KAHDAFI/SARKOZY
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KAHDAFI/SARKOZY
A peine élu, Sarkozy proposait du nucléaire à Kadhafi
MEDIAPART 11 mai 2012 | Par Fabrice Arfi et Karl Laske
« Qui est la personne que je pourrai rencontrer pour échanger avec elle sur les questions délicates ? Est-ce Monsieur Bachir ? » a questionné Nicolas Sarkozy. « Il se peut Bachir (sic) car il parle français, et vous pouvez vous entendre directement », lui a répondu Mouammar Kadhafi, le 28 mai 2007, lors d’un entretien téléphonique officiel entre les deux chefs d’Etat. Le “Bachir” dont il est question n’est autre que l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi, Bachir Saleh, au centre des soupçons de financement occulte du clan Sarkozy par la Libye. Ce dernier, connu comme l’ancien caissier du régime, et recherché par Interpol, aurait pris la fuite au Sénégal, après avoir bénéficié d’une autorisation de séjour délivrée par l’ancien ministre de l’intérieur, Claude Guéant.
© Reuters
Cet échange figure dans la retranscription réalisée par les autorités libyennes de la conversation téléphonique entre les deux hommes, la première depuis l’arrivée de M. Sarkozy à l’Elysée le 16 mai 2007. Ce nouveau document, obtenu par Mediapart, que nous rendons public en intégralité (dans sa version originale et traduit en français sous l’onglet Prolonger), a pu être authentifié par des sources diplomatiques françaises. Il prouve que Nicolas Sarkozy, à peine élu, a offert une collaboration quasi inconditionnelle au régime libyen, dans les domaines du nucléaire et de l’armement, contrairement à ce qu’il n’a cessé d’affirmer ces dernières semaines.
Ainsi, déclare-t-il au colonel Kadhafi, « par rapport à l'énergie nucléaire » : « Si vous acceptez, je suis prêt à envoyer une mission d’exploration pour étudier ce sujet », et « dans le domaine de la défense », « je suis heureux si nous pouvons travailler concrètement avec la Libye ». Contrairement à ce que l’Elysée a toujours affirmé, la libération des infirmières bulgares, encore détenues à cette époque, n’apparaît pas dans cette conversation comme un préalable à « la nouvelle phase » des relations franco-libyennes ardemment souhaitée par le président français.
L’appel téléphonique, qui a un caractère protocolaire, survient six mois après la décision prise par le régime Kadhafi d’octroyer un financement à Nicolas Sarkozy pour sa campagne présidentielle, comme nous l’avons révélé.
Conversation
Ce document, titré « La conversation téléphonique qui a eu lieu entre le frère Leader de la révolution et le président français élu Sarkozy », a été communiqué au ministère des affaires étrangères libyen et aux services de Sécurité générale, ainsi qu’au général Abderrahmane El Sid, dignitaire plusieurs fois cité dans les notes de l’intermédiaire Ziad Takieddine, et qui s’avère en charge du bureau des achats de l’armée libyenne. Le document porte les dates du 27 et du 28 mai 2007, mais c’est bien à la date du 28 que la conversation a été référencée côté français par les services du quai d’Orsay.
Ce type de conversation téléphonique entre chefs d’Etat s’effectue toujours en présence du conseiller diplomatique de l’Elysée ou d’un membre de sa cellule, selon des sources au Quai d’Orsay consultées par Mediapart. « Le haut-parleur est branché, décrit un diplomate. Mais, en principe, ce type d’entretien n’est pas enregistré. Le responsable diplomatique peut ensuite rédiger un compte-rendu, conservé à l’Elysée, diffusé ou non sous forme de télégramme aux Affaires étrangères, vers le ministre, l’ambassadeur et les directions concernés. » Côté libyen, il en va autrement : la retranscription en arabe correspond au mot à mot de l’échange. Mediapart en a réalisé la traduction littérale.
