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Vie des Saints Martyrs Chrétiens TOME I

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Vie des Saints Martyrs Chrétiens TOME I Empty Vie des Saints Martyrs Chrétiens TOME I

Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:20

Vie des Saints Martyrs Chrétiens

Recueil de pièces authentiques sur les martyrs depuis les origines
du christianisme jusqu'au XX° siècle
TRADUITES ET PUBLIÉES par le R. P. Dom H. LECLERCQ
Moine bénédictin de Saint-Michel de Farnborough
De 1903 à 1924


Dernière édition par Charles-Edouard le Jeu 14 Aoû 2008 - 19:33, édité 1 fois

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:21

TOME I
Les Temps Néroniens
ET
Le Deuxième Siècle


PRÉCÉDÉ D'UNE INTRODUCTION

QUATRIÈME ÉDITION

Imprimi potest.
FR. FERDINANDUS CABROL,
Prior Sancti Michaelis Farnborough.
Die 4 Maii 1903.
Imprimatur.
Turonibus, die 18 Octobris 1920. P. BATAILLE,
vic. gén.


ANIMULAE NECTAREAE EORGINAE FRANCISCAE STUART

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:24

TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE

I. — LES DOCUMENTS. Les lois. — Commentaires des jurisconsultes. — Sources littéraires. — Épigraphie. — Monuments figurés.

II. — LES « ACTES DES MARTYRS » ET LEURS SOURCES. Établissement. — Rédaction. — Conservation. — Expéditions. — Valeur judiciaire. — Modes de destruction. —« Actes » et « Passions ». — Notaires ecclésiastiques. — Fortune des Actes. — Collections d'Actes des martyrs. Martyrologes. — Du dessein de ce recueil.

III.— LE RÉGIME DES PERSÉCUTIONS. — La procédure suivie contre les chrétiens. — Les édits de persécution. — Néron. — Les rescrits de Trajan et d'Hadrien. — Apparition de la torture comme moyeu d'obtenir l'abjuration. — Les édits restrictifs du IIIe siècle. — Septime Sévère. — Dèce. — Valérien. —L'édit de Gallien. — Aurélien. — Les édits de 303-304.

IV. — LA PRÉPARATION AU MARTYRE. — Statistique du régime de persécution. — L'athlète. — Préoccupation de la souffrance physique. — L'impression produite et à produire sur les païens. — Inconvénients de l'apostasie. — L'instruction orale, les manuels de préparation au martyre. — Les représentations artistiques. — La préparation physique. — L'exemple. — Les récompenses, le paradis, le jugement.

V. — LA PROMULGATION DE L'ÉDIT DE PERSÉCUTION. — Rédaction. — Notoriété. — Affichage. — Proclamation publique. — Acclamations. — Transcription et copie du texte. — Lacération.

VI. — LA FUITE DEVANT LA PERSÉCUTION. — Circonstances qui provoquèrent le livre de Tertullien. — Thèse soutenue dans ce livre. — Le parti opposé. — Multitude et triste condition des fugitifs.— Leur situation légale. — Règles pour la fuite concernant le clergé.

VII. — LE ZÈLE TÉMÉRAIRE — Règle générale. — Les téméraires. — Le martyr typique. — Législation : de ceux dont la fuite expose le prochain, de ceux qui détruisent les idoles. — Règle spéciale pour les apostats repentants. — Les débiteurs insolvables.

VIII. — L'APOSTASIE

IX. — L'ARRESTATION

X. — LA DÉTENTION

XI. — L'INCARCÉRATION

XII. — LE RÉGIME DES PRISONS

XIII. — L'INSTRUCTION

XIV. — L'AUDIENCE

XV. — LES ASSESSEURS

XVI. — L'ACTE D'ACCUSATION. — LE NON-LIEU

XVII. — L'INTERROGATOIRE

XVIII. — LE PLAIDOYER

XIX. — LA DÉGRADATION

XCVII

XX. — LES ADJURATIONS

XXI. — LA TORTURE. — Innovation dans les causes chrétiennes. — A quelle époque. Exception. — Les rôles mythologiques. — La nudité. — Le vÊtement de haillons. — Degrés. — Personnel. — Cris. — Le héraut.— Prières. — Aggravations. — Procès-verbal. — L'apostasie. — L'insensibilité. — Maléfices. — Stupéfiants.

XXII. — LE JUGEMENT — Le délibéré. — Rédaction et lecture de la sentence. — Considérants.— Sentence.— Réponses. — Acquittements. — Renvoi de juridiction.

XXIII. — L'APPEL

XXIV. — LES SUPPLICES

XXV. — L'INVENTAIRE — LA CONFISCATION

XXVI. — LE DEVOIR DANS LES TEMPS TROUBLÉS

LA PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST

PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST

LE MARTYRE DE SAINT ÉTIENNE DIACRE A JÉRUSALEM, VERS L'AN 37

ACTES DE SAINT ÉTIENNE, DIACRE

LE MARTYRE DE SAINT JACQUES LE MAJEUR APOTRE A JÉRUSALEM, L'AN 44

LE MARTYRE DE SAINT JACQUES LE MAJEUR, APOTRE

LE MARTYRE DE SAINT JACQUES PREMIER ÉVÊQUE DE JÉRUSALEM A JÉRUSALEM L'AN 62

LE MARTYRE DE SAINT JACQUES

LES MARTYRS DES JARDINS DE NÉRON A ROME VERS LE Ier AOUT DE L'AN 64

1° TACITE (Annales, XV, 44)

2° SAINT CLÉMENT ROMAIN (Epître, I, 6)

LE MARTYRE DES SAINTS APOTRES PIERRE ET PAUL A ROME VERS L'AN 64 [66]

SAINT CLÉMENT ROMAIN (Épître, I, ch. V)

SAINT JEAN (XXI, 18-19)

DENYS DE CORINTHE (dans Eusèbe, Hist. eccl., 1. II, c. 24)

TERTULLIEN (de Praescript., c. 36)

LE MÊME (Scorpiace, C. 15)

ORIGÈNE (dans Eusèbe, ouvr. cité, 1. III, c. I)

GAIUS, prêtre de Rome (commencement du IIIe siècle)

LE MARTYRE DE FLAVIUS CLÉMENT CONSUL ET DE PLUSIEURS AUTRES, L'AN 95

I° DION CASSIUs (LXVII. 13)

2° EUSÈBE (Hist. eccl., III, 18)

3° SAINT JÉRÔME (Lettre 108 à Eustochium)

LE MARTYRE DE SAINT JEAN ÉVANGÉLISTE A ROME, L'AN 95

LE MARTYRE DE SAINT JEAN

TERTULLIEN (ouvr. cité)

SAINT JÉRÔME (De Viris illustribus, 9)

LES MARTYRS DE L'ASIE-MINEURE ET DE BITHYNIE SOUS DOMITIEN

ASIE-MINEURE

BITHYNIE

LE MARTYRE DE SAINT SIMÉON ÉVÊQUE DE JÉRUSALEM. A. JÉRUSALEM, L'AN I07

Martyre de saint Siméon

LE MARTYRE DE SAINT IGNACE ÉVÊQUE D'ANTIOCHE A ROME, L'AN 107

ÉPITRE DE SAINT IGNACE D'ANTIOCHE AUX ROMAINS

LES MARTYRS DE BITHYNIE SOUS TRAJAN (111-112)

PLINE A L'EMPEREUR

L'EMPEREUR A PLINE

NOTE SUR L'ÉDIT DE PERSÉCUTION

LES MARTYRS D'ASIE, SOUS HADRIEN. L'AN 124-125

GRANIANUS A L'EMPEREUR

L'EMPEREUR A MINUCIUS FUNDANUS

LE MARTYRE DE SAINT POLYCARPE, ÉVÊQUE DE SMYRNE. A SMYRNE, L'AN 155

MARTYRE DE SAINT POLYCARPE, EVEQUE DE SMYRNE

LES ACTES DE CAMPOS, PAPYLOS ET AGATHONICÉ. A PERGAME, SOUS MARC-AURÈLE

ACTES DE CARPOS, PAPYLOS ET AGATHONICÉ

LE MARTYRE DE SAINT PTOLÉMÉE ET DE SES COMPAGNONS. A ROME, L'AN 160

LE MARTYRE DE SAINT PTOLÉMÉE

LE MARTYRE DE SAINT JUSTIN. A ROME, EN L'ANNÉE 163

ACTES DE SAINT JUSTIN, PHILOSOPHIE, ET DE SES COMPAGNONS

LES MARTYRS DE LYON. L'AN 177

LETTRE DES ÉGLISES DE LYON ET DE VIENNE AUX ÉGLISES D'ASIE ET DE PHRYGIE

CATALOGUE DES MARTYRS DE LYON

LES MARTYRS SCILLITAINS. A CARTHAGE, LE 17 JUILLET 180

PASSION DES MARTYRS SCILLITAINS

LES ACTES DE SAINT APOLLONIUS. A ROME, VERS 183

MARTYRE DU SAINT ASCÈTE APOLLONIUS

PASSION DE SAINTE PERPÉTUE ET DE SAINTE FÉLICITÉ. A CARTHAGE, LE 6 MARS 203

PASSION DES SAINTES PERPÉTUE ET FÉLICITÉ ET DE LEURS COMPAGNONS

Préface

Ici commence la passion.

APPENDICE (1). PIÈCES INTERPOLÉES ET RÉDACTIONS POSTÉRIEURES

LES ACTES DE SAINTE THÈCLE. A. ICONIUM, VERS L'AN 47

LE MARTYRE DE SAINTE THÈCLE, VIERGE.

LES ACTES DE SAINT ANDRÉ APÔTRE. EN ACHAIE, VERS 70

LES ACTES DE SAINT ANDRÉ, APOTRE

LES ACTES DE SAINT CLÉMENT, PAPE.EN CHERSONÈSE, SOUS TRAJAN

LE MARTYRE DE SAINT CLÉMENT, PAPE ET MARTYR

LES ACTES DU MARTYRE DES SAINTS NÉRÉE ET ACHILLÉE. A TERRACINE, SOUS TRAJAN (?)

LE MARTYRE DE LA VIERGE SAINTE FLAVIA DOMITILLA ET DES SAINTS NÉRÉE ET ACHILLÉE

LES ACTES DU MARTYRE DE SAINT IGNACE, ÉVÊQUE D'ANTIOCHE. A ROME, L'AN 107

LE MARTYRE DE SAINTE SYMPHOROSE ET DE SES SEPT FILS. A TIBUR, VERS 135-138

LE MARTYRE DE SAINTE SYMPHOROSE ET DE SES SEPT FILS

LE MARTYRE DE SAINTE FÉLICITÉ ET DE SES SEPT FILS. A ROME L'AN 162

LE MARTYRE DE SAINTE FÉLICITÉ ET DE SES SEPT FILS

LES ACTES DES SAINTS ÉPIPODE ET ALEXANDRE. A LYON, L'AN 177

LE MARTYRE DE SAINT ÉPIPODE ET DE SAINT ALEXANDRE

LE MARTYRE DE SAINTE CÉCILE. A ROME ENTRE JUIN 177 ET MARS 180

LES ACTES DE SAINTE CÉCILE, VIERGE ET DES SAINTS VALÉRIEN, TIBURCE ET MAXIME

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:24

PRÉFACE
J'éprouve une réelle satisfaction à présenter au public la troisième édition d'un livre auquel ses débuts ne faisaient pas augurer ce succès. Plusieurs personnes s'étaient montrées mécontentes d'un recueil dans lequel elles ne trouvaient presque rien de ce qu'elles comptaient, sur la foi du titre, y rencontrer. En effet, la part faite aux légendes qui sont, depuis des siècles, en possession du droit de remplacer l'histoire véritable était si réduite, les documents sincères choisis avec tant de rigueur, que le contenu du volume ne répondait pas à l'idée qu'on avait pu s'en faire à l'avance.

Cependant, le premier mouvement de surprise et d'humeur passé, le plus grand nombre ne fit pas difficulté de reconnaître l'avantage d'une méthode dont les défaillances tenaient à l'état imparfait de la critique plutôt qu'aux opinions personnelles de l'auteur. C'est bien à tort, en effet, qu'on s'imagine que les chrétiens fervents qui cherchent dans l'exemple des saints des modèles pour leur propre conduite, qu'on s'imagine, dis-je, que ces âmes très pures ne sont pas très délicates à l'égard des objets de leur admiration. Bien loin de s'accommoder des supercheries à condition que ces supercheries


VIII


soient dévotes, beaucoup d'entre elles entendent ne laisser inspirer leur conduite que par des exemples certains. La critique ne saurait avoir de récompense plus choisie que d'assigner ainsi à plusieurs la règle et la limite du sacrifice. Cette considération, à elle seule, suffirait à me faire persévérer dans la voie que j'ai ouverte et où l'approbation la plus haute m'invite à ne plus m'arrêter.

Je ne me fais aucune illusion sur la portée scientifique du présent recueil. Il n'en a aucune et je le veux ainsi. Seules quelques traductions anciennes qui nous conservent des écrits dont l'original a disparu peuvent prétendre à une valeur documentaire. Les traductions que contient ce volume et ceux qui le suivent ne se trouvent pas dans ce cas. Elles n'ont d'autre but que de répondre à leur manière à l'antique sollicitude qu'inspira de tous temps à l'Église chrétienne l'instruction des fidèles. Les bons livres sont aussi efficaces pour le bien que les mauvais livres le sont pour le mal. C'est en conformité avec cette maxime que, dès les premiers temps du christianisme, des efforts furent tentés dans le but de procurer aux fidèles les connaissances qui éclairassent leur intelligence et affermissent leur volonté.

Vers la seconde moitié du IIe siècle apparaissent les traductions latines des principaux écrits de la littérature chrétienne : la version de la Bible dite Itala, celle de l'Épître du pseudo-Barnabé, celles du Pasteur d'Hermas, du Traité contre les Hérésies par saint Irénée, de l'Épître de saint Clément. Ces traductions — et d’autres sans doute qui ne nous sont pas parvenues — sont très habilement choisies et, dès cette époque reculée, nous présentent une sorte de « Bibliothèque théologique» dans


IX


laquelle les ouvrages fondamentaux de la théologie, de l'apologétique, de l'ascèse et de la controverse contemporaines se trouvent représentés (1).

On pourrait, en suivant l'histoire littéraire des traductions faites au point de vue doctrinal depuis les origines de l'Église jusqu'à nos jours, écrire un livre neuf et curieux ; mais ce travail, pour être démonstratif, doit être complet ; nous ne pouvons rien faire de plus ici qu'en suggérer la pensée et en signaler l'intérêt.

Nul doute que dans la primitive Église l'enseignement donné aux fidèles ne comprît l'exposition du dogme et de la morale. Nous ne savons pas jusque dans son détail minutieux de quelle façon cet enseignement était distribué. Cependant nous savons que la charge de l'exposer aux frères était la fonction principale, peut-être même l'unique fonction, en un sens, du prêtre (2), qui, à ce titre, était regardé comme le représentant des Apôtres (3). C'est dans le but de reconnaître le zèle déployé par le prêtre dans l'enseignement de la doctrine qu'un honoraire double lui était accordé (4). La formule de l'ordination



1. M. SCHANZ, Geschichte der römischen Literatur bis zum Gesetzgebungswerk des Kaiser Justinian, 3e partie : Die Zeit von Hadrian (117 n Ch.) bis auf Constantin (324 n. Ch.), 1896. Un chapitre spécial est consacré aux traductions : traductions bibliques et hiéronymiennes. trad. de Clément, Barnabé, Ignace, Polycarpe, Hermas, Irénée, Chronique d'Hippolyte (Liber generationis et barbarus Scaligeri), Anatolius, Didaché, Évangile de Thomas, canon de Muratori (?). Il faut ajouter à cette liste les traductions des ouvrages d'Origène.

2. CH. DE SMEDT, L'organisation des Églises chrétiennes jusqu'au milieu du IIIe siècle, dans la Revue des Quest. hist., Ier oct. 1888, p. 329-384; 1er oct. 1892, p. 1-37.

3. Constit. Apost., 1. II, c XXVI.

4. III., 1. II, c. XXVII


X


presbytérale ne reconnaît explicitement au prêtre que l'office d'enseigner la doctrine et d'assister l'évêque dans le gouvernement spirituel des fidèles (1). De quels Manuels faisait-il usage pour s'acquitter de sa tâche ? Nous l’ignorons, puisque aucun écrit de ce genre ne nous a été conservé avec son titre. Toutefois, il n'y a aucune témérité à supposer que la Bible, adaptée suivant les divers pays aux tempéraments des races, devait former le fond de tout l'enseignement Si l'on compare la Didachè, l'épître de saint Clément aux Corinthiens, la lettre de saint Irénée à Florinus, aux homélies d'Origène, on pourra se rendre compte aisément de la distance qui existe entre les différentes méthodes d'utilisation et d'ex-position du texte des livres saints par les vieux docteurs du christianisme à ses débuts.

Une autre source d'enseignement se trouvait dans les Actes des Martyrs. Ces pièces étaient en possession, dans plusieurs Églises, particulièrement en Afrique, d'une dignité liturgique officielle (2). On les lisait publiquement, le jour anniversaire de la mort des martyrs, à la messe solennelle. En ces temps le martyre n'était pas comme de nos jours une exception, c'était une menace et une promesse pour tous les fidèles ; c'était le caractère essentiel du christianisme, c'est-à-dire une qualité dont toutes les autres, ou du moins beaucoup d'autres, dérivaient suivant des liaisons fixes. D'après l'enseignement des maîtres, le martyre était la perfection de la charité ; l'on s'y


1. Constit. Apost., l. VIII, C. XIX.

2. L. DUCHESNE, Sainte Salsa, vierge et martyre à Tipasa, en Algérie, lecture faite le 2 avril 1890 à la réunion trimestrielle des cinq Académies.


XI


préparait par la réformation physique et morale de l'individu soumis à une sorte de préparation et d'ascèse, qui paraît même avoir fait l'objet d'une rédaction officielle (1).

Dans ces conditions, le récit du combat de ceux qui avaient triomphé prenait dans la formation morale de la société chrétienne une importance considérable.

Les conditions politiques nouvelles amenées par la paix de l'Église laissèrent au martyre sa dignité éminente et surnaturelle, son attrait mystérieux et austère et sa valeur absolue. C'est que l'instrument par le moyen duquel chaque martyr a consommé son sacrifice est une parcelle de l'autel sur lequel le Christ est immolé. Chacune de ces parcelles, en venant s'ajouter à la croix de Jésus-Christ, achève de parfaire « ce qui manque à sa passion ».

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:24

I. — LES DOCUMENTS. Les lois. — Commentaires des jurisconsultes. — Sources littéraires. — Épigraphie. — Monuments figurés.
Les sources à l'aide desquelles nous pouvons reconstituer ce qui a trait au martyre à l'époque impériale sont de trois sortes : ce sont les pièces judiciaires, les ouvrages littéraires, les monuments épigraphiques et figurés. La valeur des documents compris dans ces sources diverses est bien loin d'être la même pour tous. On pourrait dire sans exagération que chaque document présente une valeur distincte. Les textes juridiques et législatifs et les pièces de greffe forment une première catégorie, la



1. E. LE BLANT, La préparation au martyre dans les premiers siècles de l'Église, dans les Mém. de l'Acad. des inscr., t. XXVIII, 1re part., p. 53 sq., réimprimé dans Les Persécuteurs et les Martyrs, ch. IX.


XII


plus précieuse incontestablement et probablement la plus riche. Parmi ces textes il importe de distinguer : 1° les lois proprement dites, qui, pour la plupart, ne peuvent être restituées aujourd'hui que d'une manière conjecturale ; 2° les écrits des jurisconsultes, principalement de Domitius Ulpianus, qui avait rassemblé et expliqué, au livre VII de son traité De officio Proconsulis, les constitutions édictées par les empereurs contre le christianisme (1). Afin de parer aux difficultés du texte, il avait colligé les avis des Prudentes (2), qui, au dire de Gaius, servaient de fondement au droit public (3).

Le traité d'Ulpien nous a été conservé en partie sous forme de citations dans le Digeste et dans la compilation intitulée Collatio mosaicarum romanarum legum. Quand furent établies les Pandectes, la persécution légale contre les chrétiens était depuis longtemps terminée ; aussi les compilateurs ne s'embarrassèrent pas de conserver les constitutions impériales désormais abolies, et on ne saurait dire, même d'une manière approximative, l'étendue de ce qui nous manque. En ce qui concerne l'oeuvre personnelle d'Ulpien, le dommage paraît devoir être peu considérable. Les livres VIIe et VIIIe du traité De officio Proconsulis sont ceux dont le Digeste contient le plus d'extraits, et, au point de vue de la poursuite des chrétiens, ces fragments d' Ulpien nous représentent son oeuvre presque complète. Il faut rappeler encore les Sententiae du jurisconsulte Paul, qui nous ont été transmises par les compilateurs de la loi romaine des Wisigoths, et ces


1. LACTANCE, Divinae institutiones, l. V, c. XI.

2. Peut-être aussi ses propres Commentaires.

3. Gaius, Comment., I. § 7 : Responsa Prudentium sunt sententiae et opiniones eorum quibus permissum est jura condere.


XIII


Responsa Prudentium, c'est-à-dire les commentaires des hommes de loi, disputationes jurisperitorum, dont le sentiment précisait la jurisprudence romaine. — 3° Les constitutions, édits ou rescrits des empereurs. Outre ceux qui sont cités au Digeste, nous possédons deux recueils principaux, quoique incomplets, de ces actes impériaux : le Code Théodosien (438), qui ne contient pas les actes antérieurs à la paix de l'Église, et le Code Justinien (528-534), dont les matériaux remontent un peu au delà, niais ne présentent pas tous un égal degré de certitude. Les constitutions impériales rendues contre les chrétiens n'avaient plus alors qu'un intérêt d'érudition et d'archéologie, ce qui était, aux yeux des hommes du VIe siècle, une médiocre recommandation. On les a donc manipulées avec quelque sans-gène ou bien on les a complètement écartées.

