QUELLE FOLIE ! Une étude trace un lien entre la foi et la dépression

Beaucoup d’entre nous se sont habitués à associer la valeur d’une vie à des moments d’excitation intense, forcément suivis de dépression car si l’on monte trop haut, trop vite, trop fort, il y a ensuite une descente qui peut être vertigineuse. Lorsque l’on a beaucoup travaillé et que l’on s’arrête brutalement, on vit souvent une période, difficile au début, de décompression. L’excès de travail entraîne une brusque détente qui peut s’apparenter à une forme de dépression. Quand je me suis couché à point d’heure, les deux jours suivants, je suis déséquilibré, fatigué, énervé.

La joie profonde
Si je gagne une compétition de longue haleine où j’ai été jusqu’au bout de mes forces, je sais qu’il faudra ensuite que je récupère et que je vais être "vidé" pendant quelque temps. Si j’ai vécu une relation amoureuse intense mais insécurisante où j’étais tout feu-tout flamme, je risque ensuite de tomber de haut, de me décourager et de vivre un vide intérieur. On connaît aussi le baby blues, cette dépression post-natale des jeunes mamans qui, après neuf mois de grossesse, de joies et d’anxiété, décompressent brutalement.
Pour éviter le cycle infernal haut/bas, extase mystique/dégoût de la vie, exaltation/dépression, j’ai à apprendre la pédagogie des petits pas (voir FL 225 de février 2004), en ne montant jamais trop haut pour ne pas descendre trop bas. Mais alors, diront certains, où est le piment de la vie ? Voilà une existence bien fade… C’est tout le contraire ! Je découvrirai en moi une profondeur lumineuse où je suis vraiment comblé et qui me procure bien davantage que l’excitation ou le plaisir d’un instant parce que je ne dépendrai plus des autres et des événements, que je serai ancré et établi en Dieu, que j’aurai découvert le Ciel qui m’habite. La joie dont il est question dans les Évangiles, cette « joie parfaite » dont parle saint François d’Assise est une joie intérieure, irradiante, qui transfigure tout parce qu’elle se vit totalement dans l’instant présent. C’est la béatitude, c’est en fait ce que je cherche depuis toujours par des chemins détournés, des impasses (compensations, accumulations…).

La joie du Ciel m’habite
Quand Marie dit à Bernadette : « Je ne vous promets pas la joie sur cette terre, mais dans le Ciel », on sait aujourd’hui que ce qu’elle a vraiment dit en patois, c’est : « Je ne vous promets pas la joie extérieure, mais la joie intérieure du Ciel ». Cette joie, c’est celle que je vis déjà au-dedans de moi, au meilleur de moi-même. Les moments les plus pleins de ma vie sont des moments de grande intensité parce que j’ai vraiment vécu l’instant présent, que ce soit en m’occupant d’un enfant, en regardant un coucher de soleil sur la mer, en écoutant une musique qui me ravit, en ayant développé un de mes dons. Mais tout cela : le coucher de soleil, l’enfant, la lecture, la musique, n’ont été que des moyens qui ont fait jaillir la joie profonde ; ils n’étaient pas la joie, mais ils ont fait sortir la joie qui est en moi. Et voici la grande découverte : la vraie joie ne venait pas de cet homme, de cette femme que j’ai aimés ou qui ont prié pour moi, de ce lieu, de ce moment où j’ai vécu un ravissement, mais ils l’ont suscitée en moi. Ainsi, cette joie profonde, cette joie du Ciel m’habite en fait à tout moment. Je veux vivre de plus en plus éclairé par ce niveau intérieur. C’est ce que proposent les Béatitudes (cf. Mt 5, 3-11).
Je me souviens d’une personne qui allait très mal ; elle se confia à un prêtre et celui-ci lui promit de prier pour elle durant trois semaines. Pendant cette période, elle se sentit d’abord beaucoup mieux, mais, après trois semaines, à nouveau très mal. Je lui demandai alors quelle conclusion elle en tirait et elle me dit – ce qui était vrai en partie : C’est grâce au charisme et à la prière de ce prêtre. Je lui répondis : Cette prière a fait émerger en toi la paix et la joie ; de plus, ta foi a fait augmenter l’action de la prière. Mais maintenant, c’est à toi de prendre le relais. Tu peux bien sûr demander à d’autres de prier pour toi et ces prières existent déjà de par le monde grâce à tous ceux, moines, religieuses… qui prient pour les autres, mais aussi tous ceux qui, humblement, offrent leur vie de tous les jours. Tu peux demander d’autres prières, mais ce qui est important, c’est que tu découvres qu’elles font surgir la paix et la joie qui t’habitent en profondeur. C’est à toi de l’accueillir chaque jour en vivant toujours plus intensément de cette présence lumineuse : la Présence de la Trinité, de l’Amour de Dieu en toi.

