Sang, pétrole et cynisme...
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Sang, pétrole et cynisme...
« Menteurs et escrocs »
par Bill Van Auken.
Dans un éditorial publié dimanche, le Financial Times de Londres s’est joint à l’assaut médiatique contre l’Iran, qualifiant ses dirigeants de « menteurs et escrocs » à qui « l’on ne peut faire aucunement confiance » sur la question du programme nucléaire du pays.
Si le quotidien est dévoué à démasquer les « menteurs et escrocs », pourquoi a-t-il attendu si longtemps ? Il aurait pu rendre ce précieux service à ses lecteurs presque sept ans plus tôt, durant les préparatifs pour la guerre contre l’Irak. Après tout, ces épithètes décrivent parfaitement le rôle joué par les gouvernements américain et britannique.
C’est aujourd’hui un fait historique reconnu que Bush et Blair ont systématiquement trompé leur propre population et le monde entier lorsqu’ils préparaient une guerre d’agression contre l’Irak. En présentant l’Irak comme une menace imminente en raison de ses supposées « armes de destruction massive » et ses liens (entièrement fabriqués) avec Al-Qaïda et les attaques du 11-Septembre, ils ont cherché à rallier l’opinion publique. Non seulement ces assertions se sont-elles avérées fausses à la suite de l’invasion de l’Irak en mars 2003, tout porte à croire que ceux qui ont fait ces déclarations à l’époque savaient qu’elles étaient mensongères.
Tentant de soutenir son argumentaire selon lequel le programme nucléaire iranien pose une menace semblable, le Financial Times a publié son éditorial sur la question et en plus, en première page, un commentaire de Paul Wolfowitz, l’un des principaux architectes de la guerre en Irak et grand fournisseur de faux renseignement qui a servi à la préparer. Cet individu, qui devrait être accusé et jugé pour crimes de guerre, est maintenant recyclé en expert de la « menace » iranienne.
Tout est oublié et pardonné. Ces mêmes personnes, responsables d’une guerre qui a enlevé la vie à plus d’un million d’Irakiens, sont de retour en affaires ; toute la machine de propagande des médias de la grande entreprise est mise en branle pour amplifier leurs accusations contre l’Iran.
De la même façon, le chroniqueur du Washington Post Richard Cohen, qui a répété joyeusement les mensonges de l’administration Bush au sujet des armes de destruction massive irakiennes, a écrit un commentaire mardi rejetant l’affirmation de l’Iran que ses installations nucléaires étaient conçues avec des visées pacifiques. « Les Perses mentent comme ils respirent », a-t-il grogné.
De manière plus sinistre, il s’est servi de ce commentaire pour attaquer Obama pour être trop conciliant et afin de faire de la propagande guerrière. « Seuls les Etats-Unis ont la capacité de détruire les installations souterraines de Téhéran », a-t-il écrit. « Washington pourrait devoir agir. »
La dernière hystérie a été alimentée en prévision des négociations du premier octobre qui doivent prendre place à Genève entre l’Iran et les puissances du P5+1, c’est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies — les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et la France — plus l’Allemagne. Elle a été concentrée sur la prétendue découverte d’une usine nucléaire souterraine « secrète » près de la ville de Qom, annoncée de façon mélodramatique vendredi dernier à une conférence de presse organisée par Barack Obama, le premier ministre britannique Gordon Brown et le président français Nicolas Sarkozy.
En fin de compte, il s’est avéré que l’Iran avait averti l’agence de surveillance nucléaire des Nations Unies, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), de l’existence quatre jours plus tôt de l’usine et les services du renseignement américains étaient au courant depuis plusieurs années. Selon le traité de non-prolifération signé par l’Iran, le pays est tenu d’aviser l’AIEA de telles installations seulement 180 jours avant que le combustible nucléaire y soit apporté. Téhéran a dit que cela ne se produirait pas avant une autre année et demie. Conséquemment, cette dernière révélation n’a fourni aucune preuve que l’Iran ne respecte pas le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), encore moins qu’il est engagé dans un programme pour produire des armes nucléaires.
Plus fondamentalement, ni Washington ni les autres puissances majeures n’ont daigné expliquer pourquoi la prétendue poussée pour le développement de telles armes par l’Iran constitue un crime contre l’humanité, alors qu’il est parfaitement acceptable pour l’Inde, le Pakistan et Israël d’obtenir, par eux-mêmes, des bombes nucléaires. Contrairement à l’Iran, aucun de ces trois pays n’a signé le TNP, vieux de 40 ans, ou n’a permis à l’AEIA d’inspecter leurs installations.