« Le premier entretien téléphonique entre le président de la République et le colonel Kadhafi le 28 mai 2007 a fait l’objet d’un compte-rendu par le Quai d’Orsay », a expliqué Bernard Kouchner, ancien ministre des affaires étrangères, le 29 novembre 2007, devant la commission d’enquête parlementaire sur les infirmières bulgares. « Le président de la République a téléphoné au colonel Kadhafi le 28 mai, a expliqué Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée devant la même commission. L’occasion lui en a été donnée par la lettre de félicitations que le colonel Kadhafi lui avait adressée. »
« Je serai très heureux si vous effectuez vous même une visite »
Devant les députés, M. Guéant résumait ainsi le contenu de cet échange : « Il a évoqué des sujets d’intérêt commun comme le Darfour, la politique africaine ou les perspectives de l’Union méditerranéenne, mais aussi, bien sûr, le sort des infirmières (bulgares) et du médecin (palestinien), en indiquant d’emblée que la France se sentait l’obligation d’une double solidarité, avec les infirmières et le médecin injustement détenus comme avec les enfants et leurs familles. »
La réalité de cet échange est bien différente. Mais il est vrai que la conversation débute par les « félicitations » du colonel Kadhafi à Nicolas Sarkozy. « Je réitère mes félicitations pour la confiance du peuple français qui vous a élu président, et vous méritez cette confiance », lui dit-il. La révérence affichée de Nicolas Sarkozy a de quoi surprendre : « Monsieur le président je suis enchanté de vous parler au téléphone et je n'ai pas oublié le rendez-vous que vous m’aviez donné, et je garde un magnifique souvenir de la qualité des analyses que j’ai entendues de vous, et effectivement vous méritez ce titre de Leader. J’ai été beaucoup touché par la lettre de félicitations que vous m'avez envoyée. »
© Reuters
L’objectif de l’appel téléphonique apparaît très vite dans la bouche du président français. « Je souhaite donner une nouvelle dimension à nos relations bilatérales, par exemple par rapport à l'énergie nucléaire, et si vous acceptez, je suis prêt à envoyer une mission d’exploration pour étudier ce sujet, et dans le domaine de la défense je suis heureux si nous pouvons travailler concrètement avec la Libye, et dans le domaine de la lutte contre le terrorisme nous pouvons aller encore plus loin de ce qu’on a réalisé jusqu'à présent », propose sans détour le nouveau chef de l’Etat.
Lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait nié farouchement la réalité de pourparlers relatifs au nucléaire. « Il n'a jamais été question de vendre une centrale à M. Kadhafi », a-t-il déclaré sur France Inter, le 17 avril dernier. « Le seul projet qui ait jamais existé pour les Libyens, c’était une usine de dessalement d’eau de mer, qu’ils n’ont jamais voulue, qu’ils n’ont jamais faite et pour laquelle les discussions n’ont jamais commencé », a-t-il ajouté le 18 avril au micro de RMC/BFM TV.
Le président français se déclare ouvert aux discussions sur le sujet géopolitique de l’union africaine cher au colonel Kadhafi. D’emblée, la perspective d’une visite officielle de Kadhafi en France est évoquée. « Je pense qu’il est temps maintenant pour cette nouvelle phase, je suis heureux parce que le négociateur libyen va visiter Paris bientôt, et nous sommes ouverts pour discuter toutes les propositions d'indemnisation des victimes, et finalement, je souhaite visiter la Libye, et je serai très heureux si vous effectuez vous même une visite, et le meilleur c’est que cette visite permette de trouver une solution au problème des infirmières et du médecin. »
Comme on le voit ici, la venue à Paris de Mouammar Kadhafi, qui aura lieu en décembre 2007, n’est pas conditionnée au règlement de l’affaire des infirmières bulgares, contrairement à ce que la présidence a toujours soutenu. « Ce que le Président de la République a fait (…) c’est de refuser d’aller en Libye aussi longtemps que les infirmières ne seraient pas libérées et entrées chez elles », avait déclaré Jean-David Levitte, conseiller diplomatique du président, devant les députés. « Le président de la République avait dit : pas de visite sans libération. »
L'omniprésent Bachir Saleh
Claude Guéant avait, quant à lui, signalé une initiative de Tripoli, à travers une rencontre avec Moussa Koussa, le chef des services secrets extérieurs libyens, le 10 mai 2007. « M. Moussa Koussa m’a alors indiqué que le colonel Kadhafi souhaitait ouvrir des relations nouvelles avec le président Sarkozy, a expliqué M. Guéant, mais aussi qu’il faudrait bien un jour libérer les infirmières et le médecin et que le France pourrait jouer un rôle particulier à cet égard. »
A travers notre document, l’affaire des infirmières – évoquée à une seule reprise – ne semble pas encore être devenue une priorité, alors que le principe des visites conjointes des chefs d’Etat paraît acquis.
