La Vierge de Manduria toujours sous clé
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La Vierge de Manduria toujours sous clé
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En 2001, l'écart des Lianes, dans les hauts de Saint-Joseph, avait été le théâtre d'une sacrée histoire. Le curé réclamait le retour de la vierge de Manduria confisquée par l'évêque. Cette statue, appartenant à une famille portoise, avait exsudé de l'huile dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2001 sans explication aucune. Sauf pour les fidèles qui y ont vu un miracle et un signe… L'Église elle, ne reconnaît pas le phénomène. Une année plus tard, la Vierge est toujours à l'abri et le prêtre à la retraite, pour désobéissance tandis que les pratiquantes portoises conservent le silence, à l'instar de Monseigneur. Mais l'esprit de Manduria est toujours là, animant nombre de dévots. Retour sur cette affaire.
Mets de l'huile… Avertissement préalable, il n'est pas question ici de parler cuisine, plats en sauce, gastronomie provençale ou bien encore du groupe montpelliérain Régliss auteur de la chanson "Mets de l'huile". Mais de religion. Alors du recueillement s'il vous plaît ! Et de l'attention. Car l'histoire évoquée est un peu complexe. Elle prend sa source aux Lianes, petit écart de quatre cents âmes, sur les hauteurs de Saint-Joseph. À neuf kilomètres très exactement.Pour y accéder, il faut monter, monter et monter encore à travers les champs de canne à sucre, les regroupements de petites cases créoles, sur une route en lacets. De là-haut, la vue sur la mer est belle. Mieux encore : superbe. Mais ne nous égarons pas, le sujet est religieux…[Miracle, appel, scepticisme ...]Autour de cette histoire, gravitent quantité de personnages : deux sœurs bigotes, un curé en fin de carrière pas toujours aimé de ses paroissiens, un évêque jugé peu conciliant et autoritaire… Et surtout Manduria : une Vierge de blanc vêtue, en plâtre, haute de 70 centimètres, coiffée d'une couronne dorée, qui s'est fait connaître dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2001. La statue, à la Réunion depuis mars 2000 et hébergée dans une famille portoise dont on sait peu de choses à l'époque, s'est mise à exsuder de l'huile de manière inexpliquée. Enfin, pas pour ses fidèles. Des mois durant, beaucoup d'encre a coulé…Manduria est une localité de 45 000 habitants située dans le talon de la botte de l'Italie. C'est ici, selon les légendes, que Pierre débarqua en 43 avant Jésus-Christ avec son frère Marc l'évangéliste. L'église San Pietro in Bevangna, sur la côte, conserve d'ailleurs dans la crypte située derrière l'autel la pierre sur laquelle l'apôtre célébra l'Eucharistie.C'est sur ce site que, tous les 23 de chaque mois, une jeune voyante italienne, Debora, étudiante en droit, recevrait des messages de la Vierge de Manduria à travers des apparitions. Le début de cette relation divine remonterait selon Debora au 20 mai 1992 lorsqu'une voix mystérieuse résonna dans son cœur : "Fille, regarde l'horizon et tu verras que ta route n'est pas celle-là, mais une autre". Tout va ensuite très vite : pèlerinage, nouveaux messages de l'au-delà, rencontre avec Marie le 23 octobre, annonciation le 10 novembre et tour du monde pour la voyante qui, de pays en pays, prêche la bonne parole de Manduria, Vierge de l'Eucharistie. Un détail : à ce jour, l'Église n'a pas reconnu ce phénomène.Son périple a conduit la jeune femme à la Réunion où elle a séjourné durant une semaine en mars 2000 : à Saint-Louis, 3 000 personnes avaient assisté à la séance de prières. À cette époque, l'évêque Monseigneur Aubry demanda aux prêtres d'éviter une "nouvelle propagande" autour de la visite de Débora. Dans le département, les fidèles de Manduria sont nombreux. Pas de chiffre précis mais une certitude : chaque paroisse de l'île compte un petit groupe de fervents.Au Port par exemple. Les pratiquants, qui se réunissent le dimanche après-midi chez Jacqueline et Marie-Paule Martino, décident courant 2000 de se cotiser pour acheter une statue de la vierge Manduria. Elle est rapidement installée dans le salon entourée de fleurs, de bougies et de photos.Les deux sœurs sont en contact régulier avec le père Maurice Maillot, curé depuis trente-six ans de la paroisse des Lianes à Saint-Joseph et dévot de Manduria. Lui-même a rencontré Débora. À la sacristie de l'église Sainte-Geneviève, le curé a installé des photos de la voyante reçue par le pape Jean-Paul II au Vatican, ou encore celles du Christ, de Notre-Dame de Fatima. Une statue de la vierge de l'Eucharistie trône sur l'autel. Le père Maillot et quelques-uns de ses paroissiens ont l'habitude de s'y recueillir. Sans publicité, mais pas clandestinement non plus. Leur train-train quotidien va être bousculé dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2001 lorsque la statue du Port se met subitement à exsuder de l'huile.Pour les fidèles, il n'y a pas de doute : "Ce signe est un appel". Pour le prêtre des Lianes, il s'agit d'un "miracle". Ce dernier se rend chez les Martino, prend quelques photos "à usage personnel" et recueille quelques gouttes d'huile dans un flacon. Ce sera la dernière visite de Maurice Maillot dans la cité portoise. L'évêque, mis au courant le 23 janvier par le curé du Port Antide Payet de la paroisse Sainte-Jeanne d'Arc, est quant à lui sceptique. Le prélat demande une enquête qu'il confie au père Georges Persée, officiant lui aussi au Port, sur la base de quatorze questions rédigées par Gilbert Aubry. Le 15 février, un prélèvement de liquide est opéré pour des analyses dans un laboratoire de Montpellier (Hérault) et des radiographies de la statue sont réalisées. Deux opérations menées sous contrôle d'un huissier.