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Motu proprio : la lettre puissante du pape aux fidèles sur l'importance de la liturgie

4 participants

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Motu proprio : la lettre puissante du pape aux fidèles sur l'importance de la liturgie Empty Motu proprio : la lettre puissante du pape aux fidèles sur l'importance de la liturgie

Message par sga Jeu 30 Juin 2022 - 13:51

source Famille Chrétienne
lien:https://www.famillechretienne.fr/38608/article/motu-proprio-la-lettre-puissante-du-pape-aux-fideles-sur-limportance-de-la



[size=16]Presque un an après la publication du motu proprio Traditionis Custodes, le pape François a rédigé une longue lettre pastorale à l'attention de tous les fidèles publiée ce 29 juin, pour rappeler entre autres l'importance de soigner la célébration de la messe. Il invite aussi à « abandonner les polémiques » sur la liturgie. Retrouvez ici le texte intégral. 


Motu proprio : la lettre puissante du pape aux fidèles sur l'importance de la liturgie Pape_francois_lettre_29062022_1
[/size]
Le pape François invite dans cette lettre à « abandonner les polémiques » et rappelle l'importance de soigner la célébration de la messe. 
 - Agence ciric


Publié le 29/06/2022 à 11:23







Église

« Desiderio Desideravi » ( « J'ai désiré d'un grand désir manger cette Pâque avec vous », Lc 22, 15). C'est ainsi que le pape François a choisi d'intituler un nouveau document majeur publié ce mercredi 29 juin, au sujet de la liturgie. Il s'agit d'une lettre pastorale adressée à tous les fidèles, presque un an après s'être adressé aux évêques à travers le Motu proprio Traditionis Custodes qui restreignait l'usage du missel de 1962.
Ce long texte a certes un statut canoniquement inférieur à Traditionis Custodes, il ne s'agit pas d'un motu proprio. Mais il marque malgré tout une réelle étape, attestant l'importance des symboles et de l'exigence liturgique souvent défendue par les communautés traditionnelles, après les directives rigoureuses qui leur ont été imposées jusqu'alors par le souverain pontife.

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Voici la lettre intégrale du pape François sur la liturgie : 


Desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum, antequam patiar. (Lc 22,15)
1. Très chers frères et sœurs, par cette lettre, je désire vous rejoindre tous - après avoir déjà écrit uniquement aux évêques après la publication du Motu Proprio Traditionis custodes - et je vous écris pour partager avec vous quelques réflexions sur la liturgie, dimension fondamentale pour la vie de l’Église. Le sujet est vaste et mérite d’être examiné attentivement sous tous ses aspects : toutefois, dans cette lettre, je n’ai pas l’intention de traiter la question de manière exhaustive. Je souhaite plutôt offrir quelques pistes de réflexion qui puissent aider à la contemplation de la beauté et de la vérité de la célébration chrétienne.

La Liturgie : « l’aujourd’hui » de l’histoire du salut


2. « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! » (Lc 22,15) Ces paroles de Jésus par lesquelles s’ouvre le récit de la Dernière Cène sont la fissure par laquelle nous est donnée la surprenante possibilité de percevoir la profondeur de l’amour des Personnes de la Sainte Trinité pour nous.
Pierre et Jean avaient été envoyés pour faire les préparatifs nécessaires pour manger la Pâque, mais, à y regarder de plus près, toute la création, toute l’histoire – qui allait finalement se révéler comme l’histoire du salut – est une grande préparation à ce repas. Pierre et les autres se tiennent à cette table, inconscients et pourtant nécessaires : tout don, pour être tel, doit avoir quelqu’un disposé à le recevoir. Dans ce cas, la disproportion entre l’immensité du don et la petitesse du destinataire est infinie et ne peut manquer de nous surprendre. Néanmoins, par la miséricorde du Seigneur, le don est confié aux apôtres afin qu’il soit apporté à tout homme et à toute femme.

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4. Personne n’avait gagné sa place à ce repas. Tout le monde a été invité. Ou plutôt : tous ont été attirés par le désir ardent que Jésus avait de manger cette Pâque avec eux : Il sait qu’il est l’Agneau de ce repas de Pâque, il sait qu’il est la Pâque. C’est la nouveauté absolue de ce repas, la seule vraie nouveauté de l’histoire, qui rend ce repas unique et, pour cette raison, ultime, non reproductible : « la Dernière Cène ». Cependant, son désir infini de rétablir cette communion avec nous, qui était et reste son projet initial, ne sera pas satisfait tant que tout homme, de toute tribu, langue, peuple et nation (Ap 5,9) n’aura pas mangé son Corps et bu son Sang : c’est pourquoi ce même repas sera rendu présent, jusqu’à son retour, dans la célébration de l’Eucharistie.
5. Le monde ne le sait pas encore, mais tous sont invités au repas des noces de l’Agneau (Ap 19, 9). Pour être admis au festin, il suffit de porter l’habit de noces de la foi, qui vient de l’écoute de sa Parole (cf. Rm 10, 17) : l’Église taille ce vêtement sur mesure, avec la blancheur d’un tissu lavé dans le Sang de l’Agneau (cf. Ap 7, 14). Nous ne devrions pas nous permettre ne serait-ce qu’un seul instant de repos, sachant que tous n’ont pas encore reçu l’invitation à ce repas, ou que d’autres l’ont oubliée ou se sont perdus en chemin dans les méandres de la vie humaine. C’est ce dont je parlais lorsque je disais : « j’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation » (Evangelii gaudium, n° 27) : afin que tous puissent s’asseoir au repas du sacrifice de l’Agneau et vivre de Lui.
6. Avant notre réponse à son invitation — bien avant ! — il y a son désir pour nous, Nous n’en sommes peut-être même pas conscients, mais chaque fois que nous allons à la Messe, la raison première est que nous sommes attirés par son désir pour nous. De notre côté, la réponse possible — qui est aussi l’ascèse la plus exigeante — est, comme toujours, celle de nous abandonner à son amour, de nous laisser attirer par lui. Il est certain que toute réception de la communion au Corps et au Sang du Christ a déjà été voulue par Lui lors de la Dernière Cène.
7. Le contenu du Pain rompu est la croix de Jésus, son sacrifice d’obéissance par amour pour le Père. Si nous n’avions pas eu la dernière Cène, c’est-à-dire si nous n’avions pas eu l’anticipation rituelle de sa mort, nous n’aurions jamais pu saisir comment l’exécution de sa condamnation à mort a pu être l’acte d’un culte parfait, agréable au Père, le seul véritable acte de culte. Quelques heures seulement après la Cène, les Apôtres auraient pu voir dans la croix de Jésus, s’ils avaient pu en supporter le poids, ce que signifiait pour Jésus de dire : « corps offert », « sang versé ». C’est de cela que nous faisons mémoire dans chaque Eucharistie. Lorsque le Ressuscité revient d’entre les morts pour rompre le pain pour les disciples d’Emmaüs, et pour ses disciples qui étaient retournés pêcher des poissons et non des hommes sur la mer de Galilée, ce geste de rompre le pain leur ouvre les yeux. Il les guérit de l’aveuglement infligé par l’horreur de la croix, et les rend capables de « voir » le Ressuscité, de croire en la Résurrection.
Si nous étions arrivés d’une manière ou d’une autre à Jérusalem après la Pentecôte et que nous avions ressenti le désir non seulement d’avoir des informations sur Jésus de Nazareth, mais plutôt le désir de pouvoir encore le rencontrer, nous n’aurions eu d’autre possibilité que celle de rechercher ses disciples pour entendre ses paroles et voir ses gestes, plus vivants que jamais. Nous n’aurions pas d’autre possibilité de vraie rencontre avec Lui que celle de la communauté qui célèbre. C’est pourquoi l’Église a toujours protégé comme son trésor le plus précieux le commandement du Seigneur : « Faites ceci en mémoire de moi ».
9. Dès le début, l’Église était consciente qu’il ne s’agissait pas d’une représentation, aussi sacrée soit-elle, de la Cène du Seigneur. Cela n’aurait eu aucun sens, et personne n’aurait pu penser à « mettre en scène » — surtout devant les yeux de Marie, la Mère du Seigneur — ce moment le plus élevé de la vie du Maître. Dès le début, l’Église avait compris, éclairée par l’Esprit Saint, que ce qui était visible en Jésus, ce qui pouvait être vu avec les yeux et toucher avec les mains, ses paroles et ses gestes, le caractère concret du Verbe incarné, tout de Lui était passé dans la célébration des sacrements.[1]

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La Liturgie : lieu de la rencontre avec le Christ


10. C’est là que réside toute la puissante beauté de la liturgie. Si la Résurrection était pour nous un concept, une idée, une pensée ; si le Ressuscité était pour nous le souvenir du souvenir d’autres personnes, même si elles faisaient autorité, comme par exemple les Apôtres ; s’il ne nous était pas donné aussi la possibilité d’une vraie rencontre avec Lui, ce serait comme déclarer épuisée la nouveauté du Verbe fait chair. Au contraire, l’Incarnation, en plus d’être le seul événement toujours nouveau l’histoire connaisse, est aussi la méthode même que la Sainte Trinité a choisie pour nous ouvrir le chemin de la communion. La foi chrétienne est soit une rencontre avec Lui vivant, soit elle n’existe pas.
11. La liturgie nous garantit la possibilité d’une telle rencontre. Un vague souvenir de la Dernière Cène ne nous servirait à rien. Nous avons besoin d’être présents à ce repas, de pouvoir entendre sa voix, de manger son Corps et de boire son Sang. Nous avons besoin de Lui. Dans l’Eucharistie et dans tous les Sacrements, nous avons la garantie de pouvoir rencontrer le Seigneur Jésus et d’être atteints par la puissance de son Mystère Pascal. La puissance salvatrice du sacrifice de Jésus, de chacune de ses paroles, de chacun de ses gestes, de chacun de ses regards, de chacun de ses sentiments, nous parvient à travers la célébration des sacrements. Je suis Nicodème et la Samaritaine au puits, l’homme possédé par des démons à Capharnaüm et le paralytique dans la maison de Pierre, la femme pécheresse pardonnée et la femme affligée d’hémorragies, la fille de Jaïre et l’aveugle de Jéricho, Zachée et Lazare, le bon larron et Pierre pardonnés. Le Seigneur Jésus qui, immolé sur la croix, ne meurt plus, et qui, avec les signes de la passion, vit pour toujours[2] continue à nous pardonner, à nous guérir, à nous sauver avec la puissance des Sacrements. C’est la manière concrète, par le biais de l’incarnation, dont il nous aime. C’est la manière dont il assouvit sa propre soif de nous qu’il avait déclarée sur la croix (Jn 19,28).
12 Notre première rencontre avec sa Pâque est l’événement qui marque la vie de nous tous, croyants dans le Christ : notre baptême. Il ne s’agit pas d’une adhésion mentale à sa pensée ou l’acceptation d’un code de conduite imposé par Lui. Il s’agit plutôt d’être plongé dans sa passion, sa mort, sa résurrection et son ascension. Il ne s’agit pas d’un geste magique. La magie est à l’opposé de la logique des sacrements car elle prétend avoir un pouvoir sur Dieu, et pour cette raison elle vient du Tentateur. En parfaite continuité avec l’Incarnation, il nous est donné, en vertu de la présence et de l’action de l’Esprit, la possibilité de mourir et de ressusciter dans le Christ.
13. Comme c’est émouvant, la manière dont cela se passe ! La prière pour la bénédiction de l’eau baptismale[3] nous révèle que Dieu a créé l’eau précisément en pensant au Baptême. Cela signifie que lorsque Dieu a créé l’eau, il pensait au Baptême de chacun d’entre nous, et cette pensée l’a accompagné tout au long de son action dans l’histoire du salut, chaque fois que, avec un dessein précis, il a voulu se servir de l’eau. C’est comme si, après l’avoir créée, il voulait la perfectionner pour en faire l’eau du baptême. C’est ainsi qu’il a voulu la remplir du mouvement de son Esprit planant sur la surface des eaux (cf. Gn 1, 2) afin qu’elle contienne en germe le pouvoir de sanctifier ; il s’en est servi pour régénérer l’humanité lors du Déluge (cf. Gn 6,1-9,29) ; il l’a dominée en la séparant pour ouvrir un chemin de libération dans la Mer Rouge (cf. Ex 14) ; il l’a consacrée dans le Jourdain en immergeant la chair du Verbe imprégnée de l’Esprit (cf. Mt 3,13-17 ; Mc 1,9-11 ; Lc 3,21-22). Enfin, il l’a mélangée au sang de son Fils, don de l’Esprit inséparablement uni au don de la vie et de la mort de l’Agneau immolé pour nous, et de son côté transpercé il l’a répandu sur nous (Jn 19,34). C’est dans cette eau que nous avons été immergés afin que, par sa puissance, nous puissions être greffés dans le Corps du Christ et qu’avec Lui, nous ressuscitions à la vie immortelle (cf. Rm 6, 1-11).