En revanche, Nicolas Sarkozy se montre déterminé et insistant pour obtenir une rencontre avec Bachir Saleh, directeur de cabinet du colonel, et patron du fonds d’investissement LAP, plaque tournante des financements occultes libyens. « Je souhaite vous dire que je serai content de rencontrer monsieur Bachir, et je crois que vous avez ainsi compris Monsieur Le Leader que j'ai la volonté de travailler avec vous et avec la Libye », déclare-t-il au début de la conversation.
Le chef d’Etat libyen met d’ailleurs aussitôt M. Saleh à sa « disposition », « à tout moment ». « Globalement, je suis ravi de ce contact, déclare-t-il, et nous sommes rassurés d’avoir, avec vous, un ami en Europe, j’ai suivi vos déclarations, et me basant sur la rencontre qu’on a eu par le passé, je sais que vous avez une détermination et une volonté, et je suis très optimiste, nous ferons beaucoup de choses entre les deux pays et entre l'Europe et l'Afrique, et dans la mer Méditerranée, et je suis d’accord sur toutes vos propositions, et nous n’avons aucune réserve sur ce qui concerne l'énergie nucléaire pour des fins pacifiques, et la défense et la lutte contre le terrorisme, et je serai heureux aussi de vous rencontrer en France, et je me réjouis de la réunion ici ou là-bas, et je vous remercie pour cette invitation adressée au secrétaire général du groupe Sahel Sahara, et Bachir aussi est à votre disposition à tout moment. »
A la fin de l’échange, Nicolas Sarkozy revient encore sur la nécessité d’un contact direct avec Bachir Saleh, aujourd’hui recherché par Interpol.
— « Qui est la personne que je pourrai rencontrer pour échanger avec elle sur des questions délicates ? questionne le président français. Est-ce monsieur Bachir ou le ministre qui vient de votre part ? »
— « Il se peut Bachir (sic) car il parle français et vous pouvez vous entendre directement », confirme Kadhafi.
— « Entendu Monsieur le Leader, donc je vais rencontrer monsieur Bachir, insiste Nicolas Sarkozy, et me mettre d’accord avec lui et peut être à ce moment une visite que vous effectuerez en France ou que j’effectuerai en Libye. »
— « Si Dieu veut, si Dieu veut », lui répond Kadhafi.
La conversation téléphonique se termine par un échange d’amabilités œcuméniques, qui pourrait prêter à sourire si l’on ignorait la fin tragique de l’idylle franco-libyenne.
