne veux m'asseoir.
Ps 25:6- Je lave mes mains en l'innocence et tourne autour de ton autel, Yahvé,
Ps 25:7- faisant retentir l'action de grâces, énonçant toutes tes merveilles;
Ps 25:8- Yahvé, j'aime la beauté de ta maison et le lieu du séjour de ta gloire.
Ps 25:9- Ne joins pas mon âme aux égarés ni ma vie aux hommes de sang;
Ps 25:10- ils ont dans les mains l'infamie, leur droite est pleine de profits.
Ps 25:11- Pour moi je veux marcher en mon intégrité, rachète-moi, pitié pour moi;
Ps 25:12- mon pied se tient en droit chemin, je te bénis, Yahvé, dans les assemblées.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.





Iudica Me, Domine: Ps.25 · Hartkeriana
Psalterium Currens (Invitatorium, Psalms 1-56)
℗ 2018 Psalterium Foundation
.


Le Psaume 25 (26) en latin : : " Iudica Me, Domine "

Ps 25, 01 : Psalmus David iudica me Domine quoniam ego in innocentia mea ingressus sum et in Domino sperans non infirmabor
Ps 25, 02 : proba me Domine et tempta me ure renes meos et cor meum
Ps 25, 03 : quoniam misericordia tua ante oculos meos est et conplacui in veritate tua
Ps 25, 04 : non sedi cum concilio vanitatis et cum iniqua gerentibus non introibo
Ps 25, 05 : odivi ecclesiam malignantium et cum impiis non sedebo
Ps 25, 06 : lavabo inter innocentes manus meas et circumdabo altare tuum Domine
Ps 25, 07 : ut audiam vocem laudis et enarrem universa mirabilia tua
Ps 25, 08 : Domine dilexi decorem domus tuae et locum habitationis gloriae tuae
Ps 25, 09 : ne perdas cum impiis animam meam et cum viris sanguinum vitam meam
Ps 25, 10 : in quorum manibus iniquitates sunt dextera eorum repleta est muneribus
Ps 25, 11 : ego autem in innocentia mea ingressus sum redime me et miserere mei
Ps 25, 12 : pes meus stetit in directo in ecclesiis benedicam te; Domine

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.




Saint Augustin (354-430)

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PSAUME 25 (1): LA PURETÉ DE L’ÉGLISE

Ce psaume est le chant de la véritable innocence: il peut s‘appliquer à l’Eglise purifiée en Jésus-Christ, ou à l’âme fidèle, qui chante son bonheur et qui ne goûte ce bonheur que dans l’innocence.

POUR DAVID 1


1. David ici pourrait s’entendre, non plus de Jésus-Christ médiateur dans son humanité mais de l’Eglise parfaitement établie dans le Christ.

2. « Jugez-moi, Seigneur, parce que j’ai marché dans l’innocence 2 ». Jugez-moi, Seigneur, car après avoir été prévenu par votre bonté, j’ai quelque mérite dans mon innocence, dont j’ai gardé les sentiers. « Et mon espoir dans le Seigneur ne sera point ébranlé ». Et néanmoins, je mets ma confiance non en moi, mais dans le Seigneur, et je ne serai point ébranlé.

3. « Éprouvez-moi, Seigneur, et sondez mon âme 3 », Toutefois, de peur qu’une infirmité secrète n’échappe à mes regards éprouvez-moi, Seigneur, et tentez-moi; faites-moi connaître, non plus à vous qui voyez tout, mais à moi-même et aux hommes. « Faites passer au feu mes reins et mon cœur ». Appliquez à mes pensées et à mes convoitises un remède qui les purifie comme le feu. « Car votre miséricorde est toujours devant mes yeux 4 ». De peur que ce feu ne me consume entièrement, j’ai toujours devant les yeux, non plus mes mérites, mais bien cette miséricorde, par laquelle vous m’avez fait embrasser une semblable vie. « Et votre vérité m’a plu ». J’ai pris à dégoût tout ce qui n’est en moi que mensonge, votre vérité m’a plu, et c’est en elle et avec elle que j’ai pu vous plaire.

4. « Je ne me suis pas assis dans les assemblées de vanité ». Je n’ai point cherché pour mon cœur la société de ceux qui s’efforcent de trouver dans la jouissance des biens passagers un bonheur impossible. « Et je ne m’unirai point aux artisans de l’iniquité 5 ».Et comme telle est la source de toutes les iniquités, je n’aurai point de secrètes intelligences avec les hommes du crime. 1. Ps. XXV, 1. — 2. Ibid. — 3. Id. 2. —4. Id. 3. — 5. Id. 4.

5. « J’ai en horreur l’assemblée des méchants 1 ». Pour qu’il en résulte une assemblée de vanité, il faut que les méchants se réunissent, et je hais ces réunions. « Je ne veux point m’asseoir avec les impies ». Je ne veux donc point m’asseoir dans une semblable réunion, avec les impies, je n’y mettrai point mon bonheur. « Je ne m’assiérai point avec les impies ».

6. « Je laverai mes mains parmi les justes 2 ». Je ferai des œuvres saintes parmi les saints, avec les âmes saintes, je laverai ces mains qui saisiront vos sublimes hauteurs. « Et j’étreindrai vos autels, ô mon Dieu ».

7. « Afin d’entendre la voix de vos louanges 3 ». Afin d’apprendre à vous bénir. « Et de raconter toutes vos merveilles ». Quand je saurai vous louer, j’annoncerai toutes vos merveilles.

8. « Seigneur, j’ai aimé la beauté de votre ce maison », ou de votre Eglise, « et le lieu où habite votre gloire 4 »; le lieu où c’est pour vous une gloire d’habiter.

9. « Ne perdez point mon âme avec les impies 5 ». Ne perdez donc pas avec ceux qui vous haïssent, mon âme, qui se plaît dans la beauté de votre demeure. « Et ma vie avec celle des hommes sanguinaires ». De ces hommes qui haïssent le prochain. Car deux préceptes font l’ornement de votre demeure.

10. « Leurs mains sont souillées d’iniquités 6». Ne me perdez point avec ces hommes impies et sanguinaires dont les oeuvres sont mauvaises. » « Leur droite est remplie de présents ». Et ce qui leur était donné pour acquérir le salut éternel, ils l’ont fait servir à se procurer les biens de ce monde et ont regardé la pitié comme un trafic (Tim. VI, 5),
1. Ps. XXV, 5. — 2. Id. 6. — 3. Id. 7. — 4. Id. 8. — 5. Id. 9 — 6. Id. 10. (221)

11. « Pour moi, qui ai marché dans l’innocence, rachetez-moi dans votre piété (Ps. XXV, 11) ». Que le prix inestimable du sang de mon Dieu me délivre complètement et que votre miséricorde ne m’abandonne jamais.

12. « Mon pied s’est maintenu dans la voie droite (Ps. XXV, 12) ». Mon amour ne s’est point écarté de la justice. « Je vous bénirai, Seigneur, dans vos assemblées ». Seigneur, je ne laisserai point ignorer vos bontés à ceux que vous appelez; car à l’amour pour vous, je joins l’amour du prochain.



PSAUME 25 (2): LA PURETÉ

Saint Augustin accommode le psaume à celte pensée que nous devons tolérer les méchants dans l’Eglise, ce qui parait être contre les Donatistes qui donnaient pour prétexte de leur séparation, les désordres des chrétiens, et contre les chrétiens faibles, que scandalisent le mélange des bons et des méchants. Il engage les bons à faire fructifier eu eux les dons de Dieu.


1. Votre sainteté a comme nous entendu lire ce passage de saint Paul : « Il faut », dit-il, « selon la vérité que nous enseigne Jésus-Christ, vous dépouiller du vieil homme selon lequel vous avez vécu autrefois, et qui se corrompt en suivant l’illusion de ses convoitises. Renouvelez-vous dans l’intérieur de votre âme, et revêtez-vous de l’homme nouveau qui est créé à la ressemblance de Dieu, dans la justice et dans une sainteté véritable (Eph. IV, 21-21) ». Et de peur que l’on ne s’imagine qu’il faut nous dépouiller d’un objet sensible comme d’un vêtement, et nous revêtir à. l’extérieur comme on prend un vêtement, comme s’il fallait quitter une robe pour en prendre une autre, et qu’une pensée si terrestre n’empêchât les hommes d’accomplir à l’intérieur et d’une manière spirituelle, ce que l’Apôtre nous recommande, il nous explique aussitôt ce que signifie se dépouiller du vieil homme et revêtir le nouveau. Car, le reste de ce qu’on a lu ne tend qu’à nous le faire comprendre. Il semble répondre à cette question: Comment me dépouiller du vieil homme et revêtir le nouveau ? Serai-je comme un troisième homme qui en quitte un vieux que j’avais, pour en prendre un nouveau que je n’avais pas? En sorte qu’il y aurait trois hommes, et que celui du milieu quitterait l’ancien pour s’attacher au nouveau ? De peur donc qu’une telle pensée ne nous embarrasse, et que n’ayant point accompli le précepte, nous ne trouvions une excuse dans l’obscurité du passage, saint Paul ajoute: « C’est pourquoi renoncez au mensonge et dites la vérité ». C’est là se dépouiller du vieil homme et revêtir le nouveau. « C’est pourquoi donc, renoncez au mensonge, et que chacun dise la vérité à son prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres (Eph. IV, 5) ».

2. N’allez point vous imaginer, mes frères, qu’on ne doive dire la vérité qu’aux chrétiens, et que le mensonge se puisse dire aux païens. Parlez selon la vérité à votre prochain; et votre prochain est celui qui est comme vous né d’Adam et d’Ève. Nous sommes tous parents au point de vue de la naissance humaine; mais nous sommes frères d’une autre manière, et par l’espérance de l’héritage céleste. Vous devez donc, traiter comme votre prochain, tout homme, avant même qu’il soit au Christ. Car vous ne savez ce qu’il est devant Dieu, vous ignorez les desseins de Dieu sur lui. Tel adore des pierres et vous en riez; un jour il se convertit, il adore le Seigneur, et devient plus pieux que vous, qui naguère le trouviez ridicule. Nous avons donc des frères cachés dans ces hommes qui ne sont point encore enfants de l’Eglise, comme il y a des enfants de l’Eglise, qui se cachent bien loin de nous. C’est Pourquoi, dans notre ignorance de l’avenir, voyons dans tout homme notre prochain, non seulement en vertu de cette nature humaine, qui nous fait partager avec lui le même sort ici-bas; mais encore en vertu de l’héritage céleste, car nous ignorons ce que deviendra celui qui n’est rien maintenant. (222)

3. Ecoutez donc ce que saint Paul appelle encore se dépouiller du vieil homme, et revêtir le nouveau. « Bannissons tout mensonge, et que chacun dise la vérité à son prochain: parce que nous sommes membres les uns des autres. Mettez-vous en colère, mais ne péchez point ». Si vous vous mettez en colère contre votre serviteur qui a fait une faute, fâchez-vous contre vous-même, afin de ne point pécher. « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère 1 ». Cela se comprend, mes frères, du temps qu’elle doit durer. Car, si dans la faiblesse humaine, si dans l’infirmité de cette chair mortelle que nous portons, la colère se glisse chez un chrétien, elle ne doit point être durable, ni aller jusqu’au lendemain. Bannis-la de ton cœur, avant que se lève cette lumière visible, de peur que la lumière invisible ne t’abandonne. Toutefois, on peut bien donner à ce passage un autre sens, et l’entendre du Christ qui est pour nous la vérité, le soleil de justice non plus ce soleil qu’adorent les païens et les Manichéens, et qui luit aux yeux des pécheurs; mais cet autre soleil qui est la lumière pour la nature humaine, et la joie des anges. Quant aux hommes, si les yeux de leurs cœurs sont trop faibles pour en supporter l’éclat, ils se purifient par la pratique des commandements, de manière à pouvoir le contempler. Quand ce soleil habitera dans l’homme par la foi, gardez-vous alors de laisser prévaloir la colère qui s’élève en vous, au point que le Christ se couche sur votre colère, ou plutôt qu’il abandonne votre âme, car il lui répugne d’habiter avec la colère. On dirait en effet qu’il s’éteint pour vous, quand c’est vous qui vous éteignez pour lui: car la colère invétérée devient une haine; et quand il y a haine, il y a homicide. Car saint Jean l’a dit: « Quiconque hait son frère est homicide 2 ». « Il a dit encore Quiconque haït son frère demeure dans les ténèbres 3 ». Il n’est pas étonnant qu’un homme soit dans les ténèbres quand le soleil est couché pour lui. 1. Eph. IV, 26. — 2. I Jean, III, 15. — 3. Id. II, 9.

4. Tel est peut-être encore le sens de ce que vous avez entendu dans l’Évangile: « La barque était en danger sur le lac, et Jésus dormait 1 ». Car nous voguons sur un certain lac où ne manquent ni les vents ni les tempêtes; chaque jour les tentations du siècle sont sur le point de submerger notre navire. D'où cela vient-il, sinon de ce que Jésus est endormi ? Si Jésus ne dormait pas en toi, tu n’essuierais point ces bourrasques, mais tu jouirais du calme intérieur parce que Jésus veillerait avec toi. Qu’est-ce à dire que Jésus dort ? C’est que votre foi en Jésus-Christ est assoupie. Alors s’élèvent les tempêtes sur le lac de cette vie, tu vois l’impie fleurir, le juste dans l’affliction, c’est là l’épreuve, c’est le flot qui s’élève. Et ton âme s’écrie : Est-ce donc là, Seigneur, votre justice, que le méchant soit dans la joie, le juste dans la peine ? Tu t’en prends à Dieu. Est-ce donc là votre justice ? Et le Seigneur te répond : Est-ce donc là ta foi ? Est-ce là ce que je t’ai promis ? Est-ce pour t’épanouir en cette vie que tu es chrétien ? Tu t’affliges de voir dans la joie ces méchants, qui doivent être tourmentés avec le diable. Pourquoi ces murmures ? Pourquoi te troubler au bruit des flots et des tempêtes de cette vie ? C’est que Jésus dort, ou plutôt que ta foi en Jésus-Christ est assoupie dans ton cœur. Que fais-tu pour sortir du danger ? Éveille donc Jésus, et dis-lui : « Maître, nous périssons 2 ». — Ce lac peu sûr nous effraie, nous périssons. Jésus s’éveillera, ou plutôt la foi en Jésus-Christ reviendra dans ton cœur; et à la lumière de la foi, tu verras en ton âme que les biens donnés aujourd’hui aux méchants, ne doivent point leur demeurer toujours. Car ils doivent, ou leur échapper dès cette vie, ou du moins leur échapper à la mort. Pour toi, ce qui t’est promis, doit demeurer éternellement. Pour eux le bonheur n’a qu’un temps, il s’évanouit bien. tôt. « Il s’épanouit comme la fleur d’une herbe; or, toute chair est une herbe, et l’herbe s’est desséchée, et la fleur est tombée, tandis que la parole du Seigneur demeure éternellement 3 ». Tourne donc le dos à tout ce qui tombe, et la face à tout ce qui demeure. Quand le Christ s’éveillera, ton cœur ne sera plus battu par la tempête, ni ta barque submergée par les flots : parce que ta foi commandera aux vents et aux tempêtes, et le danger disparaîtra. C’est à cela, nies frères, que reviennent ces conseils que nous donne l’Apôtre de nous dépouiller du vieil homme « Mettez-vous en colère, mais ne péchez point; que le soleil ne se couche point sur votre colère, et ne donnez aucune prise au démon 1 ». Le vieil homme lui donnait donc prise; qu’il n’en soit point ainsi du nouveau. « Que celui qui dérobait, ne dérobe plus 2 ». Donc, le vieil homme dérobe, que le nouvel homme ne dérobe plus. Celui-là est homme aussi, c’est le même homme, il était Adam, qu’il devienne Jésus-Christ; il était le vieil homme, qu’il soit le nouveau; et le reste qui vient ensuite. 1. Luc, VIII, 23. — 2. Id. 24. — 3. Isa. XL, 8. (223)

5. Mais voyons plus attentivement dans le psaume, que tout chrétien qui avance en perfection dans l’Eglise, doit souffrir les méchants dans l’Eglise. Toutefois, celui qui leur ressemble ne les connaît point, car le plus souvent ceux qui se plaignent des méchants sont méchants à leur tour; et un homme en santé supportera plus facilement deux malades, que deux malades ne se supporteront mutuellement. Voici donc, mes frères, ce que nous disons: L’Eglise ici-bas est une aire à battre le grain. Nous l’avons souvent répété, nous le disons encore. Il y a dans cette aire de la paille et du bon grain. Gardons-nous de chercher à séparer la paille, avant que Dieu ne vienne, le van à la main. Que nul, avant ce temps, ne sorte de l’aire, comme s’il ne pouvait supporter les pécheurs: de peur que l’oiseau ne le trouve hors de l’aire et ne l’amasse avant qu’il soit entré dans les greniers célestes. Ecoutez, mes frères, ce que cela signifie. Quand on commence à battre, les grains ne se touchent pas à travers les pailles, ils sont pour ainsi dire étrangers, à cause des pailles qui les séparent. Quiconque ne regarde la grange que de loin, n’aperçoit que des pailles; il a peine à discerner le bon grain, s’il n’approche plus près, s’il n’avance la main, s’il ne souffle avec sa bouche, afin que ce souffle fasse une séparation. Il arrive donc, parfois, que les bons grains sont tellement séparés l’un de l’autre, tellement étrangers, que le chrétien qui avance en piété se croit seul. Cette pensée, mes frères, fut une tentation pour Elie, et ce grand prophète, comme l’Apôtre nous l’a rappelé, s’écriait: « Seigneur, ils ont tué vos Prophètes, renversé vos autels, et je suis demeuré seul, encore veulent-ils me faire mourir». Mais qu’est-ce que Dieu lui répond ? » « Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont point fléchi le genou devant Baal 1 ». Dieu ne dit point: il y en a deux ou trois qui vous ressemblent, mais bien : Ne vous croyez pas seul, il y en a sept mille avec vous, et vous vous croyez seul ? Voici donc brièvement la recommandation que j’avais commencé à vous faire. Que votre sainteté m’écoute avec attention, et je prie Dieu qu’il touche vos cœurs dans sa miséricorde, afin que vous la compreniez, de manière qu’elle agisse et fructifie en vous. Ecoutez donc en un mot : Que celui qui est encore méchant, ne croie point que nul autre n’est bon, et que, celui qui est bon, ne s’imagine pas être le seul. Comprenez-vous bien ? Je vous le répète, soyez attentifs : Que celui qui est méchant, qui interroge sa conscience, et n’en reçoit qu’un mauvais témoignage, ne s’imagine point que nul autre n’est bon; que celui qui est bon, ne se croie pas le seul, et qu’il ne craigne pas, malgré sa justice, d’être mêlé aux méchants; viendra le temps où il sera séparé. Aussi, aujourd’hui avons-nous chanté « Ne perdez pas mon âme avec les impies, et ma vie avec celle des hommes sanguinaires 2 ». Qu’est-ce à dire : « Ne perdez pas avec les impies ? » ne me perdez pas, confondu avec eux. Pourquoi craint-il une même ruine ? Je crois qu’il dit à Dieu : Vous nous souffrez maintenant que nous sommes confondus, mais n’enveloppez pas dans une même ruine ceux que vous laissez confondus. Tel est le sens du psaume, que je veux examiner à ta hâte avec vous, parce qu’il est court. 1. Eph. IV, 26, 27. — 2. Id. 28.

6. « Jugez-moi, Seigneur 3 ». Ce vœu d’être jugé, est un vœu désagréable, et peut être dangereux pour lui. Quel est ce jugement qu’il invoque ? sa séparation d’avec les méchants. C’est ce jugement de séparation qu’il désigne clairement dans un autre psaume : « Jugez-moi, Seigneur, et séparez ma cause de celle d’un peuple qui n’est pas saint 4 ». Nous voyons là le sens de cette parole : « Jugez-moi ». Que les bons et les méchants n’aillent point au feu éternel, comme aujourd’hui on voit ces bons et ces méchants entrer dans l’Eglise, pour ainsi dire sans aucun discernement. « Jugez-moi, Seigneur ». Et pourquoi ? « C’est que, pour moi, j’ai marché dans mon innocence, et que mon espoir dans le Seigneur ne sera point ébranlé 1 ». Quel est cet « espoir dans le Seigneur ? » Celui-là chancelle parmi les méchants, qui n’a point mis son espoir en Dieu. De là sont venus les fauteurs des schismes. Ils ont tremblé en se voyant parmi les méchants, eux qui étaient pires, ils ont rougi d’être bons au milieu des impies. Ah ! s’ils eussent été le bon grain, ils eussent toléré la paille dans la grange, jusqu’au jour du vanneur. Mais comme ils n’étaient que la paille, voilà qu’un souffle s’est élevé, a prévenu le van du Seigneur, et enlevé de la grange cette paille qu’il a jetée parmi les épines. Une paille a été enlevée, mais ce qui est resté, n’est-il que froment ? Il n’y a que la paille qui s’envole avant la séparation, et néanmoins il reste de la paille et du froment; et au temps de la séparation cette paille sera vannée. Voilà ce que dit le Prophète: « J’ai marché dans mon innocence, et mon espoir dans le Seigneur ne sera point ébranlé ». Si je n’avais espéré que dans un homme, je verrais peut-être cet homme tomber dans le désordre et ne point suivre ces voies de la justice qu’il apprendra à connaître ou même qu’il enseigne dans 1’Eglise, mais s’égarer dans celles que Satan lui a montrées. Si donc mon espérance était dans un homme, elle chancellerait et tomberait avec cet homme chancelant et tombant; mais comme elle est dans le Seigneur, elle est inébranlable. 1. III Rois, XIX, 10. — 2. Ps. XXV, 9. — 3. Id. 1. — 4. Ps. XLII, 1.

7. « Éprouvez-moi, Seigneur, et sondez mon âme, dit ensuite, le Prophète, faites passer au feu mes reins et mon cœur 2 ». Qu’est-ce à dire: « Passez au feu mes reins et mon cœur ? » — Passez au feu mes convoitises et mes pensées. Les reins se disent ici des convoitises, et le cœur des pensées, afin que nies pensées ne s’arrêtent pas au mal, et que le mal m’excite pas mes désirs. A quel feu passer mes reins ? au feu de votre parole. A quel feu passer mon cœur ? au feu de votre esprit. C’est de ce feu qu’il est dit ailleurs : « Que nul ne peut se dérober à son action 3 », et dont le Seigneur a dit à son tour : « Je suis venu apporter le feu sur la terre 4 ».

8. Le Prophète continue : « C’est que votre miséricorde est devant mes yeux, et que votre vérité m’a plu ». C’est-à-dire, je n’ai point cherché à plaire aux hommes, mais j’ai voulu vous plaire dans cet intérieur où pénètrent vos yeux, peu soucieux de déplaire aux hommes qui voient le dehors, comme l’a dit l’Apôtre : « Que chacun éprouve ses actions, et alors il pourra se glorifier dans lui-même, et non dans un autre 1 ». 1. Ps, XXV,1.— 2. Id. 2.— 3. Id. XVIII, 7.— 4. Luc, XII, 49.— 5. Ps. XXV,3.

9. « Je ne me suis point assis dans les assemblées de vanité 2 ». Quel est le sens de cette expression : « Je ne me suis point assis ? » Ecoutez, mes frères. En disant : « Je ne me suis point assis », il en appelle à Dieu qui voit tout. Vous pouvez être absent d’une réunion, et pourtant y siéger. Par exemple, vous n’êtes pas au théâtre, mais des pensées théâtrales absorbent votre esprit, contrairement à cette parole : « Passez au feu mes reins », alors vous êtes assis au théâtre, nonobstant votre absence corporelle. Mais il peut arriver qu’un ami vous y fasse entrer et vous y retienne, ou qu’un office de charité vous force à vous y asseoir. Comment cela est-il possible ? Il peut arriver qu’un chrétien ait une bonne oeuvre à faire qui le force de s’asseoir dans l’amphithéâtre: il voulait délivrer je ne sais quel gladiateur; alors il a bien pu s’asseoir, et attendre que parût celui qu’il voulait délivrer. Cet homme, nonobstant sa présence corporelle, ne s’est pas assis dans les assemblées de la vanité. Qu’est-ce que s’y asseoir ? C’est être de cœur avec les assistants. Si votre cœur n’y est pas, nonobstant votre présence vous n’y êtes point assis; si votre cœur y est, vous êtes assis malgré votre absence. « Je ne m’unirai point aux artisans de l’iniquité; car j’ai en horreur l’assemblée des méchants 3 ». Vous voyez donc que « s’asseoir avec les impies », se dit de l’intérieur.

10. « Je laverai mes mains parmi les justes 4 ». Non point avec une eau visible. C’est laver tes mains, que d’avoir pour tes œuvres des pensées pures et innocentes aux yeux de Dieu. Il est aussi sous l’œil de Dieu, cet autel dont s’est approché le prêtre qui s’est offert le premier pour nous. L’autel est donc sacré, et nul ne peut l’embrasser, s’il n’a lavé ses mains avec les âmes justes. Beaucoup, il est vrai, s’en approchent indignement, et Dieu souffre pour un temps que ses sacrements soient profanés. Toutefois, mes frères, en serait-il de la Jérusalem céleste, comme des murailles qui nous environnent ? Point du tout, et si vous entrez avec les méchants dons les murailles de cette Eglise, vous n’entrerez pas avec les méchants dans le sein d’Abraham. Ne craignez donc point de purifier vos mains. « J’embrasserai l’autel du Seigneur »: cet autel où tu offres tes vœux à Dieu, où tu répands tes prières, où ta confiance est pure, où tu dis à Dieu ce que tu es; et si quelque chose eu toi pouvait déplaire à Dieu, celui qui reçoit tes aveux te guérirait. Lave donc tes mains parmi les justes, embrasse l’autel du Seigneur afin d’entendre la voix de ses louanges. 1. Gal. VI,4.— 2. Ps.XXV,4.— 3. Id.5.— 4. Id.6 (225)

11. C’est en effet ce qui suit : « Afin d’entendre la voix de vos louanges et de publier vos merveilles 1 ». Qu’est-ce à dire : « Entendre la voix de vos louanges ? » C’est-à-dire, afin que je comprenne. Entendre, en effet, devant Dieu, ce n’est point percevoir des sons que beaucoup entendent, et que beaucoup d’autres n’entendent pas. Combien entendent pour nous, qui sont sourds à l’égard de Dieu! Combien ont des oreilles, mais non ces oreilles dont Jésus parlait, quand il s’écriait : « Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre 2 » Que signifie donc entendre la voix de la louange ? Je le dirai, s’il m’est possible, avec le secours de Dieu et de vos prières. Entendre la voix de la louange, c’est comprendre intérieurement, que tout ce qui est en toi corrompu par le péché, vient de loi; que tout ce qu’il y a de bon et de juste, vient de Dieu. Entends donc la voix de la louange, de manière à ne point te louer toi-même, quelle que soit ta justice. Louer ta bonté, c’est devenir mauvais. L’humilité t’avait fait bon, l’orgueil te rend méchant. Tu avais cherché la lumière dans ta conversion, et voilà que cette conversion t’a rendu lumineux, tu es devenu éclatant. Mais à qui t’es-tu converti ? à toi-même ? Situ pouvais être illuminé en retournant à toi-même, tu ne serais jamais dans les ténèbres, parce que tu serais toujours avec loi. D'où te vient donc la lumière ? de ta conversion vers ce qui n’était pas toi. Et qu’est-ce qui n’était pas toi ? Dieu qui est la lumière. Tu n’étais pas lumière, à cause de tes péchés. Voulant faire entendre aux fidèles cette voix de la louange, l’Apôtre leur dit : « Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière 3 ». Que signifie: « Vous u étiez autrefois ténèbres », sinon que le vieil homme était eu vous ? Maintenant vous êtes lumière, et ce n’est pas sans raison, qu'après avoir été ténèbres, vous êtes lumière, puisque vous avez été éclairés. Garde-toi de te croire lumière par toi-même : la lumière est « celle qui éclaire tout homme venant en ce monde1 ». Quant à toi, ta nature, la volonté perverse, ton éloignement de Dieu t’avaient rendu ténébreux, et maintenant tu es lumière. Mais, de peur d’enorgueillir ceux qu’il félicite en disant : « Vous êtes lumière », l’Apôtre ajoute : « Dans le Seigneur». Car il dit : « Vous fûtes autrefois ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur ». Si donc il n’y a pas de lumière en dehors du Seigneur, et si vous êtes lumière, précisément parce que vous êtes en lui, « qu’avez-vous, que vous n’ayez reçu? Et si vous l’avez reçu, pourquoi vous glorifier comme si vous ne l’aviez pas reçu 2 ? » Tel est, dans un autre endroit, le langage de l’Apôtre aux hommes orgueilleux, et qui veulent s’attribuer les dons de Dieu, se glorifier du bien qu’ils ont, comme s’il venait d’eux-mêmes. Qu’avez-vous, leur dit-il, que vous n’ayez reçu? Si vous l’avez, pourquoi vous en glorifier, comme si vous ne l’aviez pas reçu ? Celui qui donne à l’humble, enlève aux superbes; car celui qui peut donner, peut reprendre. C’est là le sens, mes frères, si toutefois je vous l’ai fait comprendre, autant que je le voulais; mais si ce n’est autant que je l’aurais voulu, c’est du moins comme je l’ai pu; tel est le sens de ces paroles : «Je laverai mes mains avec les justes, et j’embrasserai votre autel, ô mon Dieu, afin d’entendre la voix de votre louange »; c’est~à. dire, afin que le bien qui est en moi, ne nie donne point une confiance présomptueuse en moi, mais une confiance en vous qui nie l’avez donné, et que je ne cherche point ma gloire en moi-même, mais la vôtre et en vous. Aussi le Prophète a-t-il ajouté : « Afin que j’écoute la voix de votre louange, et que je raconte vos merveilles ». Oui, vos merveilles, et non les miennes. 1. Ps. XXV, 7. — 2. Matt. XIII, 9. — 3. Eph. V, 8.

12. Et maintenant, mes frères, voyez l’homme qui aime Dieu, qui a mis sa confiance en Dieu, le voilà au milieu des méchants, et il demande à Dieu de n’être point perdu avec ces méchants, parce que Dieu est infaillible dans ses jugements. Pour toi, situ vois des hommes réunis dans un même lieu, lu les crois égaux en mérite; mais sois sans crainte, le Seigneur ne peut se tromper. Tu as besoin d’un souffle pour séparer la paille du bon grain; tu veux un vent qui souffle, et comme tu n’es pas toi-même ce souffle puissant, tu souhaites que le vent vienne à ton aide; et quand en vannant tu secoues la paille et le froment, le vent chasse tout ce qui est léger, et respecte ce qui a du poids. Tu as donc recours au vent pour démêler ce qui est dans ta grange. Mais Dieu a-t-il besoin qu’on l’aide à juger, pour ne point perdre les bons avec les méchants ? Sois donc sans crainte, et demeure en toute sécurité, même avec les méchants; et dis avec le Prophète : « Seigneur, j’ai aimé la splendeur de votre maison 1 » Cette maison de Dieu, c’est l’Eglise, qui renferme sans doute beaucoup d’impies; mais la splendeur de cette maison de Dieu est dans les justes et dans les saints : et telle est la splendeur que j’aime en elle. « J’ai aimé ce lieu où habite votre gloire ». Quel est le sens de ces paroles ? Ces paroles, je l’avoue, ont encore le sens, quelque peu obscur, exposé plus haut Que le Seigneur me vienne en aide, et dispose vos cœurs à l’attention. Qu’est-ce que Je Prophète appelle: « Ce lieu où réside voire gloire ? » Il vient de dire : « La splendeur de votre maison »; et, pour expliquer cette splendeur, il ajouté: « Le lieu où réside votre gloire ». Il ne lui suffit pas de dire : « Le lieu qu’habite le Seigneur »; mais : « Le lieu où réside la gloire de Dieu ». Quelle est cette gloire de Dieu ? C’est d’elle que je disais tout à l’heure, que celui qui devient bon, ne se glorifie pas en lui-même, mais bien en Dieu 2. « Car tous ont péché, et tous ont besoin de la gloire de Dieu 3 ». Ceux-là, dès lors, en qui le Seigneur habite, de manière à se glorifier lui-même de ses dons, qui ne veulent point s’attribuer et revendiquer comme leur bien ce qu’ils ont reçu de Dieu, ceux-là forment la splendeur de la maison de Dieu. L’Ecriture ne les distinguerait point si spécialement, s’il n’y en avait d’autres qui possèdent les dons de Dieu, à la vérité, mais qui, loin de se glorifier en Dieu, se glorifient en eux-mêmes: ils ont en effet les dons de Dieu, mais ne contribuent point à la splendeur de son palais. Car ceux qui contribuent à la splendeur de cette habitation, et en qui réside sa gloire, sont le lieu qu’habite sa gloire. Mais en qui réside la gloire de Dieu, sinon en ceux uni se glorifient de telle sorte qu’il en résulte, non leur propre gloire, mais celle du Seigneur ? Donc, parce que j’ai aimé la gloire de votre maison, c’est-à-dire tous ceux qui sont à vous et qui recherchent votre gloire, parce que je n’ai point mis ma confiance dans un homme, que je n’ai point donné mon assentiment aux impies, que je ne veux ni entrer ni m’asseoir dans leurs assemblées; parce que telle a été ma conduite dans l’Eglise de Dieu, quelle sera ma récompense ? Le verset suivant nous donne la réponse : « Ne perdez pas mon âme avec les impies, et ma vie avec les hommes sanguinaires 1 ». 1. Ps. XXV, - 2. I Cor. I,31.- 3. Rom 1,23. 1. Jean, I, 9 — 2. I Cor. IV, 7. (226)

13. « Leurs mains sont pleines d’iniquités, leurs droites souillées de présents 2 ». Les présents ne sont pas seulement la richesse, l’or, l’argent, les objets précieux; et tous ceux qui les reçoivent, ne les reçoivent pas en présents pour cela. L’Eglise en reçoit quelquefois, et même Pierre en reçut, le Seigneur en reçut, il eut une bourse, et l’argent qu’on y jetait, Judas le dérobait 3. Qu’est-ce que recevoir des présents ? Celui qui juge d’une manière inique, non seulement par amour de l’or ou de l’argent, ou d’autres richesses, mais par vaine gloire, reçoit un présent, et un présent des plus vains. Il a ouvert la main pour recevoir le témoignage d’une langue étrangère, et il a perdu le témoignage de sa conscience, Donc « leurs mains sont pleines d’iniquités, et leurs droites souillées de présents ». Vous voyez, mes frères, qu’ils sont sous l’œil de Dieu, ceux dont les mains ne sont point entachées d’iniquités, dont la droite n’est pas souillée de présents; ils sont sous l’œil de Dieu, et ne peuvent dire qu’à lui seul: Vous le savez, Seigneur; à lui seul ils peuvent dire: « Ne perdez pas mon âme avec les impies, et ma vie avec les hommes sanguinaires »; lui seul peut voir qu’ils ne reçoivent aucun présent. Ainsi, mes frères, deux hommes ont à vider un différend devant un serviteur de Dieu; chacun ne voit de justice que dans sa cause. S’il croyait sa cause injuste, il n’aurait point recours au juge. L’un se croit dans la justice, l’autre aussi. On se présente au juge. Avant la sentence, chacun dit : Nous acceptons votre arbitrage, à Dieu ne plaise que nous rejetions votre sentence ! Pour vous, que dites-vous ? prononcez selon vos vues, seulement, prononcez : Anathème à moi si je cherche à contredire. Tous deux aiment le juge avant la sentence. Toutefois, cette sentence à prononcer condamnera l’un des deux, et nul ne sait qui sera condamné. Si le juge veut plaire à tous deux, il reçoit en présent la louange des hommes. Et ce présent qu’il accepte, voyez quel présent il lui fait perdre. Il reçoit une parole qui fait du bruit et qui passe, il perd la parole que l’on répète, qui ne passe point; car la parole de Dieu se dit toujours, sans passer jamais; et la parole de l’homme s’évanouit, à mesure qu’on la profère. Il perd ce qui est immuable, pour avoir ce qui est futile. Mais s’il n’a que Dieu en vue, il prononcera une sentence contre l’un d’eux, tenant ses regards sur Dieu, qu’il écoute en jugeant ainsi. Quant à celui que condamne cette sentence, peut-être ne pourrait-il la faire cesser, surtout s’il n’est point du ressort du droit ecclésiastique, mais des lois des princes, il ont la déférence envers l’Eglise a rendu lotis ses jugements irrévocables; mais s’il ne peut faire cesser la sentence, loin de jeter les veux sur lui-même, il les tourne aveuglément vers le juge, qu’il déchire de tout son pouvoir il a voulu, dit-il, plaire à mon adversaire, il a favorisé le riche, il en a reçu des présents, il a craint de le blesser. Il accuse donc son juge d’avoir reçu des présents. Qu’un pauvre ait une affaire contre un riche, et que l’on prononce en faveur du pauvre; le riche tient le même langage. Il a reçu des présents. Quels présents peut faire un pauvre? Il a vu, dit-il, sa pauvreté, il a craint le blâme s’il jugeait au désavantage du pauvre, et voilà qu’il u étouffé la justice et porté une sentence contre la vérité. Si donc ces récriminations sont inévitables, comprenez que Dieu seul voit ceux qui reçoivent les présents et ceux qui les rejettent, et que devant lui seulement, ceux qui les refusent, peuvent dire : « Pour moi, j’ai marché dans l’innocence, délivrez-moi, prenez moi en pitié, mon pied est demeure dans la voie droite (Ps. XXV, 11, 12) ». Sans doute, j’ai pu être ébranlé par les scandales et les efforts de ceux qui se récriaient avec une téméraire audace contre mon jugement, mais « mon pied est demeuré dans le sentier droit ». Pourquoi, dans le chemin droit ? parce qu’il avait dit plus haut : « J’espère dans le Seigneur, et je ne serai point ébranlé 1 ». 1. Is. XXV, 9 — 2. Id. 10. — 3. Jean, XII, 6. (227)

14. Quelle est sa conclusion? « Je vous bénirai, Seigneur, dans les grandes assemblées 2 ». C’est-à-dire, ce n’est point moi que je bénirai dans les églises, comme si j’étais assuré des hommes, mais c’est vous que je bénirai par mes œuvres : et bénir Dieu dans les assemblées, mes frères, c’est vivre de manière que les œuvres de chacun soient une gloire pour le Seigneur. Bénir le Seigneur par la langue, et le maudire par des actes, ce n’est point le bénir dans les assemblées; presque tous le bénissent de la langue; mais pas tous par les œuvres. Quelques-uns le bénissent en paroles, et d’autres par les actions. Mais ceux dont les actes sont en désaccord avec les paroles, font blasphémer le Seigneur. Et ceux qui n’entrent point dans l’Eglise, bien que le vrai motif qui les empêche d’être chrétiens, soit l’attachement pour leurs désordres, prennent pour excuse les mauvais chrétiens, et ils s’applaudissent, ils se trompent eux-mêmes en disant : Pourquoi m’exciter à devenir chrétien ? Un chrétien m’a trompé, et moi, jamais; un chrétien s’est parjuré envers moi, et moi, jamais. Ce langage les détourne du salut, et c’est en vain, non seulement qu’ils ont quelques qualités, mais qu’ils ne sont qu’à demi mauvais; de même qu’un homme qui est dans les ténèbres ouvrira vainement les yeux, de même c’est en vain qu’il est en face de la lumière, s’il veut les fermer. C’est là l’image d’un païen, et j’en parle volontiers à cause de leur vie honnête en apparence; il ouvre les yeux, mais il est dans les ténèbres, parce qu’il ne connaît point le Seigneur qui est sa lumière; quant au chrétien qui vit dans le désordre, il est, je l’avoue, dans la lumière de Dieu, mais ses yeux sont fermés. Dans sa dépravation, il refuse de voir celui ami nom duquel il est, en plein jour, un aveugle, que ne vivifie aucun rayon de la véritable lumière. 1. Ps. XXV, 1. — 2. Id. 22. (228)



Il m'est difficile de comprendre cette phrase :  Dans sa dépravation, il refuse de voir celui ami nom duquel il est, en plein jour, un aveugle, que ne vivifie aucun rayon de la véritable lumière.
Est-ce que quelqu'un peut m'expliquer ?
  Confus


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Message par Invité Dim 2 Mai 2021 - 13:09

*Les 150 psaumes avec textes, vidéos et commentaires...*


Psaume 27 (26) - "Près de Dieu, point de crainte"







Psaume 27 (26) - "Près de Dieu, point de crainte" : Ps 27,1 : De David. Yahvé est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? Yahvé est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ?

Le psaume 27 (26 selon la numérotation latine) est attribué à David. Dans la liturgie des Heures, le psaume 26 (27) est chanté aux vêpres du mercredi de la première semaine (I).


Le « Psaume 26 et son Antienne » psalmodié par les Moines Bénédictins de l’Abbaye de Keur Moussa au Sénégal :




Antienne : « Lumière née de la lumière, tu es apparu, Ô Christ, ta clarté illumine le monde »

Psaume 26 :
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ?
Si des méchants s'avancent contre moi pour me déchirer, ce sont eux, mes ennemis, mes adversaires, qui perdent pied et succombent.
Qu'une armée se déploie devant moi, mon cœur est sans crainte ; que la bataille s'engage contre moi, je garde confiance.
J'ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m'attacher à son temple.
Oui, il me réserve un lieu sûr au jour du malheur ; il me cache au plus secret de sa tente, il m'élève sur le roc. Maintenant je relève la tête devant mes ennemis.
J'irai célébrer dans sa tente le sacrifice d'ovation ; je chanterai, je fêterai le Seigneur.
Ecoute, Seigneur, je t'appelle ! Pitié ! Réponds-moi ! Mon cœur m'a redit ta parole : « Cherchez ma face ». C’est ta face, Seigneur, que je cherche, ne me cache pas ta face.
N'écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. Ne me laisse pas, ne m'abandonne pas, Dieu, mon salut ! Mon père et ma mère m'abandonnent ; le Seigneur me reçoit.
Enseigne-moi ton chemin, Seigneur, conduis-moi par des routes sûres malgré ceux qui me guettent.
Ne me livre pas à la merci de l'adversaire : contre moi se sont levés de faux témoins qui soufflent la violence.
Mais j'en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur ».

Rendons gloire au Père tout puissant, à son fils Jésus-Christ le Seigneur, à l’Esprit qui habite en nos cœurs, pour les siècles des siècles. Amen.





Le Psaume 26 (27) en français : "Yahvé est ma lumière et mon salut" (La Bible de Jérusalem, 1998)

Ps 26:1- De David. Yahvé est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte ? Yahvé est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ?
Ps 26:2- Quand s'avancent contre moi les méchants pour dévorer ma chair, ce sont eux, mes ennemis, mes adversaires, qui chancellent et succombent.
Ps 26:3- Qu'une armée vienne camper contre moi, mon cœur est sans crainte; qu'une guerre éclate contre moi, j'ai là ma confiance.
Ps 26:4- Une chose qu'à Yahvé je demande, la chose que je cherche, c'est d'habiter la maison de Yahvé tous les jours de ma vie, de savourer la douceur de Yahvé, de rechercher son palais.
Ps 26:5- Car il me réserve en sa hutte un abri au jour de malheur; il me cache au secret de sa tente, il m'élève sur le roc.
Ps 26:6- Maintenant ma tête s'élève sur mes rivaux qui m'entourent, et je viens sacrifier en sa tente des sacrifices d'acclamation. Je veux chanter, je veux jouer pour Yahvé.
Ps 26:7- Ecoute, Yahvé, mon cri d'appel, pitié, réponds-moi !
Ps 26:8- De toi mon cœur a dit "Cherche sa face." C'est ta face, Yahvé, que je cherche,
Ps 26:9- ne me cache point ta face. N'écarte pas ton serviteur avec colère; c'est toi mon secours. Ne me laisse pas, ne m'abandonne pas, Dieu de mon salut.
Ps 26:10- Si mon père et ma mère m'abandonnent, Yahvé m'accueillera.
Ps 26:11- Enseigne-moi, Yahvé, ta voie, conduis-moi sur un chemin de droiture à cause de ceux qui me guettent;
Ps 26:12- ne me livre pas à l'appétit de mes adversaires contre moi se sont levés de faux témoins qui soufflent la violence.
Ps 26:13- Je le crois, je verrai la bonté de Yahvé sur la terre des vivants.
Ps 26:14- Espère en Yahvé, prends cœur et prends courage, espère en Yahvé.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.





Dominus Illuminatio Mea : Ps.26 · Hartkeriana
Psalterium Currens (Invitatorium, Psalms 1-56)
℗ 2018 Psalterium Foundation
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Le Psaume 26 (27) en latin : : " Dominus Illuminatio Mea "

Ps 26, 01 : David priusquam liniretur Dominus inluminatio mea et salus mea quem timebo Dominus protector vitae meae a quo trepidabo
Ps 26, 02 : dum adpropiant super me nocentes ut edant carnes meas qui tribulant me et inimici mei ipsi infirmati sunt et ceciderunt
Ps 26, 03 : si consistant adversus me castra non timebit cor meum si exsurgat adversus me proelium in hoc ego sperabo
Ps 26, 04 : unam petii a Domino hanc requiram ut inhabitem in domo Domini omnes dies vitae meae ut videam voluntatem Domini et visitem templum eius
Ps 26, 05 : quoniam abscondit me in tabernaculo in die malorum protexit me in abscondito tabernaculi sui
Ps 26, 06 : in petra exaltavit me et nunc exaltavit caput meum super inimicos meos circuivi et immolavi in tabernaculo eius hostiam vociferationis cantabo et psalmum dicam Domino
Ps 26, 07 : exaudi Domine vocem meam qua clamavi miserere mei et exaudi me
Ps 26, 08 : tibi dixit cor meum exquisivit facies mea faciem tuam Domine requiram
Ps 26, 09 : ne avertas faciem tuam a me ne declines in ira a servo tuo adiutor meus esto ne derelinquas me neque dispicias me Deus salvator meus
Ps 26, 10 : quoniam pater meus et mater mea dereliquerunt me Dominus autem adsumpsit me
Ps 26, 11 : legem pone mihi Domine in via tua et dirige me in semita recta propter inimicos meos
Ps 26, 12 : ne tradideris me in animas tribulantium me quoniam insurrexerunt in me testes iniqui et mentita est iniquitas sibi
Ps 26, 13 : credo videre bona Domini in terra viventium
Ps 26, 14 : expecta Dominum viriliter age et confortetur cor tuum et sustine Dominum

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.




Saint Augustin (354-430)

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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XXVI.
ESPOIR EN DIEU.

David a pu, dans ce psaume, exprimer les douleurs de son exil, mais son langage convient parfaitement aux membres de lEglise militante, qui se consolent au milieu des fatigues de cette vie par lespérance du repos et de la félicité dont ils jouiront dans la maison de Dieu.

POUR DAVID, AVANT QUIL AIT REÇU LONCTION 1.


1. Ce langage est celui du soldat du Christ qui arrive à la foi. « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qu’aurai-je à craindre 2 ? » C’est le Seigneur qui me fait la grâce de le connaître et de me sauver, qui pourra m’arracher à lui ? « Il est le protecteur de ma vie, qui une fera trembler 3 ? » C’est le Seigneur qui doit repousser l’assaut et les embûches de mes ennemis, nul ne me fera peur.

2. « Des pervers s’approchent de moi pour dévorer ma chair 4 ». Des méchants s’approchent de moi pour me connaître, m’insulter, et se préférer à moi, quand je veux m’améliorer; leur dent maligne va dévorer, Lion pas moi, mais bien mes désirs charnels. « Ces ennemis qui me persécutent ». Non seulement ceux qui viennent au nom de l’amitié me blâmer et me détourner de mon dessein, mais encore mes ennemis « Ont chancelé à leur tour et sont tombés ». En agissant ainsi, pour défendre leur propre sera-liment, ils sont devenus faibles pour embrasser une croyance meilleure, et se sont pris à haïr cette parole qui me lait agir contre leur volonté.

3. « Que des armées campent autour de moi, mon cœur m’en sera point ému 5 ». Que la foule de mes contradicteurs conspire et se soulève contre moi, mon cœur ne les craindra pas au point de se ranger avec eux. « Qu’on me livre un assaut, j’en redoublerai d’espérance ». Que les persécutions du monde viennent fondre sur moi, j’affermirai mon espoir dans cette prière que médite mon coeur.

4. « J’ai fait une demande au Seigneur. Et je la lui ferai encore ». Ce que j’ai demandé au Seigneur, je le demanderai encore. « C’est d’habiter dans la maison de Dieu, tous les jours de ma vie 1 ». C’est que, durant mon séjour ici-bas, nulle affliction ne me sépare du nombre de ceux qui gardent l’unité de la foi dans l’univers entier. « C’est que je contemple un jour la beauté du Seigneur ». C’est que la persévérance dans la foi me découvre l’ineffable beauté du Seigneur, et que je la puisse contempler face à face. « Et que je sois protégé comme son temple », et que la mort, absorbée enfin par la victoire, me revête d’immortalité, et fasse de moi le temple du Seigneur. 1. Ps. XXVI, 1. - 2. Id.2. - 3. Ibid. - 4. Ibid. - 5. Id.4.

5. « Parce qu’il m’a caché dans son pavillon, au jour de mes malheurs 2 ». Parce que datas cette chair mortelle, dont le Verbe s’est revêtu, il m’a ménagé un abri contre ces tentations auxquelles est assujettie ma vie mortelle. « Il m’a reçu dans le secret de son tabernacle ». Il m’a protégé, quand la foi qui justifie était dans mon coeur 3.

6. « Il m’a établi sur le roc ». Et afin de m’amener au salut, par la manifestation de ma foi 4, il m’a donné la force de la confesser au grand jour. « Et voilà qu’il m’a fait grandir au-dessus de mes ennemis 5 ». Que me réserve-t-il pour l’avenir, puisque, dès aujourd’hui, mon corps est mort au péché, et que mon esprit, je le sens, est soumis à la loi de Dieu, sans se laisser assujettir aux rébellions de la loi du péché 6 ? « J’ai jeté les yeux de toutes parts, et j’ai offert à Dieu, dans son tabernacle, une hostie de louanges 7 ». J’ai vu que l’univers croit maintenant au Christ, et parce qu’il s’est un moment humilié pour nous, je l’aï béni dans mon allégresse: c’est là l’hostie que je lui ai offerte. « Je chanterai, je bénirai le Seigneur». Mon coeur et mes oeuvres lui témoigneront ma joie. 1. Ps. XXVI, 1 - 2. Id. 5.— 3. Rom. X, 10.- 4. Ibid. - 5. Ps. XXVI, 6 - 6. Rom. VIII, 10. - 7. Ps. XXV, 6. (229)

7. « Seigneur, exaucez la voix que j’élève jusqu’à vous 1 ». Exaucez, ô Dieu, cette voix du cœur, que mes vifs désirs élèvent jusqu’à vos oreilles. « Prenez-moi en pitié, exaucez-moi ». Ayez pitié de moi, exaucez ma prière.

8. « Mon coeur vous a dit: J’ai cherché votre face 2 ». Ce n’est point devant les hommes que j’ai prié; mais dans le secret où vous entendez seul, mon coeur vous a dit: Je cherche une récompense, non point hors de vous, mais dans vos regards bienveillants, « C’est ce regard, ô mon Dieu, que je veux chercher ». Ce regard, je le chercherai sans cesse; rien de vil ne saurait me plaire; mon amour pour vous sera sans bornes, parce que rien ne m’est plus précieux.

9. « Ne détournez point de moi votre face 3 », afin que je trouve ce que je cherche. « Ne vous éloignez point de votre serviteur dans votre colère »; de peur qu’en vous cherchant, je ne m’attache à d’autres objets. Quel châtiment plus douloureux pour celui qui vous aime, et qui cherche dans votre face l’éclat de la vérité ? « Venez à mon aide ! ». Quand pourrais-je vous trouver, sans votre secours ? « Ne m’abandonnez point, ne me méprisez point, ô Dieu, mon Sauveur 4 ». Ne méprisez point un mortel qui ose rechercher un Dieu éternel: c’est vous, ô mon Dieu, qui guérissez la plaie de mon péché.

10. « Voilà que mon père et ma mère m’ont abandonné 5 ». Voilà que le royaume de ce monde, que la cité d’ici-bas, qui m’ont donné pour un temps cette vie mortelle, m’ont délaissé parce que j’aspirais à vous posséder, et que je méprisais ce qu’ils pouvaient m’offrir; car ils ne peuvent me donner ce que je ne cherche avidement. « Mais le Seigneur m’a recueilli ». Il m’a recueilli, ce Dieu qui peut se donner à moi.

11. « Seigneur, montrez-moi les sentiers que je dois suivre 6 » Je m’efforce d’aller à vous, je commence par la crainte la haute entreprise d’arriver à la sagesse; enseignez. moi, Seigneur, la voie que je dois suivre, de peur que je ne m’égare, et que votre croyance ne m’abandonne. «Daignez me conduire dans la voie droite, pour confondre mes ennemis ». Dans vos étroits sentiers, faites-moi prendre le chemin droit. Car il ne suffit point d’entreprendre, puisque l’ennemi ne cessera de me harceler, jusqu’à mon arrivée. 1. Ps. XXVI, 7.— 2. Id. 8. — 3. Id. 9. — 4. Ibid. — 5. Id. 10. — 6. Id. 11.

l2. « Ne me livrez pas à la rage de mes persécuteurs ». Ne souffrez pas que ceux qui m’affligent se rassasient de mes peines. « Voilà que de faux témoins s’élèvent contre moi 1 ». Des hommes se sont levés pour m’accuser faussement, afin de me détacher et de m’éloigner de vous, comme si je cherchais ma gloire parmi les hommes. « Et l’iniquité a menti contre elle-même ». Mais l’iniquité n’a pu s’applaudir que de sa fausseté; car elle ne m’a point ébranlé, et c’est de là qu’une plus belle récompense m’a été promise dans le ciel.

13. « Je suis certain de voir les biens du Seigneur dans la terre des vivants 2 ». Et parce que le Seigneur a souffert ces persécutions avant moi, si, à mon tour, je méprise les langues de ces hommes dévoués à la mort, « car la bouche qui ment, tue l’âme 3 », je suis certain de voir les biens du Seigneur, dans la terre des vivants, où il n’y a plus de fausseté.

14. « Attends le Seigneur, agis avec force; affermis ton âme, et attends le Seigneur 4 ». Quand donc s’accomplira cette promesse ? Au mortel d’accuser la difficulté, à l’amour d’accuser la lenteur; écoute néanmoins la voix infaillible qui dit : « Attends le «Seigneur ». Souffre courageusement le feu qui brûle tes reins, et vaillamment celui qui brûle ton cœur, ne regarde pas comme refusé ce que tu n’as pas reçu. Contre le désespoir et la défaillance, écoute cette parole: « Attends le Seigneur ». 1. Ps. XXVI, 12.— 2. Id. 13. — 3. Sag. I, 11.— 4. Ps. XXVI, 14. (230)



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Message par Invité Dim 2 Mai 2021 - 13:13



DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXVI
ESPOIR EN DIEU

Saint Augustin paraphrase le psaume en forme dhomélie, il sempare des expressions et des sentiments du Prophète pour encourager les chrétiens en butte ici-bas à la persécution et attirer en eux le désir du vrai bonheur.


1. Le Seigneur notre Dieu, voulant nous adresser des paroles consolantes, en nous voyant réduits par sors juste arrêt à manger notre pain à la sueur de notre front 1, daigne emprunter notre langage pour nous parler, afin de nous montrer, non seulement qu’il nous a créés, mais encore qu’il habite avec nous. Nous avons entendu et en partie chanté les paroles du psaume. Si nous disons que ces paroles sont les nôtres, craignons de n’être pas dans le vrai, puisqu'elles appartiennent plus à l’Esprit-Saint qu'à nous. Pourtant il y aurait une évidente fausseté à dire que ce sont là nos paroles, puisqu'elles ne sont que les gémissements d’âmes dans la peine ou bien ces cris pleins de douleur et de larmes, qui retentissent d’un bout à l’autre du psaume, seraient-ils de Celui qui ne peut être dans la détresse? Dieu est miséricordieux, mes frères, et nous misérables. Celui qui est assez compatissant pour daigner adresser la parole à des malheureux, a daigné prendre aussi le langage du malheur, Il est donc vrai de dire, que ces paroles sont les nôtres et qu’elles ne nous appartiennent point; que c’est la voix de l’Esprit-Saint, et que néanmoins elle n’est pas la sienne. C’est la parole de l’Esprit-Saint, puisqu'elle n’est dans notre bouche que par son inspiration; mais elle n’est point sa parole, en ce sens qu’il ne ressent ni la misère ni la fatigue, et ces paroles sont les cris de la douleur et du travail. Elles sont nos paroles, puisqu'elles témoignent de notre misère; mais elles ne viennent point de nous, puisque c’est à sa grâce que nous devons de pouvoir gémir.

2. « Psaume de David, avant qu’il ait reçu l’onction 2 ». Tel est le titre du psaume : « Psaume de David, avant qu’il ait reçu l’onction ». C’est-à-dire, avant qu’il fût oint, car il reçut l’onction royale 3. Il n’y avait alors d’onction que pour le roi et pour le prêtre et ces deux hommes qui recevaient l’huile sainte, étaient la figure du Christ seul roi et seul prêtre, et appelé Christ, de l’onction qu’il a reçue. Et non seulement notre chef a reçu l’onction, mais nous aussi qui sommes sont corps. Il est donc notre roi, parce qu’il nous dirige et nous gouverne; il est prêtre, parce qu’il intercède pour nous (Rom. VIII, 31.). Il est encore le seul prêtre qui soit en même temps victime. Car la victime du sacrifice, qu’il offrit à Dieu, n’est autre que lui-même: et il n’eût pu trouver en dehors de lui une victime raisonnable, très-pure, capable de nous racheter par l’effusion de son sang, comme l’agneau sans tache, et de nous incorporer à lui comme ses membres, et de nous faire avec lui un seul et même Christ. C’est pourquoi tous les chrétiens participent à l’onction, qui, dans l’Ancien Testament, était l’apanage exclusif de deux personnes. D'où il suit que nous sommes le corps du Christ, puisque nous avons tous reçu l’onction; et que nous sommes tous en lui des christs et un seul Christ, car la tète et les membres composent le Christ dans son intégrité. Cette onction doit perfectionner en nous la vie spirituelle qui nous est promise. Ce psaume est donc la prière d’une âme soupirant après cette vie spirituelle, et demandant avec instance la grâce qui sera parfaite en nous, à notre dernier jour. Aussi a-t-il pour titre : Avant l’onction. Car nous recevons, ici-bas, l’onction dans le sacrement, et le sacrement est la figure de ce que nous devons être un jour. Et cet avenir inconnu et ineffable, voilà ce que nous devons désirer, ce qui doit nous faire gémir quand nous recevons le sacrement, afin qu’un jour nous jouissions de cette réalité dont le sacrement est un symbole. 1. Gen. III, 9. — 2. Ps. XXVI, I. — 3. I Rois, XVI, 13.

3. Voici donc le psaume : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, que pourrai-je craindre 1 ? » C’est lui qui m’éclaire; arrière les ténèbres ! c’est lui qui est mon salut, arrière l’infirmité ! En marchant dans la force et dans la lumière, qu’ai-je à craindre ? Ce salut qui vient de Dieu n’est point un salut qu’on puisse m’arracher; ni sa lumière un flambeau que l’on puisse éteindre. C’est donc Dieu qui nous éclaire, et nous qui sommes éclairés, c’est Dieu qui nous sauve, et nous qui sommes sauvés. Si donc c’est Dieu qui est lumière, nous qui sommes éclairés, lui qui est sauveur, nous qui sommes sauvés, sans lui nous ne serions que ténèbres et que faiblesse. Ayant donc en lui une espérance ferme, fondée, inébranlable, qui pouvons-nous craindre? Le Seigneur est donc ta lumière, le Seigneur est ton sauveur. Crains encore, si tu trouves une puissance plus grande. J’appartiens donc au Dieu plus puissant que tous, car il est le Tout-Puissant; c’est lui qui m’éclaire, lui qui me sauve; je le crains, et n’ai pas d’autre crainte. « C’est le Seigneur qui protège ma vie, qui pourrait me faire peur ? » (231)

4. « Des pervers s’approchaient pour dévorer ma chair, mes ennemis, mes persécuteurs ont chancelé, et sont tombés 2 ». Qu’ai-je donc à redouter ? Qui serait à craindre pour moi ? Qui me ferait peur, et pourquoi trembler ? Voilà que mon persécuteur chancelle et tombe. Et pourquoi me persécuter ? « Pour dévorer ma chair ». Qu’est-ce que ma chair ? Mes affections charnelles. Qu’ils sévissent donc avec fureur en me persécutant, rien de moi ne peut mourir, que ce qui est mortel. Il y a chez moi quelque chose que la persécution ne saurait atteindre, c’est le sanctuaire qu’habite mon Dieu. Que mes ennemis mangent ma chair; une fois ma chair consumée, je serai tout esprit, l’homme spirituel. Et même le Seigneur m’a promis un salut si complet, que cette chair mortelle, qui semble être pour un temps la proie de mes persécuteurs, ne périra pas éternellement, et que les membres doivent espérer pour eux-mêmes cette résurrection qu’ils ont admirée dans leur chef. Que peut craindre mon âme, quand le Seigneur y habite? Que pourra craindre ma chair, quand ce corps corruptible sera revêtu d’incorruptibilité? Voulez-vous voir comment ces persécuteurs, qui dévorent notre chair, ne sont cependant point à craindre pour elle ? « Il est semé un corps animal, il ressuscitera un corps spirituel ».Quelle ne doit donc pas être la confiance de celui qui comprend: « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, que puis-je craindre? Il protège ma vie, qui me ferait peur ? » Un prince est environné de ses gardes et ne craint rien; un mortel gardé par d’autres mortels est plein d’assurance, et quand ce mortel sera gardé par le Dieu immortel, il craindra et tremblera ? 1. Ps. XXVI, 2. — 2. Ps. XXVI, 4.