Les oeuvres littéraires contiennent un nombre relativement minime de traits historiques , sur les martyrs, et ces indications sont disséminées dans plusieurs ouvrages. Aucun écrivain de l'antiquité avant Eusèbe Pamphile — sauf peut-être Hégésippe — ne paraît s'être préoccupé de traiter les martyrs d'une manière historique, au point de vue de l'Église universelle. Tous se sont bornés à enregistrer les fastes des Églises particulières. Quant aux écrits où il est traité du martyre, ce sont des compositions oratoires comme celles d'Origène, de saint Cyprien et de quelques autres. Cependant, telles quelles, ces observations faites par les contemporains sont dignes d'une sérieuse attention et demanderaient d'être réunies dans un recueil spécial (1).


1. Le meilleur travail sur les persécutions est celui de M. P. ALLARD au titre général d'Histoire des persécutions, 5 vol., 1884-1890.— On peut trouver plusieurs de ces textes dans RENAN, Origines du Christianisme ; voy. l'Index général au mot Martyrs, et AUBÉ, dont l'ouvrage est resté inachevé. Les livres de MM. RENAN et AUBÉ sont à l'index.


XIV


L'épigraphie ne tient pas un rôle égal en tous pays pour l'histoire du martyre. Aucune Eglise ne peut balancer à ce point de vue l'Eglise de Rome. Néanmoins les pierres funéraires des catacombes ne fournissent pas, dans le sujet qui nous occupe, un contingent de faits comparable à celui qu'elles représentent dans diverses autres parties de l'histoire de l'antiquité (1).


1. Voyez DE ROSSI, Roma sotterranea cristiana. Roma, 1864, 1867, 1877, in-folio — Bullettino di archeologia cristiana (1863-1894) et le Nuovo bulletino (1895-...). — Inscriptiones christianae urbis Romae, saeculo septimo antiquiores, 2 vol. (1861 et 1888) in-folio. — E. LE BLANT,

, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, 2 vol. (1857-1864), en tenant compte des lectures de O. HIRSCHFELD dans le tome XII du Corp. inscr. lat., et Nouveau recueil des inscript. de la Gaule, 1 vol. (1892) in-4°. Voyez aussi la bibliographie d'épigraphie chrétienne, imprimés et manuscrits, dans LE BLANT, Manuel d'épigraphie chrétienne (Paris, 1869, in-12), p. 223 suiv., reproduite et mise à jour dans L'Épigraphie chrétienne en Gaule et dans l'Afrique romaine (Paris, 1890, in-8°.), p. 125 et suiv. — HÜBNER, Inscr. christ. Hispaniae (Berolini, 1871, in-4°.) et le Supplementum (1900, in-4°). — HÜBNER, Inscr. Britanniae christianae (Berolini, 1876, in-4°.). — F. X. KRAUS, Die Christi. Inschriften des Rheinlandes (Freiburg im Br., in-4°). — A. MAÏ, Inscript. christianarum pars I, dans Script. vet. nova coll. (1831), t. V, p. 1-472. — BAVET, De titulis Atticae christianis antiquissimis (Lutetiae, 1877, in-8°). — F. CUMONT, Les Inscript. chrétiennes d'Asie-Mineure dans les Mélanges de l'Ecole de Rome (1895). — Enfin le Corp. inscr. latinarum, ses divers Suppléments et l'Ephemeris epigraphica ; le Corp. inscr. graec., t. IV, fasc. II, en vérifiant les tituli dispersés dans les tomes I, II et III dont KIRCHHOFF donne le relevé dans la préface an fascicule II du tome IV. Cf. la bibliographie donnée par U. CHEVALIER, Répertoire des sources historiques. — Topo.- bibl. ad voc. Inscriptions et les bibliographies du Corp. inscr. latinarum. — Ces indications ne sont destinées qu'à mettre à même les personnes désireuses de travailler dans cette voie de se renseigner sur quelques recueils fondamentaux dont la consultation les familiarisera avec les titres, le contenu et la valeur des sources moins compactes qui ne sauraient cependant être négligées.


XV


Les monuments figurés ne sont mentionnés que pour mémoire. Les types sont trop rares et trop divers pour supporter un essai de classement. Sauf quelques exceptions, les artistes ne représentaient guère que des symboles gracieux, des figures fraîches ; ils évitaient l'horreur du supplice. Cette pratique toutefois n'est pas un canon, de là quelques essais isolés dignes d'attention et sur lesquels nous reviendrons (1).

Ces documents le cèdent tous en importance aux « Actes des Martyrs » qui sont « la transcription exacte, ou à peu près, des procès-verbaux judiciaires dressés par les païens et vendus aux fidèles par les agents du tribunal (2) ». Par extension on a attribué ce nom à des documents rédigés dans des circonstances un peu différentes, tels que les « passions » et les « relations non officielles de témoins oculaires », L'importance de ces documents dépasse de beaucoup le domaine de l'histoire. Ils appartiennent sans doute à l'historien et à l'archéologue, mais ils appartiennent aussi au théologien, au psychologue, au physiologiste. A s'en tenir au point de vue de l'histoire, nous pourrons, à l'aide des sources qui ont été indiquées, éclairer plusieurs points demeurés obscurs. Il faudra s'en tenir à ces résultats et ne pas tenter de faire dire


1. ROSSI, Rom. sott., t. II, pl. XIX, 2 ; XX, 2 ; XXI ; Bullettino, 1875.

LE BLANT, Les pers. et les mort., ch. XXIV. — L. LEFORT, Les monuments primitifs de la peinture en Italie. — GARUCCI, Storia dell’ arte cristiana. Voir la préface du t. III du présent Recueil.

2. EDM. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, supplément aux « Acta sincera » de Dom Ruinart (extrait des Mémoires de l'Acad. des Inscr. et Bell.-Lettr., t. XXX, 2 partie.), Paris (1882), tirage à part, p. 16.



XVI


aux textes ce qu'ils ne disent pas. Agir autrement est le fait de l'illusion ou de la mauvaise foi. L'historien digne de ce nom ne prête pas attention aux intérêts mesquins et aux querelles tendancieuses. Les faits tout seuls comptent pour lui, c'est pourquoi il aperçoit plus vite que d'autres les lacunes des documents dont il fait usage. Dans plusieurs cas l'induction employée avec une rigoureuse circonspection pourra l'autoriser à suppléer à coup sûr à l'insuffisance des textes. Mais c'est là un procédé exceptionnel, qui ne peut suffire à combler des vides fâcheux. La loyauté intellectuelle demande qu'on les signale et qu'on les respecte (1).

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:25

II. — LES « ACTES DES MARTYRS » ET LEURS SOURCES. Établissement. — Rédaction. — Conservation. — Expéditions. — Valeur judiciaire. — Modes de destruction. —« Actes » et « Passions ». — Notaires ecclésiastiques. — Fortune des Actes. — Collections d'Actes des martyrs. Martyrologes. — Du dessein de ce recueil.
L'existence et la pureté des sources primitives sont assurées. Saint Astère, évêque d'Amasée, vit au IVe siècle une peinture sur toile sur laquelle était retracée l'histoire


1. Les textes cités dans cette préface ont été, pour la plupart, mis en courre dans les dissertations de M. Edmond Le Blant, qui, disséminées dans un grand nombre de revues, ont été en partie rassemblées et publiées de nouveau dans le volume intitulé : Les persécuteurs et les martyrs (1893). Dans cette préface, j'ai omis la citation des textes originaux et je me suis borné a la référence, afin d'alléger d'autant le volume. On trouvera la plupart de ces textes transcrits dans l'ouvrage que je viens de citer et dans Les Actes des Martyrs, supplément aux « Acta sincera » de Dom Ruinart, du même auteur.


XVII


du martyre de sainte Euphémie. « Le juge, dit-il, est assis sur un siège élevé ; il regarde la vierge d'un oeil farouche. Autour de lui sont ses doryphores et de nombreux soldats, puis des greffiers (notarii) tenant leurs tablettes et leurs styles à écrire. L'un de ces hommes, levant la main de la planchette enduite de cire, regarde fixement la chrétienne en se tournant vers elle comme pour lui enjoindre de parler plus distinctement, afin d'éviter toute erreur dans la transcription des réponses (1). » Ces greffiers faisaient partie de l'administration romaine, ainsi que nous le voyons par ce dialogue: « Pendant que Magnilien, le greffier, écrivait les réponses des chrétiens, ]e proconsul Gabinius lui dit : « As-tu inscrit les noms de tous ? » Magnilien répondit : « Si ta Puissance l'ordonne, je lirai mon texte. » Le proconsul Gabinius dit : « Lis-le. » Alors Magnilien, le greffier, dit et lut : « Les noms que j'ai notés sont les suivants : Maxime, Dadas et Quintilien (2). » Afin de suivre l'interrogatoire, sans rien omettre, les greffiers usaient d'une écriture sténographique appelée notes tironiennes (3). Les pièces ainsi établies étaient transcrites ultérieurement en caractères vulgaires. Elles n'entraient que sous cette dernière forme dans les archives judiciaires.

Nous connaissons plusieurs greffiers dont les transcriptions nous sont parvenues. Ce sont d'abord Néon et Eustrate, qui se convertirent à la vue des violences soutenues par les chrétiens, puis Cassien (4). Celui-ci, indigné


1. COMBEFIS, Sancti Patris nostri Asterii aliorumque orationes, p. 209.

2. Acta SS. Maximi, Quintiliani, Dadae, § 4. (Act. SS., 13 avril, t. II, p. 974.) Voy. encore Geste collationis Carthag., dies 2, § 1, 8.

3. Voy. les travaux de CARPENTIER, TARDIF, SCHMITZ, HAVET.

4. Acta S. Speusippi, § 19, dans Acta SS., 17 janvier — Martyrium Eustratii, § 6 (Seines, Vitae Sanctorum, 12 déc.). — Passio S. Cassiani dans Ruinart, Acta sincera, p. 315.



XVIII


par une sentence de mort, lança à terre son registre et son stylet. Dans les Actes du diacre Habib, martyrisé sous Licinius, à Édesse, nous voyons que a les notaires écrivaient tout ce qu'ils avaient entendu à l'audience et les Sharirs de la ville (gens de police) écrivaient le reste, c'est-à-dire ce qui avait été dit en dehors du prétoire. Suivant l'usage, ils rapportaient au juge tout ce qu'ils avaient entendu, et leurs dépositions étaient rappelées dans les Actes (1). » Plusieurs pièces, d'une valeur malheureusement très médiocre, parlent des Acta écrits devant le tribunal (2) et sur l'ordre du président (3).

Les archives fonctionnaient régulièrement (4). Dès que les pièces y avaient été versées, elles étaient à l'abri de toute altération ; il n'en était pas ainsi tandis qu'elles se trouvaient entre les mains du commentariensis. Un martyr nommé Victor, ébranlé par la torture et craignant d'y être appliqué de nouveau, « aborda en secret le commentariensis et fit humblement appel à sa pitié, le suppliant de rayer son nom des Actes et de le délivrer; il lui offrait en récompense un petit fonds de terre qu'il possédait. Le


1. CURETON, Ancient syriac Documents (1864), p. 72, sqq. — RUBENS DUVAL, La littér. syr. (1899), p. 127 suiv. — Ce document est donné dans le tome deuxième.

2. Acta S. Paphnutii, § 22. (Act. SS., 24 sept.) Acta S. Eupli, § 1, 2, (la version grecque) dans COTELIER, Monumenta Ecclesiae graecae, t. I, p. 193.

3. Passio S. Mariae, § 4. (BALUZE, Miscellanea, t. I, p. 27.)

4. Voy. FUSTEL. DE COULANGES, Institutions politiques de l'ancienne France, t. I. — De l'Administration romaine, p. 202 (édit. JULLIAN, 1891).


XIX


commentariensis accepta, et fit sortir Victor de prison pendant la nuit (1). »

Les archives étaient dépositaires de pièces auxquelles on avait à recourir fréquemment. Tertullien renvoie ses contradicteurs aux archives de Rome (2). Pour le cas particulier du martyre, nous avons plusieurs témoignages. Eusèbe a conservé un fragment d'Apollonius qui contient ces mots : « En ce qui regarde Alexandre, il faut que la vérité soit connue; cet homme a comparu devant Aemilius Frontinus, proconsul d'Asie, non pas comme chrétien, mais pour des vols commis, alors qu'il avait déjà apostasié. Ceux qui voudront s'instruire complètement de cette affaire n'auront qu'à recourir aux archives publiques de la province d'Asie (3). » Dans la même province, Théodore, évêque d'Iconium, parle d'une pièce de cette nature établissant le martyre de saint Cyricus et de sainte Julitte, sa mère (4). Eusèbe a dû être un assidu aux archives romaines ; il leur emprunte les termes du procès-verbal de la comparution de saint Denys d'Alexandrie (5). En Afrique, où les archives portaient le nom d'archivum proconsulis (6), plusieurs documents incomparables nous aident à reconstituer le formulaire des Acta martyrum. La pièce la plus voisine de l'original est connue sous le titre d' « Actes proconsulaires de saint Cyprien » ; nous



1. Passio Hieronis, dans LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. II, d'après un ms. de la Bibi. nat, n° 1020, fol 106, Ve.

2. TERTULL., Contr. Marc., L. IV, C. VII.

3. EUSÈBE, Hist. eccl., V, 18.

4. Epist. Theodorici ep. De passione S. Quirici et Julittae. (Act. SS., t. III, juin, p.. 25.)

5. EUSÈBE, ibid., VII, 11. Voir la note de Valois.

6. AUGUST., Contr. Cresconium, I. III, C. 70.


XX


savons par l'attestation d'un contemporain, le diacre Pontius, qu'elle a fait partie des archives (1). Saint Augustin écrit à l'occasion du procès de Félix d'Aptonge : « Si tu veux lire le dossier entier, adresse-toi aux archives proconsulaires (2). » Nous n'avons aucun texte pour l'Espagne. En Gaule, vers l'an 250, l'archive de Toulouse reçoit le procès de l'évêque Saturnin (3).

Les pièces mises aux archives y étaient conservées indéfiniment. Outre les témoignages cités de Tertullien, d'Apollonius, de saint Augustin et du rédacteur de la Passion de saint Saturnin, nous entendons saint Jérôme sommer Rufin de produire des Actes constatant ce qu'il dit avoir souffert pour la foi du Christ (4). Lors de la paix de l'Église, on procéda contre les « traditeurs » accusés d'avoir livré les Écritures, les vases se Grés ou les noms des frères pendant les dernières persécutions. A cette occasion, on produisit les « Actes publics » qui constataient officiellement le fait (5).

L'instruction du procès des martyrs se prolongeait quelquefois pendant des mois (6), parfois encore la cause était reprise après un premier jugement (7) ; il arriva plusieurs fois que, le magistrat devant lequel avait eu lieu la


1. Passio S. Cypriani auctore Pontio diacono, dans RUINART, Act. sinc., p. 130. Cf. P. MONCEAUX dans la Revue archéologique (1900).

2. AUGUST., Ouvr. cité, III, 70.

3. Passio S. Saturnini, ep. Tolosani, dans RUINART, p. 211.

4. Advers. Rufinum, lib. I, édit. des Bénédictins, t. I, p. 391.

5. Concile d'Arles, en 414, canon 13e. — S. AUGUST., Contra Crescon.,

1. III, c. 29 et 70 ; Contr. litteras Petiliani, II, 20, 45.

6. Acta SS. Tarachi, Proli et Andronici, dans RUINART. p. 456 et suiv., Cyprien, Epist., 8, 16, 33, 35, 53 ; EUSÈBE, h. e. XI, 39.

7. Acta proconsularia S. Cypriani, § 2.



XXI


première comparution étant mort (1), le procès venant à échoir à son successeur ou à l'intérimaire, celui-ci se faisait rendre compte des affaires ouvertes. On communiquait, en pareil cas, au nouveau magistrat les procès-verbaux (2). Enfin ces actes étaient parfois transmis à une juridiction supérieure ; ce fut le cas de ceux de l'évêque Acace, dont l'interrogatoire eut le don de faire rire l'empereur Dèce et lui valut sa grâce (3). Aucun texte ne nous permet de dire si on communiquait la minute du texte ou bien une expédition. Quoi qu'il en soit, nous sommes surtout redevables à la ferveur des fidèles des copies parvenues jusqu'à nous. Ceux-ci ne reculaient devant aucun sacrifice ni aucun péril pour se procurer la transcription des actes. Ce fait nous met sur la voie d'une mesure administrative dont il ne reste pas d'autre trace. La communication des procès-verbaux des causes criminelles devait être interdite pendant les trois premiers siècles, car, sans cette réserve, il eût été inutile de recourir aux voies détournées dont plusieurs Actes nous instruisent. Divers textes nous apprennent que les Acta étaient placés régulièrement sous la garde du commentariensis (4), qui en trafiquait sans vergogne. On lit en effet au début des Actes de saint Tarachus : « Nous,



1. Voy. la Passion de sainte Perpétue, les Actes de saint Cyprien.

2. Acta S. Thyrsi, e. VI, § 31. (Acta SS., 28 janvier.) Acta S. Januarii (6 septembre) ; Passio S. Christinae (24 juillet) ; Passio S. Quirini, dans RUINART, p. 499, § 4. Voy. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 110, § 41.

3. Acta S. Acacii, § 5; Martyrium S. Myronis, § 7. (Act. SS.. 8 mai et 17 août) ; Acta S. Paphnutii, § 23 (24 septemb.) ; Acta S. Clementis Ancyrani, § 42 (22 janvier).

4. Digeste, L. 45, § 7. De jure fisci (L. XLIX, tit. XIV) ; Acta S. Canionis, § 17 (Act. SS., 22 mai).


XXII


Pamphile, Marcien, Lysias, Agathocle,... et tous les frères qui sont à Iconium, fidèles dans la vérité, et d'un seul coeur en Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous avons recherché ce qui s'est accompli en Pamphylie, à l'égard des martyrs ; et comme il importait de recueillir tous les témoignages relatifs à leur confession, nous avons obtenu de transcrire ces documents, au prix de deux cents deniers, payés à Sabaste, l'un des greffiers (1).» On retrouve un fait analogue dans la vie de saint Pontius (2). Le rédacteur de la Passion du diacre Habib, à Édesse, semble ne s'être pas heurté aux mêmes difficultés : « Les notaires, dit-il, écrivaient tout ce qu'ils avaient entendu à l'audience... Moi, Théophile, qui étais païen de naissance et qui ai confessé le Christ dans la suite, je me suis empressé de prendre copie des actes de Habib, comme j'avais autrefois écrit les Actes des martyrs Gouria et Schamouna, ses compagnons (3).

Une fois en possession de ces copies, les chrétiens les reproduisirent sans changements, ou bien en firent la base de relations d'une allure plus littéraire ; tantôt on reproduisait divers fragments sans aucun changement, tantôt le procès-verbal était remanié presque entièrement. A ce point de vue, chaque document réclamerait une monographie séparée.

Les églises se servaient de procès-verbaux pour toucher


1. Acta SS. Tarachi, Probi et Andronici ; dans RUINART, p. 422

2. Vita et Passio S. Pontii, dans BALUZE, Miscellanea, t. I, p. 33.

3. CURETON, Ancient syriac Documents, et R. DUVAL, La littérature syriaque (1899), p. 127. Cf. IGNATIUS EPHRAEM II RAHMANI, Acta sanctorum confessorum Guriae et Shamonae exarata syriaca lingua a Theophilo Edesseno anno Christi 297. Rome, 1899.


XXIII


cher les infidèles et affermir les frères. Les païens le savaient et s'efforçaient de s'opposer à cette propagande. Prudence nous apprend que des Actes furent saisis chez des fidèles et détruits (1). Mais une telle mesure était illusoire ; les perquisitions domiciliaires de la persécution de Dioclétien montrent le courage et l'adresse luttant avec succès contre ces violences administratives. Certains magistrats adoptèrent une mesure plus radicale. Dans le procès de saint Vincent, diacre de Saragosse, le gouverneur interdit de noter les débats, qui ne nous sont parvenus que par une relation rédigée d'après les souvenirs de témoins oculaires (2). Dans la Passion de saint Victor le Maure, nous lisons que « Anulinus fit saisir tous les exceptores qui se trouvaient dans le palais pour s'assurer qu'ils ne cachaient aucune note, aucun écrit. Ces hommes jurèrent par les dieux et par le salut de l'empereur qu'ils ne feraient rien de semblable ; tous les papiers furent apportés, et Anulinus les fit brûler en sa présence parles mains de l'exécuteur. L'empereur approuva fort cette mesure (3). » Le même trait se retrouve dans plusieurs autres pièces (4). Ces mesures étaient d'autant plus douloureuses aux frères qu'elles étaient irrémédiables ; et nous savons quel respect ils avaient pour les Actes, qui leur paraissaient à peine moins sacrés que le propre sang des martyrs (5).


1. PRUDENCE, Peristeph. I, Hymn. SS. Hemet. et Celed., v. 75-78.

2. Passio S. Vincentii, levitae, § I, dans RUINART, p. 366.

3. Acta S. Victoris Mauri, § 6. (Acta SS., 8 mai.)

4. Passio S. Firuii et Rustici, dans MAFPEI, Instit. diplom., p. 310; Acta martyrii S. Alexandri episcopi, § 14. (Acta SS., 21 septemb. )

5 Acta S. Felicis, § I (Act. SS , 1er août) : De eius cruora una cum gestis reliquias nobiscum detulimus.


XXIV

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:25

Une autre source des Actes des Martyrs, ce sont les relations des témoins oculaires : la relation du martyre de saint Vincent de Saragosse (1), celle de sainte Perpétue. Dom Ruinart explique les légères variantes qui différencient les versions de cette dernière passion parle fait que les fidèles présents à l'interrogatoire, ou à la lecture liturgique, avaient tiré copie en leur particulier de ce qu'ils venaient d'entendre (2).

