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La bonté de Théodose 1er

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Message par saint-michel Dim 31 Juil 2016 - 10:41

La bonté de Théodose 1er La_bon10

Théodose 1er fut un empereur romain d’une grande piété, sagesse et clémence. C’est pourquoi il fut surnommé, à juste raison, « le Grand ». Découvrez dans cet extrait du texte de Valentin Esprit Fléchier l’eulogie de ce noble empereur, ancêtre des rois chrétiens, qui fut un grand protecteur de l’Église de Jésus-Christ.



Les gouvernants contemporains devraient mourir de honte devant un tel exemple de magnificence et de grandeur. Lorsqu’on regarde d’un œil réaliste les élus du XXIe siècle, fainéants, souvent incultes, orgueilleux et avides de richesses matérielles, on peut considérer qu’ils n’arrivent pas à la cheville de Théodose. Pourtant, loin de se remettre en question, ceux-ci se glorifient de mille tromperies et mensonges. Les politiciens contemporains sont la peine infamante de l’histoire de l’humanité. Il est temps d’en prendre conscience avant qu’il ne soit trop tard…


« Histoire de Théodose le Grand. » Page 368 à 381


Théodose se dispose à la mort, et s’abstient de la communion pour un temps


Après avoir donné ordre aux affaires les plus pressantes, soit qu’il se sentît affaibli, soit qu’il eût fait de sérieuses réflexions sur la prophétie du saint abbé Jean, au milieu de ses triomphes il se disposa à la mort. Quelque juste que fût la guerre qu’il avait entreprise contre des ennemis de Dieu et de l’État, toutefois, comme il s’y était répandu beaucoup de sang, ce prince voulut s’abstenir durant quelque temps de l’usage de l’Eucharistie, se jugeant indigne, selon l’esprit de la loi de Moïse et de quelques canons pénitentiaux, de participer à ces mystères de paix, jusqu’à ce qu’il eut purifié son cœur et ses mains, et qu’il eût effacé par sa pénitence ces impressions grossières que donnent aux plus grandes âmes les colères et les vengeances, même légitimes.


Il partit d’Aquilée avec ces dispositions, et se rendit à Milan, pour penser plus tranquillement à sa conscience sous la direction de saint Ambroise, qui était parti ce jour avant lui, et pour recevoir plus commodément Arcadius et Honorius ses enfants, qu’il faisait venir de Constantinople. À peine y fut-il arrivé, qu’il se trouva plus faible et plus indisposé qu’il n’avait été auparavant. Il ne relâcha rien pourtant de ses soins ordinaires, assistant à tous ses conseils, écoutant lui-même les plaintes des peuples, signant les grâces qu’il avait accordées à ses ennemis, travaillant à rétablir l’ordre qu’Eugène avait troublé dans tout l’Occident, et se croyant obligé d’agir ainsi jusqu’à l’extrémité, et de sacrifier encore ce peu de vie qui lui restait au bien et au repos de son empire.


Les enfants de Théodose arrivent à Milan


Les jeunes empereurs le trouvèrent en cet état lorsqu’ils arrivèrent à Milan, et la joie de revoir leur père fut bientôt modérée par la douleur qu’ils eurent de le voir attaqué d’une hydropisie mortelle. Théodose voulut les recevoir dans l’église où il s’était fait porter pour participer aux sacrements qu’une délicatesse de conscience et un profond respect lui avaient fait différer de recevoir jusqu’alors. Là il les embrassa avec tendresse, et, après avoir remercié Dieu de la consolation qu’il lui donnait de revoir ces deux princes, il les prit par la main et les présenta à saint Ambroise, le conjurant devant les autels de prendre soin de leur conscience, d’entretenir dans leurs esprits ces principes de religion et d’équité qu’on avait tâché de leur inspirer, et de leur servir de père après sa mort.


Théodose exhorte les sénateurs païens à se convertir


Au sortir de l’église, il fut obligé de se mettre au lit, et la fièvre étant augmentée, il ne pensa plus qu’à donner ordre pour la dernière fois aux affaires de l’Église, de l’empire et de sa maison. Il fit assembler dans sa chambre les députés du sénat et les seigneurs de sa cour, qui étaient encore païens, et leur remontra :