["Maillot-Aubry, le conflit]Pendant ce temps, aux Lianes, le père Maillot organise des rassemblements dans sa sacristie et un commerce juteux : photos, chapelets, huile sainte. À la messe, le curé évoque le miracle devant un parterre de convaincus. La polémique prends corps. Le père René Payet de Bras-Panon prend la plume et dénonce dans une tribune libre cette "machination spirituelle" : "Je suis prêtre, je ne suis pas contre les dévotions. Je voudrais simplement rappeler aux baptisés de notre Eglise de la Réunion, dite catholique, qu'il y a un essentiel de la foi, c'est Jésus et sa bonne nouvelle et l'amour qui nous rassemble en Eglise dans l'esprit qui nous rend capables de la vivre", explique-t-il. Un message destiné à l'évêque dans lequel le curé de Bras-Panon appelle monseigneur Aubry à assumer ses responsabilités. Le prélat ne reste pas sourd très longtemps aux suppliques. D'autant qu'au Port, les Martino ont du mal à gérer l'affluence des fidèles et les appels téléphoniques. La Vierge est confisquée, retirée de la commune de l'Ouest et tenue dans un lieu secret. Maurice Maillot s'emporte, soupçonne l'évêque de conserver la Vierge de l'Eucharistie chez lui et l'accuse dans la foulée d'entretenir des "relations étroites avec les milieux franc-maçons" … Rien à voir… Réponse de monseigneur Aubry qui appelle au "plus grand calme". "L'essentiel, c'est de vivre la foi de l'Église et de mieux vivre le commandement d'amour laissé par le Christ", assure-t-il. De la cure, le père des Lianes exige le retour de la statue et les résultats du laboratoire de Montpellier. L'attente ne sera pas longue. "L'échantillon présente la composition analytique d'une huile extra vierge". D'une rare pureté. Dixit les experts métropolitains le 13 avril.Trois semaines plus tard, le 2 mai, le père Georges Persée remet son rapport à l'évêque. "Après avoir fait subir à la statue des examens d'échographie qui ne révèlent aucune canalisation interne, et sachant de raison que du plâtre il ne peut sortir de l'huile, ce phénomène est inexpliqué", écrit Georges Persée. De l'huile, d'ailleurs, il n'en coule plus sur la statue, depuis le 4 mai.Au même moment, le secrétariat pastoral du diocèse d'Oria affirme dans un communiqué que les "personnes impliquées dans les faits de Manduria ne sont pas en communion avec l'Église et n'obéissent pas à sa doctrine et à son magistère. Les deux personnes principalement impliquées manquent de soumission aux directives de l'évêque. L'histoire de l'Église ne recense aucun cas de désobéissance à l'autorité ecclésiastique de la part des personnes concernées par des phénomènes de stigmates, d'apparitions ou d'écoulement de larmes (…)". S'agissant des événements qui se déroulent à Manduria, le communiqué précise : "Ces phénomènes poussent les fidèles à s'éloigner de la tradition de l'Église et de ses vérités. Nous déconseillons, voire interdisons, la participation à ces phénomènes à tous ceux qui veulent continuer de suivre un chemin authentique vers la maturation de leur foi".Du pain béni pour monseigneur Aubry qui estime le 31 mai : "La dévotion dite Notre-Dame de l'Eucharistie" ne peut être diffusée. La statue ne sera pas exposée à la dévotion des fidèles. Elle est gardée en lieu sûr. La statue n'exsudant plus de l'huile, toute huile mise en circulation et présentée comme "miraculeuse" ne peut être que suspecte. Je condamne tout trafic de cette huile, à plus forte raison s'il y avait un commerce organisé. Un phénomène inexpliqué n'est pas nécessairement un "miracle" et ce n'est pas la science qui peut déterminer le miracle. "Nous constatons un phénomène, mais comment l'interpréter ? Il ne s'agit surtout pas de se polariser sur une statue et sur l'huile qu'elle peut donner. Le faire en se bloquant sur la matérialité des faits pourrait d'ailleurs conduire à des formes d'idolâtrie qui serait contraire à notre foi. Le surnaturel chrétien ne se confond pas avec le para-normal. Et toute expérience spirituelle hors du commun suppose d'être vécue dans la discrétion pour éviter les déviations et les dérapages de propagande médiatique. Loin de rechercher des événements extraordinaires, nous avons à vivre la grâce de notre baptême dans la vie ordinaire de tous les jours".L'affaire est donc close. En théorie. Dans la réalité, le 13 juillet 2001, Monseigneur Aubry, agacé par cette histoire, prend la décision de mettre Maurice Maillot à la retraite anticipée. L'Evêché lui reproche sa désobéissance à sa hiérarchie en propageant la dévotion à la Vierge de l'Eucharistie. Aux Lianes, la résistance se met en place, un comité voit le jour présidé par un certain Jean Dany, fidèle et proche du curé de la paroisse. Mais le prélat de la Réunion ne flanche pas. Courant août, le père Maillot quitte sa cure pour sa maison des Lianes à une cinquantaine de mètres de là, laissant la place au père Richard, un jeune Malgache. "Monseigneur est une grâce car il me sera désormais plus facile de propager la dévotion de la Vierge de l'Eucharistie", répond le retraité. Et puis le temps passe, cicatrisant les plaies des uns et des autres.Un an après, que sont devenus les personnages de cette rocambolesque histoire ? Les sœurs Martino, qui sont-elles réellement ? Et Maurice Maillot ? Et l'évêque, campe-t-il toujours sur ses positions ? Nous nous sommes rendus au Port et aux Lianes pour tenter de comprendre. Non pas le phénomène mais plutôt les circonstances.