La Bible en tutoriels - Le Deutéronome (père Alain DUMONT)
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La Bible en tutoriels - Le Deutéronome (père Alain DUMONT)
Bonjour,
Nous ouvrons aujourd’hui un livre étonnant, non sans émotion puisqu’il s’agit du 5e et dernier livre de la TORâH : le Deutéronome. Alors déjà, que veut dire « Deutéronome » ? En fait, ce nom provient d’une expression qu’on trouve au ch. 17, v. 8 et qui parle de la MiSheNéH HaTTORâH, de la RÉPÉTITION, de la REPRISE de la TORâH imposée par HaShèM à tout Roi d’Israël : « Quand [le roi choisi par YHWH] siègera sur le trône de son Règne, il aura écrit pour lui une RÉPÉTITION de cette TORâH sur un rouleau » (Dt 17,18), ce que le grec traduira par : « Il écrira lui-même cette seconde Loi », τὸ δευτερονόμιον τοῦτο, to deutéronomion touto, ce qui a donné par translittération en français : DEUTÉRONOME.
Nos frères Juifs, eux, désignent le livre du même nom, la MiSheNéH HaTTORâH, mais ils parlent cependant plus volontiers du livre de DeVaRîM, le livre des PAROLES — sous entendu de Moïse — à partir cette fois des tout premiers mots du livre en hébreu : ‘éLLèH HaDDeVâRîM ‘aShèR DiBèR MoShèH, litt. : « Voici les Paroles qu’a parlées Moïse », ce qui veut bien dire ce que ça veut dire : le Deutéronome se présente comme un long discours DE MOÏSE à l’aube d’une nouvelle étape de l’existence des Fils d’Israël : à savoir leur entrée COMME PEUPLE CONSTITUÉ sur le sol de KaNa”aN.
Alors rappelons très rapidement la mémoire que mettent en récit les livres précédents, chacun à leur manière : la Genèse raconte qu’une famille nomades de 70 membres est descendue de KaNa“aN en Égypte — MiTzeRaYîM — (Gn 46,27) ; ce nombre évidemment symbolique désigne un clan entier dont le patriarche est connu sous le nom de Ya”aQoV. Or quand ils en reviendront 430 ans plus tard selon le décompte biblique, ce sera cette fois en tant que peuple constitué, uni par le don de la TORâH divine reçue au désert, au MiDeBaR, le fameux lieu d’où surgit la Parole vivante qui donne la vie, vous vous souvenez. Le fameux MiDeBaR compose le cadre des livre de l’Exode, du Lévitique et des Nombres. Pour le Deutéronome en revanche, c’est un peu différent.
D’abord, posons-nous la question : d’où sort ce cinquième livre qui se présente comme un long, un très long discours de Moïse ? Les autres, on sait à peu près : ils ont été écrits par les scribes exilés à Babylone, suivis de ceux de la période Perse. Pas à partir de rien évidemment : il y avait divers récits fondateurs, diverses pratiques dispersées dans les différents sanctuaires répartis au Nord sur le territoire d’Israël, et au Sud sur le territoire de Juda. Or précisément, il se trouve qu’à l’occasion des assauts de l’Assyrie contre Israël dès le dernier tiers du ixe siècle — assauts qui aboutiront à des déportations vers 730 —, toute une part de la population du royaume du Nord, et en particulier les notables, va peu à peu aller se réfugier dans le royaume du Sud, c’est-à-dire de Juda ; et ces notables descendent évidemment avec leurs récits fondateurs, avec leurs lois, leurs pratiques religieuses, etc. Autant de données qu’il va falloir intégrer dans le Royaume de Juda pour unifier les populations qui deviennent très disparates !
Alors maintenant, quand on parle de “notables“, il faut entendre principalement des KoHaNîM/prêtres et des LeWiYîM/Lévites ; même si, on va le voir, la distinction entre les deux n’est pas évidente à l’époque. Ce sont en tout cas eux qui gardaient et qui enseignaient les traditions liées aux différents sanctuaires dont ils avaient la charge en Israël ; des sanctuaires qui n’étaient rien de moins que la mémoire identitaire des différents clans qui leurs étaient affiliés.