« Qu’il ne lui restait en mourant que le seul regret de les voir encore idolâtres, qu’il s’étonnait que des hommes si sages et si éclairés ne reconnussent pas l’erreur où ils étaient, ou qu’ils aimassent mieux suivre la coutume que la vérité ; que la défaite d’Eugène était une preuve convaincante de la vanité de leurs oracles et de l’impuissance de leurs dieux ; que ces dieux avaient été des hommes impurs et déréglés dans leur vie, et qu’il n’était pas juste de les adorer, puisque leur pouvoir n’était pas à craindre, ni leurs actions à imiter ; qu’ils devaient se laisser toucher par la force de la vérité, par l’exemple des premiers magistrats de l’empire, et même par les derniers sentiments de leur empereur mourant, qui interrompait pour quelques moments la pensée de son salut pour les avertir du leur ; qu’à la vérité sa grande passion avait été d’abolir pendant son règne toutes les fausses religions, et de faire de tous ses sujets de fidèles serviteurs de Jésus-Christ ; que Dieu ne l’avait pas jugé digne de cette grâce, mais qu’il espérait que ses enfants seraient plus heureux que lui, et qu’ils achèveraient ce qu’il avait commencé. »


Testament de Théodose


Après avoir congédié les sénateurs, il fit son testament, dans lequel il ordonna qu’on déchargeât le peuple des augmentations de tribut, que la nécessité des affaires passées avait fait imposer ; voulant que ses sujets jouissent du fruit de la victoire, à laquelle ils avaient contribué par leurs vœux ou par leurs travaux, et recommandant à ses successeurs de soulager les provinces sans grossir leur épargne de la substance des pauvres et sans la dissiper en dépenses vaines et superflues. Cet ordre, après sa mort, fut ponctuellement exécuté.


Il joignit à cet acte de bonté un acte de générosité et de clémence. Il avait accordé un pardon général à tous les rebelles qui s’étaient remis dans l’obéissance. Il entendait qu’ils fussent rétablis dans leurs biens et dans leurs dignités, et qu’ils reprissent dans la cour le même rang qu’ils y tenaient avant leur révolte. Mais comme il n’avait pas eu le temps d’exécuter toutes ses intentions, il craignait qu’après sa mort, les nouveaux empereurs, par le mauvais conseil de leurs amis, n’arrêtassent le cours des réconciliations qui restaient à faire. Il confirma donc, par une loi qu’il fit insérer dans son testament, l’amnistie qu’il avait déjà fait publier, fondant ses espérances en la miséricorde de Dieu, sur celle qu’il faisait lui-même à ses ennemis. Il chargea ses enfants d’observer religieusement cet ordre qu’il leur donnait, et leur laissa des exemples et des commandements dignes d’un empereur chrétien.


Théodose partage l’empire à ses deux fils


Il partagea l’empire à ces deux princes, donnant l’Orient à Arcadius et l’Occident à Honorius. Il leur recommanda, sur toutes choses, la piété envers Dieu et le zèle pour la religion. Il les fit ressouvenir de ce qu’il leur avait dit plusieurs fois :


« Qu’ils devaient se distinguer de leurs sujets, plus par la sagesse et par la vertu que par l’autorité ; que c’était un grand aveuglement de prétendre donner des lois à tout le monde, si l’on ne savait s’en donner à soi-même ; qu’on ne méritait pas de commander aux hommes, si l’on n’avait appris à obéir à Dieu ; qu’ils devaient fonder la félicité de leurs règnes, non pas sur la prudence de leurs conseils ni sur la force de leurs armes, mais sur la fidélité qu’ils garderaient à Dieu et sur le soin qu’ils prendraient de son Église ; que c’était la source des victoires, du repos et de tout le bonheur des souverains. »


Alors, se tournant vers saint Ambroise qui était présent :


« Ce sont là, lui dit-il, des vérités que vous m’avez apprises et que j’ai moi-même éprouvées ; c’est à vous à les faire passer dans ma famille, et à instruire, comme vous avez accoutumé, ces jeunes empereurs que je vous laisse. »


Le saint archevêque lui répondit qu’il aurait soin de leur salut, et qu’il espérait que Dieu donnerait aux enfants ce cœur docile et cet esprit droit qu’il avait donné au père.


Stilicon est déclaré tuteur d’Honorius


Après cela, Théodose déclara Stilicon tuteur de son fils Honorius et lieutenaut-général des armées des deux empires, et lui recommanda même ses deux enfans. Il crut devoir témoigner cette confiance à un homme qui l’avait servi très-fidèlement dans les plus importantes affaires de son règne, et qui avait eu l’honneur d’épouser la princesse Sérène sa nièce. Stilicon était grand homme de guerre et grand politique ; sage dans le conseil, hardi dans l’exécution ; adroit à ménager les esprits, propre à découvrir les moments heureux et à s’en servir, soit dans les traités, soit dans les combats ; habile à démêler les intérêts des grands de l’empire et à pénétrer les desseins des nations étrangères ; aimé des troupes ; capable de soutenir le poids des affaires, de former un jeune empereur dans les exercices de la paix et de la guerre, et de détourner les troubles par sa prudence, ou de les arrêter par son courage et par sa valeur.