Quoi qu'il en soit, tous les documents dignes de confiance doivent être répartis en trois groupes : les Actes, les Passions et les Relations non officielles de témoins oculaires.

Le premier terme est presque sans application dans l'état actuel de nos documents si on le réserve aux seules transcriptions exactes, ou à peu près, des procès-verbaux judiciaires ; le second terme, dont les Acta proconsularia S. Cypriani nous offrent un modèle achevé, doit s'entendre des rédactions composées par des chrétiens à l'aide de procès-verbaux, par exemple : la lettre des martyrs de Lyon ; enfin, il faut ranger dans le troisième groupe, des pièces dont nous avons dans les Passions de sainte Perpétue, des saints Saturnin et Dativus, des saints Jacques et Marien, des saints Montan et Lucius, des modèles achevés. A ce propos, on remarquera que ce procédé semblait alors très légitime, et les rédacteurs mentionnaient cette adaptation des pièces du greffe (3).


1. Passio S. Vincentii, § I, dans RUINART, p. 366. Voy. Le BLANT, Les Pers. et les Mart., p. 5, et DUCHESNE, Le Lib. pontif., introd., p. CI, note I.

2. RUINART, Acta sinc. (édit. Paris, 1689), p. 79-81.

3. Acta SS. Saturnini, Felicis, Dativi, Ampelii et aliorum, § I, dans BALUZE, Miscellanea, t. I, p. 14; Acta S. Cantii, § I (Act. SS., 31 mai). Acta S. Dorotheae, § I, 6 février ; cf. Passio S. Saturnini, episcopi Tolosani, § 2, dans RUINART, p. 120.


XXV


Une note du Liber pontificales appartient à notre sujet. On y lit que le pape Clément, deuxième successeur de saint Pierre, « partagea les diverses régions de Rome entre de fidèles notaires de l'Eglise, lesquels, chacun dans son quartier, devaient rechercher avec sollicitude et curiosité les Gestes des Martyrs (1). » Ensuite Antéros « fit rechercher avec soin, par les notaires, les Gestes des Martyrs et assura leur conservation, in ecclesia recondit (2). » Fabien, successeur d'Antéros, « créa sept sous-diacres qui surveillaient l'exactitude des collations faites par les sept notaires (3) ». Ces textes sont plus curieux que véridiques. Il faut observer que les Acta parvenus jusqu'à nous ne proviennent jamais de ces prétendus notaires ecclésiastiques, et aucun document contemporain ne mentionne leur existence ni leur présence, Devant une institution dont il ne trouve ni les preuves dans son fonctionnement, ni la trace d'aucun individu en ayant fait partie, l'historien doit se tenir en garde et attendre, pour mettre à profit des textes trop clairs, une confirmation qui ne lui a pas été fournie (4). L'acharnement déployé contre les archives des chrétiens pendant la persécution de Dioclétien nous a


1. L. DUCHESNE, Le Liber pontificalis (1886, t. I, p. 123) ; FUNK, Patres apostolici, t. II, p. 30, lignes 6, 7, Cf. HINRICS, Quellenstudien zur Geschichte der römischen Märtyrer, dans le Texte und Untersuchungen N. F. IV, 3 (1901). — A. DUFOURCQ, Étude sur les Gesta martyrum romains, Paris, 1900.

2. Ibid., p. 147.

3. Ibid., p. 148.

4. L'auteur du Lib. pont. semble croire qu'à la paix de l'Église les notaires changèrent d'attributions, c'est aussi l'opinion de l'auteur du Constitutum Silvestri.


XXVI


privés sans doute d'un grand nombre de ces pièces. Mais a l'Église, après la tourmente, sut pourvoir à la réfection de ses archives dévastées. Ce fut souvent à l'aide de souvenirs, de traditions orales, que l'on dut reconstituer alors nombre d'Acta et de Passiones, et souvent, sans en excepter les pièces dites « sincères », ces rédactions nouvelles furent accommodées, pour le détail, à la mode du temps où elles étaient faites (1). Il arriva donc que des pièces de la plus rare valeur, les Actes de sainte Thècle, par exemple, furent coulées dans le cadre d'une composition inventée de toutes pièces, comme quelques parcelles de bon métal dans une gangue pâteuse et grossière (2).

Il en résulta, au moins dans certaines Eglises, un discrédit complet jeté sur toute cette littérature. En Afrique, un concile général des Églises africaines tenu à Hippone, en 393, constatait et autorisait l'usage de lire les Acta au jour anniversaire des martyrs (3). A Rome, au contraire, ils disparurent complètement de la liturgie et d'assez bonne heure. A la fin du VIe siècle, ils y étaient à peu près inconnus (4). A Milan, nous les retrouvons en possession d'un rang éminent, car on continua de leur emprunter les leçons de la messe De même en Gaule, à l'époque


1. LE BLANT, Les A. d.M., p. 25, cité par VAN DEN GHEYN, dans le Dictionnaire de théologie catholique, fasc. 3° (1900) à l'art. Acta martyrum, col. 322.

2. Sur les Actes de sainte Thècle, voyez la bibliographie et la notice à l'Appendice.

3. HARDODIN, Conc., t. I, p. 886;MANSI, t. III, p. 924 (can. 36).

4. Voy. DUCHESNE, ouvr. cité, t. I, introd., p. CI, et le « Décret de Gélase » dans E. PREUSCHEN, Analecta (1893), p. 147-155.

5. Paléographie musicale, t. V, Avant-propos à l'Antiph. ambros. dernière page.


XXVII


mérovingienne (1). Ces usages différents sont comme le commentaire pratique de l'opération délicate de réfection des archives primitives dans chaque Église.

L'époque des persécutions ne présente aucun cas de Passions inventées. C'est plus tard que certains auteurs du Moyen-Age se livreront à cette littérature frauduleuse qui détourne l'attention et parfois même le culte sur des personnages dont l'existence même peut être mise en doute. « Les Actes de sainte Barbe, de sainte Catherine d'A-lexandrie, de saint Georges, dit un Bollandiste, fournissent le type de cette sorte de documents. » Quant aux Vies de « Barlaam et Joasaph et d'un certain Alban, dérivées. l'une de la légende indienne de Bouddha, l'autre du mythe grec d'Oedipe (2) », elles ne s'appuient que sur la légende.

Il faut se garder de condamner en bloc la littérature hagiographique, dans laquelle un critique avisé peut ressaisir des traces incontestables de récits anciens (3) ; mais ce travail doit être entrepris sur chaque document pris à part, et un recueil de la nature de celui que l'on donne ici au public ne saurait attendre les résultats lointains de ces enquêtes presque innombrables.

Le prix que l'on attachait à la possession du récit authentique du combat des martyrs (4), l'usage que l'on en faisait dans la liturgie à des offices et à des jours déterminés,


1. Voy. le Lectionnaire gallican et MABILLON, De liturg. gallic., I, V, 7, p. 39.

2. VAN DEN GHEYN, loc. cit., avec les références sur lesquelles s'appuient ces assertions, et Anal. boll. (1902), t. XXI, p. 205.

3. Outre les travaux cités de EDM. BLANT, on trouvera des recherches dans ce sens chez P. ALLLARD, Hist. des persécutions, t. I, Examen critique de quelques Passions des martyrs, p. 164 à 175, 202 à 230, et Introd., p. VIII à XIII du t. I, et p. VIII à XXII du t. IV.

4. CYPRIEN, Lettres, surtout la 37°.


XXVIII


imposaient l'adoption d'un classement qui dut donner la première idée des collections. Une préoccupation analogue semble avoir inspiré la lettre de Denys sur les martyrs d'Alexandrie (1), et plus certainement Eusèbe de Césarée, qui ouvre la liste des hagiographes grecs. Eusèbe composa deux ouvrages : une Collection des anciennes passions (2) qui n'a pas été retrouvée et un abrégé sur Les Martyrs de Palestine d'après une rédaction plus étendue et portant le même titre.

Le récit des martyrs de Palestine comprenait les exécutions dont Eusèbe avait été le témoin de 303 à 310, à Césarée ; l'autre recueil était une collection de martyres antérieurs à la persécution de Dioclétien. On y racontait « en vingt et un livres les souffrances de presque tous les martyrs, les évêques et les confesseurs de la foi qui ont combattu dans les diverses provinces ; l'auteur y avait écrit en particulier tous les combats que, par la grâce du Christ leur maître, des vierges ont livrés avec un courage viril, malgré leur sexe ». En plusieurs endroits de son Histoire ecclésiastique, Eusèbe renvoie à sa Collection sur les anciens martyrs qui devait contenir, entre autres pièces, les passions de saint Polycarpe,de saint Pothin, d'Apollonius et



1. DENYS D'ALEX., Lettres.

2. Voyez CURETON, History of the Martyrs of Palestina (1861).EUSÈBE, Hist. ecclés., suppl. au livre VIII — B. VIOLET,Die Palästinensischen Martyrer des Eusebius von Caeserea dans les Texte und Untersuchungen, XIV, 4 (1895). — VITEAU, De Eusebii caesariensis duplici opusculo Peri ton Palaistine marturesanton (1893). — La fin perdue des Martyrs de Palestine (Compte rendu du troisième congrès international des savants catholiques, à Bruxelles, 1895). — PREUSCHEN, dans HARNACK, Geschichte der Altchristlichen Litteratur, t. I, 800-11. Anal boll., t. XVI (1897), p. 113 à 139. — VAN DEN GHEYN, article cité, col. 323.



XXIX


d'autres écrits du second siècle (1). La Collection d'Eusèbe a servi à établir un document hagiographique fort précieux, le martyrologe d'Asie Mineure, qui nous est parvenu dans une traduction syriaque très abrégée, par un manuscrit daté de l'an 412 (2). Ce texte est dans un rapport évident (3) avec le Martyrologe hiéronymien qui appartient à l'histoire des collections par un lien moins tenu que les martyrologes tels que nous les lisons ordinairement avec leurs notices réduites à quelques mots.

A vrai dire, on ne connaît qu'un seul manuscrit martyrologique hiéronymien offrant des notices historiques étendues sur les martyrs (4). Les indications qui accompagnent le nom du saint sont empruntées aux actes, elles font partie de la rédaction originale. Dans son état


1. EUSÈBE, Hist. ecclés., IV, 15, 47; V, préface, 2; V, 4, 3 ; V, 21, 5; COMBEFIS, Illustrium Christi martyrum triumphi (1660), p. 258.

2. Cod. add. brit. 12.150. — WRIGHT dans le Journal of Sacred Litterature, t. VIII (1865-66), p. 45 et suiv., publié de nouveau par DE ROSSI et DUCHESNE dans leur préface au Martyrologium Hieronymianum (Acta SS. (1895, p. 9 et suiv. (tirage à part. Les deux éditeurs ont publié parallèlement le syriaque et le latin, et restitué par conjecture le grec.

3. V. DE BUCK, Acta SS.Octobr., t. XII, p. 185. Voyez aussi du même auteur: Recherches sur les calendriers ecclésiastiques, p. 7; H. STEVENSON, Studi in Italiaa.1879, p. 439, 458. —DE ROSSI, Bullettino di arch. crist. (1878), p. 102. — DUCHESNE, Les sources, etc., p. 10 et suiv. —A. HARNACK, Theologische Literaturzeitung, t. XIII (1887), p. 350. — BATTIFOL, La littérature grecque (1897), p. 229 et suiv. — EGLI, Martyrien und Martyrologien aeltester Zeit. et Zeitschrift f. wiss. Theologie, t. XXXIV, p. 273-93, enfin DE ROSSI et DUCHESNE, ouvr. cité.

4. Cod. Vaticanus, 238 (olim Laureshamensis), VIII-IX s. ; voy. STEVENSON, Bull. di archeol. crist. (1882), p. 109 ; DE ROSSI et DUCHESNE, ouvr. cité, p. x-XI. — MONUMENTA ECCLESIAE LITURGICA, t. I, préface, ch. dernier, où l'on rapproche le texte des notices du cod. lauresham de la rédaction du martyrologe romain actuel.


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actuel, le fragment que l'on possède comprend quinze jours ; l'on y relève quatre notices historiques (1). Ces brèves notices servaient sans doute de lecture ascétique dans les monastères. Elles expliquent le conseil donné par Cassiodore aux religieux, « de lire les passions des martyrs qui ont germé par toute la terre, et particulièrement, dans la lettre de saint Jérôme à Chromate et à Héliodore (2) », qui ne peut être que le recueil même auquel elle sert d'introduction. Ainsi la lecture visée par Cassiodore serait celle des notices empruntées aux actes des martyrs et insérées dans ce recueil (3). Peut-être aussi existait-il un livre liturgique spécial, une sorte de martyrologe-lectionnaire, au moins dans certaines églises. Adon, archevêque de Vienne (au milieu du IXe siècle), rassembla partout où il put les atteindre les actes des martyrs dont il tirait un court résumé pour l'insérer dans la compilation martyrologique qui porte son nom. Cette pratique semble nous mettre sur la trace d'un livre liturgique composé suivant la même ordonnance que le martyrologe et comprenant le texte intégral des actes dont le martyrologe ne donnait qu'un abrégé. Cette conjecture s'appuie sur un feuillet détaché d'un manuscrit du XIe siècle portant au recto le calendrier d'une église et au verso la notice qui suit : « Que celui qui s'appliquera à lire les vies ou les passions des saints dont nous avons tracé les


1. De institutione divinarum litterarum, c. XXXII. Voyez DE ROSSI

DUCHESNE, ouvr. cité, p. XI.

2. Quelques vestiges en ont subsisté dans divers manuscrits ; cod. Vatic. Reg., 435 ; cod. Parisinus. Nouu. acquisitions lat., n. 1604 ; cod. Vatic. Reg., 567; cod. Bern., 288; voy. DE ROSSI-DUCHESNE, ouvr. cité, dans la notice de ces différents manuscrits.

3. DE ROSSI et DUCHESNE, ouvr. cité, p. XXII


XXXI


noms à la page précédente, sache que ce n'est pas sans raison qu'on les répète ici. Ici, en effet, ils occupent la place qui leur est due d'après leur rang dans le calendrier au jour de leur natale. Ailleurs, au contraire, ils sont le plus souvent entremêlés, suivant qu'ils sont pris dans des exemplaires différents, rassemblés de tous côtés. » Cette indication paraît avoir son, commentaire naturel dans une formule, souvent répétée, du martyrologe hiéronymien ; par exemple : Fête de saint Plato, dont on conserve les actes (1). Cette dernière phrase paraît être un renvoi à une collection distincte, tout comme dans le Lectionnaire gallican, parmi les lectures du deuxième jour dès Rogations, à none, on lit : Liber Judith — asque in finem — postea Evangelium, et le troisième jour, à none : Liber Hester — usque in finem — postea Evangelium (2), simples renvois à des livres transcrits séparément.

A partir du VIe siècle, les recueils hagiographiques admettent le mélange des actes des martyrs et de la vie des saints, ils cessent donc de nous appartenir ; à plus forte raison les collections de Panade, de Timothée, d'Alexandre, de Théodoret, de Cyrille de Scythopolis et de Jean Moschus, qui écrivent en grec la vie des cénobites de la Thébaïde, de la Palestine, de la Syrie, de l'Égypte.

Les Églises orientales soutiennent mieux la tradition des recueils composés exclusivement des actes des martyrs. Dans la Mésopotamie occidentale on trouve un


1. Cod. Wissemb., aujourd'hui à Wolfenbüttel — XI kat. Aug. Nat. Sci. Platonis, cuius gesta habentur.

2. MABILLON, De liturgia gallicane libri tres, ou bien cod. Paris. n° 9127 B. N. fol. 178 v°, et fol. 184 r°.


XXXII


écrit peu volumineux qui comprend des actes d'époques assez différentes (1). La rédaction des pièces ne paraît pas postérieure au Ve siècle. Dès le IVe siècle, un personnage considérable, Maruthas de Maikerpat, compose le Livre des martyrs en syriaque, dans lequel il recueille les actes des martyrs de la Perse, sous Sapor II (2). Quant aux textes syriaques sur les martyrs en dehors de la Mésopotamie et de la Palestine, ils paraissent n'avoir jamais été réunis (3). II en est de même pour les actes éthiopiens et coptes.

Dans l'Église latine, les actes composèrent de bonne heure le passionnaire ou livre renfermant les gesta martyrum.

A l'époque suivante, depuis le IXe siècle jusqu'au XVIe, on rencontre quelques compilations comme celle du Métaphraste et celle de Jacques de Voragine dans lesquelles la science et la vérité n'ont souvent rien à voir. Au XIVe siècle, Bernard Gui consacra la troisième partie de son Sanctorale aux actes des martyrs (4) ; en Arménie, le


1. CURETON, Ancient syriac Docunments, p. 41, et BEDJAN. Acta rnartyrum et sanctorum (1890). Voy. Humas Duan., La littérature syriaque, p. 121 et suiv. (1899).

2. Publiés par ASSEMANI, Acta sanctorum martyrum Orientalium et Occidentalium, t. I, Rome (1748).

3. Voy. ROBENS DUVAL, ouvr. cité, p. 157 et suiv.

4. L. DELISLE, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibi. Nat., t. XXVII (1879), p. 169-455. « Le Sanctoral est un grand recueil hagiographique divisé en quatre parties. La première est consacrée aux fêtes de Notre-Seigneur, aux fêtes de Notre-Dame, aux fêtes de la Croix, aux fêtes des anges, à la Toussaint, à la Commémoration des Morts et à Dédicace des églises. La deuxième partie se rapporte à saint Jean-Baptiste, aqx apôtres, aux évangélistes et à quelques-uns des soixante-douze disciples. La troisième contient. les actes des martyrs. Dans la quatrième sont les vies des confesseurs et des vierges »


XXXIII


patriarche Grégoire II, dit Veghajazer (+ 1105), c'est-à-dire l'ami des martyrs, compila et traduisit du grec et du syriaque un grand nombre d'actes.

La collection des Bollandistes donna le branle à divers travaux d'hagiographie concernant les martyrs, le premier en date et le plus célèbre fut le recueil de dom Ruinart, moine bénédictin ; Acta primorum martyrum sincera et selecta (1689). Les progrès accomplis dans les sciences auxiliaires et quelques pièces récemment découvertes imposeraient plusieurs modifications à ce travail. Un demi-siècle plus tard, S. E. Assemani publiait les biographies jadis recueillies par Maruthas, dans les Acta sanctorum martyrum Orientalium et Occidentalium(1748). Les collections se succèdent assez nombreuses depuis cette époque ; les plus notables sont celles de Luchini : Atti sinceri (1777) ; de Zingerlé : Echte Akten der hh. Märtyrer des Morgenlands übersetzt (1835) ; Hoffmann : Anszüge aus syrischen Akten persischer Märtyrer (1880) Hyvernat : Les Actes des martyrs de l'Égypte (1886) ; Bedjan : Acta martyrum et sanctorum , en syriaque (1891) Amelineau: Actes des martyrs de l'Eglise Copte (1890) ; F. C. Conybeare, The Armenian Apology and Acts of Apollonius and other Monuments of early Christianily (1896) (1).


1. D. GUÉRANGER commença la publication du recueil intitulé : Les Actes des Martyrs depuis l'origine de l'Eglise chrétienne jusqu'à nos temps, traduits et publiés par les RR. PP. Bénédictins de la Congrégation de France, 4 vol. in-8° (1856-1863), 2e édit. (1879). Cette compilation est restée inachevée. — A ces collections il faut ajouter celles que les ordres religieux ont données des personnages martyrisés qui ont appartenu respectivement auxdits ordres. Th. BOURCHIER, De martyribus fratrum ordinis minorum S. Francisci, Ingolstadt, 1582. — LEYDANUS, Historia martyrum ordinis S. Francisci. Ingolstadt, 1588. — HAVENSIUS, Relatio martyrum Carthusianorum, Ruremonde, 1508. — MAIGRETIUS, Martyrographia Augustiniana, Anvers, 1625. — M. MANCANO, Insigne martyrii relig. de la orden de S. Domingo, Madrid, 1629. — Voyez D. CARROL. Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie,1902, au mot Actes des martyrs.



XXXIV


Je ne pense pas que l'on attende de ce livre une bibliographie des travaux provoqués par les Actes des martyrs. Je signalerai simplement la littérature romanesque qui s'en est inspirée, ce sujet est traité longuement dans la préface du tome V. Corneille a mis sur la scène Polyeucte et l'épisode de Didyme et Théodore avec un art et un succès inégal, saint Genest a inspiré Rotrou, et Goethe à trouvé dans les Actes de Cyprien et Julitte le thème du docteur Faust. Alexandre Dumas père composa (1837) un drame intitulé Caligula, M. de Bornier n'a pu faire représenter L'Apôtre sur aucune scène, enfin un religieux de la Compagnie de Jésus a écrit Les Flavius. La prose est moins bien partagée que la poésie. Entre les Martyrs de Chateaubriand et Quo Vadis de Henryk Sienkiewicz se place une littérature de rapsodies très inférieures à Fabiola de Wiseman et Callista de Newman. Ce sont : Lydia, Epagathus, Cesonia, Marcia (1).

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:26

Le reste ne vaut pas l'honneur d'être nommé.