Il ne faut pas non plus oublier toujours parmi les notables, les SCRIBES, parce que si l’invasion assyrienne a été violente — et on a des documents qui montrent que les Assyriens étaient particulièrement redoutés pour leur cruauté —, ils sont néanmoins arrivés avec leur alphabet araméen, à partir du viiie siècle ; un alphabet consonantique qui n’est ni plus ni moins à l’origine de l’alphabet hébreu. Certains exégètes vont jusqu’à dire que sans cette invasion assyrienne, la Bible n’existerait tout simplement pas… Comme quoi « à quelque chose malheur est bon », comme on dit. Donc avec cet alphabet, c’est vrai que le métier de SCRIBE s’est singulièrement déployé à partir de cette époque.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que tous ces notables descendent aussi dans le Royaume du Nord avec leurs traditions PROPHÉTIQUES. Certains prophètes du Nord sont tellement essentiels que la TORâH ne pourra pas ne pas s’en faire l’écho, on le verra. Je pense notamment à 'ÉliYâHOu/Élie — allez, maintenant vous commencez à avoir l’habitude, je vous dis les noms en hébreu —, à ‘ÈLîShâ“/Élisée, à “ÂMOS/Amos ou HOShé“a/Osée…
Toujours est-il qu’au moment où l’empire Assyrien tombe en déclin, à la fin du viie siècle, Juda est devenue la tribu protectrice d’Israël, déjà sous le roi H.iZeQiYYâHOu/ Ézéchias, puis sous le roi MeNaShèH/Manassé, puis enfin à l’époque du roi Yo’ShiYâHOu/Josias. Et c’est alors qu’on va nous raconter qu’a été découvert dans le Temple de Jérusalem un livre — ou un rouleau — qui contenait le noyau autour duquel allait s’élaborer, avec le temps, notre DEUTÉRONOME. Et je vous rappelle qu’à cette époque, le livre de la Genèse n’existe pas, pas plus que celui de l’Exode, du Lévitique et des Nombres ! Ce qui veut dire que le dernier livre de la TORâH, le Deutéronome, est en fait le PREMIER des livres de la TORâH qui a commencé à s’écrire avec lui !
Là-dessus, parce que ce n’est pas fini, Babylone prend le dessus sur les Assyriens, devient un empire encore plus vaste, et comme de bien entendu, déferle sur Juda au siècle suivant ! Et cette fois, non seulement Juda est envahi, mais suite à des erreurs politiques majeures de la part du roi TsiDeQiYYâH/Sédécias — qui le paiera cher —, l’empereur NeVouKhaDeNè‘TsaR/Nabuchodonosor décide d’en finir avec Israël. En 587, il fait le siège de YeROuShâLaYiM, il détruit le Temple et il envoie tous les notables en Exil. Pas toute la population, évidemment ! Ça n’aurait servi à rien ! On déporte uniquement ceux dont la position dans le peuple pourrait susciter une opposition à l’administration impériale, ce qui représente en gros cinq milliers de personnes, ce qui n’est déjà pas si mal.
Le reste de la population, essentiellement les paysans, va entretenir les terres jusqu’au retour de quelques exilés, sous la houlette de NeH.èMeYâH/Néhémie et de ‘EZeRaH/Esdras, à l’époque où la Perse a avalé à son tour l’empire babylonien. On est au vie siècle. L’empereur Cyrus ii exerce une politique de tolérance en matière religieuse et politique ; il unifie son empire en imposant l’araméen comme langue administrative et véhiculaire, et puis il joue la carte de l’intégration des coutumes de chaque peuple qui est sous sa coupe. Un retour des Juifs est alors possible. On est en 538 avt J.-C., c’est-à-dire 50 ans après la déportation babylonienne, deux ou trois générations plus tard.
Sauf qu’entre temps, les élites ont travaillé comme des malades !!! Ils auraient pu se dire : bon, faisons notre vie là où on est planté et puis basta ! Mais non ! Et c’est là où on va assister à quelque chose de remarquable, qui ne peut être que le fruit d’une réelle inspiration puisque ce travail — si on ne craignait pas de faire un énorme anachronisme qu’on pourrait qualifier de “bénédictin” — va aboutir à l’édition de la TORâH, entre autres.
