Andreï Roublev
2 participants
Page 1 sur 1
Calex- Combat l'antechrist
- Messages : 2028
Inscription : 26/06/2016
Re: Andreï Roublev
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/42/Rublev_Troitsa.jpg
Tout cela me semble bien illustré par le commentaire théologique et spirituel que le Frère Daniel-Ange a fait de l'icône de la Sainte Trinité de saint André Roublev, dans son livre L'Étreinte de feu. Comme Andreï Tarkovski l'a montré dans son film, Andreï Roublev, cette icône a été peinte au temps des invasions mongoles qui ont dévasté la terre russe, rempli le peuple de crainte, d'effroi, de désolation morale autant que matérielle. Disciple de saint Serge de Radonège, l'un des grands inspirateurs et fondateurs du monachisme et du renouveau spirituel russe à la fin du XIVe siècle, Roublev a été le témoin oculaire de ces invasions et de toutes leurs horreurs. « Dans cette fin du XIVe siècle, écrit Daniel-Ange, la Russie est encore ravagée par les incursions tatares, les cœurs sont pétrifiés de terreur, la famine rôde, les princes inféodés s'entre-déchirent. Un visage se détache, buriné par l'ascèse, apaisé par la prière, lumineux entre tous : Serge l'ermite doux et pauvre. Il s'enfonce plus avant dans le mystère des Trois que dans l'épaisseur des bois de Radonège. Son monastère, comment le nommer autrement que demeure de la Sainte Trinité. »
C'est dans ce rayonnement de saint Serge et dans ce monastère — peut-être le premier à être dédié à la Sainte Trinité dans l'histoire de l'Église russe — qu'il faut replacer l’œuvre entière de saint André Roublev, et particulièrement son icône de la Trinité exécutée vers 1422. Quel contraste entre cette icône et cette époque marquée par la guerre, la famine, les épidémies, les monceaux de ruines fumantes ? Frère Daniel-Ange s'interroge « Comment ces yeux qui ont vu tant d'enfants massacrés, d'innocents torturés, tant d'églises saccagées, de drames sans nom, ont-ils pu projeter une lumière aussi sereine ? Ces mains ont dû essuyer des larmes et bander des plaies sans nombre, comment ont-elles pu peindre ces visages d'où ruisselle une telle paix ? Comment, sur ses icônes, l'angoisse d'une telle époque ne filtre-t-elle pas ? »
Dans ma Préface à ce livre, j'écrivais : « Si André n'a pas été davantage traumatisé par tant de scènes d'horreurs, c'est que, très tôt sans doute, c'est cette Face qu'il découvrait sur tant de visages outragés, aux yeux morts (on crevait les yeux, c'était l'usage). À force d'être lavés par les larmes de son Seigneur, ses yeux ont fini par épouser son regard même sur toute détresse. Un regard qui sait comprendre, compatir. Mais aussi un regard qui sauve parce qu'y coule une de ces choses qui n'ont pas de nom : la tendresse de Dieu. Un de ces regards qui apaisent, consolent et déjà qui peuvent guérir. Non parce qu'ils se fermeraient sur la laideur et la tristesse du monde, mais parce qu'ils consentent, au contraire, à aller jusqu'au bout de l'horreur, c'est-à-dire au-delà : jusqu'à ces grands yeux de Jésus qui ont pleuré comme jamais personne n'a pleuré, mais qui ont donné un pardon de lumière comme notre terre n'en avait jamais reçu. Et son icône de la Trinité est comme cet ultime regard porté sur sa vie, sa terre, son peuple.