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L’Église : sacrement du Corps du Christ


14. Comme nous l’a rappelé le Concile Vatican II (cf. Sacrosanctum Concilium, n. 5) en citant l’Écriture, les Pères et la Liturgie – les piliers de la Tradition authentique – c’est du côté du Christ endormi sur la croix qu’est né l’admirable sacrement de toute l’Église[4]. Le parallèle entre le premier et le nouvel Adam est étonnant : de même que du côté du premier Adam, après l’avoir plongé dans un profond sommeil, Dieu a tiré Eve, de même du côté du nouvel Adam, endormi dans le sommeil de la mort sur la croix, naît la nouvelle Eve, l’Eglise. L’étonnement pour nous réside dans les paroles que nous pouvons imaginer que le nouvel Adam s’est approprié en regardant l’Église : « Cette fois, c’est l’os de mes os, la chair de ma chair » (Gn 2,23). Pour avoir cru en sa Parole et être descendus dans les eaux du baptême, nous sommes devenus l’os de ses os et la chair de sa chair.
15. Sans cette incorporation, il n’y a aucune possibilité de vivre la plénitude du culte rendu à Dieu. En effet, il n’y a qu’un seul acte de culte parfait et agréable au Père, à savoir l’obéissance du Fils dont la mesure est sa mort sur la croix. La seule façon de participer à son offrande est de devenir des « fils dans le Fils ». C’est le don que nous avons reçu. Le sujet qui agit dans la Liturgie est toujours et uniquement le Christ-Église, le Corps mystique du Christ.

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Le sens théologique de la Liturgie


16 Nous devons au Concile – et au mouvement liturgique qui l’a précédé – la redécouverte d’une compréhension théologique de la Liturgie et de son importance dans la vie de l’Eglise. De même que les principes généraux énoncés dans Sacrosanctum Concilium ont été fondamentaux pour la réforme de la liturgie, ils continuent à l’être pour la promotion de cette célébration pleine, consciente, active et féconde (cf. Sacrosanctum Concilium nn.11.14), la Liturgie étant la « source première et indispensable à laquelle les fidèles peuvent puiser l’authentique esprit chrétien » (Sacrosanctum Concilium, n.14). Par cette lettre, je voudrais simplement inviter toute l’Église à redécouvrir, à sauvegarder et à vivre la vérité et la force de la célébration chrétienne. Je voudrais que la beauté de la célébration chrétienne et ses conséquences nécessaires dans la vie de l’Église ne soient pas défigurées par une compréhension superficielle et réductrice de sa valeur ou, pire encore, par son instrumentalisation au service d’une vision idéologique, quelle qu’elle soit. La prière sacerdotale de Jésus à la dernière Cène pour que tous soient un (Jn 17,21), juge toutes nos divisions autour du Pain rompu, sacrement de piété, signe d’unité, lien de charité.[5]

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La Liturgie : un antidote contre le venin de la mondanité spirituelle


17. J’ai mis en garde à plusieurs reprises contre une tentation dangereuse pour la vie de l’Église, la « mondanité spirituelle » : j’en ai longuement parlé dans l’Exhortation Evangelii gaudium (n° 93-97), en identifiant le gnosticisme et le néo-pélagianisme comme les deux modes reliés entre eux qui alimentent cette mondanité spirituelle. Le premier réduit la foi chrétienne à un subjectivisme qui enferme l’individu « dans l’immanence de sa propre raison ou de ses propres sentiments » (Evangelii gaudium, n. 94).
Le second annule la valeur de la grâce pour ne compter que sur ses propres forces, donnant lieu à « un élitisme narcissique et autoritaire où, au lieu d’évangéliser, on analyse et on classe les autres, et au lieu de faciliter l’accès à la grâce, on consomme de l’énergie à contrôler » (Evangelii gaudium, n. 94).

Ces formes déformées de christianisme peuvent avoir des conséquences désastreuses pour la vie de l’Église.
18. Il est évident, d’après ce que j’ai rappelé ci-dessus, que la Liturgie est, par sa nature même, l’antidote le plus efficace contre ces poisons. Je parle évidemment de la Liturgie dans son sens théologique et certainement pas – Pie XII l’a déjà dit – comme un cérémonial décoratif ou une simple somme de lois et de préceptes réglant le culte[6].
19 Si le gnosticisme nous intoxique avec le poison du subjectivisme, la célébration liturgique nous libère de la prison d’une autoréférentialité nourrie par son propre raisonnement et le sentiment, L’action célébrative n’appartient pas à l’individu mais au Christ-Eglise, à la totalité des fidèles unis dans le Christ. La liturgie ne dit pas « je » mais « nous » et toute limitation de l’étendue de ce « nous » est toujours démoniaque. La Liturgie ne nous laisse pas seuls à la recherche d’une connaissance individuelle présumée du mystère de Dieu, mais nous prend par la main, ensemble, en assemblée, pour nous conduire dans le mystère que la Parole et les signes sacramentels nous révèlent. Et elle le fait en cohérence avec l’action de Dieu, en suivant le chemin de l’incarnation, à travers le langage symbolique du corps qui se prolonge dans les choses, l’espace et le temps.
20. Si le néo-pélagianisme nous enivre de la présomption d’un salut gagné par nos propres efforts, la célébration liturgique nous purifie en proclamant la gratuité du don du salut reçu dans la foi. Participer au sacrifice eucharistique n’est pas un exploit personnel, comme si nous pouvions nous en vanter devant Dieu ou devant nos frères et sœurs. Le début de chaque célébration me rappelle qui je suis, en me demandant de confesser mon péché et en m’invitant à supplier la bienheureuse Vierge Marie, les anges, les saints et tous mes frères et sœurs, de prier pour moi le Seigneur : nous ne sommes certainement pas dignes d’entrer dans sa maison, nous avons besoin de sa parole pour être sauvés (cf. Mt 8,Cool. Nous n’avons pas d’autre orgueil que celui de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. Ga 6,14). La Liturgie n’a rien à voir avec un moralisme ascétique : c’est le don de la Pâque du Seigneur qui, accueilli avec docilité, rend notre vie nouvelle. On n’entre dans le cénacle que par la force d’attraction de son désir de manger la Pâque avec nous: Desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum, antequam patiar (Lc 22,15).

Redécouvrir à chaque jour la beauté de la vérité de la célébration chrétienne


21. Mais nous devons faire attention : pour que l’antidote de la Liturgie soit efficace, il nous est demandé de redécouvrir chaque jour la beauté de la vérité de la célébration chrétienne. Je me réfère encore une fois au sens théologique, comme l’a admirablement décrit le n° 7 de Sacrosanctum Concilium : la Liturgie est le sacerdoce du Christ révélé et donné dans son Mystère Pascal, rendu présent et actif aujourd’hui par des signes sensibles (eau, huile, pain, vin, gestes, paroles) afin que l’Esprit, en nous plongeant dans le mystère pascal, transforme toute notre vie, nous conformant toujours plus au Christ.
22. La redécouverte continuelle de la beauté de la liturgie n’est pas la poursuite d’un esthétisme rituel qui ne prend plaisir qu’à soigner la formalité extérieure d’un rite ou se satisfait d’une scrupuleuse observance des rubriques. Il va de soi que cette affirmation ne vise nullement à approuver l’attitude opposée qui confond la simplicité avec une banalité débraillée, l’essentialité avec une superficialité ignorante, ou le caractère concret de l’action rituelle avec un fonctionnalisme pratique exaspérant.
23. Soyons clairs : tous les aspects de la célébration doivent être soignés (espace, temps, gestes, paroles, objets, vêtements, chant, musique, ...) et toutes les rubriques doivent être respectées : une telle attention suffirait à ne pas priver l’assemblée de ce qui lui est dû, c’est-à-dire le mystère pascal célébré selon le rituel établi par l’Église. Mais même si la qualité et le bon déroulement de la célébration étaient garantis, cela ne suffirait pas pour que notre participation soit pleine et entière.

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L’émerveillement devant le mystère pascal : élément essentiel de l’acte liturgique


24. Si notre émerveillement pour le mystère pascal rendu présent dans le caractère concret des signes sacramentels venait à manquer, nous risquerions vraiment d’être imperméables à l’océan de grâce qui inonde chaque célébration. Les efforts, certes louables, pour améliorer la qualité de la célébration ne suffisent pas, pas plus que l’appel à une plus grande intériorité : même cette dernière court le risque d’être réduite à une subjectivité vide si elle n’accueille pas la révélation du mystère chrétien. La rencontre avec Dieu n’est pas le fruit d’une recherche intérieure individuelle, mais un événement donné : nous pouvons rencontrer Dieu à travers le fait nouveau de l’Incarnation qui, dans la dernière Cène, va jusqu’à désirer être mangé par nous. Comment pourrait-il arriver que le malheur nous fasse échapper à la fascination de la beauté de ce don ?
25. Quand je parle d’émerveillement devant le Mystère pascal, je n’entends nullement ce que me semble parfois exprimer l’expression vague de « sens du mystère ». C’est parfois l’une des principales accusations présumées contre la réforme liturgique. On dit que le sens du mystère a été supprimé de la célébration. L’émerveillement dont je parle n’est pas une sorte de désarroi devant une réalité obscure ou un rite énigmatique, mais c’est, au contraire, l’émerveillement devant le fait que le dessein salvifique de Dieu nous a été révélé dans la Pâque de Jésus (cf. Ep 1, 3-14) dont l’efficacité continue à nous atteindre dans la célébration des « mystères », c’est-à-dire des sacrements. Il n’en reste pas moins vrai que la plénitude de la révélation a, par rapport à notre finitude humaine, une abondance qui nous transcende et qui aura son accomplissement à la fin des temps, lorsque le Seigneur reviendra. Si l’émerveillement est vrai, il n’y a aucun risque que nous ne percevions pas, même dans la proximité voulue par l’Incarnation, l’altérité de la présence de Dieu. Si la réforme avait éliminé ce vague « sens du mystère », ce serait une note de mérite plutôt qu’un acte d’accusation. La beauté, tout comme la vérité, suscite toujours l’admiration et lorsqu’elle est rapportée au mystère de Dieu, elle conduit à l’adoration.
26. L’émerveillement est une partie essentielle de l’acte liturgique car c’est l’attitude de ceux qui se savent confrontés à la particularité des gestes symboliques ; c’est l’émerveillement de celui qui fait l’expérience de la puissance du symbole, qui ne consiste pas à se référer à un concept abstrait mais à contenir et à exprimer dans sa concrétude même ce qu’il signifie.