Je vous le fais en très rapide : tous ces notables, en particulier les KoHaNîM et les scribes — parce que les LeWiYîM, eux, avaient été les grands perdants de l’affaire : avant la période assyrienne, ils officiaient comme prêtres dans leurs sanctuaires respectifs, mais arrivés à Jérusalem, on leur a bien fait comprendre que HaShèM privilégiait le sacerdoce du seul Temple ; et c’est pour justifier cette nouvelle pratique qu’on va établir la lignée des prêtres et des grands prêtres de Jérusalem, fils de AHaRoN, comme élus de HaShèM pour être les KoHaNîM parmi les Fils de LéWî ; les autres, ma foi, qu’ils s’occupent des tâches subalternes ! Or comme par hasard, le Deutéronome qui rapporte essentiellement des traditions du Nord qui ne parle pas de ‘AHaRoN, alors qu’il était une figure majeure du livre de l’Exode et du Lévitique ! Ou devrai-je dire : alors qu’il SERA une figure majeure, avec l’interventions de l’écrivain sacerdotal qui éditera la TORâH telle qu’en gros on la connaît aujourd’hui.
Alors pour en revenir à la question de ces prêtres du Nord qui deviennent les subalternes de ceux du Temple de Jérusalem, c’est sûr que ça grince des dents, au point que le prophète YeH.èZeQé’èL/Ézéchiel va devoir sérieusement remonter les bretelles aux LeWiYîM ! Mais bon, on verra ça en son temps, si Dieu nous prête vie d’ici là.
Toujours est-il que ces notables, tous lettrés, montent à Babylone avec dans leur mémoire les traditions ancestrales des différents royaumes, mais aussi la mémoire des prophètes dont on s’aperçoit que leurs avertissements étaient loin d’être vains, sauf qu’on ne les a pas écoutés ! D’où la question : « Mais qu’est-ce qui est arrivé ? » « Pourquoi ce cataclysme est-il survenu ? » « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » ; et puis aussi, plus sournoisement : « Est-ce qu’on se serait fait avoir ? Est-ce que Marduk, la divinité majeure de Babylone, ne serait pas plus puissante que YHWH ? » Eh oui… quand vous avez une divinité tutélaire, elle est sensée vous protéger, sans quoi à quoi bon ? C’est le grand argument contemporain contre l’existence même de Dieu : « Si Dieu existait, on ne souffrirai pas autant ! » Or c’est là que, sous l’effet d’une inspiration sans équivalent, tout à coup, les choses vont basculer !
D’abord, on va commencer par se dire : « Non, HaShèM est vraiment le seul ‘ÈLoHîM, le seul Dieu parmi tous les dieux. Tous les autres ne sont que des faux dieux, des idoles. HaShèM est le DIEU UNIQUE, celui de Juda, celui de Jérusalem ! » comme le rouleau découvert dans le Temple le martèle. Non seulement le seul HaShèM parmi tous ceux qui étaient vénérés de-ci, de-là sur le territoire d’Israël et ailleurs, mais le DIEU absolument UNIQUE, UNIVERSEL.
D’où la conclusion : si les nations ont pu fondre sur Israël et Juda, c’est que très mystérieusement, HaShèM le leur a permis. Donc on doit se poser la question : « Pourquoi l’a-t-Il permis ? » Et c’est là qu’entrent en jeu la mémoire des prophètes, du Nord comme du Sud : « Vous n’avez pas ÉCOUTÉ YHWH ! »
Parce que dans le fond, il faut bien comprendre que ceux qui ont porté l’unité des deux Royaumes frères, ce sont les prophètes, depuis ‘ÉliYâHOu/Élie, jusqu’à YiReMeYaHOu/Jérémie, pour ne s’en tenir qu’aux prophètes d’avant l’Exil. Et ce sont les prophètes qui vont obliger les scribes à évaluer la période de la royauté —, ce qui donnera les livres de SheMOu’éL/Samuel et les livres des Rois. Les KoHaNîM feront le même travail à leur manière : ça donnera les Livres des Chroniques. Même histoire, mais racontée sous deux points de vue différents. En tous les cas, vous imaginez la somme de boulot qu’il y a en perspective à partir du moment où l’inspiration commence à habiter tout ce petit monde ? Parce qu’à partir de là, il va falloir rien de moins que tisser entre elles toutes ces traditions, du Nord comme du Sud !