Une succession d’états intérieurs
Ai-je bien compris qu’il y a en moi différents niveaux de profondeur ? Si je m’identifie à mon paraître ou à mon statut social, mon bien-être dépendra de la réaction d’autrui, de l’image qu’ils auront de moi. Si je m’identifie aux couches moyennes de ma personnalité et si, à ce niveau, je n’ai pas réussi à mettre en place le côté Adulte qui équilibre les autres parties, je me sentirai écartelé entre différentes émotions : la joie, la colère, la tristesse, la peur, la honte… J’aurai des combats intérieurs entre mes désirs, mes besoins, mes impulsions et les règles morales que l’on m’a dictées et que j’ai intégrées. Je voguerai constamment entre des hauts et des bas. Comme le déclarait une patiente : « Après la pluie, le beau temps ; après le beau temps, la pluie, etc. »
Si je découvre mon être profond et si je m’identifie à lui, je vais pouvoir m’implanter durablement dans un endroit de moi où règnent la Paix, la Joie et l’Amour de Dieu. Cet état profond intérieur m’habite constamment et je pourrai m’habituer à le ressentir et à en avoir conscience, quelles que soient les circonstances extérieures. Qu’il pleuve, qu’il vente, quelles que soient la température extérieure et la saison, quels que soient les états d’âme de mon psychisme et les réactions des autres à mon égard, quels que soient mes réussites extérieures et mes échecs apparents, je me sentirai bien dans ma profondeur. On peut souffrir psychologiquement et physiquement, tout en gardant un contact avec la joie profonde. C’est ce qu’ont montré certains saints et sages.

Les montagnes russes du psychisme
C’est donc parce que je m’y serai entraîné chaque jour pendant longtemps que j’arriverai à ressentir en moi simultanément différents niveaux de profondeur. Puis-je dire que j’ai vraiment vécu la plénitude intérieure ? Car pour quitter les montagnes russes de mon psychisme, il me faut avoir découvert un bien beaucoup plus précieux : la plénitude. Il est très curieux de voir combien, par habitude (puisque dans les conditions extérieures : Tout passe, tout casse, tout lasse…), nous recréons inconsciemment des ciels chargés d’anxiété, d’agressivité, de lourdeurs, de soucis de toutes sortes, alors que nous pourrions nous installer dans le ciel bleu qui existe au-delà des nuages. Croyons-nous vraiment que ce bonheur intérieur est possible, qu’il nous est donné par Dieu et que le fait de nous y ressourcer chaque jour nous permettra d’avoir beaucoup plus d’amour, d’énergie et de paix pour accomplir notre mission ? À cet endroit de joie profonde, nous recevons l’Amour de Dieu et nous pouvons ainsi le diffuser.
Lorsqu’on voyage en avion, il y a l’installation, les craintes du départ, la montée, la traversée des nuages et enfin la stabilisation de l’appareil dans le ciel bleu. L’avion ne reste pas dans la couche nuageuse. Imaginons ce qui se passerait, notamment en cas d’orage, si l’avion demeurait au milieu des nuages. De toute évidence, nous vivrions des émotions intenses. Nous aurions peur, nous serions secoués, il nous en resterait un souvenir frappant. Notre désir est-il alors de demeurer à ce niveau ou, au contraire, de revenir constamment à cet endroit calme et beau qui nous habite intérieurement ? Certains d’entre nous vivent des moments de joie profonde, mais ont du mal ensuite à les incarner dans leur vie quotidienne, comme s’il y avait un trop grand contraste entre la plénitude intérieure et les "contraintes" de la vie extérieure. Notre cheminement va donc consister à permettre à cette joie de traverser toutes les couches de notre psychisme pour imprégner nos actions de chaque jour, à aligner nos paroles et nos comportements sur notre être profond.