Le pape Francois : 5è année rubrique Article ( suite )
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Le pape Francois : 5è année rubrique Article ( suite )
Un n° spécial de famille chrétienne ( suite ) Permettez moi de déposer ces articles ici
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Quatre ans de pontificat : François, le pape qui bouscule Par Aymeric Pourbaix
07/03/2017 N°2043
Depuis son élection le 13 mars 2013, le pape François a entamé tambour battant une réforme spirituelle en profondeur de l’Église, qui prend à rebours certains catholiques de la vieille Europe. Analyse.
Repères
« L’eucharistie est le mémorial de notre foi, ce qui nous situe toujours de nouveau, quotidiennement, dans l’événement fondamental de notre salut, dans la Passion, la mort et la résurrection du Seigneur, centre et pivot de l’histoire. Toujours revenir à ce mémorial […], c’est progresser dans la foi. Comme le disait saint Alberto Hurtado : “La messe est ma vie et ma vie est une messe prolongée.” »
Le pape François aux prêtres de Rome, le 2 mars 2017
C’est un fait : le pape François bouscule. Au point qu’il soit de bon ton ces temps-ci de dessiner un front d’oppositions conservatrices au pontife, prêt à tout pour le déstabiliser. Scénario commode, car il entretient la vieille querelle des progressistes et des conservateurs au sein de l’Église. Et qui comporte aussi l’avantage d’éviter à chacun les remises en question personnelles… Mieux vaut donc s’en tenir aux faits, pour comprendre ce que le pape dit vraiment, plutôt que de tout analyser, de part et d’autre de l’Église, à la lueur d’un prisme trop exclusivement politique, pour ne pas dire idéologique.
Pour cela, il existe un document qui fera certainement date : celui prononcé par le souverain pontife devant des religieux le 25 novembre dernier, à cœur ouvert, c’est-à-dire sans discours préparé, comme celui lui arrive très souvent lorsqu’il se trouve face au clergé – signe de l’importance qu’il lui accorde ! Dans cette rencontre, il est notamment question des nouveaux instituts religieux, dont le pape dit qu’ils sont, en général, une bonne chose. Puis, il énumère les problèmes observés chez certains, sans les nommer : « Quelques-uns d’entre eux se présentent comme une grande nouveauté, ils semblent exprimer une grande force apostolique, ils attirent beaucoup de monde et puis… ils échouent. Parfois, on découvre même que derrière tout cela, il y avait des choses scandaleuses… »
Mais, comme souvent avec ce pontife, la fine pointe est ailleurs que dans les formules chocs. Elle se trouve à la fin de son propos : « Quand on me dit qu’une congrégation attire de nombreuses vocations, je l’avoue, cela me préoccupe. L’Esprit ne fonctionne pas avec la logique du succès humain : Il a une autre manière de faire. […] L’Esprit Saint n’est pas triomphaliste. » Vu d’Europe et sorti de son contexte, ce discours pourrait être considéré comme une remise en cause des communautés nouvelles, voire une négation du manque cruel de vocations, pourtant nécessaires au renouveau. Sauf que, dans la même intervention, le pape exprime ouvertement sa préoccupation quant à la baisse des vocations « en Occident ». Il s’apprête aussi à célébrer les 50 ans du Renouveau. À y perdre son latin…
Il faut donc comprendre, à travers un style oral parfois déroutant, ce que le chef de l’Église catholique avait, du reste, déjà exprimé à d’autres religieux lors de son périple mémorable et dense (dix-huit discours en cinq jours) aux États-Unis : que « la Croix nous montre un moyen différent de mesurer le succès ». Ou encore en 2013, à la chapelle Sainte-Marthe, que sans la Croix, « il n’y a pas d’œuvre apostolique féconde ».