Alors on se met au travail, on revisite cette mémoire qui est avant tout ORALE — aujourd’hui où on a exporté nos cerveaux dans nos Smartphones, où on ne sais même plus faire une addition sans avoir besoin de réfléchir dans nos caboches là où nos anciens vous sortaient le résultat de tête en moins de temps qu’il n’en faut pour taper l’opération sur une calculette ; quand on en est rendu à un tel niveau d’inculture, on n’imagine pas la puissance de la mémoire humaine, qui fonctionne dans une tout autre dimension que nos Big Data qui se la pètent outre Atlantique ! Ce ne sont que des archives passives, alors que la mémoire vivante, elle, est constamment active ; constamment prête à ressortir les fichiers donc vous avez besoin au moment où vous en avez besoin, alors même que le fichier en question a été classé 70 ans auparavant quelque part dans le crâne, vous ne savez pas où… mais la mémoire, elle, le sait ; et elle le sait d’autant mieux que la trace est CHARNELLE ! Or la mémoire de ces KoHaNîM et de ces scribes est on ne peut plus CHARNELLE ! Il portent leur histoire dans les tripes, au point que ce n’est pas parce qu’ils ont été déportés qu’ils vont oublier leur terre natale et tout ce qu’elle porte comme traditions. Demandez à un Breton parisien s’il en oublie sa Bretagne ? Ou à un Corse s’il en oublie son ile ? Ou à un Basque s’il en oublie sa Pelote ? C’est la même chose, avec les mêmes tripes.
Du coup, tous ces hommes vont se mettre à discuter, à rapporter leurs traditions respectives : qui, du Nord, se réfère à Ya”aQoV ou à YOSéPh, ou à Re’OuVéN, etc. ; qui, du Sud, se réfère à ‘AVeRâHâM, ou à YiTseRâQ, ou à BiNeYâMiN/Benjamin, à ShiMe”ON/Siméon, sans oublier DâWiD et son fils SheLoMoH/Salomon, etc. Sans oublier non plus, sans doute venant des traditions du Nord, la figure d’un certain MoShèH/Moïse dont on ne peut pas ne pas s’étonner qu’on n’en parle très peu dans les livres de Samuel ou des Rois — l’histoire de DâWiD parle de l’Arche, mais jamais de Moïse ! Le Patriarche reparaît avec Salomon, et encore… 4 fois dans le premier livre des Rois, 6 fois dans le second. Encore plus étonnant : les prophètes ne mentionnent JAMAIS la figure de Moïse, alors qu’on ne peut pas trouver plus acharnés défenseurs de la TORâH de HaShèM ! Pourtant, à en croire la TORâH, il est tout de même une figure incontournable ! Et là, voyez, on voit que tous ces scribes ne sont pas des tricheurs : ils reçoivent cette mémoire historique et prophétique sans que Moïse y soit mentionné, et ils ne vont pas chercher à le rajouter artificiellement ! Si on reconnaît cette honnêteté, on peut aussi la reconnaître pour le reste de leur grand-œuvre.
Reste que, concernant Moïse et son enracinement égyptien, ces scribes et ces KoHaNîM judéens en Exil vont se dire ce qu’on se dit souvent quand on rencontre un grand homme : « Mais son histoire, c’est la mienne ! » Du coup, un lien privilégié s’instaure entre lui et moi. Eh bien pour Moïse, c’est en gros la même chose. Il est bien évident qu’historiographiquement, Moïse n’est pas ce guide de 3 millions d’hommes et de femmes dans le désert. Sauf qu’une tradition — sans doute du Nord — témoigne de l’épopée d’un Moïse qui a guidé toute une population depuis l’Égypte jusqu’en KaNa“aN — on l’avait estimé, rappelez-vous, à environ 6000 personnes, ce qui n’est déjà pas si mal. Or les scribes s’aperçoivent que cette tradition parle en fait de l’histoire de tout leur peuple ! Alors ils vont se l’approprier et raconter LEUR HISTOIRE en prenant Moïse pour guide. Et pour la raconter, ils vont puiser dans leurs traditions, certes, mais ils vont aussi l’agrémenter de la culture babylonienne et perse dans laquelle ils vivent et qu’ils s’approprient de la même manière. C’est comme ça par exemple, que dans le livre de l’Exode, les habits du KoHéN GaDoL, le Grand-Prêtre vont reproduire les habits sacerdotaux perses. Un peu comme ces peintures flamandes qui représentent Jésus en habits du xve ou du xvie siècle ; ou les fresques de Jésus Mafa qui mettent en scène un Jésus négroïde ; ou encore ces images d’Épinal d’un Jésus blond aux yeux bleus… Le processus est le même. Et alors ? Il s’agit de s’approprier une figure, parce que son histoire, c’est MON histoire et celle d’innombrables frères et sœurs avec moi. Alors ceci dit, le mécanisme est très différent concernant la composition des évangiles qui ont été rédigés moins de deux décennies après la mort de Jésus, par ceux-là mêmes qui ont vécu avec Lui et à qui Il avait fait apprendre par cœur ses enseignements pour pouvoir ensuite les redonner à ceux vers qui ils seraient envoyés. Là je me base sur la tradition syriaque pour vous dire ça, une tradition araméenne totalement ignorée par l’Occident, mais qui a pourtant bien des choses à nous dévoiler. Mais bon, c’est un autre problème. Néanmoins, c’était important qu’on le précise.