Et en conclusion « Frère Daniel-Ange nous aide à découvrir le prix payé pour cette douceur infinie qui se dégage de l'icône de Roublev, fleur éclose dans un paysage si bouleversé et tellement désolé. Découvrir ainsi dans les visages meurtris le visage de l'Agneau, c'est puiser en Lui la force de l'Esprit consolateur qui essuiera toute larme de leurs yeux. Aujourd'hui encore, alors que l'icône de la Trinité de Roublev a été restaurée, libérée des revêtements métalliques qui la cachaient, des couches de peintures successives qui la trahissaient et qui la déformaient, l'Église — comme aux XIV-XVe siècles — nous fait ce même cadeau. Aujourd'hui, tout un peuple vient en pèlerinage dans les salles d'art ancien de la galerie Trétiakoff à Moscou, où resplendit la Trinité certes enlevée de son cadre d'origine — l'iconostase de Radonège — mais exposée sans autre protection que sa douceur sans bornes aux regards et à la prière des hommes. »
Telle est l'icône de la Trinité et telle est toute icône. Car toute icône est une icône de la Trinité, toute icône est l'icône du Seigneur en Lui-même, dans ses saints, dans ses anges, dans la Mère de Dieu. Toute icône dégage cette icône intérieure qui est cachée dans chacun de nous et qui se situe justement au niveau du cœur. En parlant de la prière du cœur, il est important de se souvenir de cette correspondance, souvent ignorée et pourtant nécessaire, entre le visage de Jésus révélé, connu, nommé, invoqué et celui qui se dessine en filigrane au fond de tout être vivant, mais qui est occulté, obscurci par les scories et toutes les impuretés de sa vie. La seule, la véritable icône du Christ est celle qui est cachée, qui doit se dévoiler et rayonner dans le cœur de l'être humain. C'est cette icône qu'il faut essayer de dégager, à laquelle il faut rendre sa correspondance avec l'icône réelle de Jésus. À mesure que cette icône se dégage, la correspondance et le dialogue s'instaurent non seulement avec Jésus, mais aussi — nécessairement — avec les hommes. Voilà la prière du cœur comme eucharistie intériorisée.
Boris Bobrinskoy - La compassion du Père.
L'exemple d'André Roublev.
Tout cela me semble bien illustré par le commentaire théologique et spirituel que le Frère Daniel-Ange a fait de l'icône de la Sainte Trinité de saint André Roublev, dans son livre L'Étreinte de feu. Comme Andreï Tarkovski l'a montré dans son film, Andreï Roublev, cette icône a été peinte au temps des invasions mongoles qui ont dévasté la terre russe, rempli le peuple de crainte, d'effroi, de désolation morale autant que matérielle. Disciple de saint Serge de Radonège, l'un des grands inspirateurs et fondateurs du monachisme et du renouveau spirituel russe à la fin du XIVe siècle, Roublev a été le témoin oculaire de ces invasions et de toutes leurs horreurs. « Dans cette fin du XIVe siècle, écrit Daniel-Ange, la Russie est encore ravagée par les incursions tatares, les cœurs sont pétrifiés de terreur, la famine rôde, les princes inféodés s'entre-déchirent. Un visage se détache, buriné par l'ascèse, apaisé par la prière, lumineux entre tous : Serge l'ermite doux et pauvre. Il s'enfonce plus avant dans le mystère des Trois que dans l'épaisseur des bois de Radonège. Son monastère, comment le nommer autrement que demeure de la Sainte Trinité. »
C'est dans ce rayonnement de saint Serge et dans ce monastère — peut-être le premier à être dédié à la Sainte Trinité dans l'histoire de l'Église russe — qu'il faut replacer l’œuvre entière de saint André Roublev, et particulièrement son icône de la Trinité exécutée vers 1422. Quel contraste entre cette icône et cette époque marquée par la guerre, la famine, les épidémies, les monceaux de ruines fumantes ? Frère Daniel-Ange s'interroge « Comment ces yeux qui ont vu tant d'enfants massacrés, d'innocents torturés, tant d'églises saccagées, de drames sans nom, ont-ils pu projeter une lumière aussi sereine ? Ces mains ont dû essuyer des larmes et bander des plaies sans nombre, comment ont-elles pu peindre ces visages d'où ruisselle une telle paix ? Comment, sur ses icônes, l'angoisse d'une telle époque ne filtre-t-elle pas ? »
Dans ma Préface à ce livre, j'écrivais : « Si André n'a pas été davantage traumatisé par tant de scènes d'horreurs, c'est que, très tôt sans doute, c'est cette Face qu'il découvrait sur tant de visages outragés, aux yeux morts (on crevait les yeux, c'était l'usage). À force d'être lavés par les larmes de son Seigneur, ses yeux ont fini par épouser son regard même sur toute détresse. Un regard qui sait comprendre, compatir. Mais aussi un regard qui sauve parce qu'y coule une de ces choses qui n'ont pas de nom : la tendresse de Dieu. Un de ces regards qui apaisent, consolent et déjà qui peuvent guérir. Non parce qu'ils se fermeraient sur la laideur et la tristesse du monde, mais parce qu'ils consentent, au contraire, à aller jusqu'au bout de l'horreur, c'est-à-dire au-delà : jusqu'à ces grands yeux de Jésus qui ont pleuré comme jamais personne n'a pleuré, mais qui ont donné un pardon de lumière comme notre terre n'en avait jamais reçu. Et son icône de la Trinité est comme cet ultime regard porté sur sa vie, sa terre, son peuple.