Des discours à la forme « explosive »
Il est vrai que dans la forme, les discours du pape sont parfois « explosifs », remarque avec un sourire le Père Bruno Secondin, carme italien qui a prêché la retraite de Carême au pape et à la Curie romaine en 2015. Surtout lorsqu’il met en cause la mondanité. Ainsi, en septembre 2016, devant quelque cent cinquante nouveaux évêques du monde entier : « Le monde est fatigué des charmeurs menteurs. Et je me permets de dire, des “prêtres à la mode” ou des “évêques à la mode”. »
Au point de déstabiliser ses propres troupes ? Il faut alors se souvenir que le pape François sait aussi, à l’occasion, se montrer un pasteur attentif, en téléphonant et prenant des nouvelles de tel religieux atteint d’un cancer. Ou encore, en prêchant en juin 2016 une retraite à Rome à six mille prêtres pour l’Année sainte de la Miséricorde, à la veille de la fête du Sacré-Cœur. « Une des choses qui m’émeut le plus, avait-il alors confié, c’est la confession d’un prêtre », donnant lui-même par avance l’exemple, en se confessant à la basilique Saint-Pierre en 2014. Malgré leurs limites et leurs péchés, les prêtres ont la certitude d’être choisis et aimés de Dieu, leur avait-il encore assuré, touchant ainsi le cœur de nombre d’entre eux.
Il reste que le pape François est un adepte de ce qu’il a lui-même appelé l’Évangile « sans calmant ». À peine élu, il marque les esprits : « Celui qui ne prie pas Dieu prie le diable », affirme-t-il pour sa première homélie en tant que pape, le 29 mars 2013, devant les cardinaux, citant Léon Bloy. Pour un vaticaniste chevronné comme Andrea Tornielli, c’est même une surprise : « Dans sa première année de pontificat, il en a parlé à lui seul plus que les deux pontifes précédents », observe-t-il. Cette « marque de fabrique » ne s’est pas estompée depuis. Il répétera début 2017, lors d’une de ses savoureuses homélies matinales, que « face à la tentation, on ne discute pas avec Satan », on « prie ! ».
Quoiqu’on le présente parfois comme révolutionnaire, se dessine ainsi une vision très « traditionnelle » chez ce successeur de Pierre, explique Andrea Tornielli, que le journaliste traduit comme un appel à retrouver l’essentiel et à « être chrétien jusqu’au bout ». « Car le problème, ajoute-t-il, pour les chrétiens de tous les temps, c’est qu’on transforme la religion en une ONG, comme l’a dit le pape lui-même,ou en une simple règle des bonnes manières. »
Vive conscience de la réalité du combat spirituel donc, dans le meilleur de la tradition jésuite, celle du discernement des esprits, qui lui fera placer le petit État du Vatican, dès juillet 2013, sous la protection de saint Joseph et de saint Michel. Pour lutter contre la « guerre civile et spirituelle » voulue par le diable, expliquera-t-il, au sein de la Cité pontificale. En cela, il se montre le digne successeur du pape Léon XIII, qui avait demandé à tous les prêtres de réciter la prière à saint Michel après la messe.
Retour aux sources du christianisme
Cette « radicalité évangélique » constitue pour le vaticaniste italien Andrea Tornielli, dont le pape a préfacé le dernier ouvrage, le « cœur » de la réforme entreprise par l’actuel successeur de Pierre. Réforme qui ne se réduit donc pas à celle des structures de la Curie, dont il faudra encore apprécier le résultat. Ce que le pape souhaite pour l’Église, c’est un retour aux sources du christianisme, assorti d’un certain prophétisme. Il s’agit de « sortir de notre zone de confort et de sécurité », explique-t-il encore aux religieux, dans ce même discours clé du 25 novembre dernier, pour retrouver la « radicalité prophétique » de nos fondateurs. Ainsi, nous serons créatifs, ajoute-t-il encore, et il sera possible de trouver des voies nouvelles pour nos instituts.
Où en est la réforme de la Curie ?