La présente collection est exclusivement composée des Actes authentiques des martyrs. J'ai pensé qu'un ouvrage dont le dessein premier est d'aider à l'édification des fidèles ne pouvait atteindre son but en faisant usage de moyens équivoques, tels que celui qui consisterait à reproduire, une fois de plus, les légendes qui déparent malheureusement en trop grand nombre certains recueils


1. Voir la préface du tome V. : Les martyrs dans la littérature, de d'Aubigné à Sienkiewicz.


XXXV


hagiographiques. Car, quoi qu'on fasse, de telles compositions doivent appartenir nécessairement à l'une ou à l'autre des deux catégories d'arguments : ceux qui touchent des intelligences mutilées et superficielles, et ceux qui comptent pour les esprits impartiaux. Sans doute, un grand nombre d'esprits se tiennent pour satisfaits sur de pauvres raisons : cela ne prouve pas qu'il faille leur en donner de telles, ni qu'ils soient incapables d'être touchés par des raisons solides, ni surtout que nous puissions donner à autrui des preuves qui ne nous satisfont pas nous-mêmes. C'est là, pour ceux qui enseignent, leur devoir strict de raison et de loyauté. « Le devoir de la loyauté intellectuelle s'étend — non pas seulement à ne rien dire qu'on n'estime matériellement vrai, — non pas même à ne fonder ces vérités que sur des arguments dont nous approuvions la validité formelle pour nous, — mais encore à ne rien omettre pour que ces affirmations et ces preuves soient valables en soi (1). »

Faudra-t-il donc renverser la fragile palissade légendaire qui semble à quelques-uns une fortification historique inexpugnable? Oui, sans doute ! Quant à dire comment l'on s'y prendra, ceci n'est pas mon affaire. Quoi qu'il en soit, il faut donc résolument abandonner le système qui consiste à s'indigner plutôt qu'à réfuter, et à condamner plutôt qu'à convaincre. Seul, l'homme vulgaire ne doute de rien, parce qu'il ne se doute de rien. L'histoire des lointains passés a toujours quelque teinte mythique , les noms des personnages, les aventures de leur vie


1. MAURICE BLONDEL, Lettres sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique et sur la méthode de la philosophie dans l'étude du problème religieux, dans les Annales de philosophie chrétienne, janvier 1896, tirage à part, p. 5.


XXXVI


et le mystère de leur fin forment une architecture dans laquelle tout n'est pas bien solide. En histoire, il y a deux sortes de vérités, toutes deux certaines ; ce sont les vérités connues et les vérités conclues. Une collection de documents comme sont ceux qui composent le présent recueil fournit les vérités connues (1), ce sont là ces « tout petits faits bien choisis, importants, significatifs, amplement circonstanciés et minutieusement notés », qui sont « aujourd'hui la matière de toute science (2) ». Leur réunion, la détermination de leur valeur particulière, et leur classement représentent une période empirique dont nulle science ne peut se dispenser. Dans certaines sciences récemment créées, et même dans plusieurs autres très anciennes, mais auxquelles ont été appliqués des procédés récents d'investigation, il faut se résoudre à ne pas voir se lever le jour de l'histoire conclue ou, si l'on veut, de la synthèse. Plusieurs esprits éminents surent s'y résigner, et d'autres, grâce à l'ampleur grandiose de leurs hypothèses, firent autant avancer la science par leur respectueuse probité que, sur des sujets différents, on la faisait reculer par les affirmations d'une inconcevable crédulité (3). Il faut être de son temps et non pas d'un temps


1 . J'ai dit une fois pour toutes que la collection était « exclusivement composée des Actes authentiques ». Quant aux quelques pièces de moindre autorité que l'on a rejetées en appendice, elles ne laissent pas de contenir plusieurs détails dignes de foi.

2. TAINE, De l'intelligence, préface, p. (2).

3. CLAUDE BEDNARD, Eloge de M. Magendie. « M. Magendie avait pour l'esprit de système une répulsion vraiment extraordinaire. Toutes les fois qu'on lui parlait de doctrine ou de théorie médicale, il en éprouvait instinctivement une espèce de sentiment d'horreur... M. Magendie a conservé toute sa vie cette antipathie pour le raisonnement en médecine et en physiologie... Il n'a jamais voulu entendre parler que du résultat expérimental brut et isolé, sans qu'aucune idée systématique intervint ni comme point de départ, ni comme conséquence… Chacun, me disait-il, se compare dans sa sphère à quelque chose de plus ou moins grandiose, à Archimède, à Michel-Ange, à Newton, à Galilée, à Descartes... Louis XIV se comparait au soleil. Quant à moi, je suis beaucoup plus humble, je me compare à un chiffonnier ; avec mon crochet à la main et ma hotte sur le dos, je parcours le domaine de la science et je ramasse ce que j'y trouve. » Mettons-y le correctif qu'y ajoutait Claude Bernard : « Il faut bien se garder de proscrire l'usage des idées et des hypothèses. »



XXXVII


qui n'est plus ; il ne sert de rien d'opposer en toute circonstance le passé au présent , et puisque, bon gré mal gré, on vit dans le présent par la pratique, mieux vaut encore essayer de l'améliorer que de le fuir. Qu'on le veuille on non, la société à laquelle nous appartenons est celle sur laquelle nous agissons efficacement; dans quelques cas il faut ajouter les sociétés qui viendront, jamais celles qui ont précédé. Les élégies sur le bon vieux temps ne servent de rien aux âmes disparues depuis dix siècles, et ce qui importe c'est de sauver les âmes. — Et comment les sauverons-nous ? En disant la vérité, toute la vérité et la vérité toute seule.

Quelques-uns me blâmeront, je le crains, mais je continuerai à penser que, « parce que l'Église se compose d'un élément divin et d'un élément humain, ce dernier doit être exposé avec une grande probité, comme il est dit au livre de Job : « Dieu n'a pas besoin de nos mensonges (1). »

C'est suivant cette pensée que je me suis efforcé de faire parler les martyrs comme ils l'eussent fait, de nos jours, parmi nous. L'étrange prétention que celle qui


1.LÉON,XIII, Lettre encyclique aux archevêques, évêques et au clergé de France, du 8 septembre 1899.


XXXVIII


entend estropier la langue française sous prétexte de la couleur de l'original ! Fort bien, mais outre la couleur, il y a les teintes et les simples reflets, et les sons et les timbres et la cadence des mots et peut-être jusqu'à leur parfum, cette senteur flottante du dialecte ionien et du dialecte dorien, de la langue de l'Ombrie et de celle de Smyrne. « Il n'y a pas de raison pour s'arrêter dans une telle voie, et si l'on se permet, sous prétexte de fidélité, tel idiotisme qui ne se comprend qu'à l'aide d'un commentaire, pourquoi n'en pas venir franchement à ce système de calque, où le traducteur, se bornant à superposer le mot sur le mot, s'inquiète peu que sa version soit aussi obscure — souvent plus — que l'original, et laisse au lecteur le soin d'y trouver un sens? La langue française est puritaine : on ne fait pas de conditions avec elle. On est libre de ne point l'écrire ; mais dès qu'on entreprend cette tâche difficile, il faut passer les mains liées sous les fourches caudines du dictionnaire autorisé et de la grammaire que l'usage a consacrée. Toute traduction est essentiellement imparfaite, puisqu'elle est le résultat d'un compromis entre deux obligations contraires, d'une part l'obligation d'être aussi littéral qu'il se peut, de l'autre l'obligation d'être français. Mais de ces deux obligations, il en est une qui n'admet pas de moyen terme, c'est la seconde. Le devoir du traducteur n'est rempli que quand il a ramené la pensée de son original à une phrase française parfaitement correcte (1). »

Des interpolations sans nombre ont failli discréditer pour toujours la littérature des Acta martyrum, elles ont



1. ERN. RENAN, Le livre de Job (1860), préface, p. III-IV.


XXXIX


compromis pour longtemps la valeur historique et la portée apologétique des miracles qui y sont rapportés. A ce point de vue, les indications contenues dans les documents liturgiques eux-mêmes ne sont pas toujours de première valeur, soumises qu'elles ont été à toutes les violences, philologiques ou historiques, par suite d'intérêts divers et du défaut de critique (1). L'histoire cependant est « assez belle pour qu'on ne s'efforce pas de l'orner. S'y appliquer, comme on le fit, à dessein ou par simplicité; y introduire des prodiges s'accomplissant pour soutenir la constance des victimes et terrifier les persécuteurs, c'est, sans en avoir conscience, s'associer au sentiment des païens qui, incapables de comprendre la puissance du courage soutenu par la foi, attribuaient la victoire des saints à des secours d'un ordre surnaturel, c'est-à-dire souvent à la magie (2) ».

On ne saurait rencontrer le Moyen-Age sur un terrain plus défavorable que celui de la transcription des textes dont il a souvent méconnu le caractère historique. Il a fallu le persévérant effort de la pléiade de savants qui, depuis quatre siècles, s'efforce de réparer tant de mal pour rendre aux Actes des martyrs une part de l'autorité que leur accordaient les premiers chrétiens.


1. Il suffit, pour se rendre compte de ce fait, de se rappeler les corrections faites dans les légendes des martyrs au bréviaire par les papes eux-mêmes, et récemment encore par le Pape Léon XIII, comme on peut le voir dans l'Histoire du bréviaire de Mgr Battifol et dans celle de Dom Bäumer, O. S. B.

2. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 40.


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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:26

III.— LE RÉGIME DES PERSÉCUTIONS. — La procédure suivie contre les chrétiens. — Les édits de persécution. — Néron. — Les rescrits de Trajan et d'Hadrien. — Apparition de la torture comme moyeu d'obtenir l'abjuration. — Les édits restrictifs du IIIe siècle. — Septime Sévère. — Dèce. — Valérien. —L'édit de Gallien. — Aurélien. — Les édits de 303-304.
Il a existé dans l'Empire romain un droit qui prévoyait le crime dont la profession de christianisme rendait coupable. Nous avons dit qu'Ulpien avait rassemblé et expliqué au livre VII de son traité De officio Proconsulis les constitutions impériales portées contre le christianisme. Ces actes ayant été rejetés tout entiers par ceux qui établirent le texte des Pandectes, il ne nous reste que des informations fragmentaires soutenues dans les textes anciens. Tels quels, ils peuvent nous aider à ressaisir quelques traits essentiels à cette législation.

Néron inaugura les persécutions. On a paru croire que « ses actes odieux envers les chrétiens furent des actes de férocité, et non des dispositions législatives (1) ». Plusieurs faits semblent induire le contraire. Un document contemporain dont la date exacte demeure incertaine est adressé de Rome aux fidèles du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l'Asie, de la Bithynie. Parmi les conseils qu'on donne aux Églises, on lit ces paroles :

« TRÈS CHERS, NE VOUS TROUBLEZ PAS DANS LA CALAMITÉ


1. RENAN, Les Apôtres, p. 349.


XLI


(littéral, l'incendie) QUI FOND SUR VOUS POUR VOUS ÉPROUVER, comme s'il vous arrivait quelque chose d'extraordinaire.

« Mais vous unissant aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin de vous réjouir et de tressaillir un jour dans la révélation de sa gloire.

«Si vous êtes insultés au nom du Christ, vous serez heureux...

« Qu'aucun de vous ne soit châtié comme homicide, ou voleur, ou malfaisant, ou comme avide du bien d'autrui.

« Mais SI L'UN DE VOUS EST CHATIÉ COMME CHRÉTIEN, qu'il nerougisse pas ; qu'il glorifie Dieu en cette qualité. « Car le temps vient où le jugement commence par la maison de Dieu (1). »

Ce texte dispense de toute discussion. La calamité est certaine et ses effets se réalisent au moment même dans la province d'Asie. Voilà ce que l'histoire constate. Faut-il faire coïncider ces indications avec la persécution de l'an 64, ou bien faut-il les appliquer à des vexations administratives exercées à une époque antérieure contre les Juifs? Nul ne le sait; les arguments qui se tirent du ton de l'épître de saint Pierre, des expressions élimes ou symboliques qui s'y rencontrent ont une valeur subjective, rien de plus.

Un autre texte contemporain nous apprend que, par l'ordre de Néron, « des supplices furent infligés aux chrétiens, race d'hommes d'une superstition nouvelle et malfaisante (2). « Cette phrase de Suétone ne se rattache


1. I Petri, IV, 12-16.

2. SUÉTONE, Nero, § 16.


XLII


d'aucune manière à l'épisode de l'incendie de Rome; elle se lit au paragraphe 16° de la biographie de Néron, et il n'est fait mention de l'incendie qu'au paragraphe 38e. Il y a peu d'état à faire du témoignage de Méliton, d'après lequel, seuls entre tous les empereurs, Néron et Domitien « ont mis en accusation » la foi chrétienne (1). La thèse soutenue par cet évêque, de l'intolérance des seuls mauvais empereurs à l'égard du christianisme, ne permet pas de donner à son affirmation une valeur historique rigoureuse. Tertullien reprit la théorie de Méliton, mais, en la négligeant comme il convient de le faire nous ne laissons pas de rencontrer dans plusieurs de ses écrits des traces d'informations non tendancieuses cette fois. C'est ainsi qu'il nous parle de mandata (2) et d'un Institutum Neronianum (3). Nous ne savons rien de plus sur cette loi, car c'est le nom que lui donne un historien fort postérieur, Sulpice Sévère, qui écrivait en 400. Après avoir fait le récit des actes de férocité des jardins du Vatican, cet écrivain ajoute : « Tel fut le commencement des persécutions contre les chrétiens; ensuite la religion fut interdite par la loi, et, en vertu d'édits officiellement rendus, il ne fut plus permis d'être chrétien (4). » Quelque valeur que l'on accorde à ce texte tardif, il importe de rappeler qu'il paraît contenir la formule de la législation primitive contre les chrétiens (5). Cette circonstance lui mérite une sérieuse attention.

De cet édit primitif plusieurs points peuvent être


1. MÉLITON, dans Eusèbe, Hist. eccl., VI, 24

2. TERTULL., Ad Scapul.

3. TERTULL., Ad nationes, I, II.

4. SULP. SEV., Sacra historia, II, 41.

5. G. BOISSIER. Voyez plus bas.


XLIII

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:27

établis : 1° Les chrétiens étaient recherchés d'office 2° Ils devaient être décapités Cette dernière circonstance qui semble en contradiction avec les « flambeaux vivants » des jardins de Néron, confirme l'information de Sulpice Sévère : après ces premiers sévices la religion fut interdite par la loi, post etiam datis legibus religio vetabatur. Ce ne serait qu'après les piacula du mois d'août de l'an 64 que la loi aurait été portée.

Pendant un long espace de temps les Églises vécurent donc sous le régime promulgué par la « loi » de Néron, si, comme l'affirme Tertullien, cette constitution fut seule exceptée de l'abrogation formelle prononcée par le Sénat sur tous les actes de cet empereur La persécution de Domitien, qui n'a laissé aucune trace juridique, s'expliquerait naturellement par le rappel de la législation toujours en vigueur. Mais cette deuxième persécution dura peu, et l'empereur calmé, la loi dut retomber dans le silence. Elle ne paraît pas avoir été abolie. Ce fut sous son régime que se produisit la dénonciation anonyme dont Pline fut saisi pendant sa légation en Bithynie. Nous voyons que le libelle est conforme à la législation néronienne ; en effet, il ne contient que des noms avec l'accusation générale d'être chrétiens. Mais la procédure sommaire suivie par Pline dans les premières informations est elle-même conforme à la loi de Néron, d'après laquelle « il ne fut plus permis d'être chrétien ».

Il semble qu'à la date de la lettre à Trajan (112), les


1. TERTULL., Apol., c. v.

2. TERTULL., Ad Scapul., Apol., 5.

3. TERTULL., Ad nationes, I, 7


XLIV


procès contre les chrétiens passaient inaperçus, et la législation, s'il en existait une, était peu connue. Pline n'avait jamais, dit-il, assisté à l'instruction d'un procès de cette sorte ; ses bureaux paraissent n'avoir pu le renseigner, bien que « le devoir de l'officium fût de noter les précédents pour les rappeler au gouverneur et assurer le maintien des traditions dans l'administration de la justice ».

« Je ne sais ce qu'il faut punir ou rechercher, ni jusqu'à quel point il faut aller. » Ce qui suit montre la nature des incertitudes de Pline : « Par exemple, dit-il, je ne sais s'il faut distinguer les âges ou bien si, en pareille matière, il n'y a pas de différence à faire entre la plus tendre jeunesse et l'âge mûr, s'il faut pardonner au repentir ou si celui qui a été tout à fait chrétien ne doit bénéficier en rien d'avoir cessé de l'être, si c'est le nom lui-même, abstraction faite de tout crime, ou les crimes inséparables du nom que l'on punit. En attendant, voici la règle que j'ai suivie envers ceux qui m'ont été déférés comme chrétiens ; ceux qui l'ont avoué, je les ai interrogés une seconde, une troisième fois, en les menaçant du supplice ; ceux qui ont persisté, je les ai fait conduire à la mort (1). »

C'est la pure législation néronienne. Nous lisons encore : « Un libelle anonyme a été déposé, contenant beaucoup de noms. Ceux qui ont nié qu'ils eussent été chrétiens, j'ai cru devoir les faire relâcher... D'autres, nommés par le dénonciateur, ont dit qu'ils étaient chrétiens... » Sur les uns ni sur les autres on ne tente rien pour obtenir une abjuration, on se borne à imposer


1. PLINE, Epist., X, 98.


XLV


poser à tous des sacrifices aux dieux de l'Empire.

C'est donc une marque probable de la plus haute antiquité que la mention de condamnation pour la profession de christianisme. Nous trouvons dans une pièce célèbre entre toutes, les actes de sainte Thècle, ces paroles adressées à un accusateur de l'apôtre Paul (1) : Lege auton khristianon, kai apoleitai suntomos.

« Les archives de la métropole, fait observer M. Le Blant, n'étaient pas plus riches que celles de la Bithynie en documents sur la question posée. » « En pareille matière, répond Trajan, on ne peut établir une règle fixe pour tous les cas. » Elle n'existait donc pas et il ne la crée point. Pline a suivi les principes du droit commun, et il en est loué.

La lettre de Trajan et un texte de Tertullien qui en rapporte une disposition particulière nous permettent de placer vers l'an 112 l'abrogation de la règle néronienne prescrivant la recherche des fidèles (2). Un rescrit de l'empereur Hadrien au proconsul d'Asie, Minucius Fundanus, en 152, précisait un peu plus la situation : « Si des personnes de votre province veulent ouvertement soutenir leurs dires contre les chrétiens, et les accuser en quelque chose devant le tribunal, je ne leur défends pas de s'en tenir à des pétitions et à des clameurs. Il est en effet beaucoup plus juste, si quelqu'un se porte accusateur, que vous connaissiez des imputations. Si donc quelqu'un accuse les personnes désignées, et prouve qu'elles commettent des infractions aux lois, ordonnez même des supplices, selon la gravité


1. GRABE, Spicilegium SS. Patrum, t. I, p 102.

2. TRAJAN, Epist. ad Plin., Tertull., Apol., c. v.


XLVI


du délit (1). » L'infraction à la loi consistant dans la simple profession de christianisme, on continuait donc, sauf pour le point prévu par la règle de procédure de Trajan, à vivre sous le régime néronien. Antonin le Pieux écrivit aux cités et particulièrement aux Larissiens, aux Thessaloniciens et aux Athéniens de ne pas faire d'émeutes, meden neoteridzein, au sujet des chrétiens (2). C'était une simple mesure de police.

Dans le procès de Bithynie, nous avons assisté à une procédure tout entière de droit commun. Le rescrit de Trajan inaugure une jurisprudence et Tertullien, qui nous en montre l'illogisme, témoigne du maintien de cet état de choses au début du III° siècle. Dans l'intervalle, une monstruosité légale a pris place à l'instruction. « Vous violez contre nous toutes les formes de l'instruction criminelle, dit Tertullien. Vous torturez les autres accusés pour leur arracher un aveu (3) ; les chrétiens seuls sont mis à la question pour leur faire nier ce qu'ils confessent à grands cris (4). » Nous ne savons quand ni comment s'introduisit la torture afin d'arracher l'abjuration. Nous en voyons l'emploi à Lyon, en 177 ; mais dans ce procès fameux, la torture est mise en oeuvre, tantôt pour obtenir des aveux, et ceci était conforme au droit commun, tantôt pour obtenir l'abjuration, comme dans le cas de Blandine et de Ponticus, dont on


1. S. JUSTIN, I Apol., 68.

2. MÉLITON, dans EUSÈBE, Hist. eccl., IV, 26. Sur la persécution sous Antonin, voyez la bibliographie du « Martyre de saint Polycarpe ».

3. C'est encore le cas dans la procédure de Bithynie à l'égard de deux diaconesses.

4. TERTULI., Apolog., 2.


XLVII


interrompait la torture de temps à autre pour leur dire : Jurez. Ils refusaient et l'on recommençait à travailler leurs pauvres corps.

Le règne de Marc-Aurèle semble marquer, au moins pour un temps, l'abandon de la jurisprudence de Trajan. A Lyon, nous voyons le tribun de la treizième cohorte et les magistrats de la ville faire arrêter tous ceux que la voix publique désigne comme chrétiens. L'année suivante, 178, Celse s'écrie dans son Discours véritable que l'on voit les chrétiens « traqués de toutes parts, errants, vagabonds, recherchés, parce que l'on veut en finir avec eux (1) ». Dans une étude basée sur des textes très morcelés, il faut se garder de rien conclure de trop général sur le vu de quelques faits remarquables. Les pièces les plus graves nous montrent tout ce que les causes criminelles, dans l'antiquité, recélaient d'épisodes imprévus. A Smyrne, la procédure contre Polycarpe est en partie conduite par la populace ; à Lyon, la faiblesse des magistrats autorise toutes les exigences de la foule, « alors qu'un rescrit spécial vient d'ordonner que, suivant la règle commune, les citoyens romains soient décapités, l'un de ces hommes est livré aux bêtes pour complaire à la multitude. »

L'impulsion donnée par Marc-Aurèle se continua sous le règne de Commode, son successeur. Nous possédons un monument de la procédure suivie en l'an 180. Les Actes des martyrs Scillitains, en Afrique, remettent en mémoire la forme primitive de la procédure contre les chrétiens. On leur propose le pardon à condition d'offrir un sacrifice, et, sur leur refus, ils


1. ORIGENE, Contr. Cels., VIII, 69.


XLVIII


sont condamnés pour le même délit que les martyrs de Bithynie, l’ « obstination ». L'arrêt est ainsi conçu : « Attendu que Speratus, Nartallus, Cittinus, Donata, Vestia , Secunda ont déclaré vivre à la façon des chrétiens, et, sur l'offre qui leur était faite de revenir à la manière de vivre des Romains, ont persisté dans leur obstination, nous les condamnons à périr par le glaive (1). » Le procès d'Apollonius, à Rome, montre que l'accusation portait sur la religion seule et qu'il n'y eut pas d'autre motif à la condamnation (2). Le règne de Commode inaugura une époque nouvelle à divers points de vue. L'Etat romain sembla se prêter à quelque indulgence à l'égard des chrétiens, et peut-être ce caprice, qui donnait le repos aux Églises, procura-t-il une recrudescence de conversions (3). On a fait observer que cet accroissement de la « secte » exerça une influence capitale sur la forme des poursuites. Comment frapper de telles multitudes ? Pline écrivait à Trajan : « Suspendant l'instruction, j'ai résolu de vous consulter. L'affaire m'a paru le mériter, surtout à cause du nombre de ceux qui sont en péril. » Pendant la persécution du pro-consul d'Asie, Arrius Antoninus, les chrétiens de toute une ville se présentèrent ensemble devant son tribunal. Quelques-uns furent mis à mort, on renvoya le reste en leur disant : « Insensés, manquez-vous de cordes et de précipices, si vous voulez mourir (4) ?»