["Je l 'aurai foutue à la mer"]Première étape : la cité portoise, là où tout a commencé. Les sœurs Martino, nous les avons rencontrées. Ou du moins approchées. Jacqueline et Marie-Paule, la soixantaine passée, petites et menues, vivent au Port dans une petite maison d'un étage au 75 de la rue Saint-Paul (ça ne s'invente pas…) où elles sont nées et où a vécu toute la famille. C'est à quelques encablures de la mairie et de la mosquée. Cinq minutes à pied environ. Un quartier tranquille où seuls les aboiements des chiens errants viennent déranger la sieste des riverains.L'une d'elles, à qui nous n'avons pas eu le temps de demander son prénom, nous a reçus derrière son portail gris, refusant catégoriquement de nous parler. "Nous n'avons rien à dire. Voyez tout ça avec monseigneur Aubry, il est le seul habilité à répondre à vos questions", a-t-elle lancé alors qu'elle reprenait l'escalier pour rejoindre sa terrasse, son salon, sa sœur et son chien blanc."Mais la Vierge qui a exsudé de l'huile, elle est toujours là ?". Tout en marchant et sans jeter un coup d'œil à la rue, Mme Martino finit par lancer. "Contactez l'évêché…". Reste que Monseigneur Aubry n'a pas une envie folle de rencontrer les journalistes du Journal de l'île. Pour seule réponse, le prélat, contacté par nos soins, nous a fait remettre les communiqués publiés l'année passée. Merci, mais on les avait déjà… La seule statue que nous apercevrons, c'est la Vierge Marie installée sur un muret sous l'escalier tout près du garage. Et jusqu'à preuve du contraire, elle n'a pas encore coulé…Dans le voisinage, on connaît la famille Martino. L'affaire a fait le tour du quartier. À une dizaine de mètres de leur maison, à l'angle des rues Leconte-de-Lisle et Saint-Paul, est installée une boutique chinoise. L'accueil est plutôt sec. "Nous ne savons rien. C'est bien simple, nous avons appris l'histoire dans les journaux", raconte la propriétaire qui met fin rapidement à la discussion avouant qu'elle est "fâchée depuis des années avec les Martino". Plus bas, au numéro 1, Mme Antoine est une habituée du 75 rue Saint-Paul pour avoir prié la Vierge Manduria avec elles. "J'y suis allée pendant deux ou trois mois. La statue n'avait pas encore coulé. Nous étions une quinzaine, des voisins parfois, à venir une fois par mois le dimanche à 14 h après le déjeuner. On priait dans le salon où plusieurs statues étaient entreposées. Depuis, je n'y suis pas retournée, mon mari était malade et j'ai eu ma famille et mes amis à la maison. Mais je sais qu'elles continuent de prier". Mme Antoine, contrairement aux Martino, n'a participé à aucun pèlerinage en Italie, à Manduria. "Je suis fatiguée et je n'aime pas l'avion" …Des détails sur le couple Martino, plutôt discrètes en réalité, ce n'est guère ici que nous en obtiendrons. Pour cela, il faut aller à la cure, derrière l'église Jeanne-d'Arc, où le père Georges Persée a officié des années durant. Le prêtre a quitté le département pour Villeurbanne, dans la région lyonnaise, pour suivre une formation de cinq ans. "Ce n'est pas une sanction", prévient son ancienne secrétaire, à ce poste depuis quatorze ans. "Mmes Martino, je les vois souvent, elles viennent à la messe de 9 h le dimanche. Elles sont catholiques pratiquantes, proches de l'évêque qu'elles visitent régulièrement. Elles prient beaucoup, vont d'un pèlerinage à l'autre, fréquentent des religieuses pour des retraites, fabriquent des aubes pour les enfants de chœur". L'affaire Manduria, les trois femmes ne l'ont jamais évoquée. "Ça ne m'intéresse pas. Ma foi est plus forte que le simple fait de courir derrière une statue. Je crois au Christ ressuscité, pas en une Vierge qui coule de l'huile. Et puis, étant si croyantes, est-ce qu'elles n'auraient pas pu être victimes de manipulations ? La Vierge a exsudé de l'huile en janvier, au Port, en pleine chaleur. Le matériau est peut-être en cause. En tout cas, le père Persée n'y a jamais cru", assure-t-elle. "Si j'avais été l'évêque, je l'aurai foutue à la mer", conclut-elle.Monseigneur Aubry, qui a confisqué la statue, n'a jamais souhaité révéler le lieu de sa cachette. Longtemps, les fidèles ont attendu le jour des retrouvailles. En vain. Maintes rumeurs ont circulé. La Vierge serait à l'abri chez des Réunionnais ou encore remisée au diocèse, rue de Paris à Saint-Denis, dans un des coffres de l'évêque. Ce que croit la secrétaire du père Persée. "C'est en tout cas ce que l'on raconte", précise-t-elle.Mme Garcin n'y croit pas et, à vrai dire, n'en sait rien. Portoise, proche de l'Église, elle a rencontré les sœurs Martino à maintes reprises avant et après la polémique. "Attention, il n'y a pas eu polémique mais mise au point. Manduria n'est pas reconnue par l'Église catholique. Nous n'avons qu'une seule Vierge, c'est Marie. Seul le Christ est adoré. Aujourd'hui, le sujet est clos".