Quatre ans et dix-huit réunions du Conseil des cardinaux après, il est sans doute « trop tôt pour dire si le pape François a réussi » à réformer la Curie, affirme le journaliste Andrea Tornielli. Comme l’avaient souhaité les cardinaux avant le conclave, le pontife a mis un peu d’ordre dans les questions financières, amorcé un regroupement, non sans mal, de certains dicastères. Mais il n’est pas sûr que la réforme aille jusqu’à redimensionner l’organe central qu’est la Secrétairerie d’État, à la fois ministère des Affaires étrangères et de l’Intérieur. Pourtant, rappelle un historien fin connaisseur de la Curie, la diplomatie est assez récente dans les attributions de la Secrétairerie : cela remonte à la Révolution française et au Concordat, où le Saint-Siège dut se préoccuper de ses intérêts en matière de politique étrangère ! Avant, la Secrétairerie avait un rôle moins en vue, mais essentiel, ayant en charge, conformément à son nom, le secrétariat du pape.
Reste que l’exigence forte de conversion intérieure est aussi au cœur de la réforme curiale pour François. Fin décembre 2016, il a offert à chacun des cardinaux un ouvrage d’un jésuite du XVIe siècle, le Père Claudio Acquaviva. « Ceux qui veulent opérer une sérieuse réforme religieuse et morale devront veiller, comme de sages médecins, à connaître parfaitement toutes les maladies qui affligent l’Église. » A. P.
C’est de cette manière également que l’on peut comprendre les impératifs pontificaux d’une Église « en sortie », d’aller « aux périphéries ». Celles-ci ne sont pas uniquement géographiques, bien que ce pape se plaise à choisir ses destinations de voyage apostolique aux confins – pour l’Europe, ce fut l’Albanie, la Géorgie. Ce sont aussi des périphéries existentielles : comme le christianisme primitif – qui s’est développé à la périphérie de l’Empire romain, en Palestine –, l’objectif est de repartir de ces lieux délaissés du monde, pour espérer retrouver une « centralité féconde et créative », explique le Père Secondin, ancien professeur à l’Université grégorienne et consulteur à la Congrégation pour la vie religieuse.
Une mystique populaire
Une des autres caractéristiques de ce pontificat : s’adresser directement au peuple. Il ne s’agit pas tant de remettre en cause les nécessaires médiations des prêtres et des évêques, que de les bousculer pour qu’elles soient crédibles. Le religieux carme parle ainsi d’une véritable « mystique populaire » chez Jorge Maria Bergoglio, bien dans la tradition sud-américaine. Celle qui lui a fait dire aux Clercs de l’Immaculée-Conception, en les recevant le 18 février dernier au Vatican : « Nous ne sommes pas des princes, […] nous sommes des gens simples, du peuple. »
Attention à ne pas se tromper : cette optique n’est pas chez lui une « spiritualité populaire condescendante », et encore moins un messianisme à la mode marxiste. Mais le constat qu’il existe des « traces de Dieu » parmi le peuple, précise le Père Secondin. Et dont il revient aux pasteurs d’être les gardiens, d’accompagner leurs brebis, d’en sentir l’odeur, pour reprendre une des expressions favorites du pape. C’est aussi ce fameux « sensus fidei » qui, durant des périodes troublées de l’Histoire, comme au IVe siècle face à l’hérésie arienne, a permis de conserver la foi en regroupant le peuple chrétien autour de grands confesseurs de la foi comme saint Athanase ou saint Hilaire de Poitiers, « qui auraient faibli sans ce soutien », analysait en son temps le cardinal Newman.
De la même façon, les appels répétés du pape à la pauvreté ne sont pas à entendre uniquement en termes de « pauvreté sociologique », même si elle n’en est pas exclue. Mais aussi en une pauvreté qui constitue le « centre de l’Évangile », a-t-il affirmé récemment : « la pauvreté de Jésus ». Pas uniquement un impératif humanitaire, mais une nécessité « pour la foi » elle-même, commente Andrea Tornielli.
C’est d’autant plus vrai que l’objectif est et reste la vie éternelle et le salut des âmes. À rebours de ce « culte idolâtre de l’argent » qui devient parfois un « substitut à la vie éternelle », s’exclamait le pontife en ce début d’année… Face à cela, les pauvres nous aident à nous détourner de l’esprit du monde, soulignait-il aussi lors du Jubilé des personnes pauvres, l’un des points culminants de cette Année sainte de la Miséricorde, organisé par l’association Fratello en novembre.