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La nécessité d’une formation liturgique sérieuse et vitale


27. La question fondamentale est donc la suivante : comment retrouver la capacité de vivre pleinement l’action liturgique ? Tel était l’objectif de la réforme du Concile. Le défi est très exigeant car l’homme moderne – pas dans toutes les cultures au même degré – a perdu la capacité de s’engager dans l’action symbolique qui est une caractéristique essentielle de l’acte liturgique.
28. La post-modernité – dans laquelle l’homme se sent encore plus perdu, sans références d’aucune sorte, privé de valeurs parce qu’elles sont devenues indifférentes, orphelin de tout, dans une fragmentation où un horizon de sens semble impossible – est encore chargée du lourd héritage que nous a laissé l’époque précédente, fait d’individualisme et de subjectivisme (qui rappellent à nouveau le pélagianisme et le gnosticisme). Elle consiste aussi en un spiritualisme abstrait qui contredit la nature humaine elle-même, car la personne humaine est un esprit incarné et donc, en tant que tel, capable d’action et de compréhension symboliques.
29. C’est avec cette réalité du monde moderne que l’Église, réunie en Concile, a voulu se confronter, en réaffirmant sa conscience d’être le sacrement du Christ, la lumière des nations (Lumen Gentium), en se mettant religieusement à l’écoute de la parole de Dieu (Dei Verbum) et en reconnaissant comme siennes les joies et les espérances (Gaudium et spes) des hommes d’aujourd’hui. Les grandes Constitutions conciliaires sont inséparables, et ce n’est pas un hasard si cet immense effort de réflexion du Conseil œcuménique – qui est la plus haute expression de la synodalité dans l’Église et dont je suis appelé, avec vous tous, à être le gardien de la richesse – a commencé par une réflexion sur la Liturgie (Sacrosanctum Concilium).
30. En clôturant la deuxième session du Concile (le 4 décembre 1963), saint Paul VI s’est exprimé ainsi :
« Cette discussion passionnée et complexe n’a d’ailleurs pas été sans fruits abondants : en effet, le sujet qui a été abordé en premier lieu et qui, en un certain sens, est prééminent dans l’Église, tant par sa nature que par sa dignité – Nous voulons parler de la sainte Liturgie – a trouvé une heureuse conclusion et il est aujourd’hui promulgué par Nous avec un rite solennel. Notre esprit exulte donc avec une joie véritable, car dans la manière dont les choses se sont passées, Nous constatons le respect d’une juste échelle des valeurs et des devoirs. Dieu doit occuper la première place ; la prière envers Lui est notre premier devoir. La Liturgie est la première source de communion divine dans laquelle Dieu partage sa propre vie avec nous. Elle est aussi la première école de la vie spirituelle. La Liturgie est le premier don que nous devons faire au peuple chrétien uni à nous par la foi et la ferveur de ses prières. C’est aussi une première invitation au genre humain, afin que tous puissent désormais élever leur voix muette dans une prière bénie et authentique et faire ainsi l’expérience de cette force indescriptible et régénératrice qui se trouve lorsqu’ils se joignent à nous pour proclamer les louanges de Dieu et les espoirs du cœur humain par Jésus-Christ et dans l’Esprit Saint ».[7]
31. Dans cette lettre, je ne peux pas m’attarder avec vous sur la richesse des diverses expressions de ce passage, que je laisse à votre méditation. Si la liturgie est « le sommet vers lequel tend l’action de l’Église et, en même temps, la source d’où découle toute son énergie » (Sacrosanctum Concilium, n.10), alors on comprend bien l’enjeu de la question liturgique. Il serait banal de lire les tensions, malheureusement présentes autour de la célébration, comme une simple divergence entre différentes sensibilités envers une forme rituelle. La problématique est avant tout ecclésiologique. Je ne vois pas comment on peut dire que l’on reconnaît la validité du Concile – bien que je m’étonne qu’un catholique puisse prétendre ne pas le faire – et ne pas accepter la réforme liturgique née de Sacrosanctum Concilium, un document qui exprime la réalité de la liturgie en lien intime avec la vision de l’Église admirablement décrite par Lumen Gentium. Pour cette raison – comme je l’ai expliqué dans la lettre envoyée à tous les évêques – j’ai estimé qu’il était de mon devoir d’affirmer que « les livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, sont l’unique expression de la lex orandi du Rite romain » (Motu Proprio Traditionis custodes, art. 1).
La non-acceptation de la réforme, ainsi qu’une compréhension superficielle de celle-ci, nous détournent de la tâche de trouver les réponses à la question que je reviens à répéter : comment pouvons-nous grandir dans la capacité de vivre pleinement l’action liturgique ? Comment continuer à nous laisser surprendre par ce qui se passe dans la célébration sous nos yeux ? Nous avons besoin d’une formation liturgique sérieuse et vitale.
32. Revenons encore une fois au Cénacle de Jérusalem. Au matin de la Pentecôte naît l’Église, cellule initiale de l’humanité nouvelle. Seule la communauté des hommes et des femmes - réconciliés parce que pardonnés, vivants parce qu’Il est vivant, vrais parce qu’habités par l’Esprit de vérité - peut ouvrir l’espace étroit de l’individualisme spirituel.
33. C’est la communauté de la Pentecôte qui est capable de rompre le Pain dans la certitude que le Seigneur est vivant, ressuscité des morts, présent par sa parole, par ses gestes, par l’offrande de son Corps et de son Sang. Dès lors, la célébration devient le lieu privilégié – mais pas le seul - de la rencontre avec Lui. Nous savons que c’est seulement par cette rencontre que l’homme devient pleinement homme. Seule l’Église de la Pentecôte peut concevoir l’être humain comme une personne, ouverte à une relation pleine et entière avec Dieu, avec la création et avec ses frères et sœurs.
34. C’est ici que se pose la question décisive de la formation liturgique. Guardini dit : [Voici] « la première tâche pratique à accomplir: portés par cette transformation intérieure de notre époque, nous devons réapprendre à vivre comme hommes en un rapport religieux »[8]. C’est ce que la Liturgie rend possible. Pour cela, nous devons être formés. Guardini lui-même n’hésite pas à affirmer que sans formation liturgique, « les réformes des rites et des textes ne seront d’aucune aide »[9]. Je n’ai pas l’intention de traiter maintenant de manière exhaustive le thème très riche de la formation liturgique. Je voudrais seulement proposer quelques pistes de réflexion. Je pense que nous pouvons distinguer deux aspects : la formation pour la liturgie et la formation par la liturgie. La première est fonctionnelle par rapport à la seconde qui est essentielle.
35. Il est nécessaire de trouver les canaux d’une formation à l’étude de la Liturgie. Depuis le début du mouvement liturgique, beaucoup a été fait à cet égard, avec de précieuses contributions de la part de chercheurs et d’institutions académiques. Néanmoins, il est important aujourd’hui de diffuser cette connaissance au-delà du milieu universitaire, de manière accessible, afin que chaque fidèle puisse grandir dans la connaissance du sens théologique de la Liturgie. C’est la question décisive, qui fonde tout type de compréhension et toute pratique liturgique. Elle fonde également la célébration elle-même, en aidant tous et chacun à acquérir la capacité de comprendre les textes euchologiques, les dynamiques rituelles et leur signification anthropologique.
36. Je pense au rythme régulier de nos assemblées qui se réunissent pour célébrer l’Eucharistie le jour du Seigneur, dimanche après dimanche, Pâques après Pâques, à des moments particuliers de la vie des personnes et des communautés, à tous les âges de la vie. Les ministres ordonnés accomplissent une action pastorale de première importance lorsqu’ils prennent les fidèles baptisés par la main pour les conduire dans l’expérience répétée de la Pâque. Rappelons-nous toujours que c’est l’Église, le Corps du Christ, qui est le sujet célébrant et non pas seulement le prêtre. La connaissance qui découle de l’étude n’est que le premier pas pour pouvoir entrer dans le mystère célébré. Il est évident que pour pouvoir conduire leurs frères et sœurs, les ministres qui président l’assemblée doivent connaître le chemin tant en l’ayant étudié sur l’itinéraire de leurs études théologiques mais aussi pour avoir fréquenté la liturgie dans la pratique effective d’une expérience de foi vivante, nourrie par la prière – et certainement pas seulement comme une obligation à remplir. Le jour de son ordination, chaque prêtre entend l’évêque lui dire: « Réalise ce que tu vas faire, imite ce que tu vas célébrer, conforme ta vie au mystère de la croix du Christ Seigneur ».[10]
37. Le plan d’études de la Liturgie dans les séminaires doit également tenir compte de l’extraordinaire capacité qu’a en elle-même la célébration actuelle d’offrir une vision organique et unifiée de tout le savoir théologique. Chaque discipline de la théologie, chacune selon sa propre perspective, doit montrer son lien intime avec la Liturgie, en vertu de laquelle se révèle et se réalise l’unité de la formation sacerdotale (cf. Sacrosanctum Concilium n.16). Une approche liturgico- sapientielle de la formation théologique dans les séminaires aurait certainement aussi des effets positifs dans l’action pastorale Il n’y a pas d’aspect de la vie ecclésiale qui ne trouve son sommet et sa source dans la liturgie. Plus que le résultat de programmes élaborés, une pratique pastorale globale, organique et intégrée est la conséquence du fait de placer l’Eucharistie dominicale, fondement de la communion, au centre de la vie de la communauté. La compréhension théologique de la liturgie ne permet en aucun cas de comprendre ces paroles comme si tout était réduit à l’aspect cultuel. Une célébration qui n’évangélise pas n’est pas authentique, de même qu’une annonce qui ne conduit pas à une rencontre avec le Seigneur ressuscité dans la célébration n’est pas authentique Et puis l’une et l’autre, sans le témoignage de la charité, ne sont qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante (cf. 1 Co 13,1).
38. Pour les ministres comme pour tous les baptisés, la formation liturgique dans son sens premier n’est pas quelque chose qui peut être acquis une fois pour toutes. Puisque le don du mystère célébré dépasse notre capacité de le connaître, cet effort doit certainement accompagner la formation permanente de tous, avec l’humilité des petits, l’attitude qui ouvre à l’émerveillement.
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Motu proprio : la lettre puissante du pape aux fidèles sur l'importance de la liturgie Empty Re: Motu proprio : la lettre puissante du pape aux fidèles sur l'importance de la liturgie