On croit qu’Israël posséderait des centaines d’armes nucléaires et il a régulièrement menacé d’attaquer l’Iran. Les Etats-Unis ont régulièrement protégé Israël de l’inspection et ont récemment dénoncé une résolution passée par l’Assemblée générale de l’AIEA qui appelait l’Etat sioniste à se conformer au TNP.
D’ailleurs, l’Iran lui-même serait une puissance nucléaire aujourd’hui — avec l’aval de Washington — si ce n’était de la révolution de 1979 qui a renversé la dictature haïe du Chah, appuyée par les Etats-Unis. Gendarme régional et plus grand acheteur d’armes de Washington, le Chah avait déclaré ouvertement son intention d’obtenir des armes nucléaires et les Etats-Unis lui avaient vendu les réacteurs et le combustible nécessaires.
Il y a l’argument de principe — et le World Socialist Web Site l’a fait — qu’une tentative de la part du régime bourgeois nationaliste en Iran d’obtenir des armes nucléaires serait non seulement réactionnaire, mais serait incapable de protéger le pays contre l’impérialisme. La classe ouvrière ne peut appuyer les politiques d’armement de tout régime bourgeois. Elle ne peut dépendre que de son unité internationale dans la lutte pour le socialisme afin de vaincre la guerre.
Ceci étant dit, comment les accusateurs de l’Iran peuvent-ils s’élever contre les armes nucléaires ? Les Etats-Unis, le principal instigateur de la violence armée de par le monde, ont développé le plus grand arsenal nucléaire de tous les pays. Ils se distinguent, sombrement, pour avoir été la seule puissance qui n’ait jamais utilisé ces armes nucléaires. Ils ont lancé des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki pour démontrer leur puissance militaire en incinérant les populations civiles de ces deux grandes villes. De plus, les Etats-Unis sont eux-mêmes en contravention du TNP, car ils n’ont pas entrepris de démanteler leur arsenal nucléaire et ont plutôt développé de nouvelles générations de nouvelles armes comme les bombes anti-bunkers.
La Grande-Bretagne et la France, avec leur longue histoire de crimes contre les pays coloniaux, ont tout les deux des armes nucléaires, alors que l’Allemagne, pour des raisons historiques évidentes, ne peut pas faire la morale à qui que ce soit. En tout cas, Berlin, qui est en train de se réarmer encore une fois, a la technologie et développé l’infrastructure pour produire du combustible nucléaire qui lui permettrait de produire une grande quantité d’armes nucléaires en quelques mois, si n’est pas en quelques semaines. Son allié de la Deuxième Guerre mondiale, le Japon, a développé la même capacité.
L’opposition de Washington à ce que l’Iran ait une capacité similaire est le fait de calculs purement stratégiques. Washington craint que l’Iran avec la capacité des armes nucléaires vienne modifier l’équilibre du pouvoir dans une région où l’impérialisme américain mène deux guerres, à la frontière ouest et la frontière est de l’Iran. Le but de la guerre en Irak et en Afghanistan est d’affirmer l’hégémonie américaine sur les immenses ressources énergétiques du golfe Persique et du bassin de la Caspienne, dont les réserves de gaz et de pétrole de l’Iran constituent une part importante.
Ceux qui sont tentés d’avaler la dernière campagne de propagande contre l’Iran ferait bien de sortir de leur amnésie politique. L’administration Obama suit le même patron que celui de l’administration Bush en 2002-03. Elle fait circuler des déclarations de plus en plus inquiétantes et entièrement non fondées sur les « armes de destruction massive » iraniennes, tout en demandant à Téhéran de réaliser ce qui revient à un suicide au ralenti en tentant de satisfaire une suite sans fin de demandes impossibles. Et dans le but d’arriver à son objectif de changement de régime, il a donné un appui actif à une opposition de droite pro-impérialiste.
Obama, loin de changer quoi que ce soit de ces objectifs stratégiques, n’a fait que couvrir la politique impérialiste américaine avec encore plus d’hypocrisie. C’est lui et ses alliés qui, comme Bush et Blair avant lui, ont mérité de se faire appeler « menteurs et escrocs ».
Il y a une logique à une telle fraude. Ce serait une grave erreur de croire qu’Obama, au contraire de son prédécesseur, adopte une politique de diplomatie et ne veut que faire pression sur l’Iran. Derrière les mensonges officiels et la campagne de plus en plus hystérique des médias, on trouve le danger réel et présent que Washington se prépare à lancer une attaque militaire sur l’Iran, et plus tôt que plusieurs pourraient le croire.
Article original en anglais, WSWS, paru le 29 septembre 2009.