Au terme de ces quatre ans d’un pontificat au relief mouvementé, reste cependant le sentiment que le climat général dans l’Église n’est pas encore totalement favorable à une telle réforme, fait remarquer un observateur religieux en Italie. Du moins en Europe. La réforme prendra du temps, et même « des générations », confirme pour sa part le Père Secondin. Pour cet universitaire, le XXIe siècle dans l’Église a commencé seulement en 2013. L’Histoire conciliaire, expose-t-il, « s’est conclue avec la mort de Jean Paul II, puis quand Benoît XVI, fils du Concile, a remis sa démission ». Le pape François « n’est ni fils, ni protagoniste direct du concile Vatican II », poursuit le carme. Il ramène l’Église, « au-delà des questions sur l’herméneutique du Concile, sur le relativisme, et des tendances à la division dans l’Église », à être véritablement « disciple du Christ ». En cela, sa réforme de l’Église est « radicale ».
De fait, toutes les réformes internes à l’Église ont pris du temps. Dans son récent livre Ce pape qui dérange (Éditions de l’Atelier, 2017), la journaliste Virginie Riva cite un canoniste, Carlo Fantappiè, qui rappelle que « comme toute institution, l’Église a besoin d’une légitimation du changement ». Ainsi, selon lui, les décisions du pape devront être « légitimées par l’apport de la tradition ». Il faudra sans doute du temps, en effet, pour arrimer cette spiritualité qui est celle des jeunes Églises, plus créatives, avec la « solidité » de la grande tradition et de la pensée des vieilles chrétientés d’Europe.
Richesse de la diversité
À l’heure de la mondialisation, cette diversité est une richesse, comme le reconnaissait le pape lui-même le 26 février dernier à la paroisse anglicane de Rome. L’Église a, certes, la sagesse des siècles et l’éternité devant elle pour y parvenir. Mais cela n’empêche pas, pour hâter l’incessante réforme de l’Église, de répondre à la demande de son pasteur suprême, le lendemain de son élection et répétée depuis chaque dimanche après l’Angélus : « N’oubliez pas de prier pour moi ! »
J9 J9
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Quatre ans de pontificat : François, le pape qui bouscule Par Aymeric Pourbaix
07/03/2017 N°2043
Depuis son élection le 13 mars 2013, le pape François a entamé tambour battant une réforme spirituelle en profondeur de l’Église, qui prend à rebours certains catholiques de la vieille Europe. Analyse.
Repères
« L’eucharistie est le mémorial de notre foi, ce qui nous situe toujours de nouveau, quotidiennement, dans l’événement fondamental de notre salut, dans la Passion, la mort et la résurrection du Seigneur, centre et pivot de l’histoire. Toujours revenir à ce mémorial […], c’est progresser dans la foi. Comme le disait saint Alberto Hurtado : “La messe est ma vie et ma vie est une messe prolongée.” »
Le pape François aux prêtres de Rome, le 2 mars 2017
C’est un fait : le pape François bouscule. Au point qu’il soit de bon ton ces temps-ci de dessiner un front d’oppositions conservatrices au pontife, prêt à tout pour le déstabiliser. Scénario commode, car il entretient la vieille querelle des progressistes et des conservateurs au sein de l’Église. Et qui comporte aussi l’avantage d’éviter à chacun les remises en question personnelles… Mieux vaut donc s’en tenir aux faits, pour comprendre ce que le pape dit vraiment, plutôt que de tout analyser, de part et d’autre de l’Église, à la lueur d’un prisme trop exclusivement politique, pour ne pas dire idéologique.