Message par sga Jeu 30 Juin 2022 - 13:51

39. Une dernière observation sur les séminaires : en plus d’un programme d’études, ils doivent aussi offrir la possibilité de vivre une célébration non seulement exemplaire du point de vue rituel, mais aussi authentique et vivante, qui permette de vivre une véritable communion avec Dieu, cette même communion vers laquelle doit tendre la connaissance théologique. Seule l’action de l’Esprit peut parfaire notre connaissance du mystère de Dieu, qui n’est pas une question de compréhension mentale mais de relation qui touche toute la vie. Cette expérience est fondamentale pour que les séminaristes, une fois devenus ministres ordonnés, puissent accompagner les communautés sur le même chemin de connaissance du mystère de Dieu, qui est le mystère de l’amour.
40. Cette dernière considération nous amène à réfléchir sur le deuxième sens que nous pouvons comprendre dans l’expression « formation liturgique ». Je me réfère au fait que nous sommes formés, chacun selon sa vocation, à partir de la participation à la célébration liturgique. Même la connaissance qui vient des études, dont je parlais tout à l’heure, pour qu’elle ne devienne pas une sorte de rationalisme, doit servir à réaliser l’action formatrice de la Liturgie elle-même en chaque croyant dans le Christ.
41. De tout ce que nous avons dit sur la nature de la Liturgie, il apparaît clairement que la connaissance du mystère du Christ, question décisive pour notre vie, ne consiste pas en une assimilation mentale d’une idée quelconque, mais en un engagement existentiel réel avec sa personne. En ce sens, la liturgie n’a pas pour objet la « connaissance », et sa portée n’est pas essentiellement pédagogique, même si elle a une grande valeur pédagogique (cf. Sacrosanctum Concilium n. 33). La liturgie est plutôt une louange, une action de grâce pour la Pâque du Fils dont la puissance atteint nos vies. La célébration concerne la réalité de notre docilité à l’action de l’Esprit qui opère par elle jusqu’à ce que le Christ soit formé en nous (cf. Ga 4,19). La pleine mesure de notre formation est notre conformation au Christ. Je le répète : il ne s’agit pas d’un processus mental abstrait, mais de devenir Lui. C’est dans ce but qu’est donné l’Esprit, dont l’action est toujours et uniquement de façonner le Corps du Christ. Il en est ainsi du pain eucharistique, et de chacun des baptisés appelés à devenir toujours plus ce qui a été reçu comme don au Baptême, à savoir être membre du Corps du Christ. Léon le Grand écrit: « Notre participation au Corps et au Sang du Christ n’a d’autre fin que de nous faire devenir ce que nous mangeons ».[11]
42. Cet engagement existentiel se produit – en continuité et en cohérence avec la méthode de l’Incarnation – de manière sacramentelle. La liturgie se fait avec des choses qui sont l’exact opposé des abstractions spirituelles : le pain, le vin, l’huile, l’eau, les parfums, le feu, les cendres, la pierre, les tissus, les couleurs, le corps, les mots, les sons, les silences, les gestes, l’espace, le mouvement, l’action, l’ordre, le temps, la lumière. Toute la création est une manifestation de l’amour de Dieu, et à partir du moment où ce même amour s’est manifesté dans sa plénitude dans la croix de Jésus, toute la création a été attirée vers lui. C’est toute la création qui est assumée pour être mise au service de la rencontre avec le Verbe : incarné, crucifié, mort, ressuscité, monté vers le Père. C’est ce que chantent la prière sur l’eau des fonts baptismaux, mais aussi la prière sur l’huile du saint chrême et les paroles pour la présentation du pain et du vin – tous fruits de la terre et du travail de l’homme.
43. La liturgie rend gloire à Dieu non pas parce que nous pouvons ajouter quelque chose à la beauté de la lumière inaccessible dans laquelle Dieu habite. (Cf. 1Tim 6,16) Nous ne pouvons pas non plus ajouter à la perfection du chant angélique qui résonne éternellement dans les demeures célestes. La Liturgie rend gloire à Dieu parce qu’elle nous permet – ici, sur la terre – de voir Dieu dans la célébration des mystères et, en le voyant, de reprendre vie par sa Pâque. Nous, qui étions morts par nos péchés et qui avons été rendus à la vie avec le Christ – nous sommes la gloire de Dieu. C’est par la grâce que nous avons été sauvés (cf. Ep 2, 5) Irénée, doctor unitatis, nous le rappelle : « La gloire de Dieu est l’homme vivant, et la vie de l’homme consiste dans la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la création donne la vie à tous les êtres vivant sur terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe est-elle cause de la vie pour ceux qui voient Dieu! ».[12]
44. Guardini écrit : « C’est ainsi que s’ébauche la première tâche du travail de formation liturgique: l’homme doit retrouver sa puissance symbolique ».[13] C’est une responsabilité pour tous, pour les ministres ordonnés comme pour les fidèles. La tâche n’est pas facile car l’homme moderne est devenu analphabète, il ne sait plus lire les symboles, il en soupçonne à peine l’existence. Cela se produit également avec le symbole de notre corps. Il est un symbole parce qu’il est une union intime de l’âme et du corps ; il est la visibilité de l’âme spirituelle dans l’ordre corporel ; et en cela consiste l’unicité humaine, la spécificité de la personne irréductible à toute autre forme d’être vivant. Notre ouverture au transcendant, à Dieu, est constitutive : ne pas la reconnaître nous conduit inévitablement non seulement à une méconnaissance de Dieu mais aussi à une méconnaissance de nous-mêmes. Il suffit de regarder la manière paradoxale dont le corps est traité, à un moment soigné de manière presque obsessionnelle, inspiré par le mythe de l’éternelle jeunesse, et à un autre moment réduisant le corps à une matérialité à laquelle on refuse toute dignité. Le fait est que l’on ne peut pas donner de valeur au corps en partant uniquement du corps lui-même. Tout symbole est à la fois puissant et fragile. S’il n’est pas respecté, s’il n’est pas traité pour ce qu’il est, il se brise, perd sa force, devient insignifiant.
Nous n’avons plus le regard de saint François qui regardait le soleil – qu’il appelait frère parce qu’il le sentait ainsi – le voyait bellu e radiante cum grande splendore, et, émerveillé, chantait : de te Altissimu, porta significatione.[14] Le fait d’avoir perdu la capacité de saisir la valeur symbolique du corps et de toute créature rend le langage symbolique de la liturgie presque inaccessible à la mentalité moderne. Et pourtant, il ne peut être question de renoncer à ce langage. On ne peut y renoncer parce que c’est ainsi que la Sainte Trinité a choisi de nous atteindre à travers la chair du Verbe. Il s’agit plutôt de retrouver la capacité d’utiliser et de comprendre les symboles de la liturgie. Nous ne devons pas perdre espoir car cette dimension en nous, comme je viens de le dire, est constitutive ; et malgré les méfaits du matérialisme et du spiritualisme – tous deux négateurs de l’unité de l’âme et du corps – elle est toujours prête à resurgir, comme toute vérité.
45. Ainsi, la question que je veux poser est la suivante : comment pouvons-nous redevenir capables de symboles ? Comment pouvons-nous à nouveau savoir les lire et être capables de les vivre ? Nous savons bien que la célébration des sacrements, par la grâce de Dieu, est efficace en soi (ex opere operato), mais cela ne garantit pas le plein engagement des personnes sans une manière adéquate de se situer par rapport au langage de la célébration. Une « lecture » symbolique n’est pas une connaissance mentale, ni l’acquisition de concepts, mais plutôt une expérience vitale.
46. Avant tout, nous devons retrouver la confiance dans la création. Je veux dire que les choses – les sacrements « sont faits » de choses – viennent de Dieu. C’est vers Lui qu’elles sont orientées, et c’est par Lui qu’elles ont été assumées, et assumées de manière particulière dans l’Incarnation, afin de devenir des instruments de salut, des véhicules de l’Esprit, des canaux de la grâce. En cela, il est clair que la distance est grande entre cette vision et une vision matérialiste ou spiritualiste. Si les choses créées sont une partie si fondamentale, si essentielle, de l’action sacramentelle qui réalise notre salut, alors nous devons nous disposer en leur présence avec un regard neuf, non superficiel, respectueux et reconnaissant. Dès le début, les choses créées contiennent le germe de la grâce sanctifiante des sacrements.
47. Toujours en pensant à la manière dont la Liturgie nous forme, une autre question décisive est l’éducation nécessaire pour pouvoir acquérir l’attitude intérieure qui nous permettra d’utiliser et de comprendre les symboles liturgiques. Permettez-moi de l’exprimer d’une manière simple. Je pense aux parents, ou plus peut-être, aux grands-parents, mais aussi à nos pasteurs et catéchistes. Beaucoup d’entre nous ont appris d’eux la force des gestes de la liturgie, comme, par exemple, le signe de la croix, l’agenouillement, les formules de notre foi. Peut-être n’avons-nous pas de souvenir réel de cet apprentissage, mais nous pouvons facilement imaginer le geste d’une grande main qui prend la petite main d’un enfant et l’accompagne lentement en traçant pour la première fois sur son corps le signe de notre salut. Des paroles accompagnent le mouvement, elles aussi dites lentement, presque comme si elles voulaient s’approprier chaque instant du geste, prendre possession de tout le corps : « Au nom du Père... et du Fils... et du Saint-Esprit... Amen. » Et puis la main de l’enfant est laissée seule, et on la regarde répéter toute seule, avec une aide toute proche en cas de besoin. Mais ce geste est maintenant consigné, comme une habitude qui va grandir avec lui, en lui donnant un sens que seul l’Esprit sait lui donner. Dès lors, ce geste, sa force symbolique, est à nous, il nous appartient, ou mieux, nous lui appartenons. Il nous donne une forme. Nous sommes formés par lui. Il n’est pas nécessaire de faire beaucoup de discours ici. Il n’est pas nécessaire d’avoir tout compris dans ce geste. Ce qu’il faut, c’est être petit, à la fois dans l’envoi et dans la réception. Le reste est l’œuvre de l’Esprit. C’est ainsi que nous sommes initiés au langage symbolique. Nous ne pouvons pas nous laisser dépouiller d’une telle richesse. En grandissant, nous aurons d’autres moyens de comprendre, mais toujours à condition de rester petits.
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Ars celebrandi

48. L’ars celebrandi, l’art de célébrer, est certainement l’une des façons de prendre soin des symboles de la liturgie et de croître dans une compréhension vitale de ceux-ci. Cette expression est également sujette à différentes interprétations. Son sens devient clair si elle est comprise en référence au sens théologique de la Liturgie décrit dans Sacrosanctum Concilium au n° 7 et auquel j’ai déjà fait référence à plusieurs reprises. L’ars celebrandi ne peut être réduit à la simple observation d’un système de rubriques, et il faut encore moins le considérer comme une créativité imaginative - parfois sauvage - sans règles. Le rite est en soi une norme, et la norme n’est jamais une fin en soi, mais elle est toujours au service d’une réalité supérieure qu’elle entend protéger.
49. Comme dans tout art, l’ars celebrandi requiert différents types de connaissances.
Tout d’abord, il faut comprendre le dynamisme qui se déploie à travers la liturgie. L’action de la célébration est le lieu où, par le biais du mémorial, le mystère pascal est rendu présent afin que les baptisés, par leur participation, puissent en faire l’expérience dans leur propre vie. Sans cette compréhension, la célébration tombe facilement dans le souci de l’extérieur (plus ou moins raffiné) ou dans le souci des seules rubriques (plus ou moins rigides).