5. Ecoutez maintenant quelle doit être la confiance de celui qui par-le ainsi: « Que des armées campent autour de moi, mon cœur n’en sera point ému 1 ». Un camp est fortifié, mais qu’y a-t-il de plus fort que Dieu ? « Qu’on me livre un assaut ». Que me ferait un assaut ? Peut-il m’enlever mon espérance ? Peut-il m’arracher le don du Tout-Puissant ? Celui qui donne est invincible, et le don qu’il fait ne peut être ravi. Ravir le don, ce serait vaincre le donateur. Donc, mes frères, ces biens temporels eux-mêmes, nul ne peut nous les-ravir que celui qui nous les a donnés. Pour les biens spirituels qu’il nous accorde, il ne les reprend que si tu les perds; mais les biens temporels, les biens de la santé, c’est Dieu qui nous les enlève, puisque nul autre ne le peut s’il n’en a reçu de lui le pouvoir. Nous savons, pour l’avoir lu dans Job, que le diable même 2, qui paraît avoir reçu pour cette vie le plus grand pouvoir, ne peut rien sans la permission de Dieu. Il a reçu quelque puissance sur les biens abjects, lui qui a perdu les plus grands et les plus relevés. Son pouvoir n’est pas même l’effet de sa colère, mais la peine de sa condamnation. Lui non plus n’a donc de pouvoir star nous que par la permission de Dieu. C’est ce que nous voyons dans le livre cité, et le Seigneur, dit dans l'Évangile: « Cette nuit, le démon a demandé de vous passer au crible comme le froment, mais j’ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille point 3 ». Dieu lui accorde ce pouvoir, afin de nous punir ou de nous éprouver. Donc, si nul ne peut nous ravir le don de Dieu, ne craignons que Dieu seul. Quels que soient les frémissements contre nous, quelle que soit l’insolence de tout autre ennemi, rassurons notre cœur.

6. « Qu’on me livre un assaut, c’est en elle que je veux espérer ». Qui, elle ? « J’en ai demandé une au Seigneur 1 ». Il met au féminin le bienfait qu’il a sollicité, comme s’il disait: J’ai fait une seule demande. Dans la conversation, par exemple, nous autres latins mettons souvent deux au- féminin et non au masculin; l’Ecriture a dit de la même manière: « J’en ai demandé une au Seigneur, je la réclamerai ». Voyons ce qu’a demandé celui qui n’a plus aucune crainte. Quelle sécurité d’âme! Voulez-vous ne rien craindre aussi? Demandez cette seule grâce que demande uniquement celui qui ne craint rien mais qu’a-t-il demandé, afin de ne rien craindre? « J’ai fait une demande au Seigneur, et j’y reviendrai ». Telle est l’occupation de ceux qui marchent dans la voie droite. Quelle est donc cette demande, cette grâce unique ? « C’est d’habiter dans le palais du Seigneur tous les jours de ma vie ». Elle est unique, parce qu’on appelle palais la demeure où nous devons être éternellement. On appelle maisons les demeures d’ici-bas, que l’on appellerait mieux des tentes, puisque les tentes sont pour les voyageurs, qui sont une certaine milice et qui livrent des assauts à l’ennemi. Donc, s’il y a des tentes, il est visible qu’il y a des ennemis. Car habiter les mêmes tentes, c’est être compagnon sous la tente, ce qui se dit des soldats, vous le savez. Donc ici-bas est la tente, là-haut est le palais. liais on abuse de la ressemblance pour appeler tente ce qui est maison, et souvent encore, le même abus fait appeler maison ce qui est une tente. Toutefois, le ciel est à proprement parler le palais, ici-bas nous sommes sous des tentes. 1. Ps. XXV, 3. — 2. Job, I. — 3. Luc, XXII, 31.(232)

7. Dans un autre psaume, le Prophète nous marque avec précision ce qui nous occupera dans cette demeure: « Bienheureux, ô mon Dieu, ceux qui habitent votre demeure, ils vous béniront dans les siècles éternels 2 ». Telle est la passion violente, pour parler ainsi, tel est l’amour qui dévore comme une flamme celui qui désire passer tous les jours de sa vie dans la maison du Seigneur, et par ces jours à passer dans la maison de Dieu, il entend non pins des jours qui finiront, mais des jours éternels. Il en est de ces jours comme des années dont il est dit: « Et vos années, Seigneur, ne finiront point 3 ». Car les jours de la vie éternelle ne sont qu’un seul jour sans fin. Il dit donc au Seigneur: « C’est là mon désir, cest là ma prière unique; celle que je répéterai». Et comme si nous lui disions : Que ferez-vous dans la maison de Dieu? Quel plaisir y goûterez-vous? Quelle joie y sollicitera votre coeur? Quelles délices alimenteront votre joie? Car vous ny demeurerez point si vous ny êtes heureux. Doù vous viendra cette félicité durable? Ici-bas les plaisirs de lhomme sont variés, et lon appelle malheureux celui qui est privé de ce quil aime. Les hommes ont des goûts différents, et lon appelle heureux celui qui paraît avoir ce quil aime. Toutefois, celui-là est vraiment heureux, non qui possède ce quil aime, mais bien qui aime ce qui est aimable. Il est quelquefois plus malheureux de posséder ce que lon aime que den être privé. Il est malheureux daimer ce qui peut nuire, plus malheureux encore de le posséder. Quand notre amour est dépravé, Dieu met sa bonté à nous refuser ce que nous aimons; et cest dans sa colère quil nous accorde ce que nous avons tort daimer. Saint Paul nous lenseigne clairement, quand il dit des anciens que « Dieu les a livrés aux désirs de leurs curs 1 ». Il leur a donc livré ce quils désiraient, mais pour leur damnation. Il nous dit encore que Dieu rejette nos demandes: « Trois fois », dit-il, « jai prié le Seigneur de me délivrer (de laiguillon de la chair), et il ma répondu: Ma grâce te suffit, car la vertu se fortifie dans la faiblesse 2». Dieu donc livra les philosophes aux désirs de leurs coeurs, et rejeta la prière de saint Paul. Il exauce les uns pour leur damnation, il refuse à lautre pour son bien spirituel. Mais quand lobjet de nos désirs est daccord avec la volonté de Dieu, sans aucun doute, il nous loctroiera. Et ce que nous devons désirer uniquement, cest dhabiter dans la maison du Seigneur tous les jours de notre vie. 1. Ps. XXVI,4. — 2. Ps. LXXXIII, 5. — 3. Id. CI, 28.

8. Il y a toutefois, pour les hommes, dans nos demeures terrestres, des délices et des joies bien diverses ; et chacun veut choisir pour lhabiter le lieu où rien ne blessera son âme, et où elle trouvera de nombreux agréments ; que ces agréments disparaissent et lhomme cherche ailleurs. Ayons la curiosité de demander au psalmiste, et quil veuille bien nous dire ce quil doit faire, ce que nous ferons avec lui, dans cette agréable demeure où il désire, où il souhaite si vivement, où il demande comme grâce unique au Seigneur dhabiter tous les jours de sa vie. 1. Rom. I, 24. 2. II Cor. XII, 8, 9 (233)  Que faites-vous là, dites-moi ? quel est lobjet de vos désirs ? Ecoutez sa réponse : « Cest de contempler la beauté du Seigneur 1 ». Cest là ce que je désire, et voilà pourquoi je veux habiter dans la maison du Seigneur, tous les jours de ma vie. Spectacle immense, contempler la beauté du Seigneur même ! Quand la nuit dici-bas sera écoulée, il veut se reposer à la lumière de Dieu. Notre nuit sera passée alors, et le matin se lèvera pour nous. Aussi est-il dit dans un autre psaume : « Au matin je serai debout, et je vous contemplerai 2 ». Maintenant que je suis tombé, je ne puis vous contempler; mais alors je me tiendrai debout et je vous contemplerai. Cest lhomme qui parle ainsi, car cest lhomme qui est tombé, et si nous ne fussions tombés, le Messie ne serait point venu pour nous relever. Nous sommes donc tombés, et il est descendu. Il est remonté, et nous sommes relevés : « Car nul ne peut remonter, si dabord il nest descendu 3 ». Celui qui était tombé est relevé, celui qui était descendu est remonté. Sil est remonté seul, nallons point nous décourager. Car il nest descendu que pou-r nous relever; et alors nous nous tiendrons debout, et nous contemplerons, et nous serons comblés de joie. Voilà tout ce que jai dit, et vous vous récriez sous le poids du désir de cette beauté que vous ne voyez pas encore. Élevez votre cœur au-dessus de tout ce qui vous est ordinaire, élevez votre intelligence au-dessus de toutes ces pensées Charnelles, qui vous viennent des convoitises du corps, et qui vous représentent je ne sais quels fantômes. Bannissez tout de votre esprit, renoncez à tout ce qui se présentera, et confessant la faiblesse de votre cœur, dites à propos de toute pensée qui vous viendra dans lesprit : Ce nest point cela; si cétait là ce que lon me promet, il ne me viendrait point à la pensée. De cette manière, vous aspirez à quelque bien. Quel bien ? Le bien de tout bien, doù découlent tous les biens, et auquel on ne peut rien ajouter de bien. Partout ailleurs, tu diras un homme de bien, une bonne terre, un bon édifice, un bon animal, un bon arbre, une bonne santé, un bon naturel, tu ajoutes à la qualité de bien; mais ici, cest le bien simplement, le bien doù vient à tout le reste la bonté, le bien doù découlent tous les autres biens : telle est la beauté du Seigneur que nous contemplerons. Voyez, mes frères: si tout ce que lon appelle ici-bas des biens, a pour nous des charmes; si nous sommes épris dun bien qui nest pas le bien par lui-même; car tout ce qui est mobile nest pas par lui-même un bien; jugez quel sera le charme du beau immuable, éternel, et demeurant toujours le même. Car ce que lon appelle ici-bas des biens, naurait pour nous aucun attrait , sil navait réellement quelque chose de bien; et il ny aurait là rien de bien, sil ne découlait de celui qui est simplement le bien. 1. Ps. XXVI, 4. 2. Id. V, 5. 3. Jean, III, 13.  

9. Voilà pourquoi, dit le Prophète, je veau habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie. Je vous ai exposé ce motif: « C’est pour contempler la beauté du Seigneur ». Mais pour que je contemple sans relâche, pour que rien ne me trouble dans cette contemplation, que nulle suggestion ne m’en détourne, que nulle puissance ne m’en arrache, que je ne sois en butte à nulle jalousie et que je goûte en paix les délices du Seigneur, mou Dieu, que doit-il m’arriver ? La protection du Seigneur. Non seulement donc je veux contempler la beauté du Seigneur, dit le Prophète, mais je veux être « protégé comme son temple ». Pour qu’il me protège comme son temple, je deviendrai son temple en effet, et je serai sous sa garde. En est-il d’un temple du vrai Dieu comme des temples des idoles ? Les idoles sont à couvert dans leurs temples, mais le Seigneur notre Dieu protège lui-même son temple, et je serai en sûreté. Le contempler sera mon bonheur, sa protection sera ma sûreté. Autant ma contemplation sera parfaite, autant le sera sa protection; et plus sera parfait le bonheur de la contemplation, plus nia sainteté sera inaccessible à la corruption. A ces deux paroles: « Je contemplerai et je serai protégé », nous pouvons ramener celles qui commencent le psaume: « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qu’aurai-je à craindre ? » Le Seigneur est ma lumière, puisque je contemplerai sa beauté. Il est mon salut, puisqu’il me protégera comme son temple.

10. Mais pourquoi Dieu nous accordera-t-il cette grâce pendant l’éternité ? « Parce qu’il m’a caché dans son pavillon au jour de mes malheurs (Ps. XXVI, 5) ». J’habiterai donc dans son palais tous les jours de ma vie, afin de contempler (234) la beauté du Seigneur et d’être protégé comme son temple. D’où me vient cependant la confiance d’y arriver un jour ? « C’est qu’il m’a recueilli dans son pavillon au jour de mes malheurs ». Il n’y aura plus alors de jours mauvais pour moi, mais c’est dans les jours difficiles de cette vie que le Seigneur a jeté sur moi les yeux. Si donc il me regarde avec une telle bonté quand je suis si éloigné de lui, que sera-ce quand je jouirai de lui ? Je n’agissais donc point avec témérité, quand je lui faisais cette prière unique, et mon coeur ne me disait point: quelle demande, et à qui la fais-tu ? Oses-tu bien t’adresser à Dieu, misérable pécheur ? Oses-tu bien espérer de contempler le Seigneur, faible créature au cœur souillé ? Oui, j’ose bien l’espérer, non pas de moi, mais de son ineffable bonté; cet espoir n’est point une présomption chez moi, mais un gage de sa tendresse. Celui qui me témoigne tant de bonté dans le cours de mon pèlerinage, m’abandonnera-t-il au terme, « lui qui m’a recueilli dans son pavillon, en des jours mauvais ? » Nos jours mauvais sont les jours de cette vie. Autres sont les jours mauvais pour les impies, et autres pour les fidèles. S’il n’y avait pas de jours mauvais pour ceux qui ont la foi, mais qui sont encore éloignés du Seigneur, car, selon l’Apôtre, « nous sommes loin du Seigneur, tant que nous habitons un corps 1 »; que signifierait cette parole de l’Oraison dominicale : « Délivrez-nous du mal 2 ? » si nous ne sommes pas au jour des malheurs. Mais les jours mauvais sont bien différents pour ceux qui n’ont pas la foi: Dieu néanmoins ne les méprise pas, puisque Jésus-Christ est mort pour eux 3. Que notre âme donc s’enhardisse, et demande au Seigneur ce bien qui est unique; elle l’obtiendra et le possédera en toute sûreté. Si elle est tant aimée dans sa laideur, que sera-ce quand elle sera purifiée ! « Il m’a recueilli dans son pavillon, au jour de mes malheurs, il m’a protégé dans le secret de son sanctuaire 4 ». Quel est le secret de son sanctuaire ? Qu’entendre par là ? Le tabernacle avait, ce semble, plusieurs parties à l’extérieur; mais il y avait, à l’intérieur du temple, un lieu mystérieux appelé sanctuaire secret. Qu’était ce sanctuaire ? Le grand prêtre seul y pénétrait 5. Et peut-être est-ce le Pontife qui est lui-même ce tabernacle secret du Seigneur. Car il s’est formé un corps du tabernacle de notre chair, et il est devenu pour nous un asile mystérieux; et de la sorte, les membres qui croient en lui, fouineraient le tabernacle, et lui-même en serait le lieu secret. « Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ 1 », a dit l’Apôtre. 1. II Cor. V, 6.— 2. Matt. VI, 13. — 3. Rom. V, 6. — 4. Ps. XXVI, 5. — 5. Héb. XI, 3.

11. Veux-tu comprendre que tel est le sens de l’Apôtre ? La pierre, c’est le Christ 2. Ecoute ce qui suit : « Il m’a recueilli dans son tabernacle au jour de mes malheurs, il m’a caché à l’ombre de son sanctuaire ». Tu voulais connaître le secret de ce sanctuaire; écoute la suite : « Il m’a élevé sur la pierre nu ».  Donc il m’a élevé sur le Christ. Tu t’es humilié dans la cendre, et Dieu t’a élevé sur la pierre. Mais le Christ est au ciel, et toi sur la terre. Ecoute la suite : « Dès maintenant, il a élevé ma tête au-dessus de la tête de mes ennemis ». Dès maintenant, avant que je fusse arrivé à ce palais que je veux habiter tous les jours de ma vie, avant que je fusse arrivé à contempler le Seigneur, « dès aujourd’hui, il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis ». Je suis persécuté, il est vrai, par les ennemis du corps de Jésus-Christ; il est vrai que je ne suis point complètement au-dessus de mes ennemis: toutefois « le Seigneur a élevé ana tête au-dessus de tous mes adversaires ». Déjà notre chef, qui est le Christ, est au ciel; et pourtant nos ennemis peuvent encore sévir contre nous, puisque nous ne sommes pas élevés au-dessus d’eux; mais notre chef est dans le ciel d’où il a dit: « Saul, Saul, pourquoi me persécuter 3 ? » Il montrait ainsi qu’il est en nous ici-bas; donc, nous sommes en lui au ciel, puisque, « dès aujourd’hui, il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis ». Tel est le gage que nous avons de notre union éternelle par la foi, l’espérance et la charité, avec notre chef qui est dans le ciel; c’est que lui-même demeure avec nous sur la terre, jusqu’à la consommation des siècles 4, par sa divinité, sa bonté, son unité.

12. « J’ai jeté les yeux de toutes parts, et j’ai offert dans son tabernacle un sacrifice de louanges 5 ». Nous offrons une hostie de jubilation, une hostie de joie, une hostie de félicitation, une hostie d’actions de grâces, qui demeure au-dessus de toute expression. Où l’offrons-nous? Dans son tabernacle, dans la sainte Eglise. Quelle est cette hostie? Une joie infinie, inénarrable, que nulle parole ne peut exprimer. Telle est cette hostie d’allégresse. Où la chercher et où la trouver ? En cherchant de toutes parts. « J’ai jeté les yeux partout », dit le Prophète, et « j’ai offert dans son tabernacle une hostie d’acclamation ». Que ton âme s’adresse à toute créature, et toute créature te répondra: C’est Dieu qui m’a faite. Tout le beau d’une oeuvre d’art fait l’éloge de l’ouvrier, et ton admiration pour l’Ouvrier suprême grandira, à mesure que tu considéreras ses œuvres. Tu vois le ciel, c’est le chef-d’oeuvre de Dieu. Tu vois la terre, c’est Dieu qui l’a couverte de ces plantes sans nombre, de ces germes variés à l’infini, qui l’a peuplée d’animaux. Parcours une seconde fois les cieux et la terre, que rien ne t’échappe; de toutes parts tu entendras publier la gloire du Créateur; et ces beautés si diverses des créatures forment un concert harmonieux en l’honneur de celui qui les a faites. Qui pourra nous expliquer toute la création ? Qui en dira- les merveilles ? Qui pourrait chanter dignement les cieux, la terre, les mers, et tout ce qu’ils renferment ? Ce ne sont là toutefois que des créatures visibles. Qui chantera dignement les anges, les trônes, les dominations, les principautés, les puissances ? Qui pourra louer dignement ce qu’il y a de vital en nous, qui anime notre corps, qui fait mouvoir nos membres, qui agit sur nos sens, qui embrasse tant de choses par la mémoire, qui nous fait discerner par l’intelligence? Si le langage humain devient si pauvre quand il s’agit des créatures de Dieu, comment louer le Créateur, à moins qu’à défaut de paroles, nous n’ayons recours à des acclamations ? « J’ai cherché partout et j’ai offert au Seigneur, dans son tabernacle, une hostie d’acclamation ». 1. Coloss. III,3. — 2. I Cor. X, 4. — 3. Act. IX, 4. — 4. Matt. XXVIII, 20 — 5. Ps. XXVI, 6. (235)

13. On peut donner à ces paroles un autre sens qui me paraît plus en harmonie avec la suite du Psaume. L’interlocuteur dit qu’il a été élevé sur le rocher, qui est le Christ; que sa tête, qui est aussi le Christ, a été élevée au-dessus de ses ennemis: il veut donc nous faire comprendre que lui-même, élevé sur le rocher, a été encore, dans son chef adorable, élevé au-dessus de ses ennemis; faisant allusion à la gloire de l’Eglise à qui ses persécuteurs ont dû céder la victoire; et comme cette victoire est la conversion de l’univers entier à la foi de Jésus-Christ: « J’ai jeté les yeux partout », dit le Prophète, « et j’ai offert à Dieu, dans son tabernacle, une hostie de bénédiction »; c’est-à-dire, j’ai considéré la foi de tout l’univers, cette foi qui élève nia tête bien au-dessus de mes persécuteurs, et dans le temple du Seigneur, ou plutôt dans cette Eglise qui embrasse le monde, je l’ai béni, avec une joie ineffable.

14. « Je bénirai le Seigneur, je chanterai des hymnes en son honneur » Tranquilles alors, nous chanterons le Seigneur sans crainte, et sans crainte nous le bénirons, quand nous contemplerons sa beauté, quand il nous protégera comme son temple, et quand la mort, absorbée dans sa victoire, nous aura délivrés de la corruption. « Que dire à présent que nous avons exposé les joies que nous devons goûter, quand notre prière unique sera exaucée ? Que dire maintenant ? Seigneur, exaucez ma voix 2 ». Gémissons donc maintenant, prions maintenant : pour le malheureux, il n’y a qu’à gémir, pour l’indigent, qu’à prier. La prière passera, et fera place aux jubilations; les pleurs passeront et feront place à la joie. Maintenant donc, pendant que nous sommes dans les jours mauvais, ne cessons d’invoquer le Seigneur, de lui adresser l’unique prière; que cette prière ne soit jamais interrompue, jusqu'à ce qu’enfin, par sa grâce et sous sa direction, nous arrivions à le contempler. « Ecoutez, Seigneur, ma voix qui crie vers vous; ayez pitié de moi, exaucez-moi 3 ». Telle est sa demande unique, tant que puissent durer son invocation, ses gémissements et ses larmes, il ne fait qu’une seule demande. Il a mis fin tous ses désirs, il ne lui reste que celui d’être exaucé.

15. Voyez la prière qu’il a réellement faite : « Mon cœur vous a dit: J’ai cherché votre face 4 ». C’est le même sens qu’il exprimait tout à l’heure : « Je veux contempler la beauté du Seigneur, mon cœur vous a dit : J’ai cherché votre face ». Si nous mettions notre joie à contempler le soleil d’ici-bas, ce n’est pas notre cœur qui dirait : « J’ai recherché votre face ». Mais plutôt les yeux de notre corps. Mais à quel autre notre cœur peut-il dire : « J’ai recherché votre face », sinon à celui qui n’est visible qu’aux yeux du cœur ? La lumière sensible est pour les yeux du corps, mais la lumière divine pour ceux du cœur. Or, voulez-vous voir cette lumière qui est faite pour les yeux du cœur ? car c’est Dieu lui-même, comme l’a dit saint Jean. « Dieu est lumière, et il n’y a point de ténèbres en lui 1 »; voulez-vous donc voir cette lumière ? Purifiez l’œil qui la voit: « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu 2. » 1. I Cor. XV, 54. — 2. Ps. XXVI, 7. — 3. Id. 7. — 4. Id. 8. (236)

16. « Mon cœur vous a dit : J’ai cherché votre face; c’est votre face, ô mon Dieu, que je rechercherai ». Je n’ai fait au Seigneur qu’une seule demande, et je la ferai toujours, c’est de voir votre face: « Ne détournez donc point de moi votre visage » Voyez comme il s’arrête à cette unique demande: Voulez-vous aussi l’obtenir ? N’en faites aucune autre. Fixez-vous uniquement à celle-là, puisque seule elle vous suffira. « Mon cœur vous a dit: J’ai cherché votre face; et cette face, ô mon Dieu, je la rechercherai. Ne détournez point de moi votre visage: dans votre colère, ne vous détournez point de votre serviteur 3 ». On ne pouvait rien dire de plus magnifique et de plus divin. Ils comprennent, ceux qui l'aiment véritablement. Tout autre mettrait son bonheur à jouir sans fin de ces biens terrestres qu’il aime par-dessus tout : il n’offrirait à Dieu ses adorations et ses prières qu’afin d’en obtenir de vivre longtemps dans ces délices, de ne perdre aucun objet de ses affections terrestres, ni son or, ni son argent, aises domaines dont la vue peut lui procurer une jouissance, de ne voir mourir ni ses amis, ni ses enfants, ni son épouse, ni ses clients; il voudrait toujours vivre dans la possession de ses biens. Mais parce qu’il ne le peut toujours, et qu’il sait qu’il mourra, dans le culte qu’il rend à Dieu, dans ses prières, liasses gémissements, il se contentera peut-être de lui demander ces biens pendant toute sa vieillesse. Que Dieu lui dise: Je te fais immortel avec ces biens; il acceptera l’immortalité comme un grand bienfait, et il ne pourrait contenir les transports de sa joie. Tel n’est point le désir de celui qui n’a fait au Seigneur qu’une seule demande. Que peut-il donc souhaiter ? de contempler la beauté du Seigneur, tous les jours de sa vie. De même encore celui qui, dans le service de Dieu, ne se proposerait aucun autre but et ne craindrait, dans la colère de Dieu, que de perdre quelqu'un des biens temporels qu’il pourrait posséder. Ce n’est point là ce que craint celui qui parle ici, puisqu'il permet à ses ennemis « de manger sa chair 1 ». Que craint-il donc de la colère de Dieu ? Qu’elle ne le prive de l’objet de son amour. Qu’a-t-il aimé ? Votre face, ô mon Dieu. Il regarderait comme un effet de la colère divine que le Seigneur détournât de lui son visage : « Ne vous détournez point de votre serviteur dans votre colère 2 ». On pourrait peut-être lui répondre: Pourquoi redouter qu’il se détourne de toi dans sa colère ? S’il se détournait de toi dans sa colère, tu aurais moins à craindre ses vengeances; et si tu tombes entre ses mains dans sa colère, il la déchargera sur toi. Tu dois donc souhaiter qu’il se détourne de toi dans sa colère. Non, répond-il, car il sait ce qu’il souhaite. La colère de Dieu, pour lui, c’est de lui dérober sa face. Mais si Dieu te rendait immortel au milieu de ces délices et de ces joies voluptueuses ? Ce n’est point là ce que je désire, nous répond le chaste ami de Dieu; tout ce qui n’est point lui-même n’a aucune douceur pour moi. Loin de moi tout autre don que le Seigneur voudrait me faire qu’il se donne à moi lui-même. « Ne vous détournez point de votre serviteur, dans votre colère ». Quelquefois le Seigneur se détourne de nous, mais sans colère aussi, plusieurs lui disent-ils: « Détournez votre visage de mes péchés 3 ». Détourner sa face de tes péchés, ce n’est donc point se détourner de toi dans sa colère. Qu’il détourne donc sa face de vos péchés, mais non de vous. 1. Jean, I, 5.— 2. Matt. V, 8.— 3. Ps. XXVI, 9.

17. « Soyez mon aide, ne m’abandonnez pas 4 », car je suis dans la voie; je vous ai demandé uniquement d’habiter dans votre maison, tous les jours de ma vie, de contempler vos beautés, et d’être protégé comme votre temple. C’est là l’unique bien que je demande, et je suis dans la voie qui y conduit. Peut-être me direz-vous: Efforce-toi, marche, je t’ai donné le libre arbitre, tu as ta volonté; marche dans la voie, aime la paix, recherche-la; garde-toi de t’écarter du chemin 5, de t’arrêter en chemin, de regarder en arrière: marche avec persévérance, parce que « celui-là sera sauvé, qui aura persévéré jusqu'à la fin 1 ». Avec le libre arbitre, tu crois pouvoir marcher; ne présume rien de toi-même; que le secours t’abandonne, et il n’y aura pour loi que défaillance en chemin, que chute, égarement, immobilité. Dites-lui donc: Il est vrai, Seigneur, que vous m’avez donné une volonté libre, et que sans vous mes efforts ne sont rien. « Soyez mon aide, ne m’abandonnez pas; ne me rejetez pas, ô Dieu, qui êtes mon salut 2 » Vous m’aiderez, car je suis l’ouvrage de vos mains; vous n’abandonnez pas vos créatures. 1. Ps. XXVI, 2.—2. Id. 9.— 3. Ps. LXX, 11. — 4. Id. XXVI,9. — 5. Id. XXXII, 15. (237)

18. « Voilà donc que mon père et ma mère m’ont abandonné 3 ». Il se fait petit enfant devant Dieu et le choisit pour son père, le considère comme sa mère. Dieu est un père, parce qu’il crée, parce qu’il appelle à son service, parce qu’il ordonne, parce qu’il gouverne; il est une mère, parce qu’il réchauffe, qu’il nourrit, qu’il allaite, qu’il porte dans son sein, « Mon père donc et ma mère m’ont «abandonné; mais le Seigneur m’a pris » pour me diriger et me nourrir. Des parents qui doivent mourir ont engendré; des fils mortels ont succédé à des parents mortels; ils sont nés pour succéder, après le décès des parents: mais celui qui m’a créé, ne mourra point; et moi, je ne me séparerai jamais de lui. « Mon père et ma mère m’ont abandonné, mais le Seigneur m’a recueilli ». En dehors de ces deux parents, de cet homme et de cette femme qui ont été pour nous Adam et Ève, et nous ont donné une vie corporelle, nous avons, ou plutôt nous avons eu un autre père, et une autre mère. Le démon qui est le père de ce siècle, était notre père quand nous étions dans l’infidélité; car le Seigneur dit aux infidèles : « Vous avez le diable pour père 4 ». Si donc c’est là le père de tous les impies qui agit sur les enfants rebelles 5, qu’elle sera leur mère? Il est une certaine cité que l’on nomme Babylone; c’est la cité des enfants de perdition, depuis l’Orient jusqu’à l’Occident : à elle appartient l’empire de la terre. Elle est la capitale de ce que vous appelez la République, que vous voyez vieillir de jour en jour, et décroître. C’est elle qui fut d’abord notre mère, c’est en elle que nous avons pris naissance. Nous avons depuis connu un autre père, et nous avons quitté le diable. Comment oserait-il approcher de ceux qu’a recueillis un Dieu tout-puissant ? Nous connaissons une autre mère, la Jérusalem céleste ou la sainte Eglise dont une portion encore est en exil sur la terre; et nous avons quitté Babylone. « Mon père et ma mère m’ont abandonné » : ils n’ont plus aucun bien à me faire; et quand ils paraissaient m’en faire quelqu’un, c’était vous qui me le faisiez, ô mon Dieu, et je le leur attribuais. 1. Matt. XIX, 22. — 2. Ps. XXI, 5. — 3. Id. 10. — 4. Jean, VIII, 44. — 5. Eph. II, 2.

19. Qui peut, si ce n’est Dieu seul, faire en ce bas monde quelque bien à l’homme ? Qui peut lui rien enlever, sans l’ordre ou la permission de Dieu qui nous a tout donné? Mais les hommes, dans leur folie, croient tenir ces richesses des démons qu’ils adorent, et souvent ils se disent en eux-mêmes que Dieu leur est nécessaire pour la vie éternelle, pour la vie éternelle, vie toute spirituelle, mais que pour les biens de cette vie, il faut rendre un ermite à ces puissances diaboliques. Ô hommes insensés t vous donnez donc la préférence à ces biens qui vous font adorer les démons; car ou vous préférez le culte des démons, ou si vous ne l’aimez mieux, c’est du moins autant. Dieu, cependant, ne peut souffrir que l’on partage l’encens entre ses autels et ceux du démon, dût-on lui rendre les plus grands honneurs, et pour eux, les restreindre de beaucoup. Comment ? me diras-tu, ne sont-ils donc point nécessaires pour les biens d’ici-bas ? Nullement. Ne devons-nous pas craindre au moins qu’ils ne nous soient nuisibles ? Ils ne peuvent nous nuire que si Dieu le permet. Toujours ils sont prêts à nous nuire, et vos supplications ne fléchiront point leur désir implacable de faire le mal. Tel est le caractère distinctif de leur malice. Donc, le culte que vous leur rendrez ne peut aboutir qu’à offenser Dieu, qui dans sa juste vengeance vous livrera en leur pouvoir : impuissants à vous nuire, si Dieu vous eût été favorable, ils feront de vous vira jouet de leur malice, parce que vous l’aurez offensé. Pour vous montrer, ô vous qui avez ces pensées, que votre culte aux démons est inutile, même pour les biens temporels, n’y a-t-il donc jamais eu de naufrage pour aucun adorateur de Neptune ? et nul de ceux qui l’ont en horreur n’est-il arrivé au port ? Toutes les mères qui invoquent Junon obtiennent-elles un enfantement heureux, et toutes celles qui l’ont en horreur n’ont-elles qu’un enfantement malheureux ? (238) Comprenez donc par là, mes frères bien-aimés, combien est grande la folie des hommes qui veulent adorer les démons pour en obtenir les biens temporels. S’il faut les adorer pour en obtenir ces biens, leurs adorateurs seuls devraient posséder les grandes fortunes. Et quand même il en serait ainsi, il nous faudrait encore renoncer à de pareils dons, pour faire à Dieu l’unique prière. Mais il y a de plus que Dieu seul peut donner ces biens, et qu’adorer les démons, c’est l’offenser. Arrière donc notre père et notre mère; arrière Satan, arrière la cité de Babylone ! Vive le Seigneur qui nous recueille pour nous consoler par les biens du temps, et nous rendre heureux par ceux de l’éternité ! « Mon père et ma mère m’ont abandonné, mais le Seigneur m’a recueilli ».

20. Nous voilà donc recueillis par le Seigneur, après avoir fui Babylone et le démon qui la gouverne; car c’est le diable qui dirige les impies, qui est le prince du monde, le prince des ténèbres. De quelles ténèbres, direz-vous ? Des pécheurs, des impies. Aussi l’Apôtre dit-il à ceux qui ont embrassé la foi : « Vous étiez autrefois ténèbres, maintenant vous êtes lumière en Jésus-Christ 1». Maintenant que Dieu nous a recueillis, que devons-nous dire ? « Seigneur, établissez-moi la loi que je dois accomplir dans votre voie ». Tu oses bien demander une loi ? Et si le Seigneur te répondait : Cette loi, l’accompliras-tu ? l’observeras-tu si je te la donne ? Il n’oserait la demander, si d’abord il n’avait dit : Le Seigneur m’a recueilli. Il ne la demanderait point, s’il n’avait dit d’abord: Venez à mon aide. Si donc vous êtes mon soutien, si vous me recueillez, « donnez-moi, Seigneur, une loi que j’accomplisse dans votre voie ». Établissez-moi une loi dans votre Christ. Car c’est la voie elle-même qui nous a parlé, et nous a di t: « j'étais la voie, la vérité et la vie 2 ». La loi dans le Christ est une loi de miséricorde. Il est la sagesse dont il est écrit: « Elle a sur la langue «une loi de clémence 3 ». Si vous êtes coupable d’infraction à cette loi, faites-en l’aveu, et vous en obtiendrez le pardon de Celui qui répandu son sang pour vous. Seulement, ayez soin de ne point abandonner la voie, et dites-lui : « Soyez-mon protecteur, et dirigez moi dans le sentier de la justice, à cause de mes ennemis 4 ». Donnez-moi une loi, mais ne me privez pas de votre miséricorde. Dans un autre psaume, le Prophète a dit: « Celui qui vous a dicté la loi, vous donnera aussi la miséricorde 1 ». Ces paroles donc: « Fixez-moi, Seigneur, une loi que j’accomplisse dans votre voie », regardent le précepte. Qu’est-ce qui nous désigne sa miséricorde ? « Dirigez-moi », dit le Prophète, « dans la voie du bien, à cause de mes ennemis ». 1. Eph. V, 8.— 2. Jean. XIV, 6.— 3. Prov. XXXI, 26.— 4. Ps. XXVI, 11.

21. « Ne me livrez pas aux volontés de mes persécuteurs 2 »; c’est-à-dire, ne permettez pas que j’acquiesce à leurs désirs. Car si tu es uni d’âme et de volonté à celui qui te persécute, ce n’est pas ta chair qu’il dévore en quelque sorte, mais bien mon âme par la perversité qu’il t’inspire. « Ne m’abandonnez pas aux volontés de mes persécuteurs ». Abandonnez-moi entre leurs mains, si vous le voulez. Telle était la prière que faisaient les martyrs, et il les a livrés aux mains des persécuteurs. Mais que leur en livrait-il ? La chair seulement. C’est encore ce qui est écrit dans le livre de Job : « ne me privez pas de votre miséricorde. » Dans un autre psaume, le Prophète a dit : « Celui qui vous a dicté la loi, vous donnera aussi la miséricorde 1 ». Ces paroles donc: « Fixez-moi, Seigneur, une loi que j’accomplisse dans votre voie », regardent le précepte. Qu’est-ce qui nous désigne sa miséricorde ? « Dirigez-moi », dit le Prophète, « dans la voie du bien, à cause de mes ennemis ». c’est-à-dire, la chair est entre les mains des persécuteurs. « Gardez-vous de me livrer », non pas ma chair, mais moi. C’est moi l’âme qui vous parle, moi l’esprit qui vous parle. Je ne vous dis point: Gardez-vous de livrer ma chair aux mains de mes persécuteurs; mais. « Gardez-vous de me livrer aux volontés de o mes persécuteurs ». Comment les hommes sont-ils abandonnés aux volontés de ceux qui les persécutent ? « Voilà que des témoins menteurs se sont levés contre moi ». D’abord, par cela même qu’ils sont des témoins menteurs, qu’ils entassent les accusations contre moi, et me déchirent par une foule de calomnies, si vous m’abandonnez à leurs volontés, je mentirai à mon tour, je deviendrai leur complice, et sans avoir aucune part à votre vérité, je m’associerai à leurs mensonges contre vous. « Des témoins menteurs se sont élevés contre moi, et l’iniquité a menti contre elle-même 4 ». A elle-même, non pas à moi. Qu’elle soit victime de ses faussetés, et non pas moi. Si vous me livrez aux volontés de mes persécuteurs, c’est-à-dire, si je m’associe à leur dessein, l’iniquité n’aura point menti pour elle seule, mais encore pour moi; qu’ils déchaînent au contraire toute leur fureur, et s’efforcent d’entraver ma course, pourvu que vous ne m’abandonniez pas à leurs volontés, et que je n’embrasse pas leurs desseins pervers, alors je demeurerai ferme, je subsisterai dans la vérité, et les mensonges de l’iniquité tourneront contre elle et non contre moi. 1. Ps. LXXXIII, 8. — 2. Id. XXVI, 12. — 3. Job, IX, 24. — 4. Ps. XXVI, 12. (239)

22. Après tant de dangers, tant de fatigues, tant d’obstacles, accablé par les vexations de ses persécuteurs, haletant, harassé, niais toujours ferme et plein de confiance dans celui qui l’a recueilli, qui le soutient, qui le conduit, qui le gouverne, le Prophète en revient à sa demande-unique; il a parcouru des yeux toutes les créatures en tressaillant de joie, il a gémi sous le poids du labeur, il soupire enfin et s’écrie: « Je crois que je verrai les biens du Seigneur, dans la terre des vivants (Ps. XXVI, 13) ». Ô biens de mon Dieu, qui êtes si doux ! biens impérissables, biens incomparables, biens éternels, biens immuables! Quand vous verrai-je, ô biens de mon Dieu? Je crois que je vous verrai, mais non sur la terre où l’on meurt. « Je crois que je verrai les biens du Seigneur sur la terre des vivants ». Il me délivrera de cette terre où l’on meurt, ce Dieu qui a daigné, par amour pour moi, venir sur la terre des mortels, et mourir entre les mains des mortels. « Je crois que je verrai le Seigneur dans la terre des vivants ». Telle est sa parole quand il sou pire, sa parole quand il est accablé, sa parole au milieu de dangers sans nombre; et cependant il espère tout de la bonté de ce même Dieu, à qui il a dit : « Seigneur, établissez-moi une loi ».

23. Et que lui dit celui-là même qui adonné la loi ? Écoutons cette voix du Seigneur, voix d’encouragement et de consolation qui nous vient d’en haut. Écoutons la voix de celui qui nous tient lieu de ce père et de cette mère qui nous ont quittés. Écoutons-la, car lui-même a entendu nos gémissements, il a compris nos sanglots, il a considéré nos désirs et la seule prière que nous lui faisons cette unique demande, il l’a favorablement accueillie par la médiation de Jésus. Christ, notre avocat; et tant que durera notre pèlerinage en cette vie, qui éloigne de nous ses promesses, sans toutefois nous en priver, il nous répète: « Attends le Seigneur ». En lui tu n’attendras pas un Dieu menteur, un Dieu qui se trompe, un Dieu qui ne puisse trouver de quoi vous donner. C’est le Tout-Puissant qui vous a promis, celui qui est fidèle par excellence, celui qui est la vérité même. « Attends donc le Seigneur, et travaille en homme de cœur ». Ne te laisse pas abattre, afin de n’être point avec ceux dont il est dit: « Malheur à ceux qui ont perdu la constance 1 ». Attends le Seigneur, c’est là ce qu’il dit à tous les hommes, bien qu’il ne parle qu’à un seul. Nous ne sommes qu’un en effet, en Jésus-Christ, nous sommes le corps du Christ, nous qui n’avons qu’un seul désir, ne formons qu’un seul vœu, qui gémissons en ces jours de tristesse, qui croyons voir les biens du Seigneur dans la terre de la vie. C’est à nous tous qui sommes un, en un seul Jésus-Christ, qu’il est dit: « Attends le Seigneur, agis avec courage, affermis ton âme et attends le Seigneur ». Que peut-il dire encore, sinon répéter ce que vous avez entendu ? « Attends le Seigneur, agis en homme de cœur ». Celui donc qui a manqué de confiance, est un efféminé, un homme sans vigueur. Que les hommes écoutent cette parole, que-les femmes la comprennent aussi, car l’homme et la femme ne sont qu’un en Jésus-Christ, qui est un seul homme. Mais il n’est plus ni homme ni femme, celui qui vit en Jésus-Christ 2. « Attends le Seigneur, agis en homme de cœur; affermis ton âme et attends le Seigneur ». C’est par la confiance que tu posséderas le Seigneur, tu posséderas celui que tu auras attendu. Libre à toi de former d’autres désirs, si tu trouves un objet plus grand, plus digne, plus suave. 1. Eccli. II, 16. — 2. Galat. III, 28.



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Message par Invité Lun 3 Mai 2021 - 18:21

*Les 150 psaumes avec textes, vidéos et commentaires...*


Psaume 28 (27) - "Supplication et action de grâces"





Psaume 28 (27) - "Supplication et action de grâces" : Ps 28,1 : De David. Vers toi, Yahvé, j'appelle, mon rocher, ne sois pas sourd ! que je ne sois, devant ton silence, comme ceux qui descendent à la fosse !

Le psaume 28 (27 selon la numérotation grecque) est attribué à David. Dans la liturgie des Heures, le psaume 29 est chanté le vendredi de la première semaine (I) à l’office du milieu du jour.


Le Psaume 27 (28) en français : " Vers toi, Yahvé, j'appelle " (La Bible de Jérusalem, 1998)

Ps 27:1- De David. Vers toi, Yahvé, j'appelle, mon rocher, ne sois pas sourd ! que je ne sois, devant ton silence, comme ceux qui descendent à la fosse !
Ps 27:2- Ecoute la voix de ma prière quand je crie vers toi, quand j'élève les mains, Yahvé, vers ton Saint des Saints.
Ps 27:3- Ne me traîne pas avec les impies, avec les malfaisants, qui parlent de paix à leur prochain, et le mal est dans leur cœur.
Ps 27:4- Donne-leur, Yahvé, selon leurs œuvres et la malice de leurs actes, selon l'ouvrage de leurs mains donne-leur, paie-les de leur salaire.
Ps 27:5- Ils méconnaissent les œuvres de Yahvé, l'ouvrage de tes mains qu'il les abatte et ne les rebâtisse !
Ps 27:6- Béni soit Yahvé, car il écoute la voix de ma prière !
Ps 27:7- Yahvé ma force et mon bouclier, en lui mon cœur a foi; j'ai reçu aide, ma chair a refleuri, de tout cœur je rends grâce.
Ps 27:8- Yahvé, force pour son peuple, forteresse de salut pour son messie.
Ps 27:9- Sauve ton peuple, bénis ton héritage, conduis-les, porte-les à jamais !

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.





Ad Te, Domine, Clamabo: Ps.27 · Hartkeriana
Psalterium Currens (Invitatorium, Psalms 1-56)
℗ 2018 Psalterium Foundation
.


Le Psaume 27 (28) en latin : : " Ad Te, Domine, Clamabo "

Ps 27, 1 : Huic David ad te Domine clamabo Deus meus ne sileas a me nequando taceas a me et adsimilabor descendentibus in lacum
Ps 27, 2 : exaudi vocem deprecationis meae dum oro ad te dum extollo manus meas ad templum sanctum tuum
Ps 27, 3 : ne simul tradas me cum peccatoribus et cum operantibus iniquitatem ne perdideris me; qui loquuntur pacem cum proximo suo mala autem sunt in cordibus eorum
Ps 27, 4 : da illis secundum opera ipsorum et secundum nequitiam adinventionum ipsorum secundum opera manuum eorum tribue illis redde retributionem eorum ipsis
Ps 27, 5 : quoniam non intellexerunt opera Domini et in opera manuum eius destrues illos et non aedificabis eos
Ps 27, 6 : benedictus Dominus quoniam exaudivit vocem deprecationis meae
Ps 27, 7 : Dominus adiutor meus et protector meus in ipso speravit cor meum et adiutus sum et refloruit caro mea et ex voluntate mea confitebor ei
Ps 27, 8 : Dominus fortitudo plebis suae et protector salvationum christi sui est
Ps 27, 9 : salvam fac plebem tuam et benedic hereditati tuae et rege eos et extolle eos usque in aeternum

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.




Saint Augustin (354-430)

*Les 150 psaumes avec textes, vidéos et commentaires...* - Page 2 Augustin


DISCOURS SUR LE PSAUME XXVII.
LE CHRIST A SA RÉSURRECTION.

Tout le psaume est consacré à célébrer la gloire de la résurrection et l'aveuglement des Juifs. Ils ont voulu donner la mort du Christ, et il est ressuscité pour soutenir ses élus. Quant aux Juifs incrédules, ils ont perdu la vie éternelle. De là un double démenti donné à leur perversité.

PSAUME DE DAVID.


1. L’interlocuteur du psaume, c’est le médiateur dont le bras a été fort dans le combat de sa passion. Les malheurs qu’il paraît appeler sur ses ennemis, ne sont pas tant des imprécations que la prophétie de leur châtiment: de même que dans l’Évangile, s’il parle des villes qui ont vu ses miracles sans croire en lui 1, il prédit les malheurs qui les menacent, beaucoup plus qu’il ne les frappe d’anathème.

2. Seigneur, mes cris s’élèvent jusqu'à nous, ne retirez pas de moi votre parole, ô « mon Dieu ». Je crie vers vous, Seigneur mon Dieu, ne séparez point en moi votre Verbe de l’humanité dont je suis revêtu. « Si jamais vous retirez de moi votre parole, je userai semblable à ceux qui s’en vont au sépulcre 2». L’union de votre Verbe éternel avec moi fait que je ne ressemble point aux autres hommes, qui naissent dans les profondes misères du siècle, où l’on ne connaît pas plus votre Verbe que si vous gardiez le silence. « Exaucez, ô mon Dieu, la voix de mes supplications, lorsque je crie vers vous.et que j’élève mes mains vers votre saint temple 3 »: quand je suis cloué à la croix, pour le salut de ceux qui deviendront votre saint temple en croyant en vous.

3. « Ne confondez pas mon âme avec les pécheurs, ne me perdez pas avec ceux qui commettent l’iniquité, avec ceux qui ont pour le prochain des paroles de paix 4 » : avec ceux qui me disent « Maître, nous savons que vous venez de Dieu 5 mais le mal est dans leur cœur »: mais leur cœur n’est ouvert qu’aux pensées perverses. 1. Matt. XI, 20. — 2. Ps. XXVIII, 1 — 2. Ibid. 2. — 3. Ibid. 3. — 4. Jean, III, 2.

4. « Traitez-les selon leurs œuvres ». Il est juste que vous leur rendiez selon leurs actions: « Châtiez-les selon la perversité de leurs desseins ». Car en s’étudiant au mal, ils ne peuvent trouver le bien. « Traitez-les selon les oeuvres de leurs mains 1 ». Bien que leurs œuvres servent au salut des autres, rendez-leur néanmoins ce que mérite l’oeuvre qu’ils méditaient. « Rendez-leur ce qu’ils méritent ». Puisque, au lieu de la vérité qu’ils entendaient, ils n’ont voulu redire que la fausseté, qu’ils soient dupes de leurs propres mensonges.

5. « Aussi n’ont-ils rien compris dans les œuvres du Seigneur 2 » Comment savons-nous qu’ils se sont trompés eux mêmes ? C’est qu’ « ils n’ont rien compris aux œuvres du Seigneur ». Tel est leur premier châtiment. Leur esprit pervers s’est attaqué à l’homme en Jésus-Christ, et ils n’ont point connu qu’il était Dieu, ni dans quel dessein du Père il s’était revêtu de notre chair. « Ni dans les œuvres de ses mains ». Les œuvres si visibles, qui s’opéraient sous leurs yeux, ne les ont point ébranlés. « Vous les détruirez, Seigneur, et ne les rétablirez jamais ». Qu’ils ne puissent me nuire, et qu’ils échouent dans leurs machinations artificieuses contre mon Eglise.

6. « Béni soit le Seigneur, qui a écouté la voix de ma prière 3 ».

7. « Le Seigneur est ma force et mon soutien 4 ». C’est le Seigneur qui me fortifie en rie telles souffrances, et qui me soutient en m’accordant la résurrection et l’immortalité. « En lui mon cœur a espéré, et il a obtenu le secours; et ma chair a refleuri ». Elle a ressuscité. « Je le bénirai de toute mon âme ». Et ceux qui croiront en moi béniront le Seigneur, non plus par la crainte comme sous la loi, mais avec une volonté libre en se conformant à la loi et comme je suis en eux, c’est moi qui bénirai le Seigneur. 1. Ps. XXVII, 4. — 2. Ibid. 5. — 3. Ibid. 6. — 4. Ibid. 7. (241)

8. « Le Seigneur est la force de son peuple 1 ». Non point de ce peuple qui ignore la justice de Dieu et qui s’efforce d’établir la sienne 2 mais de ce peuple qui ne croit point à sa propre force: car c’est le Seigneur qui soutient son peuple dans sa résistance au démon parmi les difficultés de cette vie. « Il est le protecteur de ceux que son Christ a sauvés ». En sorte qu’après avoir sauvé son peuple par son Christ et soutenu son courage dans les combats, il l’établira dans une paix sans fin.1. Ps. XXVII, 8. — 2. Rom. X, 3.

9. « Seigneur, sauvez votre peuple et bénissez votre héritage 1 ». Ma chair a refleuri, et je vous adresse ma prière; car vous m’avez dit : « Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage 2 ». « Sauvez votre peuple, bénissez votre héritage, puisque tout ce qui est à moi vous appartient 3 ». « Dirigez-les, élevez-les en gloire pour l’éternité ». Dirigez-les en cette vie, et d’ici-bas, élevez-les à la vie éternelle. 1. Ps. XXVII, 9. — 2. Id. II, 8. — 3. Dan, XVII, 10.




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Message par Invité Mar 4 Mai 2021 - 19:34

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Psaume 29 (28) - "Hymne au Seigneur de l'orage"





Psaume 29 (28) - "Hymne au Seigneur de l'orage" : Ps 29, 1- 2 : Psaume. De David. Rapportez à Yahvé, fils de Dieu, rapportez à Yahvé gloire et puissance, rapportez à Yahvé la gloire de son nom, adorez Yahvé dans son éclat de sainteté.

Le psaume 29 (28 selon la numérotation grecque), attribué à David, exprime la majesté de Dieu : à Lui appartiennent la gloire et la force !

Dans la liturgie des Heures, le psaume 28 (29) est chanté aux laudes du lundi de la première semaine (I) et chaque année (A,B,C) pour la messe du dimanche du baptême du Seigneur.



Le Psaume 28 (29) en français : " Rapportez à Yahvé, gloire et puissance " (La Bible de Jérusalem, 1998)

Ps 28:1- Psaume. De David. Rapportez à Yahvé, fils de Dieu, rapportez à Yahvé gloire et puissance,
Ps 28:2- rapportez à Yahvé la gloire de son nom, adorez Yahvé dans son éclat de sainteté.
Ps 28:3- Voix de Yahvé sur les eaux le Dieu de gloire tonne; Yahvé sur les eaux innombrables,
Ps 28:4- voix de Yahvé dans la force, voix de Yahvé dans l'éclat;
Ps 28:5- voix de Yahvé, elle fracasse les cèdres, Yahvé fracasse les cèdres du Liban,
Ps 28:6- il fait bondir comme un veau le Liban, et le Siryôn comme un bouvillon.
Ps 28:7- Voix de Yahvé, elle taille des éclairs de feu;
Ps 28:8- voix de Yahvé, elle secoue le désert, Yahvé secoue le désert de Cadès.
Ps 28:9- Voix de Yahvé, elle secoue les térébinthes, elle dépouille les futaies. Dans son palais tout crie : Gloire !
Ps 28:10- Yahvé a siégé pour le déluge, il a siégé, Yahvé, en roi éternel.
Ps 28:11- Yahvé donne la puissance à son peuple, Yahvé bénit son peuple dans la paix.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.





Afferte Domino,Filii Dei: Ps.28 · Hartkeriana
Psalterium Currens (Invitatorium, Psalms 1-56)
℗ 2018 Psalterium Foundation
.


Le Psaume 28 (29) en latin : : " Afferte Domino, Filii Dei "

Ps 28, 01 : Psalmus David in consummatione tabernaculi adferte Domino filii Dei adferte Domino filios arietum
Ps 28, 02 : adferte Domino gloriam et honorem adferte Domino gloriam nomini eius adorate Dominum in atrio sancto eius
Ps 28, 03 : vox Domini super aquas Deus maiestatis intonuit Dominus super aquas multas
Ps 28, 04 : vox Domini in virtute vox Domini in magnificentia
Ps 28, 05 : vox Domini confringentis cedros et confringet Dominus cedros Libani
Ps 28, 06 : et comminuet eas tamquam vitulum Libani et dilectus quemadmodum filius unicornium
Ps 28, 07 : vox Domini intercidentis flammam ignis
Ps 28, 08 : vox Domini concutientis desertum et commovebit Dominus desertum Cades
Ps 28, 09 : vox Domini praeparantis cervos et revelabit condensa et in templo eius omnis dicet gloriam
Ps 28, 10 : Dominus diluvium inhabitare facit et sedebit Dominus rex in aeternum
Ps 28, 11 : Dominus virtutem populo suo dabit Dominus benedicet populo suo in pace.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.




Saint Augustin (354-430)

*Les 150 psaumes avec textes, vidéos et commentaires...* - Page 2 Augustin


DISCOURS SUR LE PSAUME XXVIII.
LÉGLISE DE DIEU ET LA PRÉDICATION DE LÉVANGILE.

Ce Psaume nous expose les merveilles que doit opérer, dans les peuples de la gentilité, cette voix de Dieu qui se fait entendre et qui arrive à tous les coeurs par lEvangile. Cest le Christ qui prend aussi possession de tous les hommes.    

PSAUME POUR DAVID, A LACHÈVEMENT DU TABERNACLE (1).


1. Psaume en l’honneur du Médiateur, à la main forte, pour l’achèvement de son Eglise en ce monde terrestre, où elle doit chaque jour livrer bataille au démon.

2. C’est le Prophète qui parle: « Présentez, ô Fils de Dieu, présentez au Seigneur les fils des béliers ». Présentez-vous au Seigneur, vous que les Apôtres, ces chefs du bercail, ont enfantés par l’Évangile. « Offrez au Seigneur l’honneur et la gloire 3 ». Que vos œuvres soient pour Dieu une gloire et une louange. « Rendez gloire au nom du Seigneur ». Chantez sa gloire dans le monde entier. « Adorez le Seigneur devant la gloire de son sanctuaire 3 ». Adorez le Seigneur dans vos cœurs dilatés et sanctifiés. Car vous êtes vous-mêmes sa royale et sainte habitation.

3. « Voix du Seigneur sur les eaux ». Voix du Christ sur les peuples. « Le Seigneur a tonné dans sa majesté ». Du milieu de la nuée de sa chair, le Seigneur nous a prêché la pénitence d’une voix effrayante et majestueuse. « L'Éternel est sur les grandes eaux 1 », Le Seigneur Jésus a fait entendre sa voix sur les peuples, qu’il a glacés d’effroi; il les a convertis à sa loi et a voulu habiter en eux. 1. Ps. XXVIII, 1. — 2. Ibid. — 3. Id. 2.

4. « Voix du Seigneur, pleine de force Déjà la voix du Seigneur est en eux et leur donne la puissance ». « Voix du Seigneur pleine de gloire 2 ». La voix de Dieu opère en eux de grandes choses.

5. « Voix du Seigneur qui brise les cèdres ». La voix du Seigneur brise le cœur des superbes et les humilie. « Le Seigneur brise les cèdres du Liban 4 ». Le Seigneur va briser par la pénitence ceux qui se prévalent d’uni noblesse tout à fait terrestre, il va les confondre en choisissant des hommes que le monde méprise 4, pour faire éclater en eux la puissance divine.

6. « Il les brisera, comme le jeune taureau du Liban 5 ». Il abaissera leur orgueilleuse hauteur, les réduira à s’humilier comme celui qui, semblable au jeune taureau, a été conduit à la boucherie par les grands de ce monde. Car « les rois et les grands de la terre se sont levés, et ont conspiré contre le Seigneur et contre son Christ. Et le bien-aimé a été comme le fils des licornes ». Car lui, le bien-aimé, le Fils unique du Père, s’est dépouillé de sa noblesse; il s’est fait homme semblable au fils des Juifs qui n’ont point connu la justice de Dieu 1 et qui s’applaudissaient avec orgueil de leur propre justice, comme de l’unique justice. 1. Ps. XXVIII, 3 — 2. Id. 4. — 3. Id. 5. — 4. I Cor, I, 28. — 5. Ps. XXVIII, 6. (242)

7. « Voix du Seigneur, qui divise les traits de flammes 2 ». Voix du Seigneur qui s’ouvre un passage au travers de ceux qui le persécutent avec la haine la plus implacable, et n’en reçoit aucune blessure, ou qui jette la division parmi ses persécuteurs les plus acharnés; il fait dire aux uns : « Ne serait-il pas le Christ »; et aux autres : « Non, mais il séduit le peuple 3 ». Il jette ainsi la division dans leur foule insensée, amène les uns à l’aimer, et abandonne les autres à leur propre malice.

8. « Voix du Seigneur, qui ébranle les déserts 4 ».Voix du Seigneur qui ébranle, pour les amener à la foi, ces nations qui n’avaient jadis ni espoir, ni Dieu en cette vie 5, et où n’habitait aucun homme, c’est-à-dire aucun prophète, aucun prédicateur de la parole de Dieu. Et il ébranlera le désert de Cadès. Alors il mettra en évidence la sainte parole de ses Écritures, abandonnée aux Juifs qui ne la comprenaient point. 1. Rom. X, 3.— 2. Ps. XXVIII, 7.— 3. Jean, VII, 12.— 4. Ps. XXVIII, 8. — 5. Eph. II, 12.

9. « Voix du Seigneur qui perfectionne les cerfs 1 ». La voix du Seigneur amène tout d’abord à la perfection ceux qui savent surmonter et repousser les langues envenimées. « Il mettra au jour les forêts ». Il leur découvrira les obscurités des livres saints, les ombres de ses mystères, afin qu’ils y paissent en liberté. « Et chacun le glorifiera dans son temple ». Et dans son Eglise, quiconque est régénéré dans l’éternelle espérance, bénit le Seigneur selon le don qu’il a reçu de l’Esprit-Saint.

10. « Le Seigneur habite le déluge 2 ». Tout d’abord le Seigneur habite les grandes eaux de ce monde, en la personne des saints, qu’il conserve dans son Eglise comme dans une arche 3. « Le Seigneur s’assiéra pour régner éternellement ». Ensuite, il s’assiéra pour régner éternellement dans ses élus.

11. « Le Seigneur donne la force à son peuple 4 ». Parce que le Seigneur doit fortifier son peuple dans sa lutte contre les tempêtes et les ouragans du monde car il ne lui a point promis la paix ici-bas. « Le Seigneur bénira son peuple dans la paix ». Le même Dieu qui bénira son peuple lui donnera la paix en lui-même; car il a dit: « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix 5 ». 1. Ps. XXVIII, 9.— 2. Id. 10.— 3. Gen.VII. — 4. Ps. XXVIII, 11.— 5. Jean, XIV, 27.




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Message par Invité Mer 5 Mai 2021 - 12:27

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Psaume 30 (29) - "Action de grâces après un danger mortel"





Psaume 30 (29) - "Action de grâces après un danger mortel" : Ps 30, 1- 2 : Psaume. Cantique pour la dédicace de la Maison. De David. Je t'exalte, Yahvé, qui m'as relevé, tu n'as pas fait rire de moi mes ennemis.


Le psaume 30 (29 selon la numérotation grecque) est attribué à David. C’est un psaume d’action de grâce à l’occasion de la dédicace du temple de Jérusalem.

Dans la liturgie des Heures, le psaume 29 (30) est chanté aux vêpres du jeudi de la première semaine (I).



Le Psaume 28 (29) en français : " Je t'exalte, Yahvé, qui m'as relevé " (La Bible de Jérusalem, 1998)

Ps 29:1- Psaume. Cantique pour la dédicace de la Maison. De David.
Ps 29:2- Je t'exalte, Yahvé, qui m'as relevé, tu n'as pas fait rire de moi mes ennemis.
Ps 29:3- Yahvé mon Dieu, vers toi j'ai crié, tu m'as guéri.
Ps 29:4- Yahvé, tu as tiré mon âme du shéol, me ranimant d'entre ceux qui descendent à la fosse.
Ps 29:5- Jouez pour Yahvé, ceux qui l'aiment, louez sa mémoire de sainteté.
Ps 29:6- Sa colère est d'un instant, sa faveur pour la vie; au soir la visite des larmes, au matin les cris de joie.
Ps 29:7- Moi, j'ai dit dans mon bonheur "Rien à jamais ne m'ébranlera !"
Ps 29:8- Yahvé, ta faveur m'a fixé sur de fortes montagnes; tu caches ta face, je suis bouleversé.
Ps 29:9- Vers toi, Yahvé, j'appelle, à mon Dieu je demande pitié
Ps 29:10- Que gagnes-tu à mon sang, à ma descente en la tombe ? Te loue-t-elle, la poussière, annonce-t-elle ta vérité ?
Ps 29:11- Ecoute, Yahvé, pitié pour moi ! Yahvé, sois mon secours !
Ps 29:12- Pour moi tu as changé le deuil en une danse, tu dénouas mon sac et me ceignis d'allégresse;
Ps 29:13- aussi mon cœur te chantera sans plus se taire, Yahvé mon Dieu, je te louerai à jamais.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.