Et en conclusion « Frère Daniel-Ange nous aide à découvrir le prix payé pour cette douceur infinie qui se dégage de l'icône de Roublev, fleur éclose dans un paysage si bouleversé et tellement désolé. Découvrir ainsi dans les visages meurtris le visage de l'Agneau, c'est puiser en Lui la force de l'Esprit consolateur qui essuiera toute larme de leurs yeux. Aujourd'hui encore, alors que l'icône de la Trinité de Roublev a été restaurée, libérée des revêtements métalliques qui la cachaient, des couches de peintures successives qui la trahissaient et qui la déformaient, l'Église — comme aux XIV-XVe siècles — nous fait ce même cadeau. Aujourd'hui, tout un peuple vient en pèlerinage dans les salles d'art ancien de la galerie Trétiakoff à Moscou, où resplendit la Trinité certes enlevée de son cadre d'origine — l'iconostase de Radonège — mais exposée sans autre protection que sa douceur sans bornes aux regards et à la prière des hommes. »
Telle est l'icône de la Trinité et telle est toute icône. Car toute icône est une icône de la Trinité, toute icône est l'icône du Seigneur en Lui-même, dans ses saints, dans ses anges, dans la Mère de Dieu. Toute icône dégage cette icône intérieure qui est cachée dans chacun de nous et qui se situe justement au niveau du cœur. En parlant de la prière du cœur, il est important de se souvenir de cette correspondance, souvent ignorée et pourtant nécessaire, entre le visage de Jésus révélé, connu, nommé, invoqué et celui qui se dessine en filigrane au fond de tout être vivant, mais qui est occulté, obscurci par les scories et toutes les impuretés de sa vie. La seule, la véritable icône du Christ est celle qui est cachée, qui doit se dévoiler et rayonner dans le cœur de l'être humain. C'est cette icône qu'il faut essayer de dégager, à laquelle il faut rendre sa correspondance avec l'icône réelle de Jésus. À mesure que cette icône se dégage, la correspondance et le dialogue s'instaurent non seulement avec Jésus, mais aussi — nécessairement — avec les hommes. Voilà la prière du cœur comme eucharistie intériorisée.
Boris Bobrinskoy - La compassion du Père.
Desiderius Ulixes- Enfant de Dieu
- Messages : 3015
Inscription : 04/04/2019
Marie mamùke aime ce message
Re: Andreï Roublev
Autre source d'information sur l'illuminisme charismatique, celle du (feu) hiéromoine orthodoxe Seraphim Rose :
https://hesychia.eu/index.php/2021/01/23/renouveau-charismatique/
https://hesychia.eu/index.php/2021/01/23/renouveau-charismatique/
Desiderius Ulixes- Enfant de Dieu
- Messages : 3015
Inscription : 04/04/2019
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum