LA JOIE DE CROIRE DANS LA NUIT...
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LA JOIE DE CROIRE DANS LA NUIT...
La joie de croire dans la nuit |
Le 11 mars 2009 - (E.S.M.) - Au niveau ecclésial, certaines orientations des dernières années et particulièrement une série d’évènements récents, ont de quoi attrister et peut-être décourager ceux qui avaient beaucoup espéré du grand Souffle qui avait animé Vatican II. |
La joie de croire dans la nuit
Le 11 mars 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - L’antienne à la Vierge Marie que nous chantons à la fin des Offices de Laudes et de Vêpres durant le Carême se termine par la demande suivante : « Réveille en nous la joie de croire dans la nuit ».
a) La joie
Cette mention de la joie, en plein Carême, est très intéressante. Nous pouvons la mettre en relation avec ce que dit saint Benoît dans le chapitre de sa Règle sur le Carême. Toute la Règle est empreinte d’une sobriété toute romaine, et on n’y trouve guère de grandes démonstrations de joie ou d’enthousiasme. Il n’en est donc que plus significatif que ce soit précisément lorsqu’il parle de l’observance du carême que Benoît mentionne explicitement la joie. Après avoir expliqué que le carême n’est pas un temps pour faire des choses nouvelles et extraordinaires mais plutôt pour faire mieux et plus intensément les choses qui sont les éléments essentiels de notre vie chrétienne et monastique (telles que la prière, la lectio, l’abstinence), il invite chacun à faire volontairement en ces domaines quelque chose de plus que d’habitude, dans la joie du Saint Esprit. Et il nous invite à une plus grande abstinence, non seulement de nourriture, de boisson et de sommeil, mais aussi de bavardage et de plaisanterie, afin, dit-il, d’attendre la saint Pâque dans la joie du désir spirituel. Remarquons aussi le lien qu’il établit entre la joie et le désir. En effet, si nous pouvons trouver des satisfactions et de l’agrément dans les plaisirs superficiels de la vie, y compris les plaisirs les plus sains et les plus légitimes, la vraie joie se trouve dans une union d’amour avec Dieu.
Dans le chapitre 15 de l’Évangile de Jean, Jésus -- qui va pourtant bientôt mourir -- après avoir révélé à ses disciples le mystère de l’amour qui l’unit à son Père, et après les avoir invités à demeurer dans cet amour comme il demeure dans l’amour de son Père,: « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaire ». (Jn 15,11).
Et, bien sûr, dans l’Évangile de Matthieu, la prédication de Jésus commence par cette longue proclamation par Jésus, dans le Sermon sur la Montagne, des véritables sources du bonheur : « Bienheureux... » Bienheureux, véritablement heureux, sont les pauvres, les cœurs purs, ceux qui sont assoiffés de justice, les artisans de paix, etc.
b) La joie de croire
C’est pourquoi le texte de notre antienne à la Vierge parle de la « joie de croire ». Notre foi en Dieu – notre foi dans le Père que Jésus nous a révélé – est pour nous, et doit toujours être pour nous une source de joie. Toute forme de religion ou de religiosité qui tue ou diminue la joie, qui crée la peur ou l’angoisse, est une fausse religiosité, opposée à la foi. Notre foi n’est pas un opium nous permettant de supporter les difficultés de la vie présente, ni une simple attente de biens à venir. Elle est déjà la possession de ce que nous posséderons en plénitude durant l’éternité. Lorsque Jésus dit à ses disciples qu’il veut que leur joie soit parfaite, le contexte manifeste clairement qu’il veut que cette joie soit parfaite dès ici-bas, dès maintenant. Elle consiste dans l’amour. « Comme mon Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ; demeurez dans mon amour » (Jn 15,10). Et après leur avoir expliqué qu’il leur a dit tout cela, pour que leur joie soit parfaite il les invite à s’aimer les uns les autres. Notre joie éternelle sera de vivre dans l’amour de Dieu. Cette joie est objet de désir, car cet amour est capable d’une croissance infinie, mais elle est aussi une joie que nous pouvons et devons vivre dès ici-bas. Elle est le fruit de la vie, de la mort et de la Résurrection de Jésus de Nazareth, et c’est pourquoi Benoît nous appelle à attendre Pâques dans la joie de l’Esprit.
c) Dans la nuit
Dans la vie spirituelle comme dans la nature, il y a en général une alternance de jour et de nuit, de moments de lumière quand tout est clair et de moments de ténèbres quand tout semble obscur. Cela vaut du cheminement de l’Église et du Monde aussi bien que du cheminement personnel de chacun de nous. La foi, dont nous avons reçu le don, nous permet de conserver une joie profonde même au milieu de ténèbres et parfois des souffrances, tout comme Jésus parlait à ses disciples de la joie au moment même où il entrait dans les ténèbres de sa propre Passion.
