Les précautions
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Les précautions
On demanda un jour à un philosophe quel était l’art le plus grand et le plus estimable de tous. C’est répondit-il, l’art de régner, de gouverner les peuples, les provinces, les villes et les familles ; l’art de conserver la santé du corps et de régler les passions de l’âme : on pourrait ajouter l’art de faire son salut, l’art d’éviter le péché et l’enfer, l’art d’acquérir les vertus et de conquérir le Ciel.
On est encore assez attentif à prendre ses précautions dans les affaires du monde ; il n y a que dans l’affaire du salut qu’on ne prend aucune précaution.
Quand un voyageur rencontre en son chemin un endroit dangereux : il marche avec circonspection, et il observe tous ses pas. Si vous étiez obligé de traverser un champ de gazon et de fleurs que vous sauriez être plein de fosses cachées et d’abîmes couverts, où il est aisé de tomber, et d’où il est impossible de se retirer, quand on y est une fois tombé, je vous le demande, marcheriez-vous dans ce champ sans crainte, sans attention, sans regarder où vous mettriez les pieds ? Mais si, en y marchant avec d’autres, vous en aviez déjà vu plusieurs tomber à vos côtés, et disparaître pour toujours, ne seriez-vous pas saisi d’effroi, et ne redoubleriez-vous pas votre attention ? Mais si quelqu’un de ceux qui marchent avec vous, quoique instruit comme vous, aimait mieux mépriser le danger, que de prendre la peine de l’éviter, si vous le voyiez marcher hardiment de tous côtés, danser, sauter, rire, folâtrer, ne jureriez-vous pas qu’il a l’esprit dérangé ? Voudriez-vous prendre sa conduite pour le modèle de la vôtre ? Hélas ! votre voisin a disparu de dessus la terre, et est entré dans son éternité ; votre frère est caché sous, sa tombe, il a subi son jugement et ne reparaîtra plus, et vous ne tremblez pas, et vous, ne vous précautionnez pas ? Voyez les Justes comme ils tremblent et s’observent. Mais, dites-vous, combien d’autres marchent sans rien craindre ? C’est donc ceux-là que vous prenez pour modèles.
Quand on sait qu’une route est infestée de voleurs et d’assassins, on n’y passe pas ; ou si la nécessité nous force d’y passer, on ne va point sans être bien armé et bien accompagné, et, à chaque pas, au moindre bruit, on se tient sur ses gardes : vous, au contraire, vous vous jetez dans les occasions les plus dangereuses, sans nécessité, sans crainte, sans armes et sans défense : quelle merveille que vous y périssiez !
Quand il court une maladie épidémique, on se munit de remèdes et d’antidotes. Quand on entend dire que la peste est dans un pays voisin, on garde les frontières pour ne rien laisser entrer de contagieux, et vous, au milieu d’un air corrompu, vous ne prenez aucune précaution, vous n’employez aucune pénitence, ni jeûne, ni mortification, ni prière, ni oraison ; quoique environné d’un air contagieux, vous ne mettez aucun garde à la porte de vos sens ; vous y laissez entrer toutes sortes d’objets ; vous recevez dans votre maison, livres, chansons, portraits, et tout ce qui renferme le poison le plus subtil ; comment après cela ne pas périr !
Quand on craint ou la disette, ou la famine, on se précautionne, on fait ses provisions et, si cela ne suffit pas, on quitte son pays, pour chercher ailleurs sa subsistance et ne pas mourir de faim. Faites donc d’abondantes provisions dans la prière et dans les Sacrements ; et s’il est nécessaire, séparez-vous de ce monde, pour vous procurer la nourriture du pain céleste, dont le monde ne fait plus, ou n’ose plus faire usage.
Quand le feu est dans un quartier de la ville, tous les voisins tremblent, et prennent leurs précautions. Le feu de l’enfer dévore actuellement plusieurs de vos semblables, il s’avance vers vous ; il est sur le point de vous atteindre, et vous ne tremblez pas ! Et vous ne prenez aucune mesure !
Quand une bête féroce et inconnue ravage le pays et dévore les hommes, chacun tremble pour soi et se tient sur ses gardes. Le démon, comme un lion furieux, rode de toutes parts, cherchant qui dévorer ; tous les jours il en surprend quelqu’un et l’entraîne dans l’enfer. Peut-être que vous êtes déjà en son pouvoir, et vous vous laissez entraîner sans cris et sans résistance !
Quand on traverse un torrent sur une planche, ou un bourbier sur des. Pierres, on est attentif à regarder où l’on met le pied : marchez donc avec crainte dans la voie étroite des Commandements de Dieu ; et, pour ce qui regarde la foi, appuyez-vous sur la pierre solide et inébranlable de l’Église.
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