La beauté de la morale chrétienne
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La beauté de la morale chrétienne
Nous assistons actuellement, en ce XXIe siècle, à une grave défiguration de la morale chrétienne. Certains temples protestants pratiquent des messes hérétiques à la sauce Star Wars, d’autres églises catholiques voient leur nef hantée par des prêtres danseurs qui ont plus de points en commun avec le show-business qu’avec la prêtrise, de nombreux écrits fallacieux détournent complètement la théologie chrétienne, beaucoup de films transmettent des messages opposés aux enseignements de Notre Seigneur Jésus-Christ, des artistes mal inspirés parodient grossièrement de magnifiques œuvres chrétiennes. Bref, maintes âmes sont perverties par les puissances de l’air. Ce qui a fait la gloire du christianisme a disparu par la faute de ces odieuses caricatures. C’est pourquoi il est grand temps de revigorer les esprits avec un formidable rappel rédigé par le vénérable abbé de Solesmes. Donnons un grand coup de balai aux innombrables hérésies qui hantent les lieux.
« sainte Cécile et la société Romaine ». Tome II. Page 50 à 64
« L’homme régénéré dans le Christ n’est pas pour cela devenu impeccable. Si, après le baptême, après la réception de l’Esprit-Saint, et la participation au Poisson divin qui est le même que l’Agneau, il lui arrive de retomber dans le péché, sera-t-il perdu sans retour ? La miséricordieuse prévoyance du Christ est venue à son secours, en établissant un autre sacrement, dont l’effet est de remettre les fautes commises après le baptême. L’église romaine n’eut pas seulement à consigner l’expression de ce dogme sur les représentations patentes dans les lieux de réunion des chrétiens. Elle dut protester avec une insistance particulière contre les orgueilleuses tendances des sectes rigoristes qui prétendaient borner le pouvoir sacramentel à établir l’homme dans l’amitié de Dieu, sans plus aucun moyen de le restituer dans cet heureux état, s’il avait le malheur d’en déchoir.
Ces pharisiens de la loi nouvelle se scandalisaient des paroles que le Sauveur avait dites à ceux de la Synagogue : « Le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés. » (Matth., IX.) Semblables à d’autres hérétiques qui n’ont pas voulu prendre à la lettre les paroles du Christ, quand il dit : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang », ils refusaient d’accepter la portée de son langage, lorsqu’il déclara qu’il remettait les péchés « en tant que Fils de l’homme ». Ils entendaient par là borner la puissance du caractère sacerdotal conféré dans l’ordination, comprenant très bien que si le Christ, en tant que Fils de l’homme, a pu remettre les péchés, d’autres fils de l’homme peuvent recevoir de lui le même pouvoir. Pour protester contre cette odieuse hérésie, l’église romaine fit peindre fréquemment dans les catacombes l’image du paralytique emportant son lit, parce que ce fut dans la guérison de ce malade que le Christ prononça ces solennelles paroles, qu’il interpréta plus tard, en disant : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. »
Mais, transportons-nous au cimetière de Priscille, et contemplons-y ce gracieux plafond. (Bosio, 547, A.) Le pasteur en occupe le centre ; mais ce n’est plus une brebis qu’il porte sur ses épaules ; c’est la chèvre qui ne semblait pas appelée à un tel honneur. Aux pieds du pasteur, le troupeau est représenté par l’agneau et la chèvre, afin de donner à entendre que, dans sa miséricorde, le Sauveur, qui n’a parlé que d’agneaux, consent à recevoir près de lui cette espèce inférieure qui figure les pécheurs, ayant perdu la sainteté de leur baptême, et l’ayant recouvrée par le ministère des clefs. Ils sont rentrés au bercail, et il ne tient qu’à eux de n’en plus sortir. Avec quel amour cette humble chèvre, réhabilitée dans le troupeau, contemple le Fils de l’homme, auquel elle doit son heureuse rentrée sous les ombrages dans lesquels se jouent des colombes !