Toujours est-il qu’avec tout ce matériel, les scribes et les KoHaNîM en Exil, qui ne veulent décidément pas perdre ce patrimoine, vont rassembler tout ça, d’une part pour mettre par écrit les paroles des prophètes ; d’autre part en mettant DâWiD en exergue pour raconter l’histoire des deux royaumes ; et puis surtout pour composer la TORâH autour de la figure tutélaire de Moïse ! Qu’est-ce qui est FONDAMENTAL, qu’est-ce qui fait partie des fondements de notre histoire, fondements auxquels se sont attachés les prophètes ?
Voilà ce que la TORâH se propose, pour ainsi dire, de synthétiser et d’offrir à ce petit peuple d’Israël qui, pourtant — dira le ch. 7 — est bien le moindre de tous les peuples ! Ce fut encore une fois un travail gigantesque, de longue haleine puisque tous les indices portent à croire que la TORâH, telle que nous la lisons aujourd’hui, ne sera pas disponible en l’état avant le ive siècle avant J.-C. Donc vraiment très tardivement. Et encore : la version qui est la nôtre est celle qu’ont fixée définitivement les Massorètes, les Ba“aLéY HaMaSORâH, les « Maîtres de la Tradition », au ixe siècle APRÈS J.-C. Et de fait, il y a des nuances avec la version qu’a connue Jésus — des nuances qu’on retrouve dans la traduction grecque de la TORâH faite deux siècles avant sa naissance, en Égypte.
Enfin voilà. Donc, pour résumer, comment tout ça a-t-il commencé ? Eh bien par la « découverte » — on va mettre ça entre guillemets, parce qu’on soupçonne, à bon droit, un effet de lobbying politique —Par la « découverte » donc d’un ROULEAU dans le Temple, à l’époque du roi Yo’ShiYâHOu/Josias ; on est au viie siècle avt J.-C. Il n’était évidemment pas aussi développé que le livre qu’on va scruter ensemble, mais on pense aujourd’hui qu’il était construit sur le modèle des procès d’Alliance dont on parlera d’ici peu, et comprenait ce qu’on appelle une “titulature” où HaShèM reçoit le titre de Dieu Unique, le fameux SheMa“ YiSheRâ’éL : « Écoute Israël, YHWH ton ‘ÈLoHîM est UN, tu aimeras HaShèM de tout ton cœur, etc. » ; Puis venaient les stipulations du ch. 12, v. 13 à 18 interdisant d’offrir des holocaustes dans un autre lieu que celui qu’aura choisi YHWH ; suivait les sanctions applicables aux contrevenants au ch. 13 ; les prescriptions des grandes fêtes de pèlerinage où toute la population était sensée se rassembler du ch. 16 au ch. 18 ; et enfin les bénédictions et les malédictions du ch. 28. On ne parlait même pas de Moïse dans ces passages : c’était un décret royal, c’est tout.
Reste que c’est à partir de ce début de Rouleau du Deutéronome que s’est façonné, par après, l’ensemble du Pentateuque. Donc vous voyez : on termine par le Deutéronome, mais en fait, c’est par le Deutéronome que tout a commencé ; qu’on a effectivement pu REPRENDRE, l’histoire de tout le peuple d’Israël et en décrypter le sens ! C’est à partir de là qu’on a composé les différents récits, en puisant dans des représentations de l’époque ; qu’on les a étoffés et qu’on a élaboré tout un système de lois pour permettre au peuple de s’élever, d’élever son âme, et d’avoir la fierté de transmettre à ses enfants un esprit de liberté et d’espérance. On est parti de pas grand chose : quelques versets composés à Jérusalem à l’époque du roi Yo’ShiYâHOu/Josias ; et on en a fait un trésor pour l’humanité. Un peu comme le minuscule grain de sable qui s’insinue dans une huître et qui devient, avec le temps, une magnifique perle de valeur inestimable. Ou comme la graine de moutarde de la parabole qui est la plus petite de toutes les semences, mais qui devient le plus grand des arbres du jardin, si bien que les petits oiseaux viennent sous son ombre pour y installer leur nid.