— Sarkozy : « Je compte sur votre prière Monsieur le Leader. »
— Kadhafi : « Merci. »
— Sarkozy : « Je n’ai pas prié de la même manière mais nous prions pour le même Dieu. »
— Kadhafi : « Merci infiniment. »
— Sarkozy : « Je souhaite vous exprimer mes respects et mon amitié Monsieur le Leader. »
— Kadhafi : « Et moi de même, merci infiniment. »
— Sarkozy : « Au revoir. »
Contactés par Mediapart, Franck Louvrier, responsable de la communication de l’Elysée, Jean-David Levitte et Boris Boillon, conseillers diplomatiques du chef de l'Etat, n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
MEDIAPART 11 mai 2012 | Par Fabrice Arfi et Karl Laske
« Qui est la personne que je pourrai rencontrer pour échanger avec elle sur les questions délicates ? Est-ce Monsieur Bachir ? » a questionné Nicolas Sarkozy. « Il se peut Bachir (sic) car il parle français, et vous pouvez vous entendre directement », lui a répondu Mouammar Kadhafi, le 28 mai 2007, lors d’un entretien téléphonique officiel entre les deux chefs d’Etat. Le “Bachir” dont il est question n’est autre que l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi, Bachir Saleh, au centre des soupçons de financement occulte du clan Sarkozy par la Libye. Ce dernier, connu comme l’ancien caissier du régime, et recherché par Interpol, aurait pris la fuite au Sénégal, après avoir bénéficié d’une autorisation de séjour délivrée par l’ancien ministre de l’intérieur, Claude Guéant.
© Reuters
Cet échange figure dans la retranscription réalisée par les autorités libyennes de la conversation téléphonique entre les deux hommes, la première depuis l’arrivée de M. Sarkozy à l’Elysée le 16 mai 2007. Ce nouveau document, obtenu par Mediapart, que nous rendons public en intégralité (dans sa version originale et traduit en français sous l’onglet Prolonger), a pu être authentifié par des sources diplomatiques françaises. Il prouve que Nicolas Sarkozy, à peine élu, a offert une collaboration quasi inconditionnelle au régime libyen, dans les domaines du nucléaire et de l’armement, contrairement à ce qu’il n’a cessé d’affirmer ces dernières semaines.
Ainsi, déclare-t-il au colonel Kadhafi, « par rapport à l'énergie nucléaire » : « Si vous acceptez, je suis prêt à envoyer une mission d’exploration pour étudier ce sujet », et « dans le domaine de la défense », « je suis heureux si nous pouvons travailler concrètement avec la Libye ». Contrairement à ce que l’Elysée a toujours affirmé, la libération des infirmières bulgares, encore détenues à cette époque, n’apparaît pas dans cette conversation comme un préalable à « la nouvelle phase » des relations franco-libyennes ardemment souhaitée par le président français.
L’appel téléphonique, qui a un caractère protocolaire, survient six mois après la décision prise par le régime Kadhafi d’octroyer un financement à Nicolas Sarkozy pour sa campagne présidentielle, comme nous l’avons révélé.
Conversation
Ce document, titré « La conversation téléphonique qui a eu lieu entre le frère Leader de la révolution et le président français élu Sarkozy », a été communiqué au ministère des affaires étrangères libyen et aux services de Sécurité générale, ainsi qu’au général Abderrahmane El Sid, dignitaire plusieurs fois cité dans les notes de l’intermédiaire Ziad Takieddine, et qui s’avère en charge du bureau des achats de l’armée libyenne. Le document porte les dates du 27 et du 28 mai 2007, mais c’est bien à la date du 28 que la conversation a été référencée côté français par les services du quai d’Orsay.
Ce type de conversation téléphonique entre chefs d’Etat s’effectue toujours en présence du conseiller diplomatique de l’Elysée ou d’un membre de sa cellule, selon des sources au Quai d’Orsay consultées par Mediapart. « Le haut-parleur est branché, décrit un diplomate. Mais, en principe, ce type d’entretien n’est pas enregistré. Le responsable diplomatique peut ensuite rédiger un compte-rendu, conservé à l’Elysée, diffusé ou non sous forme de télégramme aux Affaires étrangères, vers le ministre, l’ambassadeur et les directions concernés. » Côté libyen, il en va autrement : la retranscription en arabe correspond au mot à mot de l’échange. Mediapart en a réalisé la traduction littérale.