["Jacqueline Farreyrol est venue me voir ..."]Clos… Moins médiatisé plutôt. Car aux Lianes, la Vierge de l'Eucharistie est encore présente dans les esprits. Paisible petit village jusqu'en février 2001 avec son unique pharmacie, sa boutique, son église imposante, ses jolies fleurs et une vue imprenable sur la mer, le site est devenu le lieu de toutes les attentions des semaines durant. Jusqu'à en irriter les paroissiens et même à les diviser entre les pro et les anti-Maillot."Le curé, soit on le détestait franchement, soit on l'adorait", raconte cette jeune commerçante chinoise de la rue Lefèvre, qui avoue avoir été "indifférente. Je n'en ai eu rien à faire. Le père Maillot, il ne vient jamais ici de toutes façons", renchérit-elle. Sa mère est aux Lianes depuis quarante ans. Le prêtre, elle le connaît. "Je l'ai vu quelquefois. J'ai entendu dire qu'il avait refusé le baptême à certains enfants et le mariage aussi. Il est assez spécial cet homme".Sylvette ne la contredira pas. Catholique pratiquante, cette Réunionnaise de souche, qui a vécu à Saint-Paul jusqu'en 1989, habite à quelques mètres de chez le père Maillot. Coiffée d'un chapeau de paille, Sylvette taille ses haies. "Je ne peux rien dire. Nous sommes fâchés. Et puis, mon mari ne veut pas que je parle", prévient-elle à voix basse. Sur Manduria, la jardinière peut au moins dire qu'elle n'y croit pas du tout. "Je crois en Dieu. Si la Vierge avait voulu nous faire un signe, elle aurait fait autrement", assure-t-elle certifiant ne s'être jamais rendue à la sacristie où était présentée Manduria. Finalement, elle lâche un portrait succinct du curé : "Il est repoussant, pas très agréable. C'est vrai, il a refusé le baptême et des mariages à des personnes divorcées. Il refuse la communion dans la main, prétextant que c'est sale. C'est la première fois que je vois ça. À la messe, avec le nouveau prêtre, c'est vivant. Lui, ne rabâche pas les thèses de Manduria".À la mairie annexe où travaillent Marie-Anne et Catherine, les commentaires sont plus sympathiques à l'égard du père Maillot. Les deux femmes, adeptes de Manduria, n'ont "rien à lui reprocher". L'une d'elles a même été baptisée par le curé des Lianes. "Il est têtu mais gentil. Parfois, il faut utiliser les bons mots pour parler aux gens. Certains ont été durs avec lui", estime Catherine. Marie-Anne reconnaît pour sa part "prier la Vierge Manduria. Mais l'huile qui coule, je veux voir avant d'y croire".Aux Lianes, les fidèles sont peu nombreux à pouvoir dire qu'ils ont assisté à l'exsudation de la statue. Maurice Maillot a vu. Nous l'avons rencontré chez lui au 13 de la rue Lefèvre. Depuis août 2001, le septuagénaire, 72 ans, né au Tampon, vit dans une imposante maison pourvu d'un grand jardin fleuri. "Ça fait vingt ans que je travaille dessus", déclare-t-il. Premier entretien dans son bureau au cours de laquelle l'homme d'Église rappelle les faits en dénonçant rapidement le comportement "odieux" de Monseigneur Aubry."Sait-il au moins les conséquences quand on refuse une grâce ? Il ne se rend certainement pas compte. À ce niveau-là, c'est de l'orgueil", affirme-t-il. "Je suis soulagé d'être à la retraite. Je peux me consacrer à la Vierge Manduria. L'année dernière, pour la première fois, j'ai pu partir en pèlerinage avec des fidèles", raconte le curé. C'est au cours de ce voyage qu'il a d'ailleurs ramené une nouvelle statue. "Je ne suis pas seul. Un autre prêtre de l'île en a commandé une. Mais je ne peux rien dire, il subirait le même sort que moi", lance-t-il. "Ont-elles exsudé de l'huile ?" "Non, pas du tout", répond-il. "Et la première Vierge, où est-elle ? À l'évêché ?". "Je ne sais pas. On aurait dû suivre l'huissier, on le saurait et on la rendrait aux fidèles". "Les sœurs Martino, vous avez encore des contacts avec elles ?" "C'est terminé. Elles m'ont trompé. Elles ont prévenu l'évêque et ont raconté tout un tas de choses sur moi. C'était faux". "Un commerce a tout de même été organisé…". "Non. J'ai refait faire des photos. Un paroissien s'occupait de les vendre. Je n'ai pas fait de bénéfices là-dessus…". "Et l'huile ?". "C'était gratuit. Toute huile vendue perd son caractère sacré. Monseigneur Aubry le sait, il aurait dû l'expliquer, ça… Les gens venaient avec leur bouteille d'huile obligatoirement d'olive vierge et je versais neuf gouttes recueillies sur la statue. Neuf, car c'est le temps de gestation d'un être humain dans le ventre de sa mère. Elle soulage et peut guérir. Jacqueline Farreyrol est même venue me voir", assure le curé. Le père Maillot a oublié qu'en juillet 2001, nous nous étions rendus chez lui pour vérifier ses dires, une bouteille d'huile des plus ordinaires à la main et achetée à la boutique des Lianes au bas de sa rue… Elle n'avait rien de vierge ! Mais il n'en savait rien, l'étiquette avait été préalablement retirée.Après l'entrevue, passage dans une autre pièce où le prêtre a installé des photos de Débora et de la Vierge. La statue de Marie est là aussi. Au cours de l'entretien, le père Maillot s'interrompt quelques secondes, muet et les yeux ouverts. "Un message", lance-t-il…La visite se terminera à l'étage, dans une chapelle où le prêtre a l'habitude de se recueillir tous les matins après la messe qu'il anime à 7 h 30. Sur l'autel : la Vierge de l'Eucharistie. "Les fidèles peuvent la voir et prier". Depuis cette affaire, l'ancien curé des Lianes n'est pas descendu à l'église Sainte-Geneviève. "Je reste chez moi, cloîtré et heureux". Une dévotion en silence loin des tracasseries. Jusqu'à la prochaine exsudation aux Lianes…
En 2001, l'écart des Lianes, dans les hauts de Saint-Joseph, avait été le théâtre d'une sacrée histoire. Le curé réclamait le retour de la vierge de Manduria confisquée par l'évêque. Cette statue, appartenant à une famille portoise, avait exsudé de l'huile dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2001 sans explication aucune. Sauf pour les fidèles qui y ont vu un miracle et un signe… L'Église elle, ne reconnaît pas le phénomène. Une année plus tard, la Vierge est toujours à l'abri et le prêtre à la retraite, pour désobéissance tandis que les pratiquantes portoises conservent le silence, à l'instar de Monseigneur. Mais l'esprit de Manduria est toujours là, animant nombre de dévots. Retour sur cette affaire.
Mets de l'huile… Avertissement préalable, il n'est pas question ici de parler cuisine, plats en sauce, gastronomie provençale ou bien encore du groupe montpelliérain Régliss auteur de la chanson "Mets de l'huile". Mais de religion. Alors du recueillement s'il vous plaît ! Et de l'attention. Car l'histoire évoquée est un peu complexe. Elle prend sa source aux Lianes, petit écart de quatre cents âmes, sur les hauteurs de Saint-Joseph. À neuf kilomètres très exactement.Pour y accéder, il faut monter, monter et monter encore à travers les champs de canne à sucre, les regroupements de petites cases créoles, sur une route en lacets. De là-haut, la vue sur la mer est belle. Mieux encore : superbe. Mais ne nous égarons pas, le sujet est religieux…[Miracle, appel, scepticisme ...]Autour de cette histoire, gravitent quantité de personnages : deux sœurs bigotes, un curé en fin de carrière pas toujours aimé de ses paroissiens, un évêque jugé peu conciliant et autoritaire… Et surtout Manduria : une Vierge de blanc vêtue, en plâtre, haute de 70 centimètres, coiffée d'une couronne dorée, qui s'est fait connaître dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2001. La statue, à la Réunion depuis mars 2000 et hébergée dans une famille portoise dont on sait peu de choses à l'époque, s'est mise à exsuder de l'huile de manière inexpliquée. Enfin, pas pour ses fidèles. Des mois durant, beaucoup d'encre a coulé…Manduria est une localité de 45 000 habitants située dans le talon de la botte de l'Italie. C'est ici, selon les légendes, que Pierre débarqua en 43 avant Jésus-Christ avec son frère Marc l'évangéliste. L'église San Pietro in Bevangna, sur la côte, conserve d'ailleurs dans la crypte située derrière l'autel la pierre sur laquelle l'apôtre célébra l'Eucharistie.C'est sur ce site que, tous les 23 de chaque mois, une jeune voyante italienne, Debora, étudiante en droit, recevrait des messages de la Vierge de Manduria à travers des apparitions. Le début de cette relation divine remonterait selon Debora au 20 mai 1992 lorsqu'une voix mystérieuse résonna dans son cœur : "Fille, regarde l'horizon et tu verras que ta route n'est pas celle-là, mais une autre". Tout va ensuite très vite : pèlerinage, nouveaux messages de l'au-delà, rencontre avec Marie le 23 octobre, annonciation le 10 novembre et tour du monde pour la voyante qui, de pays en pays, prêche la bonne parole de Manduria, Vierge de l'Eucharistie. Un détail : à ce jour, l'Église n'a pas reconnu ce phénomène.Son périple a conduit la jeune femme à la Réunion où elle a séjourné durant une semaine en mars 2000 : à Saint-Louis, 3 000 personnes avaient assisté à la séance de prières. À cette époque, l'évêque Monseigneur Aubry demanda aux prêtres d'éviter une "nouvelle propagande" autour de la visite de Débora. Dans le département, les fidèles de Manduria sont nombreux. Pas de chiffre précis mais une certitude : chaque paroisse de l'île compte un petit groupe de fervents.Au Port par exemple. Les pratiquants, qui se réunissent le dimanche après-midi chez Jacqueline et Marie-Paule Martino, décident courant 2000 de se cotiser pour acheter une statue de la vierge Manduria. Elle est rapidement installée dans le salon entourée de fleurs, de bougies et de photos.Les deux sœurs sont en contact régulier avec le père Maurice Maillot, curé depuis trente-six ans de la paroisse des Lianes à Saint-Joseph et dévot de Manduria. Lui-même a rencontré Débora. À la sacristie de l'église Sainte-Geneviève, le curé a installé des photos de la voyante reçue par le pape Jean-Paul II au Vatican, ou encore celles du Christ, de Notre-Dame de Fatima. Une statue de la vierge de l'Eucharistie trône sur l'autel. Le père Maillot et quelques-uns de ses paroissiens ont l'habitude de s'y recueillir. Sans publicité, mais pas clandestinement non plus. Leur train-train quotidien va être bousculé dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2001 lorsque la statue du Port se met subitement à exsuder de l'huile.Pour les fidèles, il n'y a pas de doute : "Ce signe est un appel". Pour le prêtre des Lianes, il s'agit d'un "miracle". Ce dernier se rend chez les Martino, prend quelques photos "à usage personnel" et recueille quelques gouttes d'huile dans un flacon. Ce sera la dernière visite de Maurice Maillot dans la cité portoise. L'évêque, mis au courant le 23 janvier par le curé du Port Antide Payet de la paroisse Sainte-Jeanne d'Arc, est quant à lui sceptique. Le prélat demande une enquête qu'il confie au père Georges Persée, officiant lui aussi au Port, sur la base de quatorze questions rédigées par Gilbert Aubry. Le 15 février, un prélèvement de liquide est opéré pour des analyses dans un laboratoire de Montpellier (Hérault) et des radiographies de la statue sont réalisées. Deux opérations menées sous contrôle d'un huissier.