Pour cela, il existe un document qui fera certainement date : celui prononcé par le souverain pontife devant des religieux le 25 novembre dernier, à cœur ouvert, c’est-à-dire sans discours préparé, comme celui lui arrive très souvent lorsqu’il se trouve face au clergé – signe de l’importance qu’il lui accorde ! Dans cette rencontre, il est notamment question des nouveaux instituts religieux, dont le pape dit qu’ils sont, en général, une bonne chose. Puis, il énumère les problèmes observés chez certains, sans les nommer : « Quelques-uns d’entre eux se présentent comme une grande nouveauté, ils semblent exprimer une grande force apostolique, ils attirent beaucoup de monde et puis… ils échouent. Parfois, on découvre même que derrière tout cela, il y avait des choses scandaleuses… »
Mais, comme souvent avec ce pontife, la fine pointe est ailleurs que dans les formules chocs. Elle se trouve à la fin de son propos : « Quand on me dit qu’une congrégation attire de nombreuses vocations, je l’avoue, cela me préoccupe. L’Esprit ne fonctionne pas avec la logique du succès humain : Il a une autre manière de faire. […] L’Esprit Saint n’est pas triomphaliste. » Vu d’Europe et sorti de son contexte, ce discours pourrait être considéré comme une remise en cause des communautés nouvelles, voire une négation du manque cruel de vocations, pourtant nécessaires au renouveau. Sauf que, dans la même intervention, le pape exprime ouvertement sa préoccupation quant à la baisse des vocations « en Occident ». Il s’apprête aussi à célébrer les 50 ans du Renouveau. À y perdre son latin…
Il faut donc comprendre, à travers un style oral parfois déroutant, ce que le chef de l’Église catholique avait, du reste, déjà exprimé à d’autres religieux lors de son périple mémorable et dense (dix-huit discours en cinq jours) aux États-Unis : que « la Croix nous montre un moyen différent de mesurer le succès ». Ou encore en 2013, à la chapelle Sainte-Marthe, que sans la Croix, « il n’y a pas d’œuvre apostolique féconde ».
Des discours à la forme « explosive »
Il est vrai que dans la forme, les discours du pape sont parfois « explosifs », remarque avec un sourire le Père Bruno Secondin, carme italien qui a prêché la retraite de Carême au pape et à la Curie romaine en 2015. Surtout lorsqu’il met en cause la mondanité. Ainsi, en septembre 2016, devant quelque cent cinquante nouveaux évêques du monde entier : « Le monde est fatigué des charmeurs menteurs. Et je me permets de dire, des “prêtres à la mode” ou des “évêques à la mode”. »
Au point de déstabiliser ses propres troupes ? Il faut alors se souvenir que le pape François sait aussi, à l’occasion, se montrer un pasteur attentif, en téléphonant et prenant des nouvelles de tel religieux atteint d’un cancer. Ou encore, en prêchant en juin 2016 une retraite à Rome à six mille prêtres pour l’Année sainte de la Miséricorde, à la veille de la fête du Sacré-Cœur. « Une des choses qui m’émeut le plus, avait-il alors confié, c’est la confession d’un prêtre », donnant lui-même par avance l’exemple, en se confessant à la basilique Saint-Pierre en 2014. Malgré leurs limites et leurs péchés, les prêtres ont la certitude d’être choisis et aimés de Dieu, leur avait-il encore assuré, touchant ainsi le cœur de nombre d’entre eux.
Il reste que le pape François est un adepte de ce qu’il a lui-même appelé l’Évangile « sans calmant ». À peine élu, il marque les esprits : « Celui qui ne prie pas Dieu prie le diable », affirme-t-il pour sa première homélie en tant que pape, le 29 mars 2013, devant les cardinaux, citant Léon Bloy. Pour un vaticaniste chevronné comme Andrea Tornielli, c’est même une surprise : « Dans sa première année de pontificat, il en a parlé à lui seul plus que les deux pontifes précédents », observe-t-il. Cette « marque de fabrique » ne s’est pas estompée depuis. Il répétera début 2017, lors d’une de ses savoureuses homélies matinales, que « face à la tentation, on ne discute pas avec Satan », on « prie ! ».