Ces grandes qualités le rendirent digne du choix que Théodose avait fait de lui, jusqu’à ce qu’engagé par les jalousies de Ruffin et par sa propre ambition, enflé de son crédit et du succès de plusieurs batailles gagnées, réduisant toutes les affaires publiques à ses desseins et à ses intérêts particuliers, rallumant lui-même les guerres qu’il avait étouffées, et rappelant les ennemis qu’il avait chassés, afin de s’en servir dans l’occasion, il s’ennuya de n’être que le tuteur, le beau-père, le favori et le maître même de l’empereur, et entreprit de mettre l’empire dans sa maison.
Théodose se fait porter au cirque


Depuis que l’empereur était à Milan, cette ville se disposait à lui dresser un magnifique triomphe, et à célébrer par toute sorte de réjouissances une victoire qui l’avait rendu maître absolu des deux empires. Sa maladie avait retardé les jeux publics, qui faisaient la principale partie de cette fête. Mais enfin, après avoir mis ordre à ses affaires, il se sentit beaucoup soulagé ; et soit qu’il ne voulût pas que la ville eût fait en vain une dépense considérable, soit qu’il eût dessein de consoler le peuple en se montrant encore une fois en public, il fît avertir les magistrats qu’il se trouverait le lendemain au cirque, pour y recevoir l’honneur qu’ils lui voulaient faire. Il s’y fit porter le matin et assista quelque temps à une course de chevaux, après quoi il se retira, plus rempli des pressentiments de sa mort que des images de son triomphe.


Mort de Théodose


À peine fut-il arrivé au palais qu’il se trouva plus mal qu’auparavant. Il commanda à son fils Honorius d’aller tenir sa place au cirque. Pour lui, il passa le reste du jour à s’entretenir avec saint Ambroise de la vanité des grandeurs humaines, ou à donner à son fils Arcadius les avis qu’il crut les plus importants pour sa conduite et pour celle de son empire. Cette même nuit, son mal s’étant notablement augmenté, il sentit que ses forces diminuaient, et quelques heures après, il rendit doucement l’esprit, le dix-septième de janvier de l’année trois cent quatre-vingt-quinze, l’an seizième de son empire et le cinquantième de son âge.


Cette mort fut pleurée de tous les peuples de l’empire et des nations même les plus barbares. Arcadius retourna promptement à Constantinople, pour prévenir les désordres qui pouvaient arriver dans ces changements. Ruffin, alors préfet du prétoire, l’y accompagna, piqué de dépit et de jalousie contre Stilicon qu’on venait d’élever au-dessus de lui, et roulant déjà dans son esprit le dessein d’abuser de la faiblesse de son maître, de perdre tout ce qui ferait obstacle à sa puissance, de brouiller les empires et les empereurs par ses intelligences secrètes avec les Huns, les Goths et les Alains, et de se rendre souverain, ou pour le moins indépendant et de ses maîtres et de ses ennemis.


Saint Ambroise fait l’éloge de Théodose en présence d’Honorius


Honorius demeura auprès du corps de son père, pour lui rendre les derniers devoirs de la piété chrétienne. Il assista aux magnifiques funérailles qu’on lui fit à Milan, quarante jours après sa mort. Saint Ambroise y prononça l’oraison funèbre, dans laquelle il représente à ses auditeurs :


« Qu’ils viennent de perdre un empereur ; mais que Dieu l’ayant retiré dans ses tabernacles éternels, on pouvait dire qu’il n’avait fait que changer d’empire ; que sa piété vivait encore ; qu’il avait par la fermeté de sa foi aboli toutes les superstitions des gentils ; que, n’ayant plus rien à donner à ses enfants qu’il avait faits empereurs, il n’avait pensé en mourant qu’à laisser la paix et l’abondance à ses sujets, en remettant les injures qu’on lui avait faites, ou les tributs qu’on leur avait imposés ; que ses dernières volontés avaient été des règles de charité et de miséricorde, et que c’étaient plutôt des lois que des articles d’un testament. »


Il proteste ensuite qu’il conservera toujours dans son cœur toute la tendresse qu’il avait eue pour ce prince, qui, dans ses guerres, avait toujours espéré le secours du ciel, et n’avait jamais présumé de ses propres forces ; qui avait plus aimé ceux qui l’avaient repris que ceux qui l’avaient flatté, et qui, étant presque à l’agonie, était plus en peine de l’état où il laissait l’Église, que de celui où serait sa maison après sa mort.
Il ne put se lasser surtout de louer sa clémence :