Exaltabo Te, Domine: Ps.29 · Hartkeriana
Psalterium Currens (Invitatorium, Psalms 1-56)
℗ 2018 Psalterium Foundation
.


Le Psaume 28 (29) en latin : : " Exaltabo Te, Domine "

Ps 29, 01 : Psalmus cantici in dedicatione domus David
Ps 29, 02 : Exaltabo te Domine quoniam suscepisti me nec delectasti inimicos meos super me
Ps 29, 03 : Domine Deus meus clamavi ad te et sanasti me
Ps 29, 04 : Domine eduxisti ab inferno animam meam salvasti me a descendentibus in lacum
Ps 29, 05 : psallite Domino sancti eius et confitemini memoriae sanctitatis eius
Ps 29, 06 : quoniam ira in indignatione eius et vita in voluntate eius ad vesperum demorabitur fletus et ad matutinum laetitia
Ps 29, 07 : ego autem dixi in abundantia mea non movebor in aeternum
Ps 29, 08 : Domine in voluntate tua praestitisti decori meo virtutem avertisti faciem tuam et factus sum conturbatus
Ps 29, 09 : ad te Domine clamabo et ad Deum meum deprecabor
Ps 29, 10 : quae utilitas in sanguine meo dum descendo in corruptionem numquid confitebitur tibi pulvis aut adnuntiabit veritatem tuam
Ps 29, 11 : audivit Dominus et misertus est mei Dominus factus est adiutor meus
Ps 29, 12 : convertisti planctum meum in gaudium mihi conscidisti saccum meum et circumdedisti me laetitia
Ps 29, 13 : ut cantet tibi gloria mea et non conpungar Domine Deus meus in aeternum confitebor tibi.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.




Saint Augustin (354-430)

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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XXIX.
LÉGLISE, OU LE TEMPLE CONSACRÉ A DIEU.
 
Chaque membre de l'Eglise ou de Jésus-Christ peut tenir le langage de ce psaume. Et-ce que peut dire Jésus-Christ à propos de sa résurrection, et quand il se prépare à se consacrer un temple dans les fidèles, tout fidèle sorti du péché peut se l'appliquer, et se considérer comme un temple consacré à Dieu.

POUR LA FIN, PSAUME CHANTÉ A LA DÉDICACE DUN LIEU SACRÉ, POUR DAVID (1).


1. Pour la fin. Chant joyeux de la résurrection, qui a renouvelé non seulement le corps de Jésus-Christ, mais de toute 1’Eglise, et l’a changé en un corps immortel. Dans le psaume précédent, la tente que nous devons habiter pendant la durée de la guerre s’achevait; maintenant il s’agit de faire la dédicace de ce palais, que nous devons habiter dans une paix éternelle. 1. Ps. XXIX, 1.

2. C’est le Christ qui parle ici dans son intégrité : « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez relevé 1 ». Je chanterai votre grandeur, parce que vous m’avez protégé. « Et que vous n’avez point réjoui mes ennemis de ma ruine ». Vous n’avez point permis que ceux qui, tant de fois dans l’univers entier, ont cherché à m’écraser sous le poids des persécutions, se réjouissent à mon sujet.

3. « Seigneur, mon Dieu, j’ai crié vers vous et vous m’avez guéri 2 ». Je vous ai invoqué, Seigneur mon Dieu, et je ne suis plus chargé d’un corps sujet à la mort ou à la maladie.

4. « Seigneur, vous avez retiré mon âme du tombeau, vous m’avez séparé de ceux qui descendent dans l’abîme 3 ». Vous m’avez sauvé d’un profond aveuglement et des bas-fonds d’une chair corruptible.

5. « Saints du Seigneur, célébrez ses louanges ». Le Prophète voit dans l’avenir ce qu’il annonce, et il s’écrie dans ses transports : « Saints du Seigneur, célébrez ses louanges, et rendez témoignage à la mémoire le sa sainteté 4 ». Et confessez qu’il n’a point oublié cette sainteté dont il vous a gratifiés: quoique le temps qui sépare la sanctification de la récompense paraisse long à vos désirs.

6. « Son indignation amène la vengeance ». Il a vengé sur vous le premier péché que vous expiez par la mort. « Mais sa volonté donne la vie 5 ». Cette vie éternelle, à laquelle vous ne pouviez revenir de vos propres forces, il vous la donne, par un acte de sa bonne volonté. « Le soir s’écoulera dans les pleurs ». Ce soir a commencé quand la lumière de la sagesse s’est éteinte en l’homme pécheur, et qu’il a été condamné à la mort : à dater de ce soir fatal, des pleurs doivent couler, tant que le peuple de Dieu attendra, dans les travaux et les épreuves, le jour du Seigneur. « Au matin, nous serons dans la joie». Il attendra jusqu'au matin, où il tressaillera dans la joie de la résurrection future, que nous annonce comme une fleur matinale la résurrection du Christ.

7. « En mes jours d’abondance, j’ai dit: Je ne serai jamais ébranlé 1 ». Pour moi, peuple, moi qui parlais dès l’abord, dans mes jours d’abondance, et quand je ne ressentais pas la disette, j’ai dit: « Je ne serai point ébranlé ». 1. Ps. XXIX, 2.— 2. Id. 3.— 3. Id. 4.— 4. Id. 5.— 5. Id. 6.

8. « Seigneur, dans votre bonté, vous m’avez affermi dans ma félicité 2 ». Mais, Seigneur, j’ai compris que cette richesse me venait de votre bonté et non de moi, quand « vous avez détourné de moi votre face, et que je suis tombé dans le trouble », car mes fautes vous ont fait détourner votre visage, et je suis tombé dans le trouble, quand votre lumière s’est éteinte pour mes yeux.

9. « Je crierai vers vous, Seigneur, je vous supplierai, ô mon Dieu 3 ». Quand je me souviens de mes jours de trouble et de misère et que je m’y crois encore engagé, j’entends alors la voix de votre premier-né, de celui qui est mon chef et qui doit mourir pour moi, et qui s’écrie : « J’en appelle à vous, Seigneur; c’est vous que je supplierai, ô mon Dieu ! »

10. « Qu’est-il besoin de verser mon sang, si je dois m’en aller en pourriture 4 ? « Est-ce que cette poussière pourra vous glorifier ? » Si je ne ressuscite pas aussitôt, si mon corps est en proie à la pourriture, « est-ce que vous tirerez votre gloire de cette poussière », ou de cette troupe d’impies que ma résurrection doit justifier ? « Ou bien, pourra-t-elle annoncer votre vérité 5 » C’est-à-dire, pourront-ils annoncer aux autres la vérité du salut ?

11. « Le Seigneur m’a écouté et m’a pris en pitié, il a été mon protecteur 6 ». « Il n’a point permis que son saint devînt la proie de la corruption 7 ».

12. « Vous avez changé mon deuil en joie 8 ». Moi, votre église, qui ai reçu ce premier-né d’entre les morts, je chante à la dédicace de votre palais : « Vous avez changé mon deuil en joie; vous avez déchiré mon cilice pour me revêtir de joie 9 ». Vous avez écarté le voile de mes péchés et la tristesse de ma mortalité, pour me revêtir de ma robe première et d’une joie impérissable.

13. « Afin que ma gloire vous chante, et que nul aiguillon ne me meurtrisse 10 ». Afin qu’il n’y ait plus aucun deuil pour moi; mais que ma gloire chante vos louanges, et non plus mon humilité, puisque vous m’avez tiré de l’abaissement, et que la conscience de mon péché, la crainte de la mort et du jugement ne perce plus mon cœur. « Seigneur, mon Dieu, je vous bénirai éternellement ». C’est là ma gloire, ô mon Dieu, de proclamer hautement à votre louange qu’il n’y a rien en moi de moi-même, et que tout bien vient de vous, ô Dieu, qui êtes tout en tous (I Cor. XV, 28).
1. Ps. XXIX, 7 — 2. Id. 8.— 3. Id. 9.— 4. Id. 10.— 5. Ibid. — 6. Id. 11. — 7. Id. XV, 10. — 8. Id. XXIX, 12.— 9. Ibid. — 10. Id. 13. (244)





A SUIVRE : DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXIX.
LA GLOIRE DU CHRÉTIEN APRÈS CETTE VIE.  
Dans ce discours, saint Augustin nous montre que Jésus-Christ, notre chef, ayant reçu sa consécration dans le ciel, nous devons l'y recevoir aussi et l'y suivre. Et nous y arriverons, en bénissant Dieu, ou en le glorifiant dans nos douleurs, pour le bénir ensuite dans sa gloire.



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Message par Invité Mer 5 Mai 2021 - 14:25

SUITE DU POSTE PRÉCÉDENT




Saint Augustin (354-430)

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DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXIX.
LA GLOIRE DU CHRÉTIEN APRÈS CETTE VIE.
 
Dans ce discours, saint Augustin nous montre que Jésus-Christ, notre chef, ayant reçu sa consécration dans le ciel, nous devons ly recevoir aussi et ly suivre. Et nous y arriverons, en bénissant Dieu, ou en le glorifiant dans nos douleurs, pour le bénir ensuite dans sa gloire.


1. Assurément nous avons chanté: « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez relevé, et que vous n’avez point donné à mes «ennemis la joie de ma ruine 1 ». Si les saintes Écritures nous ont fait connaître nos ennemis, nous comprenons la vérité de ce cantique nais si la prudence de la chair nous a jetés dans l’illusion au point que nous ne connaissions plus ce qu’il nous faut combattre 2, nous trouvons, dès l’abord du psaume, une difficulté insoluble pour nous. De qui pensons-nous sont ce chant d’actions de grâces, cette voix qui bénit Dieu dans son allégresse et qui s’écrie : « Je vous exalterai, Seigneur, parce que nous m’avez relevé, et que vous n’avez point donné à mes ennemis la joie de ma ruine ? » Considérons d’abord que c’est Notre Seigneur qui, dans cette humanité dont il a daigné se revêtir, a pu fort bien s’approprier ces paroles du Prophète. Devenir homme, c’est contracter nos infirmités, et, devenu infirme, il devait prier. Nous venons de voir, en lisant cet Évangile, qu’il se sépara de ses disciples pour entrer au désert, où ils allèrent le chercher et le trouvèrent. Etant à l’écart, il priait, et ses disciples lui dirent en le retrouvant : « Les hommes vous cherchent. Allons prêcher, répondit-il, en d’autres lieux, en d’autres bourgades; car c’est pour cela que je suis venu 3 ». A n’envisager Notre Seigneur Jésus-Christ que dans sa divinité, qui est celui qui prie ? à qui adresse-t-il sa prière? quel en est le sujet ? Un Dieu peut-il prier ? s’adresser à son égal ? Quel motif de prier peut avoir celui qui est toujours heureux, toujours tout-puissant, toujours immuable et éternel, coéternel au Père ? Si nous écoutons cette voix de tonnerre, qu’il a fait retentir, comme à travers la nuée, par saint Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu, toutes choses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui, en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière a lui dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point comprise 1 »; nous ne trouvons jusque-là ni prière, ni sujet de prière, ni occasion de prière, ni désir de prier; mais quand il est dit plus bas : « Et le Verbe s’est fait chair, et il a demeuré parmi nous 2 » : vous avez un Dieu que vous devez prier, et un homme qui priera pour vous. Car l’Apôtre tenait ce langage après la résurrection de Jésus-Christ Notre Seigneur, qui est assis à la droite de Dieu, dit-il, et qui intercède pour nous. Pourquoi intercéder pour nous ? Parce qu’il a daigné se rendre notre médiateur. Qu’est-ce qu’être médiateur entre Dieu et les hommes ? Je ne dis point entre son Père et les hommes, mais bien entre Dieu et les hommes. Qu’est-ce que Dieu ? C’est le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Que sont les hommes ? Dès pécheurs, des impies, de chétifs mortels. Donc, entre la Trinité et les hommes infirmes et coupables, un homme s’est fait médiateur, homme innocent, il est vrai, et néanmoins infirme : afin que dans son innocence il pût vous approcher de Dieu, et dans son infirmité s’approcher de vous. C’est ainsi que le Verbe fait chair, ou le Verbe fait homme est devenu médiateur entre Dieu et les hommes. Sous le nom de chair on entend les hommes. De là cette parole : « Toute chair verra le salut de Dieu 1 ». Toute chair, c’est-à-dire tous les hommes. L’Apôtre dit aussi « Nous n’avons pas à combattre contre la chair et le sang », c’est-à-dire contre les hommes, « mais contre les principautés, les puissances, les princes de ce monde et de ces ténèbres 2 », dont nous parlerons plus tard, avec le secours de Dieu. Car cette distinction nous est nécessaire pour l’intelligence de ce psaume, que nous avons entrepris de vous expliquer au nom du Seigneur. Toutefois j’ai cité aujourd'hui ces quelques exemples, afin que vous sachiez que la chair désigne tous les hommes, et que dire : « Le Verbe s’est fait chair », ce soit pour vous : Le Verbe s’est fait homme. 1.Ps, XXIX, 1.— 2. Eph. VI, 12. — 3. Marc, I, 35, 38. 1. Jean, I, l-5 — 2. Id. 14. — 3. Rom. VIII, 34. — 4. I Tim. II, 5. (245)

2. Ce n’est pas sans raison que j’ai fait ces remarques. Vous devez savoir, mes frères, qu’il y eut autrefois certains hérétiques nommés Apollinaristes, et peut-être y en a-t-il encore aujourd'hui quelques-uns. Plusieurs d’entre eux ont erré en parlant de cette humanité dont s’est revêtue la sagesse de Dieu, pour habiter en elle personnellement, non plus comme dans les autres hommes, mais selon cette parole du Prophète : « Votre Dieu, ô Dieu, vous a marqué d’une huile de joie, qui vous élève au-dessus de tous ceux qui doivent la partager avec vous 3 », c’est-à-dire d’une onction plus grande que celle des autres hommes: de peur que l’on ne vînt à -croire que l’onction du Christ ressemble à celle des hommes, des autres justes, des patriarches, des Prophètes, des Apôtres, des martyrs, et de tout ce qu’a produit de grand la race humaine. Nul autre homme ne fut plus grand que Jean-Baptiste, et des fils de la femme aucun ne l’a surpassé 4. Si vous cherchez quelle fut sa grandeur, il suffit de dire que c’est Jean-Baptiste. Mais celui à qui Jean ne se trouvait pas digne de dénouer les souliers 1, qu’était-il donc, sinon plus que tous les autres hommes. Même en son humanité, il avait plus de grandeur que tout autre homme. Comme Dieu, dans sa divinité, comme Verbe qui était au commencement, Verbe qui était en Dieu, Verbe qui était Dieu, il est égal au Père, et bien au-dessus de toute créature. Mais nous parlons ici de l’humanité. Quelqu'un de vous, mes frères, croira peut-être que cet homme dont la sagesse divine a daigné se revêtir, était égal au reste des hommes. Dans le corps humain, il y a une grande différence entre la tête et les autres membres, bien que les membres ne forment à la vérité qu’un seul et même corps, néanmoins la tête est bien supérieure au reste des membres. Dans tous les autres, vous n’avez de sentiment que par le tact; c’est en touchant qu’ils sentent, mais c’est par la tête que vous entendez, que vous voyez, que vous flairez, que vous goûtez, que vous touchez. Si telle est la supériorité de la tête sur les autres membres, quelle ne sera pas l’excellence de celui qui est le chef de l’Eglise, ou de cet Homme que Dieu a voulu établir médiateur entre Dieu et les hommes ?

Donc, ces hérétiques ont dit que l’homme, dont le Verbe s’est revêtu, quand le Verbe s’est fait chair, n’avait point l’esprit humain, et seulement une âme privée de l’intelligence humaine. Vous voyez de quoi l’homme est composé; de l’âme et du corps. Mais il y a dans l’âme de l’homme quelque chose de plus que dans l’âme des bêtes. Car les bêtes aussi ont une âme, de là leur nom d’animaux; et on ne les appellerait point animaux, si elles n’avaient une âme; nous voyons aussi qu’elles ont la vie. Qu’a donc de plus l’homme qui le marque à l’image de Dieu ? C’est qu’il comprend, c’est qu’il raisonne, c’est qu’il discerne le bien du mal; c’est en cela qu’il est fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il y a donc en lui quelque chose, que n’ont pas les animaux. Et quand il méprise sa supériorité sur les bêtes, il détruit en lui, il efface, et en quelque sorte il dégrade l’image de Dieu; en sorte que c’est à ces hommes qu’il est dit : « Gardez-vous de ressembler au cheval et au mulet qui sont sans intelligence 2 ». Ces hérétiques ont donc soutenu que Notre Seigneur Jésus-Christ n’avait point l’esprit humain, ni ce que les Grecs appellent logikon, ce que nous appelons la raison, cette partie de l’âme qui raisonne et que n’ont point les animaux. Quelle est donc leur doctrine ? Ils enseignent que le Verbe de Dieu était, dans son humanité, ce que l’esprit est en nous. L'Eglise les a rejetés, la foi catholique les a eus en horreur, et ils ont formé une secte hérétique. La foi catholique a déclaré que cet homme, dont la sagesse divine a daigné se revêtir, n’avait rien de moins que les autres hommes, pour ce qui est de l’intégrité de nature; mais que l’excellence de la personne le rendait supérieur aux autres hommes. Car on peut dire des autres qu’ils participent au Verbe de Dieu, puisque le Verbe de Dieu est en eux; mais aucun d’eux ne peut être appelé Verbe de Dieu, comme l’a été celui-ci dans l'Évangile : « Le Verbe s’est fait chair 1 ». 1. Marc, I, 7. — 2. Ps. XXXI, 9. (246) 1. Luc, III, 6.— 2. Eph. VI, 12.— 3. Ps. XLIV, 8.— 4. Matt. XI, 11.

3. D'autres hérétiques, issus de ces derniers, ont refusé à cet Homme-Dieu, à ce Jésus-Christ, médiateur entre Dieu et les hommes, non seulement la raison, mais l’âme humaine. Ils ont soutenu qu’il était Verbe et chair, mais qu’il n’y avait en lui ni raison humaine, ni hie humaine. Voilà ce qu’il,s enseignaient. Qu’était donc Jésus-Christ, selon eux ? Le Verbe et la chair. L’Eglise les a rejetés aussi et séparés de ses brebis, de la vraie et simple croyance, et a déclaré, comme je viens de le dire, que l’homme médiateur eut tout ce qui est de l’homme, à l’exception du péché. Si en effet, nous voyons en lui beaucoup d’actions corporelles, qui nous démontrent qu’il avait un corps véritable, et non un corps fictif; comment voulons-nous entendre qu’il avait un corps ? Ainsi, il marche, il s’assied, il dort, il est saisi, flagellé, souffleté, cloué à la croix, il meurt. Ôtez le corps, et rien de tout cela n’aura lieu. Comme donc à toutes ces marques de l’Évangile nous reconnaissons que le Christ avait un corps véritable, ainsi que lui-même l’atteste après sa résurrection, quand il dit : « Touchez et voyez, un esprit n’a point une chair et des os, comme vous m’en voyez 2 »; comme à ces indices et à ces actes, nous croyons, nous comprenons, nous reconnaissons que Notre Seigneur Jésus-Christ avait un corps, ainsi d’autres particularités de la nature nous font croire qu’il avait une âme. Avoir faim et soif, sont des œuvres de l’âme ôtez l’âme, et le corps inanimé ne sentira plus ces besoins. S’ils soutiennent que ces besoins étaient fictifs, nous ne verrons non plus que de la fiction dans ce qui est dit du corps; mais si la vérité des actions corporelles nous fait conclure à la vérité du corps, la vérité des actions de l’âme nous fera conclure que l’âme aussi était véritable. 1. Jean, I, 14. — 2. Luc, XXIV, 39.

4. Quoi donc ? ô homme qui m’écoutes, le Seigneur s’est fait infirme comme toi, sans doute, mais ne va point te comparer à lui. Tu n’es qu’une créature, et lui est créateur. Que le Verbe Fils de Dieu, que ton Dieu se soit fait homme, ce n’est point une raison de comparer cet homme avec toi-même, mais bien de l’élever au-dessus de toi, puisqu'il est ton médiateur, et au-dessus de toute créature, puisqu'il est Dieu : et de comprendre enfin que celui qui se fait homme pour toi, peut bien s’abaisser à prier pour toi; et si la prière n’est point une dérogation à sa dignité, il peut aussi, sans dérogation, dire pour toi ces paroles : « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez élevé, et que vous n’avez point donné à mes ennemis la joie de ma ruine ». Mais si nous n’entendons bien de quels ennemis il s’agit, nous fausserons ces paroles, en les mettant dans la bouche de Jésus-Christ. Comment le Christ dira-t-il avec vérité : « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez élevé, et que vous n’avez pas donné à mes ennemis la joie de ma ruine ? » Comment cela serait-il vrai, de son humanité, de sa faiblesse, de sa chair ? car il fut un sujet de triomphe pour ses ennemis, lorsqu’ils le crucifièrent, qu’ils le saisirent, qu’ils le flagellèrent, qu’ils le souffletèrent, en lui disant : « Prophétise-nous, ô Christ 1 ». Cette joie qu’ils eurent nous force en quelque sorte de croire à la fausseté de ces paroles : « Et vous n’avez pas donné à mes ennemis la joie de ma ruine ». Ensuite, quand il était à la croix, ils passaient ou s’arrêtaient, ils le fixaient en branlant la tête et en disant : « Voyez ce Fils de Dieu, il a sauvé les autres et ne peut se sauver lui-même; qu’il descende de la croix et nous croirons en lui 2 » Ne tressaillent-ils pas en lui jetant ces injures ? Que devient donc cette parole: « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez élevé, et que vous n’avez pas donné à mes ennemis la joie de ma ruine ? »

5. Peut-être cette parole n’est-elle point de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais de l’homme, mais de l’Eglise entière, du peuple chrétien parce qu’en Jésus-Christ tous les hommes ne font qu’un seul homme, et que tous les chrétiens unis ne forment qu’un seul homme. Peut-être est-ce l’homme lui-même, l’unité chrétienne qui dit : « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez relevé, et que vous n’avez pas permis que mes ennemis aient la joie de ma ruine ». Mais comment cela peut-il être vrai à leur sujet ? Les Apôtres n’ont-ils pas été saisis, frappés, battus de verges, mis à mort, cloués à la croix, brûlés vifs, condamnés aux bêtes, ces hommes dont nous célébrons aujourd'hui la mémoire ? Quand les hommes les traitaient de la sorte, ne tressaillaient-ils pas de leur ruine? Comment donc le peuple chrétien même peut-il dire: « Je vous exalterai, ô Dieu, parce que vous n’avez pas donné à mes ennemis la joie de ma ruine ? » 1. Matt. XXVI, 68. — 2. Ibid. XXVII, 42. (247)

6. Nous le comprendrons si nous nous arrêtons au titre du psaume. Ce titre est en effet : « Pour la fin, psaume pour David, chanté « à la dédicace de son palais 1 ». C’est dans ce titre que nous espérons trouver le secret d’élucider cette question. Un jour sera dédié cet édifice que l’on construit aujourd'hui. Cet édifice qui est l’Eglise se construit maintenant, plus tard on en fera la dédicace; or, à cette dédicace éclatera la splendeur du peuple chrétien, splendeur cachée aujourd'hui. Laissons donc nos ennemis sévir contre nous, et nous humilier, faire non plus ce qu’ils veulent, mais ce que Dieu leur permet. Il ne faut pas attribuer à nos ennemis tout le mal qu’ils nous font endurer; il nous vient quelquefois du Seigneur notre Dieu. Car le Médiateur nous a montré par son exemple que quand il permet que les hommes nous nuisent, il ne leur en donne point la volonté, mais seulement le pouvoir. Tout méchant trouve eu lui-même la volonté de nuire; mais la puissance de nuire n’est point abandonnée à sa discrétion. Cette volonté le rend coupable; mais la puissance du mal lui vient des dispositions mystérieuses de la Providence divine, qui lui permet d’agir, afin de châtier l’un, de mettre l’autre à l’épreuve, de couronner un troisième. De châtier les uns, comme il permit autrefois aux étrangers, en grec allophuloi, d’asservir le peuple d’Israël, qui avait péché contre son Dieu 2. De mettre les autres à l’épreuve, comme il permit au diable de tenter Job 3. A Job le triomphe, au démon la honte. De couronner les autres, comme il livra les martyrs aux persécuteurs. Les martyrs furent égorgés, et leurs bourreaux se crurent vainqueurs : ceux-ci obtinrent aux yeux du monde un faux triomphe, ceux-là une couronne invisible, mais réelle. houe le pouvoir des méchants entre dans les vues de la Providence divine; mais la volonté de nuire appartient à l’homme, qui ne donne pas toujours la mort comme il le voudrait. 1. Ps. XXIX, 1. — 2. Juges, X, 7; XIII, 1. — 3. Job, I, 12

7. Voilà donc le Seigneur lui-même, juge des vivants et des morts, qui se présente à la barre d’un tribunal, devant un homme; ce n’est pas un vaincu, mais il veut apprendre à tout soldat la manière de combattre; et quand le juge lui dit, avec une menace pleine d’orgueil : « Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de t’absoudre ou de t’envoyer à la mort ? » il réprime cette insolence, par une réponse qui doit lui ôter toute enflure : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi », lui dit-il, « s’il ne t’était donné d’en haut 1 ». Et Job, dont le diable venait de tuer les enfants et de dissiper tous les biens, que répond-il ? « Dieu a donné, Dieu a ôté; ainsi qu’il a plu au Seigneur, il a été fait, que le nom du Seigneur soit béni 2 ». Que l’ennemi ne s’applaudisse point de son oeuvre : pour moi, dit-il, je sais qui lui en adonné le pouvoir; au démon la volonté de nuire, mais à Dieu le pouvoir d’éprouver les hommes. Quand son corps est couvert de plaies, voici venir sa femme, qui lui est laissée, comme une autre Ève, pour venir en aide au démon, non pour consoler son époux; elle essaie de l’ébranler, et lui dit, parmi ses outrages : « Parlez contre Dieu et mourez 3 ». Et ce nouvel Adam fut plus ferme sur son fumier, que le premier dans le paradis. Le premier Adam prêta l’oreille à sa femme 4, dans ce paradis, dont il se fit chasser. Le second Adam, sur son fumier, repoussa la femme, et mérita d’entrer dans le paradis. Et ce nouvel Adam, assis sur son fumier, qui enfantait l’immortalité au dedans, quand au dehors il était la pâture des vers, que dit-il à sa femme ? «Tu as parlé comme une femme insensée » : « si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n’en pas accepter les maux ? 5 » Il dit encore que c’est la main de Dieu qui est sur lui, quand c’est le diable qui l’a frappé; parce que son attention ne s’arrêtait pas à celui qui frappait, mais à celui qui permettait. Le diable, à son tour, appelle main de Dieu ce pouvoir qu’il sollicitait. Car voulant trouver des crimes dans cet homme juste à qui Dieu rendait témoignage, Satan dit à Dieu : « Est-ce en vain que Job rend un culte au Seigneur ? Ne l’avez vous pas entouré comme d’un rempart, lui, sa maison, et tous ses biens ? Vous avez béni le travail de ses mains, et ses possessions se sont accrues sur la terre; vous l’avez comblé de si grands biens, que c’est pour cela qu’il vous sert. Mais étendez votre main sur lui, frappez tout ce qui lui appartient, et vous verrez s’il vous bénira 1 ». Que signifie: « Étendez votre main », quand lui-même voulait frapper ? Comme il ne pouvait lui-même frapper, il appelle main de Dieu, ce pouvoir de frapper qu’il reçoit du Seigneur. 1. Jean, XIX, 10, 11.— 2. Job, I, 21.— 3. Id. II, 9. — 4. Gen, III, 4. — 5. Job, II, 10. (248)

8. Que dirons-nous donc, mes frères, à la vue de ces grands maux, que nos ennemis ont fait endurer aux chrétiens, de leur délire, de leur joie féroce ? Quand sera-t-il donc visible, que leur joie était fausse ? Quand les uns seront couverts de honte, et les autres dans l’allégresse, à l’avènement du Seigneur notre Dieu, qui viendra, portant dans ses mains les récompenses de chacun; aux impies, la damnation; aux justes, le royaume; aux pécheurs, la société avec le diable; aux bons, la société avec Jésus-Christ. Quand le Seigneur se montrera de la sorte, et que les justes se lèveront avec une grande force; je vous cite les saintes Écritures, souvenez-vous de ces paroles du livre de la Sagesse : « Les justes donc se lèveront avec une grande force coutre ceux qui les auront tourmentés; et ceux-ci diront en eux-mêmes, se repentant et gémissant dans l’angoisse de leur esprit: «Que nous a servi l’orgueil, que nous a rapporté le vain étalage de nos richesses? Toutes ces choses ont passé comme l’ombre 2 ». Et que diront-ils, à propos des justes ? « Comment leur place est-elle parmi les enfants de Dieu, et leur partage avec les saints ? » Alors se fera la dédicace de cet édifice que l’on construit aujourd'hui dans la tribulation; et c’est alors que ce peuple de Dieu chantera dans sa joie : « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez soutenu, et que vous n’avez pas donné à mes ennemis la joie de ma ruine ». Cette parole sera donc vraie dans le peuple de Dieu, qui est aujourd'hui dans l’oppression, qui gémit aujourd'hui sous le poids de tant d’épreuves, de tant de scandales, de tant de persécutions, de tant d’angoisses. Quiconque n’avance point dans la vertu, ne connaît point dans l’Eglise ces douleurs de l’âme, et s’imagine que tout est en paix : mais qu’il avance, et il se trouvera dans l’oppression. Ce ne fut que quand l’herbe eut poussé et produit son fruit, que l’ivraie parut aussi 1. « Et quiconque multiplie la science multiplie aussi la douleur 2 ». Qu’il avance, et il verra où il en est : qu’il y ait du fruit, et l’ivraie se montrera. Le mot de saint Paul est bien vrai, et depuis le commencement jusqu'à la fin du monde, on ne l’effacera point : « Tous ceux » dit-il, « qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, souffriront persécution; quant aux méchants et aux imposteurs, ils se fortifieront de plus en plus dans le mal, marchant dans l’erreur et y jetant les autres 3 ». N’est-ce point là, le sens de ces paroles du psaume: « Attends le Seigneur, agis avec force, affermis ton âme, et attends le Seigneur 4 ? » C’était peu d’avoir dit une fois : « Attends le Seigneur », il le répète, de peur qu’on ne vînt à se lasser après avoir attendu deux, trois, ou quatre jours sans que la persécution prît fin. Il ajoute alors : « Agis avec force »; puis : « Affermis ton cœur ». Et comme il doit en être ainsi depuis le commencement jusqu’à la fin du monde, il répète à la fin le mot du commencement : « Attends le Seigneur ». Les maux qui t’affligent passeront, celui que tu attends viendra; il essuiera tes sueurs, il séchera tes larmes, et tu n’auras plus à pleurer. Ici-bas, gémissons dans la tribulation, selon cette parole de Job: « La vie de l’homme, sur la terre, n’est-elle pas une épreuve 5 ». 1. Job, I, 9-11. — 2. Sag. V, 1, 8, 9.

9. Toutefois, mes frères, en attendant ce jour où se fera la dédicace de l’édifice, considérons que déjà la dédicace en est faite dans celui qui est notre chef; la dédicace de l’édifice est donc effectuée, déjà, et dans le faîte, et dans la pierre fondamentale. Mais le faîte, me direz-vous, est en haut; la pierre fondamentale, est en bas; et peut-être y a-t-il erreur à moi, de dire que le Christ est cette base; il en est plutôt le faîte, puisqu'il est monté aux cieux, pour s’asseoir à la droite de son Père. Néanmoins, je ne crois pas m’être trompé; car l’Apôtre a dit : « Nul ne peut poser une base autre que celle qui a été posée, et cette base est Jésus-Christ : si l’on élève sur cette base un édifice en or, en argent ou en pierres précieuses 1». Ceux qui mènent une vie sainte, qui honorent et qui bénissent Dieu, qui sont patients dans les tribulations, qui soupirent après la patrie, ceux-là bâtissent en or, en argent, en pierres précieuses; ceux qui aiment encore le monde, qui sont encore impliqués dans les affaires d’ici-bas, enchaînés par des affections charnelles à leurs domaines, à leurs épouses, à leurs enfants, et qui néanmoins demeurent chrétiens, de sorte que leur cœur ne se sépare point du Christ, et ne, met rien avant le Christ, de même qu’en construisant on ne met rien avant la base; ceux-là bâtissent, à la vérité, mais en bois, en foin, en paille. Or, que dit saint Paul après cela ? « Le feu éprouvera l’ouvrage de chacun ». Le feu de l’épreuve et de la tribulation; cette flamme qui a éprouvé ici-bas plusieurs martyrs, et qui éprouvera la race humaine au dernier jour. Il s’est trouvé des martyrs qui avaient de ces liens du monde. Combien de riches et de sénateurs ont enduré la mort ! Cependant quelques-uns d’entre eux bâtissaient en bois, en foin, en paille, à cause des soins et des affections de la chair et du monde; mais comme ils avaient le Christ pour base, et qu’ils construisaient sur cette pierre fondamentale, le foin a brûlé, et eux ont subsisté sur le fondement. C’est ce que nous dit l’Apôtre : « Si l’ouvrage de quelqu'un subsiste, il en recevra la récompense 2 », et sans aucune perte; car il trouvera ce qu’il a aimé. Qu’a donc fait à ces hommes le feu de la tribulation? Il les a éprouvés : « Si l’ouvrage de quelqu'un subsiste, il en recevra la récompense; mais celui dont l’oeuvre sera consumée par le feu, en subira un dommage; il sera néanmoins sauvé, mais comme par le feu 3 ». Or, n’être pas atteint du feu, est bien différent d’être sauvé en passant par le feu. D'où vient ce salut ? De la base de l’édifice. Que cette base ne s’éloigne donc jamais de notre cœur. Ne pose jamais cette base sur le foin, c’est-à-dire ne préfère point le foin ou la paille à cette pierre fondamentale, en sorte que la première place dans ton cœur soit donnée à la paille, la seconde au Christ; et s’il vous est encore impossible d’en bannir cette paille totalement, que la première place soit pour le Christ, et la seconde seulement pour la paille. 1. I Cor. III, 11. — 2. Id. 13. — 3. Id. 14, 15. 1. Matt. XIII, 26. — 2. Eccl. I, 18. — 3.II Tim. III, 12, 13. — 4. Ps. XXVI, 14. — 5. Job, VII, 1. (249)

10. Le Christ est donc pour nous la pierre fondamentale. Et comme je le disais, la dédicace de notre faîte a eu lieu, et ce faîte est aussi notre pierre fondamentale; mais ordinairement cette pierre est en bas, dans un édifice, tandis que le faîte est en haut. Comprenez bien mon langage, mes frères, peut-être Dieu m’aidera-t-il à parler clairement. Il y a deux sortes de poids, on appelle poids cette rapidité avec laquelle tout objet tend à regagner sa place: tel est le poids. Vous prenez à la main une pierre, aussitôt vous en sentez le poids qui pèse sur cette main, parce qu’elle cherche son centre. Voulez-vous voir ce qu’elle cherche? Retirez votre main, elle tombe à terre et y repose : elle est parvenue à la place qu’elle cherchait, elle a trouvé son centre. Ce poids est comme un mouvement spontané, sans âme ni sentiment. li y a d’autres objets qui ont une tendance à s’élever. Jetez de l’eau sur de l’huile, son poids l’entraîne aussitôt en bas. Elle cherche sa place, elle veut être à son rang, et il est contraire à la nature de l’eau d’être sur l’huile. Donc jusqu'à ce qu’elle soit à sa place naturelle, et qu’elle trouve son centre, elle éprouve un mouvement continuel. Mais au contraire, jetez de l’huile sur de l’eau : qu’un vase d’huile, par exemple, tombe dans l’eau, dans la mer, ou dans un lac, et s’y brise, l’huile ne peut se tenir en dessous: et de même que l’eau jetée sur l’huile tend à descendre au fond du vase, l’huile, au contraire, jetée sur l’eau, tend par son poids à s’élever à la surface. Si donc, mes frères, il en est ainsi, quelle est la tendance réciproque du feu et de l’eau ? Le feu s’élève et cherche sa place en haut l’eau cherche aussi sa place que lui assignera son poids. Une pierre descend en bas, il en est de même des bois, des colonnes, de la terre, qui servent à construire des habitations. Tout cela est du nombre des objets que leur poids fait descendre. Il est donc visible par là qu’ils ont en bas le fondement qui les soutient, puis. qu’ils y sont entraînés par leur poids naturel; et que sans cette base de sustentation, tout croulerait, puisque tout a sa tendance vers la terre. C’est donc en bas qu’il faut poser un (250) fondement aux corps qui ont une tendance à descendre. Mais l’Eglise de Dieu, construite sur la terre, fend à s’élever au ciel. C’est donc là qu’est sa pierre fondamentale, qui est Jésus-Christ Notre Seigneur, assis à la droite de son Père. Si donc, mes frères, vous avez compris que la dédicace de notre pierre fondamentale est déjà faite, écoutons et parcourons brièvement tout le psaume.

11. « Je vous exalterai, Seigneur, parce que vous m’avez élevé, et que vous n’avez pas donné à mes ennemis la joie de ma ruine 1 ». A quels ennemis ? Aux Juifs. Par la dédicace de la pierre fondamentale, nous devons entendre la dédicace de notre palais à venir. Ce qui se dit aujourd'hui de la pierre fondamentale, se doit dire alors du palais tout entier. Quels sont donc ces ennemis dont il est question ? Sont-ce les Juifs ou bien le diable et ses anges, qui ont dû s’enfuir couverts de honte, à la résurrection du Christ ? Le prince de la mort eut la douleur de voir la mort vaincue. « Et vous n’avez pas souffert que mes ennemis se réjouissent à mon sujet »; car les enfers n’ont pu me retenir.

12. « Seigneur, mon, Dieu, j’ai crié vers «vous et vous m’avez guéri 2 ». Le Seigneur avant sa passion pria son Père 3 sur la montagne, et son Père le guérit. Comment guérir celui qui n’a point langui ? Est-ce le Verbe Dieu, ce Verbe qui est la divinité, qui a été guéri ? Non, mais il portait une chair mortelle, il portait ta blessure, celui qui devait t’en guérir. Cette chair a donc été guérie. Quand ? A la résurrection du Christ. Ecoute l’Apôtre, et constate une véritable guérison « La mort », dit-il, « a été ensevelie dans son triomphe. Ô mort ! où est donc ton aiguillon? Ô mort ! où est ta prétention 4 ? » Ce sera donc à nous de chanter un jour ce triomphe que Jésus-Christ chante aujourd'hui.

13. « Seigneur, vous avez retiré mon âme du tombeau ». Il n’est pas besoin d’expliquer ce passage. « Vous m’avez séparé de ceux «qui descendent dans l’abîme 5 ». Qui donc descend dans l’abîme ? Tous les pécheurs qui se plongent dans le gouffre. Car cet abîme, c’est la profondeur du siècle; et qu’est-ce que la profondeur du siècle ? C’est l’océan de la luxure et de l’iniquité. Celui-là dès lors descend dans l’abîme, qui se plonge dans la luxure et dans les terrestres convoitises. Tels furent les persécuteurs du Christ. Mais que dit-il ici ? «  Vous m’avez sauvé de ceux qui descendent dans l’abîme ». 1. Ps. XXIX, 2. — 2. Id. 3. — 3. Matt. XXVI, 39. — 4. I Cor. XV, 54 — 5. Ps, XXIX, 4.

14. « Saints du Seigneur, célébrez ses louanges 1 ». Puisque votre chef est ressuscité, vous qui êtes ses membres, espérez pour vous ce que vous voyez en lui : espérez pour les membres ce que vous croyez pour la tête. C’est un proverbe ancien et réel, que là où est la tête, là sont aussi les membres. Jésus-Christ, notre chef, est au ciel; c’est là que nous le suivrons. Il n’est point demeuré dans l’abîme, il est ressuscité pour ne plus mourir; pour nous, non plus, il n’y aura plus de mort quand nous aurons passé par la résurrection. Dans la joie de ces promesses, « chantez donc au Seigneur, vous qui êtes ses saints, et rendez témoignage au souvenir de sa sainteté 2 ». Qu’est-ce : « Rendez témoignage au souvenir ? » Vous l’avez oublié, mais lui s’est souvenu de vous.

15. « Sa colère amène le châtiment, et la vie est dans sa volonté ». Le châtiment est dans son indignation contre le pécheur: « Au jour où vous en mangerez, vous mourrez 3 ». Nos parents y portèrent une main rebelle, et furent chassés du paradis, parce que sa colère amène le châtiment; mais ce châtiment n’est point sans espérance, car « la vie est dans sa volonté ». Qu’est-ce à dire « dans sa volonté ? » Non pas dans nos propres forces, non plus que dans nos propres mérites; mais il nous a sauvés, parce qu’il l’a voulu; et non parce que nous en étions dignes. De quoi le pécheur peut-il être digne, sinon du châtiment? Il nous a donné la vie, et s’il la conserve au pécheur, que ne réserve-t-il pas au juste ?

16. « Le soir s’écoulera dans les pleurs 4 ». Ne vous effrayez point si le Prophète nous parle de gémir après nous avoir dit : « Chantez dans la joie »; le chant est l’expression de la joie, la prière celle du gémissement. Gémissez donc sur votre état présent, chantez votre avenir; gémissez de la réalité actuelle, chantez votre espérance. « Le soir s’écoulera dans les pleurs ». Quel est « ce soir qui voit les pleurs ? » Le soir, c’est le moment où le soleil se couche. Or, le soir s’est couché pour l’homme, c’est-à-dire cette lumière de la justice qui est la présence de Dieu en nous. Que nous dit donc la Genèse de l’expulsion d’Adam ? Dieu se promenait dans le paradis; et il s’y promenait vers le soir. Déjà le pécheur s’était caché dans l’ombre des arbres, il voulait éviter la face de Dieu 1,qui faisait auparavant ses délices. Déjà s’était couché pour lui le soleil de la justice, et la présence de Dieu lui était à charge. Alors commença pour lui cette vie mortelle. « Le soir s’écoulera dans les pleurs ». Tu seras longtemps dans les pleurs, ô pauvre humanité; tu as Adam pour père, et tu lui es devenue semblable : et nous aussi nous venons d’Adam; et tous les fils qui sont nés jusqu'alors, et qui doivent naître à l’avenir, sont fils d’Adam comme leurs pères. « Le soir s’écoulera dans les larmes, et au matin éclatera la joie ». Quand se lèvera pour les fidèles cette lumière qui a délaissé les pécheurs. Car le Seigneur Jésus est sorti du tombeau le matin 2, afin de faire espérer, à tout l’édifice, cette dédicace déjà faite dans la pierre fondamentale. Pour Notre Seigneur, le soir fut le moment de sa-sépulture; et le matin eut lieu sa résurrection, au troisième jour. Toi aussi tu as été enseveli au soir dans le paradis, et tu es ressuscité le troisième jour. Comment le troisième jour ? A suivre le cours des temps, il y a un jour avant la loi, un second jour sera le temps de la loi, le troisième, le temps de la grâce. Ce que votre chef a montré en lui-même pendant ces trois jours, se manifestera aussi en vous dans les trois jours de cette vie. En quel temps ? C’est au matin qu’il faut être dans l’espérance et dans l’allégresse; maintenant, c’est le temps de la douleur et des gémissements. 1. Ps. XXIX, 5. — 2.Id. 6.— 3. Gen. II, 17.— 4. Ps.XXIX, 5. (251)

17. « En mes jours d’abondance, j’ai dit : Je ne serai jamais ébranlé 3 ». Dans quelle abondance l’homme a-t-il pu dire : « Je ne serai jamais ébranlé ? » Nous entendons ici, mes frères, l’homme vraiment humble. Qui donc est ici-bas dans l’abondance ? Personne. Quelle serait l’abondance de l’homme ? Les misères et la douleur. Pour les riches, direz-vous, il est une abondance. Plus ils possèdent, plus ils sont pauvres. Les convoitises les dévorent, les passions les agitent, les craintes les déchirent, les chagrins les dessèchent : où est donc leur abondance ? L’homme avait l’abondance dans le paradis terrestre, quand rien ne lui manquait, et qu’il jouissait de Dieu; mais il a dit : « Je ne serai point ébranlé éternellement ». Comment a-t-il pu dire : « Je ne serai jamais ébranlé ? » Quand il écouta cette parole : « Goûtez et vous serez comme des dieux »; lorsqu’à cette parole du Seigneur : « Au jour où vous en mangerez, vous mourrez », le diable opposait celle-ci : « Vous ne mourrez point 1 ». L’homme alors trop crédule écoutait les suggestions du diable et disait : « Je ne serai point ébranlé à jamais ». 1. Gen. III, 8 — 2. Matt. XXVIII, 1. — 3. Ps. XXIX, 7.

18. Mais le Seigneur avait dit vrai en menaçant d’enlever au superbe ce qu’il avait donné à l’homme humble, en le créant; et le Prophète ajoute : « Seigneur, dans votre bonté, vous aviez réuni en moi la beauté et la force 2 »: c’est-à-dire, je n’avais de moi-même ni force ni beauté; toute ma beauté, toute ma force me viennent de vous: cette bonté qui vous déterminait à me créer, vous avait fait unir en moi la beauté à la force, Et pour me montrer que je devais à votre volonté d’être ainsi, « vous avez détourné de moi votre face, et je suis tombé dans le trouble 3 » Dieu détourna sa face de ce pécheur qu’il expulsait du paradis. Alors, dans son exil, qu’il s’écrie et qu’il dise: «Je crierai vers vous, Seigneur, je vous supplierai, ô mon Dieu 4 ». Dans le paradis, tu n’auras pas à crier, mais à chanter le Seigneur; point a gémir, mais à jouer : tu en es chassé, il faut gémir, il faut crier. Celui qui abandonne l’orgueilleux, revient à l’homme qui, sent sa misère. « Car Dieu résiste aux superbes et donne la grâce aux humbles 5 ». Je crierai donc vers vous, ô mon Dieu; Seigneur, « je vous supplierai ».

19. Ce qui suit maintenant est propre à Notre Seigneur, qui est notre pierre fondamentale : « Qu’est-il besoin de verser mon sang, si je dois m’en aller en pourriture 6 ? » Quel est l’objet de sa prière ? La résurrection. Si je descends dans la corruption, dit-il, et que ma chair s’en aille en pourriture comme celle des autres hommes, pour ressusciter au dernier jour, à quoi bon répandre mon sang ? Si ma résurrection ne s’effectue maintenant, je ne la prêcherai à personne, je ne gagnerai aucun disciple; mais pour que j’annonce à quelqu'un vos merveilles, vos louanges, la vie éternelle, il faut que je ressuscite en ma chair et qu’elle ne s’en aille pas en corruption. Si elle doit s’en aller comme celle des autres hommes, qu’est-il besoin de verser mon sang ? « La poussière vous confessera-t-elle, ou prêchera-t-elle votre vérité ? » Il y a deux confessions, l’une des péchés, l’autre des louanges. Dans le malheur, nous confessons à Dieu nos péchés, avec componction; dans la joie, nous chantons avec allégresse la justice de Dieu: gardons-nous toutefois d’être jamais sans aucune confession. 1. Gen. III,4, 5.— 2. Ps. XXIX, 8. — 3. Gen. III, 23.— 4. Id, 9.— 5. Jacques, IV, 6. — 6. Ps. XXIX, 10.
(252)

20. « Le Seigneur m’a écouté et m’a pris en pitié ». De quelle manière ? Souvenez-vous de la dédicace du palais. Le Seigneur a écouté, il a pris en pitié. « Il s’est fait mon protecteur 1 ».

21. Ecoutez maintenant sa résurrection. « Vous avez changé mon deuil en joie: vous avez déchiré mon sac, pour me faire une ceinture d’allégresse 2 ». Quel sac ? Ma mortalité. Un sac est tissu de poils de chèvres et de boucs : et chèvres et boucs ont leur place parmi les pécheurs 3. Le Seigneur n’a donc pris parmi nous que le sac, et non le mérite du sac; ce mérite du sac est le péché, tandis que le sac est la mortalité. Lui donc qui ne méritait pas la mort, s’est revêtu d’un corps mortel à cause de toi. Celui qui est pécheur mérite la mort; mais celui qui n’a cornais aucune faute, ne mérite point le sac. C’est lui qui s’écrie en un autre endroit : « Pour moi, quand ils me tourmentaient, je me couvrais d’un cilice 3 ». Qu’est-ce à dire: « Je me revêtais d’un cilice ? » J’opposais à mes persécuteurs ce que je tiens du cilice. Afin que ses persécuteurs le prissent pour un homme, il se dérobait à leurs yeux; parce qu’ils étaient indignes de voir celui qui s’était revêtu d’un cilice. Vous avez donc rompu le sac « que je portais pour me faire une ceinture d’allégresse ». 1. Ps. XXIX, 11.— 2. Id. 12.— 3. Matt. XXV, 32.— 4. Ps. XXXIV, 3.

22. « Afin que ma gloire vous chante, et que nul aiguillon ne me meurtrisse ». Ce qui s’est accompli dans le chef s’accomplira aussi dans les membres. Qu’est-ce à dire: « Que je ne sois point-aiguillonné ? » Que je ne passe plus par la mort. Car Jésus-Christ fut meurtri à la croix, quand il reçut un coup de lance. Notre chef s’écrie donc : « Que je ne sois plus aiguillonné », ou que je ne meure plus. Mais nous, quel est notre langage à l’égard de cette dédicace du palais ? Que la conscience ne nous stimule plus par l’aiguillon du péché; que tout nous soit pardonné, et alors nous serons libres. « Afin que je vous chante dans ma gloire », dit le Prophète, et non dans mon humiliation. Si cette gloire est la nôtre, elle est aussi du Christ, parce que nous sommes le corps du Christ. Pourquoi ? Parce que le Christ même, assis à la droite de Dieu, doit dire à quelques-uns: « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ». Il est dans le ciel et il est sur la terre; dans le ciel en lui-même, sur la terre en nous. Que dit-il donc ? « Afin que je vous chante dans ma gloire, et que je ne redoute plus aucun aiguillon ». Ici c’est moi qui gémis dans mon humilité; là haut, je vous chanterai dans ma gloire. Et enfin: « Seigneur, mon Dieu, je vous confesserai éternellement ». Qu’est-ce à dire. « Je vous confesserai éternellement ? » Je vous louerai dans l’éternité, car nous avons dit qu’il y a une confession de louanges et que la confession ne se dit pas seulement des péchés. Confesse donc aujourd'hui ce que tu as fait contre Dieu, et tu chanteras ensuite la bonté du Seigneur à ton égard. Qu’as-tu fait ? des péchés. Qu’a fait le Seigneur ? Il te pardonne ton iniquité, à condition que tu confesseras tes fautes, afin que tu chantes ses louanges dans l’éternité, et que tu ne sois plus aiguillonné par le péché. (253)



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Message par Invité Jeu 6 Mai 2021 - 13:35


*Les 150 psaumes avec textes, vidéos et commentaires...*


Psaume 31 (30) - "Prière dans l'épreuve"





Psaume 31 (30) - "Prière dans l'épreuve" : Ps 31, 1- 4 : Du maître de chant. Psaume. De David. En toi, Yahvé, j'ai mon abri, Sur moi pas de honte à jamais ! En ta justice affranchis-moi, délivre-moi, tends l'oreille vers moi, hâte-toi ! Sois pour moi un roc de force, une maison fortifiée qui me sauve; car mon rocher, mon rempart, c'est toi, pour ton nom, guide-moi, conduis-moi !

Le psaume 31 (30 selon la numérotation latine) est attribué au roi David d'après l'indication du premier verset.


Le Psaume 30 (31) en français : "  En toi, Yahvé, j'ai mon abri " (La Bible de Jérusalem, 1998)




Ps 30:1- Du maître de chant. Psaume. De David.
Ps 30:2- En toi, Yahvé, j'ai mon abri, Sur moi pas de honte à jamais ! En ta justice affranchis-moi, délivre-moi,
Ps 30:3- tends l'oreille vers moi, hâte-toi ! Sois pour moi un roc de force, une maison fortifiée qui me sauve;
Ps 30:4- car mon rocher, mon rempart, c'est toi, pour ton nom, guide-moi, conduis-moi !
Ps 30:5- Tire-moi du filet qu'on m'a tendu, car c'est toi ma force;
Ps 30:6- en tes mains je remets mon esprit, c'est toi qui me rachètes, Yahvé. Dieu de vérité,
Ps 30:7- tu détestes les servants de vaines idoles; pour moi, je suis sûr de Yahvé
Ps 30:8- que j'exulte et jubile en ton amour ! Toi qui as vu ma misère, connu l'oppression de mon âme,
Ps 30:9- tu ne m'as point livré aux mains de l'ennemi, tu as mis au large mes pas.
Ps 30:10- Pitié pour moi, Yahvé, l'oppression est sur moi ! Les pleurs me rongent les yeux, la gorge et les entrailles.
Ps 30:11- Car ma vie se consume en affliction et mes années en soupirs; ma vigueur succombe à la misère et mes os se rongent.
Ps 30:12- Tout ce que j'ai d'oppresseurs fait de moi un scandale; pour mes voisins je ne suis que dégoût, un effroi pour mes amis. Ceux qui me voient dans la rue s'enfuient loin de moi,
Ps 30:13- comme un mort oublié des cœurs, comme un objet de rebut.
Ps 30:14- J'entends les calomnies des gens, terreur de tous côtés ! ils se groupent à l'envi contre moi, complotant de m'ôter la vie.
Ps 30:15- Et moi, je m'assure en toi, Yahvé, je dis : C'est toi mon Dieu !
Ps 30:16- Mes temps sont dans ta main, délivre-moi, des mains hostiles qui s'acharnent;
Ps 30:17- fais luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi par ton amour.
Ps 30:18- Yahvé, pas de honte sur moi qui t'invoque, mais honte sur les impies ! Qu'ils aillent muets au shéol;
Ps 30:19- silence aux lèvres de mensonge qui parlent du juste insolemment avec superbe et mépris !
Ps 30:20- Qu'elle est grande, Yahvé, ta bonté ! Tu la réserves pour qui te craint, tu la dispenses à qui te prend pour abri face aux fils d'Adam.
Ps 30:21- Tu les caches au secret de ta face, loin des intrigues des hommes; tu les mets à couvert sous la tente, loin de la guerre des langues.
Ps 30:22- Béni Yahvé qui fit pour moi des merveilles d'amour en une ville de rempart !
Ps 30:23- Et moi je disais en mon trouble "Je suis ôté loin de tes yeux !" Et pourtant tu écoutas la voix de ma prière quand je criai vers toi.
Ps 30:24- Aimez Yahvé, tous les siens il garde les fidèles, mais Yahvé rétribue avec usure celui qui fait l'orgueilleux.
Ps 30:25- Courage, reprenez cœur, vous tous qui espérez Yahvé !

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.





In Te Domine, Speravi: Ps.30 · Hartkeriana
Psalterium Currens (Invitatorium, Psalms 1-56)
℗ 2018 Psalterium Foundation
.


Le Psaume 30 (31) en latin : : : " In Te Domine, Speravi "

Ps 30, 01 : In finem psalmus David
Ps 30, 02 : In te Domine speravi non confundar in aeternum in iustitia tua libera me
Ps 30, 03 : inclina ad me aurem tuam adcelera ut eruas me esto mihi in Deum protectorem et in domum refugii ut salvum me facias
Ps 30, 04 : quoniam fortitudo mea et refugium meum es tu et propter nomen tuum deduces me et enutries me
Ps 30, 05 : educes me de laqueo hoc quem absconderunt mihi quoniam tu es protector meus
Ps 30, 06 : in manus tuas commendabo spiritum meum redemisti me Domine Deus veritatis Ps 30, 07 : odisti observantes vanitates supervacue ego autem in Domino speravi
Ps 30, 08 : exultabo et laetabor in misericordia tua quoniam respexisti humilitatem meam salvasti de necessitatibus animam meam
Ps 30, 09 : nec conclusisti me in manibus inimici statuisti in loco spatioso pedes meos
Ps 30, 10 : miserere mei Domine quoniam tribulor conturbatus est in ira oculus meus anima mea et venter meus
Ps 30, 11 : quoniam defecit in dolore vita mea et anni mei in gemitibus infirmata est in paupertate virtus mea et ossa mea conturbata sunt
Ps 30, 12 : super omnes inimicos meos factus sum obprobrium et vicinis meis valde et timor notis meis qui videbant me foras fugerunt a me
Ps 30, 13 : oblivioni datus sum tamquam mortuus a corde factus sum tamquam vas perditum
Ps 30, 14 : quoniam audivi vituperationem multorum commorantium in circuitu in eo dum convenirent simul adversus me accipere animam meam consiliati sunt
Ps 30, 15 : ego autem in te speravi Domine dixi Deus meus es tu
Ps 30, 16 : in manibus tuis sortes meae eripe me de manu inimicorum meorum et a persequentibus me
Ps 30, 17 : inlustra faciem tuam super servum tuum salvum me fac in misericordia tua
Ps 30, 18 : Domine ne confundar quoniam invocavi te erubescant impii et deducantur in infernum
Ps 30, 19 : muta fiant labia dolosa quae loquuntur adversus iustum iniquitatem in superbia et in abusione
Ps 30, 20 : quam magna multitudo dulcedinis tuae Domine; quam abscondisti timentibus te perfecisti eis qui sperant in te in conspectu filiorum hominum
Ps 30, 21 : abscondes eos in abdito faciei tuae a conturbatione hominum proteges eos in tabernaculo a contradictione linguarum
Ps 30, 22 : benedictus Dominus quoniam mirificavit misericordiam suam mihi in civitate munita
Ps 30, 23 : ego autem dixi in excessu mentis meae proiectus sum a facie oculorum tuorum ideo exaudisti vocem orationis meae dum clamarem ad te
Ps 30, 24 : diligite Dominum omnes sancti eius quoniam; veritates requirit Dominus et retribuit abundanter facientibus superbiam
Ps 30, 25 : viriliter agite et confortetur cor vestrum omnes qui speratis in Domino.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.




Saint Augustin (354-430)

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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XXX.
LE JUSTE PERSÉCUTÉ

Le peuple de Dieu environné des scandales de lidolâtrie mettait sa confiance dans le Seigneur. Il en est de même du Christ dont le psaume est une prophétie, et qui remet son âme entre les mains de son Père avec lespoir de la recouvrer bientôt par la résurrection. Le fidèle aussi, eu butte aux persécutions, doit se confier au Seigneur qui ne tabandonnera point.  

POUR LA FIN, PSAUME POUR DAVID EN EXTASE (1).


1. Pour la fin, psaume pour David ou pour notre médiateur, qui a montré dans les persécutions une main puissante. Le mot d’extase ajouté au titre, marque cette exaltation de l’esprit qui est l’effet de la frayeur ou d’une révélation. Mais le psaume qui nous occupe, nous montre principalement cette crainte qu’éprouve le peuple de Dieu en face de la persécution de tous les païens, et de la foi qui s’affaiblissait sur la terre. C’est le médiateur qui parle tout d’abord, et ensuite le peuple qu’il a racheté par l’effusion de son sang lui rend ses actions de grâces, puis à la fin il parle longuement dans son trouble, ce qui est l’effet de l’extase. Deux fois le Prophète parle en son propre nom; peu avant la fin, puis à la fin.

2. « J’ai mis en vous mon espoir, Seigneur, et je ne serai jamais confondu 2 ». Seigneur, mon espérance en vous ne sera point confondue, tant qu’on n’insultera en moi qu’un homme semblable aux autres hommes. « Dans votre justice, délivrez-moi et sauvez-moi ». Dans votre justice, délivrez-moi de l’abîme de la mort, séparez-moi de ceux qu’il engloutit.

3. « Prêtez l’oreille à mes cris 3 ». Exaucez-moi dans mon humilité, approchez-vous de moi. « Hâtez-vous de me délivrer ». N’attendez point pour moi comme pour ceux qui croient en moi, la fin des temps pour me délivrer des pécheurs. « Soyez pour moi un Dieu propice ». Protégez-moi en Dieu. « Soyez pour moi une forteresse et sauvez-moi », comme un asile sûr où je trouve le salut par la fuite.

4. « C’est vous qui êtes ma force et mon refuge 4 ». Car vous me donnez le courage pour endurer les persécutions de mes ennemis, vous êtes l’asile où je puis leur échapper, « Pour la gloire de votre nom, vous serez mon guide et mon aliment 1 ». Afin de faire connaître votre nom à tous les peuples, j’accomplirai en tout votre volonté, et en amenant les Saints, vous compléterez mon corps mystique et lui donnerez sa stature parfaite ? 1. Ps. XXX, 1.— 2. Id.2.— 3. Id.3.— 4. Id.4.

5. « Vous me tirerez du piège qu’ils ont caché pour moi 2 ». Vous m’arracherez aux embûches secrètes qu’ils me tendent. « Parce que c’est vous qui êtes mon protecteur ».

6. « Je remets mon âme entre vos mains 3 », Je confie à votre puissance, cette âme que je recevrai bientôt. « Vous m’avez racheté, Seigneur, Dieu de vérité ». Que le peuple racheté par les souffrances de son Dieu, et qui chante la gloire de son chef, s’écrie avec transport: « Vous m’avez racheté, Seigneur, vous qui êtes le Dieu de vérité ».