["Maillot-Aubry, le conflit]Pendant ce temps, aux Lianes, le père Maillot organise des rassemblements dans sa sacristie et un commerce juteux : photos, chapelets, huile sainte. À la messe, le curé évoque le miracle devant un parterre de convaincus. La polémique prends corps. Le père René Payet de Bras-Panon prend la plume et dénonce dans une tribune libre cette "machination spirituelle" : "Je suis prêtre, je ne suis pas contre les dévotions. Je voudrais simplement rappeler aux baptisés de notre Eglise de la Réunion, dite catholique, qu'il y a un essentiel de la foi, c'est Jésus et sa bonne nouvelle et l'amour qui nous rassemble en Eglise dans l'esprit qui nous rend capables de la vivre", explique-t-il. Un message destiné à l'évêque dans lequel le curé de Bras-Panon appelle monseigneur Aubry à assumer ses responsabilités. Le prélat ne reste pas sourd très longtemps aux suppliques. D'autant qu'au Port, les Martino ont du mal à gérer l'affluence des fidèles et les appels téléphoniques. La Vierge est confisquée, retirée de la commune de l'Ouest et tenue dans un lieu secret. Maurice Maillot s'emporte, soupçonne l'évêque de conserver la Vierge de l'Eucharistie chez lui et l'accuse dans la foulée d'entretenir des "relations étroites avec les milieux franc-maçons" … Rien à voir… Réponse de monseigneur Aubry qui appelle au "plus grand calme". "L'essentiel, c'est de vivre la foi de l'Église et de mieux vivre le commandement d'amour laissé par le Christ", assure-t-il. De la cure, le père des Lianes exige le retour de la statue et les résultats du laboratoire de Montpellier. L'attente ne sera pas longue. "L'échantillon présente la composition analytique d'une huile extra vierge". D'une rare pureté. Dixit les experts métropolitains le 13 avril.Trois semaines plus tard, le 2 mai, le père Georges Persée remet son rapport à l'évêque. "Après avoir fait subir à la statue des examens d'échographie qui ne révèlent aucune canalisation interne, et sachant de raison que du plâtre il ne peut sortir de l'huile, ce phénomène est inexpliqué", écrit Georges Persée. De l'huile, d'ailleurs, il n'en coule plus sur la statue, depuis le 4 mai.Au même moment, le secrétariat pastoral du diocèse d'Oria affirme dans un communiqué que les "personnes impliquées dans les faits de Manduria ne sont pas en communion avec l'Église et n'obéissent pas à sa doctrine et à son magistère. Les deux personnes principalement impliquées manquent de soumission aux directives de l'évêque. L'histoire de l'Église ne recense aucun cas de désobéissance à l'autorité ecclésiastique de la part des personnes concernées par des phénomènes de stigmates, d'apparitions ou d'écoulement de larmes (…)". S'agissant des événements qui se déroulent à Manduria, le communiqué précise : "Ces phénomènes poussent les fidèles à s'éloigner de la tradition de l'Église et de ses vérités. Nous déconseillons, voire interdisons, la participation à ces phénomènes à tous ceux qui veulent continuer de suivre un chemin authentique vers la maturation de leur foi".Du pain béni pour monseigneur Aubry qui estime le 31 mai : "La dévotion dite Notre-Dame de l'Eucharistie" ne peut être diffusée. La statue ne sera pas exposée à la dévotion des fidèles. Elle est gardée en lieu sûr. La statue n'exsudant plus de l'huile, toute huile mise en circulation et présentée comme "miraculeuse" ne peut être que suspecte. Je condamne tout trafic de cette huile, à plus forte raison s'il y avait un commerce organisé. Un phénomène inexpliqué n'est pas nécessairement un "miracle" et ce n'est pas la science qui peut déterminer le miracle. "Nous constatons un phénomène, mais comment l'interpréter ? Il ne s'agit surtout pas de se polariser sur une statue et sur l'huile qu'elle peut donner. Le faire en se bloquant sur la matérialité des faits pourrait d'ailleurs conduire à des formes d'idolâtrie qui serait contraire à notre foi. Le surnaturel chrétien ne se confond pas avec le para-normal. Et toute expérience spirituelle hors du commun suppose d'être vécue dans la discrétion pour éviter les déviations et les dérapages de propagande médiatique. Loin de rechercher des événements extraordinaires, nous avons à vivre la grâce de notre baptême dans la vie ordinaire de tous les jours".L'affaire est donc close. En théorie. Dans la réalité, le 13 juillet 2001, Monseigneur Aubry, agacé par cette histoire, prend la décision de mettre Maurice Maillot à la retraite anticipée. L'Evêché lui reproche sa désobéissance à sa hiérarchie en propageant la dévotion à la Vierge de l'Eucharistie. Aux Lianes, la résistance se met en place, un comité voit le jour présidé par un certain Jean Dany, fidèle et proche du curé de la paroisse. Mais le prélat de la Réunion ne flanche pas. Courant août, le père Maillot quitte sa cure pour sa maison des Lianes à une cinquantaine de mètres de là, laissant la place au père Richard, un jeune Malgache. "Monseigneur est une grâce car il me sera désormais plus facile de propager la dévotion de la Vierge de l'Eucharistie", répond le retraité. Et puis le temps passe, cicatrisant les plaies des uns et des autres.Un an après, que sont devenus les personnages de cette rocambolesque histoire ? Les sœurs Martino, qui sont-elles réellement ? Et Maurice Maillot ? Et l'évêque, campe-t-il toujours sur ses positions ? Nous nous sommes rendus au Port et aux Lianes pour tenter de comprendre. Non pas le phénomène mais plutôt les circonstances.