« Que c’est un grand et rare bonheur, disait-il, de trouver un prince pieux et fidèle, qui, étant porté par sa puissance à se venger de ses ennemis, soit retenu par sa bonté ! Théodose, d’auguste mémoire, croyait recevoir une faveur, lorsqu’on le priait de pardonner quelque offense qu’on avait commise contre lui. Plus il avait fait paraître d’émotion, plus il était disposé à accorder le pardon qu’on lui demandait. La chaleur de son indignation était un préjugé qu’il pardonnerait. Au lieu qu’on craint, dans les autres princes, qu’ils ne se mettent en colère, on souhaitait au contraire qu’il s’y mît. Nous avons vu des gens convaincus par lui de leur crime, effrayés et abattus des reproches qu’il leur faisait, obtenir tout d’un coup leur grâce. Il les voulait vaincre et non pas les punir. Il se rendait arbitre d’équité et non pas juge de rigueur. Il n’a jamais refusé de pardonner à ceux qui confessaient leur faute. Pour ceux qui lui cachaient quelque chose qu’ils retenaient dans le fond de leur conscience, il leur disait qu’il en laissait le jugement à Dieu. On appréhendait plus cette parole de lui que le châtiment, parce qu’on voyait cet empereur si modéré et si retenu, qu’il aimait mieux attacher les hommes à son service par la religion que par la crainte. »


Enfin ce saint archevêque s’adresse au jeune empereur qui l’écoutait et qui fondait en larmes. Il le loue de sa tendresse et de sa piété, et du regret sensible qu’il avait de ne pouvoir conduire lui-même le corps de son père jusqu’à Constantinople. II le console, en lui représentant les honneurs qu’on rendra à la mémoire de ce prince dans toutes les villes de l’empire ; et, après lui avoir donné une vive idée de la gloire dont jouissait le grand Théodose, il l’encourage à imiter ses vertus et à profiter de ses exemples.



Le corps de Théodose est transporté à Constantinople


Le corps de cet empereur fut porté cette même année à Constantinople ; et, soit dans l’Italie qu’il venait de délivrer des tyrans, soit dans l’Orient qu’il avait gouverné avec beaucoup de sagesse et de bonté, on lui fit des honneurs qui ressemblaient plutôt à des triomphes qu’à des pompes funèbres. Arcadius, son fils aîné, le reçut le huitième de novembre, et le fit mettre, avec une magnificence digne d’un si grand empereur, dans le sépulcre de Constantin.


Portrait de Théodose


Les auteurs ecclésiastiques et les païens mêmes, demeurèrent d’accord que ce fut un prince très-accompli. Ceux qui avaient lu les histoires ou vu les portraits des anciens empereurs, trouvaient qu’il ressemblait à Trajan, de qui il tirait son origine.


II avait, comme lui, la taille haute, la tête belle, l’air grand et noble, le tour et les traits du visage réguliers, et tout le corps bien proportionné.


Pour les qualités de l’âme, il posséda toutes les perfections de cet empereur et n’eut aucun de ses défauts. Il était, comme lui, bienfaisant, juste, magnifique, humain, et toujours prêt à assister les malheureux. Il se communiquait à ses courtisans, et ne se distinguait d’eux que par la pourpre dont il était revêtu. Sa civilité pour les grands de sa cour, et son estime pour les gens de mérite et de vertu, lui acquirent l’amitié des uns et des autres. II aimait les esprits francs et sincères, et il admirait de plus tous ceux qui excellaient dans les lettres ou dans les beaux-arts, pourvu qu’il n’y remarquât ni de l’orgueil, ni de la malignité. Tous ceux qui méritèrent d’avoir part à ses libéralités, en ressentirent les effets. Il faisait de grands présents, et les faisait avec grandeur. Il se plaisait à publier jusqu’aux moindres offices qu’il avait reçus des particuliers dans sa première fortune, et n’épargnait rien pour leur témoigner sa reconnaissance. L’ambition ne lui fit pas entreprendre de conquérir les provinces de ses voisins ; mais il sut châtier ceux qui usurpaient les siennes ou celles de ses collègues. Aussi ne se fit-il point d’ennemis durant son règne, mais il vainquit ceux qui le devinrent. Il avait assez de connaissance des belles lettres et s’en servait sans affectation. La lecture des histoires ne lui fut pas inutile, et il s’appliqua à former ses mœurs sur les vertus des grands princes qui l’avaient précédé. Il détestait souvent en public l’orgueil, la cruauté, l’ambition et la tyrannie de Cinna, de Marius, de Sylla et de leurs semblables, afin de s’imposer une heureuse nécessité de suivre une conduite opposée à celle qu’il blâmait ; surtout il était ennemi déclaré des traîtres et des ingrats.


