La fin d'une épreuve - St Jean Bosco
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La fin d'une épreuve - St Jean Bosco
Le septième chapitre du livre « Telle mère, tels fils », issu de la vie de saint Jean Bosco, dont les pages sont consacrées à Mamma Margherita, s’intitule « la fin d’une épreuve ».
« Telle mère, tels fils ». Chapitre VII. La fin d’une épreuve. Page 45 à 49
« Cette vocation, défendue par la mère avec tant de prudence et de courage, avait triomphé du principal obstacle qui se dressait devant elle. Ce n’était pas le seul. Un autre, terrible aussi, menaçait de l’arrêter en chemin : la pauvreté.
Le bon Don Calosso qui avait pris sur lui de pousser son élève aussi loin que possible pour ses études, puis de lui assurer sa pension au séminaire, tomba un soir, terrassé par une attaque d’apoplexie. Son testament n’était pas fait : ses neveux et nièces héritèrent donc de ses biens, sur lesquels pourtant, quelques minutes avant d’entrer en agonie, sa dernière volonté, exprimée, hélas, par des signes, avait entendu prélever de quoi faire aboutir la vocation de son élève. Jean était donc relancé en pleine mer et il avait quinze ans passés !
Quel parti prendre ? En dépit de l’année scolaire très avancée, sa mère décida qu’il fréquenterait à Castelnuovo l’humble cours de latin qu’y donnait, à côté de l’école primaire, un prêtre de la localité. Avec quelle joie le petit Jean se prêta au projet. Les premières semaines sa belle ardeur parcourait, sans broncher, les vingt kilomètres quotidiens qui le conduisaient deux fois par jour à l’école, et l’en ramenaient. Pour économiser les frais de son entretien, on le voyait même faire la route pieds nus, les souliers à cheval sur l’épaule. Il les remettait aux portes du pays. Mais une telle fatigue aurait fini par l’épuiser : il commença donc à ne pas revenir pour le déjeuner, emportant avec lui le petit sac de toile qui contenait son maigre repas. Certains soirs d’hiver même, où la tempête grondait, où la neige avait couvert les chemins, il ne revenait pas, et logeait dans un réduit, qu’une famille amie lui prêtait sous l’escalier du logis. Enfin, Maman Marguerite comprit que l’intérêt de son fils était qu’il se fixât définitivement à Castelnuovo. Elle s’entendit donc avec un brave homme du pays, un certain Roberto, tailleur, qui, moyennant une modique pension en nature – grains, vin et œufs – consentit à prendre Jean chez lui. Ce fut la seconde séparation du fils et de la mère. En le quittant, elle n’eut qu’une recommandation, mais si simple, si protectrice :
« Surtout, mon petit Jean, aime bien la Sainte Vierge ! »
Le départ de Jean marqua la dispersion définitive de la famille, car, peu de temps avant, Joseph avait pris en métayage une ferme qu’il convoitait depuis longtemps. Trop pauvre pour courir seul les risques de l’entreprise il s’était associé avec un ami, un certain Fébraro. La ferme s’appelait le Sussambrino. Marguerite partageait donc désormais ses soucis et ses fatigues entre ce nouveau foyer et le toit des Becchi devenu désert.
Ce fut au Sussambrino, qu’aux premières vacances Jean la rejoignit. Pendant ces trois mois de loisir, il reprit son premier métier, il mena chaque jour les bêtes aux champs, et essaya de ne rien perdre des notions de grammaire latine péniblement amassées dans cette année. Qu’allait être la suivante ? Il se le demandait avec angoisse, quand une double réponse lui parvint du ciel et de la terre.
Un matin d’août, un voisin du métayage, le fermier Turco, le rencontrant l’air tout joyeux, lui demanda :
« Qui te rend si guilleret aujourd’hui Giovannino ! Depuis quelque temps je te voyais tout au moins préoccupé, tandis que ce matin…
– Oh ! C’est que maintenant je suis sûr de devenir prêtre.
– Ah bah ! Comment ça ?
– Cette nuit, j’ai eu un rêve qui me l’a assuré. J’ai vu venir à moi une grande dame paissant un troupeau abondant. Elle s’est approchée, m’a appelé par mon nom, et m’a dit :
« Tiens, mon petit Jean, tu vois ce troupeau : eh bien, je te le confie.
– Mais comment ferai-je, Madame, pour le garder et prendre soin de tant de brebis et d’agnelets ? Je n’ai pas de pâture où les conduire.
– Ne crains rien, dit-elle alors ; je veillerai sur toi et t’aiderai. »
Vous voyez, dit Jean, que maintenant je puis être tranquille. »
Et de fait il le fut ; d’autant plus qu’après la réponse du Ciel, celle de la terre arriva aussi chargée d’espoir : sa mère l’envoyait à Chiéri, la petite ville voisine, distante d’à peine vingt kilomètres, pour y suivre régulièrement ses études aux écoles officielles de l’endroit. Elle avait trouvé une bonne dame, Mme Matta, fixée à Chiéri même, pour y surveiller son fils externe au collège, qui consentait à prendre Jean en pension, à vingt-et-une lires par mois, ou un peu moins, si Jean acceptait au logis l’emploi de domestique. Il ne se fit pas prier et le pacte fut conclu.
Mais il fallait l’habiller et lui fournir un modeste trousseau : où trouver de quoi payer tout cela et le trimestre d’avance de la pension ? Le jeune Bosco prit son courage à deux mains, et, de porte en porte, il alla demander aux braves paysans de Murialdo de l’aider, au moins en nature, dans son pieux dessein. Nul ne se déroba à cette charité, et son sac se remplit de grains, de fromage et d’œufs, dont la vente jointe à une offrande du curé de Castelnuovo, sollicitée par une paroissienne, permit à Jean de s’acheminer, au début de novembre, vers Chiéri, la ville de ses rêves, si religieuse et si bonne, qui jadis, au XVIe siècle, avait abrité pendant plusieurs mois saint Louis de Gonzague. La fin de la grande épreuve semblait toute proche ; sept années de tourments s’achevaient dans un large espoir. En dépit de la saison il y avait du soleil dans le cœur de ce jeune homme de seize ans qui, le 4 novembre 1831, s’engageait sur la route de Chiéri. Ses fortes épaules ployaient sous le faix d’un sac de farine et d’un sac de maïs, qu’en passant à Castelnuovo il vendrait pour s’acheter des livres, des cahiers et des plumes ; mais son cœur se dilatait à la pensée que désormais la route était libre.
Cette fois il ne se trompait pas. »
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