Simon le Magicien dans les Actes de Pierre et de Simon...

Simon le Magicien dans les Actes de Pierre et de Simon


Le visiteur de l'église Sainte-Françoise Romaine, qui domine la basilique de Maxence et Constantin sur le forum de Rome, ne peut qu'être intrigué par deux pierres insérées dans le mur du chœur de cette église. Celles-ci sont profondément creusées: une inscription explique qu'il s'agit de l'usure provoquée par les genoux de saint Pierre qui a tant prié afin que Simon le Magicien qui s'envolait, tombe sur le forum. La réponse à cette énigme est à chercher dans le texte apocryphe des Actes de Pierre.


Que dit ce texte?

Pierre, après avoir séjourné douze ans à Jérusalem pour convertir les Juifs, reçoit l'ordre de Dieu d'aller à Rome afin d'y affronter Simon le Magicien. En arrivant à Pouzzoles, il apprend que la communauté, depuis le départ de Paul, a renié le Christ et s'est laissée séduire par les pratiques de Simon et par sa magie.


Arrivé à Rome, Pierre s'adresse aux frères pour leur parler de la miséricorde de Dieu et les exhorte à revenir au Christ. Contrits, ils retrouvent la vraie foi. Marcellus, homme riche et bienfaiteur de la communauté qui logeait Simon, est ramené au Christ par Pierre qui demande d'affronter Simon. Celui-ci ayant refusé, un chien se fait l'interprète de Pierre. Simon doit fuir. La communauté se réinstalle chez Marcellus où Pierre accomplit une série de miracles: il reconstitue une statue de l'empereur, il fait revivre un hareng, il fait parler un bébé, il guérit un groupe de veuves aveugles. Il explique aussi comment il avait déjà confondu Simon en Palestine qui, grâce à la magie avait volé une riche veuve.


Simon a donné rendez-vous à la foule sur le forum pour démontrer sa supériorité à Pierre; il subit une série d'échecs cuisants. Il est hué et menacé de mort. Aussi il décide de quitter Rome. Il veut rejoindre par les airs “Dieu son père dont il est la puissance affaiblie”. Une grande foule se rassemble sur la voie sacrée pour assister au spectacle. Simon commence à s'élever en narguant Pierre qui prie. Mais la prière de Pierre est entendue: Simon retombe sur le forum en se rompant la jambe à trois endroits. Amputé, il ne survivra pas.


Coloré, vif, plein de détails, ce récit fabuleux introduit dans un monde merveilleux où la prière de l'apôtre Pierre domine tout. Elle démontre la confiance illimitée de Pierre en Jésus auquel il se conforme totalement; surtout il croit en son pardon.


Les sources: le personnage de Simon dans les Actes des Apôtres


L'épisode de Simon tient une place importante dans le récit de la prédication des apôtres en Samarie. Les Actes (8, 5-24) présentent Simon comme un magicien émerveillant les populations: sans doute était-il thaumaturge comme il était de coutume durant ces siècles. À cause de ses actes, il pouvait se présenter comme une émanation directe de la puissance de Dieu. Il accepte néanmoins le baptême de Philippe – s'est-il vraiment converti? – mais il se heurte à Pierre. Dans l'affrontement avec l'apôtre, on découvre le fossé qui sépare le christianisme des religions et des pratiques païennes: celles-ci ne dispensent leurs dons que contre paiement, parfois élevé, alors que l'enseignement chrétien est gratuit, don de Dieu.


Aussi Pierre s'élève violemment contre Simon qui veut lui acheter son pouvoir. Mais il ne ferme pas l'accès au salut à Simon, le repentir et la conversion sont toujours là pour ramener l'homme à Dieu.


Simon se rend compte qu'il a rencontré en Pierre plus fort que lui. Déjà Philippe l'impressionne: “À regarder les grands signes et les miracles qui avaient lieu, c'est lui (Simon) en effet qui était émerveillé” (Act. 8,13). Combien plus, sans doute, était-il émerveillé en présence des signes de l'Esprit-Saint dispensés par Pierre et combien plus voulait-il acquérir ces pouvoirs.


Les Actes de Pierre et de Simon illustrent cette prétention de Simon; n'ayant pas pu acheter les dons de Pierre, il veut se venger de lui; pour faire de la surenchère, il veut qu'on le prenne pour un dieu. En se comportant ainsi, Simon apparaît comme un mystificateur, typique de son temps.


Ce monde de la magie, omniprésent dans l'Antiquité païenne, affleure à tout moment dans ce récit apocryphe; il faut impressionner le spectateur et le lecteur. Pour être crédible, Pierre doit surpasser la puissance de Simon: ainsi il ressuscite des morts ce que Simon ne peut pas faire.


La communauté chrétienne de Rome


Le texte est écrit au II°/III° siècle alors que la communauté chrétienne est encore très minoritaire. Pierre est présenté comme l'envoyé de Dieu: il parle d'une voix forte, contrairement à Simon, l'envoyé du diable qui a une voix grêle; Pierre met au centre de sa prédication les exigences de l'Évangile: le pardon, la charité, le souci des veuves, des pauvres, des malades, des esclaves. Le récit montre l'importance de la prière et de la liturgie puisqu'on peut y découvrir une prière d'exorcisme, un rite de baptême, une célébration eucharistique, une célébration du pardon, un Credo et une homélie de Pierre sur la Transfiguration. De même de très nombreuses citations des Écrits canoniques, presque tous du Nouveau Testament. La communauté chrétienne apparaît ainsi vivante et toute imprégnée de l'enseignement apostolique.

Pourquoi ce texte a-t-il été écrit?


Sans doute voulait-il rappeler, face à des courants hétérodoxes, que Pierre est venu à Rome et qu'il y a subi la martyre. Il s'inscrit aussi dans les discussions à propos du pardon des péchés que l'on trouve aussi bien dans Le Pasteur d'Hermas que dans les opinions contradictoires du Pape Calliste (217-222) et d'Hippolyte qui reproche au pape d'être trop indulgent. Or, notre texte montre le pardon infini du Christ puisque dès le début Pierre parle de sa propre faute et de son pardon. Pierre est présenté comme un modèle: ce qui apparaîtra dans les épitaphes des papes. Les successeurs de Pierre se plairont tous à souligner combien ils ont compris qu'il fallait vivre de l'Évangile et ils mettront en avant comme Pierre les préceptes de bonté, de charité, de foi et de prière de l'Apôtre.

On peut se demander si ce texte, écrit par des personnes instruites en sciences profanes comme en sciences religieuses, donc émanant de l'Église, ne l'a pas été dans le souci d'enseigner avant tout les dirigeants de l'Église de Rome encore plus que le peuple car, en mettant Pierre en honneur, en lui attribuant le premier rôle dans la direction de la communauté, en soulignant son attachement au Christ, ne voulait-on pas appeler le clergé à suivre son exemple? À travers ses invraisemblances, ce texte est une œuvre originale, reflet de tout ce qui contribuait à l'édification de l'église de Rome.



Source: www.cibmaredsous.be



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