Les persécutions du IIIe siècle paraissent toutes —


1. Acta MM. Scillitanorum, § 5.

2. Acta Apollonii, dans Analecta Bollandiana, t. XIV,1895, p. 284-294.

3. TERTULL., Apol., 18. Cf. De test. anim., I.

4. TERTULL., Ad Scapul., 5.

XLIX

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:27

sauf une seule — influencées par la préoccupation de faire un choix parmi les coupables. La mention de ce choix en vue « d'un exemple » abonde dans les documents authentiques et dans ceux d'une valeur moins assurée (1).

A partir de Septime Sévère, le mot de Tertullien « nomen in causa est » ne s'applique plus à la jurisprudence nouvelle. La « confessio nominis », comme on disait à la première époque, n'a plus une criminalité absolue. Cette observation est très importante pour permettre aux personnes peu familières avec la période des persécutions de prendre une idée exacte de la situation des fidèles. Plusieurs s'imaginent que partout et toujours la vie du chrétien était menacée. On se représente un régime analogue, sinon semblable de toua points, au régime de la Terreur pendant la Révolution française. La vérité est très différente. L'ordonnance de Septime Sévère (202) ne proscrit que les païens qui se feront chrétiens. Aussi les plus illustres victimes de la persécution seront des catéchumènes ou des néophytes, Perpétue, Félicité, Révocatus et leurs compagnons. Nous sommes probablement alors en présence de deux procédures : l'une, celle du rescrit de Trajan, n'a pas été abrogée, elle subsiste donc et fonctionne, bien que nous ne puissions y rapporter aucune pièce certaine ; l'autre, prescrite pour le cas d'un délit spécial : la conversion. Ainsi, à l'égard des catéchumènes et des néophytes on


1. Passio S. Pionii, § 20 ; Acta S. Cypriani, 4 ; Passio S. Philippi Heraclaei, § 4 ; Passio S. Quirini, § 4 ; — Acta S. Speusippi, § 5 ; Acta S. Clementis. § 8 ; Acta S. Callixti, § 5. (Acta SS., 13 janvier, 23 janvier,14 octobre.)



L


semble être revenu à la loi néronienne de la poursuite d'office. Le début de la Passion de sainte Perpétue semble le dire : Apprehensi sunt adolescentes catechumeni. Les complices de la conversion semblent être également décrétés de prise de corps (1).

L'extension du droit de cité romaine à tous les provinciaux sous Caracalla entraîna une légère modification dans la situation des chrétiens. L'appel à César contre les jugements des gouverneurs fut abrogé. Depuis les origines du christianisme, nous ne l'avons vu revendiquer que par saint Paul et par quelques habitants de la province de Bithynie.

L'édit de Dèce (250) n'a pas été conservé. Ce que nous savons de son application permet de le reconstituer en partie. Ce fut un édit de proscription universelle. Tous les chrétiens sans exception étaient convoqués individuellement devant une commission locale. Les moindres villages eurent la leur. A l'appel de son nom, chacun devait offrir une victime, ou au moins brûler de l'encens sur l'autel et faire une libation. Il prononçait ensuite une formule blasphématoire dans laquelle il reniait le Christ. La cérémonie se terminait par un repas idolâtrique. La commission délivrait un acte constatant ce qui s'était passé. Cette pièce se compose de deux parties. La première est une requête adressée aux « préposés aux sacrifices» de la localité par celui qui veut faire acte de soumission. Il décline ses noms, âge, lieu de naissance, signes d'identité, déclare qu'il a de tout temps offert des sacrifices et que « récemment en leur présence, conformément


1. Passio S. Perpetuae, § 2 et 4 en ce qui regarde Saturas, le catéchiste.


LI


aux prescriptions de l'édit, il a offert l'encens, fait la libation et goûté aux victimes ». Il demande certificat de tout ceci. La commission ou l'un de ses membres appose son visa et date le certificat. Il est tout à fait probable qu'il y eut un formulaire unique pour tout l'empire (1).

La persécution dura moins de dix-huit mois. Les hostilités de Gallus et d'Émilien ne semblent avoir rien changé à la jurisprudence en vigueur. Les édits de Valérien témoignent d'un grand changement survenu. Pour la première fois l'Église est traitée en association. Le texte du premier édit (257) est perdu. Plusieurs pièces nous révèlent ses dispositions. Il ordonne de traduire en justice non les chrétiens indistinctement, mais les principaux membres du clergé, évêques, prêtres (2) et diacres (3) ; à ceux-là seuls s'appliquera la procédure que le droit commun réserve aux duces factionum (4). Les simples fidèles pourront manifester leur religion en toute liberté (5). Nous voyons les chrétiens de Carthage accompagner leur évêque saint Cyprien au tribunal et au lieu de l'exécution. Dès lors, pour être martyrisé, il fallut fournir les preuves de son rang dans la hiérarchie ecclésiastique (6). Ces restrictions avaient le double avantage d'épargner la population


1. KREBS, dans Sitzungsberichte d. K. Pr. Akademie d. Wissensch. (1893), p. 1007-1014 ; WESSELY, Kaiserliche Academied. Wissensch. in Wien (1894), p. 3-9 ; FRANCHI DE CAVALIERI, dans le Nuovo Bullettino di archeologia cristiana (1895), p. 63, 73, et Theol. Literaturzeitung (1891., t. XIX, p. 37 et 162.

2. Acta proconsularia S. Cypriani.

3. Acta S. Montani, 12, 15, 20.

4. L. 16. De Appellationibus (Digest., XLIX, I).

5. Voy. Acta Cypriani, §§ 2, 5.

6. CYPRIEN, Epist.LXXXII, Successo fratri.


LII


et de la contenir. On lit en effet dans les Actes d'un évêque nommé Hilaire qu'il fut torturé pour servir de leçon à tous : ut ipso tormentato universi ejus corrigantur exemplo (1).

Le premier édit de Valérien inaugurait des dispositions nouvelles. Le crime de religion est maintenant secondaire, il est puni par l'exil ; au contraire, les réunions illicites sont punies par la mort ou les travaux forcés (2).

L'année suivante (258), Valérien porta un nouvel édit qui aggravait le premier. Tous les évêques, prêtres ou diacres qui refuseraient d'abjurer sur-le-champ seront mis à mort : Episcopi et presbyteri et diacones incontinenti animadvertantur ; les nobles et chevaliers convaincus de christianisme seront dépouillés de leur dignité et décapités, les femmes du même rang exilées, les chrétiens de la maison de César seront assimilés aux esclaves des ergastules, les plus misérables,de tous. Un point qui n'est pas entièrement nouveau (on en signale des exemples au temps de Dèce), mais qui se généralise avec Valérien et se trouve énoncé dans l'édit de 238, c'est la confiscation des biens. L'édit de Gallien mit fin à la persécution. « Jusque-là, plusieurs persécutions avaient cessé de fait, sans que le droit ait été changé. On laissait vivre les chrétiens et tomber en désuétude les lois d'exception rendues contre eux, mais le christianisme demeurait une religion illicite, toujours punissable en théorie. Gallien semble avoir voulu effacer cette tache originelle. Un édit général rendit aux évêques et à leur clergé — « aux


1. Acta S. Hilarii, § 5 (Act. SS., 16 mars). Voy. Acta S. Nestorii, § 2, 26 février.

2. Digeste, XLVII, XXII, 2; XLVIII, IV, I, 3 ; Cyprien, Epist., 77, 78, 79.


LIII


magistrats du Verbe », selon son expression — la liberté de leur ministère. Puis des rescrits, envoyés à plusieurs évêques, réglèrent les mesures d'exécution. On a conservé un de ces rescrits. Il est adressé à Denys d'Alexandrie et à ses collègues orientaux et les remet en possession des « lieux religieux » saisis par le fisc. D'autres rescrits lèvent le séquestre établi sur les cimetières et permettent aux évêques d'en recouvrer l'usage. L'importance de ces actes éclate à tous les yeux. Les chefs des Églises et leurs ministres, supprimés par Valérien, reçoivent de son fils une sorte d'investiture et comme un titre officiel (1). » Nous ne savons rien de la jurisprudence de l'édit d'Aurélien (274). La mort de l'empereur, survenue peu après, empêcha en partie son effet. Bien que tombé en désuétude, l'édit d'Aurélien n'était pas formellement abrogé, il suffisait à détruire l'effet de la reconnaissance légale par Gallien et à replacer les chrétiens sous le coup de l'ancien droit qui les proscrivait en théorie.

Pendant le laps d'un quart de siècle environ qui s'étend entre l'édit d'Aurélien et celui de Dioclétien, on signale quelques martyrs, soit à Rome, soit dans les provinces. Le IIIe siècle, qui finissait alors, avait profondément changé la situation de l'Eglise chrétienne dans l'État. « Pendant la première moitié du siècle, dit M. Allard, l'Église avait réussi, en se faisant accepter, soit comme collège funéraire légalement autorisé, soit au moins comme association de fait, à constituer le patrimoine nécessaire pour le culte, la sépulture et tous les besoins matériels ou spirituels d'une société organisée Toute fiction légale avait même fini par devenir inutile,

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:28

1. P. ALLARD, Le Christianisme et l'Empire romain (1897).

LIV

puisqu'une décision impériale, aux environs de l'an 225, avait traité l'Église de Rome comme une corporation reconnue, et même comme une religion licite, en lui concédant un terrain avec permission d'y adorer Dieu. Il fallut le cruel édit de Dèce pour rendre de nouveau illicite la religion chrétienne ; mais, même alors, la situation de l'Église comme corporation propriétaire ne fut point ébranlée. Cette situation était si forte au milieu du siècle, que Valérien la prit pour but principal d'une persécution nouvelle, et s'usa en vains efforts pour dissoudre l'association chrétienne. L'échec de sa tentative amena une seconde reconnaissance de l'Église, plus formelle encore que la première, par Gallien. De nouveau cette reconnaissance fut abrogée par l'édit de persécution d'Aurélien. L'Église retomba alors dans une situation juridique qui avait été la sienne au siècle précédent, jouissant le plus souvent d'une paix précaire, que des accusations individuelles ou même de nouvelles persécutions générales pouvaient interrompre à tout moment. Mais, au moins, l'expérience a été faite; il a été démontré que le pouvoir impérial peut s'entendre avec l'Église, et que le droit d'adorer un autre Dieu que les divinités officielles peut être accordé sans péril pour l'État. Par deux fois, l'antique législation de Rome a été mise en échec (1). »

Les violences préliminaires à l'édit de persécution ne sont pas de notre sujet. L'édit de Dioclétien fut promulgué à Nicomédie le 24 février de l'an 303. Il ne contenait pas la peine de mort, mais seulement les dispositions suivantes : 1° Cessation des assemblées chrétiennes ;


1. P. ALLARD, ouvr. cité, p. 118.


LV


2° destruction des églises ; 3° destruction des Livres sacrés ; 4° abjuration de tous les chrétiens. Les sanctions étaient, pour les personnes d'un rang élevé, la dégradation et la mort civile ; pour les personnes libres mais d'humble condition, l'esclavage ; pour les esclaves, l'incapacité à l'affranchissement.

L'exécution de l'édit varia beaucoup suivant les provinces.

L'édit semblait ne prendre aucune mesure pour contraindre à l'abjuration. Diverses circonstances haineusement interprétées provoquèrent, dans le courant de 303, un nouvel édit prescrivant l'incarcération des membres de la hiérarchie ecclésiastique : évêques, prêtres, diacres, lecteurs, exorcistes. Un troisième édit, rendu fort peu de temps après le second, commanda de rendre à la liberté tous ceux qui sacrifieraient et de mettre à mort ceux qui refuseraient. Au commencement de l'année 304, un quatrième édit commanda en termes généraux que tous, en tous pays, dans chaque ville, offrissent publiquement des sacrifices et des libations aux idoles (1). » Ces dispositions sont fort claires, la procédure cependant nous est peu connue. De nombreux traits, peu d'accord entre eux, semblent devoir faire accorder une large part à l'initiative des magistrats. Accepta potestate, dit Lattante, pro suis moribus quisque saeviit (2). La Passion de Théodote nous montre qu'en certains lieux toutes les denrées alimentaires étaient consacrées aux idoles avant d'être mises en vente (3); ailleurs, on expose à l'entrée des marchés des


1. EUSÈBE, De mart. Palaest., 3.

2. LACTANCE, Instit. divin., l. V, c. II.

3. Passio S. Theodoti dans RUINART, p. 357.


LVI


statues des dieux auxquelles tous doivent sacrifier avant de faire leurs achats (1) ; même obligation aux gens qui veulent puiser à la fontaine publique (2). La dernière persécution fut un effroyable carnage présidé par l'arbitraire des magistrats que stimulaient les empereurs. L'iniquité fut sans mesure. On ne peut essayer de ramener à des règles de procédure ce qui en fut la négation. « Contraindre par tous les moyens, » tel avait été le cri de guerre de la persécution suprême ; telle fut sa constante

visée (3).

On sait que l'ère des persécutions fut close par la victoire de Constantin au pont Milvius (29 octobre 312) et l'édit promulgué à Milan au commencement de l'an 313.

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:28

IV. — LA PRÉPARATION AU MARTYRE. — Statistique du régime de persécution. — L'athlète. — Préoccupation de la souffrance physique. — L'impression produite et à produire sur les païens. — Inconvénients de l'apostasie. — L'instruction orale, les manuels de préparation au martyre. — Les représentations artistiques. — La préparation physique. — L'exemple. — Les récompenses, le paradis, le jugement.
Si l'on tente de dresser la double statistique des années où l'Église fut proscrite et de celles où elle fut tolérée, on ne saurait prétendre qu'à l'exactitude d'une simple


1. Acta S. Sebastiani, § 65 (Act. SS., 20 janvier).

2. Ibid. EUSÈBE, Hist. ecclés., VIII, 2 : pase mekhane, cf. LE BLANT, Les

Persée. et les Mart., p. 176.


LVII


approximation. Il s'en faut que les persécutions aient sévi partout et toujours dans l'Empire avec la même intensité ; aussi pour être tout à fait concluante, cette question voudrait être longuement étudiée à l'aide de statistiques minutieuses. Cependant nous pouvons, en négligeant le détail, entre Néron et Constantin, de l'an 64 à l'an 313, sur un espace de 249 années, compter les intervalles que voici :


Au Ier siècle : 6 années de persécution, 28 années de repos ;

Au IIe siècle : 86 années de persécution, 15 années de repos;

Au III° siècle : 24 années de persécution, 76 années de repos ;

Au IVe siècle : 13 années de persécution sur 13 années écoulées.


L'Église fut donc persécutée 129 années et jouit de 120 années de repos. La répartition des périodes de persécution dans chaque siècle nous fait voir que toutes les générations ont dû connaître l'alarme du martyre ; de là à s'y préparer, il n'y avait qu’un pas. Voici comment on le franchissait.

Une des comparaisons les plus fréquentes dans les textes anciens est celle qui rapproche le martyr de l'athlète (1). Peut être l'idée venait-elle de l'apôtre saint Paul, qui s'y complaisait. Quoi qu'il en soit, elle semble avoir eu un fondement moins fragile que des symboles toujours


1. S. GREG. NAZ., Orat. XLIII. In Laud. Basilii, § 5 ; S. CHRYSOST., Laudes omnium martyrum, § 2 ; Homil. III, in Osiam, § 1 ; CONSTANT. DIACON., Laudat. omn. mart., § 8 ; A. Mai, Spicil. rom., t. X, p. 108.


LVIII


un peu subjectifs. Le métier d'athlète exigeait une moralité de vie, des habitudes sévères, un régime rigoureux, presque austère, tout ce que nous nommons entraînement. Le martyr devra donc fortifier sa volonté par le jeûne, la mortification, la prière ; la célèbre lettre des Églises de Lyon et de Vienne est écrite presque tout entière sur ce ton (1).

Les expressions être prêt, être exercé, s'appliquent, suivant les auteurs, tantôt aux martyrs, tantôt aux chrétiens. Eux-mêmes sont pleins de ces images. « On prépare des hommes aux combats singuliers et on les y exerce, dit saint Cyprien ; l'Apôtre nous enseigne d'être prêts nous aussi et exercés (2). » Et ailleurs : « Nous sommes armés nous aussi et préparés pour le combat que nous livre l'ennemi (3). » Quelquefois aussi on empruntait la métaphore aux choses de la guerre (4). Cependant ce n'était pas sans une secrète appréhension que beaucoup envisageaient les heures d'atroce souffrance qui ouvraient le paradis. Plusieurs témoignages montrent naïvement le rang que tenait dans les âmes, même bien trempées, la préoccupation de la souffrance physique. Un martyr africain, Flavien, raconte ainsi une vision : « Il me sembla que j'interrogeais notre évêque Cyprien, le premier qui eût été immolé avant nous pour le Christ. Je lui demandais si le coup de la mort causait une grande douleur. Appelé au martyre, je m'inquiétais de savoir ce que


1. Ceux qui faiblirent sont appelés anetoimoi kai agumnastoi.EUSÈBE, Hist. eccl., V, 1.

2. CYPRIEN, Epist. LVI. Ad Thibaritanos, § 8.

3. Epist. LIV. Ad Cornelium, De lapsis, § 1.

4. Acta S. Tarachi, § 5, dans RUINART, p. 436.


LIX


j'aurais à endurer. Il me répondit : Lorsque l'âme est toute dans le ciel, la chair qui souffre n'est plus la nôtre ; le corps reste insensible quand l'esprit est en Dieu (1). » Le fait qui contient ce texte se rapporte à l'année 259, la doctrine était bien plus ancienne. Soixante années plus tôt environ, Tertullien exprimait la même pensée dans les mêmes termes : « Les tortures, dit-il, nous trouvent insensibles lorsque l'âme est toute dans le ciel, (2)» et nous voyons que cet enseignement faisait très probablement partie de l'instruction des catéchumènes puisque sainte Félicité déclarait que dans l'amphithéâtre ce ne serait pas à elle de souffrir, mais au Seigneur, qui serait en elle pour souffrir à sa place (3). En Gaule, nous retrouvons la même doctrine ; à Lyon, il est dit que « le Christ souffrit pour Sanctus, (4) » et la lettre de cette Église nous explique qu'une source d'eau vive s'échappait du flanc de Notre-Seigneur, apportant au martyr rafraîchissement et force. On lisait à ce sujet des récits merveilleux. Un martyr racontait qu'un adolescent l'assistait pendant la torture, essuyant d'une étoffe blanche la sueur de son corps sur lequel il répandait une eau fraîche et réparatrice. Cette onction lui procurait un tel bien-être qu'il ne se vit qu'à regret détacher du chevalet (5).

Ces enseignements, ces exemples avaient une portée morale surtout. L'Église, sachant que tout nous vient du


1. Passio S. Montani, § 21.

2. TERTULL., Ad martyres, c. 2.

3. Passio S. Perpetuae, § 15.

4. EUSÈBE, Hist. eccl., V, 1.

5. RUFIN. Hist. eccl., L 36 a cf. THÉODORET, Hist. eccl., III, II. M. Le Blanta a cité d'autres textes sur cette question, V. Les Actes des Martyrs, p. 99, § 38.


LX


secours divin et de la volonté surnaturelle, n'avait pas négligé cependant cette partie dans la préparation au martyre. Une sorte d'esprit de corps épuré, sanctifié, raidissait les âmes. Les païens eux-mêmes admiraient cette vaillance. On croit en voir quelque chose dans une lettre de Sénèque à Lucilius, alors malade: « Qu'est-ce que cela, lui dit-il, auprès de la flamine, et du chevalet, et des lames ardentes, et des fers appliqués aux blessures à peine cicatrisées pour les renouveler et les creuser plus avant? Parmi ces douleurs, quelqu'un n'a pas gémi, c'est peu ; il n'a pas supplié, c'est peu ; il n'a pas répondu, c'est peu ; il a souri, et souri de bon coeur (1). » Celse rendait hommage à ceux qui, pour leur foi, ont su mourir (2). « Lorsque des mains cruelles torturaient les membres du saint, lorsque le bourreau lui déchirait les chairs, sans pouvoir abattre sa constance, j'ai entendu, racontait un contemporain, parler les assistants. L'un disait : C'est une grande chose et dont je me trouble fort que de voir maîtriser ainsi la douleur (3). » Le traitement fait aux apostats par les païens ne pouvait manquer d'être rappelé. Les railleries qui les poursuivaient n'étaient pas le pire des maux : à Lyon, on avait vu les apostats torturés plus cruellement que les confesseurs. Dès qu'ils eurent convenu des crimes infâmes dont on les accusait, ils tombèrent sous le droit commun et furent torturés, non plus à titre de chrétiens, mais comme s'ils eussent été les plus monstrueux des hommes (4).