Bill Van Auken est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca. Articles de Bill Van Auken publiés par Mondialisation.ca
par Bill Van Auken.
Dans un éditorial publié dimanche, le Financial Times de Londres s’est joint à l’assaut médiatique contre l’Iran, qualifiant ses dirigeants de « menteurs et escrocs » à qui « l’on ne peut faire aucunement confiance » sur la question du programme nucléaire du pays.
Si le quotidien est dévoué à démasquer les « menteurs et escrocs », pourquoi a-t-il attendu si longtemps ? Il aurait pu rendre ce précieux service à ses lecteurs presque sept ans plus tôt, durant les préparatifs pour la guerre contre l’Irak. Après tout, ces épithètes décrivent parfaitement le rôle joué par les gouvernements américain et britannique.
C’est aujourd’hui un fait historique reconnu que Bush et Blair ont systématiquement trompé leur propre population et le monde entier lorsqu’ils préparaient une guerre d’agression contre l’Irak. En présentant l’Irak comme une menace imminente en raison de ses supposées « armes de destruction massive » et ses liens (entièrement fabriqués) avec Al-Qaïda et les attaques du 11-Septembre, ils ont cherché à rallier l’opinion publique. Non seulement ces assertions se sont-elles avérées fausses à la suite de l’invasion de l’Irak en mars 2003, tout porte à croire que ceux qui ont fait ces déclarations à l’époque savaient qu’elles étaient mensongères.
Tentant de soutenir son argumentaire selon lequel le programme nucléaire iranien pose une menace semblable, le Financial Times a publié son éditorial sur la question et en plus, en première page, un commentaire de Paul Wolfowitz, l’un des principaux architectes de la guerre en Irak et grand fournisseur de faux renseignement qui a servi à la préparer. Cet individu, qui devrait être accusé et jugé pour crimes de guerre, est maintenant recyclé en expert de la « menace » iranienne.
Tout est oublié et pardonné. Ces mêmes personnes, responsables d’une guerre qui a enlevé la vie à plus d’un million d’Irakiens, sont de retour en affaires ; toute la machine de propagande des médias de la grande entreprise est mise en branle pour amplifier leurs accusations contre l’Iran.
De la même façon, le chroniqueur du Washington Post Richard Cohen, qui a répété joyeusement les mensonges de l’administration Bush au sujet des armes de destruction massive irakiennes, a écrit un commentaire mardi rejetant l’affirmation de l’Iran que ses installations nucléaires étaient conçues avec des visées pacifiques. « Les Perses mentent comme ils respirent », a-t-il grogné.
De manière plus sinistre, il s’est servi de ce commentaire pour attaquer Obama pour être trop conciliant et afin de faire de la propagande guerrière. « Seuls les Etats-Unis ont la capacité de détruire les installations souterraines de Téhéran », a-t-il écrit. « Washington pourrait devoir agir. »
La dernière hystérie a été alimentée en prévision des négociations du premier octobre qui doivent prendre place à Genève entre l’Iran et les puissances du P5+1, c’est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies — les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne et la France — plus l’Allemagne. Elle a été concentrée sur la prétendue découverte d’une usine nucléaire souterraine « secrète » près de la ville de Qom, annoncée de façon mélodramatique vendredi dernier à une conférence de presse organisée par Barack Obama, le premier ministre britannique Gordon Brown et le président français Nicolas Sarkozy.
En fin de compte, il s’est avéré que l’Iran avait averti l’agence de surveillance nucléaire des Nations Unies, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), de l’existence quatre jours plus tôt de l’usine et les services du renseignement américains étaient au courant depuis plusieurs années. Selon le traité de non-prolifération signé par l’Iran, le pays est tenu d’aviser l’AIEA de telles installations seulement 180 jours avant que le combustible nucléaire y soit apporté. Téhéran a dit que cela ne se produirait pas avant une autre année et demie. Conséquemment, cette dernière révélation n’a fourni aucune preuve que l’Iran ne respecte pas le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), encore moins qu’il est engagé dans un programme pour produire des armes nucléaires.
Plus fondamentalement, ni Washington ni les autres puissances majeures n’ont daigné expliquer pourquoi la prétendue poussée pour le développement de telles armes par l’Iran constitue un crime contre l’humanité, alors qu’il est parfaitement acceptable pour l’Inde, le Pakistan et Israël d’obtenir, par eux-mêmes, des bombes nucléaires. Contrairement à l’Iran, aucun de ces trois pays n’a signé le TNP, vieux de 40 ans, ou n’a permis à l’AEIA d’inspecter leurs installations.