Quoiqu’on le présente parfois comme révolutionnaire, se dessine ainsi une vision très « traditionnelle » chez ce successeur de Pierre, explique Andrea Tornielli, que le journaliste traduit comme un appel à retrouver l’essentiel et à « être chrétien jusqu’au bout ». « Car le problème, ajoute-t-il, pour les chrétiens de tous les temps, c’est qu’on transforme la religion en une ONG, comme l’a dit le pape lui-même,ou en une simple règle des bonnes manières. »
Vive conscience de la réalité du combat spirituel donc, dans le meilleur de la tradition jésuite, celle du discernement des esprits, qui lui fera placer le petit État du Vatican, dès juillet 2013, sous la protection de saint Joseph et de saint Michel. Pour lutter contre la « guerre civile et spirituelle » voulue par le diable, expliquera-t-il, au sein de la Cité pontificale. En cela, il se montre le digne successeur du pape Léon XIII, qui avait demandé à tous les prêtres de réciter la prière à saint Michel après la messe.
Retour aux sources du christianisme
Cette « radicalité évangélique » constitue pour le vaticaniste italien Andrea Tornielli, dont le pape a préfacé le dernier ouvrage, le « cœur » de la réforme entreprise par l’actuel successeur de Pierre. Réforme qui ne se réduit donc pas à celle des structures de la Curie, dont il faudra encore apprécier le résultat. Ce que le pape souhaite pour l’Église, c’est un retour aux sources du christianisme, assorti d’un certain prophétisme. Il s’agit de « sortir de notre zone de confort et de sécurité », explique-t-il encore aux religieux, dans ce même discours clé du 25 novembre dernier, pour retrouver la « radicalité prophétique » de nos fondateurs. Ainsi, nous serons créatifs, ajoute-t-il encore, et il sera possible de trouver des voies nouvelles pour nos instituts.
Où en est la réforme de la Curie ?
Quatre ans et dix-huit réunions du Conseil des cardinaux après, il est sans doute « trop tôt pour dire si le pape François a réussi » à réformer la Curie, affirme le journaliste Andrea Tornielli. Comme l’avaient souhaité les cardinaux avant le conclave, le pontife a mis un peu d’ordre dans les questions financières, amorcé un regroupement, non sans mal, de certains dicastères. Mais il n’est pas sûr que la réforme aille jusqu’à redimensionner l’organe central qu’est la Secrétairerie d’État, à la fois ministère des Affaires étrangères et de l’Intérieur. Pourtant, rappelle un historien fin connaisseur de la Curie, la diplomatie est assez récente dans les attributions de la Secrétairerie : cela remonte à la Révolution française et au Concordat, où le Saint-Siège dut se préoccuper de ses intérêts en matière de politique étrangère ! Avant, la Secrétairerie avait un rôle moins en vue, mais essentiel, ayant en charge, conformément à son nom, le secrétariat du pape.
Reste que l’exigence forte de conversion intérieure est aussi au cœur de la réforme curiale pour François. Fin décembre 2016, il a offert à chacun des cardinaux un ouvrage d’un jésuite du XVIe siècle, le Père Claudio Acquaviva. « Ceux qui veulent opérer une sérieuse réforme religieuse et morale devront veiller, comme de sages médecins, à connaître parfaitement toutes les maladies qui affligent l’Église. » A. P.
C’est de cette manière également que l’on peut comprendre les impératifs pontificaux d’une Église « en sortie », d’aller « aux périphéries ». Celles-ci ne sont pas uniquement géographiques, bien que ce pape se plaise à choisir ses destinations de voyage apostolique aux confins – pour l’Europe, ce fut l’Albanie, la Géorgie. Ce sont aussi des périphéries existentielles : comme le christianisme primitif – qui s’est développé à la périphérie de l’Empire romain, en Palestine –, l’objectif est de repartir de ces lieux délaissés du monde, pour espérer retrouver une « centralité féconde et créative », explique le Père Secondin, ancien professeur à l’Université grégorienne et consulteur à la Congrégation pour la vie religieuse.
