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VATICAN II ET LA LITURGIE par Joseph Ratzinger

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VATICAN II ET LA LITURGIE par Joseph Ratzinger Empty VATICAN II ET LA LITURGIE par Joseph Ratzinger

Message par beatnik Jeu 25 Fév 2010 - 13:53

VATICAN II ET LA LITURGIE

par le cardinal Joseph Ratzinger


En 1962, l'abbé Ratzinger était professeur à Bonn. En 1963, il devient professeur à Münster puis, en 1966, à Tübingen et, en 1969, à Ratisbonne.

Pour la majorité des Pères conciliaires, la réforme du mouvement liturgique ne constituait pas une priorité et, pour beaucoup, n'était absolument pas matière à discussion. Ainsi, par exemple, le cardinal Montini, devenu véritablement "le Pape du Concile" sous le nom de Paul VI, déclara sans ambages après le début du Concile, en présentant les thèmes à traiter, qu'il ne voyait pas dans cette réforme une tâche essentielle du Concile. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la réforme liturgique n'était devenue une question urgente qu'en France et en Allemagne. Dans un premier temps, dans la perspective du rétablissement pur et simple de l'ancienne liturgie romaine, ce qui impliquait la participation active du peuple de Dieu au déroulement liturgique. Ces deux pays, alors les plus influents sur le plan théologique (et auxquels il faut, bien sûr, adjoindre également la Belgique et les Pays-Bas), avaient imposé dans la phase préparatoire l'élaboration d'un schéma sur la sainte liturgie, qui s'intégrait naturellement dans la thématique générale de l'Église. Que ce texte ait été le premier à faire l'objet de délibérations conciliaires n'était aucunement dû à un regain d'intérêt de la majorité des Pères pour la question liturgique, mais simplement à ce que l'on n'attendait pas de grands différends sur ce point et que l'on considérait l'ensemble comme une sorte de terrain d'entraînement, ce qui permettait d'apprendre et d'expérimenter la méthode du travail conciliaire. Aucun Père n'aurait eu l'idée de voir dans ce texte une "révolution" mettant un "terme au Moyen Âge" comme certains théologiens croient devoir l'interpréter depuis. On voyait cela comme une extension des réformes introduites par Pie X et activées par Pie XII avec prudence et détermination. Les clauses générales comme "les livres liturgiques doivent être révisés au plus vite" (n° 25), furent comprises en ce sens: comme la poursuite de ces évolutions qui ont toujours existé et qui, depuis les papes Pie X et Pie XII ont conduit à redécouvrir les traditions romaines classiques, leur donnant ainsi un caractère particulier. Cela devait effectivement surmonter les tendances de la liturgie baroque et de la piété du XIXe siècle, et favoriser un recentrage humble et sobre sur le véritable mystère de la présence du Christ dans son Église. Rien d'étonnant dans ce contexte à ce que le "modèle de messe" remanié, qui devait remplacer l'Ordo missae, ait été refusé par la majorité des Pères convoqués en un Synode spécial en 1967. Que quelques (ou de nombreux ?) liturgistes consultés aient envisagé dès le départ d'aller plus loin, nombre de publications le laissent supposer. De telles aspirations n'auraient certes pas obtenu l'agrément des Pères. Le texte du Concile n'en fait aucunement état, bien qu'on les trouve a posteriori implicites dans certaines clauses générales.

Le débat sur la liturgie se déroula paisiblement, sans tensions profondes.(...)

LE MISSEL DE PAUL VI

Le deuxième grand événement au début de mes années à Ratisbonne fut la publication du Missel de Paul VI, assortie de l'interdiction quasi totale du missel traditionnel, après une phase de transition de six mois seulement. Il était heureux d'avoir un texte liturgique normatif après une période d'expérimentation qui avait souvent profondément défiguré la liturgie. Mais j'étais consterné de l'interdiction de l'ancien missel, car cela ne s'était jamais vu dans toute l'histoire de la liturgie. Bien sûr, on fit croire que c'était tout à fait normal. Le missel précédent avait été conçu par Pie V en 1570 à la suite du Concile de Trente. Il était donc normal qu'après quatre cents ans et un nouveau concile, un nouveau pape présente un nouveau missel. Mais la vérité historique est tout autre: Pie V s'était contenté de réviser le missel romain en usage à l'époque, comme cela se fait normalement dans une histoire qui évolue. Ainsi, nombreux furent ses successeurs à réviser ce missel, sans opposer un missel à un autre. Il s'agissait d'un processus continu de croissance et d'épurement, sans rupture. Pie V n'a jamais créé de missel. Il n'a fait que réviser le missel, phase d'une longue évolution. La nouveauté, après le Concile de Trente, était d'un autre ordre: l'irruption de la Réforme s'était accomplie essentiellement à la manière des "réformes liturgiques". Il n'y avait pas simplement une Église catholique et une Église protestante côte à côte; le clivage de l'Église se produisit presque imperceptiblement, et de la façon la plus visible comme historiquement la plus efficiente, par la transformation de la liturgie, qui prit des formes très différentes selon les lieux, de sorte que souvent on ne distinguait pas la frontière entre ce qui était "catholique" et ce qui n'était "plus catholique".

