Eglise brûlée en Alsace

Les catholiques de Gerstheim reçoivent l’hospitalité des protestants

À Gerstheim, les protestants ont proposé d’accueillir les catholiques dans leur église, et de multiples initiatives anticipent le lourd effort de la reconstruction de l’édifice endommagé par l’incendie.

L’église catholique Saint-Denis de Gerstheim (Bas-Rhin) a brûlé dans la nuit du 24 au 25 novembre.

Une église brûle, et tout un village est en émoi. C’est en pleurs que de nombreux habitants de Gerstheim, commune de 3 200 habitants au sud de Strasbourg, ont réalisé, le matin du 25 novembre, qu’il ne restait de leur église que les murs extérieurs et un amas de cendres. Les rapports d’expertise sont encore attendus, mais il semblerait que l’illumination de la rosace soit en cause. 

 « Ça fait vraiment mal au cœur. Je suis native de Gerstheim, j’ai été baptisée et j’ai fait mes communions dans cette église, je m’y suis mariée, j’y ai baptisé mes enfants »,  confie Monique, 63 ans. L’édifice appartenant à la commune, le maire a aussitôt réagi, promettant que tout serait mis en œuvre pour une reconstruction rapide, et s’est déjà mis en recherche d’un architecte. 

Mais où aller, pour les 60 à 100 paroissiens fréquentant la messe hebdomadaire ? Ils auraient certes pu se répartir sur les messes alentours, en mettant au besoin en place du covoiturage, mais avec le risque que la communauté se disloque.

La messe a lieu juste après le culte

Aussi, la proposition est arrivée à point nommé. « J’étais sur les lieux, effondrée, quand le vice-président du conseil presbytéral protestant m’a proposé de nous accueillir dans l’église protestante. C’était vraiment réconfortant »,  raconte Anne-Marie Klipfel, membre du conseil de fabrique (instance chargée des finances) de la paroisse catholique. 

L’église protestante (en Alsace, on ne parle pas de temple) se situe en effet à quelques dizaines de mètres de là et n’est occupée qu’un dimanche sur trois. Cinq jours après l’incident, les responsables des deux cultes mettaient au point un planning jusqu’à la fin du premier trimestre 2012 : la messe catholique y aurait lieu à 11 heures, juste après le culte. « C’était naturel. Même pour nous, quelque chose s’est effondré »,  commente Paul Fischer, à l’initiative de la proposition. 

Dimanche dernier, les deux communautés se sont ainsi succédé. « Il y avait une atmosphère de tristesse, et il nous manquait tout le matériel, tout avait brûlé, sauf les aubes des enfants, qui étaient dans les familles, mais c’était formidable symboliquement et leur église est moins en longueur que la nôtre, on s’y sent plus resserrés »,  commente Anne-Marie Klipfel.

Fonctionnement du chauffage, des lumières : dans l’immédiat, la sacristaine protestante assiste la sacristaine catholique, mais, dès janvier, les catholiques auront leur clé. 

Jusqu’au XIX siècle, le partage des lieux de culte était commun

Gerstheim renoue ainsi avec la pratique du simultaneum  qui y présidait de la fin du XVIIe  siècle aux années 1860 : comme dans beaucoup de paroisses rurales outre-Rhin et en Alsace, à la grande mixité religieuse, catholiques et protestants se partageaient une seule église. Quand les protestants sont devenus majoritaires dans le village, chaque communauté a construit sa propre église et l’« église simultanée » a été détruite (il en subsiste une cinquantaine en Alsace).

 « Je reçois des lettres et des chèques de partout, même d’églises protestantes »,  apprécie encore le prêtre coopérateur de Gerstheim, Marie-Gérard Harth. Mais l’élan de solidarité dépasse les cercles strictement religieux. Une chorale voisine a fait un don à la chorale catholique de Gerstheim pour l’achat de nouvelles partitions. 

En prévision de la reconstruction, une cagnotte est déjà commencée. Un jeune de 29 ans a collecté des photographies de l’église et a déjà enregistré 130 commandes d’un livre souvenir. Un mosaïste local va vendre des œuvres réalisées à partir des restes de l’incendie. L’harmonie associative du village va reverser la recette de son concert d’avril prochain, et les pompiers celle de leur fête d’octobre dernier. Quant au comité des fêtes, il envisage de mettre sur pied une manifestation début 2012.

ÉLISE DESCAMPS, à Gerstheim (Bas-Rhin)