« Le premier entretien téléphonique entre le président de la République et le colonel Kadhafi le 28 mai 2007 a fait l’objet d’un compte-rendu par le Quai d’Orsay », a expliqué Bernard Kouchner, ancien ministre des affaires étrangères, le 29 novembre 2007, devant la commission d’enquête parlementaire sur les infirmières bulgares. « Le président de la République a téléphoné au colonel Kadhafi le 28 mai, a expliqué Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée devant la même commission. L’occasion lui en a été donnée par la lettre de félicitations que le colonel Kadhafi lui avait adressée. »
« Je serai très heureux si vous effectuez vous même une visite »
Devant les députés, M. Guéant résumait ainsi le contenu de cet échange : « Il a évoqué des sujets d’intérêt commun comme le Darfour, la politique africaine ou les perspectives de l’Union méditerranéenne, mais aussi, bien sûr, le sort des infirmières (bulgares) et du médecin (palestinien), en indiquant d’emblée que la France se sentait l’obligation d’une double solidarité, avec les infirmières et le médecin injustement détenus comme avec les enfants et leurs familles. »
La réalité de cet échange est bien différente. Mais il est vrai que la conversation débute par les « félicitations » du colonel Kadhafi à Nicolas Sarkozy. « Je réitère mes félicitations pour la confiance du peuple français qui vous a élu président, et vous méritez cette confiance », lui dit-il. La révérence affichée de Nicolas Sarkozy a de quoi surprendre : « Monsieur le président je suis enchanté de vous parler au téléphone et je n'ai pas oublié le rendez-vous que vous m’aviez donné, et je garde un magnifique souvenir de la qualité des analyses que j’ai entendues de vous, et effectivement vous méritez ce titre de Leader. J’ai été beaucoup touché par la lettre de félicitations que vous m'avez envoyée. »
© Reuters
L’objectif de l’appel téléphonique apparaît très vite dans la bouche du président français. « Je souhaite donner une nouvelle dimension à nos relations bilatérales, par exemple par rapport à l'énergie nucléaire, et si vous acceptez, je suis prêt à envoyer une mission d’exploration pour étudier ce sujet, et dans le domaine de la défense je suis heureux si nous pouvons travailler concrètement avec la Libye, et dans le domaine de la lutte contre le terrorisme nous pouvons aller encore plus loin de ce qu’on a réalisé jusqu'à présent », propose sans détour le nouveau chef de l’Etat.
Lors de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait nié farouchement la réalité de pourparlers relatifs au nucléaire. « Il n'a jamais été question de vendre une centrale à M. Kadhafi », a-t-il déclaré sur France Inter, le 17 avril dernier. « Le seul projet qui ait jamais existé pour les Libyens, c’était une usine de dessalement d’eau de mer, qu’ils n’ont jamais voulue, qu’ils n’ont jamais faite et pour laquelle les discussions n’ont jamais commencé », a-t-il ajouté le 18 avril au micro de RMC/BFM TV.
Le président français se déclare ouvert aux discussions sur le sujet géopolitique de l’union africaine cher au colonel Kadhafi. D’emblée, la perspective d’une visite officielle de Kadhafi en France est évoquée. « Je pense qu’il est temps maintenant pour cette nouvelle phase, je suis heureux parce que le négociateur libyen va visiter Paris bientôt, et nous sommes ouverts pour discuter toutes les propositions d'indemnisation des victimes, et finalement, je souhaite visiter la Libye, et je serai très heureux si vous effectuez vous même une visite, et le meilleur c’est que cette visite permette de trouver une solution au problème des infirmières et du médecin. »
Comme on le voit ici, la venue à Paris de Mouammar Kadhafi, qui aura lieu en décembre 2007, n’est pas conditionnée au règlement de l’affaire des infirmières bulgares, contrairement à ce que la présidence a toujours soutenu. « Ce que le Président de la République a fait (…) c’est de refuser d’aller en Libye aussi longtemps que les infirmières ne seraient pas libérées et entrées chez elles », avait déclaré Jean-David Levitte, conseiller diplomatique du président, devant les députés. « Le président de la République avait dit : pas de visite sans libération. »
L'omniprésent Bachir Saleh
Claude Guéant avait, quant à lui, signalé une initiative de Tripoli, à travers une rencontre avec Moussa Koussa, le chef des services secrets extérieurs libyens, le 10 mai 2007. « M. Moussa Koussa m’a alors indiqué que le colonel Kadhafi souhaitait ouvrir des relations nouvelles avec le président Sarkozy, a expliqué M. Guéant, mais aussi qu’il faudrait bien un jour libérer les infirmières et le médecin et que le France pourrait jouer un rôle particulier à cet égard. »
A travers notre document, l’affaire des infirmières – évoquée à une seule reprise – ne semble pas encore être devenue une priorité, alors que le principe des visites conjointes des chefs d’Etat paraît acquis.