Alors tout ce que je vous dis là ne doit pas vous troubler ! On en reparlera, mais c’est bien le chemin qu’a choisi HaShèM pour se révéler de l’INTÉRIEUR de l’histoire des hommes, et non comme une dictée angélique qui serait tombée du ciel. Et c’est à nous, AUJOURD’HUI — voilà encore un mot que le Deutéronome nous fera entendre souvent — ; à nous AUJOURD’HUI donc de nous approprier cette histoire, de la recevoir en héritage, par le Christ ; et surtout à lui faire porter ses fruits de VIE dans la puissance de l’inspiration qui ne cesse pas de l’habiter !
Enfin voilà. Voyez, c’est ça, lire la Bible en adulte. C’est comprendre que l’INSPIRATION passe par ce processus de RELECTURE. Et Jésus ne dira pas autre chose à ses disciples : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de la vérité, il vous guidera dans toute la vérité. En effet, il ne dira rien de lui-même ; mais c’est ce qu’Il aura écouté qu’Il dira ; et c’est alors ce qui va venir qu’Il annoncera. Lui Me glorifiera, car c’est ce qui vient de moi qu’Il prend et qu’il vous annoncera à son tour. Tout ce qu’a le Père est mien ; voilà pourquoi je vous ai parlé ainsi : C’est ce qui est mien qu’Il prend et qu’il vous annoncera à son tour. » (Jn 16,13-15)
Si on ne comprend pas ça, alors tous ces récits ne sont finalement que des fables ou des contes de Grimm : de belles histoires, avec de beaux sentiments — et Dieu sait si les enfants en ont besoin pour apprendre à gérer leurs émotions ; mais un conte n’est jamais qu’une fiction. Tout autre chose est l’HISTOIRE avec un grand H à partir de laquelle s’est élaborée la TORÂH. Elle tisse certes des mythes pour pouvoir se penser, mais pour les élaborer, elle passe par un vrai travail CHARNEL de MÉMOIRE ; un travail qui consiste à coudre ensemble des traditions pour se mettre à l’écoute et pouvoir choisir le chemin béni de la VIE. Et c’est bien sur ce thème que s’achèvera notre livre.
Alors je vous laisse pour le moment sur ces considérations générales. On commencera dès la prochaine vidéo à se mettre à l’écoute patiente de ce récit qui ne manquera pas de nous étonner et de nous émerveiller, je vous le promets !
Je vous remercie.
:copyright: Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Inscription : 28/11/2016
Le Deutéronome en 8 minutes
Une vidéo sensationnelle de nos frères évangéliques : le Deutéronome en format "draw my life" !
Dans le Deutéronome, Moïse donne aux Israélites ses derniers conseils de sagesse accompagnés de mises en garde avant leur entrée en terre promise, en les incitant à rester fidèles à Dieu.
Une excellente vue d'ensemble avant de se lancer dans la lecture.
Dans le Deutéronome, Moïse donne aux Israélites ses derniers conseils de sagesse accompagnés de mises en garde avant leur entrée en terre promise, en les incitant à rester fidèles à Dieu.
Une excellente vue d'ensemble avant de se lancer dans la lecture.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Au moment de mourir, prendre la parole
Bonjour,
Après l’introduction de la dernière vidéo, nous commençons notre lecture du Deutéronome et d’emblée, quand on y fait attention, le style tranche complètement d’avec les livres qu’on a déjà étudiés !
D’abord, on ne nous dit plus : « YHWH parla à Moïse » comme on l’a entendu maintes et maintes fois depuis le livre de l’Exode mais, dès le premier verset : « Voici les paroles qu’a parlées Moïse », et c’est vrai que la quasi-totalité du livre va se présenter comme un vaste discours de Moïse. Et là, on peut déjà se poser une première question : pourquoi Moïse ressent-il le besoin de « parler » ?