["Je l 'aurai foutue à la mer"]Première étape : la cité portoise, là où tout a commencé. Les sœurs Martino, nous les avons rencontrées. Ou du moins approchées. Jacqueline et Marie-Paule, la soixantaine passée, petites et menues, vivent au Port dans une petite maison d'un étage au 75 de la rue Saint-Paul (ça ne s'invente pas…) où elles sont nées et où a vécu toute la famille. C'est à quelques encablures de la mairie et de la mosquée. Cinq minutes à pied environ. Un quartier tranquille où seuls les aboiements des chiens errants viennent déranger la sieste des riverains.L'une d'elles, à qui nous n'avons pas eu le temps de demander son prénom, nous a reçus derrière son portail gris, refusant catégoriquement de nous parler. "Nous n'avons rien à dire. Voyez tout ça avec monseigneur Aubry, il est le seul habilité à répondre à vos questions", a-t-elle lancé alors qu'elle reprenait l'escalier pour rejoindre sa terrasse, son salon, sa sœur et son chien blanc."Mais la Vierge qui a exsudé de l'huile, elle est toujours là ?". Tout en marchant et sans jeter un coup d'œil à la rue, Mme Martino finit par lancer. "Contactez l'évêché…". Reste que Monseigneur Aubry n'a pas une envie folle de rencontrer les journalistes du Journal de l'île. Pour seule réponse, le prélat, contacté par nos soins, nous a fait remettre les communiqués publiés l'année passée. Merci, mais on les avait déjà… La seule statue que nous apercevrons, c'est la Vierge Marie installée sur un muret sous l'escalier tout près du garage. Et jusqu'à preuve du contraire, elle n'a pas encore coulé…Dans le voisinage, on connaît la famille Martino. L'affaire a fait le tour du quartier. À une dizaine de mètres de leur maison, à l'angle des rues Leconte-de-Lisle et Saint-Paul, est installée une boutique chinoise. L'accueil est plutôt sec. "Nous ne savons rien. C'est bien simple, nous avons appris l'histoire dans les journaux", raconte la propriétaire qui met fin rapidement à la discussion avouant qu'elle est "fâchée depuis des années avec les Martino". Plus bas, au numéro 1, Mme Antoine est une habituée du 75 rue Saint-Paul pour avoir prié la Vierge Manduria avec elles. "J'y suis allée pendant deux ou trois mois. La statue n'avait pas encore coulé. Nous étions une quinzaine, des voisins parfois, à venir une fois par mois le dimanche à 14 h après le déjeuner. On priait dans le salon où plusieurs statues étaient entreposées. Depuis, je n'y suis pas retournée, mon mari était malade et j'ai eu ma famille et mes amis à la maison. Mais je sais qu'elles continuent de prier". Mme Antoine, contrairement aux Martino, n'a participé à aucun pèlerinage en Italie, à Manduria. "Je suis fatiguée et je n'aime pas l'avion" …Des détails sur le couple Martino, plutôt discrètes en réalité, ce n'est guère ici que nous en obtiendrons. Pour cela, il faut aller à la cure, derrière l'église Jeanne-d'Arc, où le père Georges Persée a officié des années durant. Le prêtre a quitté le département pour Villeurbanne, dans la région lyonnaise, pour suivre une formation de cinq ans. "Ce n'est pas une sanction", prévient son ancienne secrétaire, à ce poste depuis quatorze ans. "Mmes Martino, je les vois souvent, elles viennent à la messe de 9 h le dimanche. Elles sont catholiques pratiquantes, proches de l'évêque qu'elles visitent régulièrement. Elles prient beaucoup, vont d'un pèlerinage à l'autre, fréquentent des religieuses pour des retraites, fabriquent des aubes pour les enfants de chœur". L'affaire Manduria, les trois femmes ne l'ont jamais évoquée. "Ça ne m'intéresse pas. Ma foi est plus forte que le simple fait de courir derrière une statue. Je crois au Christ ressuscité, pas en une Vierge qui coule de l'huile. Et puis, étant si croyantes, est-ce qu'elles n'auraient pas pu être victimes de manipulations ? La Vierge a exsudé de l'huile en janvier, au Port, en pleine chaleur. Le matériau est peut-être en cause. En tout cas, le père Persée n'y a jamais cru", assure-t-elle. "Si j'avais été l'évêque, je l'aurai foutue à la mer", conclut-elle.Monseigneur Aubry, qui a confisqué la statue, n'a jamais souhaité révéler le lieu de sa cachette. Longtemps, les fidèles ont attendu le jour des retrouvailles. En vain. Maintes rumeurs ont circulé. La Vierge serait à l'abri chez des Réunionnais ou encore remisée au diocèse, rue de Paris à Saint-Denis, dans un des coffres de l'évêque. Ce que croit la secrétaire du père Persée. "C'est en tout cas ce que l'on raconte", précise-t-elle.Mme Garcin n'y croit pas et, à vrai dire, n'en sait rien. Portoise, proche de l'Église, elle a rencontré les sœurs Martino à maintes reprises avant et après la polémique. "Attention, il n'y a pas eu polémique mais mise au point. Manduria n'est pas reconnue par l'Église catholique. Nous n'avons qu'une seule Vierge, c'est Marie. Seul le Christ est adoré. Aujourd'hui, le sujet est clos".