1. SÉNÈQUE, Epist. 78.

2. ORIGÈNE, Contr. Cels., I, p. 8.

3. Liber de laude martyrii, § 15.

4. EUSÈBE, Hist. eccl., V, 1.


LXI


La préparation au martyre semble avoir fait l'objet d'un essai de réglementation. Outre les instructions orales dont nous trouvons la trace dans ce que nous savons de la vie de saint Cyprien de Carthage (1), de saint Apollinaire d'Égypte (2), du diacre Habib à Édesse (3), il a dû exister de petits traités destinés à rappeler aux fidèles menacés les commandements et les promesses d'en haut, en même temps qu'ils les pénétraient de quelques maximes brèves et saisissantes propres à ce que l'on devait attendre d'un chrétien en ce moment.

Saint Cyprien dut composer un de ces manuels. On lit, en effet, dans la préface d'une Exhortation au martyre écrite par lui : « Au moment où la persécution et ses angoisses vont nous atteindre, où la fin du monde et la venue de l'antéchrist sont proches, tu as souhaité, mon cher Fortunat, que, pour préparer et affermir les âmes des frères, je choisisse, dans les saintes Écritures, des exhortations qui excitent au combat les soldats de Jésus-Christ. Dans la mesure de ma faiblesse qu'assistera l'Esprit d'en haut, je tirerai des paroles du Seigneur des armes destinées aux fidèles... Pour ne pas fatiguer de longs discours celui qui lira ou écoutera mes paroles, je n'ai fait ici qu'un abrégé. Des divisions, faciles à apprendre et à retenir, comprendront les préceptes divins, et je t'envoie moins un traité de ma main que des matériaux mis en ordre pour ceux-là qui voudraient écrire

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:28

1. PONTIUS, Vita et passio S. Cypriani, § 14. Voy. S. AUGUST. Sermo CCCXII, De Sanctis.

2. RUFIN, De vitis Patrum, c. 19.

3. CURETON, Ancient syriae Documents. Voy. LE BLANT, Les Actes des Martyrs p. 233 et suiv.


LXII

eux-mêmes (1)» Il est probable que l'Exhortation au martyre de saint Cyprien et un opuscule d'Origène portant un titre semblable représentent aujourd'hui cette littérature. Cinq autres traités, dont deux de Tertullien, deux de saint Cyprien et celui d'un auteur anonyme, paraissent se rapporter au même genre littéraire qui semble avoir été tout à fait spécial au christianisme naissant.

Un autre élément de préparation au martyre fut la reproduction sensible de plusieurs épisodes fameux racontés dans l'Ancien Testament. La fresque, la pierre, l'ivoire, le verre, les médailles, représentent à l'envi les trois jeunes Hébreux dans la fournaise, Daniel dans le repaire des lions (2). De cette formation morale il faut rapprocher un texte de Tertullien: « Voilà, dit-il, parlant du jeûne, comment on s'endurcit à la prison, à la faim, à la soif, aux privations et aux angoisses, voilà comment le martyr sortira du cachot, tel qu'il y est entré, n'y rencontrant point de douleurs inconnues, mais ses macérations de chaque jour, certain de vaincre dans le combat parce qu'il a tué sa chair et que sur lui les tourments ne trouveront point à mordre. Son épiderme desséché lui sera une cuirasse, les ongles de fer y glisseront comme sur une corne épaisse. Tel sera celui qui, par le jeûne, a vu souvent de près la mort et s'est déchargé de son sang, fardeau pesant et importun pour l'âme impatiente de s'échapper (3). » On a tant parlé des exagérations de Tertullien


1. CYPRIEN, De exhortatione martyrii, Praefatio.

2. LEFORT, Les monuments primitifs de la peinture en Italie; GARUCCI, Storia dell'arte crist. DE ROSSI. Roma sotterranea, et la collection du Bullettino di archeol. cristiana depuis 1863.

3. TERTULL., De jejunio, c. 12.


LXIII


qu'il est nécessaire d'illustrer son texte par des faits assurés et de rappeler Alcibiade à Lyon, qui ne se soutenait qu'à l'aide de pain et d'eau (1) ; Procope de Scythopolis, qui espaçait parfois d'une semaine entière les jours où il prenait sa nourriture composée de pain et d'eau (2).

Un dernier et puissant moyen de préparation au martyre était la société des confesseurs. A Lyon, elle suffit à reconquérir de pauvres apostats (3), et nous voyons en Numidie les persécuteurs isoler le groupe des laïques du groupe des clercs, destinés tous deux à la mort, dans l'espoir d'arracher aux laïques, ainsi désemparés, un acte de faiblesse (4). Les frères connaissaient cette source des exhortations. La sentence capitale qui condamnait saint Cyprien faisait allusion à cette influence de l'évêque sur son peuple; les fidèles, en l'entendant, s'écrièrent : « Que l'on nous décapite tous avec notre évêque (5). »

Plus haut que l'exemple, il y avait la promesse des récompenses éternelles.

« Le prix du martyre, comme on l'enseignait, était immense. Salomon et David l'avaient dit au nom du Seigneur, et Jésus-Christ l'avait répété lui-mêmes. Le ciel, qui, selon quelques-uns, devait rester fermé pour tous jusqu'à la consommation des temps, s'ouvrait sur l'heure pour les saintes victimes. Les mains des Anges les portaient


1. EUSÈBE, Hist. eccl., V, 1.

2. RUINART, p. 373 (éd. Paris, 1689).

3. EUSEBE, Hist. eccl., V, 1.

4. Passio SS. Jacohi et Mariani, § 10.

5. Acta S. Cypriani, § 4 et 5.

6. S. CYPRIEN, Ad mart., XII; Testim., III, 17 ; CLEM. ALEX., Strom . IV, 9, etc.


LXIV


vers l'Orient, et devant elles s'étendait un jardin resplendissant de fleurs, ombragé de rosiers gigantesques. La chair des bienheureux, devenue immatérielle et diaphane, laissait voir la pureté de leurs coeurs. Une atmosphère de parfums les entourait et leur donnait la vie. A leur entrée, la troupe des Séraphins les accueillait avec des cris d'admiration et de triomphe. Puis, dans un rayonnement immense, au milieu d'une large enceinte aux murailles faites de lumière, leur apparaissait le divin Maître, tel que saint Jean l'avait rêvé. Ses cheveux étaient blancs comme la neige et ses traits étaient ceux d'un jeune homme. Les martyrs le saluaient par un baiser, et, au toucher de sa main, leurs âmes s'emplissaient d'une allégresse inconnue.

« C'était ainsi que, dans leurs visions, les saints entrevoyaient les joies du paradis et ses splendeurs (1). Lus à l'église, comme l'Évangile même, leurs Actes publiaient ces merveilles et fortifiaient les coeurs mal affermis (2). » Toute cette gloire promise était accompagnée d'un suprême triomphe sur les bourreaux. « Notre patience, écrivaient les Pères, nous vient de la certitude d'être vengés (3) ; elle amasse des charbons ardents sur la tête de nos ennemis (4). Quel grand jour que celui où le Très-Haut comptera ses fidèles, enverra les coupables aux enfers et jettera nos persécuteurs dans l'abîme des feux éternels (5) ! Quel spectacle immense! quels seront ma joie,


1. Acta S. Perpetuae, § 11, 12, 13 ; Acta S. Montani, § 11 ; Apocal., c. 1 ; Mém. de la Miss. archéol. au Caire, t. IX, p. 143, 144.

2. LE BLANT, Les Perséc. et les Mart., p. 104.

3. CYPR., Ad Demetr., XVII. Cf. TERTULL., Ad Scapul., 2.

4. TERTUL., De fuga, 12.

5. CYPR., Epist.LVI, ad Thibarit., § 10.


LXV


mon admiration et mon rire ! Que je triompherai à contempler, gémissants dans les ténèbres profondes, avec Jupiter et leurs adorateurs, ces princes, si puissants, si nombreux, que l'on disait reçus au ciel après leur mort ! Quel transport que de voir les magistrats, persécuteurs du saint nom de Jésus, consumés par des flammes plus dévorantes que celles des bûchers allumés pour les chrétiens (1) ! »

Je ne puis omettre le rôle des sacrements. Des actes tenus pour suspects «nous montrent l'évêque Philéas armant par le baptême et l'eucharistie saint Thyrse, qui va combattre pour la foi (2). La justification de ce trait existe dans un passage mystique de la Passio de sainte Perpétue (3), dans les Actes des saints Jacques et Marie (4) et dans ces mots d'une lettre de saint Cyprien : « Puisqu'une nouvelle persécution est proche et que de fréquentes révélations l'annoncent, soyons prêts et armés pour le combat... Ne laissons pas nus et sans défense ceux que nous encourageons à la lutte ; munissons-les par la protection du corps et du sang de Jésus-Christ, rassasiés de la nourriture divine qu'ils trouvent dans l'eucharistie, leur sauvegarde, leur rempart contre l'ennemi (5). »

Ainsi Dieu fortifiait le chrétien par le don d'une grâce surnaturelle qui le soutenait au milieu de ces terribles tortures et lui donnait la couronne du vainqueur.


1. TERT., Despect., § 30 ; S. CYPR., Ad Demetr., i 24. Dans LE BLANT, ouvr. cité, p. 105-106.

2. Acta S. Thyrsi, § 20. (Acta SS., 28 janv.)

3. § 4.

4. § 8.

5. Epist. LIV, Cornelio, fratri §§ 1 et 2. — Les citations sont empruntées à Env. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 235.



LXVI

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:29

V. — LA PROMULGATION DE L'ÉDIT DE PERSÉCUTION. — Rédaction. — Notoriété. — Affichage. — Proclamation publique. — Acclamations. — Transcription et copie du texte. — Lacération.
Les Actes des martyrs et leurs auteurs nous renseignent d'une façon assez complète sur la promulgation de l'édit, promulgation qui était l'objet d'un cérémonial bien circonstancié.

L'édit impérial est du nombre de ces actes dont parle Ulpien, qui devaient être placardés dans les,lieux apparents, et lisiblement écrits en caractères grecs ou latins, suivant le pays (1). Aussi, dans la plupart des cas, les accusés répondent à l'interrogatoire qu'ils avaient connaissance de l'édit (2). Parfois cependant on force les martyrs à en prendre connaissance. A cet effet, on conduit Pionius au Forum, où le texte est affiché (3). Cet affichage se faisait en grande pompe, car le texte, émané de la personne divine des empereurs prenait un caractère religieux (4). On lui prodiguait donc cet appareil superstitieux dont on retrouve l'ordonnance dans la promulgation de certains actes royaux sous l'ancien régime et dont on peut voir de nos jours encore, en Angleterre, le déploiement extraordinaire. Tantôt on le proclamait au son de la


1. ULPIEN, L. 11, § 3. De institutoria actione (Digest., L. XIV, tit. III). Cf. AUSON., Gratiarum actio (éd. Vinet), p. 395 ; Corp. inscr. lat., t. I, na 198, p. 16, lignes 652, 66, etc.

2. Acta S. Maximi, § 1 (RUTNART, éd. 1689, p. 145) et alibi.

3. Passio S. Pionii, § 3.

4. Voyez LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 263 et p. 75, § 24


LXVII


trompette (1), tantôt on le faisait clamer par un héraut dans tous les carrefours (2), tantôt on le lisait au peuple solennellement convoqué au cirque (3) ou dans le temple de la Fortune. Les Actes de saint Terentianus mentionnent cette cérémonie. Le proconsul assemble les notables de la ville et leur lit un ordre impérial, aussitôt retentissent les acclamations :

«Tous s'écrièrent: A l'Auguste, sois toujours vainqueur (4)! Ceci fut répété dix-sept fois de suite.

« Le proconsul Lucianus ajouta : Gloire aux dieux propices (5)! »

La proclamation se passait sans doute d'une manière peu différente de ce qu'elle était au IVe siècle : « Lorsqu'on nous lit les décrets de l'Empereur, il se fait partout un grand silence; chacun prête l'oreille, avide d'entendre. Malheur à qui oserait faire le moindre bruit et troubler une pareille lecture (6). »

Le texte était transcrit sur l'Album exposé au Forum. Il devait exister des expéditions parmi les archives du tribunal, car nous voyons le président en donner communication à l'accusé (7) ou bien encore le faire lire devant le tribunal (Cool.


1. BASILE, Orat. de S. Gordiano, § 2.

2. Martyrium S. Martyris D. N. J. C. Sancti Apa Anub. de Nassi, dans ZOEGA, Catalogus codicum copticorum, p. 32.

3. THÉODORET, Hist. ecclés., II, 17 ; SYMMACH., Epist., X, 83 ; Passio S. Mariae dans BALUZE, Miscellanea, I, p. 27 ; Acta S. Pontiani. § 1 ; Acta S. Sergii, § 1 (Acta SS., 14 janv., 24 févr.).

4. Mart. Samos., dans ASSEMANI, Act. Mart. orient., t. Il, p. 1.24.

5. Act. S. Terenliani, § 4 (Act. SS., 1er sept.).

6. S. CHRYSOST., Hom. II sur le ch. II de la Genèse, § 2.

7. Acta S. Paphnutii, § 14 (Acta SS., 24 sept.).

8. Passio S. Symphoriani, § 2 ; Passio S. Genesii, § 2.


LXVIII


Le cardinal Wiseman a introduit dans son livre célèbre, Fabiola, une scène intitulée l'Édit (1). On y voit un jeune chrétien lacérer pendant la nuit l'édit de persécution de Dioclétien. Cet épisode n'est pas imaginaire. Ce ne fut pas de nuit, mais en plein jour, à Nicomédie, devant la foule, qu'un chrétien dont le nom est inconnu mit en lambeaux l'édit récemment affiché (2). Un fait semblable se serait passé vers le même temps, dans la même ville : un fidèle nommé Eulampius, venu acheter des provisions, vit l'édit affiché sur la porte même de la ville et le déchira (3).

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:29

VI. — LA FUITE DEVANT LA PERSÉCUTION. — Circonstances qui provoquèrent le livre de Tertullien. — Thèse soutenue dans ce livre. — Le parti opposé. — Multitude et triste condition des fugitifs.— Leur situation légale. — Règles pour la fuite concernant le clergé.
Vers l'an 203 se répandit en Afrique un traité écrit par le prêtre Tertullien, de Carthage. Il portait le titre : De la fuite pendant la persécution. Ce pamphlet prenait parti dans une controverse dont l'enjeu était la vie ou l'honneur. Dans aucun autre de ses traités Tertullien n'a dépassé la fougue de paradoxes du traité de De la fuite. La situation précaire des Églises avait engagé leurs chefs à une politique que l'on pourrait nommer « opportuniste » Si le terme était moins décrié ou mieux oublié


1. Fabiola ou l'Église des Catacombes, 2e partie, ch. XIII.

2. EUSEBE, Hist. eccl., VIII, 5 ; LACTANCE, De morte persecut. XIII.

3. Acta SS. Eulampi et Eulampiae 1-3 (Act. SS., 10 octobre). Cette pièce paraît fortement remaniée.



LXIX


qu'il ne l'est. Un parti considérable se ralliait à leur manière de voir. Loin d'irriter le pouvoir par une opposition irréductible ou par une offensive continue, ils jugeaient plus sage et plus avantageux de le ménager, de l'apaiser même à l'aide de concessions effectives, toutes les fois que les questions fondamentales n'étaient pas mises en jeu. Courageux et prudents, ils fuyaient la persécution, s'efforçaient de la désarmer ou de l'esquiver; quand l'un et l'autre étaient pour diverses raisons devenus impossibles, ils mouraient. A Alexandrie (1) et en Afrique, les individus qui ne se sentaient pas la force d'affronter le martyre prenaient la fuite. En Afrique, les fidèles usaient encore d'un autre moyen : ils achetaient à prix d'argent le silence des gens de la police. On vit les chefs des Églises employer ce procédé pour éviter la persécution à leur peuple.

Dès que Tertullien connut le fait, il bondit : « La fuite est un rachat gratuit, le rachat à prix d'argent est une fuite, l'une et l'autre est une apostasie... Mieux vaut apostasier pendant la torture, au moins aura-t-on lutté. J'aime mieux vous témoigner la pitié que le dégoût. A la guerre, mieux vaut un tué qu'un fuyard. » Monté à ce diapason, il n'entend plus, c'est une pâmoison de cris, avec des larmes, des ricanements, des outrages. « Le Seigneur a commandé de fuir de ville en ville, bon pour les apôtres, mais pas pour nous. La fuite, l'apostasie, c'est tout un. Payer pour éviter le juge et arguer de ce mot : et Faites-vous des amis de Mammon », c'est un lâche refus de l'immolation, c'est aller de pair avec les misérables agents qui se font acheter, c'est s'égaler aux


1. CLEMEN. ALEX., Stromat., IV, 4.


LXX


voleurs, aux filous, aux souteneurs qu'ils rançonnent. Puis proclamant l'infériorité chrétienne du riche, il répète avec le Seigneur : « Bienheureux les pauvres, car le royaume des cieux leur appartient»; eux du moins ne peuvent se racheter, ils n'ont pour payer que leur sang (1). » Cette dialectique frénétique eut peu d'effet. Ceux qui étaient en cause continuèrent à chercher dans les Livres saints, dans saint Paul, dans les maîtres du Didascalée d'Alexandrie, dans Cyprien, dans l'évêque Pierre d'Alexandrie, la règle de leur conduite (2).

La situation des malheureux exilés volontaires eut ses douleurs. Beaucoup tombaient dans les mains des brigands, on ne les revoyait jamais ; d'autres, enlevés par les Bédouins, par les Sarrasins, disparurent pour toujours. Un de ces fugitifs, Égyptien de naissance, s'enfuit dans la Thébaïde, où il vécut et inaugura la vie des anachorètes. On vivait à la belle étoile, pourchassé, affamé, haletant ; un grand nombre pouvait s'appliquer les paroles célèbres de l'apôtre Paul : « Voyages sans nombre, dangers au passage des fleuves, dangers des voleurs, dangers de la part des Juifs, dangers de la part des gentils, dangers dans les villes, dangers dans le désert, dangers sur mer, dangers de la part des faux frères ; labeurs, fatigues, veilles innombrables, faim, soif, jeûnes, froid, nudité, j'ai tout souffert (3)... errant çà et là, vêtu de peaux


1. TERTULL., De fuga, passim.

2. EUSÈBE, Hist. ecclés., VI, 42. Voy. les lettres de S. CYPRIEN ; Passio S. Agapes, Chioniae, Irenes, § 2 ; S. BASIL., Homil. XIX in Gordium ; Gesta apud Zenophilum ; Passio S. Theadoti Ancyrani, § 5, 6 ; Passio S. Polycarp., § 5, 6 ; Passio S. Quirini, § 2 ; Passio S. Genesii Arelatensis ; Passio S. Philippi Heracl., § 9.

3. II Cor. XI, 26.-27.


LXXI


de brebis et de chèvres, pauvre, affligé, maltraité... retiré dans les déserts, sur les montagnes, dans les antres et dans les cavernes de la terre (1). » La situation légale des fugitifs offrait quelques analogies avec celle des émigrés avant le Consulat. Dans certains cas, on ne se bornait pas à confisquer leurs biens, plusieurs fois on les fit poursuivre. Ce fut le cas pour saint Polycarpe, saint Grégoire de Néocésarée, saint Denys d'Alexandrie, saint Quirin, saint Sevère, trois jeunes filles, Agape, Chionia et Irène ; un jour, les policiers atteignent les fugitifs : Dommina et ses deux filles, afin d'échapper aux soldats païens, se jettent dans le fleuve et disparaissent. Je trouve deux circonstances où l'on contraint le fugitif à se rendre par l'emprisonnement des siens : c'est d'abord le cas de saint Arcadius; celui d'Habib d'Édesse, dont on avait emprisonné la mère et les gens du hameau où le saint avait son domicile.

La fuite n'était pas une poussée pêle-mêle comme d'un troupeau. Des évêques contraints à fuir ou exilés par mesure administrative, comme Cyprien, Denys d'Alexandrie, sont en communication presque ininterrompue avec leur Église ; d'autres, acculés, font tête à la meute d'hommes qui voulaient leur vie : tels sont Nestor de Magyda (2) et Philippe d'Héraclée (3). Cependant la discipline dut châtier quelques lâchetés : saint Rogatien de Nantes ne put être, baptisé que dans son sang, le prêtre avait fui (4) ; en Afrique, on signale quelques abandons de leur poste par les clercs (5).


1. Hebr., XI, 37-38.

2. Acta S. Nestorii, § 1 (Act. SS., 26 février).

3. Passio S. Philippi Heracl., § 2.

4. Passio SS. Rogatiani et Dottatiani, § 2.

5. S. AUGUST., Epist. XXVIII, ad presbyteros et diaconos, § 3.


LXXIII


Une règle semble avoir été portée, au moins en ce qui concerne les clercs. M. Le Blant croit, avec raison, la retrouver dans une lettre de saint Augustin. La voici : « Fuir est permis, écrit-il, quand leur ministère n'est pas indispensable au salut des fidèles. Ils font légitimement alors ce que prescrit ou permet le Christ, car leur retraite même importe à ceux qu'au retour de la paix leur trépas laisserait sans pasteurs. Parfois, devant le péril, un combat généreux s'élevait entre les membres du clergé, tous également prêts à demeurer dans leur poste d'honneur. Que le sort décide alors entre eux, nous dit le grand évêque, car Dieu jugera mieux que les hommes, soit qu'il daigne appeler les meilleurs à la récompense du martyre et épargner les timides, soit qu'il veuille donner à ces derniers la force d'affronter les souffrances et retirer de ce monde ceux dont la vie importe le moins au bien de l'Église (1). »

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:30

VII. — LE ZÈLE TÉMÉRAIRE — Règle générale. — Les téméraires. — Le martyr typique. — Législation : de ceux dont la fuite expose le prochain, de ceux qui détruisent les idoles. — Règle spéciale pour les apostats repentants. — Les débiteurs insolvables.
L'Église eut encore à intervenir dans l'excès opposé à la fuite inspirée parla pusillanimité. Il n'est pas douteux que de très bonne heure elle régla ce point de discipline en repoussant le sacrifice de ceux qui, dans leur ardeur


1. S. AUGUST., lettre citée, § 12. Voy. Le BLANT, Les Perséc. et les Mart., p. 157.


LXXIII


intempestive, provoquaient le martyre en proclamant leur croyance sans avoir été mis dans l'obligation de le faire.