L’église romaine, lorsque le montanisme fit irruption dans son sein, ne se borna plus à faire peindre le bon Pasteur sur les murailles des cimetières ; Tertullien, dans son dépit, se plaint que le pape Zéphyrin fût allé jusqu’à faire graver ce signe d’espérance pour les pécheurs sur les calices, où, après avoir été réconciliés par le sacrement de la pénitence, ils venaient aspirer le sang du Christ. Mais, pour revenir à nos fresques, l’Evangile y avait déjà été mis à contribution quant aux types de la réhabilitation, témoin la coupable mais humble Samaritaine, si gracieusement représentée sur une des fresques du cimetière de Domitille. (Bosio, 245, III.)
La scène de Lazare enseveli depuis quatre jours, et répandant déjà l’odeur de la corruption, est sans cesse représentée, non seulement comme un monument du pouvoir du Christ sur la vie et la mort, mais le plus ordinairement comme le symbole du pouvoir sacramentel qu’il a laissé à son Église, de rendre la vie de l’âme au pécheur le plus invétéré, par la rémission des péchés.
C’est ainsi que la mission du Fils de Dieu et de l’Esprit-Saint, de l’Agneau et de la Colombe, au moyen du baptême, de la chrismation, de l’eucharistie et de la pénitence, a restitué à l’homme, malgré sa chute, l’être surnaturel, et, selon l’expression hardie de saint Pierre, l’a fait « participant de la nature divine ». (II Petr., I.)
Il s’agit maintenant de montrer ce que doit être cet homme renouvelé, et pour cela nous avons à chercher les traits de la vie morale du chrétien sur nos peintures.
La première chose qui nous frappe, c’est cette sorte d’identité qui semble désormais établie entre le médiateur divin et ceux qu’il est venu rattacher à Dieu. Elle avait déjà apparu, lorsque l’appellation de Christianus fut décrétée à Antioche, pour désigner désormais les disciples du Christ. Dans les catacombes et sur les antiques représentations chrétiennes, le poisson apparaît fréquemment, mais il ne signifie pas toujours le Christ ; souvent c’est le fidèle même qu’il exprime. Qu’est le fidèle en effet, sinon un poisson ? Le Christ n’a-t-il pas dit à ses apôtres : « Je vous ferai pêcheurs d’hommes ? » (Matth., IV.) Aucune des peintures de l’époque à laquelle nous nous arrêtons ne représente cette pêche, si ce n’est peut-être celle par trop effacée de l’ambulacre du cimetière de Domitille ; mais le chrétien-poisson lui-même abonde déjà sur les fresques du second siècle.
De même, le Verbe incarné étant dépeint sous les traits de l’agneau, son disciple devra revêtir aussi le caractère de l’agneau. « Je vous envoie, dit le Sauveur, comme des agneaux au milieu des loups. » (Luc, X.) Dans la parabole où il se représente comme le pasteur, il parle sans cesse des fidèles comme de ses brebis « qu’il connaît et dont il est connu ». (Johan., X.) Les peintres des cimetières n’ont eu garde d’oublier cette assimilation touchante. Il n’est pas jusqu’au pauvre pécheur réhabilité après le baptême dont il avait perdu la grâce, qui ne reparaisse plus d’une fois sous les traits de la chèvre, il est vrai, mais agile et régénéré.
La manifestation de l’Esprit-Saint, sous la forme de la colombe, amenait un nouveau type pour désigner le chrétien par imitation. Au-dessus des eaux du Jourdain, c’est l’Esprit-Saint qui se manifeste sous un signe sensible : Spiritus Sanctus ; mais l’âme humaine est désignée aussi, dans les Ecritures, sous le nom de spiritus. Le Psautier se termine par ces paroles : Omnis spiritus laudet Dominum. (Psalm. CL.) L’antiquité païenne avait consacré la colombe à Cypris ; le christianisme s’en empare désormais et l’inscrit de toutes parts, dans son sens nouveau, sur ses monuments primitifs. Tantôt elle vole, tantôt elle repose, tantôt elle tient dans ses pattes le laurier de sa victoire, tantôt elle le porte à son bec ; rien de plus répété aux catacombes.