Ensuite, il est nécessaire de savoir comment l’Esprit Saint agit dans chaque célébration. L’art de célébrer doit être en harmonie avec l’action de l’Esprit. C’est seulement ainsi qu’il sera libre des subjectivismes qui sont le fruit de la domination des goûts individuels. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera libre de l’invasion d’éléments culturels assumés sans discernement et qui n’ont rien à voir avec une compréhension correcte de l’inculturation.
Enfin, il est nécessaire de comprendre la dynamique du langage symbolique, sa nature particulière, son efficacité.
50 De ces brèves indications, il devrait être clair que l’art de la célébration ne s’improvise pas. Comme tout art, il exige une application constante. Pour un artisan, la technique suffit. Mais pour un artiste, en plus des connaissances techniques, il faut aussi de l’inspiration, qui est une forme positive de possession. Le véritable artiste ne possède pas un art, mais il est possédé par lui. On n’apprend pas l’art de faire la fête en fréquentant un cours d’art oratoire ou de techniques de communication persuasives. (Je ne juge pas les intentions, je ne fais qu’observer les effets.) Tout outil peut être utile, mais il doit être au service de la nature de la liturgie et de l’action de l’Esprit Saint. Il faut un dévouement assidu à la célébration, permettant à la célébration elle-même de nous transmettre son art. Guardini écrit : « Nous devons comprendre à quel point nous nous sommes profondément enlisés dans l’individualisme et le subjectivisme ; à quel point nous nous sommes maintenant affaiblis et combien étroite est devenue la dimension de notre vie religieuse. L’ardent désir de cultiver un grand style de prière doit à nouveau s’éveiller ; la volonté d’essentialité doit aussi revivre dans la prière. La voie à suivre pour y arriver est celle de la discipline ; du renoncement aux satisfactions faciles et sans effort ; du travail rigoureux, accompli dans l’obéissance à l’Église, pour notre conduite et notre être religieux ». [15] C’est ainsi que l’on apprend l’art de célébrer.
51. En parlant de ce thème, nous sommes enclins à penser qu’il ne concerne que les ministres ordonnés qui exercent le service de la présidence. Mais en fait, il s’agit d’une attitude que tous les baptisés sont appelés à vivre. Je pense à tous les gestes et à toutes les paroles qui appartiennent à l’assemblée : se rassembler, marcher en procession, s’asseoir, se tenir debout, s’agenouiller, chanter, se taire, acclamer, regarder, écouter. Ce sont autant de façons par lesquelles l’assemblée, comme un seul homme (Ne 8,1), participe à la célébration. Effectuer tous ensemble le même geste, parler tous d’une seule voix, cela transmet à chaque individu l’énergie de toute l’assemblée. Il s’agit d’une uniformité qui non seulement ne mortifie pas mais, au contraire, éduque le fidèle individuel à découvrir l’unicité authentique de sa personnalité non pas dans des attitudes individualistes mais dans la conscience d’être un seul corps. Il ne s’agit pas de suivre un livre de bonnes manières liturgiques. Il s’agit plutôt d’une « discipline » – au sens où l’entend Guardini – qui, si elle est observée, nous forme authentiquement. Ce sont des gestes et des paroles qui mettent de l’ordre dans notre monde intérieur en nous faisant vivre certains sentiments, attitudes, comportements. Ils ne sont pas l’explication d’un idéal que nous cherchons à nous laisser inspirer, mais ils sont au contraire une action qui engage le corps dans sa totalité, c’est-à-dire dans son être unité de corps et d’âme.
52. Parmi les gestes rituels qui appartiennent à l’ensemble de l’assemblée, le silence occupe une place d’importance absolue. Bien souvent, il est expressément prescrit dans les rubriques. Toute la célébration eucharistique est immergée dans le silence qui précède son début et qui marque chaque moment de son déroulement rituel. En effet, il est présent dans l’acte pénitentiel, après l’invitation « Prions », dans la Liturgie de la Parole (avant les lectures, entre les lectures et après l’homélie), dans la prière eucharistique, après la communion.[16] Un tel silence n’est pas un havre intérieur dans lequel se cacher dans une sorte d’isolement intime, comme si on laissait derrière soi la forme rituelle comme une distraction. Ce type de silence contredirait l’essence même de la célébration. Le silence liturgique est quelque chose de beaucoup plus grand : il est le symbole de la présence et de l’action de l’Esprit Saint qui anime toute l’action de la célébration. C’est pourquoi il constitue un point d’arrivée dans une séquence liturgique. C’est précisément parce qu’elle est un symbole de l’Esprit qu’elle a le pouvoir d’exprimer l’action multiforme de l’Esprit. Ainsi, en reprenant les moments que je viens de mentionner, le silence conduit à la douleur du péché et au désir de conversion. Il éveille la disponibilité à l’écoute de la Parole et éveille la prière. Il nous dispose à adorer le Corps et le Sang du Christ. Il suggère à chacun, dans l’intimité de la communion, ce que l’Esprit veut opérer dans nos vies pour nous conformer au Pain rompu. Pour toutes ces raisons, nous sommes appelés à accomplir avec un soin extrême le geste symbolique du silence. À travers lui, l’Esprit nous donne forme.
53. Chaque geste, chaque parole contient une action précise qui est toujours nouvelle parce qu’elle rencontre un moment toujours nouveau de notre propre vie. Je vais expliquer ce que je veux dire par un exemple simple. Nous nous agenouillons pour demander pardon, pour plier notre orgueil, pour remettre à Dieu nos larmes, pour implorer son intervention, pour le remercier d’un cadeau reçu. C’est toujours le même geste qui, au fond, déclare notre propre petitesse en présence de Dieu. Néanmoins, accompli à différents moments de notre vie, il façonne nos profondeurs intérieures et se manifeste ensuite extérieurement dans notre relation avec Dieu et avec nos frères et sœurs. Aussi l’agenouillement doit être fait avec art, c’est-à-dire avec une pleine conscience de son sens symbolique et du besoin que nous avons de ce geste pour exprimer notre manière d’être en présence du Seigneur. Et si tout cela est vrai pour ce simple geste, combien plus le sera-t-il pour la célébration de la Parole ? Quel art sommes-nous appelés à apprendre pour proclamer la Parole, pour l’écouter, pour la laisser inspirer notre prière, pour la faire devenir notre vie ? Tout cela est digne de la plus grande attention, non pas formelle ou simplement extérieure, mais vivante et intérieure, afin que chaque geste et chaque parole de la célébration, exprimés avec « art », forment la personnalité chrétienne de chaque individu et de la communauté.
54. S’il est vrai que l’ars celebrandi est exigé de toute l’assemblée qui célèbre, il est également vrai que les ministres ordonnés doivent y porter une attention toute particulière. En visitant des communautés chrétiennes, j’ai remarqué que leur manière de vivre la célébration liturgique est conditionnée – pour le meilleur ou, malheureusement, pour le pire – par la façon dont leur pasteur préside l’assemblée. On pourrait dire qu’il existe différents « modèles » de présidence. Voici une liste possible d’approches qui, bien qu’opposées l’une à l’autre, caractérisent une manière de présider certainement inadéquate : une austérité rigide ou une créativité exaspérante, un mysticisme spiritualisant ou un fonctionnalisme pratique, une vivacité précipitée ou une lenteur exagérée, une insouciance négligée ou une minutie excessive, une amabilité surabondante ou une impassibilité sacerdotale. Malgré la grande variété de ces exemples, je pense que l’inadéquation de ces modèles de présidence a une racine commune : un personnalisme exacerbé du style de célébration qui exprime parfois une manie mal dissimulée d’être le centre de l’attention. Cela devient souvent plus évident lorsque nos célébrations sont transmises par voie hertzienne ou en ligne, ce qui n’est pas toujours opportun et nécessite une réflexion plus approfondie. Comprenez-moi bien : ce ne sont pas les comportements les plus répandus, mais il n’est pas rare que des assemblées souffrent d’être ainsi abusées.
55. Il y aurait beaucoup à dire sur l’importance et la délicatesse de la présidence. À plusieurs reprises, je me suis attardé sur la tâche exigeante que représente la prédication de l’homélie.[17] Je vais maintenant me limiter à quelques considérations plus larges, en voulant à nouveau réfléchir avec vous sur la manière dont nous sommes formés par la Liturgie. Je pense au rythme régulier des messes dominicales dans nos communautés, et je m’adresse donc aux prêtres, mais implicitement à tous les ministres ordonnés.
56. Le prêtre vit sa participation caractéristique à la célébration en vertu du don reçu dans le sacrement de l’Ordre, et celle-ci s’exprime précisément dans la présidence. Comme tous les rôles qu’il est appelé à remplir, il ne s’agit pas en premier lieu d’un devoir qui lui est assigné par la communauté, mais plutôt d’une conséquence de l’effusion de l’Esprit Saint reçue lors de l’ordination, qui le rend apte à une telle tâche. Le prêtre aussi est formé par le fait qu’il préside l’assemblée qui célèbre.
57. Pour que ce service soit bien fait – et même avec art ! – il est d’une importance fondamentale que le prêtre ait tout d’abord une conscience aiguë d’être, par la miséricorde de Dieu, une présence particulière du Seigneur ressuscité. Le ministre ordonné est lui-même l’un des modes de présence du Seigneur qui rendent l’assemblée chrétienne unique, différente de toute autre assemblée (cf. Sacrosanctum Concilium, n.7). Ce fait donne une profondeur « sacramentelle » – au sens large – à tous les gestes et paroles de celui qui préside. L’assemblée a le droit de pouvoir sentir dans ces gestes et ces paroles le désir que le Seigneur a, aujourd’hui comme à la dernière Cène, de continuer à manger la Pâque avec nous. C’est donc le Seigneur Ressuscité qui est le protagoniste, et certainement pas nos immaturités qui cherchent, en assumant un rôle et une attitude, une présentabilité qu’elles ne peuvent avoir. Le prêtre lui-même devrait être submergé par ce désir de communion que le Seigneur a envers chacun. C’est comme s’il était placé au milieu entre le cœur brûlant de l’amour de Jésus et le cœur de chaque croyant, objet de son amour. Présider l’Eucharistie, c’est être plongé dans la fournaise de l’amour de Dieu. Lorsqu’il nous sera donné de comprendre cette réalité, ou même simplement d’en avoir l’intuition, nous n’aurons certainement plus besoin d’un Directoire qui nous imposerait le comportement adéquat. Si nous en avons besoin, c’est à cause de la dureté de notre cœur. La norme la plus élevée, et donc la plus exigeante, est la réalité même de la célébration eucharistique, qui sélectionne les mots, les gestes, les sentiments qui nous feront comprendre si notre usage de ceux-ci est ou non à la hauteur de la réalité qu’ils servent. Il est évident que cela ne s’improvise pas. C’est un art. Cela demande de la part du prêtre de l’application, un entretien assidu du feu de l’amour du Seigneur qu’il est venu allumer sur la terre (cf. Lc 12,49).
58. Lorsque la première communauté rompt le pain en obéissant au commandement du Seigneur, elle le fait sous le regard de Marie qui accompagne les premiers pas de l’Église : – Tous étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus – (Ac 1,14). La Vierge Mère « veille » sur les gestes de son Fils confiés aux apôtres. Comme elle l’a fait après les paroles de l’ange Gabriel, elle protège à nouveau dans son sein, ces gestes qui font/forment le corps de son Fils. Le prêtre, qui répète ces gestes en vertu du don reçu dans le sacrement de l’Ordre, est lui-même protégé dans le sein de la Vierge. Avons-nous vraiment besoin ici d’une règle pour nous dire comment nous devons agir ?
59. Devenus des instruments pour allumer le feu de l’amour du Seigneur sur la terre, protégés dans le sein de Marie, Vierge faite Église (comme le chantait saint François), les prêtres doivent laisser l’Esprit Saint agir sur eux, pour mener à bien l’œuvre qu’il a commencée en eux lors de leur ordination. L’action de l’Esprit leur offre la possibilité d’exercer leur ministère de présidence de l’assemblée eucharistique avec la crainte de Pierre, conscient d’être pécheur (Lc 5,1-11), avec la puissante humilité du serviteur souffrant (cf. Is 42ss), avec le désir « d’être mangé » par les personnes qui leur sont confiées dans l’exercice quotidien du ministère.
60. C’est la célébration elle-même qui éduque le prêtre à ce niveau et à cette qualité de présidence. Il ne s’agit pas, je le répète, d’une adhésion mentale, même si tout notre esprit ainsi que toute notre sensibilité doivent y être engagés. Ainsi, le prêtre se forme en présidant les paroles et les gestes que la liturgie met sur ses lèvres et dans ses mains.
Il n’est pas assis sur un trône[18] car le Seigneur règne avec l’humilité de celui qui sert.
Il ne détourne pas l’attention de la centralité de l’autel, symbole du Christ, car c’est de son côté transpercé qu’il laissa couler l’eau et le sang, source des sacrements de l’Église et le centre de notre louange et de notre action de grâce.[19]
En s’approchant de l’autel pour l’offrande, le prêtre est éduqué à l’humilité et à la contrition par les paroles : « Le cœur humble et contrit, nous te supplions, Seigneur, accueille-nous : que notre sacrifice, en ce jour, trouve grâce devant toi, Seigneur notre Dieu ».[20]
Il ne peut pas compter sur lui-même pour le ministère qui lui est confié, car la Liturgie l’invite à prier pour être purifié par le signe de l’eau, lorsqu’il dit : « Lave-moi de mes fautes, Seigneur, et purifie-moi de mon péché ».[21]
Les mots que la Liturgie place sur ses lèvres ont des contenus différents qui exigent des tonalités spécifiques. L’importance de ces paroles exige du prêtre un véritable ars dicendi. Celles-ci donnent forme à ses sentiments intérieurs, tantôt dans la supplication du Père au nom de l’assemblée, tantôt dans l’exhortation adressée à l’assemblée, tantôt dans l’acclamation d’une seule voix avec toute l’assemblée.
Dans la prière eucharistique – à laquelle participent aussi tous les baptisés, en écoutant avec révérence et en silence, et en intervenant dans les acclamations[22] – celui qui préside a la force, au nom de tout le peuple saint, de rappeler devant le Père l’offrande de son Fils dans la dernière Cène, afin que ce don immense soit rendu nouvellement présent sur l’autel. À cette offrande, il participe par l’offrande de lui-même. Le prêtre ne peut pas raconter la Cène au Père sans y participer lui- même. Il ne peut pas dire : « Prenez, et mangez-en tous : ceci est mon Corps livré pour vous », et ne pas vivre le même désir d’offrir son propre corps, sa propre vie, pour le peuple qui lui est confié. C’est ce qui se passe dans l’exercice de son ministère.
De tout cela et de beaucoup d’autres choses, le prêtre est continuellement formé par l’action célébrative.
***
61. Dans cette lettre, j’ai voulu simplement partager quelques réflexions qui n’épuisent certainement pas l’immense trésor de la célébration des saints mystères. Je demande à tous les évêques, prêtres et diacres, aux formateurs des séminaires, aux enseignants des facultés et des écoles de théologie, à tous les catéchistes d’aider le saint peuple de Dieu à puiser dans ce qui est la première source de la spiritualité chrétienne. Nous sommes appelés à redécouvrir sans cesse la richesse des principes généraux exposés dans les premiers numéros de Sacrosanctum concilium, en saisissant le lien intime entre cette première constitution du Concile et toutes les autres. C’est pourquoi nous ne pouvons pas revenir à cette forme rituelle que les Pères du Concile, cum Petro et sub Petro, ont senti la nécessité de réformer, approuvant, sous la conduite de l’Esprit Saint et suivant leur conscience de pasteurs, les principes d’où est née la réforme. Les saints Pontifes Paul VI et Jean Paul II, en approuvant les livres liturgiques réformés ex decreto Sacrosancti Œcumenici Concilii Vaticani II, ont garanti la fidélité de la réforme du Concile. C’est pour cette raison que j’ai écrit Traditionis custodes, afin que l’Église puisse élever, dans la variété de tant de langues, une seule et même prière capable d’exprimer son unité[23]. Comme je l’ai déjà écrit, j’entends que cette unité soit rétablie dans toute l’Église de rite romain.
62. Je voudrais que cette lettre nous aide à raviver notre émerveillement pour la beauté de la vérité de la célébration chrétienne, à nous rappeler la nécessité d’une authentique formation liturgique, et à reconnaître l’importance d’un art de célébrer qui soit au service de la vérité du Mystère Pascal et de la participation de tous les baptisés à celui-ci, chacun selon sa vocation.
Toute cette richesse n’est pas loin de nous. Elle est dans nos églises, dans nos fêtes chrétiennes, dans la centralité du Dimanche, Jour du Seigneur, dans la force des sacrements que nous célébrons. La vie chrétienne est un parcours continuel de croissance. Nous sommes appelés à nous laisser former dans la joie et dans la communion.
63. C’est pourquoi, je désire vous laisser une autre indication à suivre sur notre chemin. Je vous invite à redécouvrir le sens de l’année liturgique et du Jour du Seigneur: cela aussi est une consigne du Concile (cf. Sacrosanctum Concilium, nn.102-111).
64. À la lumière de ce que nous avons rappelé ci-dessus, nous comprenons que l’année liturgique est l’occasion pour nous de grandir dans notre connaissance du mystère du Christ, en plongeant nos vies dans le mystère de sa Pâque, dans l’attente de son retour dans la gloire. Il s’agit d’une véritable formation permanente. Notre vie n’est pas une série d’événements aléatoires et chaotiques, qui se succèdent les uns aux autres. Il s’agit plutôt d’un itinéraire précis qui, d’une célébration annuelle de Pâques à une autre, nous rend conformes à Lui, dans l’attente que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur[24].
65. Au fur et à mesure que s’écoule le temps rendu nouveau par sa Pâque, l’Église célèbre chaque huitième jour, dans le jour du Seigneur, l’événement de notre salut. Le dimanche, avant d’être un précepte, est un don que Dieu fait à son peuple ; et pour cette raison l’Eglise le sauvegarde par un précepte. La célébration dominicale offre à la communauté chrétienne la possibilité d’être formée par l’Eucharistie. De dimanche en dimanche, la parole du Seigneur ressuscité illumine notre existence, en voulant atteindre en nous la fin pour laquelle elle a été envoyée. (Cf. Is 55,10-11) De dimanche en dimanche, la communion au Corps et au Sang du Christ veut faire de notre vie aussi un sacrifice agréable au Père, dans la communion fraternelle du partage, de l’hospitalité, du service. De dimanche en dimanche, l’énergie du Pain rompu nous soutient dans l’annonce de l’Évangile dans lequel se manifeste l’authenticité de notre célébration
Abandonnons nos polémiques pour écouter ensemble ce que l’Esprit dit à l’Eglise. Sauvegardons notre communion. Continuons à nous émerveiller de la beauté de la liturgie. La Pâque nous a été donnée. Laissons-nous protéger par le désir que le Seigneur continue d’avoir de manger sa Pâque avec nous. Sous le regard de Marie, Mère de l’Eglise.
Donné à Rome, près Saint Jean de Latran, le 29 juin, solennité des saints Pierre et Paul, apôtres, en l’an 2022, la dixième année de mon pontificat.
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Message par vinz 109 Jeu 30 Juin 2022 - 20:00