Saint Grégoire de Nazianze résume dans une phrase cette discipline : « C'est témérité que de s'offrir, c'est lâcheté que de se refuser (1). » Les faits connus de tous alors prouvaient l'inopportunité ou le péril de cette conduite. On se transmettait avec horreur le nom de ces téméraires qu'une chute lamentable avait précipités des hauteurs du martyre dans l'abîme de l'apostasie.

A Smyrne, au temps de saint Polycarpe, un chrétien nommé Quintus réunit quelques fidèles; tous ensemble ils allèrent se déclarer chrétiens, tous moururent, à l'exception de Quintus, qui sacrifia (2). Ces tristesses étaient fréquentes, mais nous n'avons pas les éléments indispensables à une évaluation quelconque. Les documents nous apprennent que beaucoup de fidèles, bravant l'enseignement de l'Église, emportés par leur zèle, se livrèrent aux persécuteurs et persévérèrent dans leur confession. Néanmoins une sorte de défaveur planait sur leur souvenir. A côté de ces « enfants perdus » du martyre, se dressait ce que j'appellerai volontiers le type officiel : Polycarpe de Smyrne, Cyprien de Carthage. De Polycarpe on disait qu'il était martyr « selon l'ordre du Christ (3) », se dérobant d'abord devant le péril, puis, le moment venu, marchant à la mort sans faiblesse.

La discipline va, dans cette question du zèle téméraire,


1. Orat. XLII in laudem Basilii magni, § 5 et 6.

2. Ecclesiae Smyrnensis epistola de martyrio S. Polycarpi, § 4 ; voy. LEBLANT, Les Persécut. et les Mart., 128.

3. Ibid. § 19.


LXXIV


jusqu'au règlement de détail : un canon de saint Pierre d'Alexandrie déclare que, pour le cas où la fuite d'un chrétien compromettrait l'existence d'autres fidèles, il ne doit pas néanmoins se livrer. Cette législation semble avoir été mal observée ; saint Pierre d'Alexandrie lui-même paraît n'en avoir pas tenu compte (1). A Edesse, saint Habib, ayant connu l'arrestation de sa mère et de tous les habitants du hameau qu'il habitait, vint se livrer. Le vétéran à qui il s'adressa lui dit : « Vous a-t-on vu entrer chez moi ? — Personne. — Eh bien, tâchez de fuir de même. Votre mère et vos concitoyens sont pris en otages, mais vous savez bien qu'on ne peut rien leur faire, car l'édit des empereurs ne les atteint pas, mais vous seul (2). »

A la passion du martyre,que les évêques étaient obligés de modérer (3), s'ajoutaient certaines hardiesses qui conduisaient à la mort, comme il arriva à une jeune enfant, en Afrique, nommée Salsa. Ses parents l'avaient contrainte à assister à un sacrifice et au repas sacrilège qui le suivait. Quand elle vit tout le monde faire la sieste, la petite fille se leva sans bruit, entra dans le temple et tira à elle le gros dieu — un serpent doré — dont la tête lui resta entre les mains. Elle alla la jeter dans la mer qui battait le pied de la colline, puis, enhardie, joyeuse, se sentant très forte, elle revint au temple, emporta le dieu entier, courut à la falaise et le poussa dans la mer; le bruit que fit la bête de bronze en rebondissant sur les rochers


1. Voy. Acta dans Patrol. graec. XVIII, p. 460, 462, et Canon XIII.

2. CURETON, Ancient syriae Documents.

3. COMMODIEN, Instr. II, c. 21, éd. Dombart. Sur l'épiscopat de Commodien, voyez G. BOISSIER dans les Mélanges Renier.


LXXV


réveilla les païens ; on assomma la jeune fille sur place et on jeta son corps à la mer (1).

Un fait analogue est prévu et condamné par le canon 60e du concile d'lllibéris en Bétique (305) : si quelqu'un brise les idoles et est tué pour ce fait, il ne sera pas inscrit au nombre des martyrs ; car nous ne voyons pas dans l'Évangile que les Apôtres aient rien fait de semblable (2).

Vers le même temps, Lactance blâme ce chrétien qui déchira l'édit impérial, à Nicomédie (3). Plus anciennement, Origène fonde sur l'exégèse assez inattendue du texte de l'Exode : « Tu n'outrageras pas les dieux », une solution identique (4).

Je ne rencontre qu'une seule circonstance où l'Église concède aux fidèles le droit de se présenter d'eux-mêmes au martyre, c'est en ce qui concerne les apostats venus à résipiscence : « Puisqu'ils nous montrent tant de hâte à être réconciliés, dit saint Cyprien à son clergé, il est en leur pouvoir d'obtenir ce qu'ils souhaitent. Le temps où nous vivons est fait pour les combler ; la lutte dure encore et chaque jour voit de nouveaux combats. Si le repentir et la foi les dominent, ceux qui ne veulent pas attendre peuvent, dès à présent, remporter la couronne (5). »

Je ne saurais omettre de parler d'un motif qui donna occasion à quelques martyres. Un document hagiographique,


1. DUCHESNE, Sainte Salsa, vierge et martyre, lecture faite le 2 avril 1890 à la séance trimestrielle des cinq Académies.

2. Conc. Illiber., can. LX.

3. De mortib. persec., c. XIII.

4. Contr. Cels., 1. VIII.

5. Epist. XIII, ad Clerum.



LXXVI


dont plusieurs parties sont remplies d'un charme exquis, nous fait voir un jeune marié soumis à la torture pour son refus de sacrifier. Le magistrat fait amener la femme de Timothée, qui le conjure d'obéir au nom de leur mutuel amour. Toute sa prière repose sur un long quiproquo : « Peut-être as-tu des dettes, dit-elle à son mari, c'est un créancier qui te pourchasse, et tu veux mourir ici de désespoir. Ecoute, rentrons à la maison, nous vendrons nos habits, et tu pourras payer. Ou bien est-ce à cause des impôts que tu as été arrêté par les licteurs parce que tu es insolvable ? Regarde, j'avais mis sur moi toute ma corbeille de noces, habits, bijoux ; prends tout, et nous payerons la taxe à l'empereur (1). »

Il n'est pas sans exemple de voir un débiteur insolvable profiter de la persécution pour fuir en héros une vie odieuse ; un juge dit à un chrétien : « Je sais que tu n'as pas payé les impôts et que tu cherches la mort pour échapper aux poursuites (2).»

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:30

VIII. — L'APOSTASIE
On peut distinguer deux formes dans l'apostasie : celle qui se produisait dans l'excès de souffrances de la torture et pour laquelle Tertullien lui-même se sentait incliné à quelque indulgence, et l'apostasie consentie avant l'exécution des menaces de l'ennemi. L'édit de Dèce succédant à une longue paix fut celui qui provoqua le plus grand nombre d'apostasies. Quand parut l'édit de l'empereur, l'épouvante, raconte Denys d'Alexandrie, fut extrême. Beaucoup de ceux qui occupaient à Alexandrie


1. Acta SS. Timothaei et Maurae (Act. SS., 3 mai).

2. Passio S. Theodoriti presbyteri, § 3.


LXXVII


le premier rang accoururent frappés de terreur. Les hommes revêtus d'emplois publics vinrent où les appelaient les devoirs de leur charge. D'autres, amenés par leurs familiers, par leurs proches, et personnellement cités, s'approchèrent des autels maudits. Quelques-uns, pâles, tremblants. semblaient être plutôt des victimes que des gens venus pour sacrifier. La foule raillait ces malheureux qui ne savaient trouver ni la résolution de se soumettre, ni le courage de mourir. Il en était qui couraient aux idoles, jurant avec audace que jamais ils n'avaient été chrétiens. Il en était qui s'enfuyaient et parmi lesquels quelques-uns étaient repris. Plusieurs de ces derniers supportaient pendant quelques jours les misères de l'emprisonnement, puis abjuraient avant même d'être conduits devant le juge. On en voyait qui, courageux d'abord au milieu des tortures, fléchissaient sous la menace de nouveaux supplices (1).

Les malheureux tombés dans l'apostasie épiloguaient sur leur cas. Le Christ avait dit : « Celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai devant Dieu » ; les apostats disaient : «Nier qu'on soit chrétien n'est pas renier le Christ (2). » D'autres niaient la faute à cause du défaut d'intention ; en invoquant Jupiter, ils tournaient, disaient-ils, leur esprit vers le Dieu véritable (3), ou bien en adorant le soleil, ils adressaient leur prière à Dieu, « Soleil de l'éternelle justice (4) ». Toutes ces escobarderies ne trompaient personne, mais les païens se contentaient


1. EUSÈBE, Hist. eccl., VI, 41

2. TERT, Scorpiac., § 9.

3. ORiGÈNE, Exhort. ad mart., § 46 ; Contr. Cels. I.

4. ELISÉE VARTABED, Soulèvement national de l'Arménie chrétienne au Ve siècle, p. 57.



LXXVIII


de l'accomplissement matériel des rites : Consens des lèvres, conserve, si tu veux, ta croyance. Sacrifie comme l'a fait Moïse ; sacrifie à qui tu voudras, à ton Dieu même, au Dieu unique, si tu n'en veux reconnaître qu'un seul (1). » Le sacrifice fut parfois omis. On disait à saint Platon : a Renie seulement le Christ, ou laisse croire à la foule que tu l'as fait par écrit (2). » Ou encore on insinuait à l'accusé que la violence l'excusait de toute faute : « Quel mal y a-t-il à sacrifier pour sauver ta vie, à saluer du nom de Seigneur l'empereur qui est notre maître (3) ? » « Mille moyens, dit M. Le Blant, étaient cherchés pour échapper à la pression des païens. On achetait à prix d'argent la faveur de n'être pas inquiété ; au lieu de cette renonciation écrite qu'à l'heure du jugement dernier des anges accusateurs produiraient devant le tribunal de Dieu, on obtenait de ne remettre au magistrat que quelques lignes insignifiantes ; pour se soustraire, au moins de sa personne, à la douleur de renier le Christ, on faisait sacrifier à sa place ou un païen ou quelque esclave, parfois chrétien lui-même et désespéré d'obéir ; ainsi que l'avait fait David menacé par Saül en fureur, on feignait d'être frappé d'une attaque d'épilepsie (4). »

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:30

IX. — L'ARRESTATION
Il n'y avait pas lieu de décerner contre chaque chrétien un mandat d'amener, puisque, selon la teneur de l'édit,


1. S. BASILE, Homil. in Gordianum martyrem, § 7. Act. S. Tarachi, § 5; Act. S. Phileae, §1; Act. S. Marciani,§ 1, etc. Voy. LE BLANT, Les Perséc. et les Martyrs, p. 145.

2. Passio Platonis, § 11.

3. Martyr. Polycarpi, § 8.

4. LE BLANT, Les Perséc. et les Mart., p. 146.


LXXIX


il était de prise de corps du moment qu'il se trouvait visé par le texte. Les actes nous montrent plusieurs cas d'arrestation. Le plus ordinairement c'est un piquet de gens de police qui fait la besogne. Le magistrat envoie un strator arrêter sainte Thècle ; une escouade va arrêter saint Polycarpe; le proconsul d'Afrique fait amener saint Cyprien par des stratores. Au IVe siècle, sous Dioclétien, quatre protectores sont chargés de saisir un chrétien.

Il faut ajouter à cela les arrestations tumultuaires. A Lyon, pendant la comparution des martyrs, un jeune chrétien, connu de tous, Vettius Epagathus, qui assistait à l'interrogatoire, fut saisi d'indignation à la vue des tortures qu'on infligeait aux inculpés ; il s'avança au pied du tribunal et dit : « Je demande qu'on me permette de plaider la cause de mes frères ; je montrerai clairement que nous ne sommes ni athées, ni impies. » Il se fit alors une grande rumeur. Le légat dit : « Es-tu chrétien ?

— Oui. » Il fut mis sur-le-champ au nombre des martyrs (1).

Au moment où les magistrats de Cirta, en Numidie, renvoyaient Jacques et Marien au gouverneur, l'un des frères qui entouraient les martyrs attira les regards des gentils, car, par la grâce du martyre prochain, le Christ rayonnait sur son visage. « Es-tu aussi, lui cria-t-on, es-tu du nom et du culte chrétien ? » Il confessa sur l'heure et il fut réuni aux martyrs.


1. EUSÈBE, Hist. eccl., V, L


LXXX

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:30

X. — LA DÉTENTION
Les prévenus pouvaient subir deux sortes de détention. L'une d'elles était la « garde libre », custodia libera ou privata.

« En ce monde, dit saint Augustin, suivant ce qu'a lait le prévenu, la condition varie ; les uns sont placés sous la garde peu rigoureuse des licteurs ; d'autres sont confiés aux optiones. D'autres enfin sont mis en prison, et, là encore, les grands coupables sont seuls jetés dans les cachots les plus profonds (1). »

Le régime de la custodia libera comportait une demi-liberté et il pouvait se prolonger longtemps, Saint Paul attendit pendant près de deux ans sa comparution devant Néron. Il vivait pendant ce temps-là sous la custodia militaris (2), c'est-à-dire sous la garde d'un frumentaire prétorien ; le geôlier et le prisonnier habitaient un logement particulier loué par l'Apôtre. Tout le monde pouvait le visiter librement (3). Quand Paul sortait, il était attaché à son gardien par une chaîne (4).

La remise de prisonniers à la garde de citoyens était un usage ordinaire (5). C'était la custodia libera ou privata. Les chrétiens en eurent le bénéfice, comme le montrent divers actes, entre autres ceux de sainte Thècle et de


1. S. AUGUST., In Johannem, c. xt, tract. XLIX, § 9.

2. Digeste, XLVIII, VIII,1, 12, 14 ; FL. JOSÈPHE, Antiq. Jud., XVIII, 6; SÉNÉQUE, Epist., 5 ; De tranquill. animi, 10.

3. Act. Apost., XXVII, 30, 31.

4. Philipp., I, 7, 13, 14, 17, 30 ; Coloss., IV, 3, 4, 18 ; Ephés., III, 7 ; VI, 19-20 ; Act. Apost., XXVIII, 20.

5. SALL., Catil., XLVII, Suet., Vitell., II; Sm. APOLL., Epist.1, 7.


LXXXI



saint Cyprien (1). En cas d'évasion, le gardien avait tout à craindre. Nous voyons les gens de police, mentionnés dans l'évasion de saint Pierre, mis à mort (2) ; le gardien de Paul et Silas, les croyant en fuite, est au moment de se frapper de son épée (3).

Enfin les textes juridiques confirment ces épisodes historiques (4).

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:31

XI. — L'INCARCÉRATION
La custodia publica était l'incarcération effective (5). Elle s'ouvrait par l'inscription de l'accusé sur le registre d'écrou. Dans les derniers temps de la république, ils étaient fort soigneusement tenus. On notait avec exactitude les dates d'incarcération, de décès, d'élargissement ou d'exécution (6). Quelques témoignages, espacés sur un long espace de siècles, montrent que cette administration n'a dû subir que peu de changements. Eusèbe mentionne un gardien qui s'enquiert du nom du chrétien qu'on vient de lui amener (7). En 380, une constitution impériale prescrivit l'inspection mensuelle des registres d'écrou par le commentariensis, chargé de faire connaître le nom,


1. Acta S. Theclae dans GRARE, Spicil. SS. Patrum, t. I. (Sans préjuger quoi que ce soit du personnage de Tryphena. Voy. RAMSAY, qui utilise les recherches de MOMMSEN, The Church in the roman Empire before 170.) Voy. encore Act. S. Juliani, § 56 (Act. .SS., 9 janv.).Act. S. Stephani, § 6, 7 (Act. SS., 2 août).

2. Act. Apost., XII, 19.

3. Act.Apost., XVI, 27. Voy. aussi ch. XXXVII, 92.

4. L. 12 (Digeste, XLVIII, m.) PAUL, Sententiae, L V, c. XXXI, § 1.

5. CALLISTRATE, ULPIEN, I, IX, V ; Ex quib. caus. (Digest., IV, VI) ; Collat. leg. Mos., IX, II, etc.

6. CICÉRON, Verr., Il, v, 57.

7. EUSÈBE, De resurr. et ascens. lib. II.



LXXXII


l'âge des prisonniers et la date de leur incarcération (4).

L'incarcération n'était pas incompatible avec l'emprisonnement sur parole. Un martyr nommé Basilisque demande quatre jours de liberté conditionnelle à ses gardiens afin d'aller visiter ses parents. Le geôlier refuse, car on attend le gouverneur, et Basilisque est inscrit sur le registre d'écrou. A force d'instances, Basilisque obtient sa demande et part sous escorte. Le gouverneur arrive le lendemain, prend place au tribunal et se renseigne sur les détenus. On nomme Basilisque, qui est absent; les gens du greffe (scrinarii) cependant lisent son nom sur le registre. Le porte-clefs, qui ne peut le représenter, est garrotté, amené devant le gouverneur, qui le déclare responsable sur sa tête si le chrétien ne reparaît pas (2).

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:31

XII. — LE RÉGIME DES PRISONS
Dans l'empire, le régime des prisons était atroce. Ces lieux privés d'air et de lumière ont été témoins d'indicibles douleurs. L'infection dépassait toute mesure. C'était quelquefois la plus redoutable épreuve dans la voie du martyre. Sainte Perpétue, cette vaillante femme, se sentit un frisson d'horreur à l'instant où la porte du cachot se referma sur elle. « Jamais, raconta-t-elle ensuite, elle n'avait imaginé semblables ténèbres (3).» Un autre saint africain ajoute : « Mais cela ne nous fit pas peur (4) ». On ne trouve que de rares mentions de la mise au secret (5); les


1. C. 6, De Custodia reorum (Cod. Theod., IX, III).

2. Vita S. Basilisci, § 2, 3, 4 (Act. SS., 3 mars).

3. Passio SS. Perpetuae et Felicitatis, § 3.

4. Passio S. Montani. § 4.

5. Passio Tarachi.


LXXXIII


frères étaient ordinairement poussés dans des locaux où s'entassaient pêle-mêle morts et vivants. A Lyon, plusieurs confesseurs, le vieil évêque Pothiri entre autres, moururent en prison; on ne se pressait pas d'enlever les cadavres. Après l'audience, on apportait ceux à qui l'épuisement amené par la torture ne laissait plus la force de se traîner, on les jetait sur le sol, et la fièvre, la purulence des plaies, achevaient de vicier un peu plus l'atmosphère.

Lors des grandes razzias, on manquait de place ; alors les confesseurs étaient empilés véritablement « comme une nuée de sauterelles », dit un vieil auteur (1). Dans certains réduits on descendait l'accusé par une échelle qu'on retirait ensuite. Partout les deux sexes étaient réunis (2).

La prison était une longue torture, même elle avait ses raffinements. Certaines souffrances attachées à la durée d'un état ne pouvaient être subies devant le tribunal, par exemple: les ceps, consistant en une longue pièce de fer munie de créneaux dans lesquels une barre mobile venait enserrer les pieds des captifs (3). Ou bien on parsemait de tessons aigus le sol sur lequel couchait le chrétien enchaîné (4).

Mais c'étaient là des aggravations ; le régime ordinaire semble avoir eu comme principe l'alimentation insuffisante pour les prisonniers. On espérait venir à bout, par l'exaspération de la faim et de la soif, des volontés que la torture n'entamait pas (5).


1. VICTOR DE VIT., Hist. persec. vandalic., lib. II, c. x.

2. HUMBERT. art. Cancer, dans le Dictionn. des Antiquités, p. 919,

3. Act. SS. Scillitan., § 2 ; EUSÈBE, Hist. eccl., V, 1.

4. Act. S. Vincentii ; S. DAMASUS, Carmen XVII, de S. Eutychio.

5. Acta S. Montani.


LXXXXIV


Plusieurs moururent de cette privation. Un détenu écrivait: Fortunio, Victorinus, Victor, Herennius, Credula, Herena, Donatus, Firmus, Venustus, Julia, Martial, Ariston, « sont morts en prison. Nous les suivrons bientôt, car depuis huit jours nous venons d'être remis au cachot. Auparavant, on nous donnait tous les cinq jours un peu de pain et de l'eau à volonté (1) ».

A prix d'or, les diacres, les fidèles, pouvaient parvenir jusqu'aux prisonniers Parfois cependant, pour empêcher ces visites que la vénalité des geôliers rendait faciles, le gouverneur scellait de son cachet les portes des prisons (2). Mais le plus souvent on parvenait jusqu'aux confesseurs moyennant une somme donnée aux gardiens. Une sainte émulation poussait les fidèles à cette oeuvre de charité. On apportait des vivres, quelques friandises, mais surtout on apportait l'aliment inépuisable, le corps du Christ. Parfois un prêtre, accompagné du diacre, s'aventurait jusqu'à célébrer le saint sacrifice dans la prison (3). Saint Cyprien témoigna une sollicitude particulière à l'égard des prisonniers. Il recommandait aux visiteurs de ne pas venir en foule, afin de ne pas éveiller l'attention (4), et il s'ingéniait à soulager les confesseurs à l'aide de la caisse ecclésiastique, dont l'un des objets essentiels était l'assistance des captifs (5).

Les gardiens poussaient quelquefois à ces visites. Saint


1. CYPRIEN, Epist. XII, § 2, Celerino ; EUSÈBE, Hist. eccl., VIII, 8.

2. Passio S. Philippi, § 3 ; Acta S. Theogenis, § 7 , Potiti. § 15; Faustini et Jovitae, § 15; Secundi, § 14, etc. (Act. SS.. 3 et 13 janv., 15 févr., 25 mars).