On peut lui reprocher qu’il se laissait emporter quelquefois à la colère, mais il fallait qu’il en eût de grands sujets, encore était-il bientôt apaisé. Son abord était agréable et facile, et ce qui est rare parmi les grands, ses prospérités et ses victoires, au lieu de l’enfler et-de le corrompre, ne firent que le rendre plus doux et plus obligeant. Il eut soin qu’on fournît des vivres en abondance aux provinces que la guerre avait ruinées, et il restitua de son argent des sommes considérables, que les tyrans avaient enlevées à des particuliers. Dans la guerre il marchait toujours à la tête de ses armées, s’exposant au péril, et partageant toutes les fatigues avec les moindres soldats.


Il était chaste, et par des lois sévères il abolit les coutumes qui étaient contraires à la bienséance et à la pudeur. Quoiqu’il fût d’une complexion assez délicate, il entretenait sa santé par un exercice modéré et par la diète. C’était pourtant un de ses plaisirs de donner à manger à ses amis et de cultiver l’amitié par toute sorte d’honnêtes réjouissances. Dans ces festins particuliers où il voulait plus de propreté et de politesse, que de luxe et de profusion, il jouissait des douceurs de la société, et se communiquait avec une familiarité raisonnable, qui donnait de la confiance, et qui ne diminuait pas le respect qu’on avait pour lui. Ses principaux divertissements étaient la conversation et la promenade, lorsqu’il voulait se délasser des soins qu’il prenait des affaires.


Jamais prince ne vécut si bien dans son domestique. Il honora son oncle comme son père. Après la mort de son frère, il eut autant de soin de ses enfants que des siens propres. Il avança dans les charges ceux qui s’attachaient à son service, et servit de père à tous ses parents. Ainsi, après avoir réglé pendant le jour les affaires de l’empire, et donné des lois à tout le monde, il se renfermait avec joie dans sa famille, où, par ses soins, ses tendresses et ses bontés, il montrait aux siens qu’il était aussi bon ami, aussi bon parent, aussi bon maître, aussi bon mari, et aussi bon père, que sage et puissant empereur.


C’est là le portrait que nous ont laissé, du grand Théodose, des auteurs païens qui ont vécu de son temps, quoique prévenus contre lui pour l’intérêt de leur religion. Le philosophe Thémistius, et Symmaque même, ce grand défenseur du paganisme, avouent de bonne foi que les vertus de ce prince sont au-dessus de toutes les louanges qu’on lui a données. Il n’y a que l’historien Zozime, qui, par des faussetés étudiées, cherche à décrier les empereurs chrétiens qui ont ruiné le culte des idoles. Il déguise la vérité selon son caprice et sa passion, et s’efforce à faire des vices de toutes les vertus de cet empereur. Il nomme ses libéralités des profusions, sa modération fainéantise, ses festins d’amitié des dissolutions, et cette vie agréable et douce qu’il menait durant la paix, une vie molle et voluptueuse. Il est pourtant contraint par la force de la vérité, d’avouer que durant la guerre il se faisait en lui un renversement de mœurs extraordinaire, qu’il oubliait tout d’un coup ses amusements et ses plaisirs, pour prendre les soins et les vertus nécessaires à la sûreté de l’empire, et que d’un prince faible et voluptueux, il s’en formait un prince vaillant et laborieux, par une espèce de prodige.


Ce n’est pas que Théodose n’ait eu des défauts. Ses emportements de colère, sa facilité à croire ceux en qui il avait quelque confiance, et sa prévention en faveur de ceux qu’il avait choisis pour ses principaux amis, sont des taches qui terniraient un peu la vie de cet empereur, si elles n’étaient confondues dans une infinité d’actions éclatantes ou effacées par une pénitence très sincère.


Les saints Pères qui l’ont mieux connu, ne peuvent se lasser de louer sa piété. Saint Ambroise et saint Augustin en ont laissé des éloges en plusieurs endroits de leurs écrits ; et saint Paulin, s’étant retiré à Nole, fit, en l’honneur de ce prince, une éloquente et docte apologie, que saint Jérôme appelle un excellent panégyrique dont on ne saurait assez regretter la perte. »


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