["Jacqueline Farreyrol est venue me voir ..."]Clos… Moins médiatisé plutôt. Car aux Lianes, la Vierge de l'Eucharistie est encore présente dans les esprits. Paisible petit village jusqu'en février 2001 avec son unique pharmacie, sa boutique, son église imposante, ses jolies fleurs et une vue imprenable sur la mer, le site est devenu le lieu de toutes les attentions des semaines durant. Jusqu'à en irriter les paroissiens et même à les diviser entre les pro et les anti-Maillot."Le curé, soit on le détestait franchement, soit on l'adorait", raconte cette jeune commerçante chinoise de la rue Lefèvre, qui avoue avoir été "indifférente. Je n'en ai eu rien à faire. Le père Maillot, il ne vient jamais ici de toutes façons", renchérit-elle. Sa mère est aux Lianes depuis quarante ans. Le prêtre, elle le connaît. "Je l'ai vu quelquefois. J'ai entendu dire qu'il avait refusé le baptême à certains enfants et le mariage aussi. Il est assez spécial cet homme".Sylvette ne la contredira pas. Catholique pratiquante, cette Réunionnaise de souche, qui a vécu à Saint-Paul jusqu'en 1989, habite à quelques mètres de chez le père Maillot. Coiffée d'un chapeau de paille, Sylvette taille ses haies. "Je ne peux rien dire. Nous sommes fâchés. Et puis, mon mari ne veut pas que je parle", prévient-elle à voix basse. Sur Manduria, la jardinière peut au moins dire qu'elle n'y croit pas du tout. "Je crois en Dieu. Si la Vierge avait voulu nous faire un signe, elle aurait fait autrement", assure-t-elle certifiant ne s'être jamais rendue à la sacristie où était présentée Manduria. Finalement, elle lâche un portrait succinct du curé : "Il est repoussant, pas très agréable. C'est vrai, il a refusé le baptême et des mariages à des personnes divorcées. Il refuse la communion dans la main, prétextant que c'est sale. C'est la première fois que je vois ça. À la messe, avec le nouveau prêtre, c'est vivant. Lui, ne rabâche pas les thèses de Manduria".À la mairie annexe où travaillent Marie-Anne et Catherine, les commentaires sont plus sympathiques à l'égard du père Maillot. Les deux femmes, adeptes de Manduria, n'ont "rien à lui reprocher". L'une d'elles a même été baptisée par le curé des Lianes. "Il est têtu mais gentil. Parfois, il faut utiliser les bons mots pour parler aux gens. Certains ont été durs avec lui", estime Catherine. Marie-Anne reconnaît pour sa part "prier la Vierge Manduria. Mais l'huile qui coule, je veux voir avant d'y croire".Aux Lianes, les fidèles sont peu nombreux à pouvoir dire qu'ils ont assisté à l'exsudation de la statue. Maurice Maillot a vu. Nous l'avons rencontré chez lui au 13 de la rue Lefèvre. Depuis août 2001, le septuagénaire, 72 ans, né au Tampon, vit dans une imposante maison pourvu d'un grand jardin fleuri. "Ça fait vingt ans que je travaille dessus", déclare-t-il. Premier entretien dans son bureau au cours de laquelle l'homme d'Église rappelle les faits en dénonçant rapidement le comportement "odieux" de Monseigneur Aubry."Sait-il au moins les conséquences quand on refuse une grâce ? Il ne se rend certainement pas compte. À ce niveau-là, c'est de l'orgueil", affirme-t-il. "Je suis soulagé d'être à la retraite. Je peux me consacrer à la Vierge Manduria. L'année dernière, pour la première fois, j'ai pu partir en pèlerinage avec des fidèles", raconte le curé. C'est au cours de ce voyage qu'il a d'ailleurs ramené une nouvelle statue. "Je ne suis pas seul. Un autre prêtre de l'île en a commandé une. Mais je ne peux rien dire, il subirait le même sort que moi", lance-t-il. "Ont-elles exsudé de l'huile ?" "Non, pas du tout", répond-il. "Et la première Vierge, où est-elle ? À l'évêché ?". "Je ne sais pas. On aurait dû suivre l'huissier, on le saurait et on la rendrait aux fidèles". "Les sœurs Martino, vous avez encore des contacts avec elles ?" "C'est terminé. Elles m'ont trompé. Elles ont prévenu l'évêque et ont raconté tout un tas de choses sur moi. C'était faux". "Un commerce a tout de même été organisé…". "Non. J'ai refait faire des photos. Un paroissien s'occupait de les vendre. Je n'ai pas fait de bénéfices là-dessus…". "Et l'huile ?". "C'était gratuit. Toute huile vendue perd son caractère sacré. Monseigneur Aubry le sait, il aurait dû l'expliquer, ça… Les gens venaient avec leur bouteille d'huile obligatoirement d'olive vierge et je versais neuf gouttes recueillies sur la statue. Neuf, car c'est le temps de gestation d'un être humain dans le ventre de sa mère. Elle soulage et peut guérir. Jacqueline Farreyrol est même venue me voir", assure le curé. Le père Maillot a oublié qu'en juillet 2001, nous nous étions rendus chez lui pour vérifier ses dires, une bouteille d'huile des plus ordinaires à la main et achetée à la boutique des Lianes au bas de sa rue… Elle n'avait rien de vierge ! Mais il n'en savait rien, l'étiquette avait été préalablement retirée.Après l'entrevue, passage dans une autre pièce où le prêtre a installé des photos de Débora et de la Vierge. La statue de Marie est là aussi. Au cours de l'entretien, le père Maillot s'interrompt quelques secondes, muet et les yeux ouverts. "Un message", lance-t-il…La visite se terminera à l'étage, dans une chapelle où le prêtre a l'habitude de se recueillir tous les matins après la messe qu'il anime à 7 h 30. Sur l'autel : la Vierge de l'Eucharistie. "Les fidèles peuvent la voir et prier". Depuis cette affaire, l'ancien curé des Lianes n'est pas descendu à l'église Sainte-Geneviève. "Je reste chez moi, cloîtré et heureux". Une dévotion en silence loin des tracasseries. Jusqu'à la prochaine exsudation aux Lianes…
Joannes Maria- Gloire à toi Seigneur Jésus-Christ
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