Avant d’aller plus loin, il nous faut parler du symbolisme des fleurs sur les peintures cémétériales. Nous y rencontrons souvent la rose et le lis réunis ensemble comme sur une même tige : le lis, signe de la pureté de l’âme ; la rose consacrée par les païens à l’amour profane, et devenue pour les chrétiens l’expression de cet amour suprême qui les conduisait au martyre. Minucius Félix, dans son Octavius (cap. XXXVIII), répond aux païens qui accusaient les sectateurs du christianisme de dédaigner les fleurs, parce qu’ils ne s’en couronnaient pas : « Bien que toute créature, étant un don inviolable de Dieu, ne puisse être souillée en elle-même par le mauvais usage, nous nous abstenons, il est vrai, de certain emploi de ces créatures, pour ne pas donner lieu de penser que nous accordons quelque chose aux démons dans ce qui leur est consacré, ou que nous rougissons de notre religion. Mais est-il permis d’ignorer le goût que nous professons pour les fleurs, nous qui faisons tant de cas de la rose du printemps et du lis, et généralement de ce que les fleurs offrent de charme, soit dans leurs couleurs, soit dans leur parfum ? Nous savons nous en servir, soit pour en joncher la terre, soit pour en former de fraîches guirlandes, dont nous entourons notre cou. Si nous n’en couronnons pas nos têtes, excusez-nous, c’est par l’odorat et non par les cheveux de l’occiput que nous aspirons le parfum des fleurs. » Ce goût des premiers chrétiens pour les plantes et les arbres odoriférants paraît sur les peintures cémétériales, dans les rinceaux dont elles sont décorées si souvent. Quant à la rose et au lis emmêlés, il ne se peut rien voir de plus gracieux que les échantillons qui nous sont fournis par les fresques du cimetière de l’Ardéatine. (Bosio, 241, 247.)
Le laurier, symbole de cette victoire qui ne s’acquiert que par une lutte au champ d’honneur, et qui est sans cesse célébré dans l’antiquité ecclésiastique comme l’emblème du martyre, ne pouvait manquer de figurer parmi les symboles en faveur dans Rome souterraine. La même catacombe qui vient de nous donner la rose et le lis, nous fournit aussi le laurier accompagnant le collier de perles qui sera le prix du vainqueur. (Bosio, 245.)
Mais il faut entrer maintenant dans la série des actes de vertu que le chrétien devra pratiquer pour être digne de son divin caractère. Avant tout, il lui faut mettre en Dieu une confiance inaltérable. Son espérance dans le secours d’en haut doit être cette ancre que recommande l’Apôtre. (Hebr., VI.) Aussi voyons-nous fréquemment sur les pierres gravées pour l’usage des fidèles, et qui sont arrivées jusqu’à nous, le poisson, figure du chrétien, se serrant fortement contre cette ancre de salut, qui, terminée par la croix, montre que toute l’espérance de l’homme repose dans le Christ, qui a délivré le genre humain par l’effusion de son sang sur le bois de la rédemption.
À côté de l’espérance apparaît l’humilité ; l’homme était d’autant moins disposé à mettre sa confiance en lui-même, qu’il sent tout ce que Dieu opère en sa faveur. De là cette simplicité héroïque, caractère d’une nouvelle génération que l’on aurait crue descendue du ciel et se révélant à la terre. Un jour le Christ avait béni un enfant, et il avait dit à ceux qui l’entouraient : « Si vous ne devenez comme cet enfant, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. » (Matth., XVIII.) La simplicité devait donc faire le caractère de la nouvelle société appelée à triompher de l’ancienne, au sein de laquelle l’orgueil et toutes les convoitises étaient déchaînés. Cette vertu respire de toutes parts dans les nombreuses figures qu’a produites l’art des catacombes. On sent que tous ces personnages ont traité avec Dieu, et qu’il leur en reste l’impression douce et profonde du néant de l’homme. Clément d’Alexandrie, dans son délicieux Carmen au Christ, Roi des enfants, épanche l’enthousiasme qu’inspirait à ses contemporains cette paix, fruit de l’humilité chrétienne. Nous citerons ici le Christ bénissant un enfant, d’après une fresque du cimetière de la voie Latine. (Bosio, 307, II.) Ceux qui voudraient y voir la guérison de l’aveugle-né n’ont évidemment pas considéré avec attention cette peinture qui retrace un enfant et non un homme, en même temps qu’elle est en parfait rapport avec le récit évangélique.