7. « Vous haïssez les adorateurs de la vanité et du néant 4 ». Vous haïssez ceux qui s’attachent à la fausse félicité de ce monde. « Mais moi, Seigneur, j’ai mis mon espoir en vous ».

8. « Je me réjouirai, je triompherai dans votre miséricorde », qui ne me trompe jamais. « Parce que vous rivez regardé mon humiliation 5 », par laquelle vous m’avez assujetti à la vanité, mais avec l’espérance. « Vous avez arraché mon âme à l’angoisse s Vous avez délivré mon âme des tourments de la crainte, afin qu’elle pût vous servir librement dans la charité. -

9. « Vous ne m’avez point resserré dans les mains de mes ennemis 6 ». Vous ne m’avez point resserré, de manière à m’ôter tout moyen d’aspirer après ma délivrance, à m’abandonner pour jamais sous la puissance du démon qui nous embarrasse dans les convoitises de cette vie, et nous effraie par la mort. « Vous avez affermi mes pas dans la voie spacieuse ». La résurrection du Sauveur, que je connais, la mienne qui m’est promise, dégagent mon amour des étreintes de l’effroi et lui ouvrent la voie spacieuse de la liberté. 1. Ps. XXX, 4— 2. Id. 5.— 3. Id, 6.— 4. Id. 7.— 5. Id. 5,— 6. Id. 9. (254)

10. « Ayez pitié de moi, ô Dieu, parce que je suis dans l’affliction ». D’où vient chez mes persécuteurs cette cruauté soudaine qui m’inspire de l’effroi? « Ayez pitié de moi, ô Dieu ». Ce n’est point la mort qui m’effraie, mais bien les tortures et les douleurs. « La colère a jeté le trouble dans mes yeux ». Craignant d’être abandonné, je vous suppliais du regard, et la colère y a jeté le trouble. « Il s’en est de même de mon âme et de mes entrailles». Cette même colère a aussi troublé non âme et ma mémoire, qui me rappelait et les douleurs de mon Dieu pour moi, et ses promesses.

11. « Ma vie a défailli dans la souffrance 2 ». Ma vie est de confesser votre nom, mais elle a défailli dans la douleur, quand l’ennemi a dit: Les chrétiens à la torture jusqu'à l’abjuration. « Mes années s’écoutent dans les gémissements ». On n’abrège point par la mort ces jours que je dois passer ici-bas, mais on me laisse vivre, et vivre dans les gémissements. « La disette affaiblit ma vigueur ». Mon corps a besoin de santé, et on ne lui épargne pas les tourments; j’ai besoin de mourir et on me le refuse; dans ce double besoin, mon espoir s’affaiblit. « Et mes ossements sont dans le trouble ». Et le trouble vient ébranler ma constance.

12. « Plus que tous mes ennemis, je suis devenu un objet d’opprobre 3 ». Tous mes ennemis sont des impies, et néanmoins ils ne subissent le châtiment de leurs crimes que jusqu'à l’aveu: pour moi, ma confusion est plus grande, j’avoue ma faute, et au lieu de la mort, je rencontre la douleur. « Mes voisins y trouvent de l’excès ». C’est là ce qui paraît excessif à ceux qui s’approchaient de moi pour vous connaître, et pour embrasser ma foi. « Ceux qui me connaissent en sont dans la stupeur ». La vue de mes souffrances a frappé d’horreur et de crainte ceux qui me connaissent. o Ceux qui me voyaient au s dehors s’enfuyaient loin de moi ». Ceux qui ne comprenaient pas mon espoir intérieur et invisible, se jetaient dans les joies visibles et superficielles. 1. Ps. XXX, 10.— 2. Id. II.— 3. Id. 12.

13. « Je suis dans l’oubli comme un mort effacé du cœur 1 ». Ils m’ont oublié comme si j’étais mort dans leur cœur. «Je suis pour eux comme un vase brisé ». Je me suis cru inutile au service de Dieu, en vivant ici-bas, sans lui gagner personne, car chacun craignait de s’attacher à moi.

14. « J’ai entendu le blâme de la multitude qui m’environnait 2 ». Dans mon pèlerinage ici-bas, j’ai reçu les outrages de la foule qui m’environnait, qui suivait le cours du siècle, et qui refusait de retourner avec moi dans la patrie éternelle. « Et comme ils s’assemblaient contre moi, ils cherchaient les moyens de surprendre mon âme ». Pour amener à leurs complots mon âme qui pouvait leur échapper par la mort, ils ont formé le dessein de m’éloigner de la mort.

15. « Mais moi, Seigneur, j’ai mis en vous mon espoir; j’ai dit: Vous êtes mon Dieu 3 ». Car vous n’êtes point changé et vous ne châtiez que pour sauver.

16. « Mon sort est entre vos mains 4 ». Mon sort est en votre puissance. Car je ne vois en moi aucun mérite qui ait fixé votre choix, pour me séparer de tous les hommes pécheurs. S’il est en vous quelque dessein juste et caché qui vous ait porté à me choisir, pour moi, je l’ignore, et c’est le sort qui m’a donné une part dans la robe du Seigneur 5. « Délivrez-moi des mains de mes ennemis et de mes persécuteurs 6 ».

17. « Projetez sur votre serviteur le reflet de votre face7 ». Faites connaître à tous les hommes qui ne pensent pas que je vous appartienne, que votre face est toujours attentive à mon sujet, et que je suis votre serviteur. « Sauvez-moi dans votre miséricorde ».

18. « Seigneur, que je ne sois point confondu, parce que c’est vous que j’invoque 8 ». Ô Dieu, que je n’aie pas à rougir, devant ceux qui m’insultent, d’avoir eu recours à vous. « Quant aux impies, qu’ils rougissent, et soient conduits aux enfers ». Qu’ils soient dans la confusion et dans les ténèbres, ceux qui adorent la pierre.

19. « Silence aux lèvres trompeuses 9 ». En faisant connaître aux peuples vos sacrements établis pour moi, imposez silence aux lèvres qui me calomnient, « qui profèrent l’outrage contre le juste, avec mépris et dédain ». Qui aboient l’outrage contre le Christ, et qui, dans leur orgueil, ne voient en lui qu’un méprisable crucifié. 1. Ps. XXX, 13. — 2. Id. 14. — 3. Id. 15 — 4. Id. 16. — 5. Jean, XIX, 24. — 6. Ps, XXX, 16. — 7. Id. 17. — 8. Id. 18. — 9. Id 19. (255)

20. « Combien est grande, ô Dieu, votre douceur ! 1 ». C’est le Prophète qui s’écrie, dans son admiration et à la vue de si grandes merveilles: « Seigneur, combien est grande cette douceur, que vous réservez à ceux qui vous craignent ». Vous aimez ceux-là mêmes que vous châtiez; mais de peur qu’une trop grande sécurité ne les porte au relâchement, vous leur dérobez la douceur de votre amour, quand il leur est avantageux te vous craindre. « Mais vous la laissez sentir à ceux qui espèrent en vous ». Vous en laissez goûter la suavité à ceux qui ont mis en vous leur espoir. Car vous ne les privez point de ce qu’ils ont espéré jusqu’à la fin avec tant de persévérance. « En présence des enfants des hommes ». Car les enfants des hommes, qui ne vivent plus selon le vieil Adam, mais selon le Fils de l’homme, « que vous cacherez dans le secret de votre face », n’ignorent plus quelle demeure éternelle vous réservez, dans le secret de votre science, à ceux qui espèrent en vous. « Loin des hommes perturbateurs ». En sorte que nul homme ne les vienne troubler.

21. « Vous les mettrez dans votre demeure à l’abri des contradictions des langues 2 ». Mais tant qu’ils seront ici-bas exposés aux langues fourbes qui leur disent: Qui connaît votre langage, qui est revenu d’outre-tombe? vous les mettrez à l’abri de cette croyance aux actions humaines et aux douleurs temporelles du Christ en cette vie. 1. Ps. XXX, 20.— 2. Id. 21.

22. « Béni soit le Seigneur qui a fait éclater « sa miséricorde dans la ville qui m’environne 1 ». Béni soit le Seigneur, car après le rude châtiment des persécutions, il a fait éclater sa miséricorde dans l’univers entier, et à tous les peuples de la terre.

23. « Pour moi, j’ai dit dans mon extases. Ce peuple reprend la parole et s’écrie: Pour moi, dans ma stupeur, et sous-le glaive implacable des païens; voilà que je suis repoussé loin de vos regards ». Car si vous aviez l’oeil sur moi, vous ne me laisseriez pas dans ces douleurs. « Aussi, avez-vous entendu la voix de ma prière, quand je criais vers vous 2 ». Alors, Seigneur, vous avez fait trêve au châtiment, et pour montrer que vous prenez soin de moi, vous avez exaucé la voix de ma prière, qui s’exhalait à grands cris sous le poids de ma douleur.

24. « Aimez le Seigneur, vous qui êtes ses saints». Dans l’admiration de ce qu’il voit, le Prophète invite encore les hommes à louer Dieu. « Aimez le Seigneur », dit-il, « ô vous qui êtes ses saints, parce que le Seigneur cherche la vérité 3. Et si le juste à peine est sauvé, où se cacheront le pécheur et l’impie 4? Aux superbes il rendra largement leurs dédains». Il aura des châtiments sévères pour ceux qui ne cèdent point aux convictions de la vérité, retenus qu’ils sont par un orgueil excessif.

25. « Fortifiez-vous, affermissez vos cœurs 5 ». Ne cessez de faire le bien, afin de récolter au temps de la moisson. « Ô vous, qui espérez dans le Seigneur ». C’est-à-dire, espérez dans le Seigneur, vous qui le craignez et le servez dignement. 1. Ps. XXX,22. — 2. Id.23. —3. Id.24. — 4. I Pierre, IV,18. — 5. Ps. XXX, 25. (256)




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Message par Invité Jeu 6 Mai 2021 - 14:44

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Saint Augustin (354-430)

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DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXX.
PREMIER SERMON. ÉPREUVES ET ESPOIR DU CHRIST.

Dans ce premier sermon, qui embrasse environ le tiers du psaume, et qui dut être prêché quelques jours après la fête des saints Apôtres, saint Augustin nous montre quelle est lunité du Christ et de lEglise, la même quentre ta tête et les membres du corps humain, il bénit Dieu et sétend quelque peu sur les tentations et les nécessités de cette vie.


1. Pénétrons, autant qu’il nous sera possible, dans les mystères du psaume que nous venons de chanter, afin d’en tirer un discours qui tombe dans vos oreilles pour se graver dans vos cœurs. En voici le titre : « Pour la fin, psaume pour David, dans son extase 1». Nous savons ce que signifie « pour la fin », si nous connaissons le Christ. Puisque l’Apôtre a dit: « Le Christ est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront 2 », ce n’est point une fin qui anéantit, mais une fin qui perfectionne; car on emploie le mot fin en deux sens: ou quand il s’agit d’exprimer l’anéantissement de ce qui était, ou quand il faut préciser l’achèvement de ce qui était commencé. Donc, « pour la fin », signifie pour le Christ.

2. « Psaume pour David : extase ». Le mot grec extase, autant qu’on peut le traduire en latin, se dit en un seul mot, transport; et le transport de l’esprit s’appelle ordinairement extase. Mais par transport de l’esprit on peut entendre deux choses, ou la crainte excessive, ou cette application aux choses du ciel qui nous lait oublier toutes les choses terrestres. Telle fut l’extase des saints à qui Dieu révéla des secrets bien supérieurs au monde terrestre. Tel fut le ravissement d’esprit, c’est-à-dire l’extase, dont saint Paul nous dit en parlant de lui : « Si nous sommes hors de nous-mêmes, c’est pour Dieu. Si nous devenons s plus calmes, c’est pour nous; parce que d’amour de Jésus-Christ nous presse 3 ». C’est dire : Si nous voulions conformer nos actes et arrêter notre contemplation exclusivement aux choses qui nous sont révélées dans nos ravissements, nous ne serions plus avec vous, mais nous serions dans les choses du ciel, ayant pour vous une sorte de mépris. Comment pourriez-vous, d’un pas faible, nous suivre dans ces régions célestes et intérieures, si d’une part la charité de Jésus-Christ ne vous pressait, « lui qui ayant la nature de Dieu, n’a pas cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu, mais qui s’est anéanti, prenant la forme d’un esclave 1 »; si d’autre part nous ne considérions que nous sommes vos serviteurs, et que, pour n’être point ingrats envers celui qui nous a élevés à de plus hautes faveurs, loin de dédaigner ceux qu’il a moins favorisés, nous devons, pour le salut des faibles, nous abaisser au niveau de ceux qui ne peuvent avec nous contempler ce qu’il y a de sublime ? « Si donc nous sommes ravis en esprit », dit l’Apôtre, « c’est vers Dieu ». Car il voit ce que nous voyons dans l’extase, lui seul nous révèle ses secrets. Celui qui nous parle ainsi, dit encore qu’il fut ravi et élevé jusqu'au troisième ciel, et qu’il entendit des paroles mystérieuses qu’il n’est pas donné à l’homme de redire. Tel fut ce ravissement d’esprit, qu’il ajoute : « Si ce fut avec son corps ou sans son corps, je ne le sais point; Dieu le sait 2 ». Si donc tel est le ravissement, si telle est l’extase que nous marque le titre du psaume, nous devons attendre de grandes révélations de la part de celui qui l’a chanté, c’est-à-dire du Prophète, et de l’Esprit-Saint par l’organe du Prophète. 1.Ps. XXX, 1. — 2. Rom. X, 4. — 3. II Cor. V, 13.

3. Si l’extase ici doit se prendre pour l’effroi, le texte du psaume ne contredira point cette autre signification. Car il semble que le Prophète va parler de la souffrance qui s’allie avec la crainte. Mais de qui cette frayeur? Est-ce de Jésus-Christ? car le psaume porte « pour la fin o, et par cette fin nous entendons le Christ. Cette frayeur serait-elle notre frayeur? Car nous est-il possible de l’attribuer au Christ aux approches de la passion, puisqu'il était venu pour souffrir; et pouvait-il craindre en voyant arriver cette mort qu’il était venu chercher? S’il n’y avait en lui qu’un homme, et nullement un Dieu, sa résurrection ne lui causerait-elle pas plus de joie que sa mort ne lui cause de crainte? Toutefois, comme il a daigné prendre la forme de l’esclave, et par ce moyen nous revêtir de lui, voilà que celui qui n’a pas dédaigné de se revêtir de nous pour nous transfigurer en lui, voudra bien aussi prendre notre langage, afin que nous puissions nous approprier ses paroles. Tel est l’ineffable commerce, l’échange merveilleux, la révolution divine opérée dans ce monde par le céleste négociateur. Il vient recueillir les outrages et nous combler d’honneurs; il vient se rassasier de douleurs, et nous donner le salut; il vient passer par la mort, et nous donner la vie. Sur le point de mourir dans ce qu’il tient de notre nature, il fut saisi de frayeur, non pas en lui, mais dans ce qui est de nous; car il dit alors que son âme était triste jusqu'à la mort 1, et nous tous alors nous étions en lui. Sans lui, en effet, nous ne sommes rien; en lui il y a le Christ et nous avec lui. Pourquoi? Parce que dans son intégrité, le Christ comprend sa tête et son corps. C’est la tête qui est le Sauveur, qui a racheté le corps, et qui est déjà remonté au ciel : le corps est cette Eglise qui souffre sur la terre 2. Mais si le corps ne tenait à la tête par les liens de la charité, de manière que tête et corps ne formassent qu’un seul homme, il n’aurait pu faire ce reproche à un fameux persécuteur : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter 3 » Car alors il était assis dans le ciel, où nul homme ne peut l’atteindre; et comment les persécutions de Saul contre les chrétiens pouvaient-elles l’offenser? Il ne dit point: Pourquoi persécuter mes saints, mes serviteurs; mais bien : « Pourquoi me persécuter ? » c’est-à-dire moi, dans mes membres. La tête criait pour les membres, le chef transfigurait ces membres en lui-même. La langue en effet parle au nom du pied. Que notre pied soit meurtri dans une foule, la langue s’écrie aussitôt: Vous marchez sur moi. Elle ne dit point: Vous écrasez mon pied, mais elle se plaint qu’on l’écrase quand nul ne la touche, parce qu’elle n’est point séparée du pied qui souffre. On peut donc, dans un sens analogue, appeler cette extase une frayeur. Qu’ajouterai-je, mes frères ? Si nulle crainte ne devait agiter ceux qui vont souffrir, le Seigneur dirait-il à Pierre, en lui annonçant les souffrances qui l’attendent, ces paroles que nous venons d’entendre à la fête des Apôtres : « Lorsque vous étiez plus jeune, vous mettiez vous-même votre ceinture, et vous alliez où vous vouliez, mais quand vous aurez vieilli, un autre vous ceindra et vous mènera où vous ne voudrez pas ». Or, il parlait ainsi, dit l’Évangéliste, marquant de quelle manière il devait mourir 1. Si donc l’apôtre saint Pierre, cet homme si parfait, alla contre son gré où il ne voulait point aller, il mourut contre son gré, mais reçut de sou plein gré la couronne du martyre, qu’y a-t~il d’étonnant, si le trépas des justes et même des saints n’est pas exempt de toute crainte ? La crainte nous vient de l’infirmité humaine, mais l’espérance vient de la promesse divine, Ta frayeur, ô homme, vient de toi, mais l’espérance est un don qui te vient de Dieu. Il est bon que ta frayeur te fasse connaître à toi-même, afin qu’à ta délivrance tu rendes gloire à ton Créateur. Que l’homme tremble, puisqu'il est faible, mais cette crainte n’est pas un abandon de la divine miséricorde. C’est à cause de la crainte que le Prophète commence notre psaume, en s’écriant : « Seigneur, j’ai mis en vous mon espoir, et je ne serai point confondu 2 ». Voyez, il craint et il espère; sa crainte, vous le voyez, n’est point sans espérance. Le trouble que ressent parfois notre cœur, n’en éloigne pas toute consolation divine. 1. Matt. XXVI, 38. — 2. Eph. V, 23.— 3. Act. IX, 4. 1. Philipp. II, 6. — 2.II Cor. XII, 2. (257)

4. C’est donc le Christ qui parle ici par son Prophète; oui, j’ose le dire, c’est le Christ. Il dira dans le cours du psaume de ces chose qui paraissent peu convenir au Christ, à notre chef par excellence, et surtout à ce Verbe qui était Dieu au commencement, et en Dieu; souvent encore il y aura des paroles qui paraîtront peu d’accord avec Celui qui a pris la forme de l’esclave, et qui l’a prise au sein d’une vierge: et néanmoins c’est le Christ qui va parler, parce que le Christ est dans les membres du Christ. Et afin que vous compreniez que la tête et le corps ne forment qu’un seul Christ, lui-même nous dit en parlant du mariage : « Ils seront deux dans une seule chair; donc ils ne seront plus deux, mais une seule chair. » Mais parle-t-il de tout mariage ? Ecoutez l’apôtre saint Paul : « Ils seront deux dans une même chair », est-il dit. « Ce sacrement est grand; je dis dans le Christ et dans l’Eglise 1 ». Ainsi la tête et le corps, de même que l’époux et l’épouse, seront deux et ne formeront en quelque sorte qu’une même personne. C’est encore cette unité de personnes, unité par excellence, que nous marque le prophète Isaïe, car le Christ prophétisant par sa bouche, disait : « Il m’a séparé d’une couronne comme un jeune époux, il m’a donné la robe de l’épouse 2 ». C’est lui qui se donne en même temps pour l’époux et pour l’épouse; or, pourquoi s’appeler l’époux et l’épouse, sinon parce qu’ils seront deux dans une même chair ? Et si deux n’ont qu’une même chair, pourquoi deux n’auraient-ils pas une seule et même voix ? Que Jésus-Christ parle donc, puisque l’Eglise parle en Jésus-Christ, et Jésus-Christ en l’Eglise; puisque le corps tient à la tête, et la tête au corps. Ecoutez l’Apôtre, qui nous explique ce mystère plus clairement : « De même que notre corps, qui est un, a néanmoins plusieurs membres, et que tous ces s membres du corps, bien que nombreux, ne e sont néanmoins qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ 3 ». En parlant des membres du Christ, ou des fidèles, il ne dit pas : Ainsi en est-il des membres du Christ; mais il donne le nom de Christ à tout ce qu’il vient d’énumérer. Comme le corps est unique, et a néanmoins plusieurs membres; mais tous les membres du corps, quoique nombreux, ne forment qu’un même corps : ainsi le Christ est multiple dans ses membres, unique dans son corps. Nous sommes donc tous ensemble en Jésus-Christ notre chef, et sans ce chef nous n’avons aucune valeur. Pourquoi? Unis à notre chef, nous sommes la vigne; mais séparés du chef, ce qu’à Dieu ne plaise, nous ne sommes plus que des sarments retranchés, inutiles à tout usage pour les vignerons, et seulement destinés au feu. Aussi lui-même dit-il dans l'Évangile : « Je suis la vigne, et vous sen êtes les branches, mon Père est le vigneron »; et encore : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire 4 ». Seigneur, si nous ne pouvons rien faire sans vous, nous pouvons tout avec vous. Car tout ce qu’il fait par nous, c’est nous qui paraissons le faire. Il peut beaucoup, il peut tout sans nous, et nous, rien sans lui. 1. Matt. XIX, 5,6; Eph. V, 31,32.— 2. Isa. LXI, 10.— 3. I Cor. XII, 12. — 4. Jean, XV, 5. 1. Jean, XXI, 18. — 2. Ps. XXX, 2. (258)

5. Donc, mes frères, que l’on prenne l’extase pour une frayeur ou pour un ravissement d’esprit, toutes les paroles du psaume conviennent au Christ. Chantons-le donc, dans le corps du Christ, chantons-le tous comme n’étant qu’un seul homme, parce que tous nous formons en lui l’unité, et disons : « C’est en vous, Seigneur, que j’ai mis mon espoir, et je ne serai point couvert d’une éternelle confusion ». Je crains par-dessus tout cette confusion qui dure pendant l’éternité; il y a en effet une confusion passagère qui est utile, alors que l’âme se trouble à la vue de ses péchés, que cette vue lui fait horreur, que cette horreur la fait rougir de honte, et que cette honte la porte à se corriger. C’est pourquoi saint Paul a dit : « Quelle gloire tirez-vous alors de ces désordres qui vous font rougir aujourd'hui 1 ? » C’est dire que ces fidèles rougissent, non pas des faveurs actuelles, mais des fautes passées. Loin de nous, chrétiens, de craindre cette confusion; et même si on ne l’a point ici-bas, on l’aura dans l’éternité. Et cette confusion éternelle arrivera quand s’accomplira cet oracle : « Leurs iniquités s’élèveront contre eux pour les accusent 2 ». Et quand leurs iniquités les accuseront, le troupeau des réprouvés sera jeté à la gauche, comme des boucs séparés des brebis, et ils entendront : « Allez au feu éternel préparé à Satan et à ses anges ». Pourquoi ? demanderont-ils. « C’est que j’ai eu faim, et vous ne m’avez point donné à manger 3 ». Ils dédaignaient, ici-bas, de donner un morceau de pain au Christ qui avait faim, de lui donner à boire quand il avait soif, de le couvrir quand il était nu ils dédaignaient de recevoir l’étranger, de visiter le malade; ils dédaignaient, et quand ils entendront ces reproches, ils seront couverts de confusion, et cette confusion sera éternelle. C’est là ce que redoute celui qui parle ici dans la frayeur ou dans le ravissement de son esprit, et qui s’écrie: « Seigneur, j’ai mis en vous mon espoir, et ma confusion ne sera point éternelle ».

6. « Délivrez-moi, sauvez-moi dans votre justice 4 ». Si vous n’avez égard qu’à ma justice, vous me condamnerez. « Mais délivrez-moi dans votre justice ». Il y a, en effet, une justice de Dieu, qui devient aussi la nôtre, par le don que Dieu nous en fait. Mais elle est appelée justice de Dieu, de peur que l’homme ne vienne à croire qu’il a cette justice par lui-même. Car voici les paroles de saint Paul : « La foi est imputée à justice, à l’homme qui croit en celui qui justifie l’impie 1 ». Qu’est-ce que justifier l’impie ? C’est le rendre juste d’impie qu’il était. Or, les Juifs ont cru pouvoir accomplir la justice par leurs propres forces, et ils ont heurté contre la pierre d’achoppement et la pierre de scandale 2, et n’ont point connu la grâce du Christ. ils ont reçu la loi qui les a rendus coupables, mais non délivrés de leurs fautes. Que dit encore le même Apôtre à ce sujet ? « Je leur rends ce témoignage qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais non point selon la science 3 ». Qu’est-ce à dire que le zèle des Juifs n’est point selon la science ? Ecoute, pourquoi n’est-il point selon la science ? « Car ne connaissant point la justice de Dieu, mais s’efforçant d’établir leur propre justice, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu 4 ». Si donc leur zèle n’est point selon la science, parce qu’ils ignorent la justice qui vient de Dieu, et qu’ils s’efforcent d’établir leur propre justice, comme s’ils pouvaient devenir justes par eux-mêmes, dès lors ils n’ont point connu la grâce de Dieu, et n’ont pas voulu du salut gratuit. Qui donc est sauvé gratuitement ? C’est celui en qui le Sauveur ne trouve rien à couronner, mais seulement à damner, rien qui mérite la faveur, tout ce qui mérite le supplice. S’il agit dans la rigueur de la loi qu’il a posée, il doit damner le pécheur. Mais, d’après cette loi, qui délivrerait-il ? Car il trouve des péchés dans tous les hommes. Lui seul est sans péché, qui nous trouve tous pécheurs. Voilà ce que dit l’Apôtre : « Tous ont péché, tous ont besoin de la gloire de Dieu 5 ». Qu’est-ce à dire, qu’ils ont besoin de la gloire de Dieu ? Besoin d’être délivrés par Dieu et non par toi. Impuissant à te délivrer toi-même, tu as besoin d’un libérateur. De quoi te glorifier encore? Pourquoi tirer vanité de la loi et de la justice? Ne vois-tu pas, en toi-même, ce qui se sert de toi pour te combattre ? N’entendras-tu point ce noble athlète avouant sa faiblesse et demandant du secours dans la lutte? N’entendras-tu point l’athlète du Seigneur qui, dans sa lutte, implore l’assistance de celui qui préside aux combats ? Car il n’en est pas du Seigneur qui te voit combattre, comme de celui qui donne des spectacles, si tu combats dans l’amphithéâtre. Celui~ci pourra bien te décerner des prix, situ es vainqueur, mais il ne peut te secourir dans le danger. Ce n’est point ainsi que Dieu te regarde. Vois donc avec attention celui qui dit : « Selon l’homme intérieur, je fais mes délices de la loi de Dieu, mais je sens dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de l’esprit, et me tient captif sous la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre Seigneur 1 ». Pourquoi est-ce une grâce? Parce qu’elle est donnée gratuite. ment. Comment est-elle donnée gratuite. ment? Parce que les mérites ne l’ont point précédée, et que la bonté de Dieu t’a prévenu. A lui donc la gloire de notre délivrance ? « Tous ont péché, et ont besoin de la gloire de Dieu. C’est en vous, Seigneur, que j’ai placé mon espérance », et non point en moi : « ma confusion ne sera pas éternelle »; parce que j’espère en celui qui ne confond point notre attente. « Délivrez-moi dans votre justice, et sauvez-moi ». Puisque vous ne trouvez en moi aucune justice, délivrez-moi par la vôtre; c’est-à-dire, que je sois délivré par cette même cause qui me justifie, qui d’impie me rend à la piété, de méchant me fait juste, d’aveugle me rend à la lumière, qui me relève de mes chutes, et change mes larmes eu joie. Voilà ce qui me délivre, et non point moi-même. « Sauvez-moi dans votre justice, et délivrez-moi ». 1. Rom. IV, 5. — 2. Id. XI, 32. — 3. Id. X, 2. — 4. Id. 3. — 5. Id. 23. 1. Rom. VI, 21.— 2. Sag. IV, 20.— 3. Matt. XXV, 41.— 4. Ps. XXX, 2. (259)

7. « Inclinez vers moi votre oreille 2 ». C’est là ce qu’a fait le Seigneur quand il nous envoyé son Christ. Il nous a envoyé celui qui baissait la tête pour écrire du doigt sur lu terre, quand on lui présenta une femme adultère à condamner 3. Mais lui s’était baissé vomi la terre, ou plutôt Dieu s’était abaissé jusqu'à l’homme, à qui il a été dit : « Tu es terre, et tu retourneras en terre 4 », Car ce n’est point d’une manière corporelle que Dieu incline vers nous son oreille, et il n’est point circonscrit dans les membres d’un corps. Loin de nos pensées tout fantôme humain, Dieu est vérité. La vérité n’a point une forme anguleuse, ou sphérique, ou oblongue. Elle est présente partout où les yeux du cœur s’ouvrent pour la regarder. Or, Dieu incline son oreille vers nous, quand il fait descendre sur nous sa miséricorde. Mais est-il un plus grand acte de miséricorde que de nous donner son Fils unique, non pas afin qu’il vive avec nous, mais afin qu’il meure pour nous ? « Inclinez vers moi votre oreille ». 1. Rom. VII, 22-25. — 2.Ps. XXX, 3. — 3. Jean, VIII, 6. — 4. Gen. III, 19. (260)

8. « Hâtez-vous de me délivrer (Ps, XXX, 3) ». Dieu l’a déjà exaucé quand il dit : « Hâtez-vous ». Ce mot doit nous faire comprendre que cette durée accordée à l’écoulement successif des siècles et qui nous paraît longue, n’est qu’un instant. Une durée n’est point longue, si elle doit finir. Depuis Adam jusqu'à nos jours, bien du temps s’est écoulé; beaucoup plus assurément qu’il n’en reste à écouler. Si Adam vivait encore, pour mourir actuellement, de quoi lui servirait d’exister encore, et d’avoir tant vécu? Pourquoi donc cette promptitude: « Hâtez-vous ? » C’est que le temps s’envole, et ce qui vous paraît long, est court aux yeux de Dieu. Cette rapidité, le Prophète l’avait comprise dans son extase, et il s’écriait : « Hâtez-vous de me secourir. Soyez pour moi un Dieu protecteur, soyez mon asile et sauvez-moi. » Soyez pour moi une retraite assurée, soyez mon Dieu protecteur, soyez- mon lieu de refuge. Souvent je me trouve dans le péril, je cherche à fuir; mais où fuir ? Dans quel asile serai-je en sûreté ? Dans quelle montagne ? Dans quelle caverne ? Dans quelle enceinte fortifiée ? Dans quels remparts ? Quelle citadelle m’abritera ?... Partout où je vais, je me retrouve. Ô homme ! la fuite peut te dérober à tout ce que tu voudras, excepté à ta conscience. Entre dans ta maison pour reposer sur ta couche, rentre dans ton cœur, tu n’y trouveras aucun abri entre les poursuites de ta conscience, contre les remords de ton péché. Mais le Prophète s‘écrie : Hâtez-vous de me secourir, délivre-moi dans votre justice, afin de me pardonner mes fautes, et d’établir en moi votre justice. Vous serez pour moi un asile, c’est en vous que je veux me réfugier. Car où puis-je aller pour vous fuir ? Dieu te poursuit dans sa colère, où trouver un asile ? Ecoute ce que dit ailleurs le Prophète qui craint sa colère « Où irai-je devant votre esprit ? où fuir devant votre face ? Si je monte au ciel, vous y êtes; si je descends dans les enfers, vous voilà 1 ». En quelque lieu que je puisse aller, je vous rencontre. Si vous êtes irrité contre moi, je vous y trouve pour me châtier, et pour m’assister, si vous m’êtes favorable. Toute ma ressource est donc de m’enfuir vers vous, et non loin de vous. Pour échapper à un maître dont tu es l’esclave, tu cherches un asile dans ces lieux où il n’est plus maître. Pour échapper au Seigneur, cherche un asile en Dieu, car tu ne peux te dérober à Dieu. Tout est présent, tout est à découvert aux yeux du Tout-Puissant. C’est donc vous, ô Dieu, qui serez mon refuge, dit le Prophète. Mais si je ne suis guéri, comment fuir ? Guérissez-moi donc, et je courrai vers vous. Car si vous ne me guérissez, je ne puis marcher, et comment fuir ? Où peut aller, où pourrait fuir cet homme, laissé à demi mort sur le grand chemin, couvert de blessures par les voleurs, et qui ne peut marcher ? Cet homme négligé par le prêtre qui passe outre, négligé par le lévite qui passe outre, et que prend en pitié le Samaritain qui vient à passer 2, ou plutôt le Seigneur qui a pitié du genre humain. Samaritain signifie gardien. Mais qui nous gardera, si le Seigneur nous abandonne? C’est donc avec raison que dans ces paroles outrageantes des Juifs à Jésus-Christ : « N’avons-nous pas raison de dire que vous êtes « un Samaritain et un possédé du démon 3 ? » le Sauveur repousse un outrage et accepte l’autre : « Pour moi », dit-il, « je ne suis point possédé du démon ». Il ne dit point : Je ne suis pas un Samaritain, voulant nous faire entendre qu’il est notre gardien. Il a donc pris en pitié ce malheureux, s’en est approché, a bandé ses plaies, l’a conduit à l’hôtellerie, accomplissant envers lui les devoirs de la miséricorde; déjà cet homme peut marcher et même fuir. Mais où fuir, sinon vers le Seigneur qu’il a choisi pour son asile ?

9. « C’est vous qui êtes ma force et mon refuge, et à cause de votre nom, vous serez mon guide et mon aliment 4 ». Ce n’est point à cause de mes mérites, « mais à cause de votre nom »; pour faire éclater votre gloire, et non parce que j’en suis digne. « Vous serez mon guide », afin que je ne m’égare pas loin de vous. « Vous serez mon aliment », afin que je devienne assez fort pour prendre la nourriture des anges. Car celui qui nous a promis la céleste nourriture, nous donne ici- bas du lait, dans sa tendresse maternelle. Comme la nourrice fait passer par sa chair cette nourriture que son enfant trop jeune est incapable de prendre encore, et la lui donné avec son lait (car l’enfant ne reçoit de sa mère, et par le canal de la chair, que la nourriture qu’il aurait prise à table), ainsi le Seigneur, pour faire passer en nous sa sagesse comme un lait divin, se présente à nous, revêtu de chair humaine. C’est donc le corps de Jésus-Christ, qui dit ici : « Vous serez mon aliment ». 1. Ps. XXXVIII, 7,8.— 2. Luc. X, 30.— 3. Jean, VIII, 48.— 4. Ps. XXX, 4. (261)

10. « Vous me délivrerez du piège qu’ils m’ont tendu en secret 1 ». Voici la passion qui commence à paraître. « Vous me délivrerez du piège qu’ils m’ont tendu en secret ». Non seulement cette passion qu’a dû endurer le Seigneur Jésus; mais les pièges du démon sont tendus jusqu'à la fin du monde; et malheur à qui se laisse prendre à ces pièges, et tout homme y tombe, s’il ne met son espoir en Dieu, s’il ne dit : « C’est en vous que j’espère, ô mon Dieu, et je ne tomberai point dans la confusion éternelle : sauvez-moi dans votre justice et délivrez-moi 2 ». L’embûche de l’ennemi est tendue, elle est prête. Il a mis dans cette embûche l’erreur et la crainte l’erreur pour nous enlacer, la crainte pour nous briser, et nous enlever. Pour toi, ferme à l’erreur la porte des convoitises, ferme à la terreur la porte de la timidité, et tu échapperas aux pièges. Celui qui est ton chef, t’a enseigné par lui-même cette manière de combattre, lui qui a voulu, pour t’instruire, être en butte à la tentation. Il fut tenté d’abord par la convoitise, car le diable essaya d’ouvrir chez lui la porte des désirs, quand il lui dit : « Commandez que ces pierres deviennent des pains. Adorez-moi, et je vous donnerai tous ces royaumes. Jetez-vous en bas, car il est écrit : Il a ordonné à ses anges de vous prendre dans leurs mains, de peur que vous ne heurtiez votre pied contre la pierre 3 ». Tous ces attraits sont les amorces de la convoitise. Mais quand il vit se fermer les portes de la convoitise en celui qui souffrait d’être tenté pour nous, il fit des essais contre la porte de la crainte, et lui prépara la passion. C’est ce que nous dit l'Évangéliste: « Après avoir

1. Ps. XXX, 5.— 2. Id. 2. — 3. Matt. IV, 4, 9, 6.

épuisé toutes les tentations, Satan s’éloigna de lui pour un temps 1 ». Qu’est-ce à dire : Pour un temps ? Qu’il devait revenir ensuite et diriger ses efforts du côté de la crainte, puisqu’il avait échoué sur le terrain des convoitises. Tout ce corps du Christ sera dont tenté jusqu’à la fin. Aussi, mes frères, quand on lançait contre les chrétiens je ne sais quels édits de persécution, c’est ce corps du Christ, et ce corps tout entier qui était heurté; delà ce mot du Psalmiste: «On m’a poussé comme un monceau de sable, pour me faire tomber, et le Seigneur m’a soutenu 2 ». Mais quand finirent les maux qui heurtaient le corps entier de l’Eglise, pour le pousser à sa chute, la tentation devint partielle. Le corps du Christ est mis à l’épreuve; s’il ne souffre pas dans une Eglise, il souffre dans une autre. Elle n’a plus à craindre la fureur d’un empereur, mais elle-endure les vexations d’un peuple méchant, Quels ravages lui fait subir la populace ! Quels maux n’endure-t-elle point de la part de ces chrétiens, de ceux qui sont embarrassés dans les filets de Satan, et qui se multiplient tellement, qu’ils submergent les barques dans cette pêche du Sauveur qui précéda la passion 3 ! Les épreuves nie lui manquent point dès lors. Que nul ne se dise : Ce n’est plus le temps des persécutions. Celui qui tient cm langage se promet la paix; et quiconque se promet la paix, est surpris dans sa sécurité. Que le corps entier de Jésus-Christ s’écrie donc : « Vous me délivrerez de ces embûches qu’ils m’ont tendues en secret »; car notre chef-a été délivré du piège que lui tendaient en secret ceux dont l'Évangile nous annonçait naguère qu’ils diraient un jour : « Voici l’héritier, venez, tuons-le, et nous posséderons l’héritage », et qui prononcèrent leur condamnation, quand il leur fut demandé : « Quel châtiment doit infliger le maître à ces colons pervers ? Il fera périr ces méchants d’une manière misérable », répondirent-ils, « et louera sa vigne à d’autres vignerons. Quoi ! » reprit le Sauveur, « n’avez-vous pas lu aussi : La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la pierre de l’angle 4 » ? » Il nous explique ainsi que « rejeter la pierre, pour ceux qui bâtissaient », c’était « chasser l’héritier hors de la vigne, et le tuer ». Lui donc a été sauvé. Notre chef est en haut; il est libre, Attachons-nous à lui par l’amour, afin d’y être plus inséparablement unis par l’immortalité, et disons tous : « Vous me délivrerez de ces pièges qu’ils m’ont tendus en secret, parce que vous êtes mon protecteur 1 ». 1. Luc, IV, 13.— 2. Ps. CXVII, 13.— 3. Luc, V, 7.— 4. Matt. XXI, 38-42. (262)

11. Mais écoutons la parole que le Seigneur prononça sur la croix : « Je remets mon âme entre vos mains 2 ». Quand nus voyons dans l'Évangile que Jésus-Christ répète ces paroles du psaume, ne doutons plus que ce soit lui qui parle ici. Tu lis dans l'Évangile que le Christ a dit : « Je remets mon âme entre vos mains; et baissant la tête, il rendit l’esprit 3 ». Son dessein, en répétant ces paroles, a été de t’apprendre que c’est lui qui parle dans ce psaume. C’est donc lui qu’il faut y chercher : souviens-toi qu’il a voulu qu’on le cherchât aussi dans cet autre psaume, pour le secours du matin : « Ils ont percé mes mains et mes pieds : ils ont compté mes os, ils m’ont regardé, ils m’ont considéré attentivement, ils se sont partagé mes vêtements, et ont tiré ma robe au sort 4 ». Et pour t’apprendre que c’est en lui que tout cela s’est accompli, il récita le commencement du psaume: « Ô Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous délaissé 5 ? » Et toutefois c’était au nom de ses membres qu’il parlait ainsi, car jamais le Père n’abandonna son fils unique. « Vous m’avez racheté, Seigneur, Dieu de vérité ». Vous êtes le Dieu de vérité, car vous faites ce que vous avez promis, et nulle de vos promesses n’est sans effet.

12. « Vous haïssez ceux qui s’attachent inutilement à la vanité ». Qui s’attache à la vanité ? Celui qui meurt par la crainte de la mort. La crainte de la mort le fait mentir, et il meurt avant même de mourir, lui qui ne mentait qu’afin de vivre. Tu mens, pour ne pas mourir, et alors tu as le mensonge et la mort : en voulant te dérober à une mort que tu peux différer un peu, mais non éviter, tu encours une double mort, celle de l’âme, et ensuite celle du corps. D'où vient ce malheur, sinon de ton attachement aux vanités ? C’est que ce jour qui fuit a de l’attrait pour toi, tu fais tes délices du temps qui s’envole, dont tu ne peux rien retenir, qui au contraire t’emporte avec lui. « Vous haïssez ceux qui s’attachent sans profit à la vanité. » Pour moi, qui n’aime point la vanité, je mets en Dieu mon espoir. Tu espères dans ton argent, c’est t’éprendre de la vanité; tu espères dans les honneurs, dans le faste de la grandeur humaine, c’est t’éprendre de la vanité; tu espères dans quelque ami puissant, c’est t’éprendre de la vanité. Quand tu as unis ton espoir en tout cela, ou bien tu l’abandonnes par la mort; ou, si tu vis, tout vient à périr, et ton espoir est trompé. C’est de cette vanité, que le Prophète lsaïe disait : « Toute chair n’est que de l’herbe, et toute sa gloire n’est que la fleur d’une herbe : l’herbe se dessèche et la fleur tombe, mais la parole du Seigneur demeure éternellement 1 ». Pour moi, loin d’imiter ceux qui espèrent dans la vanité, s’attachent à la vanité, j’ai mis mon espoir en Dieu qui n’est point la vanité. 1. Ps. XXX, 5.— 2. Id. 6.— 3. Luc, XXIII, 46; Jean, XIX, 30.— 4. Ps. XI, 17-19. — 5. Id. 2.

13. « Je me réjouirai, je triompherai dans votre miséricorde », et non dans ma propre justice. « Car vous avez regardé ma bassesse, vous avez arraché mon âme aux vicissitudes, et vous ne m’avez point resserré entre les mains de mes ennemis 2 ». Quelles sont ces vicissitudes dont nous voulons que notre âme soit délivrée ? qui pourra les énumérer ? qui en dira l’étendue ? qui surtout nous dira combien elles sont à fuir, à éviter ? Une première peine, et peine cruelle parmi les hommes, c’est de ne point connaître le cœur du prochain, de soupçonner presque toujours les sentiments d’un ami fidèle, et d’avoir presque toujours bonne opinion d’un ami infidèle. Déplorable nécessité ! Que fais-tu pour voir dans les cœurs ? de quel regard les verras-tu, homme faible et misérable ? Que fais-tu pour voir aujourd'hui le cœur de ton frère ? Tu n’as rien à faire. Mais une misère plus déplorable encore, c’est que tu ne sois pas ce que ton cœur sera demain. Que dirai-je des autres misères de notre nature ? Il nous faut mourir, et nul ne veut mourir. Nul ne veut ce qui doit lui arriver de gré ou de force. Déplorable condition, de rejeter ce que l’on ne saurait éviter. Car si nous le pouvions, nous ne consentirions jamais à mourir: nous souhaiterions de devenir comme les anges, mais par un certain changement, et non en passant par la mort, comme l’a dit l’Apôtre : « Dieu nous donnera une autre maison, Une maison qui ne sera point faite par la main des hommes, une maison éternelle dans le ciel. C’est pourquoi nous gémissons, désirant être revêtus de la gloire de cette maison céleste comme d’un second vêtement. Si toutefois nous sommes trouvés vêtus, et non pas nus. Pendant que nous sommes dans ce corps comme dans une tente, nous gémissons sous sa pesanteur, parce que nous désirons, non pas d’être dépouillés, mais d’être comme revêtus par dessus; en sorte que ce qu’il y a de mortel, soit absorbé par la vie 1 ». Nous voulons arriver au royaume de Dieu, mais non par le chemin de la mort; et toutefois la nécessité vient nous dire: Tu en viendras là. Tu ne veux point en venir là, ô homme fragile, et c’est par là que Dieu est venu jusqu'à toi. Quelle dure nécessité aussi, de vaincre nos désirs vieillis, nos habitudes invétérées ! Vaincre une habitude, c’est un douloureux combat, tu le sais. Tu vois bien que tes actes sont mauvais, sont détestables, malheureux, et néanmoins tu t’obstines: ce que tu as fait hier, tu le feras demain. Si mon langage te déplaît à ce point, combien ta propre pensée doit te peser ! Et néanmoins tu retomberas encore. D'où vient cet entraînement ? Qui peut l’assujettir jusque-là ? Y a-t-il dans tes membres une loi contraire à la loi de ton esprit ? crie alors : « Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre Seigneur 2 ». Et alors s’accomplira en toi ce que je disais tout à l’heure : « Pour moi j’ai mis mon espoir dans le Seigneur : je tressaillirai et je triompherai dans votre miséricorde, parce que vous avez jeté les yeux sur mon humiliation, et arraché mon âme aux assujettissements de cette vie ». D’où vient que ton âme a été dégagée de ces assujettissements, sinon parce que Dieu a jeté un regard sur ton humilité? Si tu ne te fusses humilié, il ne t’aurait point exaucé en dégageant ton âme des sujétions de la vie. Il s’humiliait, celui qui disait: « Malheureux homme que je suis! qui me délivrera de ce corps de mort? » Mais ils ne s’humiliaient point, ceux qui, « méconnaissant la justice de Dieu, et voulant établir leur propre justice, ne se sont point soumis à celle de Dieu 3 ». 1. II Cor. V, l-4. — 2. Rom. VII, 23.— 3. Id. X, 3. 1. Isa. XI, 6. — 2. Ps. XXX, 8. (263)

14. « Vous ne m’avez point resserré entre les mains de mon ennemi » : non point de ton voisin ni de ton copartageant, ni de ce compagnon d’armes que tu as blessé, ni de quelqu’un de ta propre ville que tu as peut-être offensé par tes injures. Nous nous sommes mis dans l’obligation de prier pour tous ceux-là. Mais nous avons un autre ennemi qui est le diable, l’antique serpent. Tous, nous échapperons à sa puissance par la mort, si notre mort est sainte. Quiconque meurt dans le péché, est jeté par cette mort funeste entre les mains du diable, pour être avec lui condamné à un supplice sans fin. C’est donc le Seigneur notre Dieu qui nous arrache aux étreintes de l’ennemi; et cet ennemi veut nous prendre par le moyen de nos convoitises. Or, nos convoitises, quand elles grandissent au point de nous assujettir, elles s’appellent des nécessités. Donc, une fois que le Seigneur aura délivré notre âme de ces nécessités, quelle prise aura le démon sur nous, pour nous assujettir à sa puissance ?

15. «Vous avez affermi mes pas dans la voie spacieuse 2 ». Assurément la voie est étroite 3; étroite pour l’âme servile, mais large pour l’amour; l’amour élargit ce qui est trop resserré. « Vous avez affermi mes pas», dit-il, « dans la voie spacieuse », de peur que mes pieds, trop à l’étroit, ne vinssent à s’embarrasser, et par cet embarras causer ma chute. Qu’est-ce à dire: « Vous avez mis mes pieds dans un lieu spacieux ? » Vous m’avez rendu faciles ces œuvres de justice, autrefois si pénibles: tel est le sens de cette parole : « Vous avez mis mes pieds dans un lieu spacieux ».

16. « Ayez pitié de moi, mon Dieu, parce que je suis dans l’affliction; votre colère jeté le trouble dans mes yeux, dans mon âme et dans mes entrailles; ma vie a défailli dans la souffrance, et mes années dans les gémissement 4 ». Que cela suffise à votre charité, mes frères; une autre fois, avec le secours de Dieu, nous achèverons le reste de notre dette, afin de terminer le psaume avant notre départ. 1. Ps. XXX, 9.— 2. Ibid.— 3. Matt. VII, 14.— 4. Ps. XXX, 10,11.





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Message par Invité Jeu 6 Mai 2021 - 15:44


SUITE DU POSTE PRÉCÉDENT




Saint Augustin (354-430)

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DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXX.
DEUXIÈME SERMON.  CONTRE LES DONATISTES.

Ce sermon, qui embrasse le second tiers du psaume, a pour objet les douleurs et les gémissements de lEglise à cause des mauvais chrétiens et des Donatistes.


1. Reportons, mes frères, notre attention sur la suite du psaume, et considérons-nous dans la personne du Prophète. Car si nous comprenons que nous sommes dans un temps d’affliction, nous aurons de la joie, au jour de la récompense. Je vous ai fait remarquer, mes frères, en exposant les premiers versets de notre psaume, que c’est Jésus-Christ qui parle; je ne vous ai point déguisé que le Christ ici se doit dire du chef et des membres; et il me semble que les témoignages des Écritures que j’ai cités, établissaient, avec la dernière évidence et de manière à n’en pas laisser douter, que le Christ s’entend de la tête et du corps, de l'Époux et de l'Épouse, du Fils de Dieu et de l’Eglise, du Fils de Dieu fait homme pour nous, afin d’élever les fils des hommes à la qualité de fils de Dieu; afin que, par un sacrement ineffable, ils fussent deux dans une même chair, comme ils sont deux dans une même voix chez les Prophètes. Le psalmiste a donc remercié Dieu par ces paroles : « Vous avez regardé favorablement ma bassesse; vous avez arraché mon âme à ses sujétions, vous ne m’avez point resserré entre les mains de mon ennemi, et vous avez mis mes pieds au large (Ps. XXX, 8, 9.) ». Telles sont les actions de grâces de l’homme échappé à la tribulation, de tous les membres du Christ échappés à la douleur et aux embûches. « Ayez pitié de moi, Seigneur », s’écrie-t-il de nouveau, « parce que je suis opprimé ». S’il est opprimé, il est à l’étroit; comment disait-il alors : « Vous avez mis mes pieds au large ? » Comment ses pieds sont-ils au large, s’il est encore dans l’oppression ? A moins peut-être qu’il n’y ait qu’une seule voix, comme il n’y a qu’un seul corps qui parle; mais que plusieurs membres soient au large et d’autres à l’étroit, c’est-à-dire que plusieurs trouveraient faciles les œuvres de justice, tandis que d’autres gémiraient dans l’angoisse ? Car si les membres n’étaient point dans des situations différentes, l’Apôtre ne dirait point : « Si un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui; et si un membre reçoit de l’honneur, tous les autres s’en réjouissent avec lui 1 ». Quelques églises, par exemple, ont la paix, d’autres sont dans la tribulation; chez celles qui sont en paix, les pieds sont au large, tandis qu’ils sont à l’étroit chez celles qui sont dans l’angoisse : mais la douleur des uns afflige ceux qui sont en paix, et la paix des autres console ceux qui souffrent. Il y a donc dans lu corps une telle unité, que tout schisme en est banni, et le schisme n’est que le fruit de la dissension. La charité forme le lien, le lien resserre l’unité, l’unité conserve la charité, la charité arrive aux splendeurs éternelles. Que le corps donc s’écrie au nom de quelques membres : « Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans l’angoisse, votre colère a jeté le trouble dans mes yeux, dans mon âme et dans mes entrailles 2 ».

2. Cherchons alors d’où vient cette tribulation, puisque, tout à l’heure, l’interlocuteur paraissait s’applaudir de sa délivrance, ainsi que de la justice dont Dieu avait généreusement enrichi son âme, et du large espace que la charité avait tracé à ses pieds. D'où vient donc cette affliction, sinon peut-être de cette parole qu’a dite le Seigneur : « Et comme abondera l’iniquité, la charité de plusieurs se refroidira 3 ». Car, après que le Seigneur eut recommandé le petit nombre des saints, il fit jeter le filet à la mer, et l’Eglise prit de l’accroissement, d’innombrables poissons furent saisis, selon cette prédiction : « J’ai publié ces merveilles, je les ai prêchées, et les auditeurs se sont multipliés à l’infini 1 ? » Aussi les barques ont-elles failli être submergées, les filets rompus, comme il est dit de la première pêche du Seigneur avant la passion 2. Telle est donc la foule qui se presse dans nos églises, aux fêtes de Pâques, et que leurs murailles trop étroites peuvent à peine contenir. Comment cette multitude n’affligerait-elle point celui qui voit dans les spectacles, dans les amphithéâtres, les mêmes hommes qui remplissaient naguère nos églises ? Quand il voit dans les infamies, ceux qui tout à l’heure chantaient les louanges de Dieu ? Quand il entend le blasphème dans ces bouches qui répondaient : Amen ? Toutefois qu’il persévère, qu’il s’obstine, qu’il ne s’affaiblisse pas au milieu de cette foule innombrable des méchants, puisque le bon grain ne perd rien au milieu des pailles, jusqu'à ce qu’il soit vanné et mis au grenier, c’est là qu’il sera au milieu des saints, à l’abri de toute poussière qui pourrait le troubler. Qu’il persévère, car le Seigneur lui-même, après avoir dit que « le grand nombre d’iniquités fera refroidir la charité de beaucoup », veut empêcher que cette foule d’iniquités ne fasse chanceler nos pas et ne cause notre chute, et pour maintenir les fidèles, pour les consoler, pour les encourager, il ajoute ces paroles: «Celui-là sera sauvé qui aura persévéré jusqu'à la fin 3 ». 1. II Cor. XII, 26. — 2. Ps. XXX, 10. — 3. Matt. XXIV, 12. (265)

3. Considérons que telle est l’affliction de l’interlocuteur du psaume. Cette affliction devrait lui arracher des plaintes, puisque toute affliction porte à la tristesse, et néanmoins dans sa douleur il se dit en colère, et il s’écrie : « Ayez pitié de moi, car la colère a troublé mes yeux ». Pourquoi cette colère, si vous êtes dans l’affliction ? Il s’irrite contre les péchés des autres. Qui ne serait transporté de colère en voyant des hommes qui confessent de bouche le Seigneur, et qui le renient par leurs mœurs ? Qui ne s’irriterait, en voyant des hommes renoncer au monde en parole et non en réalité ? Qui verrait froidement les frères dresser des embûches à leurs frères, et devenir parjures dans ce baiser qu’ils se donnent en recevant les sacrements ? Et qui dirait tous ces sujets de colère pour le corps du Christ qui vit intérieurement de son esprit, et qui gémit comme le bon grain mêlé avec la paille? A peine sont-ils visibles ceux qui gémissent de la sorte, qui entrent dans ces colères; comme on voit à peine le grain quand on le foule dans l’aire. Quiconque ne saurait point le nombre d’épis jetés dans l’aire pourrait croire qu’il n’y a que de la paille; mais sous ce monceau que l’on croirait être entièrement de la paille, le vanneur découvrira beaucoup de bon grain. C’est donc dans ces fidèles qui gémissent en secret, que s’irrite celui qui a dit ailleurs : « Le zèle de votre maison me dévore 1 ». Et dans un autre endroit, à la vue du grand nombre des méchants, il s’écrie : « La défaillance m’a saisi « à la vue de tous ceux qui abandonnent votre loi 2 », et plus loin encore : « J’ai vu les prévaricateurs et j’ai séché dans l’angoisse 3 ». 1. Ps. XXXIX, 6.— 2. Luc, V, 6 — 3. Matt. XXIX, 13.

4. Toutefois il est à craindre que cette colère n’arrive jusqu'à la haine; car une colère n’est point encore la haine. On se fâche contre un fils, on ne le hait point pour cela : tu conserves l’héritage à celui qui tremble de-vaut ton irritation; et ta colère même n’a d’autre but que de prévenir sa ruine qu’amèneraient ses dérèglements. La colère n’est donc pas encore la haine, et souvent nous sommes loin de haïr l’homme contre lequel nous sommes en colère. Mais que cette colère dure quelque peu dans notre âme, qu’elle n’en soit pas bannie promptement, elle grandit et se tourne en haine. C’est pour nous engager à étouffer toute colère avant qu’elle arrive à la haine, que l’Ecriture nous avertit « de ne point laisser coucher le soleil sur, notre colère 4 ». On rencontre parfois un chrétien qui a de la haine, et qui reprend chez un autre un acte de colère; il fait un crime à un autre de sa colère, et lui-même nourrit de la haine; il a une poutre dans son œil, et il blâme son frère d’avoir une paille dans le sien 5. Cette paille néanmoins, ce petit rejeton, deviendra une poutre, s’il n’est arraché promptement. Le psalmiste ne dit donc point : Mon œil s’est fermé de colère, mais « s’est troublé ». L’extinction serait l’effet de la haine et non de la colère. Voyez que la haine éteindrait complètement son œil « Celui-là », dit saint Jean, « qui hait son frère est encore dans les ténèbres 6 ». Donc l'œil est d’abord troublé par la colère avant d’arriver aux ténèbres; mais veillons à ce que la colère ne dégénère point en haine, et que notre œil ne s’éteigne point. « La colère a jeté le trouble dans mes yeux », dit le psalmiste, « et dans mon âme et dans mes entrailles », c’est-à-dire, a troublé tout ce qui est au dedans de moi, car les entrailles désignent l’intérieur. Il est quelquefois permis de s’irriter contre les méchants, les pervers, les violateurs de la loi, les gens de mauvaise vie, mais il n’est point permis de crier. Or, cette colère qui ne doit pas éclater en cris, est chez nous un trouble intérieur. Le mal est parfois si grand, qu’on ne peut même le reprendre.
1. Ps. LXVIII, 10.— 2. Id. 118, 53.— 3. Id. 158.— 4. Eph. IV, 28. — 5. Matt. VII, 3. — 6. I Jean, II, 11. (266)

5. « Ma vie a langui dans la douleur, et mes années dans les gémissements 1 ». « Ma vie », dit le Prophète, « est une douloureuse défaillance ». Saint Paul a dit aussi : « Nous vivons maintenant, si vous demeurez fermes dans le Seigneur 2 ». Tous ceux qui ont trouvé la perfection dans l'Évangile et dans la grâce, ne vivent plus que pour les autres. Car il n’y a plus pour eux-mêmes nécessité de vivre ici-bas. Mais comme les autres ont besoin de leurs services, alors s’accomplit en eux ce mot de l’Apôtre : « J’ai le vif désir d’être dégagé des liens du corps, et d’être avec Jésus-Christ, ce qui est sans comparaison le meilleur; mais il est plus avantageux pour vous que je demeure en cette vie 3 ». Donc, pour l’homme qui voit que ses services, ses travaux, sa prédication demeurent sans fruit chez les autres, sa vie languit dans l’indigence. Funeste indigence ! faim déplorable ! Car ceux que nous gagnons à Dieu, sont pour l’Eglise une nourriture. Que dis-je, une nourriture ? Oui, elle la fait passer par son corps, de même que toute nourriture en nous passe par notre corps. Telle est l’oeuvre de I’Eglise par les saints; elle a faim de ceux qu’elle veut gagner, et quand elle a pu les gagner, elle s’en fait une sorte de nourriture. C’est l’Eglise que figurait saint Pierre, quand il vit descendre du ciel un vaste linceul contenant toutes sortes d’animaux, des quadrupèdes, des reptiles, des oiseaux, lesquels, à leur tour, figuraient toutes les nations. Le Seigneur nous montrait que l’Eglise devait absorber tous les peuples de la terre, et les changer en son corps; aussi dit-il à Pierre : « Tue, et mange 4 ». Tue et mange, ô sainte Eglise, ô Pierre, puisque sur cette pierre je bâtirai mon Eglise 5. Tue d’abord, mange ensuite; tue ce qu’ils sont, et fais-les ce que tu es. Quand on prêche l'Évangile, et que le prédicateur voit que les hommes n’en tirent aucun avantage, pourquoi ne s’écrie-t-il pas : « Ma vie s’affaisse dans la douleur, et mes années dans les gémissements. Ma vigueur s’affaiblit dans l’indigence, et le trouble est dans mes os 1 ? » Les années que nous passons ici-bas s’écoulent dans les gémissements. Pourquoi ? « Parce que l’iniquité abonde, et que la charité de plusieurs se refroidit 2 ». Ce sont des gémissements et non de hauts cris. Quand l’Eglise voit la foule courir à sa perte, elle dévore ses propres plaintes, et dit à Dieu : « Du moins mes gémissements ne sont point secrets pour vous 3 ». Cette parole d’un autre psaume, et qui s’accorde bien avec celui-ci, veut dire : mes gémissements peuvent être cachés pour les hommes, et jamais pour vous ils ne sont en oubli. « Ma force languit dans l’indigence, et le trouble est dans mes os ». Nous avons déjà fait connaître cette indigence. Par ossements, on entend les hommes forts de l’Eglise; ceux qui ne craignent point les persécutions, s’émeuvent quelquefois des iniquités de leurs frères. 1. Ps. XXX, 11.— 2. I Thes, III, 8.— 3. Philipp. I, 23, 24.— 4. Act. 2, 13. — 5. Matt. XVI, 18.