Cette alternance entre lumière et ténèbre varie évidemment selon les personnes et aussi selon les époques. Nous savons tous que les grands mystiques, de toutes les traditions religieuses, se répartissent en deux grandes catégories : les mystiques de la lumière – ceux qui sont fascinés par tout ce que nous pouvons savoir et percevoir de Dieu – et les mystiques des ténèbres – fascinés par le fait que Dieu est autre et au-delà de tout ce que nous pouvons en savoir, en penser, en expérimenter. Il semble que, de nos jours, les vrais mystiques (comme Mère Teresa, Jean Vanier, Mgr. Romero, etc.) sont ceux qui sont (ou ont été) particulièrement proches de la misère et de la souffrance humaines.
d) Réveille en nous la joie...
Certaines situations personnelles ou globales risquent de mettre cette joie en veilleuse. Elle doit donc être sans cesse « réveillée ». C’est ce que nous demandons dans cette antienne.
Au niveau mondial la situation est particulièrement noire depuis quelques années, avec les conflits guerriers qui se multiplient, la dureté de l’oppression de certains peuples et de certaines catégories de personnes. Et, plus récemment, il y a cette crise financière, qui a engendré une crise économique, laquelle a engendré une crise sociale qui ne fait que commencer. Pour ne pas nous laisser aller au pessimisme et à la tristesse, il faut que soit réveillé en nous la foi qui nous fait non pas ignorer ces situations, mais plutôt, d’une part mettre notre joie à un niveau plus profond et, d’autre part, faire ce que nous pouvons, chacun dans notre sphère, pour corriger ces situations dans la mesure, si petite soit-elle où nous le pouvons.
Au niveau ecclésial, certaines orientations des dernières années et particulièrement une série d’évènements récents, [Ndlr : l'affaire Williamson et la levée des excommunications de quatre évêques intégristes par le pape Benoît XVI, l'affaire Wagner en Autriche, pour ne citer qu'elles] ont de quoi attrister et peut-être décourager ceux qui avaient beaucoup espéré du grand Souffle qui avait animé Vatican II. Mais là aussi une foi authentique nous permet de percevoir le caractère relatif de toutes ces situations et de trouver malgré cela une joie profonde dans notre relation avec la personne de Jésus.
Dans un livre récent (Le rêve de Jérusalem, Desclée de B., Paris 2008) le cardinal Carlo Maria Martini cite la phrase de Jésus : « Le Fils de l’Homme, lorsqu’il reviendra, rencontrera-t-il la foi sur la terre ? » et il commente (p. 170) : « Il ne demande pas : Rencontrerai-je une grande Église bien organisée ? Il sait apprécier aussi bien une Église pauvre et petite, animée d’une foi puissante et agissant selon cette foi. »
C’est cette foi, et la joie qu’elle engendre, que, dans cette antienne, nous demandons à Marie de nous obtenir.
Armand Veilleux
a) La joie
Cette mention de la joie, en plein Carême, est très intéressante. Nous pouvons la mettre en relation avec ce que dit saint Benoît dans le chapitre de sa Règle sur le Carême. Toute la Règle est empreinte d’une sobriété toute romaine, et on n’y trouve guère de grandes démonstrations de joie ou d’enthousiasme. Il n’en est donc que plus significatif que ce soit précisément lorsqu’il parle de l’observance du carême que Benoît mentionne explicitement la joie. Après avoir expliqué que le carême n’est pas un temps pour faire des choses nouvelles et extraordinaires mais plutôt pour faire mieux et plus intensément les choses qui sont les éléments essentiels de notre vie chrétienne et monastique (telles que la prière, la lectio, l’abstinence), il invite chacun à faire volontairement en ces domaines quelque chose de plus que d’habitude, dans la joie du Saint Esprit. Et il nous invite à une plus grande abstinence, non seulement de nourriture, de boisson et de sommeil, mais aussi de bavardage et de plaisanterie, afin, dit-il, d’attendre la saint Pâque dans la joie du désir spirituel. Remarquons aussi le lien qu’il établit entre la joie et le désir. En effet, si nous pouvons trouver des satisfactions et de l’agrément dans les plaisirs superficiels de la vie, y compris les plaisirs les plus sains et les plus légitimes, la vraie joie se trouve dans une union d’amour avec Dieu.
Dans le chapitre 15 de l’Évangile de Jean, Jésus -- qui va pourtant bientôt mourir -- après avoir révélé à ses disciples le mystère de l’amour qui l’unit à son Père, et après les avoir invités à demeurer dans cet amour comme il demeure dans l’amour de son Père,: « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaire ». (Jn 15,11).