Je peux être franc ? J'ai avalé tellement de couleuvre concernant la liturgie que je ne veux plus rien savoir et je ne peux que conseiller au pape de sortir de sa "tour d'ivoire du Vatican" et de voir réellement comment les messes sont célébrées dans bien des paroisses en Europe et il comprendrait mieux pourquoi tant de jeunes et d'autres sont attachés au rite tridentin et que non ce n'est pas par "nostalgie du passé"...
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Message par territoire en héritage Jeu 30 Juin 2022 - 23:30

vinz 109 a écrit:Je peux être franc ? J'ai avalé tellement de couleuvre concernant la liturgie que je ne veux plus rien savoir et je ne peux que conseiller au pape de sortir de sa "tour d'ivoire du Vatican" et de voir réellement comment les messes sont célébrées dans bien des paroisses en Europe et il comprendrait mieux pourquoi tant de jeunes et d'autres sont attachés au rite tridentin et que non ce n'est pas par "nostalgie du passé"...

... et pas non plus par "gout de la dentelle de grand mère" ou du "quiétisme"  :

http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2022/06/10/leur-eglise-6386378.html

...

François a reçu hier les évêques et des prêtres siciliens. Voici un extrait de son allocution (où il s’adresse à eux à la troisième personne, ce qui est préférable, finalement, puisque c’est pour les insulter) :

Mais comment célèbrent-ils ? Je ne vais pas à la messe là-bas, mais j'ai vu des photos. Je parle clairement. Mais, chers amis, toujours la dentelle, les bonete..., mais où sommes-nous ? Soixante ans après le Concile ! Un peu d’aggiornamento aussi dans l'art liturgique, la "mode" liturgique !

Oui, on peut parfois porter un peu de la dentelle de grand-mère, mais parfois. C'est pour rendre hommage à la grand-mère, non ? Vous avez tout compris, n'est-ce pas ?

C'est bien de rendre hommage à la grand-mère, mais il est préférable de célébrer la Mère, la Sainte Mère Église, et la façon dont la mère Église veut être célébrée. Et que l'insularité n'empêche pas la véritable réforme liturgique que le Concile a demandé de mettre en œuvre. Et ne restez pas quiétistes.

[...]


...