6. « Je suis plus en opprobre que tous mes ennemis, c’est un excès pour mes voisins, un effroi pour ceux qui me connaissent ». Quels sont les ennemis de 1’Eglise? Les païens et les Juifs ? La vie d’un mauvais chrétien est pire que leur vie. Voulez-vous comprendre comment elle est plus dépravée ? Le prophète Ézéchiel compare ces ennemis à des sarments inutiles 4. Supposez que les païens sont les arbres d’une forêt qui est en dehors de l’Eglise, on peut encore en tirer quelque partie, comme un ouvrier trouve un morceau qui lui convient dans des bois ouvrables; s’il y trouve des nœuds, des courbures, de l’écorce, il tranche, il scie, il aplanit, afin de l’approprier à l’usage des hommes. Mais le bois de sarment ne donne aucun fruit, et s’il est retranché de la vigne, l’ouvrier n’en peut rien faire, il n’est bon qu’à être jeté au feu. Ecoutez bien, mes frères; partout on préfère au bois des forêts le sarment qui tient à la vigne, car alors il donne du fruit; mais quand la serpe du vigneron l’a séparé de la vigne, on lui préfère le bois des forêts, dont l’ouvrier peut tirer parti, tandis que le bois de sarment n’est recherché que par celui qui fait du feu. A la vue donc de cette grande foule qui mène dans l’Eglise une vie désordonnée le Prophète s’écrie : « Mon opprobre est bien supérieur à celui de mes ennemis ». Ils vivent plus mal en participant à mes sacrements, que ceux qui n’y ont pris aucune part. Pourquoi ne pas le dire franchement en latin, quand nous expliquons un psaume ? Et si nous sommes plus réservés en d’autres temps, du moins que la nécessité d’exposer ce que nous traitons, nous donne la liberté de réprimer les désordres. « Plus que tous mes ennemis, je suis dans l’opprobre ». C’est de ceux-là que saint Pierre a dit : « Leur dernier état devient pire que le premier; il eût mieux valu pour eux qu’ils ne connussent point la voie de la justice, que de retourner en arrière, après l’avoir connue, et d’abandonner la loi sainte qui leur avait été donnée ». Mais dire « qu’il eût été meilleur pour eux de ne point connaître la voie de la justice », n’est-ce point juger que nos ennemis, placés hors de I’Eglise, sont dans une position meilleure que les chrétiens qui vivent dans le désordre, surchargeant ainsi et suffoquant l’Eglise ? « Il eût mieux valu », dit cet apôtre, « ne pas connaître la voie de la justice, que de retourner en arrière après l’avoir connue, et d’abandonner la loi sainte qui leur a été donnée 1 ». Voyez ensuite quelle horrible comparaison il fait à leur sujet : « Il leur est arrivé ce que dit un proverbe bien vrai : Le chien est retourné à son vomissement 2 ». Et puisque tant de chrétiens semblables encombrent nos églises, le petit nombre des bons qui s’y trouvent, ou plutôt l’Eglise par la voix de ce petit nombre, n’a-t-elle pas raison de s’écrier : « Plus que tous mes ennemis je suis un objet d’opprobre; c’est le comble pour mes voisins; c’est un effroi pour ceux qui me connaissent ? » Je suis au comble de l’opprobre aux yeux de tues voisins, c’est-à-dire, ceux qui s’approchaient de moi pour embrasser la foi, ou ceux qui étaient le plus près de moi, ont cédé à la répulsion en voyant la vie désordonnée des mauvais et des faux chrétiens. Combien d’hommes, voyez-vous, mes frères, qui voudraient être chrétiens, et qui reculent devant les mœurs dépravées des mauvais chrétiens ! Ce sont là nos voisins qui s’approchaient de nous, et qui ont reculé devant l’excès de nos opprobres. 1. II Pierre, II, 20, 21. — 2. Id. 22. 1. Ps. XXX, 11. — 2. Matt. XXIV, 12. — 3. Ps. XXXVII, 10. — 4. Ezéch. XV, 2. (267)

7. « Ceux qui me connaissent en sont dans l’effroi ». Pourquoi tant craindre ? « Ceux qui me connaissent », dit le psalmiste, « sont dans l’effroi ». Qu’y a-t-il de si effrayant pour un homme, de voir dans le désordre une si grande foule, de trouver dans la dépravation ceux dont il avait les meilleures espérances ? Il craint alors que tous ceux qu’il a crus bons ne leur soient semblables, et presque toute âme honnête alors devient suspecte. Quel homme ! dit-on. Comment descend-il si bas ? Comment le surprend-on dans ces infamies, dans ces actes hideux, dans ces actions détestables? Tous les chrétiens, pensez-vous, ne lui ressemblent-ils point ? Tel est le sens de cette parole : « Ceux qui me connaissent sont dans l’effroi », ceux mêmes qui nous connaissent le plus, sont dans la défiance envers nous. Et si tu n’es soutenu par ta propre conscience, supposé que tu en aies une, tu croiras que nul autre ne te ressemble. Toutefois un homme se soutient par la conscience qu’il a de lui-même, et dans sa vie régulière, il se dit : Ô toi, qui trembles que tous les autres ne soient mauvais, l’es-tu donc toi-même ? Non, répond la conscience. Mais, si tu ne l’es pas, es-tu le seul pour en être à ce point ? Prends garde que l’orgueil chez toi ne dépasse leur dépravation. Loin de toi de te croire seul. Eue aussi, accablé d’ennui en voyant la foule innombrable des impies, s’écriait : « Ils ont égorgé vos prophètes, et détruit vos autels; voilà que je suis seul, et ils me cherchent pour me faire mourir ». Mais que lui répondit le Seigneur ? « Je me suis réservé sept mille hommes, qui n’ont pas fléchi les genoux devant Baal 1 ». Donc, mes frères, le remède à tous ces scandales, est que vous ne pensiez jamais mal de vos frères. Soyez humblement ce que vous voulez qu’ils soient, et vous ne penserez point qu’ils puissent être ce que vous-mêmes n’êtes point. Et néanmoins ceux qui nous connaissent, ceux mêmes qui nous ont mis à l’épreuve, doivent rester dans la crainte.

8. « Ceux qui me voyaient fuyaient loin de moi 2 ». Ceux qui ne m’ont point connu, sont dignes de pardon, même en s’éloignant de moi; mais ceux-là mêmes qui m’ont vu s’éloignent de moi. Si donc ceux qui m’avaient vu, prenaient la fuite au dehors, et loin de moi (quoique, à proprement parler, ils ne fuyaient pas au dehors, puisque jamais ils n’étaient entrés à l’intérieur, car s ils fussent entres a l’intérieur, ils m’eussent connu; c’est-à-dire ils eussent connu le corps du Christ, les membres du Christ, l’unité du Christ); si, dis-je, ils s’enfuient au dehors, voilà ce qu’il ya de plus déplorable, d’insupportable même, que cette foule qui m’a vu s’enfuie loin de moi; c’est-à-dire qu’après avoir connu ce qu’est l’Eglise, ils s’en aillent dehors former contre cette Eglise des schismes et des hérésies. Aujourd'hui, par exemple, tu vois un homme, qui est né chez les Donatistes, il ne sait où est l’Eglise; il demeure dans la religion où il est né, tu ne pourras lui arracher cette foi qu’il a sucée avec le lait de sa nourrice. Mais donnez-moi un homme, oui un homme qui feuillette l’Ecriture, qui la lit, qui la prêche. Est-il possible qu’il n’y trouve point ces paroles «Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage, et ton domaine s’étendra jusqu'aux confins de la terre « ? » N’y verra-t-il point : « Tous les confins de la terre seront ébranlés et se tourneront vers le Seigneur, et tous les peuples de l’univers se prosterneront devant lui 2 ? ». Si donc tu trouves ici l’unité de l’univers entier, pourquoi chercher au dehors, afin de t’aveugler toi-même, et de jeter les autres dans ton aveuglement ? « Ceux qui me voyaient », c’est-à-dire ceux qui connaissaient ce qu’est l’Eglise, qui l’envisageaient dans les Écritures, « ont pris la fuite au dehors et loin de moi ». Pensez-vous, mes frères, que tous les hérésiarques, dans les différentes parties du monde, n’aient point vu dans les divines Écritures, que l’Eglise n’est annoncée que comme la société qui doit embrasser l’univers entier ? Je vous le dis en vérité, mes frères : assurément nous sommes tous chrétiens, ou du moins tous nous portons le nom de chrétiens, tous nous sommes marqués au sceau du Christ; les Prophètes ont parlé du Christ plus obscurément que de l’Eglise; et si je ne me trompe, c’est que l’Esprit de Dieu leur montrait dans l’avenir, que les hommes formeraient des sectes à l’encontre de l’Eglise, soulèveraient contre elle de fortes discussions, et accepteraient plus facilement le Christ. C’est pour quoi le point qui devait être le plus contesté, a été annoncé, précisé avec plus de clarté, plus d’évidence, afin que cette évidence devînt un témoignage contre ceux qui ont lu ces prophéties, et néanmoins sont sortis de l’Eglise. 1. Ps. II, 8. — 2. Id. XXI, 28. 1. III Rois, XIX, 10; Rom. XI, 3. — 2. Ps. XXX, 12. (268)

9. Je n’en veux citer qu’un seul exemple. Abraham, qui est notre père, non parce que nous sommes sortis de lui, mais parce que nous imitons sa foi, était juste et agréable à Dieu; sa foi lui obtint dans sa vieillesse un fils nommé Isaac, et que Dieu lui avait promis de Sara son épouse 1. Dieu lui commanda de lui immoler ce même fils; et alors sans hésiter, sans délibérer, sans mettre en question l’ordre du Seigneur, sans regarder comme mauvais l’ordre qu’a pu intimer Celui qui est la bonté même, Abraham conduisit son fils pour le sacrifier, lui mit le bois sur les épaules, et étant arrivé à l’endroit marqué, il leva la main pour le frapper: à la voix du Seigneur, il abaissa cette main levée par son ordre 2. Pour obéir, il allait frapper, et pour obéir il s’abstint; toujours il obéit, jamais il n’est timide. Toutefois, afin que le sacrifice fût achevé, et qu’on ne s’éloignât point sans effusion de sang, il se trouva là un bélier dont les cornes étaient embarrassées dans un buisson; Abraham l’immola et le sacrifice fut achevé. Examinez cette histoire: c’est une figure symbolique de Jésus-Christ. Mais enfin, faisons jaillir la lumière par la discussion, soulevons les voiles afin de voir ce qu’ils cachent. Isaac, ce fils unique et bien-aimé, figurait le Fils de Dieu; il porte le bois comme le Christ porta sa croix 3; enfin ce bélier désignait encore Jésus-Christ. Qu’est-ce en effet qu’être attaché par les cornes, sinon être attaché au bois de la croix ? C’était là une figuré de Jésus-Christ. Mais il fallait aussitôt prédire l’Eglise, et après avoir annoncé la tête, annoncer le corps; l’Esprit-Saint, l’Esprit de Dieu veut à l’instant prédire l’Eglise à Abraham, et rejette les figures. C’était en figure qu’il annonçait le Christ et c’est ouvertement qu’il prédit l’Eglise; voici ce qu’il dit à Abraham : « Parce que tu as obéi à ma voix, et que tu n’as pas épargné ton fils unique à cause de moi, je te bénirai, je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel, et comme le sable des mers, et toutes les nations de la terre seront bénies en celui qui sortira de toi 1 ». Presque partout le Christ est prédit par les prophètes, sous les voiles du symbole, tandis que l’Eglise l’est directement : afin que ceux-là puissent la voir qui doivent se déclarer contre elle, et que s’accomplisse cri eux cette iniquité prédite par le psalmiste « Ceux qui me voyaient s’enfuyaient au dehors et loin de moi ». Ils sont sortis du milieu de nous, dit saint Jean, à propos de ces apostats, mais ils n’étaient pas de nous 2. 1. Gen. XXI, 2. — 2. Id. XX, 3. — 3. Jean, XIX, 17.

10. « J’ai été mis en oubli, comme un mort effacé du cœur 3 ». On m’oublie, je suis tombé dans l’oubli, ceux qui m’ont vu m’ont oublié, comme si j’étais mort dans leur cœur. Je suis oublié comme le mort effacé du cœur; je suis tomme un vase inutile 4 ». Pourquoi est-il comme le vase inutile ? Il se fatiguait, et ne servait à personne : il s’est alors considéré comme un vase, et comme il ne servait à personne, il s’appelle un vase inutile.

11. « J’ai entendu le blâme de ceux qui m’environnaient 5 ». Ils sont nombreux ceux qui demeurent autour de moi pour m’assaillir de leurs blâmes. Quelles imprécations ne font-ils point contre les mauvais chrétiens, imprécations qui retombent sur les chrétiens en général : « Celui qui jette sur nous le reproche ou le blâme, s’en vient-il dire : Voyez ce que font ceux des chrétiens qui sont mauvais ? Non, mais bien sans aucune distinction: Voilà ce que font les chrétiens. Tel est cependant le langage de ceux qui m’environnent, c’est-à-dire qui tournent autour de moi sans entrer. Pourquoi tourner ainsi et n’entrer point ? C’est qu’ils aiment le cercle du temps. Ils n’entrent pas dans la vérité parce qu’ils n’aiment pas l’éternité; attachés qu’ils sont aux choses temporelles, et comme liés à la roue; c’est d’eux que le Prophète a dit ailleurs : « Faites-leur des princes mobiles comme la roue 6 »; et encore : « Les impies tournent comme dans un cercle 7 ». Dans leurs complots contre moi, « ils délibéraient des moyens de me ravir mon âme ». Que signifie : « Ils délibéraient sur les moyens de me ravir mon âme ? » C’est-à-dire sur les moyens de m’amener à leur dépravation. Pour ceux qui maudissent l’Eglise, sans entrer dans son giron, c’est peu de n’y entrer point, ils veulent encore nous en faire sortir au moyen de leurs calomnies. Mais s’ils te font sortir de l’Eglise, ils se sont emparés de ton âme, ils ont surpris ton assentiment; alors tu es autour de l’Eglise, et non plus en elle. 1. Gen. XXI, 16 -18. — 2. I Jean, II, 19. — 3. Ps. XXX, 13. — 4. Ibid.— 5. Id. 14 — 6. Id. LXXXII, 14. — 7. Id. XI, 9.

12. Pour moi, au milieu de tant d’opprobres, de tant de scandales, de tant de maux et de tant de pièges, ne trouvant au dehors que l’injustice, au dedans que désordres, cherchant de toutes parts des. hommes que je pusse imiter, sans néanmoins en trouver, qu’ai-je fait ? à quel parti me suis-je arrêté ? « J’ai mis en vous mon espoir, ô mon Dieu 1 ». Rien de plus avantageux, ni de plus sûr. Tu voulais prendre je ne sais qui pour modèle, et tu ne l’as point trouvé bon; ne pense plus à l’imiter. Tu en as cherché un second, et je ne sais quoi te déplaît en lui; tu en cherches lin troisième qui ne te plaît pas davantage; faut-il que tu périsses, parce que ni l’un ni l’autre ne te plaisent ? Cesse d’espérer dans un homme, car « maudit celui qui a mis dans un homme son espoir 2 ». Vouloir t’appuyer sur un homme, l’imiter, en dépendre, c’est ne vouloir que du lait pour nourriture; c’est ressembler à des enfants qui veulent toujours la mamelle, alors même qu’il n’est plus convenable. Prendre du lait, vouloir que la nourriture ne nous arrive que par le canal de la chair, c’est là vouloir vivre par un homme. Sois donc en état de manger à table, de prendre cette nourriture qu’il prend, ou que peut-être il n’a jamais prise. Il est peut-être utile pour toi de n’avoir trouvé qu’un mauvais homme dans celui que tu croyais homme de bien, de n’avoir sucé dans cette mamelle que tu cherchais comme celle de ta mère, qu’une amertume qui t’en a repoussé, afin que cette déception te fît chercher une plus solide nourriture. C’est ce que font tous les jours les nourrices pour les enfants difficiles à sevrer; elles mettent sur leurs mamelles quelque chose d’amer, afin que ces enfants, repoussés par le dégoût, quittent la mamelle et recherchent la table. Disons donc: « C’est en vous, Seigneur, que j’ai mis mon espoir »; « j’ai dit: Vous êtes mon Dieu ». C’est vous, qui êtes mon Dieu; arrière Donat ! arrière Cécilien, ni l’un ni l’autre n’est mon Dieu, Ce n’est pas au nom d’un homme que je vis, c’est au nom de Jésus-Christ que je m’attache. Ecoute ce que dit saint Paul : « Est-ce que c’est Paul qui a été crucifié pour vous, ou bien est-ce au nom de Paul que vous êtes baptisés 1 ? » Je périrais si j’étais du parti de Paul, comment ne pas périr si je suis du parti de Donat ! Arrière donc les noms des hommes, les crimes des hommes, les rêveries des hommes ! « C’est en vous, Seigneur, que j’ai mis mon espoir »; j’ai dit : C’est vous qui êtes mon Dieu. Ce n’est point un homme, quel qu’il soit; c’est vous qui êtes mon Dieu. L’un avance, l’autre meurt; pour Dieu, il n’y a ni mort ni progrès; il n’y a nul progrès puisqu'il est parfait, comme nulle mort puisqu'il est éternel. « J’ai dit au Seigneur: C’est vous qui êtes mon Dieu ». 1. Ps. XXX, 14. — 2. Jérém. XVII, 5.

13. « Mon sort est entre vos mains 2 ». Non pas entre les mains des hommes, mais entre vos mains. Quel est mon sort ? Pourquoi l’appeler sort ? Le nom de sort ne doit point vous faire croire à des sortilèges. Le sort n’a rien de mauvais, mais dans le doute il indique aux hommes la volonté de Dieu. Les Apôtres eux-mêmes jetèrent le sort pour choisir un successeur à ce Judas qui périt après avoir trahi le Sauveur, ainsi qu’il était écrit de lui : « Il s’en est allé à sa place » : le suffrage des hommes en avait choisi deux, et l’un de ces deux fut choisi par le jugement de Dieu. Car il fut consulté pour savoir lequel des deux il voulait pour apôtre, et le sort tomba sur Matthias 3 ». Qu’est-ce donc : « Mon sort est entre vos mains ? » Autant que j’en puis juger, il appelle sort, la grâce par laquelle nous sommes sauvés. Pourquoi donner le nom de sort à la grâce de Dieu ? Parce que, dans le sort, il n’y a point de choix, mais la volonté de Dieu. Dire en effet : Celui-ci a fait le pacte, cet autre non, c’est considérer les mérites; et quand on pèse lus mérites, il y a un choix, et non plus un sort : et lorsque Dieu ne trouve en nous aucun mérite, il nous, sauve par le sort de sa volonté, c’est-à-dire parce qu’il le veut, et son parce que nous en étions dignes, voilà le sort. C’est avec raison que la tunique du Sauveur, tissu de haut en bas 4, symbole de la charité éternelle, et que les bourreaux ne pouvaient partager, fut tirée au sort; ceux qui l’eurent ainsi sont l’image de ceux qui partagent le sort des saints. « C’est la grâce qui nous sauve au moyen de la foi, et cela ne vient point de vous (c’est bien là le sort), cela ne vient point de vous, mais c’est un don de Dieu. Ce n’est point là le bénéfice de vos œuvres » (comme si vous aviez fait des œuvres capables de vous en rendre dignes), « ce n’est point le bénéfice de vos œuvres, afin que nul ne s’en glorifie. Nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christ dans les bonnes œuvres 1 ». Le sort, en ce sens, est comme une secrète volonté de Dieu. C’est donc un sort à l’égard des hommes, un sort qui émane de la secrète volonté de Dieu, en qui n’habite pas l’injustice 2. Car il ne fait point acception des personnes, mais sa justice cachée est un sort pour vous. 1. Cor. I, 13.— 2. Ps. XXX, 16.— 3. Act. I, 26.— 4. Jean, XIX, 23.

14. Redoublez donc d’attention, mes frères, et voyez comment. l’apôtre saint Pierre vient confirmer cette doctrine. Quand Simon le Magicien, baptisé par Philippe, s’attachait à lui sur la foi des miracles opérés en sa présence 3, les Apôtres vinrent à Samarie, où le magicien lui-même avait embrassé la foi et reçu le baptême. Ils imposèrent les mains sur les fidèles nouvellement baptisés, qui reçurent le Saint-Esprit et se mirent à parler diverses langues. Simon fut saisi d’admiration et d’étonnement à la vue de ce miracle qui faisait descendre le Saint-Esprit sur des hommes auxquels d’autres hommes imposaient les mains : il désira, non point cette grâce, mais cette puissance, non ce qui le saurait délivrer, mais ce qui devait satisfaire sa vanité. Absorbé par ce désir, et le cœur plein d’orgueil, d’une impiété diabolique, d’un amour de grandeur qui méritait d’être abattu, il dit aux Apôtres : « Combien faut-il vous donner d’argent pour que le Saint-Esprit descende sur les hommes à qui j’imposerai les mains ? » Cet homme qui ne cherchait que les choses temporelles, qui se tenait seulement autour de l’Eglise, pensait pouvoir à prix d’argent acheter le don de Dieu. Il crut qu’avec de l’argent il se rendrait maître de l’Esprit-Saint, et que les Apôtres seraient cupides, comme il était lui-même orgueilleux et impie. Mais Pierre lui dit : « Que ton argent périsse avec toi, qui as cru que le don de Dieu se peut acquérir à prix d’argent. Tu n’as ni part ni sort dans cette foi »; c’est-à-dire, tu n’appartiens pas à cette grâce que nous avons reçue gratuitement, puisque tu as pensé pouvoir avec de l’argent acheter un don qui est gratuit. Et parce qu’il est gratuit, il prend le nom de sort : « Tu n’as ni part ni sort dans cette croyance ». Je me suis étendu quelque peu, afin que cette expression : « Mon sort est entre vos mains », ne vous inspirât aucune terreur. Quel est ce sort ? L’héritage de l’Eglise. Quelles en sont les bornes ? Les bornes du monde. « Je te donnerai les nations en héritage, et ta possession s’étendra jusqu'aux confins de la terre (Ps. II, 8.) ». Que l’homme ne vienne donc point m’en promettre je ne sais quelle partie. « Mon sort, ô mon Dieu, est entre vos mains ». Que cela vous suffise aujourd’hui, mes frères; demain, au nom et avec le secours de Dieu, nous vous expliquerons le reste du psaume. 1. Eph. II, 8-10. — 2. Rom. IX, 14.— 3. Act. VIII, 13 et seqq. — 4. Ibid. (271)




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Message par Invité Jeu 6 Mai 2021 - 17:04


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Saint Augustin (354-430)

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DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXX.
TROISIÈME SERMON. ESPOIR DU JUSTE.

Nos ennemis à combattre sont le démon et les chrétiens indignes. Repoussons lun, séparons-nous des autres. Comment sou devons invoquer Dieu. Confusion des pécheurs. Nécessité de confesser hautement Jésus-Christ. Bonheur que Dieu fait goûter à ceux qui espèrent en lui.


1. Il nous reste un peu plus du tiers de ce psaume sur lequel nous avons déjà parlé deux fois, et je vois néanmoins qu’il faut en finir aujourd'hui. C’est pourquoi je prie de me pardonner, si je ne m’arrête point aux endroits qui sont clairs, afin de nous occuper de ceux qui ont besoin d’explication. Dans beaucoup de passages, le sens se présente naturellement à l’esprit, d’autres ont besoin d’être quelque peu éclaircis, d’autres enfin, quoique peu nombreux, exigent beaucoup d’attention pour être compris. Afin donc de mesurer le temps à vos forces et aux nôtres, voyez et reconnaissez avec nous ces passages qui sont clairs, louez-y Dieu: priez si le psaume est une prière, gémissez quand il gémit, tressaillez s’il est dans l’allégresse, espérez s’il espère, et craignez s’il exprime la crainte. Tout ce qui est écrit ici doit nous servir de miroir.

2. « Délivrez-moi des mains de mes ennemis, et de ceux qui me persécutent (Ps. XXX, 16) ». Faisons nous-mêmes cette prière, et que chacun de nous la fasse à propos de ses ennemis. Il est bon, et nous devons demander à Dieu qu’il nous délivre des mains de ceux qui nous haïssent. Mais faisons bien la part des ennemis. Il faut prier pour les uns, et prier contre les autres. Nous ne devons avoir aucune haine contre ceux qui nous haïssent, quels qu’ils soient; si tu hais celui qui te fait souffrir, au lieu d’un méchant, il y en a deux. Aimons donc celui-là même qui nous persécute, afin qu’il demeure seul dans sa malice, Les ennemis contre lesquels il nous faut prier, sont le diable et ses anges, qui nous envient le royaume des cieux, qui ne peuvent souffrir que nous occupions ces places d’où ils sont bannis; demandons que notre âme soit délivrée de leurs mains. Car les hommes deviennent souvent leurs instruments jusque dans la haine qu’ils ont pour eux. Aussi saint Paul, nous avertissant des précautions que nous devons prendre contre ces ennemis, dit ami chrétiens persécutés, et qui devaient endurer, tantôt les soulèvements, tantôt les fourberies, tantôt la haine des hommes : « Vous n’avez pas à combattre contre la chair et le sang, c’est-à-dire contre les hommes, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les princes de ce monde (Eph. VI, 12) ». De quel monde ? Est-ce du ciel et de la terre ? A Dieu (272) ne plaise ! Il n’y a d’autre prince de ce monde que celui qui l’a créé. De quel monde veut donc parler l’Apôtre ? De ceux qui aiment inonde. Aussi a-t-il ajouté comme explication : « Ce que j’appelle monde, ce sont ses ténèbres ». Quelles sont ces ténèbres, sinon les impies et les infidèles ? Et en effet, quand ils ont quitté leur état d’infidélité et d’impiété pour devenir pieux et fidèles, l’Apôtre leur parle ainsi : « Vous n’étiez autrefois que ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur: et vous avez à combattre » leur dit-il, «contre les esprits de malice répandus dans les airs, contre le diable et ses anges ». Vous ne voyez pas vos ennemis et vous les surmontez, « Arrachez-moi, Seigneur, aux mains de mes ennemis et de mes persécuteurs ».

3. « Projetez sur votre serviteur le reflet de votre face, et sauvez-moi dans votre miséricorde 2 ». Nous avons dit hier 3, si toutefois ceux qui ont entendu le discours d’hier s’en souviennent, que les principaux persécuteurs de l’Eglise sont les chrétiens qui refusent de vivre selon la foi. Ils sont l’opprobre de l’Eglise et lui font subir la violence de leur haine : qu’on les reprenne, qu’on les empêche de vivre dans le désordre, qu’on leur donne le moindre avertissement, aussitôt ils trament nue vengeance dans leurs cœurs et cherchent l’occasion d’éclater. C’est au milieu de ces chrétiens que gémit le Prophète, ou plutôt nous gémissons nous-mêmes : car ils sont nombreux, et c’est à peine si, dans cette grande foule, on peut discerner quelques fidèles, amine dans l’aire on voit peu de ce bon prain que le van doit séparer de la paille, afin qu’il remplisse les greniers du Seigneur 4. C’est donc au milieu d’eux qu’il dit en gémissant : « Projetez sur votre serviteur le reflet de votre face ». On regarde volontiers somme un opprobre que tous les chrétiens, et ceux qui vivent saintement, et ceux qui vivent dans le désordre, portent le même nom, soient tous marqués d’un même sceau, s’approchent tous d’un même autel, soient tous purifiés dans un même baptême, redisent tous la même oraison dominicale et assistent tous à la célébration des mêmes mystères. Quand pourra-t-on connaître ceux qui gémissent et ceux pour qui l’on gémit, si Dieu ne projette sur son vrai serviteur le reflet de sa face ? Mais que signifie : « Projetez sur votre serviteur le reflet de votre face ? » Faites voir que je vous appartiens; et que le chrétien impie ne puisse dire qu’il vous appartient, car alors le psalmiste aurait dit en vain : « Jugez-moi, Seigneur, et séparez ma cause de celle d’un peuple impie 1 ». Ces mots : « Séparez ma cause », ont le même sens que : « Projetez sur votre serviteur la lumière de votre face ». Et néanmoins, pour effacer tout orgueil, ou toute volonté de faire valoir sa propre justice, il ajoute ces paroles: « Sauvez-moi dans votre miséricorde »; c’est-à-dire, non point à cause de ma justice non plus que de mes mérites, mais « par votre miséricorde »; non que j’en sois digne, mais parce que vous êtes miséricordieux. Ne me traitez point avec la sévérité d’un juge, mais avec votre bonté inépuisable pour le pardon. « Sauvez-moi dans votre miséricorde ». 1. Eph. V, 8, VI, 12. — 2. Ps. XXX, 17. — 3. Sermon précédent n. 2 et suiv. — 4. Matt. III, 12.

4. « Seigneur, je ne serai pas confondu, parce que je vous ai invoqué 2 ». Le Prophète nous donne la grande raison pour laquelle il ne sera point confondu, « c’est qu’il vous a invoqué, ô mon Dieu ». Voulez-vous frustrer dans son espoir celui qui vous implore ? Voulez-vous que l’on dise : « Où est «donc ce Dieu, l’objet de son espoir?» Mais quel est l’homme, fût-il impie, qui n’invoque pas le Seigneur ? Si donc le Prophète ne pouvait dire d’une manière plus spéciale, et qui n’a rien de commun avec les autres : « Je vous ai invoqué », il n’oserait aucunement exiger de son invocation une telle récompense. Car il entendrait dans sa pensée cette réponse que lui ferait le Seigneur en quelque manière: Pourquoi me demander de n’être point confondu ? Pour quelle raison ? Parce que tu m’as invoqué ? Mais chaque jour les hommes ne me prient-ils point, afin de venir à bout des adultères mêmes qu’ils méditent? Dans leurs invocations, n’osent-ils pas appeler la mort sur ceux dont ils convoitent l’héritage ? Chaque jour encore, ne m’invoquent-ils pas pour mener à bonne fin la fraude qu’ils méditent? Pourquoi donc baser la grande récompense que tu exiges sur cette parole : « Que je ne sois pas confondu, puisque je vous ai invoqué ? » Ils invoquent à la vérité, répond le Prophète, mais ce n’est pas nous qu’ils invoquent. Tu invoques le Seigneur quand tu l’appelles en toi-même; car l’invoquer, c’est le supplier de venir en toi, et en quelque sorte dans la maison de ton cœur. Mais inviter un tel père de famille, tu n’oserais le faire, situ ne savais lui préparer une habitation convenable. Que le Seigneur en effet te réponde et te dise: Sur ton appel, me voici, où entrer ? Puis-je subir toutes les ordures de ta conscience ? Si tu invitais le moindre de mes serviteurs à entrer dans ta maison, n’aurais-tu pas soin d’y mettre d’abord la propreté? Voilà que tu m’appelles dans ton cœur, et ce cœur est plein de rapines. Ce lieu où tu appelles un Dieu est plein de blasphèmes, plein d’adultères, plein de rapines, plein de fraudes, plein de convoitises honteuses, et c’est là que tu me fais entrer! Comment le Prophète a-t-il parlé de ces hommes dans un autre psaume ? Ils n’ont point invoqué le Seigneur (Ps. XIII, 5; LII, 6), dit-il; sans aucun doute, ils l’avaient invoqué, et néanmoins ils ne l’ont pas invoqué. Je réponds en quelques mots à la question qui vient d’être soulevée : pourquoi un homme exige-t-il une si grande récompense, quand il ne peut alléguer uniquement que le mérite « d’avoir invoqué Dieu », et quand nous voyons tant de méchants l’invoquer aussi, telle est la question qu’il est bon de résoudre. Je dis donc un seul mot à l’avare : Tu invoques le Seigneur ? Pourquoi l’invoquer ? Pour qu’il m’enrichisse, répond-il. C’est donc le gain que tu invoques et non le Seigneur. Ces richesses tant convoitées ne se peuvent acquérir ni par ton serviteur, ni par l’intermédiaire de ton fermier, ni de ton client, ni de ton ami, ni de tes domestiques, et alors tu as recours au Seigneur, tu fais du Seigneur l’entremetteur de tes profits. C’est trop avilir Dieu. Veux-tu invoquer le Seigneur? Invoque-le gratuitement. Est-ce donc peu pour ton avarice que le Seigneur vienne en toi ? Et s’il y vient sans or ni argent, tu ne voudras point de lui ? Dans toutes ces créatures de Dieu, qu’est-ce qui pourra te suffire, si lui-même ne te suffit point ? C’est donc avec raison que le Prophète a dit : « Que je ne sois pas confondu, puisque je vous ai invoqué ». Invoquez le Seigneur, ô mes frères, si vous ne voulez être confondus. Celui qui tient ce langage redoute une certaine contusion, dont il a parlé au premier verset : « J’ai mis en vous mon espoir, ô mon Dieu, je ne serai point confondu pour l’éternité». Et pour nous bien préciser la confusion qu’il redoute, qu’a-t-il ajouté, après avoir dit: « Que je ne sois point confondu, parce que je vous ai invoqué? Honte aux impies », dit-il, « et qu’ils soient conduits dans les enfers », qu’ils tombent dans cette confusion qui sera éternelle. 1. Ps. XLII, 1. — 2. Id. XXX, 18.(273)

5. « Silence aux lèvres menteuses, qui profèrent l’outrage contre le juste avec orgueil et dédain (Ps. XXX, 19) ». Ce juste, c’est le Christ. De combien de lèvres débordent contre lui l’outrage avec le dédain de l’orgueil ? D’où viennent cet orgueil et ce dédain ? C’est qu’en venant dans son humilité, il a paru méprisable ana orgueilleux. Comment voulez-vous que des hommes qui raffolent des honneurs ne méprisent point celui qui s’est soumis à tant d’outrages? Comment ne serait-il pas méprisé par ceux qui font si grand cas de la vie, celui qui a voulu mourir ? Comment n’auraient-ils pas du mépris pour un crucifié, ceux qui regardent comme un opprobre la mort de la croix ? Comment des riches n’auraient-ils pas du mépris pour ce créateur du monde, qui mène ici-bas une vie pauvre? Tout ce quels hommes recherchent passionnément, Jésus-Christ s’en est abstenu, non par impuissance de le posséder, mais afin que son abstention nous en inspirât le mépris : et c’est pour cet qu’il encourt le mépris de tous ceux qui en raffolent. Tout fidèle qui voudra marcher dans les voies du Christ, et imiter ce qu’on lui enseigne de l’humilité de son divin Maître, sert méprisé dans le Christ, parce qu’il est membre du Christ. Il y a donc mépris pour la tête et pour les membres, et par conséquent pour Jésus-Christ tout entier, parce qu’il y a justice et dans le chef et dans les membres. Tant que Jésus-Christ tout entier soit méprisé par les impies et par les superbes, afin que tous paroles soient accomplies à leur sujet : « Silence aux lèvres menteuses, qui, avec le mépris et le dédain, versent l’iniquité sur le juste ». Quand seront-elles réduites an silence ? Ici-bas ? Jamais. Chaque jour elles profèrent des cris contre les chrétiens, principalement contre les humbles; chaque jour elles aboient l’outrage et le blasphème : ces langues impies attisent ainsi les douleurs de la soif qui doit les consumer dans l’enfer, où elles désireront la moindre goutte d’eau (274) sans l’obtenir 1. Ce n’est donc pas maintenant que doivent se taire les lèvres des impies. Mais quand ? Quand leurs iniquités s’élèveront contre eux pour les confondre, ainsi qu’il est écrit dans la Sagesse : « Alors les justes se tiendront avec une grande fermeté contre ceux qui les ont tourmentés. Ceux-ci diront à leur tour : « Voilà donc ceux que nous avons couverts d’insultes et d’outrages. Les voilà comptés parmi les enfants de Dieu, et leur partage est avec les saints ! Insensés que nous étions, nous regardions leur vie comme une folie 2 ». Alors seront réduites au silence les lèvres de ceux qui, avec le mépris de l’orgueil, profèrent l’outrage contre le juste. Aujourd'hui ils vous disent : Où est votre Dieu ? Qu’est-ce que vous adorez ? Que voyez-vous ? Vous croyez et votas souffrez; votre peine, voilà ce qui est certain; mais votre espérance est incertaine. Mais elles se tairont, ces lèvres menteuses, quand nous aurons recueilli ce bien qui est certain, et que nous espérons.

6. Considère alors ce qu’ajoute le Prophète, après avoir imposé silence aux lèvres menteuses qui profèrent avec mépris et dédain l’outrage contre le juste. Celui qui gémit de la sorte a considéré lui-même et ers esprit, de l'œil intérieur il a vu les biens de Dieu, il a vu ces biens qui ne se voient que dans le secret, et que l’impie ne saurait voir. Il a vu dès lors ces impies distiller l’outrage contre le juste avec un orgueilleux dédain, parce. qu’ils n’ont des yeux que pour les biens du monde, et nullement pour les biens à venir qu’ils ne savent pas même se figurer en pensée, Mais pour faire apprécier aux hommes les biens à venir, tandis qu’il nous ordonne le tolérer seulement et non d’aimer ceux de cette vie, le voilà qui s’écrie : « Combien est grande, ô mon Dieu, votre douceur 3 ! » Que l’impie me demande ici : Où est donc ce trésor de douceur ? Je lui répondrai: Comment pourrais-je montrer ce trésor de douceur, quand la fièvre de l’iniquité t’a fait perdre le goût ? Si tu ne connaissais le miel, tu n’en vanterais pas la douceur avant de l’avoir goûté. En, ton cœur n’a plus de palais pour goûter ces sortes de biens; que faire alors ? Comment te les montrer ? Je ne vois personne à qui je puisse dire : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux 4. Combien est grand, ô mon Dieu, le trésor de douceur que vous avez « caché pour ceux qui vous craignent 1 ! » Qu’est-ce à dire « caché ? » Que vous leur réservez et non que vous refusez, de sorte qu’eux seuls peuvent y arriver; car c’est un bien qui ne peut être commun aux bons et aux méchants; et ces premiers y arrivent par la crainte. Tant qu’ils ont la crainte, ils n’y sont point arrivés encore; mais ils espèrent y arriver, et ils commencent par la crainte. Rien n’est plus doux qu’une sagesse impérissable; mais le commencement de toute sagesse est la crainte du Seigneur 2. Et cette sagesse, « vous la réservez à ceux qui vous craignent. » 1. Luc, XVI,24.— 2.Sag. V, 1—5.— 3. Ps. XXX, 20.— 4. Id. XXXIII, 9.

7. « Vous l’avez fait sentir à ceux qui espèrent en vous, en présence des fils des hommes 3 ». Non point : vous l’avez fait sentir en présence des fils des hommes, mais bien « à ceux qui espèrent en vous en présence des fils des hommes »; c’est-à-dire, vous avez fait goûter votre douceur à ceux qui espèrent en vous devant les enfants des hommes. C’est en ce sens que le Seigneur a dit : « Celui qui renonce à moi devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père 4 ». Donc si tu espères dans le Seigneur, espère devant les hommes; ne cache point ton espérance au fond de ton cœur, ne crains pas de confesser que tu es chrétien, même devant ceux qui t’en font un crime. Mais à qui fait-on un crime aujourd'hui d’être chrétien ? Il y a si peu d’hommes qui ne le soient point, qu’il nous sied mieux de leur reprocher de ne l’être pas, qu’à eux de nous reprocher de l’être. J’ose néanmoins vous le dire, mes frères : commence, ô toi qui m’écoutes, commence à vivre en chrétien, et vois si tu n’en recevras pas des reproches, de ces chrétiens qui sont chrétiens de nom seulement, et non par la vie et les mœurs. Personne ne comprend mes paroles, s’il n’en a fait l’expérience. Ecoute donc bien mes paroles, et fais-y réflexion. Veux-tu vivre en chrétien ? veux-tu suivre les traces de ton Sauveur ? Que l’on t’en fasse un crime et tu en rougis, et cette fausse honte te fait tout abandonner. Te voilà hors du bon chemin. Il te semble que tu crois de cœur pour être justifié, mais tu as perdu ceci : « Il faut confesser de bouche pour arriver au salut 5 ». Si donc tu veux marcher dans la voie du Seigneur, il faut manifester ton espérance même devant les hommes, c’est-à-dire ne rougir jamais de cette espérance. De même que Dieu vit dans ton cœur, qu’il soit aussi dans ta bouche : car ce n’est point en vain que le Christ a voulu que son signe fût marqué sur notre front, qui est le siége de la pudeur; c’est afin que le chrétien ne rougisse point des opprobres du Christ. Si donc tu en agis de la sorte en présence des hommes, si devant eux tu ne rougis point du Christ, si devant les fils des hommes tu ne renies le Christ uni par tes oeuvres ni par tes paroles, espère que Dieu te fera sentir sa douceur. 1. Ps. XXX, 20.— 2. Prov. 1,7; Ps. CX, 10.— 3. Ps. XXX, 20 — 4. Matt. X, 33. — 5. Rom. X, 10.

8. Quel est le verset suivant ? « Vous les cacherez dans le secret de votre face 1 ». Quel est ce lieu ? Le Prophète ne dit point : Vous les cacherez dans votre ciel; ni: Vous les cacherez dans votre paradis; ni : Vous les cacherez dans le sein d’Abraham. Car les saintes Écritures donnent beaucoup de noms à ces lieux que doivent habiter les saints dans la vie future. N’attachons aucun prix à tout ce qui n’est pas Dieu. Qu’il soit lui-même notre habitation, ce Dieu qui veille sur nous, pendant notre habitation en cette vie : c’est en effet le langage que tenait plus haut le psalmiste: « Soyez pour moi un Dieu protecteur et un lieu de refuge 2 ». Donc nous serons cachés dans la face de Dieu. Mais attendriez-vous que je vous expliquasse la retraite qui est dans la face de Dieu ? Purifiez vos cœurs, afin que celui que vous invoquez puisse y entrer et les éclairer. Sois pour lui une demeure ici-bas, et il sera ta demeure éternelle; qu’il habite en toi, et tu habiteras en lui. Si tu le caches en cette vie en ton cœur, il te cachera dans sa face en l’autre vie. « Vous les cacherez », dit le Prophète, mais où ? « dans le secret de votre face contre le trouble des hommes ». Il n’y a plus de trouble pour ceux que dérobe cet asile mystérieux; plus de trouble dans le secret de votre face. Mais dès ici-bas, l’homme qui se voit en butte aux outrages des autres, parce qu’il sert Jésus-Christ, dont le cœur se réfugie en Dieu, mettant ainsi son espoir dans sa douceur, est-il assez heureux, selon vous, pour trouver dans la face du Seigneur un asile contre le trouble des hommes qui l’outragent, et un asile dont il ressente le bonheur ? Il entre en effet dans la face de Dieu, s’il est en état d’y entrer, c’est-à-dire si sa conscience n’est point chargée, si elle n’est point pour lui un fardeau en disproportion avec la porte étroite. « Vous les cacherez donc dans le secret de votre face, contre le trouble des hommes; vous les protégerez dans votre demeure contre les langues discordantes 1 ». Un jour donc, vous les cacherez dans le secret de votre face contre le trouble des hommes; afin que nul trouble humain ne puisse désormais les atteindre. Mais jusque-là, pendant que leur pèlerinage en cette vie expose vos serviteurs à des contradictions nombreuses, que ferez-vous pour eux ? « Vous les protégerez dans votre tente». Quelle est cette tente ? C’est l’Eglise d’ici-bas, ainsi appelée parce qu’elle est voyageuse sur cette terre. Caria tente est l’abri des soldats en campagne. Telle est la tente à proprement parler, mais la maison n’est pas une tente. C’est à toi de combattre alors que tu n’es qu’un voyageur en campagne, afin qu’après avoir été sous l’abri de la tente, tu aies dans la maison une réception glorieuse. Car le ciel sera éternellement ton palais, si tu vis saintement sous la tente, C’est donc sous votre tente, ô Dieu, que vous leur offrez un abri contre les langues de contradiction. On ne voit que des langues contradictoires, que des hérésies, que des schismes qui dogmatisent, une foule de langues qui contredisent la vraie doctrine: pour toi, va chercher un abri sous la tente du Seigneur, adhère à l’Eglise catholique sans t’écarter des règles de la vérité, et tu trouveras dans ce tabernacle un abri contre les contradictions des langues. 1. Ps. XXX, 21.— 2. Id. 3.

9. « Béni soit le Seigneur, parce qu’il a signalé sa miséricorde dans la ville qui m’environne 2 ». Quelle est cette ville qui m’environne ? Le peuple de Dieu n’habitait que la Judée, qui paraît être au milieu du monde; où l’on célébrait les louanges du Seigneur, où on lui offrait des sacrifices : où la prophétie publiait incessamment pour l’avenir les merveilles que nous voyons s’accomplir : ce peuple paraissait donc au milieu des nations. C’est là ce qui fixe l’attention du Prophète, et il voit que l’Eglise de Dieu sera au milieu des nations, que tous les peuples environnaient le peuple juif assis au milieu d’eux; il appelle ces peuples divers la cité qui l’environne. Il est vrai, Seigneur, que vous avez fait éclater à Jérusalem votre miséricorde; c’est là que le Christ a souffert, là qu’il est ressuscité, de là qu’il est monté aux cieux, là qu’il a opéré tant de prodiges : mais vous êtes plus admirable encore d’avoir fait éclater votre miséricorde dans cette ville qui l’environne, c’est-à-dire d’avoir tait tomber votre miséricorde comme une rosée sur toutes les nations, de n’avoir point enfermé dans Jérusalem, comme dans un vase, vos parfums exquis, d’avoir en quelque sorte brisé le vase, pour que le parfum se répandit dans le monde, et qu’ainsi fût accomplie cette parole de l’Ecriture : « Votre nom est comme un parfum répandu 1 ». C’est ainsi que vous avez fait éclater vos miséricordes dans la cité qui m’environne. Le Christ en effet s’est élevé au ciel, il est assis à la droite de son Père, dix jours après il a envoyé l’Esprit-Saint 2 : et pleins du Saint-Esprit, les disciples se sont mis à prêcher les merveilles du Christ, puis ils ont été lapidés, meurtris, chassés 3. Bannis en quelque sorte de cette ville unique, ils sont devenus par le feu divin comme des torches ardentes qui ont porté dans la forêt du monde la ferveur du Saint-Esprit, et la lumière de la vérité; et le Seigneur a fait éclater sa miséricorde dans la cité environnante. 1. Ps. XXX, 21.— 2. Id. 22. (276)

10. « Pour moi, j’ai dit dans mon extase ». Rappelez-vous le titre du psaume : voici l’extase dont il est parlé. Pesez bien les paroles voici ce qu’il dit : « Pour moi, j’ai dit dans mon extase: Me voilà rejeté loin de vos yeux ». J’ai dit dans ma frayeur, c’est là ce que signifie : « J’ai dit dans mon extase ». Il a été dans la stupeur, en face de je ne sais quelle tribulation, comme il y en a tant. Il s’est vu le cœur plein de frayeur et de trouble, et il s’est écrié : « Me voilà rejeté loin de vos yeux ». Si j’étais caché dans votre face, je ne craindrais pas de la sorte; si vous aviez l'œil sur moi, je ne serais point dans cette frayeur. Mais, comme il est écrit dans un autre psaume: « Quand je disais: Mon pied est ébranlé, votre miséricorde, ô mon Dieu, me soutenait aussitôt ». Et voilà que même ici le Prophète ajoute: « Aussi avez-vous entendu la voix de ma prière ». Parce que j’ai fait un humble aveu, et que j’ai dit : « Me voilà repoussé loin de vos yeux »; parce que, sans orgueil, j’ai accusé mon propre cœur, et que me sentant chanceler dans l’épreuve, j’ai crié vers vous : voilà que vous avez entendu ma prière; ainsi s’accomplit ce que j’ai cité de l’autre psaume. Car ces paroles : « J’ai dit dans mon extase: Me voilà rejeté loin de vos yeux », reviennent à celles-ci : « Quand je disais: Mon pied chancelle ». Et celles-ci : « Votre miséricorde, ô mon Dieu, me soutenait », ont le même sens que ces autres : « Vous avez entendu, Seigneur, la voix de ma prière ». Voyez tout cela s’accomplir en saint Pierre; il voit le Seigneur marchant sur les eaux, et le prend pour un fantôme. Le Seigneur s’écrie : « C’est moi, ne crains rien ». Pierre s’enhardit et répond « Si c’est vous, Seigneur, commandez-moi d’aller à vous sur les eaux 1 »; par là je verrai si c’est bien vous, si je puis, sur votre parole, faire ce que vous faites. Et le Seigneur : Venez; et la parole de celui qui ordonne devient la force de celui qui obéit. Venez, dit Jésus, et Pierre descend de la barque; il commence à marcher, il va sans crainte parce qu’il espère en Jésus : mais au souffle d’un vent violent, la crainte le saisit. « J’ai dit dans mon extase : Me voilà rejeté loin de vos yeux ». Et comme il commençait à enfoncer, il s’écria : Seigneur, je péris. Et Jésus lui tendant la main le souleva en disant : Homme de peu de foi, pourquoi douter ? J’ai dit dans ma frayeur : « Me voilà rejeté loin de vos yeux »; et quand il va périr dans la mer : « Vous avez, Seigneur, entendu ma voix quand j’en appelais à vous ». Cet appel à Dieu n’est point de la voix, mais du cœur. Beaucoup parlaient du cœur, et dont les lèvres se taisaient, et beaucoup aussi parlaient des lèvres, sans rien obtenir, parce que leur cœur était fort éloigné. Si donc tu veux crier vers Dieu, crie du fond du cœur, puisque c’est là qu’il écoute. Lorsque je criais vers vous, dit le Prophète, vous avez entendu la voix de ma prière. 1. Cant. I, 2. — 2. Act. I, 9. — 3. Id. VIII, 1.

11. Après en avoir fait une si douce expérience, à quoi nous engage le Prophète ? « Aimez le Seigneur, vous qui êtes ses saints 2 ». Comme s’il nous disait : Croyez-en à mon expérience; dans l’affliction j’ai invoqué le Seigneur, qui n’a -point frustré mon attente; j’ai mis en Dieu mon espoir, qui n’a pas été confondu : il a mis la lumière dans mes pensées, et m’a rassuré dans mon trouble. « Aimez le Seigneur, vous qui êtes ses saints » : c’est-à-dire, aimez le Seigneur, vous qui n’aimez pas le monde, ou vous qui êtes ses saints. Dirai-je, en effet, d’aimer le Seigneur à celui qui aime l’amphithéâtre ? Dirai-je d’aimer le Seigneur à celui qui aime et les mimes et les pantomimes, qui est enclin à l’ivrognerie, qui est épris des pompes du siècle, de toutes les vanités, de toutes les folies de l’erreur ? J’aime mieux leur dire : Apprenez à ne pas aimer, afin d’apprendre à aimer; détournez-vous, afin de vous retourner; répandez, afin de vous remplir ensuite. « Aimez. le Seigneur, ô vous qui êtes ses saints ». 1. Matt. XIV, 26-32. — 2. Ps. XXX, 24. (277)

12. « Car le Seigneur recherche la vérité 1 ». Vous le savez, mes frères, on voit aujourd'hui beaucoup d’hommes s’adonner au mal, beaucoup d’autres s’élever dans leur vanité, mais le Seigneur doit rechercher la vérité. « Il rendra au centuple à ceux qui agissent principalement par orgueil ». Supportez-les donc jusqu'à ce que vous les portiez à la tombe, souffrez-les jusqu'à ce que vous en soyez délivrés : car il faut que Dieu recherche la vérité et châtie ceux qui n’agissent que par orgueil. Mais, diras-tu, quand le fera-t-il ? A sa volonté. Sois assuré qu’il le fera, ne doute nullement de sa justice, et quant au moment de l’exercer, ne va pas témérairement donner des conseils à Dieu. il est certain qu’il recherchera la vérité, qu’il punira ceux qui agissent par excès d’orgueil. Il le fait pour quelques-uns dès cette vie; nous en avons été témoins, nous avons reconnu sa justice. En effet, quand le Seigneur humilie ceux qui le craignent, et qui ont pu jeter de l’éclat dans les dignités du monde, leur humiliation ne les a point abattus, parce qu’ils n’avaient point banni Dieu de leur cœur; leur élévation est alors Dieu lui-même. Job paraissait humilié, après avoir essuyé la perte de ses biens, la perte de ses enfants, la perte et des biens qu’il réservait en héritage 2, et de ceux qui devaient en hériter; il demeure sans héritage, et ce qui est plus triste, sans héritier; il demeura seul avec son épouse, qui était pour lui non plus une consolatrice, mais plutôt un instrument du diable 3 : il paraissait humilié; voyez s’il était misérable, et s’il n’était point caché dans la face de Dieu. « Je suis sorti nu du sein de ma mère », s’écria-t-il, « et nu je retournerai dans « la terre : le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté; comme il a plu au Seigneur, ainsi a-t-il été fait : que le nom du Seigneur soit béni 4 ». C’est la perle de la louange offerte à Dieu, et quelle en est la source ? Voyez, l’extérieur est pauvre, et à l’intérieur il y a des trésors. Cette perle des louanges de Dieu sortirait-elle de sa bouche, s’il n’avait un trésor enfoui dans son cœur ? Vous qui soupirez après les richesses, ce sont là les trésors qu’il vous faut convoiter, et que vous ne perdrez point dans un naufrage. Quand ces hommes sont humiliés, gardez-vous de les croire malheureux. Ce serait une erreur, car vous ne connaissez point leurs richesses intérieures. Frivoles amateurs du monde, vous les jugez d’après volas-mêmes; en perdant ces biens, vous ne trouvez plus que la misère, Gardez-vous de les juger ainsi, ils ont en eux. mêmes une source de joie. Leur maître habite en eux, il est leur pasteur, il les console intérieurement. Une chute n’est vraiment déplorable que pour ceux qui mettent leur espérance dans cette vie. Ôtez-leur ce qui brille au dehors, il ne leur reste que la fumée d’une mauvaise conscience. Ils n’ont plus rien qui les puisse consoler, rien par où se répandre au dehors, rien par où ils puissent rentrer en eux-mêmes, sans gloire mondaine, sans aucun don spirituel, ils sont dans un déplorable dénuement. C’est ainsi que Dieu en traite beaucoup dès ce monde, mais pas tous. S’il n’en traitait aucun, la divine Providence semblerait s’endormir, et s’il les châtiait tous, la patience divine disparaîtrait. Mais toi, ô chrétien, tu as appris à souffrir, et non à te venger. Voudrais-tu donc te venger, ô chrétien, quand le Christ n’est point encore vengé ? Quelle injure as-tu endurée qu’il n’ait point dû essuyer ? N’a-t-il pas le premier souffert pour toi, lui qui ne méritait pas de souffrir ? La tribulation est pour toi comme le creuset pour l’or; si toutefois tu es de l’or et non point de la paille, ce feu alors te fortifiera sans te réduire en cendres. 1. Ps.XXX, 24. — 2. Job, I. — 3. Id. II. 3. — 4. Id. I, 21.

13. « Aimez le Seigneur, vous qui êtes ses saints, parce que le Seigneur recherche la vérité et doit châtier ceux qui se livrent à l’orgueil ». Mais quand les châtier ? Si du moins il les châtiait de nos jours! si je les voyais aujourd'hui humiliés, renversés dans la poussière ! Ecoutez ce qui suit : « Agissez en hommes », ne laissez pas vos mains s’abattre dans la tribulation, ni vos genoux s’affaisser. « Agissez en hommes, et que votre cœur soit inébranlable ». Ayez donc le cœur, la force d’endurer et de souffrir tous les maux de cette vie. Mais à qui le Prophète adresse-t-il ces paroles : « Agissez en hommes et que votre coeur soit inébranlable ? » Est-ce aux hommes épris du monde ? Pas du tout. Mais écoutez quels sont ceux qu’il encourage : « Vous tous qui espérez dans le Seigneur». (278)




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Message par Invité Ven 7 Mai 2021 - 13:51


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Psaume 32 (31) - "L'aveu libère du péché"





Psaume 32 (31) - "L'aveu libère du péché" : Ps 32, 1 : De David. Poème. Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute !

Le psaume 32 (31 selon la numérotation latine) est attribué au roi David d'après l'indication du premier verset et fait partie des sept psaumes pénitentiels (Ps6; Ps32; Ps38; Ps51; Ps102; Ps130; Ps143).

Nommés aussi les sept psaumes de confession depuis le VIIe siècle, ils auraient été choisis par saint Augustin au début du Ve siècle.Avant la suppression de la tonsure par Paul VI en 1972, les sept psaumes pénitentiels qui expriment la tristesse du péché étaient donnés à lire aux nouveaux clercs tonsurés. Le psaume 31 (32) est donc le deuxième des sept psaumes de Pénitence et exprime la joie de l'homme qui a reçu le pardon de Dieu.
David ressent le bonheur d'une âme à qui Dieu a pardonné ses péchés, et représente cette grâce sous la figure d'un malade qui guérit.



Le Psaume 31 (32) en français : " Heureux qui est absous de son péché " (La Bible de Jérusalem, 1998)



Le Psaume 31 chanté par le Chœur des moines cistercien-trappiste de l’Abbaye de Tamié en Savoie.


Ps 31:1- De David. Poème. Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute !
Ps 31:2- Heureux l'homme à qui Yahvé ne compte pas son tort, et dont l'esprit est sans fraude !
Ps 31:3- Je me taisais, et mes os se consumaient à rugir tout le jour;
Ps 31:4- la nuit, le jour, ta main pesait sur moi; mon cœur était changé en un chaume au plein feu de l'été.
Ps 31:5- Ma faute, je te l'ai fait connaître, je n'ai point caché mon tort; j'ai dit : J'irai à Yahvé. Confesser mon péché. Et toi, tu as absous mon tort, pardonné ma faute.
Ps 31:6- Aussi chacun des tiens te prie à l'heure de l'angoisse. Que viennent à déborder les grandes eaux, elles ne peuvent l'atteindre.
Ps 31:7- Tu es pour moi un refuge, de l'angoisse tu me gardes, de chants de délivrance tu m'entoures.
Ps 31:8- Je t'instruirai, je t'apprendrai la route à suivre, les yeux sur toi, je serai ton conseil.
Ps 31:9- Ne sois pas comme le cheval ou le mulet qui ne comprend ni la rêne ni le frein qu'on s'avance pour le dompter, rien à faire pour qu'il s'approche de toi !
Ps 31:10- Nombreux sont les tourments pour l'impie; qui se fie en Yahvé, la grâce l'entoure.
Ps 31:11- Réjouissez-vous en Yahvé, exultez, les justes, jubilez, tous les cœurs droits.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.





Beatus, Cui Remissa Est Iniquitas: Ps.31 · Hartkeriana
Psalterium Currens (Invitatorium, Psalms 1-56)
℗ 2018 Psalterium Foundation


Le Psaume 31 (32) en latin : " Beatus, Cui Remissa Est Iniquitas "

Ps 31, 01 : Huic David intellectus beati quorum remissae sunt iniquitates et quorum tecta sunt peccata
Ps 31, 02 : beatus vir cui non inputabit Dominus peccatum nec est in spiritu eius dolus
Ps 31, 03 : quoniam tacui inveteraverunt ossa mea dum clamarem tota die
Ps 31, 04 : quoniam die ac nocte gravata est super me manus tua conversus sum in aerumna *mea; dum configitur mihi; spina diapsalma
Ps 31, 05 : delictum meum cognitum tibi; feci et iniustitiam meam non abscondi dixi confitebor adversus me iniustitiam meam Domino et tu remisisti impietatem peccati mei diapsalma
Ps 31, 06 : pro hac orabit ad te omnis sanctus in tempore oportuno verumtamen in diluvio aquarum multarum ad eum non adproximabunt
Ps 31, 07 : tu es refugium meum a tribulatione quae circumdedit me exultatio mea erue me a circumdantibus me diapsalma
Ps 31, 08 : intellectum tibi dabo et instruam te in via hac qua gradieris firmabo super te oculos meos
Ps 31, 09 : nolite fieri sicut equus et mulus quibus non est intellectus in camo et freno maxillas eorum constringe qui non adproximant ad te
Ps 31, 10 : multa flagella peccatoris sperantem autem in Domino misericordia circumdabit
Ps 31, 11 : laetamini in Domino et exultate iusti et gloriamini omnes recti corde.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.




Saint Augustin (354-430)

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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XXXI.
LE VÉRITABLE JUSTE.

Nous sommes tous conçus dans l'iniquité, donc nous ne devons notre justice quà la grâce qui nous prévient par cette clarté dintelligence, par cette force de volonté, qui nous fait croire à la parole de Dieu et proclame hautement notre foi. Or, notre foi consiste principalement à croire et à confesser que nous sommes pécheurs et que cest Dieu qui nous sauve.  

A DAVID POUR LINTELLIGENCE (1).


1. A David, pour ce don de l’Esprit qui nous fait comprendre que la confession de nos fautes nous mène au salut, non par les mérites de nos œuvres, mais par la grâce de Dieu.

2. « Bienheureux ceux dont les fautes sont remises, et dont les péchés ont été couverts 2 »; dont les péchés sont mis en oubli. « Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a point imputé son crime, et dont la bouche ne distille point la fraude»; dont les paroles ne font pas ostentation de justice, quand sa conscience est pleine d’iniquités.

3. « Mes os ont vieilli parce que je gardais le silence 3 ». Ma force est devenue une vieillesse infirme, parce que ma bouche n’a point fait cette confession, qui obtient le salut 4. « Néanmoins je criais tout le jour. » Dans mon impiété, je proférais contre Dieu des cris de blasphème, comme pour défendre mes fautes et les excuser.

4. « Parce que votre main s’est appesantie sur moi le jour et la nuit ». Parce que, sous la douleur incessante de vos vengeances, « je me suis retourné dans ma souffrance, dont d’aiguillon me déchirait 5 ». A la vue de ma misère, l’aiguillon de ma conscience m’a rendu malheureux.

5. «Diapsalma. J’ai connu mon péché et t n’ai point voilé mon injustice». C’est-à-dire, je n’ai point caché cette injustice. « J’ai dit : J’attribuerai cette injustice, qui est bien la mienne, non point à Dieu, comme je le faisais quand je me taisais dans mon impiété, mais bien à moi-même ». « Et vous m’avez pardonné l’impiété de mon cœur 1». Quand vous avez vu l’aveu de mon cœur, avant l’aveu de mes lèvres. 1. Ps. XXXI, 1. — 2. Id. 1 — 3. Id. 3. — 4. Rom. X, 10. — 5. Ps. XXXI, 4.

6. « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera en temps opportun 2 ». Cette impiété du cœur fera monter vers vous la prière des saints. Car ils ne deviendront pas saints à cause de leurs propres mérites, mais à cause du temps favorable, ou de l’avènement de celui qui nous a rachetés de nos fautes. « Et toutefois au cataclysme des grandes eaux, ils ne s’approcheront point de lui ». Que nul ne s’y trompe, et ne s’imagine que quand le dernier jour nous surprendra, comme au temps de Noé, il pourra faire cet aveu des fautes qui nous rapproche de Dieu.

7. « Vous êtes mon refuge contre l’affliction qui m’environne 3 ». C’est en vous que je trouve un asile contre la douleur de mes fautes qui serre mon cœur. « Vous êtes ma joie, délivrez-moi de ceux qui m’investissent ». C’est en vous qu’est toute ma joie, délivrez-moi de la tristesse que me causent mes péchés.

8. « Diapsalma ». Réponse de Dieu. « Je te donnerai l’intelligence, et t’affermirai dans la voie où tu auras marché 4 ». En échange de ton aveu je te donnerai l’intelligence, afin que tu n’abandonnes plus la voie que tu auras choisie, et ne recherches plus l’indépendance. « Mes regards se fixeront sur toi ». Je te confirmerai dans mon amour. 1. Ps. XXXI, 5. — 2. Id. 6. — 3. Id. 7. — 4. Id. 8.

9. « Loin de vous de ressembler au cheval et au mulet, qui n’ont point d’entendement ». De là vient qu’ils se veulent conduire eux-mêmes. Et le Prophète répond : « Assujettissez leurs mâchoires au mors et au frein 1 ». Faites pour eux, ô mon Dieu, comme l’on fait pour le cheval et le mulet, contraignez-les par la douleur à subir votre direction. « Eux qui refusent de s’approcher de vous ».

10. « ils sont nombreux, les châtiments des pécheurs 2 ». Il a de rudes châtiments à subir celui qui refuse d’avouer ses fautes à Dieu, et qui prétend se conduire lui-même. « Pour celui qui espère en vous, il sera investi de vos miséricordes ». Mais le Seigneur réserve ses faveurs à celui qui l’a pris pour guide et a mis en lui son espoir. 1. Ps. XXX, 9, — 2. Id. 10.

11. « Ô vous qui êtes justes, réjouissez-vous dans le Seigneur, livrez-vous à l’allégresse Réjouissez-vous, non plus en vous, mais bien dans le Seigneur, ô vous qui êtes justes ! « Et vous tous qui avez le cœur droit, glorifiez vous en lui 2 ». Glorifiez-vous tous en Dieu, vous qui comprenez que nous devons lui être soumis, afin qu’un jour vous ayez ses préférences. 1. Ps. XXXI, 10. — 2. Id. 11.




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Message par Invité Ven 7 Mai 2021 - 14:57

SUITE DU POSTE PRÉCÉDENT



Saint Augustin (354-430)

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DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXXI.
LA FOI ET LES OEUVRES.

Le salut nous vient de la foi et des bonnes œuvres qui suivent la foi.  Doctrine de saint Paul et de saint Jacques est en harmonie. Foi dAbraham. Toute oeuvre qui précède la foi est sans valeur. Accord de saint Paul avec lui-même. Lhomme heureux est celui dont les péchés sont remis. Nathanaël sous le figuier. Confessons nos fautes comme le publicain. Les eaux des doctrines. La droiture du cœur.


1. J’ai entrepris, nonobstant ma faiblesse, d’exposer à votre charité, mes frères, le psaume que me signale principalement saint Paul, ainsi qu’a pu vous en convaincre la lecture que l’on vient de vous en faire, pour relever la grâce de Dieu et le mystère de notre justification qui s’opère sans que nulle de nos œuvres l’ait provoqué, mais par la bonté de Dieu notre Seigneur qui nous prévient. Soutenez donc tout d’abord ma faiblesse par vos prières, comme l’a dit l’Apôtre, « afin que Dieu m’ouvre la bouche et me donne de vous parler (Eph. VI,19) », d’une manière qui soit sans péril pour moi et salutaire pour vous. Car ici l’esprit humain, naturellement inquiet et en suspens entre l’aveu de son infirmité et la présomption de ses forces, est souvent poussé deçà et delà avec un égal danger de tomber dans un précipice. En effet, s’il s’abandonne entièrement à sa propre faiblesse, dominé par cette pensée, il se dit que telle est la divine miséricorde pour tous les pécheurs, quels que soient leurs désordres et leur obstination, qu’à la fin ils recevront leur pardon, pourvu qu’ils croient que Dieu les délivrera, et leur pardonnera, en sorte que nul chrétien pécheur ne périsse, c’est-à-dire que nul ne puisse périr de tous ceux qui se disent en eux-mêmes : Quoi que je fasse, de quelque abomination, de quelque infamie que je sois souillé, quelque, nombreux que soient mes péchés, le Seigneur me délivrera dans sa miséricorde parce que j’ai cru en lui: si, dis-je, il en vient à croire que nul de ces coupables ne périt, il tombe dans une fausse croyance, sur l’impunité des crimes. Alors Dieu qui est juste, et dont le psaume chante la miséricorde et le jugement, non seulement la miséricorde mais aussi le jugement 1, trouve cet homme dans une fausse présomption de la bonté divine, abusant de la divine miséricorde pour sa propre perte, et ne peut que le damner. Une telle pensée est donc pour l’homme un dangereux précipice. Mais s’il redoute ce danger, au point de se confier en lui-même, et que par une téméraire présomption de sa justice et de ses forces, il se propose d’accomplir toute justice et d’observer exactement ce qu’ordonne la loi de Dieu, au point de ne pécher aucunement; s’il se regarde comme tellement maître de sa vie qu’il puisse ne jamais tomber, ne jamais faiblir, ne jamais chanceler, ne jamais s’aveugler, et qu’il attribue ce résultat à la puissance de sa volonté; quand même il accomplirait tout ce qui paraît juste aux yeux des hommes, sans qu’il parût rien de répréhensible dans sa vie, Dieu devrait encore punir cette présomption, cette vaine ostentation d’orgueil. Qu’est-ce donc ? si l’homme prétend se justifier lui-même, s’il présume de sa justice, il tombe : s’il considère attentivement sa faiblesse, et que se confiant en la divine miséricorde, il néglige de se purifier de ses taules, il se plonge dans l’abîme du vice, il tombe encore. Péril à droite en présumant de sa justice, péril à gauche en espérant l’impunité. Écoutons la voix de Dieu qui nous crie : « Ne vous détournez ni à droite ni à gauche 2 ». vous appuyez point sur votre justice pour espérer le ciel, ni sur la divine miséricorde pour pécher. Précepte divin qui vous détourne de ce double écueil, et de l’exaltation de l’orgueil et de la profondeur du crime. Vous élever jusqu'à l’une, c’est appeler votre chute; descendre jusqu'à l’autre, c’est vous engloutir. N’allez donc, dit le Sage, ni à droite ni à gauche. Je vous le répète en un mot, afin de le graver dans votre esprit : Ne vous appuyez point sur votre justice pour espérer le ciel, ni sur la divine miséricorde pour pécher. Que faire alors, me répondrez-vous ? Notre psaume nous l’enseigne : et j’espère, Dieu aidant, qu’après en avoir écouté la lecture et l’explication, nous connaîtrons la voie que nous devons prendre, ou dans laquelle nous devons nous tenir avec courage. Que chacun nous écoute selon ses facultés, et qu’il s’afflige ou se réjouisse selon que sa conscience va lui suggérer un vice à corriger, une vertu à applaudir. S’il s’aperçoit qu’il ait fait fausse route, qu’il revienne dans le bon chemin; s’il se trouve dans la bonne voie, qu’il y marche afin d’arriver au but. Nul orgueil, hors du bon chemin; nulle paresse en chemin. 1. Ps. C, 1. — Prov. IV, 27.

2. Saint Paul nous affirme que ce psaume traite de la grâce qui nous fait chrétiens : c’est pourquoi j’ai voulu qu’on vous en fît la lecture. Afin d’établir la justice par la foi contre ceux qui vantaient la justice par les œuvres, l’Apôtre parle ainsi : « Quel avantage, dirons-nous, revint à Abraham, notre père selon la chair ? Car si Abraham a été justifié par ses œuvres, il a du mérite, mais non devant Dieu 1 ». Dieu nous préserve d’un semblable mérite; écoutons plutôt cette parole: « Que celui qui se glorifie ne se glorifie que dans le Seigneur 2 ». Beaucoup d’hommes peuvent se glorifier de leurs œuvres, et vous trouvez bon nombre de païens qui refusent de se faire chrétiens, parce que leur vie leur paraît suffisante en bonnes œuvres. Bien vivre nous suffit, dit ce païen; que pourra m’enseigner le Christ ? A régler ma vie ? Elle est réglée, qu’ai-je besoin du Christ?Je ne commets ni homicide, ni vol, ni rapine, je ne désire point le bien d’autrui, je ne me souille d’aucun adultère. Que l’on trouve à reprendre dans ma vie, et quand on le fera, je me fais chrétien. Cet homme peut se glorifier, mais non devant Dieu. Il n’en est pas ainsi d’Abraham notre père. Tel est le point que l’Ecriture signale à notre attention. Car il faut l’avouer, nous croyons tous que ce saint patriarche fut agréable à Dieu, nous reconnaissons et proclamons qu’Abraham a de la gloire devant Dieu, dit l’Apôtre: certes, nous le savons, et il est évident pour nous qu’Abraham est glorieux aux yeux de Dieu: mais s’il fut justifié par ses œuvres, il est glorieux devant les hommes et non devant Dieu. Or, il est glorieux devant Dieu, donc sa justification ne vient point de ses œuvres. Mais si la justification ne lui vient point de ses œuvres, d’où lui vient-elle ? L’Apôtre nous l’explique ensuite: « Que dit l’Ecriture 3? n c’est-à-dire: A quoi l’Ecriture a-t-elle attribué la justification d’Abraham ? « Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice 4 ». Donc ce fut à la foi qu’Abraham dut sa justification.

3. Mais lorsqu'on croit à la justification par la foi et non par les œuvres, il faut éviter un autre abîme que j’ai signalé. Voyez, me dira-t-on, que c’est par la foi, et non par les œuvres, qu’Abraham a été justifié, je puis donc vivre à mon gré, n’eussé-je en effet aucune oeuvre sainte, pourvu que je croie en Dieu, cette foi me sera imputée à justice. L’homme qui a tenu ce langage, et a pris cette résolution, est tombé dans l’abîme; s’il n’en a que la pensée, et qu’il soit dans l’incertitude, c’est déjà un danger. Mais la parole de Dieu, bien comprise, peut non seulement retenir celui qui est près du gouffre, mais en retirer celui qui y est plongé. Je réponds donc pour ainsi dire, à l’encontre de l’Apôtre, et je rapporte d’Abraham, ce que nous lisons dans l’épître d’un Apôtre aussi, qui voulait redresser le sens déplorable que l’on donnait aux paroles de saint Paul. Dans cette lettre, en effet, saint Jacques, voulant réfuter les adversaires des bonnes œuvres, qui s’appuyaient uniquement sur la foi (Jacques, II, 1), relève les œuvres d’Abraham, dont saint Paul avait relevé la foi; mais les deux Apôtres ne sont point en contradiction. Saint Jacques rapporte d’Abraham ce que tout le monde connaît, l’immolation d’Isaac; oeuvre sublime, il est vrai, mais oeuvre de foi. J’admire la construction de l’édifice, mais je vois que la foi en est la base. Je loue ce fruit parfait d’une bonne oeuvre, mais je le vois croître sur l’arbre de la foi. Si Abraham faisait cette oeuvre en dehors de la foi, quelle qu’en fût l’excellence, elle lui serait inutile. Si au contraire la foi d’Abraham lui eût fait répondre en lui-même, quand le Seigneur lui commandait le sacrifice de son fils : Je n’obéis point, et néanmoins je crois que Dieu me délivrera en dépit de ses ordres méprisés; sa foi sans les œuvres n’eût été qu’une foi morte, qu’un arbre stérile et desséché. 1. Rom. IV, 1, 2.— 2. I Cor. I, 31.— 3. Rom. IV, 3.—. 4. Gen. XV, 6.

4. Que faut-il donc ? et aucune bonne oeuvre ne peut-elle exister avant la foi, c’est-à-dire qu’on ne puisse dire qu’un homme avant la foi ait fait aucun bien ? Car tous ces actes de renom que l’on fait avant la foi, quelque louables qu’ils paraissent aux hommes, sont des actes sans valeur. Telles seraient, selon moi, de grandes forces déployées et une course rapide en dehors du bon chemin. Ne comptons donc pour rien les bonnes œuvres faites avant la foi; car il n’y arien de vraiment bon, où la foi n’existe pas. Ce qui fait le prix de l’oeuvre, c’est l’intention, et l’intention doit être réglée par la foi. Ne vous arrêtez dont pas à l’acte que fait un homme, mais au but qu’il se propose, et qu’il veut atteindre en dirigeant son gouvernail avec force et adresse, Supposez qu’un pilote gouverne habilement son navire, mais ne sache plus où il va, de quoi lui servira de bien tenir le gouvernail, de le mouvoir avec adresse, de fendre les flots avec la rame, d’épargner quelque choc à ses flancs ? Supposons même qu’il soit d’une habileté à tourner et à retourner son vaisseau à sa guise, et qu’on lui demande: Où vas-tu ? et qu’il réponde : Je n’en sais rien, ou même que sans dire: Je n’en sais rien, il réponde: Je vais à tel port, et qu’il s’en aille sur les rochers; n’est-il pas évident que plus cet homme se croit habile et capable de diriger un vaisseau, plus ses manœuvres sont dangereuses, et vont bâter le naufrage ? Tel est l’homme qui précipite sa course en dehors de la bonne voie. N’eût-il pas été de beaucoup préférable, que ce pilote eût un peu moins de vigueur, un peu moins d’habileté à manier le gouvernail, et qu’il suivit exactement le bon chemin;que cet autre dirigeât son navire avec plus de lenteur et plus de peine, mais dans la bonne voie, au lieu de courir avec tant de vitesse en dehors de la route ? Le plus heureux de tops est donc celui qui est dans le vrai chemin, et y marche sagement; au second rang est l’espérance, qui chancelle tant soit peu, sans néanmoins s’arrêter, qui s’attarde parfois, mais qui avance peu à peu. Car on peut espérer que malgré ses lenteurs il touchera au but.

5. Donc, mes frères, Abraham fut justifié par la foi; mais cette foi, si elle n’a été précédée, a été suivie de bonnes œuvres. Car ta foi doit-elle être stérile ? Elle ne le sera point situ ne l’es toi-même. Si tu mêles à ta foi quelque élément mauvais, c’est un feu qui consume la racine de la foi. Tiens donc ferme dans ta foi, situ veux agir. Mais, diras-tu, tel n’est point le langage de saint Paul. Au contraire, voici ce que saint Paul enseigne : « C’est la foi », dit-il, « qui agit par la charité 1 ». Et ailleurs : « La plénitude de la loi, c’est la charité 2 ». Et ailleurs encore : « Toute la loi est renfermée dans une seule parole, ainsi formulée : Tu aimeras ton prochain comme toi-même 3 ». Vois s’il ne veut dota part aucune oeuvre, celui qui a dit: « Tu ne commettras point l’adultère; tu ne tueras point, tu n’auras aucun mauvais désir, et tout autre précepte est résumé dans cette parole : Tu aimeras le prochain comme toi-même. L’amour du prochain n’opère pas le mal. L’amour est donc l’accomplissement de la loi 1 ». Est-ce que la charité te permet de nuire d’aucune sorte à celui que tu aimes? Mais peut-être, sans lui faire aucun mal, ne lui fais-tu aucun bien. La charité, je te le demande, peut-elle te permettre de ne pas faire tout le bien possible à celui que tu aimes ? N’est-ce point cette charité qui prie même pour les ennemis ? Pourrait-on, en cherchent le bien d’un ennemi, abandonner un ami? La foi donc sera sans œuvres, si elle est sans charité. Mais afin de ne point surcharger ton esprit de ces œuvres de foi, joins à la foi l’espérance et la charité, et mets-toi peu en peine des œuvres. La charité ne saurait être oisive. Qu’est-ce en effet qui nous stimule même à faire le mal, sinon l’amour ? Cherche-moi un amour stérile, un amour sans action. Les crimes, les adultères, les forfaits, les homicides, les débauches, tout cela n’est-il pas l’oeuvre de l’amour ? Purifie donc ton amour; amène dans ton jardin ce ruisseau qui va se perdre à l’égout; qu’il ait pour le Créateur du monde cette pente qu’il avait pour le monde lui-même. Vous a-t-on dit : N’aimez rien ? Jamais. Ne rien aimer, c’est le propre des âmes lâches, sans vie, fades et misérables. Aimez donc, mais voyez ce qu’il faut aimer. On appelle charité l’amour de Dieu, l’amour du prochain. L’amour du monde, l’amour du siècle, se nomme passion. Réprimez la passion, exercez la charité. Car la charité même de celui qui fait le bien, lui donne l’espoir d’une conscience pure. La bonne conscience renferme en effet l’espérance; et comme la mauvaise est tout à fait dans le désespoir, la bonne s’alimente d’espérance. Vous posséderez ainsi les trois vertus dont parle saint Paul : La foi, l’espérance et la charité 2. Ailleurs encore, il nomme ces trois vertus, mais au lieu de l’espérance, il met la bonne conscience : « Telle est la fin des commandements », dit-il. Mais qu’est-ce que la fin d’un précepte ? Ce qui lui donne sa perfection, et non ce qui l’abroge. Dire en effet : Je suis à la fin de mon pain, c’est autre chose que dire : Je suis à la fin de la robe que je tissais. La fin de mon pain, signifie qu’il n’en reste plus; la fin de ma robe, signifie qu’elle est achevée. Et néanmoins ce mot de fin se dit dans l’un et dans l’autre cas. L’Apôtre n’appelle donc pas fin de la loi, ce qui tendrait à la détruire, mais plutôt ce qui la perfectionne, ce qui est pour elle non point la consomption, mais la consommation. Donc la fin de la loi consiste en ces trois vertus : « La fin de la loi », dit-il, « consiste dans la charité qui émane d’un cœur pur, d’une bonne conscience, et d’une foi sans dissimulation». La bonne conscience rem place ici l’espérance, car celui-là espère, qui a la conscience pure. Mais l’homme rongé par une conscience coupable, répudie l’espérance et n’en a plus que pour la damnation. Afin donc d’espérer le ciel, qu’il ait une bonne conscience, et pour avoir une bonne conscience, qu’il croie et qu’il agisse. Ce qui fait qu’il croit, c’est la foi, et qu’il agit, c’est la charité. Saint Paul, dans un endroit, nomme donc en premier lieu la foi. « La foi, l’espérance, et la charité 1 »; ailleurs il commence par la charité: « La charité qui émane d’un cœur pur, de la bonne conscience, et de la foi sans dissimulation 2 ». Nous autres, nous commençons quelquefois par le milieu, par la conscience pure, ou l’espérance. Qu’il ait donc, je le répète, la conscience pure, celui qui veut avoir une sainte espérance; et pour avoir une bonne conscience, qu’il croie et qu’il agisse. Du milieu, nous allons au commencement et à la fin : Qu’il croie et qu’il agisse. Ce qui fait qu’il croit, c’est la foi; ce qui fait qu’il agit, c’est la charité. 1. Rom. XII, 9, 10. — I Cor. XII, 13. 1. Gal. V, 6.— 2. Rom. XIII, 10.— 3.Gal. V, 4

6. Comment donc l’Apôtre a-t-il dit que l’homme est justifié sans les œuvres, et par la foi, tandis qu’ailleurs il dit : « La foi qui agit par la charité 3 ? » N’opposons donc plus saint Jacques à saint Paul, mais bien saint Paul à lui-même, et disons-lui : D’une part, vous nous permettez de pécher impunément, par ces paroles : « Nous croyons que l’homme est justifié par la foi sans les œuvres 4 ». Et d’autre part, vous nous dites que « la foi agit par la charité ». Comment se fait-il que, selon vous, je me crois en sûreté sans faire aucune bonne oeuvre, et selon vous encore, il me semble que je ne puis avoir ni la foi, ni l’espérance, si je n’agis par la charité ? Car je tiens vos paroles, ô grand Apôtre. Assurément votre dessein est de prêcher ici la foi sans les œuvres : mais l’oeuvre de la foi est la charité : et la charité ne peut demeurer oisive: elle s’abstient du mal, elle fait tout le bien possible. Quelle est en effet l’oeuvre de la charité ? « Fuis le mal, et opère le bien 1 ». Telle est donc la foi sans les œuvres, que vous prêchez, quand vous dites ailleurs : « En vain j’aurais la foi jusqu'à transporter les montagnes, si je n’ai la charité, cela ne me sert de rien 2 ». Donc la foi n’est rien sans la charité, et si la charité, partout où elle existe, ne peut demeurer inactive, c’est la foi qui agit par la charité. Comment donc l’homme sera-t-il justifié par la foi sans les œuvres ? L’Apôtre nous répond : Ô homme, si je t’ai parlé de la sorte, c’est afin que tu ne présumes pas témérairement de tes œuvres, et que tu n’attribues pas à leur mérite le don de la foi que tu as reçu. Loin de toi de compter sur tes œuvres qui ont précédé la foi; sache bien que la foi a trouvé en toi un pécheur; et si le don de cette foi t’a justifié, c’est qu’elle a trouvé en toi un impie à justifier. « A l’homme qui croit en celui qui justifie l’impie, la foi est imputée à justice 3 ». Mais pour l’impie, être justifié, c’est d’impie devenir juste; et s’il devient juste, d’impie qu’il était, quelles sont les œuvres des impies ? Que l’impie nous vante ses œuvres, et nous dise : Je donne aux pauvres, je ne dérobe rien à personne, je ne désire point l’épouse d’autrui, je ne tue personne, je ne fais tort à qui que ce soit, je rends les dépôts que l’on m’a confiés même sans témoins: qu’il nous tienne ce langage, et je demande s’il est juste ou impie. Comment puis-je être impie, me dira-t-il, avec de telles œuvres ? Comme étaient ceux dont il est dit: « Ils ont servi la créature plutôt que le Créateur, qui est béni dans tous les siècles 4 ». Comment serais-tu impie ? Comment ? si dans ces bonnes œuvres, tu espères ce qu’il faut espérer en effet, mais non de celui en qui doit être notre espérance; ou situ espères ce que tu ne dois pas espérer, même de celui qui doit nous donner la vie éternelle, n’est-ce pas. être impie? Tu es impie d’attendre la félicité temporelle pour prix de tes bonnes œuvres. Telle n’est point la récompense de la foi. La foi est précieuse, tu l’estimes trop peu. Tu es donc impie, et tes œuvres ne sont rien. En vain dans tes bonnes œuvres, tu déploies de grandes forces, et tu parais gouverner habilement ton vaisseau, tu vas heurter un écueil. Qu’est-ce encore ? situ espères ce qu’il faut espérer en effet, c’est-à-dire la vie éternelle, mais que tu ne l’espères pas du Seigneur notre Dieu, par Jésus-Christ, de qui seul on peut l’obtenir, si tu crois que cette vie éternelle te viendra par la milice du ciel, par le soleil, par la lune, par les puissances de l’air, de la mer, des terres, des astres, tu es impie. Crois en Celui qui donne la justice à l’impie, afin que tes bonnes œuvres aient la bonté réelle; puis. qu’on ne peut les appeler bonnes, que quand elles sortent d’une bonne racine. Comment cela ? Ou tu attends, du Dieu éternel, la vie du temps, ou des démons la vie éternelle: dans l’un et l’autre cas tu es un impie. Corrige ta foi, redresse ta foi, et surtout redresse ta route:.et alors avec des pieds agiles, marche en toute sécurité, cours, tu es dans le bon chemin: plus sera prompte ta course, et plus sera heureuse ton arrivée. Mais peut-être chancelles-tu quelque peu; du moins n’abandonne pas la route : tu arriveras, quoique plus tard : loin de toi de t’arrêter, de retourner en arrière, de t’égarer. 1. Ps. XXXVI, 37.— 2. I Cor. XII, 2.— 3. Rom. IV, 5.— 4. Id. I, 25. 1. II Cor. XIII, 13.— 2. I Tim. I, 5 — 3. Gal. V, 6.— 4. Rom. III, 28. (283)

7. Qu’est-ce donc, mes frères ? Quels sont les hommes heureux ? Ce ne sont point les hommes en qui Dieu ne trouve aucun péché; car il en trouve chez tous les hommes : « Puisque tous ni péché, tous ont besoin de la « gloire de Dieu 2 ». Si donc on trouve des fautes chez tous les hommes, il ne reste d’heureux, que ceux dont les péchés sont pardonnés. C’est ce que nous insinue l’Apôtre en ces termes : « Abraham crut à Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice 2 ». Mais la récompense que l’on donne à celui qui travaille, qui compte sur ses œuvres, qui attribue à leur mérite la foi qui lui a été donnée, cette récompense ne lui est pas imputée comme une grâce, mais comme une dette. Qu’est-ce à dire, sinon que notre récompense prend le nom de grâce? Si c’est une grâce, elle est donnée gratuitement. Qu’est-ce à dire qu’elle est donnée gratuitement ? Qu’elle ne coûte rien. Tu n’as fait aucun bien, et tes péchés te sont remis. On cherche tes oeuvres, et l’on n’en trouve que de mauvaises. Si Dieu rendait à ces œuvres selon leur valeur, il te damnerait : « Car la mort est la solde du péché 1 » Que doit-on aux œuvres mauvaises ? la damnation; et aux bonnes œuvres ? le ciel. Mais toi que l’on trouve dans les œuvres mauvaises, pour te rendre ce qui t’est dû, il faudrait te punir. Qu’arrive-t-il donc? Sans t’infliger la peine que ta mérites, le Seigneur t’accorde la grâce que tu ne mérites point. Il te devait le châtiment, il t’accorde le pardon. Ainsi c’est parle pardon que tu commences à être dans la foi; et cette foi, s’unissant à l’espérance et à la charité, commence à faire le bien: et néanmoins, garde-toi de te glorifier, de t’élever en toi-même; souviens-toi de celui qui t’a mis dans le bon chemin; souviens-toi qu’avec des pieds forts et agiles tu n’en étais pas moins égaré : n’oublie jamais que, languissant, et laissé à demi mort sur la voie, tu as été mis sur le cheval du samaritain, pour être conduit à l’hôtellerie 2. « La récompense que l’on donne à celui qui travaille»,dit saint Paul, « ne lui est pas imputée comme une grâce, mais comme une dette 3 ». Si donc tu ne veux aucune part à la grâce, fais valoir tes mérites. quant à Dieu, il voit ce qui est en toi, il sait ce qui est dû à chacun. « Pour l’homme qui ne fait aucune oeuvre 4 », poursuit saint Paul, prends donc un impie, un pécheur; celui-là ne fait aucune oeuvre. Que fait-il ? « Mais qui croit en celui qui justifie l’impie ». Dès lors qu’il ne fait aucune bonne oeuvre, il est un impie; et quand même il paraîtrait faire le bien, comme il est sans la foi, ses œuvres ne peuvent s’appeler bonnes. « Mais il croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice. C’est ainsi que David a chanté le bonheur de celui à qui le Seigneur impute la justice sans les œuvres 5 ». Mais quelle est cette justice ? Celle de la foi que n’ont point précédée, mais que vont suivre les bonnes œuvres. 1. Rom. III, 23. — 2. Id. IV, 3. (284)

8. Soyez donc attentifs, mes frères; car t’entendre mal, c’est vous exposer à tomber dans ce gouffre de l’impunité qu’on se promet en péchant: et moi, non plus que l’Apôtre, je ne suis point responsable de tous ceux qui peuvent mal interpréter mes paroles. Ceux qui le comprirent mal, agissaient à dessein; ils redoutaient les bonnes œuvres qui devaient suivre. Ne faites point cause commune avec eux, mes frères. Un autre psaume a dit à propos d’un tel homme, et ce seul homme renferme toute une catégorie: « Il n’a pas voulu comprendre, de peur de faire le bien 1 ». Il n’est pas dit: Il n’a pu comprendre. Pour vous, mes frères, ayez la volonté de comprendre, afin que vous fassiez le bien. L’intelligence ne vous manquera point, et même elle arrivera jusqu’à l’évidence. Qu’y a-t-il d’évident pour celui qui a compris ? Que nul ne doit vanter les bonnes œuvres qui ont précédé la foi, et après la foi n’en négliger aucune. Dieu fait donc miséricorde à tous les impies, et les sauve par la foi. 1. Rom. VI, 23.— 2. Luc, X, 30— 3. Rom. IV, 4.— 4. Ibid. 5.— 5. Ibid. 5,6.

9. « Bienheureux ceux dont les fautes sont remises, et dont les péchés ont été couverts. Bienheureux l’homme à qui Dieu n’a point imputé son crime, et dont la bouche ne distille point la fraude 2 ». Dès le commence-ment du psaume, nous en avons l’intelligence, et cette intelligence consiste à bien savoir que nous ne devons ni nous vanter de nos mérites, ni espérer témérairement l’impunité de nos fautes. Car voici le titre du psaume : « A David, intelligence ». C’est donc un psaume d’intelligence; et le premier effet de cette intelligence, c’est de te reconnaître pécheur. Le second effet, c’est de n’attribuer point à tes forces, mais à la grâce de Dieu, les bonnes œuvres qui seront les premiers fruits de ta foi dans la charité 3. C’est ainsi qu’il n’y aura aucun déguisement dans ton cœur, c’est-à-dire dans la bouche de l’homme intérieur, et tu n’auras point des paroles pour les lèvres, et des paroles pour le cœur. Tu ne ressembleras point aux Pharisiens dont il est dit « Vous êtes comme des sépulcres blanchis; au dehors, vous avez pour les hommes des apparences de justice; au dedans, vous êtes pleins de déguisement et de ruses 4 ». Et en effet, le pécheur qui veut qu’on le regarde comme un juste, n’est-il pas un fourbe? Tel n’était pas Nathanaël dont le Sauveur a dit « Voilà un véritable Israélite, qui est sans déguisement 5 ». Mais pourquoi n’y avait-il aucun déguisement dans Nathanaël ? « Quand tu étais sous le figuier je te voyais 6 ». Il était sous le figuier, c’est-à-dire sous la condition de la chair; et il était sous les conditions de la chair parce qu’il était dans l’impiété native. Il était sous ce figuier qui arrache au psalmiste ce gémissement : « Voilà que j’ai été conçu dans l’iniquité 1 ». Mais il le vit Celui qui vint avec la grâce. Que dis-je, il le vit ? il en eut pitié. Le Sauveur donc relève cet homme sans artifice, pour nous relever le prix de la grâce qui est en lui. « Je te voyais, quand tu étais sous le figuier ». Je t’ai vu, qu’y a-t-il là de si grand, si l’on n’y découvre quelque mystère ? Qu’y a-t-il de si grand en effet à voir un homme sous un arbre? Si le Christ n’avait vu le genre humain sous ce figuier, ou bien nous serions entièrement desséchés, ou bien, non plus que chez ces Pharisiens, qui étaient fourbes, c’est-à-dire dont les paroles étaient justes et dont les actes étaient pervers, on ne trouverait chez nous que des feuilles et non des fruits. Le Christ en effet maudit et fit sécher le figuier qu’il trouva en cet état. Je ne vois, dit-il, que des feuilles, ou plutôt des paroles et aucun fruit : « Qu’il se dessèche donc entièrement et ne porte pas même de feuilles 2 ». Pourquoi des paroles encore? Un arbre sec n’a même plus aucune feuille. Tels étaient les Juifs; cet arbre était les Pharisiens, qui avaient des paroles et non point des actes; l’arrêt du Seigneur les condamne à se dessécher. Que le Seigneur nous aperçoive donc sous le figuier: tant que nous sommes en cette vie, qu’il voie en nous le fruit des bonnes œuvres, afin que sa malédiction ne nous fasse point dessécher. Et comme tout nous vient de sa grâce et non point de nos mérites « Bienheureux ceux dont les iniquités sont remises, et dont les péchés sont couverts ». Non ceux chez qui l’on trouve des péchés, mais ceux dont les péchés sont couverts, dont les fautes sont cachées, effacées, anises en oubli. Si Dieu a effacé leurs péchés, il ne veut plus les voir; s’il ne veut plus les voir, il ne veut point les punir; s’il ne veut point les punir, il ne veut point les connaître, mais plutôt fermer les yeux sur eux. « Bienheureux ceux dont les fautes sont remises, dont les péchés sont couverts ». Si le Prophète a dit que ces péchés sont couverts, gardez-vous de croire que ces péchés soient encore existants et vivants. Pourquoi dit-il qu’ils sont couverts ? parce qu’ils ne sont plus visibles. Car, en Dieu, voir le péché, n’est-ce point le punir ? Et afin de nous faire comprendre que, pour Dieu, voie le péché c’est le punir que, lui dit le Prophète ? « Détournez vos yeux de mon péché 3 ». Qu’il ne voie donc plus tes péchés, afin de te voir toi-même. Comment te verra-t-il ? Comme il vit Nathanaël : « Je t’ai vu, quand tu étais sous le figuier 1 ». L’ombre du figuier n’est point impénétrable aux yeux de la divine miséricorde. 1. Ps. L, 7.— 2. Matt. XXI, 19.— 3. Ps. L, II. 1. Ps. XXXV, 3. — 2. Id. XXXI, 1,2. — 3. Galat. V, 6. — 4. Matt. XXIII, 27. — 5. Jean, I, 47. — 6. Ibid. 48 (285)

10. « Et dont la bouche ne recèle aucun déguisement 2 ». Mais ceux qui reculent devant l’aveu de leurs fautes, font d’inutiles efforts pour les cacher. Plus ils s’efforcent de se défendre du péché, en faisant valoir leurs mérites, et en s’aveuglant sur leurs iniquités, plus s’énerve leur force et leur courage. Celui-là est véritablement fort qui a mis sa force en Dieu et non point en lui-même. Aussi saint Paul disait-il: « Trois fois j’ai prié le Seigneur d’éloigner de moi (cet ange de Satan); et il m’a répondu : Ma grâce te suffit. Ma grâce », a-t-il dit, et non point ta force. « Ma grâce te suffit », dit-il, « car c’est dans la faiblesse que se perfectionne la force ». De là vient que l’Apôtre, à son tour, nous dit plus loin : « Quand je suis faible, c’est alors que je deviens fort 3 ». Donc celui qui se prétend fort, qui se relève à ses yeux, qui vante ses mérites, quelque grands qu’ils puissent être, est semblable au pharisien, qui se vantait avec faste des dons qu’il reconnaissait avoir reçus de Dieu: « Je vous rends grâces 4 », dit-il, Voyez, mes frères, quel orgueil Dieu nous met sous les yeux: il est tel, qu’un homme juste pourrait y tomber, tel, qu’il peut se glisser chez l’homme dont on a la meilleure espérance. « Je vous rends grâces », disait-il. Donc en disant : « Je vous rends grâces », il avouait qu’il avait reçu de Dieu ce qui était en lui « Qu’avez-vous, que vous n’ayez pas reçu 5 ? » Donc « je vous rends grâces », dit-il; « je vous rends grâces, de ce que je ne suis point comme les autres hommes, qui sont voleurs, injustes et adultères, ni même comme ce publicain 6 ». En quoi consiste donc l’orgueil de cet homme ? Non pas à rendre grâces à Dieu du bien qu’il trouve en lui, mais à abuser de ces mêmes biens pour se préférer aux autres.

11. Prenons bien garde à ceci, mes frères; car l’Évangéliste a soin de préciser à quel propos le Seigneur a fait cette parabole. Le Christ avait dit : « Pensez-vous que le Fils de l’homme, venant sur la terre, y trouvera de la foi 1 ? » Et de peur qu’il ne se trouvât certains hérétiques, pour croire que l’univers dans sa totalité a perdu la foi (car les hérétiques forment tous des sectes, et sont confinés dans certaines localités), et pour se vanter d’avoir conservé ce qui a disparu du reste du inonde, aussitôt que le Seigneur a dit: « Pensez-vous que le Fils de l’homme, revenant au monde, y trouvera de la foi ? » l’Évangéliste ajoute : « S’adressant à quelques-uns qui se confiaient en eux-mêmes et en leur justice, et qui méprisaient les autres, il proposa cette parabole : Un pharisien et un publicain vinrent au temple pour y prier 2 »; et le reste que vous savez. Ce Pharisien disait donc : « Je vous rends grâces ». Mais où est son orgueil ? Dans son mépris pour les autres. Quelle preuve en avez-vous? Dans ses paroles. Comment ? Ce pharisien, est-il dit, méprisait le publicain, qui se tenait éloigné, et que son aveu rapprochait de Dieu. « Le publicain, dit encore l’Évangile, se tenait éloigné 3 ». Mais Dieu n’était pas éloigné de lui. Et pourquoi Dieu n’était-il pas éloigné de lui? Parce qu’il est dit ailleurs: « Que le Seigneur est tout près de ceux qui ont le coeur brisé 4 ». Voyez si ce publicain n’avait pas le cœur brisé, et vous comprendrez que Dieu s’approche de ceux dont le cœur est contrit. « Le publicain se tenait éloigné, et n’osait lever des yeux vers le ciel, mais il frappait sa poitrine 5 ! » Frapper sa poitrine, n’est-ce pas un signe que l’on a le cœur contrit ? Que disait-il en frappant sa poitrine ? « Mon Dieu, ayez pitié de moi qui suis un pécheur ». Et quel fut l’arrêt du Sauveur ? « En vérité, je vous le déclare, le publicain revint du temple en sa maison, plus justifié que le pharisien ». Pourquoi ? Telle est la sentence du Seigneur. « Je ne suis point comme ce publicain, ni comme les autres hommes, qui sont injustes, voleurs et adultères: je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède », dit le pharisien; tandis que le publicain n’ose lever les yeux au ciel, qu’il n’a d’attention que pour sa conscience, qu’il se tient debout, et qu’il est plus justifié que le pharisien. Mais pourquoi? Expliquez-nous, Seigneur, je vous en supplie, expliquez-nous les mystères de votre justice, l’équité de votre sentence. C’est ce qu’il fait en nous exposant les règles de sa loi. Voulez-vous les entendre ? « C’est que tout homme qui s’élève sera abaissé, et que tout homme qui s’abaisse sera élevé (Luc, XVIII, 14) ! » 1. Luc, XVIII, 8. — 2. Ibid. 9 — 3. Ibid. 13. — 4. Ps. XXXI, 19, — 5. Luc, XVIII, 13. — 6. Ibid. 14. 1. Jean, I, 48. — 2. Ps. XXXI, 2.— 3. II Cor XII, 8-10, — 4. Luc, XVIII, LI.— 5. I Cor. IV, 7.— 6. Luc, XVIII, 11. (286)

12. Redoublez, mes frères, votre attention, Nous avons dit que le publicain n’osait lever les yeux au ciel. Pourquoi ne pas regarder le ciel ? parce qu’il se considérait lui-même. Et il se considérait afin de se prendre en horreur et par là de plaire à Dieu. Pour toi, tu as la tête levée dans ton orgueil. Mais le Seigneur dit au superbe : Tu ne veux point te considérer ! Et moi-je te considère. Veux-tu que je te perde de vue ? jette les yeux sur toi-même, Le publicain donc n’osait lever les yeux au ciel, parce qu’il considérait sa conscience et se châtiait lui-même, il devenait son propre juge, afin que Dieu le prît en pitié; il se châtiait, afin que Dieu le délivrât; il s’accusait, afin que Dieu fût son défenseur. Et il se défendit en effet, puisqu'il prononça eu sa faveur : « Le publicain descendit chez lui, plus juste que le pharisien, parce que tout homme qui s’élève sera abaissé, et tout homme qui s’abaisse sera élevé ». Il s’est considéré lui-même, dit le Seigneur, et je n’ai point voulu le considérer: j’ai entendu sa prière : « Détournez vos yeux de mes iniquités ». Quel est celui qui a parlé de la sorte, sinon celui qui a dit aussi : « Je connais l’étendue de mon iniquité ». Le pharisien donc, mes frères, était aussi un pécheur. Bien qu’il ait dit : « Je ne suis point comme les autres hommes qui sont injustes, voleurs  et adultères »; bien qu’il ait jeûné deux fois la semaine, qu’il ait payé la dîme, il n’en était pas moins un pécheur. A défaut de tout autre péché, son orgueil en était un très-grand; et toutefois il tenait ce langage fastueux. Car enfin quel homme est sans péché, et qui pourra se glorifier d’avoir un cœur pur, ou se vanter d’être exempt de toute faute ? Le pharisien avait donc des péchés; mais dans son aveuglement, il oubliait qu’il était venu dans le temple; il était là comme ce malade qui, dans le cabinet du médecin, cache ses blessures, et n’étale que des membres en bon état. Que Dieu cache tes blessures; ne le fais point toi-même; si la honte que tu as te les fait cacher, le médecin ne les guérira point. Que le médecin les recouvre et les panse : car il les couvre d’un appareil salutaire. L’appareil du médecin guérit les blessures, l’appareil du blessé n’aboutit qu’à les dérober. Pourquoi les cacher à Celui qui voit tout ? (287)

13. Reportons-nous donc, mes frères, à ce que dit le Prophète : « Mes os ont vieilli, parce que je gardais le silence, et néanmoins je criais tout le jour ». Quel sens donner à ces paroles qui paraissent contradictoires « Parce que je me suis tu, mes os ont vieilli à cause de mes cris ? » Si c’est parce qu’il a crié, comment a-t-il gardé le silence ? Il s’est tu en certaines occasions, il ne s’est point tu en d’autres; il a tu ce qui l’aurait fait avancer dans le bien, il n’a point tu ce qui l’a fait déchoir; il a tu l’aveu de ses fautes, il a crié tout haut sa confiance en lui-même. « Je me suis tu », dit-il, « et dès lors je n’ai fait aucun aveu ». C’était là pourtant qu’il fallait parler, taire ses mérites, crier ses péchés: et dans sa démence il a tu ses péchés, pour crier ses mérites. Alors qu’est-il arrivé ? Ses os ont vieilli. Remarquons-le bien: s’il avait crié ses péchés et tu ses mérites, ses os se fussent renouvelés, ou plutôt ses vertus: il serait devenu fort devant le Seigneur, parce qu’il aurait compris sa faiblesse. Maintenant qu’il a mis sa force en lui-même, il est devenu faible et ses os ont vieilli. Il est demeuré dans la faiblesse du vieillard, parce qu’il n’a point voulu rajeunir par l’aveu. Vous savez en effet, mes frères, comment l’homme se renouvelle : car « Bienheureux ceux dont les iniquités sont remises, et dont les péchés sont couverts ». Celui-ci au contraire, loin d’accepter la rémission de ses fautes, en a grossi le nombre, les a défendues, et a vanté ses mérites. Donc, parce qu’il s’est tu, en ne confessant point ses péchés, ses os ont vieilli, « Pendant que je criais durant tout le jour ». Qu’est-ce à dire qu’il criait tout le jour ? Qu’il persistait à défendre ses péchés. Et voyez néanmoins quel est cet homme, car il se connaît. Bientôt lui viendra l’intelligence; il n’apercevra que lui-même, et se prendra en pitié, car il se connaît. Bientôt vous l’entendrez, afin de vous guérir vous-mêmes.

14. « Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a point imputé son péché, et dont la bouche ne recèle point la fraude. Car moi, je me suis tu et mes os ont vieilli, pendant que je criais tout le jour. Le jour et la nuit, en effet, votre main s’est appesantie sur moi 1. » Que signifie cette parole : « Votre main s’est appesantie sur moi ? » Il y a là, mes frères, un sens profond. Rappelez-vous le juste arrêt que Dieu a prononcé à l’égard de ces deux hommes, du pharisien et du publicain. Qu’est-il dit du pharisien ? Qu’il est humilié; et du publicain? qu’il est élevé. Pourquoi l’un est-il abaissé ? parce qu’il s’est élevé; et l’autre élevé ? parce qu’il s’est abaissé. Mais Dieu, pour abaisser l’homme qui s’élève, appesantit sa main sur lui. Il refuse de s’humilier par l’aveu, et il est humilié sous le poids de la main de Dieu. Autant cette main est dure pour nous humilier, autant elle est caressante pour nous relever. Elle a de la force pour l’un, et de la force encore pour l’autre: elle se montre forte en nous humiliant, comme elle est forte en nous relevant.

15. « Le jour et la nuit, votre main s’est appesantie sur moi, je me suis retourné dans ma douleur dont l’aiguillon me déchirait 2 ». Le poids de votre main, l’humiliation qui m’accable m’ont amené à la conversion, dans mon chagrin : la misère me saisit, l’aiguillon me déchire, et ma conscience en est meurtrie. Que lui est-il arrivé sous l’aiguillon de ces épines ? Il a ressenti sa douleur et reconnu sa faiblesse. Et lui qui n’avait point fait l’aveu de ses fautes, mais qui avait crié pour la défendre, au point d’émousser sa vertu, c’est-à-dire de hâter la vieillesse de ses os, qu’a-t-il fait sous la douleur de l’aiguillon ? « J’ai connu avion péché ». Donc il reconnaît ses fautes, et s’il les considère, Dieu en détourne les yeux. Ecoutez la suite et voyez s’il ne dit point : « J’ai « reconnu mon péché, et je n’ai point caché mon injustice 3 ». Je disais tout à l’heure: Ne couvre point tes fautes, et Dieu les couvrira lui-même. «Bienheureux ceux dont les iniquités sont remises, dont les péchés sont couverts ». Couvrir ses fautes, c’est se découvrir soi-même. Le psalmiste les découvre, afin de n’être pas découvert lui-même. « Je n’ai point couvert mon iniquité ». Qu’est-ce à dire : « Je n’ai point couvert ? » Jusque-là je me taisais: maintenant que fait-il ? « J’ai dit», ce qui est contraire au silence. « J’ai dit», mais qu’as-tu dit ? « Je confesserai contre moi mes prévarications au Seigneur, et vous m’avez remis l’impiété de mon âme 5 », « J’ai dit ». Qu’as-tu dit ? Il ne déclare pas encore, mais il promet de déclarer ses fautes, et déjà Dieu les lui pardonne. Considérez bien, mes frères, cette grande miséricorde : le psalmiste dit seulement : « Je confesserai »; il ne dit point : J’ai déclaré mon péché, et vous, Seigneur, vous l’avez remis, mais simplement: « Je le déclarerai, et vous me l’avez pardonné». Dire en effet: « Je déclarerai », c’est dire par là même, que cette déclaration n’est pas encore sortie de sa bouche, mais faite seulement dans son cœur. Dire : « Je déclarerai », c’est déjà faire cette déclaration. Aussi « vous m’avez pardonné l’impiété de mon cœur ». Ma confession n’était pas encore sur mes lèvres; j’avais dit seulement: « Je confesserai contre moi-même »; et néanmoins le Seigneur a entendu ce cri de mon âme. Ma parole n’était pas encore dans ma bouche; que déjà l’oreille de Dieu était dans mon cœur. « Vous m’avez remis l’impiété de mon âme », parce que j’ai dit : « Je confesserai ». 1. Ps. XXXI, 4.— 2. IbId. — 3. Id. 5.— 4. Ibid. (288)

16. Mais cela était insuffisant, Le Prophète ne dit point Je confesserai mon injustice au Seigneur; ce n’est pas sans raison qu’il ajoute : «Je confesserai contre moi »; ce qui est important. Beaucoup en effet déclarent leurs injustices, mais les déclarent contre Dieu; et quand ils sont surpris dans l’iniquité, ils répondent : C’est Dieu qui l’a voulu. Qu’un homme en effet dise : Je n’ai point fait cela, ou, ce que vous me reprochez n’est pas une faute; il n’accuse ni lui-même. ni Dieu. Qu’il dise au contraire: J’ai fait cela, c’est une faute, mais Dieu l’a voulu ainsi, en quoi suis-je coupable? alors c’est Dieu qu’il accuse. Mais, direz-vous, il n’est personne qui parle ainsi; qui oserait dire : C’est Dieu qui l’a voulu ? D’abord il y en a beaucoup pour le dire; mais ceux qui ne le disent point formellement, que font-ils autre chose, en s’excusant ainsi: C’est le destin qui l’a voulu, c’est mon étoile qui en est cause? Ils prennent un détour, mais pour arriver à Dieu. Par ces détours, ils veulent eu venir jusqu'à inculper Dieu, au lieu de prendre le chemin plus court de l’apaiser. Le destin m’a poussé, disent-ils. Qu’est-ce que le destin ? Ma mauvaise étoile en est cause. Qu’est-ce que ces étoiles ? Assurément celles que nous voyons à la voûte des cieux. Qui les a créées? Dieu; qui les a placées ? Dieu encore. Ainsi, tu le vois, tu as voulu dire que c’est Dieu qui t’a poussé au péché. L’injuste c’est lui, le juste c’est toi; s’il n’avait ainsi disposé les choses, tu n’aurais point péché. Arrière toutes ces excuses du péché; souviens-toi de ces paroles du psaume : « Ne laissez point aller mon cœur à ces paroles mensongères que l’on allègue pour excuser des péchés, parmi ces hommes qui commettent l’iniquité ». Toutefois ce sont des hommes importants, ceux qui atténuent ainsi leurs fautes; ils sont importants ceux qui peuvent compter les étoiles, qui peuvent dire quand est-ce qu’un homme fera un acte coupable ou un acte de vertu, quand Mars commettra un homicide et, Vénus un adultère; ce sont des hommes importants, des hommes savants, des hommes distingués dans le monde. Mais que nous dit le Psalmiste ? « Ne laissez point aller mon cœur à ces paroles mensongères, avec les hommes criminels; je n’aurai point de part avec les plus habiles d’entre eux ». Que d’autres appellent savants et distingués ceux qui peuvent compter les étoiles; que l’on accorde la sagesse à ceux qui règlent comme sur les doigts les destinées des hommes qui lisent nos mœurs dans les étoiles; pour moi, je sais que Dieu m’a doué du libre arbitre, que si j’ai péché, c’est bien moi qui ai péché; non seulement je confesserai mon péché au Seigneur, mais je le confesserai contre moi, et non contre lui. « Pour moi, j’ai dit: Seigneur, ayez pitié de moi », c’est le malade qui appelle un médecin. « Pour moi, j’ai dit ». A quoi bon mettre : « Moi j’ai dit », quand il suffisait de dire simplement : J’ai dit ? Le moi est ici emphatique; c’est bien moi, ce n’est ni le destin, ni la fortune, ni le diable; ce dernier ne m’a point forcé, mais moi j’ai consenti à ses instigations : « Pour moi, j’ai dit au Seigneur: Ayez pitié de moi, guérissez mon âme, parce que j’ai péché contre vous 1 ». C’est aussi la résolution qu’il arrête ici : « J’ai dit : Je confesserai contre moi mon iniquité au Seigneur, et vous m’avez pardonné l’impiété de mon cœur ».

17. « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera au temps favorable 2 ». Quel est ce temps opportun? Et qu’est-ce à dire, pour cela ? » A cause de leur impiété. Laquelle ? Celle qu’a dû couvrir le pardon de leur péché. « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera, parce que vous lui avez remis ses fautes ». Sans ce pardon des fautes il n’y aurait pas un saint pour vous invoquer. « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera en temps opportun : ou quand vous manifesterez votre alliance nouvelle; car la manifestation de la grâce du Christ, c’est là le temps opportun. «Quand les temps furent accomplis», dit saint Paul, « Dieu envoya son Fils, formé de la femme », c’est-à-dire d’une vierge que les anciens désignaient aussi sous le nom générique de femme, mulier, « assujettie à la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi ». De quelles mains les racheter? des mains du diable, de la perdition, du péché, des mains de celui auquel ils s’étaient vendus. « Afin de racheter ceux qui étaient sous la loi ». Ils étaient sous la loi, en ce sens que la loi les accablait. Et les accabler, c’était les convaincre de péché sans les sauver. Sans doute, elle défendait le mal; mais parce qu’ils n’avaient point la force de se justifier par eux-mêmes, il fallait crier vers Dieu, comme celui qui se sentait captif sous la loi du péché, et qui s’écriait : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort 2 ? » Tous les hommes étaient donc sous la loi, et non dans la loi qui pesait sur eux et les convainquait de péché. Car c’est la loi qui a montré le péché, elle qui en a enfoncé l’aiguillon, elle qui a meurtri notre cœur, elle qui a averti chacun de nous de se reconnaître coupable et d’implorer du Seigneur notre pardon. « C’est pour cela que tout homme saint doit crier vers vous, au temps favorable ». J’ai expliqué donc ce temps favorable par ce mot de saint Paul : « Quand les temps furent accomplis, Dieu nous envoya son Fils 3 ». L’Apôtre dit encore: « Je vous ai exaucé au temps favorable, je vous ai secouru au jour du salut 4 ». Et comme le Prophète parlait ainsi de tous les chrétiens, l’Apôtre ajoute : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours du salut 5. C’est pour cela que tout homme saint doit vous invoquer au temps favorable ». 1. Ps. XL, 5.— 2. Id. XXXI, 6. (289)

18. « Et toutefois au cataclysme des grandes eaux, ils ne s’approcheront point de lui 5 ». « De lui », de qui? de Dieu. Le Prophète, parlant de Dieu, change souvent de personne; ainsi : « Le salut vient du Seigneur, et votre bénédiction se répand sur votre peuple », c’est-à-dire, c’est de vous, Seigneur, que vient le salut, et votre bénédiction se répand sur votre peuple. Mais comme il avait dit d’abord: « Le salut vient du Seigneur », non point en s’adressant au Seigneur, mais en parlant de lui; il se retourne du côté de Dieu pour lui dire : « Et votre bénédiction se répand sur votre peuple ». Il en est de même ici: nous entendons d’abord « vers vous, Seigneur », puis « de lui », mais ne croyons pas qu’il parle d’un autre que de Dieu: « C’est pour cela que tout homme saint vous invoquera au temps favorable : et toutefois au cataclysme des grandes eaux, ils ne s’approcheront point de lui 2 ». Qu’est-ce à dire, « dans le cataclysme des grandes eaux ? » c’est-à-dire, ceux qui nagent dans les flots sans digue des grandes eaux, n’approchent point du Seigneur. Qu’est. ce que le Prophète entend par ces grandes eaux? c’est la nombreuse variété des doctrines. La doctrine de Dieu est unique, les eaux n’en sont point-nombreuses, il n’y en a qu’une, soit l’eau du sacrement de baptême, soit l’eau de la doctrine du salut. C’est de la doctrine que le Saint-Esprit répand sur- nous, qu’il est dit : « Bois l’eau de tes vases et des sources de tes puits 3 ». Or, ce ne sont point les impies qui approchent de ces sources; mais ceux qui croient en celui qui justifie l’impie 4, et qui sont déjà justifiés, ceux-là s’en approchent. Les autres eaux si nombreuses, les autres doctrines multipliées n’aboutissent qu’à la corruption des âmes, ainsi que je le disais tout à l’heure, Une doctrine vous fait dire : C’est le destin qui m’a poussé; une autre: C’est le hasard, c’est la fortune qui m’a fait cela. Si le hasard gouverne les hommes, il n’y a plus de Providence pour gouverner le monde; voilà encore une de ces doctrines, une autre vient me dire : Il y a une race d’esprits de ténèbres contraires à Dieu, qui s’est révoltée contre lui, et qui fait pécher les hommes. Alors, dans ce débordement des grandes eaux, ils ne s’approcheront point de Dieu. Quelle est donc cette eau, cette eau vraie qui coule des plus profondes sources de la vérité la plus pure ? Quelle est cette eau, mes frères, sinon l’eau qui nous apprend à bénir le Seigneur ? Quelle est cette eau, sinon l’eau qui nous apprend à dire : « Il est bon de bénir Dieu 5 ? » Quelle est cette eau enfin, sinon l’eau qui nous fait dire avec le Psalmiste: « Je l’ai dit: Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur »; et encore: «Pour moi, j’ai dit: Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez mon âme, parce que j’ai péché contre vous 1 ». Or, cette eau de la confession des péchés, cette eau qui apprend au cœur à s’humilier, cette eau de la vie et du salut, cette eau qui porte l’homme à se mépriser, à ne point trop présumer de lui-même, à ne rien s’attribuer dans son orgueil; cette eau donc de la pure doctrine, on ne la trouve dans aucun livre des païens, ni chez les Épicuriens, ni chez les Stoïciens, ni chez les Manichéens, ni chez les Platoniciens; et même partout où l’on rencontre d’excellents préceptes de morale et de conduite, on ne trouve pas pour cela cette humilité divine. L’humilité pour nous émane d’une autre source elle nous vient du Christ. Quelle autre leçon pouvait-il nous donner en s’humiliant lui-même, en devenant obéissant jusqu'à la mort, et même jusqu'à la mort de la croix 2 ? Quel autre enseignement nous donnait-il en payant la dette qu’il n’avait pas contractée, afin de nous libérer de notre dette ? Quel autre enseignement nous donnait-il en recevant le baptême, lui qui n’a commis aucun péché 3, en se faisant clouer à la croix, lui qui n’était point coupable ? Que nous enseignait-il, sinon cette humilité ? Ce n’est pas sans raison qu’il adit: « Je suis la voie, la vérité et la vie 4 ». Telle est donc l’humilité, qu’elle nous rapproche de Dieu, parce que le Seigneur se tient près de ceux qui ont le cœur contrit 5 » Or, dans le débordement de ces grandes eaux qui s’élèvent contre Dieu, qui enseignent l’orgueil et l’impiété, nul ne saurait approcher de Dieu. 1. Ps. III, 9. — 2. Ps. XXXI, 7. — 3. Prov. V, 15.— 4. Rom. IV,5.— 5. Ps. XCI, 2. (290) 1. Gal. IV, 4, 5.— 2. Rom. VII, 23, 24.— 3. Galat. IV, 4.— 4. II Cor. VI, 2.— 5. Ibid — 6. Ps, XXXI, 6.

19. Mais toi qui es déjà justifié, es-tu encore au milieu de ces grandes eaux ? Oui, mes frères, même quand nous confessons nos fautes, nous entendons le bruit des grandes eaux qui nous environnent de toutes parts. Nous ne sommes point dans le déluge même, et ce déluge néanmoins nous environne. Les eaux nous serrent de près, mais sans nous accabler; elles nous agitent, mais sans nous submerger. Que feras-tu donc, ô mon frère, toi qui es au milieu du déluge, et qui vis dans ce monde pervers ? Se peut-il que tu n’y entendes point ces docteurs, que leurs doctrines d’orgueil n’arrive pas à tes oreilles, et que chaque jour leurs maximes ne mettent point ton cœur à la torture ? Que dira donc au milieu de ce déluge le chrétien déjà justifié et qui se confie en Dieu ? « Seigneur, vous êtes mon refuge, dans la persécution qui m’environne 1 ». Que les autres cherchent un abri chez leurs idoles, ou chez heurs démons, ou dans leurs forces, ou dans la défense de leurs péchés: pour moi, dans ce déluge, il n’y a que vous, Seigneur, qui puissiez me mettre à l’abri de la persécution qui m’environne. 1. Ps. XI., 5. — 2. Phil. II, 8 — 3. Matt. III, 13. — 4. Jean, XIV, 6. — 5. Ps. XXIII, 19.



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Message par Invité Ven 7 Mai 2021 - 15:01

SUITE DU DEUXIEME DISCOURS SUR LE PSAUME XXXI



20. « Délivrez-moi, ô vous qui êtes ma joie 2 ». Pourquoi vouloir qu’on te rachète, si tu es dans la joie ? « Rachetez-moi, ô vous qui êtes ma joie ». J’entends à la fois, et le cri de l’allégresse : « Vous êtes ma joie », et la voix du gémissement: « Rachetez-moi ». Tu tressailles et tu gémis. C’est vrai, me répond le Prophète, je tressaille et je gémis : je tressaille dans l’espérance, je gémis encore dans la réalité. « Rachetez-moi, ô vous qui êtes ma joie ». Réjouissez-vous dans l’espérance, nous dit l’Apôtre; ce qui rend bien cette parole : « Ô vous qui êtes ma joie ». Mais pourquoi: « Délivrez-moi ? » Saint Paul nous le dit ensuite : « Soyez patients dans la tribulation 3 ». L’Apôtre lui-même était déjà justifié, et que dit-il néanmoins ? « Nous-mêmes aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement ». Pourquoi donc, « rachetez-moi ? C’est que nous-mêmes nous gémissons dans l’attente de l’adoption, qui sera la délivrance de nos corps 4 ». Ainsi « rachetez-moi » signifie que nous gémissons en nous-mêmes, attendant que nos corps soient rachetés. Pourquoi cette expression : « Vous êtes ma joie ? » L’Apôtre l’explique peu après en disant : « C’est par l’espérance que nous sommes sauvés; mais l’espérance qui verrait ne serait plus une espérance. Comment espérer ce que l’on voit déjà ? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l’attendons par la patience ». Espérer, c’est jouir; attendre avec patience, c’est gémir encore: car on n’a que faire de patience, quand on ne souffre point. Ce que l’on appelle tolérance, patience, souffrance, longanimité, tout cela ne se dit que des peines que l’on endure. Si vous êtes accablé, vous êtes dans l’angoisse. Donc si nous attendons par la patience, nous disons encore : Rachetez-moi de l’affliction qui m’environne; mais comme l’espérance nous sauvera, nous disons l’un et l’autre « Délivrez-moi, ô vous qui êtes ma joie ». 1. Ps. XXXI, 7. — 2. Ibid. — 3. Rom. XII, 12. — 4. Id. VIII, 23—25. (291)

21. Voici la réponse : « Je te donnerai l’intelligence ». Le psaume lui-même est un psaume d’intelligence. « Je te donnerai l’intelligence et t’affermirai dans la voie où tu auras marché 1 ». Qu’est-ce à dire : « Je t’affermirai dans la voie où tu auras marché 2 ? » Non plus afin que tu y demeures, mais afin que tu ne t’en écartes pas. Je te donnerai l’intelligence, afin que tu te comprennes toujours, que tu tressailles toujours dans l’espérance en Dieu: jusqu'à ce qu’enfin tu arrives dans la patrie, où il n’y a plus d’espérance, mais où tout sera réalité.« J’affermirai mon regard sur vous ». Je ne détournerai point de vous les yeux, parce que jamais vous ne les détournerez de moi. Bien que tu sois justifié et après la rémission de tes fautes, lève les yeux vers ton Dieu. Sur la terre, ton cœur s’en allait en pourriture. Ce n’est pas sans raison que l’on te crie: Élève ton cœur en haut, de peur qu’il ne se corrompe. Toi donc aussi lève les yeux en haut; tiens-les fixés sur le Seigneur, afin qu’il arrête ses regards sur toi. Mais pourquoi redouter qu’en élevant tes yeux en haut, tu ne voies pas devant toi, et que ton pied ne tombe dans quelque piège ? Sois sans crainte, là aussi sont arrêtés ces regards de Dieu qu’il tenait fixés sur toi. « Soyez », nous dit le Seigneur, « soyez sans sollicitudes ». L’apôtre saint Pierre a dit : « Rejetez dans le sein de Dieu toute votre sollicitude, parce que lui-même prend soin de vous 3 ». Donc « mes yeux seront fixés sur toi ». Quant à toi, fixe à ton tour tes regards sur le Seigneur, et tu ne craindras pas, ai-je dit, de tomber dans le piège. Ecoute ce mot du psalmiste: « Mes yeux seront toujours fixés en Dieu ». Et comme si on lui disait: Que deviendront tes pieds, si tu ne regardes point à ta marche ? il répond : « Ce sera lui qui dégagera mes pieds des embûches 4. » J’affermirai donc sur toi « mes regards 5 ».