Et, bien sûr, dans l’Évangile de Matthieu, la prédication de Jésus commence par cette longue proclamation par Jésus, dans le Sermon sur la Montagne, des véritables sources du bonheur : « Bienheureux... » Bienheureux, véritablement heureux, sont les pauvres, les cœurs purs, ceux qui sont assoiffés de justice, les artisans de paix, etc.
b) La joie de croire
C’est pourquoi le texte de notre antienne à la Vierge parle de la « joie de croire ». Notre foi en Dieu – notre foi dans le Père que Jésus nous a révélé – est pour nous, et doit toujours être pour nous une source de joie. Toute forme de religion ou de religiosité qui tue ou diminue la joie, qui crée la peur ou l’angoisse, est une fausse religiosité, opposée à la foi. Notre foi n’est pas un opium nous permettant de supporter les difficultés de la vie présente, ni une simple attente de biens à venir. Elle est déjà la possession de ce que nous posséderons en plénitude durant l’éternité. Lorsque Jésus dit à ses disciples qu’il veut que leur joie soit parfaite, le contexte manifeste clairement qu’il veut que cette joie soit parfaite dès ici-bas, dès maintenant. Elle consiste dans l’amour. « Comme mon Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés ; demeurez dans mon amour » (Jn 15,10). Et après leur avoir expliqué qu’il leur a dit tout cela, pour que leur joie soit parfaite il les invite à s’aimer les uns les autres. Notre joie éternelle sera de vivre dans l’amour de Dieu. Cette joie est objet de désir, car cet amour est capable d’une croissance infinie, mais elle est aussi une joie que nous pouvons et devons vivre dès ici-bas. Elle est le fruit de la vie, de la mort et de la Résurrection de Jésus de Nazareth, et c’est pourquoi Benoît nous appelle à attendre Pâques dans la joie de l’Esprit.
c) Dans la nuit
Dans la vie spirituelle comme dans la nature, il y a en général une alternance de jour et de nuit, de moments de lumière quand tout est clair et de moments de ténèbres quand tout semble obscur. Cela vaut du cheminement de l’Église et du Monde aussi bien que du cheminement personnel de chacun de nous. La foi, dont nous avons reçu le don, nous permet de conserver une joie profonde même au milieu de ténèbres et parfois des souffrances, tout comme Jésus parlait à ses disciples de la joie au moment même où il entrait dans les ténèbres de sa propre Passion.
Cette alternance entre lumière et ténèbre varie évidemment selon les personnes et aussi selon les époques. Nous savons tous que les grands mystiques, de toutes les traditions religieuses, se répartissent en deux grandes catégories : les mystiques de la lumière – ceux qui sont fascinés par tout ce que nous pouvons savoir et percevoir de Dieu – et les mystiques des ténèbres – fascinés par le fait que Dieu est autre et au-delà de tout ce que nous pouvons en savoir, en penser, en expérimenter. Il semble que, de nos jours, les vrais mystiques (comme Mère Teresa, Jean Vanier, Mgr. Romero, etc.) sont ceux qui sont (ou ont été) particulièrement proches de la misère et de la souffrance humaines.
d) Réveille en nous la joie...
Certaines situations personnelles ou globales risquent de mettre cette joie en veilleuse. Elle doit donc être sans cesse « réveillée ». C’est ce que nous demandons dans cette antienne.
Au niveau mondial la situation est particulièrement noire depuis quelques années, avec les conflits guerriers qui se multiplient, la dureté de l’oppression de certains peuples et de certaines catégories de personnes. Et, plus récemment, il y a cette crise financière, qui a engendré une crise économique, laquelle a engendré une crise sociale qui ne fait que commencer. Pour ne pas nous laisser aller au pessimisme et à la tristesse, il faut que soit réveillé en nous la foi qui nous fait non pas ignorer ces situations, mais plutôt, d’une part mettre notre joie à un niveau plus profond et, d’autre part, faire ce que nous pouvons, chacun dans notre sphère, pour corriger ces situations dans la mesure, si petite soit-elle où nous le pouvons.
Au niveau ecclésial, certaines orientations des dernières années et particulièrement une série d’évènements récents, [Ndlr : l'affaire Williamson et la levée des excommunications de quatre évêques intégristes par le pape Benoît XVI, l'affaire Wagner en Autriche, pour ne citer qu'elles] ont de quoi attrister et peut-être décourager ceux qui avaient beaucoup espéré du grand Souffle qui avait animé Vatican II. Mais là aussi une foi authentique nous permet de percevoir le caractère relatif de toutes ces situations et de trouver malgré cela une joie profonde dans notre relation avec la personne de Jésus.
Dans un livre récent (Le rêve de Jérusalem, Desclée de B., Paris 2008) le cardinal Carlo Maria Martini cite la phrase de Jésus : « Le Fils de l’Homme, lorsqu’il reviendra, rencontrera-t-il la foi sur la terre ? » et il commente (p. 170) : « Il ne demande pas : Rencontrerai-je une grande Église bien organisée ? Il sait apprécier aussi bien une Église pauvre et petite, animée d’une foi puissante et agissant selon cette foi. »
C’est cette foi, et la joie qu’elle engendre, que, dans cette antienne, nous demandons à Marie de nous obtenir.
Armand Veilleux
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