3. CYPRIEN, Epist., Iv.

4. Ibid.

5. Ibid. et TERTULL., Apolog., 39.



LXXXV


Pionius refusa les aliments qu'on lui apportait : « Je n'ai jamais été à charge à personne, disait-il, il est bien tard pour commencer ! » Mais les geôliers, vexés de se voir frustrés des bénéfices prélevés habituellement sur les visiteurs des chrétiens, mirent au cachot Pionius et ses compagnons (1).

Ce cachot souterrain, où nous voyons enfermer un évêque de Tibiuca, en Afrique (2), pouvait être aggravé par d'autres sévérités. Plusieurs textes autorisent à penser que parfois on ajoutait des poids accablants aux fers dont étaient chargés les martyrs (3).

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:42

XIII. — L'INSTRUCTION
L'instruction se prolongeait très longtemps. Si le magistrat en référait à l'empereur, comme nous le voyons en Bithynie (112) et à Lyon (177), le délai dépendait de l'éloignement de la province. Dans une pièce célèbre concernant saint Éphrem, d'Édesse, nous voyons le détail d'un procès criminel romain à une époque très voisine des persécutions. L'accusé est mis en prison. Après 42 jours il comparaît, mais la cause est remise; il attend 70 jours, seconde comparution et remise de la cause ; enfin après 38 autres jours dernière comparution et mise en liberté. La détention provisoire avait duré cinq mois (4).

Dans le cas où l'accusé avait été mis en arrestation par les magistrats municipaux, des rescrits impériaux


1. Passio S. Pionii, § II.

2. Acta S Felicis Tibiucensis : in ima parte carceris.

3. Voy. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 185.

4. EPHREM, Opp. graec., t. III, p. 42 et suiv. Voy. LE BLANT, ouvr. cité, p. 13, note 2, sur une instruction préliminaire.


LXXXVI


réglaient la procédure à suivre : « Lorsque les irénarques auront arrêté des brigands, ils les interrogeront sur leurs complices et leurs receleurs; ils enverront ensuite l'interrogatoire au juge par lettre close et scellée. Les accusés qui seront transmis avec un elogium devront être entendus ex integro, bien qu'il y ait eu lettre de renvoi et même s'ils ont été conduits par l'irénarque. Ainsi ont répondu le divin Pius et d'autres princes, afin que ceux-là mêmes qui ont été recherchés par ordre ne soient pas, à l'avance, tenus pour condamnés, et que leur procès s'instruise à fond (1). »

Nous voyons que plusieurs martyrs sont renvoyés à une juridiction différente ou bien que le juge se dessaisit de la poursuite (2).

Il arrivait encore que le juge se fît suivre, pendant ses tournées d'assises, de plusieurs accusés à l'abjuration desquels il mettait une passion particulière. Les saints Tarachus, Probus et Andronicus furent traînés par le gouverneur de Cilicie, de Tarse à Siscia, de Siscia à Anazarbe, interrogés et torturés dans chaque ville et enfin mis à mort. D'autres martyrs supportèrent un pareil traitement (3).

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:42

XIV. — L'AUDIENCE
Plusieurs textes nous apprennent que la convocation du peuple à l'audience se faisait par la voix du crieur public,


1. L. 6, De custod et exhib. reorum (Digest., XLVIII, 3).

2. Acta S. Acacii, dans RUINART. Martyr. S. Myronis, § 7 ; Acta S. Paphnutii, § 23 (Act. SS., 24 sept.) ; Acta S. Clementis Ancyrani, § 42 (Act. SS., 22 janvier).

3 Acta SS. Tarachi, Probi et Andronici, § 1, 4 et 7. Voy. Acta S. Tatiani Dulae, § 13 (Acta SS., 15 juin) ; Acta S. Naboris, § 8 (12 juill.) ; Acta S. Maximi, §§ 2, 8 (15 sept.); Acta S. Januarii, § 6 (19 sept.); Acta SS. Sergii et Bacchi, § 20, 23, 25 (7 oct.); Acta S. Caesarii, § 4 (1er nov ). Le BLANT, Les Actes des Martyrs, pp. 50, 109.



LXXXVII


praeco, ou au son de la trompette (1). « Tous les citoyens étaient contraints de venir assister au jugement », dit le document sur Éphrem, que j'ai cité (2). Les actes de saint Cyprien, dont tous les détails sont assurés, relatent aussi le fait d'une convocation (3).

L'audience comportait une grande solennité. Le juge et les assesseurs occupaient des sièges élevés. A l'entour se trouvaient les officiales. «Regarde, écrit saint Cyprien, décrivant le tribunal, les lois des douze tables s'y voient gravées, mais le droit est violé en leur présence ; l'innocence succombe en ce lieu même où elle devrait trouver protection ; les adversaires y font rage, la guerre est enflammée parmi ces citoyens en toge, et le forum retentit de leurs grandes clameurs. Voici la lance et l'épée, le bourreau prêt à donner la torture, les ongles de fer, le chevalet, le feu, pour brûler, disloquer, déchirer : plus d'instruments de supplice, en un mot, que le corps humain n'a de membres (4). »

Quand les accusés étaient chrétiens, nous voyons, dès le temps de Pline, les instruments de sacrifice, le vin, l'encens, les images des dieux et de l'empereur parmi les objets mis en évidence dans le prétoire (5).

Le lieu varie : nous voyons des procès dans le cirque, dans le théâtre, dans le stade, au bord de la mer. Cela


1 SENÈQUE, De Ira, I, XVI ; TACITE, Anal., II, XXXII.

2. EPHREM, Opp., éd. Quirini, t. III, p. XXIX.

3. Acta S. Cypriani.

4. CYPRIEN, Epist., I, ad Donatum.

6. PLINE. Epist., s, 97.


LXXXVIII


varie suivant la coutume des villes et peut-être aussi suivant quelques circonstances minuscules dont nous ne savons rien (1).

Il ne faut pas se représenter les audiences d'après ce que nous pouvons voir aujourd'hui. Il y régnait une liberté assez voisine du désordre. Le premier venu pouvait interpeller l'accusé, le railler; les appariteurs se livraient à ces facéties d'un goût douteux qui ont fait dans tous les temps la joie des gens de bureau (2). Parfois ce sont des cris au magistrat, de qui l'on réclame des peines plus sévères, ou bien des objurgations aux martyrs dont on voudrait sauver la vie (3). Des soldats, des appariteurs, des avocats, le peuple, crient, raillent, clament sans réserve, sans pudeur. Plusieurs fois le magistrat est débordé par la foule, et, dans ces circonstances, le type poltron de Pilate reparaît trop souvent dans les représentants de la force romaine (4).

L'accusé, qui était le point de mire de tous, devait monter sur une petite estrade posée en face du siège du président. C'était la catasta, élevée de plusieurs degrés au-dessus du sol ; l'accusé répondait de cette place à l'interrogatoire et c'est là qu'il subissait la question (5).

L'audience s'ouvrait de grand matin, au lever du


1. LE BLANT, ouvr. cité, p. 60.

2. EPHREM, Opp., éd. Quirini, t. III, p. XXVII, XXIX. Voy. Passio S. Pionii, § 6, 17, 18.

3. Voy. les Acta S. Theclae et, pour tous ces différents cas, LE BLANT, Les Actes des Martyrs, § 28 et les notes.

4. LE BLANT, Les Perséc. et les Martyrs, p. 181.

5. Passio S. Perpetuae, § 6 ; Passio SS. Jacobi et Mariani, § 6 ; Acta S. Philae, § 1 ; Acta MM. Scillit., § 1.


LXXXIX


soleil (1); cependant on trouve des séances de nuit ; mais, d'après l'ensemble des documents, elles paraissent fort rares (2) .

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:43

XV. — LES ASSESSEURS
Les assesseurs formaient le conseil naturel du juge, nous le voyons souvent en fonctions. Festus délibère sur l'appel à César formulé par saint Paul (3). D'autres textes, en grand nombre, montrent le président ne prononçant sa sentence qu'après un long délibéré (4).

Des actes curieux montrent un juge se réjouissant avec son assesseur de l'apostasie d'un martyr, apostasie préjugée et qui n'existait que dans leur imagination (5).

Au-dessous des assesseurs venait un nombreux personnel d'hommes de bureau et d'agents qui entouraient le gouverneur; c'était ce qu'on nommait l'officium (6). Ce groupe de fonctionnaires ne suivait pas le proconsul dans ses mutations, il était attaché au pays (7). Les principales fonctions consistaient « à informer le nouveau magistrat de l'état des affaires pendantes, lui faire connaître les actes de ses prédécesseurs, et le rappeler, au besoin, à l'exécution de la loi (Cool ».


1. JUVENAL, XIII, 188 ; JEAN XVIII, 28 ; PHILOSTR., Vita Apoll., VIII, I , Acta S. Cypriani, § 6; Acta S. Felicis, § ; Passio S. Bonifacii, § II ; et plusieurs autres textes dans LE BLANT, ouvr. cité, p. 59.

2. Acta S. Felicis, § 4; Acta S. Irenaei, § 4, dans RUINART, p. 356, 402.

3. Acta Apostol., XXV, 12.

4. Passio S. Mariae, § 6, dans BALUZE, 1, 2; Passio S. Pionii, § 20 Passio S. Philippi Heracl., § II. Voy. LE BLANT, ouvr. cité, p. 54, § 12.

5. Acta SS. Marciani et Nicandri, § 2.

6. LE BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 61

7. PAUL, Sentent., u, I, 5.

8. Le BLANT, ouvr. cité, p. 124.


XC

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:43

XVI. — L'ACTE D'ACCUSATION. — LE NON-LIEU
Cette pièce capitale était représentée par l'inscriptio, dont le jurisconsulte Paul nous a laissé la formule (1).

A cette pièce répond l'abolitio, par laquelle l'inculpé était renvoyé pour une raison prévue, le décès de l'accusateur, une nullité de forme dans le libelle d'accusation.

« Les poursuites contre les chrétiens étaient conduites par des règles spéciales, qu'il est plus facile aujourd'hui d'entrevoir que de préciser. Au contraire des autres accusés, dont le crime, s'il était constant et avoué, ne pouvait disparaître en un instant par le fait de leur seule déclaration, le chrétien mettait à néant, s'il le voulait, la cause de la poursuite. Faire acte public d'idolâtrie, c'était en arrêter l'effet, et le juge avait, sans nul doute, le droit et le pouvoir de renvoyer absous le prévenu qui, en sacrifiant, obéissait aux ordres impériaux (2).

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:43

XVII. — L'INTERROGATOIRE
Nous possédons plusieurs interrogatoires des martyrs. Le plus ancien se rencontre dans la lettre des Eglises de Vienne et Lyon en 177 ; nous retrouvons le même questionnaire en Asie, à la veille de la paix de l'Église, en 312 (3). Un troisième document, de l'an 320, se rapporte à l'affaire des traditeurs (4). Divers autres textes permettent de contrôler la rigidité typique du formulaire.


1. L. 3. De accusationibus et inscriptionibus (Digest., XLVIII, II).

2. LE BLANT, ouvr. cité, p. 56, 57.

3. CHRYSOST., Homil. in S. Lucianum, § 3.

4. OPTAT DE MILÈVE (éd. E. Dupin), Gestu apud Zenophilum. p. 261


XCI


L'interrogatoire débute par la constatation d'identité, même si l'inculpé est connu du juge (1). Ces formalités diffèrent à peine de celles en usage de nos jours.


« Amenez Acace », dit le magistrat.

« Il est présent », répond l'officium.

« Comment te nommes-tu ? » demande le juge. Autre cause :

« Quand Proculus eut pris place sur son tribunal, il dit : Appelez la vierge Théodora. »

« L'officium dit : Théodora est présente. »

« Le juge dit : Quelle est ta condition ? »

Théodora répondit : Je suis chrétienne. »

« Le juge dit : Es-tu libre ou esclave ? »

« Théodora répondit : Je te l'ai déjà dit, je suis chrétienne ; la venue du Christ m'a faite libre, car, en ce monde, je suis née de parents ingénus.»

« Appelez le curator civitatis », dit le juge.

Les réponses des fidèles, qui s'inspiraient le plus souvent de sentiments et de notions inconnus des païens, amenaient quelquefois d'indéchiffrables énigmes. On entend un juge s'écrier : « Frappez-le sur la bouche, cela lui apprendra à répondre une chose pour une autre (2). »

« Les mots, si souvent répétés dans les interrogatoires : « Garde ta vie, sauve-toi de la mort ! » semblaient aux fidèles un avertissement divin donné par la bouche même de l'ennemi. » — « Je sauve ma vie, répliquaient-ils au juge, et je me garde de la mort. » — « Je ne souhaite


1. Passio S. Pionii, § 4 ; § 9 ; Acta Zenonis, § 5 (Act. SS., 3 juin) ; Trophimi, § 2 (19 sept.) ; Acatii, § 4 (8 mai) ; S. Ceciliae (ed. Bosio, p. 23).

2. Acta SS. Didymi et Theodora, § 1.


XCIII


rien autre chose, répondit l'un d'eux, que mon salut », et le gouverneur crut que le saint parlait de la vie de ce monde. « Cet homme, pensait-il, va sacrifier. » Il s'en réjouissait avec son assesseur, quand le martyr se mit à prier à voix haute, suppliant le Seigneur de le garder de toute chute et des tentations d'ici-bas. « Comment ! s'écria le païen surpris, tu viens de dire que tu voulais vivre, et voici maintenant que tu veux mourir! » Le fidèle répliqua : «Je veux vivre, mais dans l'éternité, et non point en ce siècle périssable (1). »

La préoccupation des martyrs tournée tout entière vers les choses du ciel explique comment ils se livraient à ces réponses inattendues des païens qui troublaient l'instruction et n'éclairaient pas les auditeurs. Certains magistrats, moins irascibles, prenaient leur parti de ces réponses ; d'autres, intrigués, profitaient de la circonstance pour s'éclairer un peu sur le langage mystérieux qu'on leur débitait et les réalités qu'il pouvait recouvrir.

Je cite quelques-uns de ces interrogatoires.

A Sabbatius : Je ne te demande pas si tu es chrétien, dis-moi seulement quel est ton rang (2). »

« Assez de vaines paroles », dit-on à un autre (3).

A Ignace, surnommé Théophore : a Ainsi donc tu portes en toi le crucifié (4) ?»

A Tarachus : « De quelle armure parles-tu, maudit ? te voilà nu et couvert de blessures (5). »

Plusieurs interrogatoires montrent le chemin fait par



1. LE BLANT, Les Persécuteurs et les Martyrs, p. 193.

2. Acta S. Trophimi (Act. SS., 19 sept.).

3. Acta S Phileae, § 1.

4. Martyrium S. Ignatii, § 1.

5. Acta S. Tarachi, § 7.


XCIII


les doctrines chrétiennes dans les courants d'idées de l'époque :

« Qu'est-ce que la vie éternelle (1) ? »

« Qu'est-ce que cette lumière, cette illuminatio dont tu parles (2)? »

« Qui nommes-tu Seraphim (3) ? »

« Qui est celui que tu dis avoir souffert pour nous (4) ? »

« Qu'est-ce à dire : sacrificium mundum (5) ? »

« Que signifie Amen (6) ? »

« Quand les juges nous sollicitent de sacrifier; dit Tertullien, il nous répètent : « Sauve ta vie, ne va pas la perdre follement ! » Le Christ s'exprimerait-il de la sorte ? N'a-t-il pas dit :

« Celui qui conserve sa vie la perdra ;

« celui qui la perd pour l'amour de moi, la sauvera (7) ? » Parfois les magistrats essayent de se servir de leur connaissance superficielle des choses du christianisme.

« Qui t'empêche de renier ton Dieu ? Paul lui-même (il confond avec Pierre) ne l'a-t-il pas renié (Cool ?

A Philéas : « Sacrifie donc ! Moïse a sacrifié... (9) »

A un autre : « Obéis à l'Empereur que le ciel inspire, car il est écrit dans vos livres : Cor Regis in manu Dei (10). »

A une femme : « Quand tu auras été violée, le Saint-.


1. Acta S. Irenoei et Mustiolae, § 2.

2. ROSSI, Rom sott.. t. III, 205

3. Acta disputationis S. Acatii, § 1.

4 Passio SS. Firmi et Rustici, dans MAPPEI, Istoria diplomatica, p. 304.

5. Acta SS. Getulii, § 6 (Acta SS., 10 juin).

6. Martyrium S. Anastasiae, § 28 (Suams, 25 décemb.).

7. TERTULL., Scorpiac., 11.

8. Acta S. Phileae, § 1.

9. Acta S. Phileae. § 1.

10. Passio S. Theodoriti, § 2.



XCIV


Esprit que tu crois être en toi abandonnera ton corps souillé (1).» A des accusés très riches : « Comment pouvez-vous servir le Christ parmi tant de trésors? Votre maître n'a-t-il pas répété que, pour le suivre, il fallait renoncer à tous les biens (2) ?» A d'autres chrétiens de désir, on objecte qu'ils ne seront pas martyrs, n'ayant pas le baptême (3).

A quelques réponses inintelligibles pour eux, on entend des magistrats demander au sujet du Christ ressuscité : « Vit-il encore ? (4) »; au sujet du sacrifice non sanglant du Christ dans l'eucharistie : « On le tue donc souvent ? (5)»

M. Le Blant, qui semble n'avoir voulu laisser rien de nouveau à noter après lui, ajoute d'autres traits que je ne saurais omettre. « C'était, dit-il, contre le Christ que s'aiguisaient les traits les plus acérés. Comme le philosophe que réfute Origène, les juges objectaient aux chrétiens la naissance de leur Maître enfanté par une femme. En serait-il ainsi d'un dieu ? S'il était de race divine, aurait-il été laid, ainsi que l'enseignaient les Pères ? Serait-il mort? Se serait-il laissé mettre en croix? On n'eût point touché impunément à Bacchus,à Hercule. Ce sang mêlé d'eau sorti de son flanc sous le coup de lance d'un soldat, est-ce là le sang incorruptible qu'Homère nous montre coulant de la blessure d'un dieu ? Pilate, qui l'a fait mettre à mort, a-t-il été puni ? On raille la résurrection du Seigneur : où est-il, répète-t-on sans cesse, celui qui devrait protéger ses fidèles et qui, puissant, disent-ils, à les faire


1. Historia S. Lucae, SURIUS, 13 déc.

2. Acta SS. Eusebii, Marcelli, dans DE ROSSI, Rom. soft., m, 207.

3. Acta SS. Philemonis, Apollonii, § 3 (Acta SS., 8 mars).

4. Acta SS. XLV mart. § 3 (Acta SS., 10 juillet).

5. Acta S. Terentiani, § 8 (Acta SS., 1er sept.)


XCV


renaître après la mort, ne peut les préserver en ce monde? Les chrétiens n'ont-ils pas honte d'adorer un homme ignominieusement souffleté, crucifié, un homme que ses disciples ont abandonné à l'heure du péril ?

« On raillait les fidèles sur leur foi en une vie glorieuse ; sur l'espoir de la récompense céleste que la flagellation devait leur mériter ; sur la folie d'attendre une couronne, alors que leur tête serait tombée. « Je vais, disent les juges à des martyrs, vous envoyer rejoindre votre Christ, et vous ressusciterez comme lui. » Un chrétien qui déclare ses réponses dictées par le Seigneur est taxé de mensonge. «As-tu donc, lui réplique-t-on,conversé avec Dieu ? » Sainte Lucie, sommée de se taire, répond : « On n'arrête pas la parole de Dieu. — Tu es donc Dieu ? » lui dit le juge. A saint Philéas rapportant que saint Paul a écrit une parole divine, on demande : « Paul était-il un Dieu ? » Comme au jour où le grand apôtre avait enseigné dans l'Aréopage, on parle avec dérision du jugement dernier, de la renaissance future (1). »

Je rapprocherai de ces faits une question qu'un chevalier romain crut entendre son frère encore païen lui poser : « Vous allez bientôt mourir. Dites-moi, tous recevront-ils cette récompense céleste dans une mesure égale ou variée ? Quels sont ceux qui sont avantagés (2) ? »

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:43

XVIII. — LE PLAIDOYER
Le plaidoyer est rarement mentionné dans les actes. A Lyon, le droit de défense fut enlevé aux accusés (3). S'il se


1. LE BLANT, Les Persécuteurs et les Martyrs, p. 197 et suiv.

2. Passio SS. Jacobi et Mariani, § 8.

3. Eusèbe, Hist. eccl., V, I.



XCVI


pratiquait, il pouvait se prolonger pendant un temps assez long, car c'était l'usage, aussi bien en Grèce qu'à Rome, de donner lecture intégrale des documents à produire. En ce cas, l'orateur interrompait son plaidoyer pour requérir le greffier de lire une loi ou quelque document important (1).

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Message par Charles-Edouard Jeu 14 Aoû 2008 - 18:43

XIX. — LA DÉGRADATION
La dégradation ne peut être assignée avec une entière certitude à tel ou tel moment de l'audience. Il semble qu'elle ne puisse être antérieure à l'interrogatoire et au prononcé du jugement. La dégradation est rarement mentionnée dans les Actes des martyrs. Il est difficile d'en faire remonter l'origine aux dispositions des édits de 250 et de 258, mais ce point importe peu à un travail comme celui-ci et ne saurait être tranché sans une discussion préalable. Nous connaissons un cas de dégradation par les Actes du martyre de saint Dorymédon, qui \avait été membre de l'ordo de Synnade en Phrygie. Sommé d'imiter ses collègues et de sacrifier aux dieux, il refuse. Le gouverneur charge l'officium d'apporter, séance tenante, l'album decurionum. Quand il l'a reçu, il efface le nom du martyr et prononce ces paroles : « Que l'impie Dorymédon soit déchu de sa dignité ; c'est justice, car les princes l'avaient revêtu de cet honneur, et il a méprisé ceux qui le lui avaient conféré. Que maintenant l’adjutor commentariensis le présente au tribunal comme un simple plébéien. » L'agent désigné prononce alors la formule d'usage : « Dorymédon est présent. » Et


1.Voyez La BLANT, Les Actes des Martyrs, p. 130, § 55.

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