Alors pour comprendre, il suffit d’aller écouter ce que raconte la fin du livre : « Moïse monta des steppes de MO’âV au Mont NeVO, au sommet du PiSheGâH qui fait face à YeRiH.O (Jéricho), et YHWH lui fit voir tout le sol : le GiLe“âD jusqu’à DâN, tout NaPheTâLî, le sol de 'ÈPheRaYîM et de MeNaShè, tout le sol de YeHOuDâH jusqu’à la mer occidentale (la Méditerranée), le NèGèV, le Cirque (c’est-à-dire le bassin du Jourdain et de la Mer de Sel), la vallée de YeRiH.O, la ville des Dattier (c’est le surnom de YeRiH.O), jusqu’à Tso”aR. YHWH lui dit : “Voici le sol que J’ai promis par serment à AVeRâHâM, à YiTseRâQ et à Ya”aQoV en parlant ainsi : ‘C’est à ta semence que Je le donnerai.’ Je te l’ai fait voir de tes yeux, mais tu n’y passeras pas.” C’est là que mourut Moïse, le serviteur de YHWH, dans le sol de MO’âV, sur la bouche de YHWH. » (Dt 34,1-5) Alors on reviendra en son temps sur cette dernière expression énigmatique, mais en attendant, tout le discours, qui constitue ce dernier livre de la TORâH, se présente donc comme les ultimes paroles prononcées par Moïse, ALORS QU’IL S’APPRÊTE À MOURIR. Et là, Moïse fait en réalité ce que tout mourant voudrait pouvoir faire au moment de quitter ce monde : il livre à sa famille sa lecture, ou sa relecture des événements, depuis le départ du Mont Sinaï pour rejoindre KaNa“aN, sans oublier bien entendu l’épisode initial de la sortie d’Égypte dont il sera fait mention 45 fois au fil de ce long discours. Donc voyez, le Pentateuque est très bien construit : on a vu la dernière fois que le Deutéronome, en son noyau, est le premier livre qui ait été ÉCRIT, avant l’Exil à Babylone. Et à partir de là, en Exil cette fois, toute une histoire a été tissée par les scribes pour rassembler et fédérer les diverses traditions des différents clans qui, chacun à leur manière, reconnaissaient néanmoins YHWH comme leur divinité.
La figure de Moïse a pris alors la place centrale pour unifier cet ensemble et organiser la vie du peuple Juif — parce qu’à partir de là on peut vraiment parler du peuple Juif, c’est-à-dire le peuple qui vit désormais sur le territoire de Juda, qui est devenue la province perse de JUDÉE — Donc la figure de Moïse a pris la place centrale pour unifier cet ensemble de traditions et organiser la vie du peuple Juif, en accord avec l’espérance portée par l’événement de la libération de MiTseRaYîM/Égypte.
Ceci dit, vous vous souvenez : la question n’est pas seulement d’avoir, un jour, été libéré extérieurement de MiTseRaYîM ; mais de laisser YHWH — le seul, l’UNIQUE, autour de qui va pouvoir s’UNIFIER Israël — ; il s’agit donc de laisser YHWH libérer Israël de ses propres frontières INTÉRIEURES que constituent ses convoitises et qui l’entraînent à ignorer les commandements de VIE adressés au peuple tout entier. Cela même que n’ont cessé de dénoncer les prophètes. Et là évidemment, c’est une autre paire de manches. Or donc, on va raconter les conditions dans lesquelles YHWH a opéré la délivrance et comment, dès le début, YHWH a voulu vivre au milieu de son peuple : c’est le récit de l’Exode ; on va mettre en place tout un édifice rituel de sacrifices et de règlements de vie pour donner les moyens au peuple de se consacrer et s’élever vers YHWH : ce sont les prescriptions du livre du lévitique. On va aussi raconter comment Israël a multiplié les révoltes avant même d’entrer sur le sol de la promesse, jusqu’à refuser d’y entrer alors même que YHWH lui en ouvrait les portes par le Sud. Du coup, on fait mémoire d’une errance de 40 ans dans le désert ; c’est le livre des Nombres. Et derrière ça, il faut lire en filigranes l’histoire d’un Israël qui se retrouve en Exil, et qui vit lui aussi une errance ! Va-t-il lui aussi se révolter et refuser de rentrer quand le temps sera venu ? Va-t-il gaspiller le don de YHWH, lui signer une fin de non-recevoir, alors qu’il a en main tout ce qu’il faut pour se reprendre en main ?