22. Ainsi Dieu a promis le secours et l’intelligence au prophète qui se tourne alors vers les orgueilleux qui défendent leurs péchés: « Gardez-vous », leur dit-il, « de ressembler au cheval et au mulet, qui n’ont point d’intelligence 1 ». Le cheval et le mulet marchent la tête levée; ils ne ressemblent point à ce bœuf qui connaît son maître, et à l’âne qui connaît l’étable de celui qu’il sert 2. « Gardez-vous de ressembler au cheval et au mulet, qui n’ont point d’intelligence ». Qu’arrive-t-il pour eux ? « C’est par la bride et par le mors que vous assujettirez les mâchoires de ceux qui ne s’approchent point de vous 3 ». Veux tu être cheval ou mulet ? Veux tu ne souffrir aucun cavalier ? Ta bouche et tes mâchoires seront assujetties par la bride et le mors: on assujettira cette bouche qui relève tes mérites et garde le secret de tes fautes. « Maîtrisez donc les mâchoires de ceux qui ne s’approchent point de vous » par humilité. 1. Ps. XXXI, 8. — 2. Mat. VI, 31. — 3. I Pierre, V, 7. — 4. Ps. XXIV, 15.

23. « Ils sont nombreux, les châtiments des pécheurs 4 ». Il n’est pas étonnant que le fouet vienne après le mors. li voulait être un animal indomptable, et on l’assouplit avec le mors et le fouet: et plaise à Dieu qu’on l’assouplisse! Car il est à craindre que par son opiniâtreté; il ne mérite de rester indompté, et de s’en aller sauvage et vagabond, où le portera sa fougue, en sorte que l’on dise de lui comme de ceux dont les péchés demeurent impunis ici-bas, que « leur iniquité vient de leur abondance 5 ». Que le fouet donc serve à le corriger et à le dompter, comme l’interlocuteur avoue qu’il a été lui-même dompté. Il se comparaît au cheval et au mulet à cause de son silence: mais qu’est-ce qui l’a dompté ? le fouet du châtiment. « Je me suis converti », dit-il, « dans ma douleur et déchiré par l’aiguillon ». Soit donc parle fouet, soit par l’aiguillon, Dieu assouplit le cheval qu’il monte, et c’est l’avantage du cheval d’avoir un tel cavalier. Et si le Seigneur monte à cheval, ce n’est point qu’il soit fatigué de marcher à pied. Car ce n’est pas sans quelque mystère que l’on amena autrefois linon au Sauveur 6. Le peuple qui porte Jésus-Christ avec la bonne volonté de la douceur et de la paix, est figuré par cet ânon, et il se dirige vers Jérusalem. « Car Dieu dirige les hommes doux dans l’équité », comme le dit un-autre psaume, « il enseignera ses voies aux hommes pacifiques 7 ». Quels sont ces hommes doux? ceux qui ne relèvent point arrogamment la tête contre leur maître, qui endurent le fouet et le frein; qui deviennent si souples qu’ils marchent sans le fouet, et que sans frein et sans bride ils suivent le bon chemin. Si tu n’as le Seigneur pour cavalier, c’est toi qui tomberas et non lui. « Ils sont nombreux les châtiments du pécheur; mais celui qui espère dans le Seigneur, sera environné par sa miséricorde ». Quel refuge pourrons-nous trouver dans le malheur ? Celui qui est d’abord dans l’affliction trouvera ensuite la miséricorde; car cette miséricorde nous viendra de celui qui nous a donné la loi 1; la loi comme un châtiment, là miséricorde comme une consolation. « Celui qui espère dans le Seigneur trouvera ensuite la miséricorde ». 1. Ps. XXXI, 9.— 2. Isa. I, 3.— 3. Ps. XXXI, 9.— 4. Id. 10. — 5. Id. LXXI, 7.— 6. Matt. XXI, 7.— 7. Ps. XXIV, 9. (292)

24. Quelle est donc la conclusion du psaume ? « Réjouissez-vous dans le Seigneur, ô vous qui êtes justes, et tressaillez de joie 2 ». Et vous, impies, qui vous réjouissez en vous-mêmes, vous, orgueilleux, qui n’avez de joie qu’en vous: maintenant que vous croyez en celui qui justifie l’impie, que votre foi vous sait imputée à justice 3. « Réjouissez-vous dans le Seigneur, ô vous qui êtes justes, et tressaillez de joie » dans le Seigneur encore. Pourquoi cette joie ? parce que déjà vous êtes justes; et d’où vous vient la justice ? non pas de vos mérites, mais de la grâce de Dieu. Pourquoi êtes-vous justes? parce que vous avez été justifiés.

25. « Glorifiez-vous, ô vous qui avez le cœur droit 4 ». Comment votre cœur est-il droit ? C’est que vous ne résistez point à Dieu. Que votre charité redouble d’attention, et cous-prenez ce qu’est un cœur droit. Je le dis en peu de mots, mais qu’il faut bien retenir. Je bénis Dieu que ce soit en finissant, afin que cela demeure mieux gravé dans votre mémoire. Voici donc la différence qui existe entre le cœur droit et le cœur pervers. Qu’un homme qui se trouve; sans le vouloir, dans les afflictions, dans les chagrins, dans les fatigues, dans les humiliations, ne voie eu tout cela que la juste volonté de Dieu, sans l’accuser de folie, comme s’il agissait en aveugle, en frappant celui-ci pour épargner celui-là, cet homme a le cœur droit: ceux-là au contraire ont le cœur mauvais, le cœur dépravé, le cœur perverti, qui taxent toujours d’injustice les tourments qu’ils endurent, et qui attribuent cette injustice à celui qui les permet; ou bien qui lui enlèvent le gouvernement du monde, parce qu’ils l’incriminent. Dieu ne peut rien faire d’injuste, nous disent-ils; or, il est injuste que la douleur soit pour moi et non pour cet autre: que je sois pécheur, je l’accorde; mais il en est de plus coupables que moi, qui sont dans l’allégresse, et moi dans la douleur : comme donc il est injuste que de plus méchants que moi soient dans la joie quand je gémis dans la peine, moi qui suis juste, ou moins pécheur que ceux-là; comme il y a là une injustice, j’en ai la conviction, et que j’ai aussi cette conviction que Dieu ne saurait faire le mal, j’en conclus que Dieu ne dirige point les choses du monde, et ne prend de nous aucun souci. Donc, l’égarement de ces hommes au cœur méchant et perverti, peut se réduire à trois points: ou qu’il n’y a pas de Dieu : « L’insensé dit dans son cœur : Dieu n’est pas 1 ». C’est là une des eaux de ce déluge dont nous avons parlé. Il s’est trouvé des philosophes pour soutenir cette doctrine, et pour dire que ce n’est point un Dieu qui gouverne et qui a créé toutes choses, mais qu’il y a plusieurs dieux s’occupant d’eux-mêmes en dehors du monde, et n’ayant aucun soin de cet univers. Donc, ou bien il n’y « a pas de Dieu », et c’est le langage de l’impie, qui désapprouve tout ce qui lui arrive en dehors de sa volonté, sans arriver à tel autre auquel il se préfère; ou bien : Dieu est injuste, puisqu'il commet et approuve tout cela ou bien : Dieu ne gouverne point les choses d’ici-bas, et n’a pas soin de nous tous. Il y a dans chacun de ces trois points une grande impiété, puisque c’est nier Dieu, ou l’accuser d’injustice, ou lui enlever la direction des événements. D'où vient cette impiété ? de la dépravation du cœur. Dieu est la rectitude même, et un cœur qui n’est point droit ne s’accorde point avec lui. C’est ce que le psalmiste a dit ailleurs : « Combien est bon le Dieu d’Israël, pour ceux qui ont le cœur droit 2 ». Et parce qu’il touchait lui-même à l’un de ces points, et se demandait : « Comment Dieu sait-il ces choses, et comment le Très-Haut en a-t-il connaissance 3 »; aussi a-t-il dit au même endroit : « Peu s’en est fallu que mes pieds ne fussent ébranlés 1 ». De même qu’en posant un bois tortueux sur une surface plane, vous ne pouvez le ranger, ni le consolider, ni le faire joindre: mais il est toujours branlant et sans solidité; non point que la surface soit inégale, mais parce que le bois que vous y voulez appliquer est tortueux; de même votre cœur, s’il est dépravé, s’il est tortueux, ne peut s’unir à Dieu qui est la rectitude même; il ne peut s’unir à Dieu par une véritable adhésion, ainsi qu’il est dit : « Celui qui adhère au Seigneur, devient un même esprit avec lui 2 ». Donc, « glorifiez-vous, ô vous qui avez le cœur droit », dit le Prophète. Comment peuvent se glorifier ceux qui ont le cœur droit ? Ecoutez de quelle manière ils se glorifieront : « Non seulement, dit l’Apôtre, nous nous glorifions dans l’espérance, mais nous nous glorifions dans nos afflictions 3 ». Tressaillir dans les biens et dans les délices, c’est chose facile; mais l’homme au cœur droit tressaille même dans la tribulation. Or, vois ce qu’est sa joie, quand on l’afflige, car ce n’est pas en vain, ce n’est pas sans raisons qu’il tressaille, Vois l’homme au cœur droit : « Nous savons n, dit saint Paul, que la tribulation produit la patience, la patience la pureté, et la pureté l’espérance; or, cette espérance n’est point vaine, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné 4 ».1. Ps. XIII, 1.— 2. Id. LXXII, 1.— 3. Id. 11. 1. Ps. LIXXIIl, 8.— 2. Id. XXXI, 11. — 3. Rom. IV, 5.— 4. Ps. XXXI, 11. (293)

26. C’est là, mes frères, la droiture du cœur. Quel que soit l’homme à qui il arrive quelque chose, qu’il s’écrie : « Le Seigneur l’a donné, le Seigneur l’a ôté ».Telle est la droiture du cœur : « Comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait : que le nom du Seigneur soit béni 5 ». Quel est celui qui a ôté? Qu’a-t-il ôté ? A qui a-t-il ôté ? Quand l’a-t-il ôté ? Que le nom du Seigneur soit béni. Il ne dit point: Le Seigneur l’a donné, le diable l’a ôté. Que votre charité le remarque bien, afin de ne dire jamais: C’est le diable qui m’a fait cela. C’est à Dieu qu’il faut rapporter le châtiment que tu subis, car le diable n’a aucun pouvoir sur toi, que par la permission de Celui qui use de son souverain pouvoir, ou pour châtier ou pour corriger; pour châtier l’impie, pour corriger ses enfants. « Le Seigneur happe celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants 1 ». Ne prétends donc point échapper au fouet, à moins que tu ne veuilles renoncer à l’héritage, Le Seigneur châtie tout enfant qu’il adopte. Est-ce tous, sans exception ? Où donc te cacher ? C’est tout enfant; il n’a point d’exception; nul n’est adopté sans passer par le fouet. Comment ? pas un seul ? Veux-tu comprendre qu’il n’y en aura pas un seul ? Son Fils unique était sans péché, il n’a pas été admis sans châtiment. C’est pourquoi son Fils unique, chargé de tes infirmités, se personnifiant avec toi, comme le chef, qui représente le corps, aux approches de la passion, fut saisi de tristesse 2, afin de te procurer la joie; il fut plongé dans l’affliction, pour te consoler, et pouvoir, dans sa divinité, affronter les souffrances sans aucune tristesse. Le général ne pouvait-il pas ce qu’a pu le soldat ? Et comment le soldat l’a-t-il pu ? Ecoute Paul qui tressaille quand la passion approche. « Pour moi », dit-il, « je vais être immolé, et le temps de ma mort approche. J’ai bien combattu; j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi : il ne me reste qu’à attendre la couronne de justice qui m’est réservée, et que le Seigneur, comme un juste juge, m’accordera dans ce grand jour, non seulement à moi, mais encore à tous ceux qui désirent son avènement 3 ». Voyez comme il tressaille quand il va souffrir. Il tressaille donc celui qui va recevoir la couronne, et celui qui va la donner est dans la tristesse. Que figurait donc le Fils de Dieu, sinon l’infirmité de quelques-uns qui s’attristent en face de la douleur ou de la mort ? Mais voyez encore, comme il les amène à la droiture du cœur. Tu voulais vivre, et te mettre à l’abri de tout accident; mais Dieu en a décidé autrement : voilà deux volontés; que la tien ne se conforme donc à celle de Dieu, et non pas que celle de Dieu s’assouplisse à ta tienne; car la tienne est dépravée, celle de Dieu est la règle même: que la règle subsiste, afin qu’elle serve à redresser tout ce qui est tortueux. Voyez comme cet enseignement est bien celui de Jésus-Christ. « Mon âme », dit-il, « est triste jusqu'à la mort »; puis : « Mon Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi ». C’est là que perce la volonté humaine. Mais écoutez le cœur droit : « Et pourtant, non comme je veux, mais comme vous voulez, ô mon Père ». C’est là ton modèle, dans la joie de tout ce qui peut t’arriver : et même réjouis-toi, si ta dernière heure vient à sonner. Et si tu ressens -quelque faiblesse qui appartienne à l’humaine volonté, dirige la du côté de Dieu, afin que tu fasses nombre avec ceux à qui il est dit : « Glorifiez-vous, ô vous dont le coeur est droit ». 1. Ps. LXXII, 2.— 2. I Cor. VI, 17. — 3. Rom. V, 3 — 4. Id. 3, 4, 5. — 5. Job, I, 21. 1. Héb. XII, 6. — 2. Matt. XXVI, 38. — 3. II Tim. IV, 6-8. — 4. Matt. XXVI. 38, 39. (294)



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Message par Invité Sam 8 Mai 2021 - 14:46

*Les 150 psaumes avec textes, vidéos et commentaires...*


Psaume 33 (32) - "Hymne à la Providence"








Psaume 33 (32) - "Hymne à la Providence" : Ps 33, 1 : Criez de joie, les justes, pour Yahvé, aux cœurs droits convient la louange.

Le psaume 33 (32 selon la numérotation grecque) est attribué à David. C’est un psaume de louange, dont le thème majeur est celui du peuple d'Israël, peuple élu de Dieu.


Le « Psaume 32 et son Antienne » psalmodié par les Moines Bénédictins de l’Abbaye de Keur Moussa au Sénégal :



Antienne : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ! Nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu »

Psaume 32 :
Criez de joie pour le Seigneur, hommes justes ! Hommes droits, à vous la louange !
Rendez grâce au Seigneur sur la cithare, jouez pour lui sur la harpe à dix cordes. Chantez-lui le cantique nouveau, de tout votre art soutenez l'ovation.
Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; il est fidèle en tout ce qu'il fait. Il aime le bon droit et la justice; la terre est remplie de son amour.
Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l'univers, par le souffle de sa bouche. Il amasse, il retient l'eau des mers ; les océans, il les garde en réserve.
Que la crainte du Seigneur saisisse la terre, que tremblent devant lui les habitants du monde ! Il parla, et ce qu'il dit exista ; il commanda, et ce qu'il dit survint.
Le Seigneur a déjoué les plans des nations, anéanti les projets des peuples. Le plan du Seigneur demeure pour toujours, les projets de son cœur subsistent d'âge en âge.
Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu, heureuse la nation qu'il s'est choisie pour domaine ! Du haut des cieux, le Seigneur regarde : il voit la race des hommes.
Du lieu qu'il habite, il observe tous les habitants de la terre, lui qui forme le cœur de chacun, qui pénètre toutes leurs actions.
Le salut d'un roi n'est pas dans son armée, ni la victoire d'un guerrier, dans sa force. Illusion que des chevaux pour la victoire : une armée ne donne pas le salut.
Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine.
Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier. Lajoie de notre cœur vient de lui, notre confiance est dans son nom très saint.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi !

Rendons gloire au Père tout puissant, à son fils Jésus-Christ le Seigneur, à l’Esprit qui habite en nos cœurs, pour les siècles des siècles. Amen.



Le Psaume 32 (33) en français : "  Criez de joie, les justes, pour Yahvé " (La Bible de Jérusalem, 1998)

Ps 32:1- Criez de joie, les justes, pour Yahvé, aux cœurs droits convient la louange.
Ps 32:2- Rendez grâce à Yahvé sur la harpe, jouez-lui sur la lyre à dix cordes;
Ps 32:3- chantez-lui un cantique nouveau, de tout votre art accompagnez l'acclamation !
Ps 32:4- Droite est la parole de Yahvé, et toute son œuvre est vérité;
Ps 32:5- il chérit la justice et le droit, de l'amour de Yahvé la terre est pleine.
Ps 32:6- Par la parole de Yahvé les cieux ont été faits, par le souffle de sa bouche, toute leur armée;
Ps 32:7- il rassemble l'eau des mers comme une digue, il met en réserve les abîmes.
Ps 32:8- Qu'elle tremble devant Yahvé, toute la terre, qu'il soit craint de tous les habitants du monde !
Ps 32:9- Il parle et cela est, il commande et cela existe.
Ps 32:10- Yahvé déjoue le plan des nations, il empêche les pensées des peuples;
Ps 32:11- mais le plan de Yahvé subsiste à jamais, les pensées de son cœur, d'âge en âge.
Ps 32:12- Heureux le peuple dont Yahvé est le Dieu, la nation qu'il s'est choisie en héritage !
Ps 32:13- Du haut des cieux Yahvé regarde, il voit tous les fils d'Adam;
Ps 32:14- du lieu de sa demeure il observe tous les habitants de la terre;
Ps 32:15- lui seul forme le cœur, il discerne tous leurs actes.
Ps 32:16- Le roi n'est pas sauvé par une grande force, le brave préservé par sa grande vigueur.
Ps 32:17- Mensonge qu'un cheval pour sauver, avec sa grande force, pas d'issue.
Ps 32:18- Voici, l'œil de Yahvé est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent son amour,
Ps 32:19- pour préserver leur âme de la mort et les faire vivre au temps de la famine.
Ps 32:20- Notre âme attend Yahvé, notre secours et bouclier, c'est lui;
Ps 32:21- en lui, la joie de notre cœur, en son nom de sainteté notre foi.
Ps 32:22- Sur nous soit ton amour, Yahvé, comme notre espoir est en toi.

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.




Exsultate, Iusti, In Domino: Ps.32 · Hartkeriana
Psalterium Currens (Invitatorium, Psalms 1-56)
℗ 2018 Psalterium Foundation
.


Le Psaume 32 (33) en latin : : : " Exsultate, Iusti, In Domino "

Ps 32, 01 : Psalmus David exultate iusti in Domino rectos decet laudatio
Ps 32, 02 : confitemini Domino in cithara in psalterio decem cordarum psallite illi
Ps 32, 03 : cantate ei canticum novum bene psallite in vociferatione
Ps 32, 04 : quia rectum est verbum Domini et omnia opera eius in fide
Ps 32, 05 : diligit misericordiam et iudicium misericordia Domini plena est terra
Ps 32, 06 : verbo Domini caeli firmati sunt et spiritu oris eius omnis virtus eorum
Ps 32, 07 : congregans sicut in utre aquas maris ponens in thesauris abyssos
Ps 32, 08 : timeat Dominum omnis terra ab eo autem commoveantur omnes inhabitantes orbem
Ps 32, 09 : quoniam ipse dixit et facta sunt ipse mandavit et creata sunt
Ps 32, 10 : Dominus dissipat consilia gentium reprobat autem cogitationes populorum et reprobat consilia principum;
Ps 32, 11 : consilium autem Domini in aeternum manet cogitationes cordis eius in generatione et generationem
Ps 32, 12 : beata gens cuius est Dominus Deus eius populus quem elegit in hereditatem sibi
Ps 32, 13 : de caelo respexit Dominus vidit omnes filios hominum
Ps 32, 14 : de praeparato habitaculo suo respexit super omnes qui habitant terram
Ps 32, 15 : qui finxit singillatim corda eorum qui intellegit omnia opera illorum
Ps 32, 16 : non salvatur rex per multam virtutem et gigans non salvabitur in multitudine virtutis suae
Ps 32, 17 : fallax equus ad salutem in abundantia autem virtutis suae non salvabitur
Ps 32, 18 : ecce oculi Domini super metuentes eum qui sperant super misericordia eius
Ps 32, 19 : ut eruat a morte animas eorum et alat eos in fame
Ps 32, 20 : anima nostra sustinet Dominum quoniam adiutor et protector noster est
Ps 32, 21 : quia in eo laetabitur cor nostrum et in nomine sancto eius speravimus
Ps 32, 22 : fiat misericordia tua Domine super nos quemadmodum speravimus in te.

Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.




Saint Augustin (354-430)

*Les 150 psaumes avec textes, vidéos et commentaires...* - Page 2 Augustin


PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XXXII.
LA CONFIANCE DU JUSTE.

 Le juste doit se réjouir et mettre sa confiance dans le Seigneur, dans les promesses qu'il nous a faites, dans sa miséricorde et sa justice, dans le soin qu'il prend de chacun de nous. Lui seul pourra nous sauver, pourvu que notre âme l'attende avec patience et que notre cœur ne mette qu'en nui seul sa félicité.


1. « Tressaillez dans le Seigneur, ô vous qui êtes justes ». Tressaillez, ô justes, mais non point en vous-mêmes, cela ne serait point sûr, mais tressaillez dans le Seigneur. « C’est aux cœurs droits que sied bien la louange 1 ». Ce sont ceux qui louent le Seigneur, en se soumettant à lui: il n’en est pas ainsi des cœurs tortueux et dépravés.

2. « Chantez le Seigneur sur vos harpes 2 ». Chantez le Seigneur, en lui faisant de vos corps une hostie vivante 3. « Bénissez-le sur de psaltérion à dix cordes ». Que tous vos membres servent à l’amour de Dieu et du prochain, ou à l’accomplissement des trois préceptes de la première table, et des sept préceptes de la seconde.

3. « Chantez au Seigneur un cantique nouveau 4 ». Chantez un cantique de grâces cl de loi. « Chantez sagement dans vos cris d’allégresse ». Chantez- avec une joie que mesure la sagesse.

4. « Car la parole du Seigneur est pleine d’équité 5 ». La parole du Seigneur est droite pour vous rendre ce que vous ne pouvez devenir par vous-mêmes, « Et toutes ses œuvres sont dans la foi ». Nul dès lors ne doit se croire parvenu à la foi par ses mérites, puisque c’est de la foi même que viennent les oeuvres agréables à Dieu.

5. « Il aime la miséricorde et le jugement ». Il aime la miséricorde qu’il répand maintenant et par avance sur les hommes; et le jugement qui lui fait exiger le produit de ses dons. « La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur 1 ». Dans tout l’univers les hommes reçoivent le pardon de leur péché, par la divine miséricorde. 1. Ps, XXXII, 1.— 2. Id. 2.— 3.Rom. XII, 1.— 4. Ps. XXXII, 3.— 5. ibid. 4.

6. « C’est la parole du Seigneur qui consolide les cieux ». Car ce n’est point d’eux-mêmes que les justes se sont affermis, mais par la parole du Seigneur. « Et c’est du souffle de sa bouche que vient leur force 2 ». Et leur foi vient de l’Esprit-Saint.

7. « C’est lui qui rassemble comme dans une outre les eaux de la mer 3 ». Il rassemble tous les peuples d’ici-bas pour la confession de leurs péchés qui sont condamnés, de peur que l’orgueil ne les fasse déborder dans la licence. « Dans ses trésors il place des abîmes ». Il garde pour eux des secrets cachés, afin de les enrichir.

8. « Que toute la terre craigne le Seigneur 4 ». Que le pécheur craigne, afin de s’abstenir du péché. « Qu’ils tremblent devant lui », non point parla peur des hommes, ou de toute autre créature, mais que Dieu fasse s trembler « tous ceux qui habitent l’univers ».

9. « Car il a parlé et tout a été fait », nul autre n’a fait ces créatures que peuvent redouter les hommes; mais c’est bien lui qui a dit, et les voilà faites. « Il a commandé, et tout a été créé ». Il a commandé par son Verbe, et la création s’est opérée. 1. Ps. XXXII, 5. — 2. Id. 6. — 3. Id. 7. — 4. Id. 8. — 5. Id. 9. (295)

10. « Le Seigneur a renversé les conseils des nations 1 », qui recherchaient leur domination et non la sienne. « Il réprouve la pensée des peuples », qui désirent le bonheur de ce monde. «Il réprouve aussi les desseins des princes», qui cherchent à dominer sur ces peuples.

11. « Mais le dessein du Seigneur demeure éternellement 2 ». Il est immuable pour l’éternité ce dessein du Seigneur, qui n’accorde la félicité qu’à ceux qui lui sont soumis. « Les pensées de son coeur subsistent dans les siècles des siècles ». Les desseins de sa sagesse ne sont point assujettis au changement, mais ils demeurent dans le cours des siècles.

12. « Bienheureux le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu 3 ». Il n’y a qu’un seul peuple, celui de la cité céleste, qui ne se choisit point d’autre Dieu que le Seigneur. «Heureux le peuple que le Seigneur s’est choisi pour héritage ». Ce peuple ne s’est point élu, mais Dieu l’a choisi dans sa miséricorde, afin de le posséder, et de n’y rien souffrir d’inculte ou de misérable.

13. « Du haut des cieux le Seigneur a regardé, et il a vu tous les enfants des hommes 4 ». A travers l’âme juste, Je Seigneur a vu dans sa bonté, tous ceux qui veulent renaître à une vie nouvelle.

14. « Du haut de la tente qu’il s’est préparée ». De ce tabernacle de chair qu’il s’est fait en s’incarnant. « Il a regardé ceux qui habitent la terre 5 ». Il a vu dans sa bonté ceux qui habitent la terre, afin de les gouverner en pasteur.

15. « C’est lui qui a formé le coeur de chacun d’eux 6 ». Il a mis dans le coeur des dons qui leur sont propres, afin que le corps ne soit point tout oeil, ni tout oreille 7; mais il est pour celui-ci une manière de s’unir au corps de Jésus-Christ, polir celui-là une autre manière. « C’est lui qui connaît toutes leurs actions ». Devant lui rien n’est incompris des actions des hommes.

16. « Ce ne sont point ses forces nombreuses qui sauveront le roi 8 ». « Celui qui est le roi de sa chair, ne sera point sauvé, s’il met sa confiance dans sa propre vertu ». « Et le géant ne trouvera point son salut dans ses grandes forces ». Tous ceux qui combattent les vieilles habitudes de la convoitise, ou le diable et ses anges, ne seront pas néanmoins sauvés, s’ils présument trop de leur propre valeur. 1. Ps. XXXII. 10.— 2. Id. 11.— 3. Id. 12.— 3. Id. 13.— 4. Id. 14 — 5. Id. 15. — 6. I Cor. XII, 17. — 7. Ps. XXXII, 16.

17. « Un coursier ! vain espoir de salut 1 ». On se trompe, si l’on croit pouvoir, avec le secours des hommes, acquérir le salut que l’on a reçu parmi les hommes, ou échapper à la perdition par l’obstination du caractère. « Il ne sera point sauvé par l’ardeur de son courage ».

18. « Voilà que les yeux du Seigneur s’arrêtent sur ceux qui le craignent 2 ». Si tu cherches le salut, Dieu incline son amour sur ceux qui le craignent. « Et qui espèrent en sa miséricorde ». Qui espèrent, non dans leur propre vertu, mais dans la divine miséricorde.

19. « Afin d’arracher leurs âmes à la mort, et de les nourrir pendant la famine 3 ». Afin de les nourrir de son Verbe et de l’éternelle vérité, qu’ils avaient perdue en présumant de leurs forces, et voilà que la faim de la justice a épuisé ces mêmes forces.

20. « Notre âme attendra patiemment le Seigneur 4 ». Afin de s’engraisser un jour de viandes incorruptibles, pendant qu’elle est en cette vie, notre âme attendra patiemment le Seigneur. « Car il est notre secours et notre protecteur ». Il nous aide quand nous nous dirigeons vers lui; il nous protége quand nous résistons à l’ennemi.

21. « C’est en lui que s’épanouira notre cœur 5 ». Ce n’est pas en nous, puisque nous n’y trouvons que misère quand Dieu n’y est point, mais en Dieu que notre coeur s’épanouira. «Nous avons mis notre espoir dans « la sainteté de son nom ». Et si nous espérons arriver un jour à Dieu, c’est qu’il nous a fait connaître son nom par la foi, quand nous étions éloignés de lui.

22. « Que votre miséricorde, ô Dieu, descende sur nous, selon que nous avons espéré en vous 6 ». Oui, Seigneur, que votre miséricorde s’épanche sur nous, car nous avons mis notre espérance en vous, et cette espérance est infaillible. 1. Ps. XXXII, 17. — 2. Id. 18. — 3. Id. 19. — 4. Id. 20. — 5. Id. 21. — 6. Ibid. 22. (296)




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Message par Invité Sam 8 Mai 2021 - 15:37

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Saint Augustin (354-430)

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DEUXIEME DISCOURS SUR LE PSAUME XXXII.
PREMIER SERMON. CONFIANCE EN DIEU.

Ce sermon embrasse la première partie du psaume XXXII. Il nous apprend que nous devons bénir Dieu dans le malheur aussi bien que dans la prospérité; que l'amour de la justice est l'accomplissement de la loi ; et que la miséricorde ne vient bien qu'avec la justice.


1. Ce psaume nous invite à nous épanouir dans le Seigneur. Il a pour titre : A David. Ecoutez donc votre cantique, ô vous qui appartenez à la sainte lignée de David; soyez les échos de votre cantique et tressaillez dans le Seigneur. Voici comme il commence : « Réjouissez-vous dans le Seigneur, ô vous qui êtes justes ». Que l’impie trouve sa joie dons le siècle; le siècle finira, et avec lui la joie de l’impie. Mais que les justes tressaillent dans le Seigneur, car le Seigneur est éternel, et leur joie le sera aussi. Mais pour tressaillir en Dieu d’une manière convenable, il nous faut le louer de ce qu’il est seul pour ne nous inspirer aucun dégoût, et pour en inspirer autant à l’infidèle. Et l’on peut dire en un seul mot : Celui-là plaît à Dieu, qui se plaît en Dieu. Et gardez-vous de croire, mes frères, que ce soit chose facile. Voyez combien sont nombreux, ceux qui murmurent contre Dieu, combien trouvent à redire dans ses œuvres. Quand il lui plaît d’agir contrairement à la volonté des hommes, parce qu’il est le maître, qu’il connaît ce qu’il fait, et qu’il s’arrête moins à considérer nos désirs que notre avantage, ces hommes alors, subornant à leur volonté, la volonté de Dieu, loin de redresser leur volonté sur celle de Dieu, prétendent que la volonté de Dieu voudra bien s’adapter à la leur. Ces hommes infidèles, impies, pervers, trouvent plus à leur guise, je rougis de parler ainsi, et je le dirai néanmoins, parce que vous savez que c’est la vérité, trouvent plus à leur guise un comédien que Dieu lui-même.

2. Aussi après avoir dit : « Justes, tressaillez de joie dans le Seigneur », comme nous ne pouvons tressaillir en lui qu’en chantant ses louanges, et que ces louanges lui sont d’autant plus agréables que nous mettons en lui notre bonheur, le prophète ajoute : « C’est aux cœurs droits qu’il convient de louer Dieu ». Quels sont les hommes au cœur droit ? ceux qui l’assouplissent selon la volonté de Dieu; qui se consolent dans la justice divine des troubles que leur cause l’humaine fragilité, quoique la faiblesse humaine leur fasse désirer de temps à autre ce qui pourrait leur convenir en particulier, ce qui serait en harmonie avec l’état actuel de leurs affaires, ou avec une nécessité qui se déclare, néanmoins lorsqu’ils reconnaissent et qu’ils savent que Dieu désire autre chose, ils préfèrent à leur volonté, la volonté du plus sage, à la volonté de l’infirme, la volonté du Tout-Puissant, à la volonté de l’homme, la volonté de Dieu. Car autant Dieu est au-dessus de l’homme, autant la volonté divine est au-dessus de la volonté humaine. C’est pourquoi le Christ s’étant fait homme, nous donne sa vie comme un modèle, et voulant tout à la fois nous apprendre à vivre et nous en mériter la grâce, nous fait voir en lui une certaine volonté humaine et privée, qui figurait à la fois la sienne et la nôtre, car il est notre chef, et vous le savez, nous lui appartenons comme ses membres : « Mon Père », dit-il, « s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi ». Voilà une volonté humaine, qui s’arrêtait sur un objet propre et particulier. Mais comme il voulait que l’homme eût le cœur droit, afin de le porter à redresser sur le modèle qui est toujours droit, ce qu’il pouvait avoir de tortueux, quelque peu que ce fût, il ajoute : « Et pourtant, non point ce que je veux, mais ce que vous voulez, ô mon Père » Or, quelle volonté perverse pouvait avoir le Christ ? Que pouvait-il vouloir, que ne voudrait point son Père ? Ils n’ont qu’une même divinité, et ne peuvent avoir une volonté différente. Mais il voulait personnifier dans cette humanité tous les siens, comme il les personnifiait en lui-même, quand il dit : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger 1 » : comme il les personnifiait, quand lui, que nul ne blessait, cria du haut du ciel à Saul qui frémissait de rage, et persécutait les saints : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter 2 ? » Il voulait donc te montrer en lui une volonté qui est propre à l’homme. Il t’a mis sous les yeux ta propre image afin de te corriger. Reconnais-toi en moi-même, te dit-il; tu peux, il est vrai, avoir ta volonté propre, autre que la volonté de Dieu, on le pardonne à ta fragilité, on le pardonne à l’infirmité humaine; il est difficile pour toi de n’avoir aucune volonté propre: mais à l’instant souviens-toi qu’il est quelqu’un au-dessus de toi; qu’il est supérieur, et toi inférieur, qu’il est créateur et toi créature, qu’il est maître et toi serviteur, qu’il est tout-puissant et toi bien faible; et afin de te corriger, soumets ta volonté à sa volonté, en disant : « Toutefois, ô mon Père, non point ce que je veux, mais ce que vous voulez ». Alors comment pourrais-tu être séparé de Dieu; quand tu veux ce qu’il veut ? C’est alors que tu seras droit, et qu’il te siéra de bénir Dieu: « Car c’est aux cœurs droits de le louer ». 1. Matt. XXVI, 39. — 2. Ibid. (297)

3. Mais si ton coeur est tortueux, tu béniras Dieu dans la prospérité, pour le blasphémer dans le malheur; et toutefois le mal n’est plus un mal quand il est juste; et il est juste quand il vient de la part d’un Dieu qui ne peut rien faire d’injuste. Tu seras donc dans la maison paternelle comme l’enfant ingrat, tu aimeras ton père quand tu en recevras des caresses, et tu le haïras s’il vient à te châtier: comme si ses châtiments aussi bien que ses caresses ne te préparaient pas à devenir son héritier. Vois maintenant comme la louange sied bien aux cœurs droits, écoute ce que chante un cœur droit dans un autre psaume : « Je bénirai en tout temps le Seigneur, sa louange sera toujours dans ma bouche ». « En tout temps », a le même sens que « toujours »; comme « je bénirai » et « sa louange sera dans ma bouche » sont identiques. Le louer donc en tout temps et toujours, c’est le louer dans le malheur, comme dans la prospérité. Car si tu ne bénis Dieu que dans la prospérité et non dans le malheur, comment sera-ce en tout temps, comment toujours ? Et toutefois chaque jour n’entendons-nous pas le grand nombre qui eut agit ainsi ? Leur arrive-t-il quelque bonheur, ils s’épanouissent, ils tressaillent de joie, ils bénissent Dieu, ils chantent ses louanges; loin de les désapprouver, je les en félicite, car il y en a beaucoup qui ne le font pas même alors. Mais il faut apprendre à ceux qui déjà bénissent Dieu dans la prospérité, à reconnaître qu’il est père encore quand il châtie, à ne point murmurer contre sa main qui les afflige, de peur qu’ils ne demeurent dans la dépravation, qu’ils ne déméritent et ne soient justement privés de l’héritage éternel; il le faut, afin qu’ils deviennent droits, et ils seront droits quand rien dans les actes de Dieu ne leur déplaira; et qu’ils puissent bénir Dieu jusque dans le malheur, et dire : « Le Seigneur l’a dominé, le Seigneur l’a ôté, comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait; que le nom du Seigneur soit béni 1 »: c’est à ces cœurs droits qu’appartient la louange, eux qui ne béniront pas d’abord, pour blâmer ensuite. 1. Matt. XXV, 35. — 2. Act. IX, 4. — 3. Ps. XXXIII, 2.

4. Donc, ô vous qui êtes justes, qui avez le cœur droit, tressaillez dans le Seigneur, car c’est à vous qu’il appartient de le bénir. Que nul ne dise : Qui suis-je pour être juste ? Ou : Quand pourrai-je être juste ? Ne vous méprisez point, ne désespérez point de vous-mêmes. Vous êtes hommes; vous êtes créés à l’image de Dieu 2 : celui qui a fait de vous des hommes, s’est lui-même fait homme polar vous : et afin que vous fussiez adoptés en plus grand nombre pour l’éternel héritage, pour vous le sang de son Fils unique a été répandu. Si la faiblesse d’une chair terrestre vous rend méprisables à vos yeux, estimez-vous dû moins au prix que vous avez coûté. Pensez mûrement à votre nourriture, à votre breuvage, et à quoi vous souscrivez en disant : Amen. Toutefois est-ce l’orgueil que nous vous prêchons ici, et vous engageons-nous à vous attribuer quelque perfection ? Encore une fois, n’allez pas vous croire étrangers à toute justice. Je ne veux pas vous questionner au sujet de votre justice; car nul d’entre vous sans doute n’oserait me répondre : Je suis juste : mais je vous interroge au sujet de votre foi; et de même que nul n’oserait me répondre : Je suis juste; nul aussi n’oserait me dire : Je n’ai pas la foi. Je ne cherche donc point quelle est ta vie, je demande ce que tu crois. Tu me répondras que tu crois en Jésus-Christ. N’entends-tu point l’Apôtre qui te dit : « Le juste vit de la foi 1 ? » Ta foi, c’est là ta justice : car, si tu crois, tu es sur tes gardes; si tu es sur tes gardes, tu fais des efforts, et tes efforts sont connus de Dieu, qui voit ta volonté, qui considère ta lutte contre la chair, qui t’exhorte à combattre, qui t’aide à remporter la victoire, qui t’observe pendant le combat, qui le soutient situ faiblis, qui te couronne si tu triomphes. Donc, « justes, tressaillez dans le Seigneur », signifie, tressaillez dans le Seigneur, ô vous qui avez la foi, car la foi est l’aliment du juste. « C’est aux cœurs droits que sied bien la louange 2 ». Apprenez à remercier Dieu dans les biens et dans les maux. Apprenez à mettre dans votre cœur nique chacun a sur la langue : A la volonté de Dieu. Ce langage du peuple a souvent de salutaires instructions. Qui ne dit point chaque jour : Que Dieu agisse comme il lui plaît ? Qu’il ait le cœur droit, et il aura sa place parmi ceux qui tressaillent dans le Seigneur, et à qui sied la louange : c’est à eux que le psaume s’adresse dans la suite, en disant : « Louez le Seigneur sur la harpe, chantez-lui des hymnes sur le psaltérion à dix cordes 3 ». C’est ce que nous chantions tout à l’heure, c’est la leçon que nous donnions à vos cœurs en unissant nos voix. 1. Job, I, 21.— 2. Gen. I, 27. (298)

5. Mais en établissant ces saintes veilles au nom du Christ, n’a-t-on point banni les harpes de ce lieu ? Et voici qu’on leur enjoint de se faire entendre : « Chantez », nous dit-on, « chantez au Seigneur sur la harpe, et sur le psaltérion à dix cordes ». N’arrêtez point vos pensées sur les musiques de théâtre. Vous avez en vous-mêmes cette harpe dont il est question, comme il est dit ailleurs « J’ai dans mon cœur, ô mon Dieu, ces vœux de louanges que je vous rendrai 4 ». Ceux qui étaient présents naguère quand j’expliquai la différence qui sépare le psaltérion de la harpe, et que je m’efforçai de la faire saisir à tous, peuvent s’en souvenir 5 : c’est aux auditeurs à juger si nous avons réussi. Il n’est pas inutile pourtant de le répéter, afin de trouver dans la différence de ces deux instruments de musique, la différence des actions humaines, différence dont ils sont la figure, et dont notre vie deviendra la réalité. On appelle harpe ce bois concave à la manière des tambours, dont le bas est arrondi comme une tortue, et auquel on ajoute les cordes qui résonnent quand on les touche: je ne parle pas de l’archet qui sert à les toucher, mais bien de ce bois concave, sur lequel on étend des cordes, afin qu’il les répercute quand on les touchera, et que frémissant sur cette concavité, elles en deviennent plus sonores. Ce bois concave est donc en bas dans la harpe, et en haut dans le psaltérion. Telle est la différence. Or, il nous est ordonné de louer Dieu sur la harpe, de chanter sa louange sur le psaltérion à dix cordes. Il n’est point parlé de harpe à dix cordes, ni dans ce psaume, ni je crois dans aucun autre. Nos chers fils les lecteurs peuvent lire et chercher avec plus de loisir que nous toutefois, autant que je puisse me souvenir, j’ai souvent rencontré le psaltérion à dix cordes, et nulle part la harpe à dix cordes. Retenez donc bien que c’est par la partie inférieure que la harpe rend des sons, et que pour le psaltérion c’est dans la partie supérieure. Or, c’est dans notre vie inférieure ou terrestre que nous rencontrons la prospérité ou le malheur, qui nous donnent lieu de bénir Dieu dans l’une et dans l’autre, afin que sa louange soit toujours dans notre bouche et que nous le bénissions en tout temps 1. Comme il y a une félicité terrestre, il y a aussi une adversité qui est d’ici-bas; nous devons remercier Dieu de l’une et de l’autre, afin que notre harpe résonne toujours. Qu’est-ce qu’une prospérité terrestre ? C’est la santé du corps, c’est l’abondance de tout ce qui nous est nécessaire en cette vie, c’est la sécurité contre tout danger, ce sont des récoltes abondantes, « c’est le soleil que Dieu fait luire sur les méchants comme sur les bons, et la pluie qui descend sur les justes comme sur les impies 2 ». Voilà tout ce qui tient à la vie temporelle. Quiconque n’en bénit point Dieu, se flétrit par l’ingratitude. Ces dons, pour être terrestres, en sont-ils moins les dons de Dieu ? Ou faut-il penser qu’ils nous viennent d’un autre, parce qu’ils échoient aussi aux méchants ? La divine miséricorde se diversifie à l’infini : Dieu a de la patience, de la longanimité. Les biens dont il gratifie les méchants ne nous montrent que mieux ceux qu’il réserve aux bons. L’adversité nous vient au contraire de tout ce qui est inférieur, de la fragilité humaine, dans la douleur, dans les langueurs, dans les afflictions, dans les souffrances, dans les tentations. C’est alors, et toujours alors, que doit louer Dieu celui qui tient la harpe. Que lui importe que tout cela tienne à la vie inférieure, puisque tout cela n’est conduit et réglé que par cette sagesse, qui atteint d’une extrémité à l’autre avec force et dispose toutes choses avec douceur 1 ? Si Dieu gouverne les cieux, néanmoins il ne néglige point la terre: n’est-ce pas à lui qu’il est dit : « Où irai-je devant votre esprit, où fuirai je devant votre face ? Si je monte au ciel, vous y êtes; si je descends dans les enfers, vous y êtes encore 2 ». D’où peut être absent celui qui n’est absent d’aucun lieu ? Donc, chantez le Seigneur sur la harpe. Dans l’abondance des biens terrestres, remerciez celui qui vous en a fait don; dans la disette, ou dans les pertes, chantez sans rien craindre. Car vous n’avez point perdu celui qui vous adonné ces biens, quand même on vous enlèverait ses dons. Louez Dieu, vous dis-je, même dans cette condition; ayez confiance dans votre Dieu, touchez les cordes de votre cœur, et dites comme sur une harpe qui échappe dans sa partie inférieure des sons harmonieux : « Le Seigneur l’a donné, le Seigneur l’a ôté, comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait; que le nom du Seigneur soit béni 3 » 1. Rom. I, 17.— 2. Ps. XXXII, 1.— 3. Id. 2 — 4. Id. LV, 12. — 5. Voir Disc. sur le Ps. XLII; Ps. LXX, serm. 2, vers, 11. 1. Ps. XXXIII, 2. — 2. Matt. V, 45.

6. Mais si tu arrêtes ton attention sur les dons supérieurs que le Seigneur t’a faits, sur les préceptes qu’il t’a donnés, sur la céleste doctrine dont il a éclairé ton âme, sur la vérité qui t’arrive de la source la plus pure, prends alors ton psaltérion, bénis le Seigneur sur le psaltérion à dix cordes. Les préceptes de la loi sont en effet au nombre de dix, et ces dix préceptes vous forment une lyre à dix cordes. L’harmonie est complète. Trois préceptes regardent l’amour de Dieu, et les sept autres, l’amour du prochain. Or, toutefois, le Seigneur l’a déclaré : « Ces deux commandements renferment toute ta loi et les prophètes 4 ». C’est d’en haut que le Seigneur t’a dit : « Le Seigneur ton Dieu est le seul Dieu » : c’est pour ta lyre la première corde. « Tu ne prendras point en vain le nom du Seigneur ton Dieu » : c’en est la seconde. « Observe le jour du sabbat, non point d’une manière charnelle, non dans les plaisirs, comme les Juifs qui abusent du repos pour commettre l’iniquité; le mal serait moins grand de passer le jour entier à cultiver la terre qu’à danser; mais toi qui ambitionnes le repos en Dieu, et qui ne fais rien qu’en vue de l’obtenir, abstiens-toi de toute œuvre servile : « Car tout homme qui fait le péché devient est esclave du péché 1 ». Et plût à Dieu qu’il ne le fût que d’un homme et non du péché. Ces trois préceptes embrassent l’amour de Dieu, dont tu dois méditer la vérité, l’unité, les délices. Car il y a certaines délices en Dieu, où nous trouverons le véritable sabbat, le vrai repos. Aussi est-il dit : « Mets en Dieu tes délices, et il comblera les désirs de ton cœur 2 ».Quel autre en effet peut nous procurer plus de chastes délices que le Créateur de tout ce qui nous apporte les délices? Dans ces trois préceptes se résume l’amour de Dieu; dans les sept autres l’amour du prochain : « Ne fais point à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te fasse. Honore ton père et ta mère », parce que tu veux être honoré par tes enfants. « Ne commets pas l’adultère », parce que tu ne veux pas que ta femme s’y livre en ton absence. « Tu ne tueras point », car tu ne veux pas être tué. « Tu ne voleras point », parce que tu ne veux pas que l’on te vole. « Tu ne feras point de faux témoignage », parce que tu hais celui qui fait un faux témoignage contre toi. « Ne désire pas la femme de ton prochain », parce que tu ne veux pas qu’un autre pense à la tienne. « Ne désire pas ce qui appartient à un autre 3 », puisqu’on te déplaît quand on désire ce qui est à toi. Interroge donc tes propres sentiments, puisqu’on ne peut te nuire sans te déplaire. Tous ces préceptes nous viennent de Dieu : c’est un don de la suprême Sagesse; c’est d’en haut qu’ils ont retenti. Touche donc le psaltérion, accomplis la loi que le Seigneur ton Dieu est venu, non pas détruire, mais accomplir lui-même 4. Car tu accompliras par amour ce que tu ne pouvais accomplir par la crainte. Celui qui n’évite le mal que par la crainte, le ferait volontiers, sans la défense. Je ne le commets point, dira-t-il. Pourquoi ? parce que je crains. Tu n’aimes pas encore la justice, tu es encore dans l’esclavage: sois donc un fils, car un bon esclave peut devenir un bon fils. Jusque-là évite le mal par crainte, et tu apprendras à l’éviter par amour. Car la justice a ses charmes. Que le châtiment t’arrête. Là justice a sa beauté, elle cherche les regards, elle attise l’amour en ceux qui l’aiment. C’est pour elle que les martyrs ont foulé aux pieds le monde, et répandu leur sang. Qu’aimaient-ils en renonçant à tous ces biens? Car n’aimaient-ils rien ? et vous parlons-nous ainsi pour éteindre l’amour en vos cœurs ? Il est froid, il est glacé le cœur qui n’aime point. Aimez donc; seulement aimez cette beauté qui charme les yeux du cœur. Aimez, seulement aimez cette beauté qui enflamme les cœurs quand on chante la justice. Voilà des hommes qui parlent, qui se récrient, qui disent partout : C’est bien; c’est très bien. Qu’ont-ils vu ? lis ont vu la justice qui donne la beauté au vieillard, fût-il courbé. Qu’on voie marcher ce vieillard doué de justice, il n’y a rien en lui de corporel que l’on puisse aimer, et néanmoins il est aimé de tous. On aime en lui ce qui est invisible, ou plutôt on aime en lui ce qu’il y a de visible pour le cœur. Que le vrai bien fasse donc vos délices, demandez à Dieu qu’il ait pour tous des attraits. « Car le Seigneur épanchera sur nous ses délices, et la terre produira son fruit (Ps. LXXXIV, 13) ». Afin que vous accomplissiez par la charité ce qu’il est difficile d’accomplir par la crainte. Que dis-je, difficile ? L’esprit ne le peut encore : il aimerait mieux qu’il n’y eût aucun précepte, quand c’est la sainte qui le fait obéir, et non l’amour qui l’y détermine. Retiens-toi de tout larcin et redoute l’enfer, lai est-il dit : il aimerait mieux qu’il n’y eût point d’enfer pour l’engloutir. Mais quand est-ce qu’il commence à aimer la justice, sinon quand il s’abstient de tout vol, dût-il n’y avoir point d’enfer pour engloutir les voleurs ? C’est là aimer la justice. 1. Sag. VIII, 1.— 2. Ps. CXXXVIII, 7,8.— 3. Job, I, 21. — 4. Matt. XXII, 40.  1. Jean, VIII, 34. — 2. Ps. XXXVI, 4. — 3. Exod. XX, 1-17; Deut. V, 6-21. — Matt. V, 17.

7. Mais cette justice, qu’est-elle donc? qui pourra la peindre ? Quelle beauté reluit dans la sagesse de Dieu ? C’est elle qui donne le charme à tout ce qui a de l’attrait pour nos yeux: pour la voir, pour l’embrasser, il faut purifier nos cœurs. C’est elle que nous faisons profession d’aimer; et c’est elle qui compose tout en nous, afin que rien ne lui déplaise. Et quand les hommes blâment en nous ce que nous faisons pour plaire à cette sagesse que nous aimons, combien peu nous estimons de tels censeurs, quel peu de souci, et même quel mépris ils nous inspirent ? Voilà des hommes qui ont pour des femmes un amour condamnable; que ces amantes les ajustent selon leur goût, et ils s’inquiètent peu de déplaire aux autres quand ils plaisent à ces femmes, et il leur suffit d’être au goût de celles dont ils recherchent les faveurs: et souvent, ou plutôt toujours, ils déplaisent aux hommes plus mûrs, et trouvent leur condamnation chez les hommes judicieux. Votre chevelure est mal arrangée, dit un homme austère à un jeune impudique, ces frisures sont indécentes. Mais cet amant sait bien que ses cheveux ainsi bouclés plaisent à je ne sais quelle créature, et alors il te hait pour ta juste réprimande, et il conserve cet ajustement qui ne plaît qu’au goût dépravé, lite prend pour un ennemi, parce que tu le rappelles à la décence. Il se dérobe à tes regards, et s’inquiète peu si ta réprimande est juste. Si donc ils méprisent les blâmes de la vérité, pour affecter une beauté fictive; pour nous, dans ce que nous faisons pour plaire à la divine sagesse, quel cas nous faudra-t-il faire de ces railleurs injustes, qui n’ont pas les yeux pour voir ce que nous aimons? Pensez-y, ô vous qui avez le coeur droit, « et bénissez Dieu sur la harpe, et chantez-le sur le psaltérion à dix cordes».

8. « Chantez-lui un cantique nouveau (Ps. XXXII, 3) ». Dépouillez-vous du vieil homme : vous connaissez le cantique nouveau. Le nouvel homme, la nouvelle alliance, voilà le cantique nouveau. Le cantique nouveau n’est point l’héritage du vieil homme: il n’y a pour l’apprendre que les hommes nouveaux, qui ont rajeuni le vieil homme dans la grâce, et qui appartiennent au Nouveau Testament, c’est- à-dire au royaume des cieux. C’est vers lui que notre amour exhale ses soupirs, à lui qu’il chante ses cantiques. Qu’il chante ce cantique, non de la voix, mais par les actions de la vie. « Chantez-lui un cantique nouveau, chantez-le sagement ». Chacun se demande: comment chanter à Dieu ? Oui, chantez, mais qu’il n’y ait aucun désaccord; Dieu ne peut souffrir que l’on blesse ses oreilles. Chante sagement, ô mon frère. Devant un habile musicien qui doit t’écouter; que l’on te dise Chante pour lui plaire, situ crains de chanter parce que tut es dépourvu de science musicale, et qu’un (301) artiste peut trouver en toi des défauts inaperçus pour un ignorant : qui se flattera de chanter avec harmonie, pour Dieu, qui juge du chantre avec tant de sagacité, qui pénètre dans tous les détails, qui écoute si attentivement ? Quand votre chant sera-t-il assez harmonieux, pour n’offenser en rien des oreilles si délicates ? Voici qu’il vous prescrit lui-même la manière de chanter; ne cherchez point les paroles comme si vous pouviez en trouver pour expliquer ce qui plaît à Dieu. Chantez « par vos transports ». Pour Dieu, bien chanter, c’est chanter dans la joie. Mais qu’est-ce que chanter avec transport ? C’est comprendre que des paroles sont impuissantes à rendre le chant du cœur. Voyez ces travailleurs qui chantent soit dans les moissons, soit dans les vendanges, soit dans tout autre labeur pénible : ils témoignent d’abord leur joie par des paroles qu’ils chantent; puis, comme sous le poids d’une grande joie que des paroles ne sauraient exprimer, ils négligent toute parole articulée et prennent la marche plus libre de sons confus. Cette jubilation est donc pour le cœur un son qui signifie qu’il ne peut dire ce qu’il conçoit et enfante. Or, à qui convient cette jubilation, sinon à Dieu qui est ineffable ? Car on appelle ineffable ce qui est au-dessus de toute expression. Mais si, ne pouvant l’exprimer, vous- devez néanmoins parler de lui, quelle ressource avez-vous autre que la jubilation, autre que cette joie inexprimable du cœur, cette joie sans mesure, qui franchit les bornes de toutes les syllabes ? « Chantez harmonieusement, chantez dans votre jubilation ».

9. « Car la parole du Seigneur est droite, e et toutes ses œuvres sont dans la foi ». Et c’est même par sa droiture qu’il déplaît à ceux dont le cœur n’est pas droit. « Toutes ses œuvres sont dans la foi »; que les tiennes aussi soient dans la foi, « car le juste vit de la foi 1 », et c’est « la foi qui agit par la charité 2 ». Que tes œuvres soient dans la foi, parce que c’est en croyant en Dieu que tu deviens fidèle. Mais comment les œuvres de Dieu peuvent-elles être dans la foi, comme s’il vivait aussi de la foi ? Cependant nous trouvons que Dieu est fidèle, et ce n’est point moi qui tiens ce langage, écoutez l’Apôtre: « Dieu est fidèle », dit-il, « et ne souffrira point que vous soyez tentés au-dessus de vos forces, mais il vous fera profiter de la tentation afin que vous puissiez persévérer 1 ». Dieu est fidèle, vous l’entendez; écoutez ce qu’il dit ailleurs : « Si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui; si nous le renonçons, il nous renoncera aussi; si nous lui sommes fidèles, il demeurera fidèle, car il ne peut être contraire à lui-même 2 ». Nous avons donc aussi un Dieu qui est fidèle. Distinguons toutefois la fidélité de Dieu de la fidélité de l’homme. L’homme est fidèle quand il croit aux promesses que Dieu lui fait; Dieu est fidèle quand il donne à l’homme ce qu’il lui a promis. Sa grande miséricorde à nous promettre, nous garantit sa fidélité à tenir sa promesse. Nous ne lui avons rien prêté pour faire de lui notre débiteur; c’est de lui que nous vient tout ce que nous pouvons lui offrir, et si nous avons quelque valeur, nous la tenons de lui. Tous les biens qui font notre joie viennent de lui. « Qui connaît en effet les desseins de Dieu? ou qui est entré dans ses conseils ? ou qui lui a donné le premier, pour en attendre une récompense ? Tout est de lui, tout est par lui, tout est en lui 2 ». Donc nous ne lui avons rien donné, et néanmoins il est notre débiteur. Pourquoi débiteur ? parce qu’il a fait des promesses. Nous ne lui disons point : Seigneur, rendez ce que vous avez reçu; mais bien : « Donnez ce que vous avez promis ». « Car la parole du Seigneur est droite ». Qu’est-ce à dire, que « la parole du Seigneur est droite ? » Qu’elle ne vous trompe jamais, et que vous ne devez point la tromper, ou mieux, vous tromper vous-mêmes. Comment tromper en effet celui qui connaît tout ? « Mais l’iniquité ment contre elle-même 4. Car le discours du Seigneur est droit, et toutes ses œuvres sont dans la foi ». 1. Rom. I, 17. — 2. Gal. V, 6.

10. « Il aime la miséricorde et le jugement 5 ». Aimez-les, puisque Dieu les aime. Appliquez-vous, mes frères. C’est maintenant le temps de la miséricorde, ensuite viendra celui du jugement. Pourquoi est-ce aujourd’hui celui de la miséricorde ? C’est que maintenant il appelle ceux qui se détournent de lui, et qu’il pardonne à ceux qui se tournent vers lui; c’est qu’il attend avec patience que les pécheurs se convertissent; c’est qu’après leur conversion il oublie le passé, il promet l’avenir, il stimule la lenteur, il console dans

1. I Cor. x, 13. — 2. II Tim. 11,12, 13. — 3. Rom. XI, 34-36. — 4. Ps. XXVI, 12. — 5. Id. XXII, 5.

(302)

l’affliction, il enseigne ceux qui sont studieux, il vient en aide à ceux qui combattent : il n’abandonne aucun de ceux qui sont dans la peine et qui crient vers lui; il nous donne ce que nous devons lui offrir en sacrifice, et nous met en main de quoi l’apaiser. Qu’un temps si précieux de miséricorde ne passe point pour nous, ô mes frères, qu’il ne s’écoule point inutilement pour nous. Toutefois viendra le jugement avec son repentir, et repentir sans fruit. « Ils diront en eux-mêmes dans le repentir, et gémissant dans l’angoisse de leur esprit »; c’est là ce qui est écrit au livre de la Sagesse : « De quoi nous a servi l’orgueil, et que nous a procuré l’ostentation des richesses ? Toutes ces choses ont passé comme l’ombre 1 ». Disons maintenant : « Tout passe comme l’ombre ». Disons utilement : « Tout passe », de peur qu’un jour nous ne disions sans profit: « Tout est passé ». C’est donc maintenant le temps de la miséricorde que doit suivre le temps du jugement.