.
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Message par Invité Ven 1 Juil 2022 - 8:21

Les tabernacles excentrés dans un coin. Les prêtres tournant le dos au crucifié. La communion dans la main. La ressemblance de plus en plus prononcée avec les célébrations protestantes. Des prêtres qui ne se mettent presque plus, ou pas du tout à genoux. Pour ne citer que quelques exemples.
Tout ceci, finit par faire disparaître la dimension sacrificielle aux yeux des fidèles, et cela a une conséquence très grave et pourtant méconnue.
Une société ne peut perdurer sans rite sacrificiel, car sans cela, elle est vouée à sombrer dans le chaos de la violence. Les anciennes religions avaient cette vertu mais de manière provisoire, car en réalité elles étaient toutes démoniaques. Le Christ est venu prendre la place des victimes innocentes, et ainsi a institué le seul rite sacrificiel efficace, car d'origine divine. 
En supprimant la dimension sacrificielle visible du rite catholique, les nouvelles messes en privent les fidèles et les sociétés alors que le besoin n'a pas disparut. Conséquence, un nouveau rite sacrificiel secret s'est mis en place pour maintenir la paix et la prospérité de la société. Un rite caché, car depuis la Passion de Notre Seigneur, le crime des innocents est dévoilé, ainsi il est impossible de sacrifier des innocents avec l'illusion que c'est juste. C'est ainsi que ces messes telles qu'elles sont célébrées aujourd'hui, contribuent à augmenter le nombre des avortements. Nouveau rite sacrificiel caché. 
Alors non, ce combat liturgique n'est pas accessoire.

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Message par vinz 109 Ven 1 Juil 2022 - 13:48

Petite anecdote il paraîtrait que le cardinal Martini aurait refusé de reconnaître les apparitions de San Damiano notamment parce que les messages n'étaient pas tendres avec le nouveau rituel de la messe...
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Message par sga Mer 6 Juil 2022 - 13:47

Liturgie : « Le pape s’inscrit dans la continuité de Jean-Paul II et Benoît XVI »
article famille Chrétienne


Le père abbé émérite de l’abbaye bénédictine de Kergonan, Dom Philippe Piron, replace la lettre apostolique du pape François sur la liturgie dans son contexte. Il y voit une continuité entre l’œuvre du pontife et ses prédécesseurs, et invite à une plus grande « intériorisation spirituelle » du Concile Vatican II.


Motu proprio : la lettre puissante du pape aux fidèles sur l'importance de la liturgie Dom_philippe_piron

Dom Philippe Piron mesure particulièrement les enjeux liturgiques liés au Motu proprio Traditionis Custodes.


ÉgliseTRIBUNE

Dom Philippe Piron est actuellement prieur du monastère bénédictin Sainte Thérèse, dédié à l’accueil de personnes fragiles ou en situation de handicap pour leur offrir une expérience de la vie contemplative, près de Rennes. Il mesure particulièrement les enjeux liturgiques liés au Motu proprio Traditionis Custodes en tant que père abbé émérite de Kergonan, au sein de la congrégation de Solesmes dans laquelle certains moines célèbrent la messe en forme extraordinaire (dont l’abbaye de Fontgombault ou celle de Randol). A l’abbaye de Kergonan, la messe est célébrée en latin et en chant grégorien, mais selon la forme ordinaire du rite romain.
Avec cette nouvelle Lettre apostolique, le Pape François nous adresse, à tous les fidèles, un magnifique message qui nous invite à nous émerveiller de la puissante beauté de la liturgie.
Ce texte très fort est d’une grande profondeur spirituelle. Il s’inscrit dans la ligne de la grande réflexion théologique du Concile Vatican II qui privilégie toujours et met en valeur la primauté de l’initiative divine. Si la liturgie est bien la célébration de l’Alliance entre Dieu et les hommes, c’est toujours Dieu qui en a l’initiative.
La liturgie nous conduit ainsi à l’émerveillement devant l’amour de Dieu pour sa créature qui se réalise aujourd’hui encore dans la concrétude du mystère pascal. Notre participation consciente et active à la liturgie est ainsi notre manière de répondre en nous laissant attirer par ce désir de Dieu pour nous.

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Ce que dit le pape dans son texte fort sur la beauté de la messe
Aussi le Pape commence-t-il sa Lettre par ces mots de Jésus à ses disciples : « Desiderio desideravi hoc Pascha manducare vobiscum antequam patiar : j’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir (Lc 22, 15). Ces paroles de Jésus par lesquelles s’ouvre le récit de la Dernière Cène sont, dit le saint Père, la fissure par laquelle nous est donnée la surprenante possibilité de percevoir la profondeur de l’amour des Personnes de la Sainte Trinité pour nous » (n. 2).
Ainsi, la liturgie nous replonge-t-elle dans l’aujourd’hui de l’histoire du salut, nous permettant de retrouver le Christ, jusque dans le caractère concret du Verbe incarné, tout de Lui étant passé dans la célébration des sacrements. La liturgie n’est pas le lieu du souvenir, mais le lieu de la réalité. « Un vague souvenir de la Dernière Cène ne nous servirait à rien. Nous avons besoin d’être présents à ce repas, de pouvoir entendre sa voix, de manger son Corps et de boire son Sang. Nous avons besoin de lui. Dans l’Eucharistie et dans les Sacrements, nous avons la garantie de pouvoir rencontrer le Seigneur Jésus et d’être atteints par la puissance de son Mystère Pascal » (n. 11).
Et le pape nous invite à redécouvrir chaque jour la beauté non pas de la célébration chrétienne, qui serait simplement une beauté esthétique -ce qui ne serait déjà pas si mal- mais la beauté de la vérité de la célébration chrétienne qui nous pousse à un émerveillement toujours plus grand dans la contemplation même du mystère pascal.
Cela ne va pas sans une formation liturgique, et le pape met fortement l’accent sur l’importance primordiale de la formation des fidèles et des clercs pour toujours mieux percevoir le sens des signes et des symboles, afin de toujours mieux s’associer au cœur du mystère du salut qui se réalise concrètement sous nos yeux.
Plusieurs paragraphes sont réservés ensuite à l’art de célébrer, l’ars celebrandi qui ne peut être réduit à la simple observation d’un système de rubriques et encore moins à considérer comme une créativité imaginative – parfois sauvage – sans règles. Il s’agit toujours de retrouver la réalité de la présence du Christ parmi nous. Les acteurs de la liturgie sont ainsi formés en profondeur par l’action liturgique elle-même.

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Unité de nos papes


Avec ce texte magnifique par sa beauté, sa profondeur et sa justesse, le pape s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs directs avec lesquels certains le voudraient pourtant en rupture.
En effet, avec le Motu proprio Ecclesia Dei adflicta du 2 juillet 1988, saint Jean-Paul II avait ouvert une porte « pour permettre aux fidèles attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine de rester en pleine communion avec l’Eglise » et d’éviter ainsi la séparation, la division, le schisme.
Le pape Benoît XVI avait élargi les possibilités en ce domaine avec le Motu proprio ‘Summorum pontificum’, du 7 juillet 2007. Mais il ne faut pas oublier que dans l’avion qui l’amenait en France le 12 septembre 2008, le pape Benoît XVI avait lui-même précisé que « ce Motu proprio était simplement un acte de tolérance, dans un but pastoral pour des personnes qui ont été formées dans cette liturgie, l’aiment, la connaissent, et veulent vivre avec cette liturgie. C’est un petit groupe parce que cela suppose une formation en latin, une formation dans une culture certaine. Mais pour ces personnes avoir l’amour et la tolérance de permettre de vivre avec cette liturgie, cela me semble une exigence normale de la foi et de la pastorale d’un évêque de notre Église. Il n’y a aucune opposition entre la liturgie renouvelée par le Concile Vatican II et cette liturgie… Et, c’est clair que la liturgie renouvelée est la liturgie ordinaire de notre temps. »
Et dans le même sens, le pape François qui ne veut pas que cette tolérance puisse permettre à certains d’imaginer que l’on pourrait envisager un retour à la forme ancienne de la célébration de la messe dit qu’on « ne peut pas revenir à cette forme rituelle que les Pères du Concile, cum Petro et sub Petro, ont senti la nécessité de réformer, approuvant, sous la conduite de l’Esprit Saint et suivant leur conscience de pasteurs, les principes d’où est née la réforme. Les saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, en approuvant les livres liturgiques réformés ex decreto Sacrosancti Œcumenici Concilii Vaticani II, ont garanti la fidélité de la réforme du Concile » (n. 61).

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Mgr Brouwet : « La liturgie ne nous appartient pas »

Réception du Concile


A ce Concile Vatican II qui rassembla quelque 2500 évêques, saint Jean Paul II participa lui-même. Il y a perçu le souffle de l’Esprit et souvent il qualifia le Concile Vatican II comme « la plus grande grâce du XXe siècle ». Il engagea tout son pontificat pour sa mise en œuvre et son application, pour sa « réception » dans l’Église.
Benoît XVI y participa aussi comme expert du cardinal Joseph Frings, alors archevêque de Cologne, et œuvra dans le même sens.
L’histoire de l’Eglise nous apprend qu’un concile, parce qu’il est un acte qui engage durablement l’Église tout entière, demande toujours à être « reçu », c’est à dire connu, compris et mis en œuvre à la fois dans son inspiration fondamentale, dans son contenu théologique et dans ses orientations pastorales. Ce travail de réception passe par l’épreuve du temps. Il a fallu plus d’un siècle pour que le premier Concile œcuménique, celui de Nicée (325), soit reçu en Orient et en Occident, avec ses affirmations relatives à la divinité de Jésus, vraiment engendré par le Père et de même substance que lui, contrairement à ce que pensait l’hérésie d’Arius.
Si le Concile Vatican II est effectivement « la plus grande grâce du XXe siècle », il faut le recevoir pour ce qu’il est, dans son intégrité, et ne pas en profiter pour faire semblant de croire qu’il permet de faire ce que l’on veut, ou de le rejeter en tout ou partie, sous le fallacieux prétexte qu’il n’est pas dogmatique, qu’il coupe avec la tradition, qu’il est progressiste, alors qu’en réalité, il est seulement mal appliqué.
Le Concile Vatican II s’est achevé le 8 décembre 1965 et a donc un peu plus de cinquante ans. Il n’est donc pas étonnant que l’Église d’aujourd’hui ait encore la mission exigeante de le recevoir. Il nous faut donc avancer sur le chemin que nous trace le Concile pour en tirer les fruits par une meilleure intériorisation spirituelle et une plus grande application pratique.
C’est à cette œuvre de réception que s’emploient nos Pontifes et tout particulièrement cette magnifique Lettre apostolique de notre Pape François : Desiderio desideravi.


Qu’il en soit vivement remercié ! Et bénissons-en le Seigneur !
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Message par Cinci Mer 6 Juil 2022 - 15:31

Territoire en héritage a écrit:... et pas non plus par "gout de la dentelle de grand mère" ou du "quiétisme" 

Une exigence de vérité tout simplement.

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Message par territoire en héritage Jeu 7 Juil 2022 - 1:04

.

Dans un entretien à la civitacattolica du 15 juin on trouve le reproche fait aux "traditionalistes" par François de "restaurationisme" et de "refus du concile"

https://www.laciviltacattolica.fr/entretien-du-pape-francois-avec-les-editeurs-des-revues-de-culture-europeenne-des-jesuites/
...