Dans cette confusion, devenue possible par manque de législation liturgique uniforme et par l'existence d'un pluralisme liturgique datant du Moyen Âge, le Pape décida d'introduire le Missale Romanum, livre de messe de la ville de Rome, comme indubitablement catholique, partout où l'on ne pourrait se référer à des liturgies remontant à au moins deux cents ans. Dans le cas contraire, on pourrait en rester à la liturgie en vigueur, car son caractère catholique pourrait alors être considéré comme assuré. Il ne pouvait donc être question d'interdire un missel traditionnel juridiquement valable jusqu'alors. Le décret d'interdiction de ce missel, qui n'avait cessé d'évoluer au cours des siècles depuis les sacramentaires de l'Église de toujours, a opéré une rupture dans l'histoire liturgique, dont les conséquences ne pouvaient qu'être tragiques. Une révision du missel, comme il y en avait souvent eu, pouvait être plus radicale cette fois-ci, surtout en raison de l'introduction des langues nationales; et elle avait été mise en place à bon escient par le Concile.

VERS UNE RÉCONCILIATION

Toutefois, les choses allèrent plus loin que prévu: on démolit le vieil édifice pour en construire un autre, certes en utilisant largement le matériau et les plans de l'ancienne construction. Nul doute que ce nouveau missel apportait une véritable amélioration et un réel enrichissement sur beaucoup de points; mais de l'avoir opposé en tant que construction nouvelle à l'histoire telle qu'elle s'était développée, d'avoir interdit cette dernière, faisant ainsi passer la liturgie non plus comme un organisme vivant, mais comme le produit de travaux érudits et de compétences juridiques: voilà ce qui nous a porté un énorme préjudice. Car on eut alors l'impression que la liturgie était "fabriquée", sans rien de préétabli, et dépendait de notre décision. Il est donc logique que l'on ne reconnaisse pas les spécialistes ou une instance centrale comme seuls habilités à décider, mais que chaque "communauté" finisse par se donner à elle-même sa propre liturgie. Or, lorsque la liturgie est notre œuvre à nous, elle ne nous offre plus ce qu'elle devait précisément nous donner: la rencontre avec le mystère, qui n'est pas notre "œuvre", mais notre origine et la source de notre vie. Un renouvellement de la conscience liturgique, une réconciliation liturgique qui reconnaîtrait l'unité de l'histoire liturgique, et verrait en Vatican II non une rupture mais une étape, est d'une nécessité urgente pour l'Église. Je suis convaincu que la crise de l'Église que nous vivons aujourd'hui repose largement sur la désintégration de la liturgie, qui est parfois même conçue de telle manière - et si Deus non daretur - que son propos n'est plus du tout de signifier que Dieu existe, qu'Il s'adresse à nous et nous écoute. Mais si la liturgie ne laisse plus apparaître une communauté de foi, l'unité universelle de l'Église et de son histoire, le mystère du Christ vivant, alors où donc l'Église manifeste-t-elle encore sa nature spirituelle ? Alors la communauté ne fait que se célébrer elle-même. Et cela n'en vaut pas la peine. Et parce qu'il n'existe pas de communauté en soi, mais qu'elle jaillit toujours et seulement du Seigneur lui-même, par la foi, comme unité, la désagrégation en toutes sortes de querelles de clochers, les oppositions partisanes dans une Église qui se déchire deviennent inéluctables dans de telles conditions. C'est pourquoi nous avons besoin d'un nouveau mouvement liturgique, qui donne le jour au véritable héritage du Concile Vatican II.

Cardinal Joseph RATZINGER,
Ma vie. Souvenirs (1927-1977), Fayard, 146 p.
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VATICAN II ET LA LITURGIE par Joseph Ratzinger Empty Re: VATICAN II ET LA LITURGIE par Joseph Ratzinger

Message par beatnik Jeu 25 Fév 2010 - 14:04

« La position du prêtre tourné vers le peuple a fait de l’assemblée priante une communauté refermée sur elle-même. Celle-ci n’est plus ouverte ni vers le monde à venir, ni vers le Ciel. La prière en commun vers l’Est ne signifiait pas que la célébration se faisait en direction du mur, ni que le prêtre tournait le dos au peuple – on n’accordait d’ailleurs pas tant d’importance au célébrant. De même que dans la synagogue tous regardaient vers Jérusalem, de même tous ensemble regardaient "vers le Seigneur". Il s’agissait donc, pour reprendre les termes de J. A. Jungmann, un des pères de la Constitution sur la Liturgie de Vatican II, d’une orientation commune du prêtre et du peuple, conscients d’avancer ensemble en procession vers le Seigneur. Ils ne s’enfermaient pas dans un cercle, ne se regardant pas l’un l’autre mais, peuple de Dieu en marche vers l’Orient, ils se tournaient ensemble vers le Christ qui vient à notre rencontre. »

L'Esprit de la liturgie (Cardinal Ratzinger)


Citation :
« Il y a quelques mois je m’entretenais de la situation actuelle dans l’Église avec un évêque africain, qui est non seulement un des meilleurs évêques du continent noir, mais un des meilleurs de l’Église contemporaine. Avec ce bon sourire malicieux dont Dieu a éclairé les visages les plus sombres de l’humanité, il me disait : “Que voulez-vous ! L’Église, après le Concile, est un peu dans la même situation que nos armées africaines. On y a fait, du jour au lendemain, des généraux de gens choisis et formés pour n’être jamais que des sergents-chefs. Cela ne pourra jamais marcher tant qu’un ne sera pas sorti de cette situation.” J’avoue qu’il me paraît que cet évêque mettait lui-même le doigt sur la plaie actuelle de l’épiscopat. »
BOUYER (Louis), La décomposition du catholicisme, Paris,Aubier-Montaigne, collection « Présence et pensée », 1968

http://www.scholasaintmaur.net/Citations/L_Esprit_de_la_liturgie_Cardinal_Ratzinger_.html


Il est interessant ensuite de lire ce lien

http://eucharistiemisericor.free.fr/index.php?page=2712053_vatican_II_1
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