Une mystique populaire
Une des autres caractéristiques de ce pontificat : s’adresser directement au peuple. Il ne s’agit pas tant de remettre en cause les nécessaires médiations des prêtres et des évêques, que de les bousculer pour qu’elles soient crédibles. Le religieux carme parle ainsi d’une véritable « mystique populaire » chez Jorge Maria Bergoglio, bien dans la tradition sud-américaine. Celle qui lui a fait dire aux Clercs de l’Immaculée-Conception, en les recevant le 18 février dernier au Vatican : « Nous ne sommes pas des princes, […] nous sommes des gens simples, du peuple. »
Attention à ne pas se tromper : cette optique n’est pas chez lui une « spiritualité populaire condescendante », et encore moins un messianisme à la mode marxiste. Mais le constat qu’il existe des « traces de Dieu » parmi le peuple, précise le Père Secondin. Et dont il revient aux pasteurs d’être les gardiens, d’accompagner leurs brebis, d’en sentir l’odeur, pour reprendre une des expressions favorites du pape. C’est aussi ce fameux « sensus fidei » qui, durant des périodes troublées de l’Histoire, comme au IVe siècle face à l’hérésie arienne, a permis de conserver la foi en regroupant le peuple chrétien autour de grands confesseurs de la foi comme saint Athanase ou saint Hilaire de Poitiers, « qui auraient faibli sans ce soutien », analysait en son temps le cardinal Newman.
De la même façon, les appels répétés du pape à la pauvreté ne sont pas à entendre uniquement en termes de « pauvreté sociologique », même si elle n’en est pas exclue. Mais aussi en une pauvreté qui constitue le « centre de l’Évangile », a-t-il affirmé récemment : « la pauvreté de Jésus ». Pas uniquement un impératif humanitaire, mais une nécessité « pour la foi » elle-même, commente Andrea Tornielli.
C’est d’autant plus vrai que l’objectif est et reste la vie éternelle et le salut des âmes. À rebours de ce « culte idolâtre de l’argent » qui devient parfois un « substitut à la vie éternelle », s’exclamait le pontife en ce début d’année… Face à cela, les pauvres nous aident à nous détourner de l’esprit du monde, soulignait-il aussi lors du Jubilé des personnes pauvres, l’un des points culminants de cette Année sainte de la Miséricorde, organisé par l’association Fratello en novembre.
Au terme de ces quatre ans d’un pontificat au relief mouvementé, reste cependant le sentiment que le climat général dans l’Église n’est pas encore totalement favorable à une telle réforme, fait remarquer un observateur religieux en Italie. Du moins en Europe. La réforme prendra du temps, et même « des générations », confirme pour sa part le Père Secondin. Pour cet universitaire, le XXIe siècle dans l’Église a commencé seulement en 2013. L’Histoire conciliaire, expose-t-il, « s’est conclue avec la mort de Jean Paul II, puis quand Benoît XVI, fils du Concile, a remis sa démission ». Le pape François « n’est ni fils, ni protagoniste direct du concile Vatican II », poursuit le carme. Il ramène l’Église, « au-delà des questions sur l’herméneutique du Concile, sur le relativisme, et des tendances à la division dans l’Église », à être véritablement « disciple du Christ ». En cela, sa réforme de l’Église est « radicale ».
De fait, toutes les réformes internes à l’Église ont pris du temps. Dans son récent livre Ce pape qui dérange (Éditions de l’Atelier, 2017), la journaliste Virginie Riva cite un canoniste, Carlo Fantappiè, qui rappelle que « comme toute institution, l’Église a besoin d’une légitimation du changement ». Ainsi, selon lui, les décisions du pape devront être « légitimées par l’apport de la tradition ». Il faudra sans doute du temps, en effet, pour arrimer cette spiritualité qui est celle des jeunes Églises, plus créatives, avec la « solidité » de la grande tradition et de la pensée des vieilles chrétientés d’Europe.
Richesse de la diversité
À l’heure de la mondialisation, cette diversité est une richesse, comme le reconnaissait le pape lui-même le 26 février dernier à la paroisse anglicane de Rome. L’Église a, certes, la sagesse des siècles et l’éternité devant elle pour y parvenir. Mais cela n’empêche pas, pour hâter l’incessante réforme de l’Église, de répondre à la demande de son pasteur suprême, le lendemain de son élection et répétée depuis chaque dimanche après l’Angélus : « N’oubliez pas de prier pour moi ! »
J9 J9
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