La confiance envers Dieu et l’humilité produisent la prière ; et l’on peut dire que le grand nombre des figures chrétiennes des catacombes représente le chrétien dans l’exercice de cet acte de piété envers Dieu. La révérence avec laquelle l’homme doit aborder ce souverain Seigneur est exprimée par le type de Moïse qui vient d’ôter sa chaussure par respect avant de s’approcher du buisson ardent, près duquel il doit s’entretenir avec Dieu. Les belles peintures du cimetière de Nérée et Achillée nous fournissent encore cet intéressant sujet. (Bosio, 259, III.)
Quant à la prière elle-même, ainsi que nous venons de le dire, elle est partout dans les catacombes. Ces hommes, ces femmes, recueillis et immobiles, qui ont reçu le nom d’orantes, se retrouvent à chaque pas. On sent que c’est avec Dieu qu’ils traitent. Leur attitude représente le Christ, les bras étendus sur la croix et offrant sa prière pour le salut du genre humain. Ils savent que c’est par lui que leur prière monte jusqu’au ciel et est agréée, et ils persévèrent dans l’application à Dieu avec lequel la contemplation les unit. Que leur importe le fracas qui accompagne les convulsions de l’Empire au-dessus de leur tête ! Leur âme repose en Dieu, leur corps exprime la figure de la croix ; sous quelques jours peut-être ils seront immolés ; mais la Rome nouvelle, grâce à la prière silencieuse, s’établira par eux, et les temples des faux dieux, s’écroulant, verront s’élever du sol de la ville éternelle les basiliques qui porteront jusqu’aux cieux le nom et la gloire des martyrs. Soit que les orantes des catacombes expriment la prière éternelle des bienheureux au sein de Dieu, soit qu’ils rendent la prière de ceux qui sont encore dans la voie de l’épreuve, il est à remarquer que le caractère et l’expression demeurent toujours les mêmes.
Le détachement des choses temporelles et la patience sous la main de Dieu dans les épreuves, entraient aussi dans le caractère du chrétien. Il lui fallait se défendre des charmes de la vie présente dont il avait reconnu la vanité et trop souvent le danger, depuis qu’il avait écouté les enseignements de l’Evangile. L’exemple de Job soumis à Dieu au sein même des plus grandes tribulations, était rappelé aux premiers fidèles par saint Jacques dans sa solennelle épître. (Cap. V.) L’effigie de ce héros de la patience ne pouvait donc être omise dans la série des peintures catéchétiques des cimetières. (Bosio, 259, I.)
Au reste, ils devaient être prêts à la tribulation, ces chrétiens des générations premières, obligés qu’ils étaient de compter sans cesse sur le martyre, comme sur le dénouement plus ou moins prochain de leur existence. Ils n’allaient pas au baptême sans avoir entendu lire, durant les heures solennelles qui précédaient, l’histoire des trois enfants jetés à Babylone dans une fournaise ardente, pour avoir refusé d’adorer la statue de Nabuchodonosor. Ces trois héros furent miraculeusement préservés ; mais les chrétiens n’ignoraient pas que Dieu ne s’était pas engagé à répéter le prodige, chaque fois que ses serviteurs de la loi nouvelle seraient appelés à confesser leur foi. Pierre avait dit aux chrétiens dans sa première épître : « Le Christ a souffert dans sa chair ; armez-vous de cette pensée. » (Cap. IV.) Le martyre ou l’apostasie, telle était l’alternative qui pouvait s’offrir à eux d’un moment à l’autre. C’est pour cette raison que la représentation des trois enfants dans la fournaise est une des plus fréquentes sur les fresques des catacombes. Au cimetière de Priscille, la divine Colombe se fait remarquer planant au-dessus des trois martyrs, et portant dans son bec le rameau d’olivier, pour rappeler l’huile sacrée de la confirmation, qui donne au chrétien la force de confesser la foi du Christ, au milieu même des supplices. (Bosio, 551, II)