En revanche, Nicolas Sarkozy se montre déterminé et insistant pour obtenir une rencontre avec Bachir Saleh, directeur de cabinet du colonel, et patron du fonds d’investissement LAP, plaque tournante des financements occultes libyens. « Je souhaite vous dire que je serai content de rencontrer monsieur Bachir, et je crois que vous avez ainsi compris Monsieur Le Leader que j'ai la volonté de travailler avec vous et avec la Libye », déclare-t-il au début de la conversation.
Le chef d’Etat libyen met d’ailleurs aussitôt M. Saleh à sa « disposition », « à tout moment ». « Globalement, je suis ravi de ce contact, déclare-t-il, et nous sommes rassurés d’avoir, avec vous, un ami en Europe, j’ai suivi vos déclarations, et me basant sur la rencontre qu’on a eu par le passé, je sais que vous avez une détermination et une volonté, et je suis très optimiste, nous ferons beaucoup de choses entre les deux pays et entre l'Europe et l'Afrique, et dans la mer Méditerranée, et je suis d’accord sur toutes vos propositions, et nous n’avons aucune réserve sur ce qui concerne l'énergie nucléaire pour des fins pacifiques, et la défense et la lutte contre le terrorisme, et je serai heureux aussi de vous rencontrer en France, et je me réjouis de la réunion ici ou là-bas, et je vous remercie pour cette invitation adressée au secrétaire général du groupe Sahel Sahara, et Bachir aussi est à votre disposition à tout moment. »
A la fin de l’échange, Nicolas Sarkozy revient encore sur la nécessité d’un contact direct avec Bachir Saleh, aujourd’hui recherché par Interpol.
— « Qui est la personne que je pourrai rencontrer pour échanger avec elle sur des questions délicates ? questionne le président français. Est-ce monsieur Bachir ou le ministre qui vient de votre part ? »
— « Il se peut Bachir (sic) car il parle français et vous pouvez vous entendre directement », confirme Kadhafi.
— « Entendu Monsieur le Leader, donc je vais rencontrer monsieur Bachir, insiste Nicolas Sarkozy, et me mettre d’accord avec lui et peut être à ce moment une visite que vous effectuerez en France ou que j’effectuerai en Libye. »
— « Si Dieu veut, si Dieu veut », lui répond Kadhafi.
La conversation téléphonique se termine par un échange d’amabilités œcuméniques, qui pourrait prêter à sourire si l’on ignorait la fin tragique de l’idylle franco-libyenne.
— Sarkozy : « Je compte sur votre prière Monsieur le Leader. »
— Kadhafi : « Merci. »
— Sarkozy : « Je n’ai pas prié de la même manière mais nous prions pour le même Dieu. »
— Kadhafi : « Merci infiniment. »
— Sarkozy : « Je souhaite vous exprimer mes respects et mon amitié Monsieur le Leader. »
— Kadhafi : « Et moi de même, merci infiniment. »
— Sarkozy : « Au revoir. »
Contactés par Mediapart, Franck Louvrier, responsable de la communication de l’Elysée, Jean-David Levitte et Boris Boillon, conseillers diplomatiques du chef de l'Etat, n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
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