Il est très difficile d’envisager un renouveau spirituel en utilisant des schémas très démodés. Nous devons renouveler notre façon de voir la réalité, de l’évaluer. Dans l’Église européenne, je vois davantage de renouveau dans les choses spontanées qui surgissent : mouvements, groupes, nouveaux évêques qui se souviennent qu’il y a un Concile derrière eux. Car le Concile dont certains pasteurs se souviennent le mieux est le concile de Trente. Et ce que je dis n’est pas une absurdité.

Le restaurationnisme est venu bâillonner le Concile. Le nombre de groupes de « restaurateurs » – par exemple, il y en a beaucoup aux États-Unis – est impressionnant. Un évêque argentin m’a dit qu’on lui avait demandé d’administrer un diocèse qui était tombé entre les mains de ces « restaurateurs ». Ils n’avaient jamais accepté le Concile. Il y a des idées, des comportements qui découlent d’un restaurationnisme qui, fondamentalement, n’a pas accepté le Concile. Le problème est précisément ceci : dans certains contextes, le Concile n’a pas encore été accepté.

...

Pourquoi est-ce que je vous raconte cette histoire ? Pour vous faire comprendre ce qu’était la période post-conciliaire.

Or, cela se produit à nouveau, notamment avec les traditionalistes.

...

Bien ! Pardonnez-moi si j’ai été trop long, mais je voulais mettre l’accent sur l’après-Concile et sur Arrupe, car le problème actuel de l’Église est précisément la non-acceptation du Concile

...

La 'restauration' est l'action de restaurer et la devise de Pie X était :  "Tout restaurer dans le Christ" cf Ephésiens 1;10


https://www.vatican.va/content/pius-x/fr/encyclicals/documents/hf_p-x_enc_04101903_e-supremi.html
...

Cependant, puisqu'il a plu à Dieu d'élever Notre bassesse jusqu'à cette plénitude de puissance, Nous puisons courage en Celui qui nous conforte ; et mettant la main à l'oeuvre, soutenu de la force divine, Nous déclarons que Notre but unique dans l'exercice du suprême Pontificat est de "tout restaurer dans le Christ" (4) afin que "le Christ soit tout et en tout" (5).

Il s'en trouvera sans doute qui, appliquant aux choses divines la courte mesure des choses humaines, chercheront à scruter Nos pensées intimes et à les tourner à leurs vues terrestres et à leurs intérêts de parti. Pour couper court à ces vaines tentatives, Nous affirmons en toute vérité que Nous ne voulons être et que, avec le secours divin, Nous ne serons rien autre, au milieu des sociétés humaines, que le ministre du Dieu qui Nous a revêtu de son autorité.
Ses intérêts sont Nos intérêts; leur consacrer Nos forces et Notre vie, telle est Notre résolution inébranlable.

C'est pourquoi, si l'on Nous demande une devise traduisant le fond même de Notre âme, Nous ne donnerons jamais que celle-ci : Restaurer toutes choses dans le Christ.
...

Le 'problème actuel de l'Eglise' n'est pas un hypothétique et imprécis "restaurationnisme" ou "rejet de concile" mais :

l'apostasie, l'infidélité, la diminution importante de la foi dans l'Eglise même, contre laquelle, cependant, les portes de l'enfer ne prévaudront pas : Matthieu 16;18 ...

.
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Message par Invité Jeu 7 Juil 2022 - 8:09

« Le deuxième grand événement au début de mes années à Ratisbonne fut la publication du Missel de Paul VI, assortie de l’interdiction quasi totale du missel traditionnel, après une phase de transition de six mois seulement. Il était heureux d’avoir un texte liturgique normatif après une période d’expérimentation qui avait souvent profondément défiguré la liturgie. Mais j’étais consterné de l’interdiction de l’ancien missel, car cela ne s’était jamais vu dans toute l’histoire de la liturgie. Bien sûr, on fit croire que c’était tout à fait normal. Le missel précédent avait été conçu par Pie V en 1570 à la suite du Concile de Trente. Il était donc normal qu’après quatre cents ans et un nouveau concile, un nouveau pape présente un nouveau missel. Mais la vérité historique est tout autre : Pie V s’était contenté de réviser le missel romain en usage à l’époque, comme cela se fait normalement dans une histoire qui évolue. [...] Le décret d’interdiction de ce missel, qui n’avait cessé d’évoluer au cours des siècles depuis les sacramentaires de l’Église de toujours, a opéré une rupture dans l’histoire liturgique, dont les conséquences ne pouvaient qu’être tragiques. [...] les choses allèrent plus loin que prévu : on démolit le vieil édifice pour en construire un autre, certes en utilisant largement le matériau et les plans de l’ancienne construction. [...] Je suis convaincu que la crise de l’Église que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie, qui est parfois même conçue de telle manière – et si Deus non daretur – que son propos n’est plus du tout de signifier que Dieu existe, qu’Il s’adresse à nous et nous écoute. »
Cardinal Joseph Ratzinger, Ma vie mes souvenirs, Fayard 1998

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Message par territoire en héritage Jeu 7 Juil 2022 - 11:14

Gallia Sacra a écrit:
« Le deuxième grand événement au début de mes années à Ratisbonne fut la publication du Missel de Paul VI, assortie de l’interdiction quasi totale du missel traditionnel, après une phase de transition de six mois seulement. Il était heureux d’avoir un texte liturgique normatif après une période d’expérimentation qui avait souvent profondément défiguré la liturgie. Mais j’étais consterné de l’interdiction de l’ancien missel, car cela ne s’était jamais vu dans toute l’histoire de la liturgie. Bien sûr, on fit croire que c’était tout à fait normal. Le missel précédent avait été conçu par Pie V en 1570 à la suite du Concile de Trente. Il était donc normal qu’après quatre cents ans et un nouveau concile, un nouveau pape présente un nouveau missel. Mais la vérité historique est tout autre : Pie V s’était contenté de réviser le missel romain en usage à l’époque, comme cela se fait normalement dans une histoire qui évolue. [...] Le décret d’interdiction de ce missel, qui n’avait cessé d’évoluer au cours des siècles depuis les sacramentaires de l’Église de toujours, a opéré une rupture dans l’histoire liturgique, dont les conséquences ne pouvaient qu’être tragiques. [...] les choses allèrent plus loin que prévu : on démolit le vieil édifice pour en construire un autre, certes en utilisant largement le matériau et les plans de l’ancienne construction. [...] Je suis convaincu que la crise de l’Église que nous vivons aujourd’hui repose largement sur la désintégration de la liturgie, qui est parfois même conçue de telle manière – et si Deus non daretur – que son propos n’est plus du tout de signifier que Dieu existe, qu’Il s’adresse à nous et nous écoute. »
Cardinal Joseph Ratzinger, Ma vie mes souvenirs, Fayard 1998


Merci pour ce texte révélateur et instructif ...

On peut le retrouver ici avec plusieurs autres textes d'avant la publication du Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI, il y a 15 ans exactement :

https://acvo.e-catho.com/index.php/rit-tridentin/card-ratzinger-dixit


Les avis du cardinal devenu Pape

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Il faut que de telles anxiétés et peurs cessent enfin ! Si, dans les deux formes de célébration, l’unité de la foi et l’unicité du mystère apparaissent clairement, cela ne peut qu’être pour tous une raison de se réjouir et de remercier Dieu. Dans la mesure où nous tous croyons, vivons et agissons selon ces motivations, nous pourrons ainsi persuader les évêques que la présence de l’ancienne liturgie ne dérange ni ne brise l’unité de leur diocèse, mais qu’elle est plutôt un don destiné à construire le Corps du Christ dont nous sommes tous les serviteurs.

Ainsi, chers amis, je voudrais vous encourager à ne pas perdre patience, à conserver la confiance, et à puiser dans la liturgie la force nécessaire pour donner notre témoignage pour le Seigneur en notre temps.
...

Il faut encore examiner l’autre argument qui prétend que l’existence de deux rites peut briser l’unité. Là, il faut faire une distinction entre le côté théologique et le côté pratique de la question. Pour ce qui est du côté théorique et fondamental, il faut constater que plusieurs formes du rite latin ont toujours existé et qu’ils se sont retirés seulement lentement, suite à l’unification de l’espace de vie en Europe. Jusqu’au Concile existaient, à côté du rite romain, le rite ambrosien, le rite mozarabe de Tolède, le rite de Braga, le rite des Chartreux et des Carmes et le plus connu, le rite des dominicains, – et peut-être d’autres rites encore que je ne connais pas. Personne ne s’est jamais scandalisé du fait que les dominicains, souvent présents dans nos paroisses, ne célébraient pas comme les curés, mais avaient leur rite propre. Nous n’avions aucun doute que leur rite fût catholique autant que le rite romain, et nous étions fiers de cette richesse d’avoir plusieurs traditions diverses.


Cardinal Joseph Ratzinger, conférence pour les dix ans du Motu proprio Ecclesia Dei, Rome, 24 octobre 1998


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Certainement, dans l’histoire de l’après-Concile, la Constitution sur la Liturgie ne fut plus comprise à partir de ce primat fondamental de l’adoration, mais plutôt comme un livre de recettes sur ce que nous pouvons faire avec la liturgie. Entre-temps, il semble qu’il soit sorti de l’esprit des créateurs de la liturgie, occupés qu’ils sont de manière toujours plus pressante à réfléchir sur la manière dont on peut présenter la liturgie d’une manière toujours plus attrayante, et plus communicative, en impliquant activement toujours plus de gens, que, en réalité, la liturgie est « faite » pour Dieu et non pour nous-mêmes.

Mais plus nous la faisons pour nous-mêmes, moins elle est attirante, et cela parce que tous ressentent clairement que l’essentiel est toujours davantage perdu.

Cardinal Joseph Ratzinger, L’ecclésiologie de la Constitution conciliaire Lumen gentium, Congrès d’études sur le Concile Vatican II, 22 au 22 février 2000

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La liturgie devient enseignement, son critère est : se faire comprendre – ce qui aboutit bien souvent à la banalisation du mystère, à la prévalence de nos paroles, à la répétition de phraséologies qui semblent plus accessibles et plus agréables aux gens.
Mais il s’agit d’une erreur non seulement théologique, mais aussi psychologique et pastorale. La vague d’ésotérisme, la diffusion des techniques asiatiques de relaxation et de vide mental montrent qu’il manque quelque chose dans nos liturgies.
C’est justement dans notre monde d’aujourd’hui que nous avons besoin du silence, du mystère supra-individuel, de la beauté.

Cardinal Joseph Ratzinger, discours pour le jubilé des catéchistes, 10 décembre 2000, Rome

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cf aussi :

https://www.introibo.fr/Un-edifice-mis-en-piece
http://leblogdumesnil.unblog.fr/2007/09/26/19-temoignage-du-cardinal-joseph-ratzinger-sur-la-publication-du-missel-de-paul-vi/
https://www.nd-chretiente.com/dossiers/pdf/articles/2000_au%20coeur%20du%20debat%20liturgique_ciel.pdf
http://digital.fides.org.pl/Content/106/CD_1/TOME19/03_Signature_Dieu_Difficultes_Traduire/04_Difficultes_traduire_Texte.pdf

etc ...


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