On croit qu’Israël posséderait des centaines d’armes nucléaires et il a régulièrement menacé d’attaquer l’Iran. Les Etats-Unis ont régulièrement protégé Israël de l’inspection et ont récemment dénoncé une résolution passée par l’Assemblée générale de l’AIEA qui appelait l’Etat sioniste à se conformer au TNP.
D’ailleurs, l’Iran lui-même serait une puissance nucléaire aujourd’hui — avec l’aval de Washington — si ce n’était de la révolution de 1979 qui a renversé la dictature haïe du Chah, appuyée par les Etats-Unis. Gendarme régional et plus grand acheteur d’armes de Washington, le Chah avait déclaré ouvertement son intention d’obtenir des armes nucléaires et les Etats-Unis lui avaient vendu les réacteurs et le combustible nécessaires.
Il y a l’argument de principe — et le World Socialist Web Site l’a fait — qu’une tentative de la part du régime bourgeois nationaliste en Iran d’obtenir des armes nucléaires serait non seulement réactionnaire, mais serait incapable de protéger le pays contre l’impérialisme. La classe ouvrière ne peut appuyer les politiques d’armement de tout régime bourgeois. Elle ne peut dépendre que de son unité internationale dans la lutte pour le socialisme afin de vaincre la guerre.
Ceci étant dit, comment les accusateurs de l’Iran peuvent-ils s’élever contre les armes nucléaires ? Les Etats-Unis, le principal instigateur de la violence armée de par le monde, ont développé le plus grand arsenal nucléaire de tous les pays. Ils se distinguent, sombrement, pour avoir été la seule puissance qui n’ait jamais utilisé ces armes nucléaires. Ils ont lancé des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki pour démontrer leur puissance militaire en incinérant les populations civiles de ces deux grandes villes. De plus, les Etats-Unis sont eux-mêmes en contravention du TNP, car ils n’ont pas entrepris de démanteler leur arsenal nucléaire et ont plutôt développé de nouvelles générations de nouvelles armes comme les bombes anti-bunkers.
La Grande-Bretagne et la France, avec leur longue histoire de crimes contre les pays coloniaux, ont tout les deux des armes nucléaires, alors que l’Allemagne, pour des raisons historiques évidentes, ne peut pas faire la morale à qui que ce soit. En tout cas, Berlin, qui est en train de se réarmer encore une fois, a la technologie et développé l’infrastructure pour produire du combustible nucléaire qui lui permettrait de produire une grande quantité d’armes nucléaires en quelques mois, si n’est pas en quelques semaines. Son allié de la Deuxième Guerre mondiale, le Japon, a développé la même capacité.
L’opposition de Washington à ce que l’Iran ait une capacité similaire est le fait de calculs purement stratégiques. Washington craint que l’Iran avec la capacité des armes nucléaires vienne modifier l’équilibre du pouvoir dans une région où l’impérialisme américain mène deux guerres, à la frontière ouest et la frontière est de l’Iran. Le but de la guerre en Irak et en Afghanistan est d’affirmer l’hégémonie américaine sur les immenses ressources énergétiques du golfe Persique et du bassin de la Caspienne, dont les réserves de gaz et de pétrole de l’Iran constituent une part importante.
Ceux qui sont tentés d’avaler la dernière campagne de propagande contre l’Iran ferait bien de sortir de leur amnésie politique. L’administration Obama suit le même patron que celui de l’administration Bush en 2002-03. Elle fait circuler des déclarations de plus en plus inquiétantes et entièrement non fondées sur les « armes de destruction massive » iraniennes, tout en demandant à Téhéran de réaliser ce qui revient à un suicide au ralenti en tentant de satisfaire une suite sans fin de demandes impossibles. Et dans le but d’arriver à son objectif de changement de régime, il a donné un appui actif à une opposition de droite pro-impérialiste.
Obama, loin de changer quoi que ce soit de ces objectifs stratégiques, n’a fait que couvrir la politique impérialiste américaine avec encore plus d’hypocrisie. C’est lui et ses alliés qui, comme Bush et Blair avant lui, ont mérité de se faire appeler « menteurs et escrocs ».
Il y a une logique à une telle fraude. Ce serait une grave erreur de croire qu’Obama, au contraire de son prédécesseur, adopte une politique de diplomatie et ne veut que faire pression sur l’Iran. Derrière les mensonges officiels et la campagne de plus en plus hystérique des médias, on trouve le danger réel et présent que Washington se prépare à lancer une attaque militaire sur l’Iran, et plus tôt que plusieurs pourraient le croire.
Article original en anglais, WSWS, paru le 29 septembre 2009.
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