Un autre type du martyre, non moins expressif et non moins fréquent sur nos fresques, est Daniel dans la fosse aux lions. Le courage tranquille avec lequel le prophète affronta ces bêtes féroces devait accompagner le chrétien, lorsqu’il aurait à descendre dans l’amphithéâtre pour y être à son tour dévoré par les lions ; et si quelquefois par exception, il plaisait à Dieu de donner la leçon aux païens, en contraignant ces animaux féroces à demeurer immobiles et respectueux aux pieds des athlètes de la foi, le chrétien ne devait pas compter sur le prodige, mais se tenir toujours prêt à sentir la dent de ces animaux affamés s’enfoncer dans sa chair et dévorer ses membres. Le nombre des martyrs de l’amphithéâtre dépasse de beaucoup, on le sait, celui des martyrs du bûcher. Les jeux publics étaient fréquents et ils avaient besoin d’être alimentés. Dans une peinture des cryptes Ardéatines (Bosio, 235), saint Pierre et saint Paul, fondateurs de l’église romaine, ayant près d’eux les saintes Ecritures, sont assis de chaque côté du martyr, pour soutenir sa foi, et lui rappeler la constance dont ils lui ont donné la leçon par leurs écrits et par leurs exemples.
Qu’ils fussent appelés ou non à sortir de cette vie d’une manière précipitée et violente, les chrétiens devaient toujours se tenir prêts, gardant dans leurs âmes l’alliance qu’ils avaient scellée avec Dieu par le baptême, et pratiquant jusqu’à la fin les œuvres qu’inspire une foi vivante. La parabole de l’Evangile leur était connue. (Matth., XXV.) C’est au milieu de la nuit, au sein même de leur sommeil, que devait retentir le cri qui les appellerait devant le juge. À ce moment, leurs lampes devaient être non seulement allumées, mais garnies de cette huile, sans laquelle la lumière ne saurait briller. Le Christ donne à entendre que, parmi les hommes, les uns se trouvent prêts pour ce moment solennel, et les autres en retard. Il met en scène dix vierges, dont cinq sont pourvues de l’huile nécessaire qui manque aux cinq autres. Dans les riches galeries de la voie Nomentane, on voit les cinq vierges sages qui viennent d’entendre le cri. Elles se sont levées, leur provision d’huile est faite, et, le flambeau à la main, elles s’avancent vers la lumière éternelle qui va les recevoir pour toujours. (Bosio, 461, V.)
Le Sauveur avait établi sa loi sur le double fondement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain ; les peintures cémétériales ne pouvaient donc manquer d’offrir leurs enseignements sur la pratique du second commandement, que le Christ déclare être exigible de nous aussi bien que celle du premier. (Matth., XXII.) Le symbole de cette charité fraternelle était exprimé par les agapes, festins communs institués par les apôtres et continués après eux, pour unir ceux qui étaient frères par le baptême, dans une étroite familiarité. Les mêmes cryptes de la voie Nomentane nous donnent sur ce sujet une charmante fresque, où brille, avec la simplicité chrétienne, tout le charme de la peinture antique. (Bosio, 447.)
Mais l’union entre les frères ne suffirait pas à l’accomplissement du grand précepte de l’amour du prochain. Le chrétien doit subvenir par l’aumône aux besoins de ses frères. Cette charité, qui porte à s’imposer des privations pour soulager les autres hommes dans leurs nécessités, fut un des caractères du christianisme qui émurent davantage les païens, d’autant plus qu’ils voyaient les chrétiens non seulement se secourir entre eux, mais encore prendre à leur charge ceux qui n’avaient pas le bonheur de partager leurs croyances. Nous trouvons au cimetière de la voie Lavicane une charmante expression de la charité chrétienne. (Bosio, 395, VIII.) Trois chrétiens sont à une table : l’un enlève un mets, et s’empresse de le donner à un pauvre ; l’autre, voyant arriver un serviteur chargé d’un autre mets, lui fait signe de l’aller porter à quelque indigent ; en sorte que la table restera à peine servie. Une chrétienne préside à cette table et approuve par sa présence et par son geste les largesses que font ses deux convives. »
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