11. Toutefois, mes frères, gardez-vous de croire que ces deux attributs puissent être séparés en Dieu. Il semble, en effet, qu’ils soient contradictoires, et que la miséricorde ne devrait point se réserver le jugement, comme le jugement devrait se faire sans miséricorde. Lis Dieu est tout-puissant, et dans sa miséricorde il exerce la justice, comme dans ses jugements il n’oublie point la miséricorde. Car il nous prend en pitié, il considère en nous son image, notre fragilité, nos erreurs, antre aveuglement, et il nous appelle, et il pardonne les fautes à ceux qui se tournent vers lui, mais il les retient à ceux qui ne se convertissent point. Est-il miséricordieux pour ceux qui sont injustes ? Abandonne-t-il pour cela sa justice, et doit-il confondre le juste avec l’injuste ? Vous paraîtrait-il juste de traiter de la même manière le pécheur qui se convertit et celui qui ne se convertit point, de faire le même accueil à celui qui avoue ses fautes et à celui qui les déguise, à l’homme humble et à l’homme superbe ? Dieu donc exerce la justice, tout en faisant miséricorde, et dans cette justice, il exercera sa miséricorde à l’égard de ceux à qui il dira : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger 2 ». Car il est dit quelque part dans une lettre apostolique: « Dieu exercera un jugement sans miséricorde envers celui qui n’aura pas fait miséricorde 1 ». « Bienheureux les miséricordieux », est-il dit encore, « parce qu’ils obtiendront miséricorde 2 ». Donc en les jugeant, Dieu usera de miséricorde, mais non sans discernement. Car s’il n’use pas de miséricorde envers tous, mais seulement envers celui qui aura été miséricordieux, sa miséricorde sera juste, puisqu’il n’y aura point de confusion. C’est évidemment par un effet de sa miséricorde qu’il nous remet nos péchés; c’est par miséricorde qu’il nous accorde la vie éternelle; mais voyez en même temps l’équité : « Pardonnez, et l’on vous pardonnera; donnez, et il vous sera donné 3 ». Assurément, « vous donner, vous pardonner », telle est bien la miséricorde. Mais si la miséricorde était séparée de la justice, le Sauveur ne dirait point : « On se servira pour vous de la même mesure dont vous vous serez servis 4 » 1. Sag. V, 3, 8, 9. — 2. Matt. XXV, 25.

12. Tu as entendu, ô mon frère, comment Dieu exerce la miséricorde et le jugement, et toi aussi, sois juste et miséricordieux. Ces deux attributs sont-ils exclusivement ceux de Dieu et non des hommes ? S’ils ne regardaient point les hommes, Dieu ne dirait pas aux Pharisiens: « Vous omettez ce qu’il y a de plus important dans la loi: la justice et la miséricorde 5 ». Garde toi de croire que tu ne doives exercer que la miséricorde et non le jugement. Tu es quelquefois arbitre dans un différend entre deux hommes, dont l’un est riche et l’autre pauvre; et il arrive que la mauvaise cause est celle du pauvre, tandis que le riche soutient la vérité; si tu es ignorant dans les choses de Dieu, tu croiras bien faire de prendre le pauvre en pitié, d’atténuer, de cacher son tort, de vouloir le justifier, afin qu’il paraisse avoir pour lui le bon droit : et si l’on te reproche l’injustice de ta sentence, tu prends pour excuse une fausse miséricorde, en disant : Je sais tout cela, j’ai compris l’affaire, mais c’était un pauvre, il fallait en avoir pitié. N’est-ce point là faire miséricorde au détriment de la justice ? Mais comment, diras-tu, pouvoir être juste sans oublier la miséricorde ? J’aurais prononcé contre un pauvre qui n’avait pas de quoi payer, ou s’il avait pu payer, il n’aurait plus rien eu pour vivre? Voici la réponse de Dieu : « Tu ne feras pas acception du pauvre dans tes jugements 6 ». Quant au riche, il est aisé de comprendre qu’on ne doit point faire acception en sa faveur. Tout homme le voit, et plaise à Dieu que tout homme le pratique; l’erreur la plus facile consiste donc à chercher à plaire à Dieu, en jugeant en faveur du pauvre, comme si l’on voulait dire à Dieu : J’ai fait grâce au pauvre. Mais il fallait être à la fois juste et miséricordieux. Quelle est d’abord cette miséricorde qui consiste à favoriser l’injustice ? Tu as ménagé sa bourse, mais percé son cœur : ce pauvre est demeuré dans l’injustice, et dans une injustice d’autant plus funeste qu’il te voit favoriser son injustice, toi qu’il croyait un homme juste. Il t’a quitté couvert de ton injuste protection, pour tomber sous la juste condamnation du Seigneur. Quelle miséricorde lui as-tu faite en le rendant injuste? Il y a plus de cruauté que de miséricorde. Mais, diras-tu, que fallait-il faire ? Il fallait parler selon la justice, reprendre le pauvre, fléchir le riche. Il y a un temps pour juger et un temps pour demander. Quand le riche t’aurait vu garder les règles de l’équité, ne point favoriser dans le pauvre son arrogante injustice, n’aurait-il pas été incliné à lui faire grâce sur ta demande, dans la joie que lui aurait causé ta sentence ? Il nous reste, mes frères, une grande partie du psaume, et il faut consulter les forces de l’âme et du corps chez mes auditeurs si divers; car si le froment nous donne à tous une même nourriture, il semble néanmoins s’accommoder aux goûts différents, et ainsi échapper au dégoût. Que ce soit donc assez pour aujourd’hui.
1. Jacques, II 13.— 2. Matt. V, 7.— 3. Luc, VI, 37, 38. — 4. Matt. VII, 2.— 5. Id. XXIII, 23. — 6. Exod. XXXIII, 3. (303)



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Message par Invité Sam 8 Mai 2021 - 16:59

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Saint Augustin (354-430)

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TROISIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXXII.
DEUXIÈME SERMON. CRAINTE ET AMOUR DE DIEU.

Ce discours embrasse la seconde partie du psaume. Le saint docteur, après avoir fait quelques allusions aux Ariens et aux Donatistes, établit que nous ne devons craindre que le Seigneur qui a envoyé des brebis au milieu des loups, et ces loups sont devenus brebis, qui peut seul donner aux créatures la puissance de nous nuire ; n'aimer que le Seigneur afin de le posséder, parce qu'il est seul capable de nous rendre meilleurs, et d'être son héritage, ce qui est le bonheur parfait. Prier pour les hérétiques.


1. Prêcher la parole de vérité aussi bien que l’écouter, c’est un labeur. Mais c’est un labeur que nous endurons volontiers quand nous pensons à l’arrêt du Seigneur et à notre condition. Car, dès le berceau du genre humain, l’homme a entendu cette parole, non point d’un homme qui pût le tromper, ni du diable qui est séducteur, mais de la vérité même qui émanait de la bouche de Dieu : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front (Gen. III, 19) ». Donc si notre pain est la parole de Dieu, il nous faut suer pour l’entendre, plutôt que de mourir de faim. Dans la solennité de nos dernières vigiles, nous avons expliqué les premiers versets du psaume; expliquons le reste aujourd’hui.

2. Voici où commence la partie qui nous reste et que nous venons de chanter : « La terre est pleine de la miséricorde du Seigneur. C’est la parole de Dieu qui affermit les cieux 1 ». C’est-à-dire que cette parole donne aux cieux leur solidité. Le Prophète avait dit plus haut : « Chantez avec sagesse et dans vos transports », c’est-à-dire chantez d’une manière ineffable : « Parce que la parole du Seigneur est droite et que ses œuvres sont dans la fidélité 2 ». Il ne promet rien qu’il ne tienne : il est un débiteur fidèle, et toi, sois exigeant comme l’avare. Après avoir dit : « Toutes ses œuvres sont dans la foi », le Prophète ajoute : « Il aime la miséricorde et le jugement 3 ». Mais celui qui aime la miséricorde a de la compassion. Or, celui qui a de la compassion peut-il promettre sans donner, lui qui pourrait donner sans avoir promis ? Donc celui qui aime la miséricorde doit donner ce qu’il a promis; mais comme il aime aussi le jugement, il doit exiger le fruit de ses dons. Aussi le Seigneur dit-il à un certain serviteur : « Que ne mettais-tu mon argent à la banque, afin qu’à mon retour j’en retirasse le fruit 1 ? » Je vous rappelle tout ceci, mes frères, afin que nous comprenions ce que nous venons d’entendre. Car il dit dans un autre endroit de l’Evangile : « Pour moi, je ne juge personne, mais la parole que je nous ai annoncée vous jugera au dernier jour 2 ». Et que celui qui ne veut point entendre ne dise point pour excuse qu’il ne lui sera rien demandé au dernier jour. Car c’est de son refus de recevoir ce qu’on lui donnait qu’on lui demandera compte. N’avoir pu recevoir et n’avoir pas voulu sont bien différents: on peut, dans un cas, faire valoir son impuissance; mais dans l’autre, c’est la volonté qui est coupable. Donc « toutes les œuvres de Dieu sont dans la foi; il aime la miséricorde et le jugement». Recevez la miséricorde, mais craignez la justice. De peur que, quand il viendra nous redemander ce qu’il nous aura donné, il ne le fasse de manière à nous renvoyer les mains vides. Car il nous demande compte, et après le compte rendu, il nous donne l’éternité. Recevez donc la miséricorde, ô mes frères, recevons-la tous. Que nul d’entre vous ne s’endorme pour la recevoir, de peur qu’on ne le réveille pour son malheur au moment d’en rendre compte. Recevez la miséricorde; voilà ce que Dieu nous dit, comme si, en un temps de famine, on criait : Recevez des vivres. Et si tu en trouvais en semblable occasion, quelle serait ta conduite? Quel retard mettrais-tu à venir ? Eh bien! aujourd’hui on te tient ce langage Recevez la miséricorde, « car Dieu aime la miséricorde et le jugement». Après l’avoir reçue, fais-en un saint usage, afin d’en rendre un compte facile, quand viendra pour juger celui-là même qui te prête sa miséricorde en ces temps de famine. 1. Ps. XXXII, 5, 6. — 2. Id. 3, 4. — 3. Id. 5.

3. Garde-toi donc de me dire : D’où me viendra cette miséricorde ? et où me faut-il aller ? Souviens-toi de ces paroles que tu viens de chanter : « La terre est pleine des miséricordes du Seigneur 3 ». Où donc l’Evangile n’est-il pas prêché? Où cette parole de Dieu ne se fait-elle pas entendre ? Où n’offre-t-on pas le salut ? Il n’est besoin pour toi que de vouloir: les greniers sont pleins. Cette plénitude, cette abondance n’a pas attendu que tu vinsses la chercher, elle est allée te trouver dans ton sommeil. Il n’est pas dit : Que les nations se lèvent, et qu’elles aillent à tel endroit; mais ces mystères ont été annoncés à chaque peuple dans la contrée qu’il habitait, afin que cette prophétie fût accomplie : « Les hommes l’adoreront chacun dans sa patrie 1 ». 1. Luc, XIX, 23.— 2. Jean, VIII, 15, XII, 48.— 3. Ps. XXXII, 5.

4. « La terre est pleine des miséricordes du Seigneur ». Que dire des cieux ? Ecoute ce qu’il en est des cieux. La miséricorde y est inutile, puisqu’il n’y a aucune misère. Sur la terre, la misère abonde, mais il y a une surabondance de miséricordes. La terre est pleine des misères de l’homme, « et la terre est pleine des miséricordes du Seigneur ». Et toutefois, dans le ciel où il n’y a point de misère, et où l’on n’a pas besoin de miséricorde, n’a-t-on pas besoin du Seigneur ? Heureux ou malheureux, tout a besoin de Dieu. Sans lui, le malheur n’a plus de soulagement, comme sans lui, le bonheur n’a plus de règle. Si donc, après avoir entendu : « La terre est pleine des miséricordes du Seigneur », tu t’informais des cieux, écoute combien les cieux ont besoin de lui. « C’est la parole du Seigneur qui affermit les cieux». Ils ne s’affermissent donc point d’eux-mêmes, et leur solidité n’est point leur ouvrage. « C’est la parole du Seigneur qui affermit les cieux, et toute leur force vient du souffle de sa bouche 2 ». Ils n’avaient donc rien par eux-mêmes, et ce qui leur vient du Seigneur n’était pas un supplément. « C’est du souffle du Seigneur que leur vient », non en partie, mais totalement « leur solidité ».

5. Voyez, mes frères, que les œuvres du Fils et du Saint-Esprit sont les mêmes. Nous ne devons point négliger de le dire en passant, à propos de certaines distinctions injustes, et de quelques confusions trop profondes. Il y a fausseté dans l’un et dans l’autre système. Par défaut de distinction, ceux-ci confondent la créature avec le Créateur, et comptent parmi les créatures l’Esprit de Dieu, Esprit qui est créateur : ceux-ci discernent pour confondre; et puissent-ils être confondus et se convertir, comprendre ici que le Fils et l’Esprit-Saint n’ont qu’une même œuvre ! La parole de Dieu est assurément le Fils de Dieu, comme le souffle de sa bouche est l’Esprit-Saint; or, « c’est la parole de Dieu qui affermit les cieux ». Qu’est-ce, pour eux, qu’être affermis, sinon avoir la solidité, être inébranlables ? « C’est du souffle de sa bouche que leur vient la solidité ». On pourrait aussi bien dire : C’est le souffle de sa bouche qui affermit les cieux, et de son Verbe que leur vient la solidité. Car la solidité ale même sens que l’affermissement. L’œuvre du Fils est donc aussi l’œuvre du Saint-Esprit. Mais agissent-ils séparément du Père ? Qui est-ce qui agit par son Verbe et par l’Esprit-Saint, sinon celui à qui appartiennent le Verbe et le Saint-Esprit ? Donc la Trinité est un seul Dieu. C’est lui qu’adorent tous ceux qui savent ce qu’ils doivent adorer; c’est lui que rencontre partout celui qui veut se convertir. Ceux qui s’éloignent de lui ne le recherchent point; mais il les rappelle de leur éloignement, afin de les remplir après leur conversion. 1. Soph. II, 11.— 2. Ps. XXII, 6. (305)

6. Je laisse de côté, mes frères, ces cieux qui nous dominent, qui nous sont inconnus, pendant que nous sommes sur la terre, et que nous ne pouvons connaître que par d’humaines conjectures; je ne m’occuperai donc point des cieux, pour en expliquer la hiérarchie, le nombre, la différence des uns aux autres, les bienheureux habitants, et cet hymne harmonieux et sans fin qui s’élève de toutes parts à la gloire de Dieu; c’est là une tâche difficile; toutefois efforçons-nous d’y arriver un jour. Car là est notre patrie, qu’un long exil nous fait trop oublier. C’est nous en effet qui disons clans un psaume: « Malheur à moi, dont l’exil se prolonge 1 ». Il est donc difficile, sinon impossible, et pour moi de vous parler du ciel, et pour vous de me comprendre. Si quelqu’un m’a devancé dans l’intelligence de ces choses divines, qu’il jouisse de son avance, et qu’il prie pour moi afin que je puisse le suivre. Sans parler donc des cieux, nous avons une ample matière de discours, dans ces autres cieux plus rapprochés de nous, qui sont les saints Apôtres de Dieu, les prédicateurs de la parole de vérité, qui ont fait pleuvoir sur nous une douce rosée, afin que le champ de l’Eglise produisît cette fertile moisson, qui boit, à la vérité, la même pluie que l’ivraie, mais qui n’est pas destinée au même grenier. 1. Ps. CXIX, 5. — 2. Matt. XII, 30.

7. Donc après nous avoir dit que « la terre est pleine de la miséricorde du Seigneur », le Prophète, comme si vous demandiez: D’où vient sur la terre cette abondante miséricorde ? met d’abord en avant, les cieux qui ont fait pleuvoir la divine miséricorde sur la terre, et sur toute la terre. Car voyez ce qui est dit ailleurs à propos des cieux : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament publie l’œuvre de ses mains 1 ». Les cieux et le firmament sont identiques. « Le jour parle au jour, et la nuit donne la science à la nuit ». Jamais d’interruption, jamais de silence. Mais où donc ont-ils prêché, et jusqu’où sont-ils parvenus ? « Il n’est point de discours, point de langage dans lequel on n’entende point cette voix 2 ». Mais, diras-tu, cette prédiction regarde ce qui arriva quand les Apôtres, assemblés en un même lieu, parlèrent la langue de fous. Or, « ayant parlé toutes les langues 3 », ils accomplirent ce qui était prédit : « Il n’est point de discours, point de langage, dans lequel on n’entende point cette voix ». Mais je demande : Cette voix qui parlait toutes les langues, jusqu’où est-elle arrivée, quelle contrée a-t-elle remplie ? Ecoute ce qui suit : « Leur voix a éclaté par toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux confins du monde 4 ». De qui ces paroles, sinon des cieux qui racontent la gloire de Dieu? Donc si leur voix a éclaté par toute la terre, si leurs paroles ont retenti jusqu’aux confins du monde, que celui qui les a envoyés, nous dise ce qu’ils nous ont annoncé. Il nous le dit nettement, il nous le dit avec fidélité; car il nous a prédit tout cela, même avant l’accomplissement, celui dont toutes les œuvres sont dans la foi. Car il est ressuscité d’entre les morts, et comme ses disciples le reconnaissaient en le touchant, il leur dit : « Il fallait que le Christ souffrît, qu’il ressuscitât des morts, et que l’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés 5 ». Depuis où et jusqu’où ? « Par toutes les nations », leur dit-il, « en commençant par Jérusalem ». Or, quel plus grand acte de miséricorde pouvons-nous espérer tous, nies frères, sinon que le Seigneur nous remette nos péchés ? Si donc la rémission des péchés est la plus grande miséricorde pour nous, et s’il a prédit que ce pardon des péchés serait annoncé chez toutes les nations, « la terre test pleine de la miséricorde du Seigneur ». De quoi la terre est-elle pleine ? de la divine miséricorde. Pourquoi ? parce que le Seigneur remet partout les péchés, parce qu’il a envoyé les cieux pour pleuvoir sur la terre. 1. Ps. XVIII, 2 — 2. Ibid 4. — 3. Act. II, 4. — 4. Ps. XVIII,5, — 5. Luc, XXIV, 46, 47. (306)

8. Et comment ces cieux ont-ils osé s’en aller avec tant d’assurance; et, d’hommes faibles qu’ils étaient, sont-ils devenus des cieux, sinon parce que « le Verbe de Dieu leur a donné la foi ? » D’où serait venu à ces brebis tant de courage parmi les loups, si « l’Esprit de sa bouche n’eût été leur force ? Voilà », dit le Sauveur, « que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups 1 ». Ô Seigneur, Dieu de miséricorde ! vous en agissez de la sorte, afin que vos miséricordes se répandent par toute la terre. Si donc telle est votre miséricorde que la terre en soit comblée, considérez ceux que vous envoyez, et où vous les envoyez. Où les envoyez-vous, dis-je, et quels hommes envoyez-vous ? Vous envoyez des brebis au milieu des loups. Mais envoyez un loup, un seul, au milieu d’un troupeau innombrable de brebis, qui lui résistera ? Quel carnage n’en fera-t-il pas, s’il n’est bientôt rassasié ? Autrement il dévorera tout. Vous envoyez donc des hommes faibles parmi des hommes sanguinaires ? Je les envoie, dit-il, parce qu’ils deviendront des cieux pour arroser la terre. Comment des hommes infirmes sont-ils des cieux ? c’est que « le souffle de sa bouche fait toute leur force ». Voilà que bientôt les loups vous saisiront, vous traîneront en jugement, vous feront paraître devant les puissances, à cause de mon nom. Quant à vous, revêtez-vous de vos propres armes. Sera-ce de votre vertu ? Non. « Ne pensez point à ce que vous répondrez : car ce n’est point vous qui parlerez, mais l’esprit de votre Père qui parlera en vous 2; car c’est dans le souffle de sa bouche qu’est toute leur force ».

9. C’est là ce qui est arrivé; les Apôtres sont allés dans le monde, ils ont souffert de grands maux. Car souffrons-nous autant pour entendre ces vérités, qu’ils ont souffert pour les annoncer ? Non assurément. Notre labeur sera-t-il pour cela sans fruit ? Non encore. Je vous vois en foule compacte; mais vous, voyez la sueur de mon front. Si nous souffrons avec le Christ, nous régnerons aussi avec lui 1. Cela s’est donc fait. Et aujourd’hui nous célébrons la mémoire des martyrs, ou de ces brebis envoyées au milieu des loups 2. Ce lieu où nous parlons était infesté de loups, quand fut égorgé le bienheureux martyr Cyprien : une seule brebis que l’on saisit fut plus forte que tous les loups ensemble, une seule brebis égorgée a peuplé de brebis cette contrée. Alors la mer en courroux soulevait le flot des persécutions, et couvrait la terre sèche, qui avait soif du ciel de Dieu. Aujourd’hui le nom de Jésus-Christ est glorifié par les douleurs qu’ont endurées ceux qui ont brisé les persécuteurs dans leur choc : et il s’est assujetti toutes ces puissances, en foulant aux pieds ce flot de l’abîme. Or, quand tout cela s’est accompli, pensez-vous qu’ils voient d’un œil calme et sans frémir de colère, et nos assemblées, et nos fêtes, et nos solennités, et ces manifestations publiques de notre culte, ceux qui en sont les témoins, sans partager notre foi ? C’est alors que s’accomplit sur eux cette prophétie : « Le pécheur verra, et il frémira de colère ». Mais qu’arrivera-t-il de cette colère ? O brebis, ne craignez plus ce loup féroce. Ne redoutez maintenant, ni sa rage, ni ses impuissantes menaces. Il s’irrite : mais après ? « Il grincera des dents, il séchera de dépit 3 ». 1. Matt, X, 16. — 2. Id. 19, 20.

10. Mais comme cette eau salée de la mer, qui demeure encore parmi nous, n’ose plus s’élever contre les chrétiens, et qu’elle dévore en elle-même son propre courroux; parce que cette eau frémit de se trouver renfermée dans un corps mortel, écoutez ce qui suit : « Il rassemble comme dans une outre les eaux de la mer 4 ». Donc cette mer, qui soulevait librement contre nous ses flots tumultueux, n’est plus qu’une amertume renfermée dans quelques poitrines mortelles, et telle est l’œuvre de celui qui a vaincu dans les siens, qui a posé des digues à la mer a, afin que ses flots refoulés en son sein, brisassent contre eux-mêmes leur propre fureur. C’est lui qui a rassemblé comme dans une outre les eaux de la mer: et toute pensée d’amertume dans un corps humain. Or, ces hommes hostiles, craignant pour leur vie, retiennent à l’intérieur, ce qu’ils n’osent montrer au dehors. C’est toujours pour nous la même amertume, la même haine, la même fureur; fureur autrefois à ciel ouvert, et maintenant occulte, que vous dirai-je, sinon ces paroles du Prophète: « Il frémira, et il séchera de dépit ? ». Allez donc à l’église, et marchez : la voie est facile, elle est ouverte, battue par notre chef illustre qui veille à sa sûreté. Courons dans le chemin des bonnes œuvres, car c’est là qu’il nous faut marcher. Et si parfois il nous arrive des persécutions d’où nous étions loin de les attendre, dès lors que les eaux sont renfermées comme dans une outre, comprenons que Dieu n’en agit ainsi que pour notre bien spirituel, pour nous éloigner d’une confiance téméraire dans les choses du temps, et pour régler nos désirs de manière à nous conduire dans son royaume. Tel est le désir qui éclate çà et là quand nous sommes sous le coup de la persécution, et alors nous rendons un son agréable à Dieu, comme ces trompettes en fer qu’a battues le marteau. Car le psalmiste nous invite à louer le Seigneur avec des trompettes martelées 1. Ces trompettes s’étendent sous le marteau, comme le cœur du chrétien s’étend vers Dieu sous les coups de la persécution. 1. II Tim. II,12 — 2. Matt. X, 15.— 3. Ps. CXI, 10. — 4. Ps. XXXII, 7 — 5. Prov. VIII, 29. (307)

11. Et maintenant que l’eau de la mer est rassemblée comme dans une outre, n’oublions pas, mes frères, que Dieu ne manque pas de moyens de nous châtier quand il est nécessaire. Aussi le Prophète a-t-il ajouté : « Il y a des abîmes dans ses trésors ». Il appelle trésors les secrets de Dieu. Or, Dieu connaît les cœurs des hommes, ce qu’il doit faire en temps opportun, les moyens qu’il doit employer, le pouvoir qu’il doit donner aux méchants contre les bons, afin de condamner les méchants et de corriger les justes. Voilà ce que connaît celui qui met des abîmes dans ses trésors. Suivons donc le conseil suivant : « Que toute la terre craigne le Seigneur 2 ». Qu’elle ne s’élève point d’une joie téméraire et orgueilleuse, en disant : Voilà que les eaux de la mer sont rassemblées comme dans une outre; qui s’élèvera contre moi ? qui osera me nuire? Imprudent! ne sais-tu pas que ton père a mis des abîmes dans ses trésors ? Ignores-tu qu’il sait qu’il a de quoi te châtier quand il lui plaît ? Il a dans sa main les trésors de l’abîme, afin de t’instruire et de te diriger vers les trésors du ciel. Retourne donc à la crainte, ô toi qui déjà te croyais en sûreté! Que la terre tressaille donc, mais aussi qu’elle craigne. Qu’elle tressaille, et pourquoi? Parce que la terre est pleine de la miséricorde du Seigneur. Qu’elle craigne, et pourquoi ? Parce qu’il a renfermé comme dans une outre les eaux de la mer, de manière néanmoins à mettre des abîmes dans ses trésors. Mais il lui arrive ce qui est dit en deux mots dans un autre psaume: « Servez le Seigneur avec crainte, tressaillez en lui avec tremblement 1 ». 1. Ps. XCVII, 6. — 2. Id. XXXII, 8

12. « Que la terre craigne le Seigneur; qu’ils tremblent devant lui, tous ceux qui habitent l’univers ». Qu’ils n’en craignent point un autre, au lieu de le craindre : « Que ce soit devant lui que tremblent tous ceux qui habitent la terre ». Une bête féroce te menace ? Crains le Seigneur. Un serpent se glisse ? Crains le Seigneur. Un homme te hait ? Crains le Seigneur. Le démon te livre un assaut ? Crains encore le Seigneur. Car celui que tu dois craindre est le maître de toute créature. « C’est lui qui a dit, et tout a été fait; il a commandé, et tout a été créé 2 ». C’est là ce que nous dit ensuite le psalmiste. Après avoir dit : « Qu’ils tremblent devant lui, tous ceux qui habitent la terre », afin d’ôter à l’homme toute autre crainte que celle de Dieu, de peur que l’homme, ne craignant plus Dieu, n’en vînt à craindre les créatures, et ne nué-prisât l’ouvrier pour adorer l’œuvre; le Prophète nous affermit dans la crainte de Dieu seul, et s’adressant à nous : Que pouvez-vous craindre, dit-il, dans le ciel, ou dans la terre, ou dans la mer ? « Dieu a parlé, et tout a été fait; il a ordonné, et tout a été créé ». Or, celui dont la parole a tout fait, dont la volonté a tout créé, ordonne, et tout se met en mouvement; il ordonne encore, et tout demeure en repos. Un homme, dans sa malice, peut bien avoir un désir de nuire qui lui soit propre; mais il n’en a le pouvoir que si Dieu le lui donne. « Car il n’y a point de puissance qui ne soit de Dieu 3 ». C’est une maxime décisive de l’Apôtre. Il n’a point dit qu’il n’y a point de désir qui ne soit de Dieu, car il y a certains désirs mauvais qui ne viennent point de Dieu; mais cette volonté perverse ne peut nuire à personne sans la permission du Seigneur, puisqu’il n’y a de puissance que celle qui vient de Dieu. De là vient que l’Homme-Dieu, au tribunal d’un homme, lui disait: « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’était donné d’en haut 4 ». Cet homme jugeait, l’Homme-Dieu instruisait; il nous instruisait quand on le jugeait, afin de juger ensuite ceux qu’il aurait instruits. « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’était donné «d’en haut ».Qu’est-ce à dire ? Est-ce l’homme seulement qui n’a de pouvoir qu’autant qu’il en reçoit d’en haut? Le diable lui-même a-t-il osé enlever au saint homme Job la moindre brebis avant d’avoir dit à Dieu : « Etendez votre main », c’est-à-dire, donnez-moi le pouvoir ? Le diable voulait, Dieu ne le permettait point; quand Dieu le permit, le diable eut le pouvoir; le pouvoir n’est donc pas en lui, mais en Dieu qui a permis. Aussi Job, qui était bien instruit, ne dit pas, ainsi que je vous l’ai fait remarquer si souvent: Le Seigneur l’a donné, le diable l’a ôté mais bien : « Le Seigneur l’a donné, le Seigneur l’a ôté comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait 1 »; et non, comme il a plu au diable. Vous donc, mes frères, qui ne pouvez qu’avec tant de peine goûter le pain salutaire de la parole, gardez-vous bien d’avoir d’autre crainte que celle de Dieu. L’Ecriture nous avertit de ne craindre que lui seul. Que la terre entière craigne donc le Seigneur qui met des abîmes dans ses trésors. Qu’ils tremblent devant lui, tous ceux qui habitent la surface de la terre: « Car c’est lui qui a dit et tout a été fait; il a commandé et tout a été créé ». 1. Ps. II, 11.— 2. Ps. XXXII, 9.— 3. Rom. XIII, 1.— 4. Jean, XIX, 11. (308)

13. Mais aujourd’hui les princes, de méchants qu’ils étaient, sont devenus bons: ils ont eux-mêmes accepté la foi, et sur leur front resplendit le signe du Christ, signe plus précieux que toute perle de leur diadème les persécuteurs ont disparu. Qui a fait cela? Toi, peut-être, afin de t’en glorifier? « Le Seigneur dissipe «les desseins des nations, il réprouve les pensées des peuples, et renverse les conseils des princes 2 ». Quand ils ont dit: Exterminons les sur la terre; si nous le faisons, je nom de chrétien disparaîtra: qu’ils subissent telle mort, tel genre de torture, qu’on leur inflige tel supplice. Ainsi disaient les princes, et l’Eglise grandissait au milieu de ces complots. « Le Seigneur confond les pensées des peuples, il renverse les conseils des princes ».

14. « Quant au dessein du Seigneur, il demeure éternellement, et les pensées de son cœur subsistent dans les siècles des siècles 3 ». Il y a ici répétition, car « le dessein » a la même signification que « les pensées du cœur », et ce qui est dit plus haut : « Demeure éternellement », est ici répété : « dans les siècles des siècles ». Ces répétitions sont une manière d’affirmer. Toutefois, quand le Prophète parle « des pensées de son cœur », gardez-vous de croire que Dieu s’assied pour méditer ce qu’il veut faire, et qu’il délibère en lui-même sur l’opportunité d’agir, ou de ne point agir. Ces lenteurs sont bien dans ta nature, ô homme, mais son Verbe court avec une extrême vitesse. Quelle lenteur de pensée peut-il y avoir chez ce Verbe qui est unique, et qui renferme tout 1 ? On emploie donc ce mot de pensées de Dieu, afin de se mettre au niveau de ton intelligence, afin encore que tu oses bien, autant qu’il est en toi, élever ton cœur, pour comprendre des paroles proportionnées à ta faiblesse : ce qu’elles désignent, en effet, est fort au-dessus de toi. « Les pensées de son cœur subsistent dans les siècles des siècles ». Quelles sont les pensées de son cœur, et quel est le dessein de Dieu qui demeure éternellement ? Pourquoi les nations ont-elles frémi contre ce dessein, et les peuples ont-ils tramé de vains complots 2 ? puisque le Seigneur confond les pensées des peuples, et renverse les desseins des princes. Où le dessein de Dieu peut-il subsister éternellement, si ce n’est en nous qu’il a vus dès longtemps, et qu’il a prédestinés 3 ? Qui peut effacer cette prédestination de Dieu ? Il nous a vus avant la création du monde, il nous a faits, il nous a envoyé son Fils, il nous a rachetés: voilà son dessein qui demeure éternellement, sa pensée qui subsiste dans les siècles des siècles. Les nations frémirent alors, leurs flots irrités se soulevèrent au grand jour; qu’elles sèchent de dépit, maintenant qu’elles sont rassemblées et enfermées dans une outre. Elles ont fait librement éclater leur audace, qu’elles dévorent leurs pensées amères et déchirantes. Comment pourraient-elles détruire le dessein de Dieu qui demeure éternellement ? 1. Job, I, 11, 21. — 2. Ps. XXXII, 10. — 3. Ibid. 11.

15. Quel est ce dessein ? « Heureux le peuple 4 » Qui ne se réveille point à cette parole ? Car chacun aime le bonheur : et tel est la dépravation des hommes qu’ils veulent être méchants et non malheureux; et quoique le malheur soit l’inséparable compagnon de la méchanceté, ces hommes dépravés, non seulement veulent le mal sans le malheur, ce qui est impossible, mais ils ne recherchent le mal, qu’afin d’éviter le malheur. Que dis-je ? ils ne recherchent le mal qu’afin d’éviter le malheur. Considérez en effet, mes frères, que tout homme qui fait le mal, cherche toujours à être heureux. Il commet un larcin et vous en demandez la cause ? Mais c’est la faim, c’est la nécessité. Il est donc méchant pour éviter le malheur; et il est d’autant plus malheureux, qu’il est encore méchant C’est donc pour écarter la misère, et pour acquérir la félicité, que les hommes agissent en bien ou en mal, ils recherchent incessamment le bonheur. Que leur vie soit criminelle ou coupable, c’est le bonheur qu’ils cherchent; mais tous n’atteignent pas le but de leurs recherches, et il n’y aura d’heureux que ceux qui auront voulu être justes. Et pourtant voilà je ne sais quel homme qui, pour faire le mal, voudrait être heureux. Par quels moyens ? Par ses richesses, son or et son argent, ses domaines, ses terres, ses palais, ses esclaves, par une pompe toute mondaine, un honneur frivole et qui s’évapore. ils veulent posséder pour être heureux; mais toi, cherche ce qui te donnera le bonheur. Dans la félicité, tu seras sans doute meilleur que dans l’adversité. Mais il est impossible que tu deviennes meilleur, en possédant ce qui vaut bien moins que toi. Tu es homme, et tout ce que tu désires pour être heureux, est bien au-dessous de toi. L’or, l’argent, tout ce qui est corporel, dont tu convoites si avidement l’acquisition, la possession, la jouissance, tout cela est bien inférieur à toi. Tu es plus que tout cela, tu as une valeur bien supérieure; et pour toi qui es misérable, désirer le bonheur, c’est désirer d’être meilleur que tu n’es. Il est mieux assurément d’être heureux que d’être malheureux. Donc tu veux être supérieur à toi-même; et tu demandes cette supériorité à des choses qui te sont bien inférieures; car tout ce que tu peux rechercher sur la terre, est bien au-dessous de toi. C’est là ce que tout homme souhaite à son ami, dans ses protestations d’attachement Puisses-tu aller mieux; puissions-nous te voir en meilleur état; puissions-nous nous réjouir de ton amélioration. Or, il veut pour lui-même, ce qu’il souhaite à son ami. Reçois donc un avis infaillible; tu veux être mieux que tu n’es, je le sais, nous le savons tous, et même nous le désirons tous; eh bien! cherche ce qui est au-dessus de toi, afin d’être ainsi plus que tu n’es. 1. Ps. CXLVII, 15.— 2. Ps. II, 1.— 3. Eph. I, IV.— 4. Ps. XXXII, 12. (309)

16. Regarde maintenant le ciel et la terre: que ces créatures douées de beauté n’aient point pour toi des charmes tels que tu cherches en elles son bonheur. Tu trouveras dans ton âme ce que tu désires. Tu veux le bonheur, cherche dans ton esprit ce qui lui est supérieur. Nous sommes formés d’une double substance, de l’âme et du corps, et comme de ces deux, celle qui est supérieure, est celle qu’on appelle âme, ton corps peut devenir meilleur par cette substance, qui a la supériorité, car le corps est soumis à l’âme. Donc ton âme peut améliorer ton corps, eu sorte que ce corps devienne immortel quand l’âne sera juste. Car c’est par l’illumination de l’âme que le corps mérite d’être immortel, en sorte que c’est la substance supérieure, qui répare la substance inférieure. Si donc ton âme est pour ton corps le bien, à cause des actes de supériorité, quand tu cherches ton bien, il faut le chercher dans ce qui est supérieur à ton âme. Or, qu’est-ce que ton âme ? Considère-le, de peur que, méprisant cette âme, et la prenant pour quelque chose de vil et d’abject, tu n’ailles chercher pour cette âme un bonheur trop bas. C’est dans ton âme qu’est l’image de Dieu 1, et l’esprit de l’homme est capable de cette image; il l’a donc reçue mais il la défigure en s’inclinant vers le péché. Voilà que vient, pour la réformer, celui qui l’avait d’abord formée; car c’est par le Verbe que tout a été fait, et par le Verbe que cette image avait été empreinte en nous. Le Verbe est donc venu, afin de nous dire parla bouche de l’Apôtre : « Transformez-vous par le renouvellement de votre esprit 2 ». Il nous reste donc à chercher ce qui est supérieur à ton âme. Qui sera-ce, je te le demande, si ce n’est Dieu ? Tu ne trouveras pas une autre supériorité pour ton âme; car ta nature une fois perfectionnée sera égale aux anges. Il n’y a donc au-dessus de nous que le Créateur. C’est vers lui qu’il faut t’élever, sans découragement, sans dire : C’est bien difficile. Il est plus difficile pour toi peut-être de posséder cet or que tu convoites. Malgré tes désirs, il est bien possible que tu n’en puisses avoir; mais Dieu, tu l’auras si tu le veux; car il a prévenu ta volonté en venant à toi, et quand cette volonté s’éloignait, il l’appelait; et quand tu revenais, il t’effrayait; et quand, sous le poids de la crainte, tu confessais tes fautes, il te consolait. C’est de lui que tu tiens tout; c’est lui qui t’a donné l’existence, qui te donne le soleil, ainsi qu’aux méchants qui sont avec toi, qui donne la pluie 1, qui donne les fruits, qui ouvre les sources, qui donne la vie et le salut, et tant de consolations, lui qui te réserve ce qu’il ne donnera qu’à toi seul. Et qu’est-ce qu’il te réserve, si ce n’est lui-même ? Cherche dans tes désirs, si tu peux trouver mieux. C’est lui-même que Dieu te réserve. Ô avare ! à quoi bon aspirer au ciel ou à la terre ? Celui-là est bien supérieur, qui a fait le ciel et la terre : c’est lui que tu verras, lui que tu posséderas. Pourquoi souhaiter que ce domaine t’appartienne, et pourquoi dire en le traversant heureux le maître de ces biens ? C’est là ce que disent tous ceux qui le traversent. Mais le dire, mais le traverser, mais secouer la tête et soupirer, est-ce là le posséder ? La voix de la cupidité, c’est la voix de l’iniquité; mais « Ne désirez point le bien du prochain 2 ». Bienheureux le maître de ce domaine, le maître de ce palais, le maître de cette campagne. Réprimez l’iniquité pour écouter la vérité. « Bienheureux le peuple dont.... » Qu’est-ce ? Vous savez comment je dois achever. Désirez-le donc, afin de le posséder et d’être heureux enfin. Lui seul fera votre bonheur; ce qui vous est supérieur, vous élèvera au-dessus de vous. C’est Dieu, dis-je, qui vous est supérieur, et c’est lui qui vous a faits. « Bienheureux le peuple dont Dieu est le Seigneur ». C’est ce qu’il faut aimer, ce qu’il faut posséder, ce que tu auras à ta volonté, ce que tu auras gratuitement. 1. Gen. I, 27. — 2. Rom. XI, 2.

17. « Bienheureux le peuple dont le Seigneur est Dieu ». Est-ce notre Dieu ? de quel peuple n’est-il pas Dieu ? Ce n’est point de la même manière qu’il est le Dieu de tous. Il est plus spécialement notre Dieu, pour nous, qui vivons de lui comme du pain de chaque jour. Qu’il soit aussi notre héritage, notre possession. N’étions-nous pas téméraires en faisant de Dieu notre héritage, de lui qui est Dieu, de lui qui est Créateur ? Ce n’est point de la témérité, c’est un transport d’amour, c’est l’élan de notre espérance. Que notre âme dise dans l’abandon de la sécurité : « C’est vous qui êtes mon Dieu », puisqu’il dit à notre âme : « C’est moi qui suis ton salut 1 ». Qu’elle le dise, et avec sécurité; elle ne fera point injure à Dieu par ce langage, elle en ferait en ne le tenant point, lite fallait des arbres pour devenir heureux ? Ecoute l’Ecriture, qui dit de la Sagesse : « C’est l’arbre de vie pour ceux qui la possèdent 2 ». Vous le voyez, elle nous donne la sagesse pour héritage : mais de peur que vous ne croyiez que cette sagesse que l’Ecriture vous assigne pour héritage, est inférieure à vous, elle ajoute: « Elle est stable pour ceux qui s’appuient sur elle comme sur le Seigneur ». Voilà que le Seigneur devient un bâton pour nous appuyer : l’homme peut s’y appuyer en toute sûreté, parce que cet appui ne manque jamais. Dites donc avec sécurité qu’elle est notre héritage; c’est l’Ecriture qui le dit à ceux qui la possèdent, et dans votre doute elle vous donne la confiance. Parlez donc avec assurance, aimez avec assurance, espérez avec assurance. Que le psalmiste vous suggère ces paroles : « Le Seigneur est la part de mon héritage 3 ». 1. Matt. V, 45. — Deut. V, 21.

18. Donc, mes frères, nous serons heureux, si nous possédons le Seigneur. Mais quoi ? Le posséderons-nous sans qu’il nous possède lui même ? Pourquoi donc Isaïe a-t-il dit : « Seigneur, possédez-nous 4 ? » Dieu donc nous possède en même temps que nous le possédons; et tout cela est pour notre bien. Toutefois il n’en est pas de lui comme de nous. Si nous le possédons, c’est pour notre bonheur, mais il ne trouve pas son bonheur à nous posséder, Il ne nous possède et ne se fait notre possession qu’afin de nous rendre heureux. Nous le possédons et il nous possède, parce que nous l’honorons, et qu’il nous cultive. Nous l’honorons comme un Dieu, il nous exploite comme sa terre. Que nous l’adorions, nul n’en doute; mais qui nous assure qu’il nous cultive ? Lui-même, quand il dit : « Je suis la vigne, vous « en êtes le sarment, et mon Père est le vigneron 5 ». Nous trouvons l’un et l’autre dans ce psaume, l’un et l’autre y est indiqué. Déjà il nous a dit que nous possédons Dieu : « Bienheureux le peuple dont le Seigneur est Dieu ». De qui est ce champ ? disons-nous. D’un tel. Et celui-ci ? de tel autre. Et celui-là ? Faisons à propos de Dieu la même question. De même qu’à propos de tel domaine, de telle propriété vaste et agréable, on nous répond : C’est un certain sénateur, c’est un tel, qui a tel nom, qui possède ces domaines; ce qui nions fait dire : Bienheureux cet homme-là ! De même si mous demandons : De qui le Seigneur est-il Dieu ? li est un peuple assez heureux pour l’avoir, nous dira-t-on, car le Seigneur est leur Dieu. Mais il n’en est pas du Dieu de cette nation comme du sénateur qui possède ce domaine, et qui n’est pas à son tour la possession du domaine. Il faut donc nous efforcer d’être son domaine; car il y a une possession réciproque. Vous avez, entendu comment cette nation possède son Dieu : « Bienheureux le peuple dont le Seigneur est Dieu ». Ecoutez maintenant, comment il possède la nation : « Heureux le peuple que le Seigneur a choisi pour son héritage ! » Heureuse la nation à cause de l’héritage qu’elle possède ! Heureux l’héritage à cause du maître dont il est la possession ! « Heureux le peuple que le Seigneur s’est choisi pour héritage ! » 1. Ps. XXXIV, 3.— 2. Prov. III, 13.— 3. Ps. XV, 5.— 4. Isa. XXVI, 13. — 5. Jean, XV, 1, 5. (311)

19. « Dieu a regardé du haut du ciel, il a vu tous les enfants des hommes 1 ». Par cette expression tous, il faut entendre tous ceux de cette nation qui appartiennent à l’héritage, ou même qui forment cet héritage. Car ils sont tous l’héritage du Seigneur, et il les a tous regardés du haut des cieux; il les a vus, celui qui a dit : « Je t’ai vu quand tu étais sous le figuier 2 ». Je t’ai vu et t’ai pris en pitié. C’est ainsi qu’en implorant la pitié d’un homme, nous lui disons : Voyez-moi. Et que dites-vous de l’homme qui vous méprise ? Il ne me regarde pas. Il y a donc un regard de compassion, et non un regard de punition. Ce dernier regard sur nos péchés serait un châtiment : et il ne veut point que ses péchés soient vus, celui qui s’écrie : « Détournez les yeux de mes péchés 3 ». Il veut qu’on les lui pardonne, et non qu’on les connaisse. « Détournez », dit-il, u détournez vos yeux de mes péchés ». Mais s’il détourne ses regards de vos péchés, il ne vous verra plus? Pourquoi alors est-il dit ailleurs : « Ne détournez point de moi votre face 4 ? » Que le Seigneur donc détourne les yeux de tes péchés, et non de toi-même; qu’il te voie, qu’il te prenne en pitié, qu’ il vienne à ton aide. « Le Seigneur a regardé du haut des cieux, il a vu les enfants des hommes » qui appartiennent au Fils de l’homme. 1. Ps XXXI, 13. — 2. Jean, I, 48. — 3. Ps. L, 11. — 4. Id. XXV, 9.

20. « Il les a regardés de sa tente 1 », qu’il s’était préparée. Il nous a vus par ses Apôtres, par ses prédicateurs de la vérité, par les messagers qu’il nous a envoyés. Tout cela forme sa maison, tout cela c’est sa tente, tout cela c’est le ciel qui raconte la gloire de Dieu 2. « Il a vu tous les enfants des hommes du haut de la tente qu’il s’est préparée; il a regardé tous ceux qui habitent la terre 3 ». Ce sont ceux-là qu’il a regardés, ceux qui sont à lui, cette nation bienheureuse, celle dont le Seigneur est Dieu; c’est ce peuple que le Seigneur s’est choisi pour son héritage, parce qu’il est répandu par toute la terre, et non point sur une partie. « Il a jeté les yeux sur tous ceux qui habitent la terre ».

21. « C’est lui qui a formé le cœur de chacun d’eux ». Par la main de sa grâce, par la main de sa miséricorde, il a formé nos cœurs, il les a formés séparément, nous donnant à chacun le cœur qui nous est propre, sans déroger à l’unité. De même que nos membres sont formés à part, qu’ils ont chacun leur fonction séparée, et qu’ils vivent néanmoins en harmonie; que la main a d’autres fonctions que les yeux, que l’oreille peut faire ce que ne tout ni les yeux ni la main, et que tous ces membres néanmoins agissent dans l’unité, que la main, les yeux et l’oreille, malgré la diversité de leurs fonctions, ne sont point en opposition; de même dans le corps de Jésus-Christ, tous les hommes sont comme des membres qui s’applaudissent de leur aptitude particulière, parce que celui qui s’est choisi le peuple en héritage, a formé leurs coeurs en particulier. « Tous sont-ils apôtres ? tous sont-ils prophètes ? tous sont-ils docteurs ? tous ont-ils le don de guérir les maladies ? tous parlent-ils diverses langues ? Tous ont-ils le don d’interpréter ? L’un reçoit du Saint. Esprit le don de parler avec sagesse; l’autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science, un autre reçoit le don de la foi par le même Esprit; un autre reçoit du même Esprit, le don de guérir les malades 4 ». Pourquoi ? Parce qu’il a formé à part le cœur de chacun. De même que, dans nos membres, il y a des fonctions diverses, et une même santé, de même parmi les membres du Christ, les dons sont divers, mais tout se résume en la charité qui est une. « Il a formé à part le cœur de chacun ». 1. Ps. XXXII, 14.— 2. Id. XVIII, 2.— 3. Id. XXXI, 15.— 4. ICor. XII, 8, 9, 29,30. (312)

22. « C’est lui qui connaît toutes leurs œuvres 1 ». Qu’est-ce à dire, qu’il les connaît ? qu’il pénètre les secrets de notre intérieur. il est dit dans un autre psaume : « Comprenez le cri de ma douleur 2 ». Car il n’est pas besoin de hauts cris pour que notre prière arrive aux oreilles de Dieu. La vue secrète se nomme intelligence. Le Prophète a parlé avec plus de précision que s’il eût dit: Il voit toutes leurs œuvres; tu aurais pu croire que l’on fait ces mêmes œuvres, comme tu vois un homme travailler. L’homme voit l’œuvre matérielle d’un autre homme; c’est Dieu qui voit dans son cœur. C’est donc parce qu’il pénètre à l’intérieur qu’il est dit : « Il comprend toutes leurs œuvres ». Deux hommes font l’aumône à un pauvre, l’un se propose une récompense céleste, et l’autre la louangé humaine : pour toi, tu ne vois qu’un seul acte, tandis que Dieu en voit deux; car il comprend l’intérieur; il connaît leurs cœurs, il y voit le but qu’ils se proposent, il y découvre leurs intentions, lui « qui comprend toutes leurs œuvres».

23. « Ce ne sont point les forces nombreuses qui sauveront le roi 3 ». Elevons-nous tous vers Dieu, soyons tous en Dieu. Que Dieu soit ton espoir, que Dieu soit ta force, ton soutien, qu’il soit ta prière et ta louange; qu’il soit la fin où tu trouves ton repos, ton encouragement dans le travail. Ecoute bien cette vérité : « Ce ne sont point les forces nombreuses qui sauveront le roi, et le géant ne trouvera point son salut dans sa grande puissance ». Ce géant, c’est l’orgueilleux qui s’élève contre Dieu, comme si en lui-même et par lui-même litait quelque chose. Ce n’est point dans sa grande puissance qu’il trouvera le salut.

24. Mais il a un cheval tout à la fois grand, tact, vigoureux et léger, qui pourra au besoin le délivrer promptement du péril ? Illusion ! qu’il écoute ce qui suit « Un coursier ! vain espoir de salut 4 ». Comprenez-vous bien cette parole, qu’un coursier vous trompe quand il s’agit de salut ? Que ce cheval ne vous promette point de vous sauver; et s’il vous le promet, il trahira sa promesse. Vous serez délivré si Dieu veut bien vous délivrer et si Dieu ne le veut point, votre cheval s’abattra, et vous n’en tomberez que de plus haut. N’allez donc pas croire que cette expression « dans l’affaire du salut, un cheval est trompeur », mendax equus, signifie que le juste se trompe dans le salut, et que les justes sont menteurs en se promettant le salut : on n’a point écrit aequus, qui dérive d’équité ou de justice, mais bien equus, l’animal quadrupède. C’est ce que nous voyons dans le grec, ipos: et dans ces animaux vicieux, le Prophète réprimande ces hommes qui cherchent les occasions de mentir; bien que l’Ecriture dise : « La bouche qui ment tue l’âme 1 »; et encore: « Vous perdrez ceux qui profèrent le mensonge 2 ». Qu’est-ce donc que «ce cheval qui ment pour le salut ? » C’est-à-dire qu’il vous trompe quand il promet de vous sauver. Or, un cheval peut-il parler et promettre le salut ? Mais toi, quand tu vois un cheval bien conformé, vigoureux, bon coursier, tout cela te promet en lui le salut au besoin; c’est là une erreur, si Dieu lui-même ne te sauve, car « un cheval est un vain espoir de salut ». Prends encore le cheval au figuré, pour toute grandeur humaine, ou pour quelque degré d’honneur auquel tu montes avec faste: plus ton élévation est grande, plus aussi tu te crois, non seulement honorable, mais en sûreté. Mais illusion encore ! car tu ne sais de quelle manière ce coursier te renversera, d’une manière d’autant plus désastreuse que tu étais plus élevé. « Un cheval est trompeur, quant au salut, et on ne sera point sauvé dans la surabondance de ses forces ». Par quel moyen sera-t-on sauvé ? Ce ne sera ni par sa vertu, ni par ses forces, ni par ses honneurs, ni par sa gloire, ni par son cheval. Mais par quel moyen, et où irai-je pour trouver un moyen de salut ? Ne cherche ni longtemps, ni au loin. « Voilà que les yeux du Seigneur s’arrêtent sur ceux qui le craignent ». Vous voyez que ce sont bien ceux qu’il a regardés du haut de son tabernacle. « Voilà que les yeux du Seigneur s’arrêtent sur ceux qui le craignent, et qui espèrent en sa miséricorde »: non point dans leurs propres mérites, non point dans leur vertu, ni dans leur force, ni dans un cheval, mais bien dans sa miséricorde. 1. Ps. XXXII, 15.— 2. Id. V, 2. — 3. Ps. XXXII, 16. — 4. Ibid. 17.

25. « Afin de dérober leurs âmes à la mort 3 ». Voilà qu’il promet la vie éternelle. Mais pendant le pèlerinage de cette vie, les va-t-il abandonner ? « Afin de les nourrir pendant la famine ». Nous sommes au temps de la famine, celui de l’abondance viendra plus tard. Si donc il ne nous abandonne pas dans la disette de notre corruption, de quelles délices nous rassasiera-t-il quand nous serons devenus immortels ? Mais tant que doit durer la disette, il faut souffrir, il faut endurer, il faut persévérer jusqu’à la fin. Parcourons maintenant tout le psaume, car la voie est aplanie, et il faut avoir égard à ce corps fragile que nous portons. Il y a peut-être encore dans l’amphithéâtre des hommes fous d’enthousiasme et assis au soleil; nous du moins si nous sommes debout, nous sommes à l’ombre, et ce que nous voyons ici est incomparablement plus beau et plus utile. Voyons donc ce qui est beau, afin que la beauté par excellence arrête les yeux sur nous. Voyons en esprit ce qui est renfermé dans le sens des divines Ecritures, et jouissons d’un tel spectacle. Mais à notre tour, qui nous verra ? « Voilà que les yeux du Seigneur s’arrêtent sur ceux qui le craignent, et qui espèrent en sa miséricorde : afin d’arracher leurs âmes à la mort et de les nourrir dans la disette ». 1. Sag. I, 11 — 2. Ps., V, 7. — 3. Id. XXXII, 19. (313)

26. Mais pour supporter cet exil, pendant lequel nous souffrons la faim et nous attendons que Dieu nous rassasie, de peur que nous ne tombions en défaillance, que nous est-il ordonné, et quelle résolution faut-il prendre ? « Notre âme attendra le Seigneur 1 ». Elle attendra en toute sûreté celui qui a fait de si miséricordieuses promesses, et qui les tiendra avec tant de miséricorde et de vérité. Mais que faire jusqu’à ce qu’il les accomplisse ? « Mon âme attendra le Seigneur avec patience ». Mais qu’arrivera-t-il si la patience vient à lui manquer ? Jamais cette patience ne nous fera défaut : « Car Dieu vient à notre aide, il est notre protecteur ». Il nous soutient dans le combat, il nous abrite contre la chaleur, il ne nous abandonne point : souffrez donc, souffrez longtemps. « Celui-là sera sauvé qui aura persévéré jusqu’à la fin 2 ».

27. Et lorsque tu auras attendu longtemps, souffert avec patience, persévéré jusqu’à la fin, que t’arrivera-t-il ? Quelle sera ta récompense, qu’auras-tu gagné à tant souffrir ? « Alors notre cœur s’épanouira en lui, parce que nous avons espéré en son nom 3 ». Espère donc en cette vie afin de t’épanouir alors; endure ici-bas la faim et la soif, afin d’être rassasié là-haut.

28. Le Prophète nous a exhortés à tout endurer, il nous a comblés des joies de l’espérance, il nous a proposé ce que nous devons aimer, ou celui en qui et de qui nous devons tout attendre: il termine par une invocation courte et salutaire : « Seigneur, que votre miséricorde descende sur nous ». Et par quel mérite ? « En proportion de notre espoir en vous 1 ». J’ai été bien long pour quelques-uns, je le sens; mais je sens encore que pour d’autres mon homélie est bien courte; que les faibles soient indulgents pour les forts, et que les forts prient pour les faibles. Soyons tous les membres d’un même corps, et que la sève nous vienne de notre chef divin : c’est en lui qu’est notre espérance, en lui encore qu’est notre force. Ne craignons point d’exiger de Dieu sa miséricorde; il veut absolument qu’on la lui demande. Nos pressantes exigences ne le jetteront ni dans le trouble ni dans l’angoisse, comme le malheureux qui n’a pas ce qu’on lui demande, ou qui en a peu, ou qui craint d’en donner, de peur d’en manquer ensuite. Veux-tu savoir comment Dieu répandra sur toi sa miséricorde ? Toi-même, répands la charité, et vois si tu peux t’épuiser en la répandant. Quelle richesse alors dans la charité suprême, s’il en est tant dans son image ! 1. Ps. XXXII, 20. — 2. Matt. XXIV, 18. — 3. Ps. XXXII, 21.

29. C’est donc à cette charité que nous vous engageons principalement, mes frères, non seulement entre vous, mais à l’égard de ceux qui sont dehors, soit des païens, qui ne croient pas encore au Christ, soit de nos frères séparés, qui confessent avec nous le même chef, mais qui se divisent de corps. Plaignons, mes bien-aimés, plaignons ces derniers comme des frères; car ils sont vraiment nos frères, qu’ils le veulent ou non. Ils ne cesseront d’être nos frères qu’en cessant de dire à Dieu : « Notre Père 2 ». Le Prophète n dit de quelques-uns : « A ceux qui vous disent : Vous n’êtes point nos frères, répondez : Et vous, vous êtes nos frères 3 ». Voyez de qui il pouvait parler ainsi : était-ce des païens ? non, car nous ne les appelons pas nos frères selon les Ecritures et dans le langage de l’Eglise. Etait-ce des Juifs qui ne croient pas en Jésus-Christ ? Lisez saint Paul, et vous verrez que quand il emploie le mot frères sans y rien ajouter, il veut désigner les chrétiens. « Un frère ou une sœur », dit-il en parlant du mariage, « n’ont plus d’engagement en pareil cas 1 ». Ceux qu’il appelle frère et soeur, sont un chrétien et une chrétienne. Il dit encore : « Quant à toi, pourquoi juger un frère, et toi, pourquoi condamner un frère 2 ? »Et ailleurs : « C’est vous qui faites le tort, vous qui causez la perte, et cela à l’égard de vos frères 3 ». Donc ceux qui nous disent : Vous n’êtes pas nos frères, nous traitent comme des païens. C’est pour cela aussi qu’ils veulent nous baptiser, en alléguant que nous n’avons pas ce qu’ils donnent. Ils sont donc conséquents dans leur erreur en nous reniant pour leurs frères. Mais pourquoi le Prophète nous dit-il : « Quant à vous, dites-leur : Vous êtes nos frères », sinon parce que nous reconnaissons en eux ce que nous ne donnons pas de nouveau ? Pour eux donc, ne point reconnaître notre baptême, c’est nier que nous soyons leurs frères; et nous, en ne réitérant point leur baptême et en y reconnaissant le nôtre, nous leur disons : Vous êtes nos frères. Qu’ils nous disent : Pourquoi nous cherchez-vous et que voulez-vous de nous ? Répondons : Vous êtes nos frères. Qu’ils nous disent : Retirez-vous de nous; nous n’avons rien de commun avec vous. Mais nous, au contraire, nous avons avec vous ceci de commun : que nous confessons un même Christ, et que sous un nième chef nous devons être un même corps. Mais, dit cet infortuné, pourquoi me chercher si je suis perdu ? Quelle absurdité ! quelle extravagance! pourquoi me chercher si je suis perdu ! Mais, au contraire, pourquoi te chercherais-je si tu n’étais perdu ? Si je suis perdu, me dit-il encore, de quelle sorte suis-je ton frère ? De sorte que l’on me dise de toi : « Ton frère était mort, il est ressuscité; il était perdu et le voilà retrouvé (Luc, XV, 32) ». Nous vous conjurons donc, ô mes frères, par les entrailles de la charité, dont le lait nous alimente, dont le pain nous fortifie, je vous en conjure par Jésus-Christ Notre Seigneur et par sa divine bonté ! Il est temps d’avoir pour ces infortunés une charité sans bornes, une miséricorde surabondante, et de prier Dieu pour eux; afin qu’il mette la sagesse dans leur esprit, et le repentir dans leur cœur, et que ces malheureux voient enfin qu’ils n’ont rien à opposer à la vérité : il ne leur reste que la faiblesse de la rancune, faiblesse d’autant plus grande qu’elle se croit de plus grandes forces. Je vous conjure de répandre ce qu’il y a de plus exquis dans votre charité, sur ces infirmes, sur ces hommes d’une sagesse charnelle, d’un sens brut et sans culture, qui célèbrent les mêmes mystères, non point avec nous sans doute, mais enfin les mêmes, qui répondent amen comme nous, non point avec nous, mais comme nous. Dans votre charité priez Dieu pour eux. Dans notre concile, nous avons fait pour eux ce que le temps ne me permet pas de vous exposer aujourd’hui. Nous vous invitons à vous trouver, et plus fervents et en plus grand nombre, demain dans l’église de Tricliarum; nos frères absents apprendront de vous qu’ils doivent s’y trouver. 1. Ps. XXXII,, 22 — 2. Matt. VI, 9 — 3. Isa. LXVI, 5, juxta LXX. 1. I Cor. VII, 15.— 2. Rom. XIV, 10.— 3. I Cor. VI, 8. (314)




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Message par Invité Lun 10 Mai 2021 - 16:32

Bonjour, je vais faire une pause pour les psaumes surtout pour cause ... de changement de vie ! je reprendrai courant août ou plus tôt si tout va bien.

Je voudrais en profiter pour offrir ce fil en hommage, à Maud qui a été ma sœur bien aimée  sur ce forum et qui nous a quitté pour aller vers Notre Père. Au delà de nos petits désaccords, nous avons su rester amies. nous conversions par téléphone et par SMS ET MMS aussi de temps en temps. Au regard de sa santé C'était devenu plus rares vers la fin.

Pourquoi les psaumes ? c'est parce qu'elle les aimait aussi autant que moi si ce n'est pas plus.

Chaque fois que je regarde vers les étoiles la nuit. Je la vois me sourire dans l'une d'elle et je prie avec elle et lui dit merci. Je lui ai dit que dès que je naîtrais à la vraie vie je me jetterai dans les bras de notre Père pour un gros câlin et que j'irai danser avec Jésus parmi les étoiles. cela l'a fait rire. Eh bien tout ça j'espère qu'elle l'a dores et déjà fait.

Que dire de plus Maud, tout simplement que je t'aime grande sœur dans l'Eternel Présent que nous offre Dieu dans l'Esprit Saint.


Pour toi tous ces psaumes, Alléluia ! A bientôt Maud



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