Le calender
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Le calender
Les calenders sont une espèce de religieux mahométans fort communs dans la Perse et dans les Indes, qu’ils parcourent en demandant l’aumône. Un de ces mendiants, étant en voyage, passa par la capitale du royaume de Perse. Il était tard lorsqu’il arriva. Pour se reposer et la passer la nuit, il entra hardiment dans le palais du roi ; et, s’étant établi dans un coin de la salle des gardes, il tira de son sac ses petites provisions, et se disposait à faire son repas, pour s’endormir ensuite, lorsque quelques officiers du prince, l’ayant aperçu, lui demandèrent ce qu’il faisait là et comment il y avait pénétré.
« Ne suis-je pas dans un caravanserai (un caravanserai, en Perse, est à peu près ce que l’on appelle en France une hôtellerie, une auberge) ? Répondit-il. »
Les officiers, choqués d’une pareille méprise, ne lui répondirent que par des insultes et des menaces. Quelques uns même, s’étant détachés, allèrent apporter au roi le propos impertinent de ce misérable. Le prince ordonna qu’on lui amenât. Dès qu’il le vit paraître :
« Tu es bien insolent, lui dit-il avec indignation, de prendre mon palais pour un caravanserai. »
Le calender, sans s’étonner, lui répondit : « Prince, permettez-moi de vous faire humblement une question. Qui habitait dans ce palais avant vous ?
– Le roi mon père.
– Et avant lui ?
– Le roi mon aïeul.
– Et avant cet aïeul ?
– Le roi mon trisaïeul.
– Je ne me suis donc pas trompé. Une maison par où tant de personnes n’ont fait que passer successivement est une véritable caravanserai. »
Appliquons-nous à nous-mêmes cette réponse, et réformons nos idées. Quel est celui de nous qui ne se croirait insulté, si l’on disait que sa maison n’est qu’une hôtellerie ? Cependant rien n’est plus vrai. Combien de personnes ont passé avant nous par les maisons que nous occupons ! Nous y séjournons aujourd’hui, demain nous n’y serons plus, et d’autres nous remplaceront. Le nom d’hôtellerie leur convient donc parfaitement, et nous ne devons nous regarder nous-mêmes que comme des hôtes qui y font un séjour plus ou moins long.
Cette maison, dites-vous, est un héritage que m’a laissé mon père. C’est-à-dire que votre père a passé par cette maison. Vous ne ferez non plus qu’y passer. Ainsi vous n’y êtes, comme lui, qu’un hôte, qu’un passager. C’est la réflexion de saint Augustin : « Hanc domum pater meus mihi dimisit. Hoc est, pater tuus transivit per cum. Sic tu transiturus es : ergo hospes es. »
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