Ceci dit, il reste tout de même une dernière question : qu’est-ce qui affilie à ce point Israël à ce sol ? Ne pourrait-il pas être lui-même en Exil ? Et c’est pour répondre à cette question qu’en préambule, les scribes vont composer le livre de la Genèse où sont présentés les principaux patriarches qui, eux, ont donné le premier élan. On va dire qu’il y en a en gros deux principaux : ‘AVeRâHâM qui était la figure patriarcale majeure de Juda, et Ya”aQoV qui était la figure majeure d’Israël, auquel on a adjoint celle de YOSéPh, la figure ancestrale des clans de ‘ÈPheRaYîM et de MeNaShèH. On les a cousus ensemble pour en faire la trame de l’histoire qui allait suivre, et qui n’est, dans le fond, qu’une vaste réflexion sur la FRATERNITÉ ! D’ailleurs, en hébreu contemporain, ‘aH., le frère, est de la même racine que ‘îH.aH qui veut dire coudre. Le frère, c’est celui avec qui je couds une histoire en quelque sorte. Ce qui signifie que la vie, si on ne veut pas en perdre le sens, est une affaire de tissage, ce qui est loin d’être idiot ! Parce que qui sait tisser, sait raconter !
Et à l’autre extrémité de cet ensemble de récits et de prescriptions, les rédacteurs ont étoffé le rouleau découvert dans le Temple de sorte qu’il puisse prendre la place conclusive. Comme pour dire : le rouleau qui a été découvert sous le roi Yo’ShiYâHOu/Josias, c’était l’âme de l’Alliance, à partir de laquelle toute l’histoire d’Israël jusqu’à AUJOURD’HUI peut être reprise, comprise et reçue, pour permettre au peuple de CHOISIR LIBREMENT, enfin (!) le chemin de la bénédiction. Parce que c’est de ça dont il est question en définitive, on le verra à la fin du livre.
Et là on comprend mieux : ce travail de REPRISE de la TORâH, mis sur la bouche de Moïse en personne avant l’entrée en KaNa“aN, ne pouvait se situer qu’au moment imminent de sa mort dans la mesure où il s’agit ici d’un véritable travail de MÉMOIRE. A contrario, dans un monde comme l’Occident de ce iiie millénaire qui dénie et tente d’effacer la mort par tous les moyens, ce genre de mémoire sous forme de REPRISE est désormais présentée comme inutile ; voire fâcheuse parce qu’elle détourne les individus de la valeur suprême du pur “progrès” : « Surtout ne faites mémoire de rien ; soyez uniquement tendus sur l’instant, nous nous chargeons de votre bien-être ! ». La mémoire longue est volontairement gommée au profit de la seule “mémoire” informatique qui n’est d’une part qu’un pur stockage passif de données — on l’a dit lors de la vidéo précédente — ; mais surtout, qui est une mémoire entièrement externalisée de notre cerveau dans un “cloud”, un nuage, un brouillard sur lequel personne ne sait rien… Ce n’est plus une mémoire vivante, encore moins une mémoire CHARNELLE ; c’est un pur archivage virtuel, mathématique et sans âme. L’histoire est enseignée comme du journalisme événementiel du passé. La gratitude due à nos pères ne se transmet plus — il suffit de compter les jeunes qui se rassemblent autour de nos monuments aux morts : on est proche du zéro, sauf exceptions, simplement parce que ça n’apporte rien dans l’instant. « J’ai autre chose à faire »… Et s’il nous arrive de prendre du temps en silence, c’est pour “méditer”, dit-on, c’est-à-dire : “ne penser qu’à la sensation du moment” ; et on va nous vendre ça sous l’étiquette alléchante de la “pleine conscience” ! Même les juifs et les chrétiens se font avoir, alors que c’est de la simple manipulation ! Mais c’est bien empaqueté, c’est sûr. Prier, ce n’est pas méditer. Prier, c’est FAIRE MÉMOIRE pour entrer dans la gratitude qui nous relie à nos pères et nous fait découvrir la fierté d’être des hommes et des femmes dans un monde qui nous attend comme tels. PRIER, c’est RELIRE à la lumière de l’Alliance notre histoire avec DIEU et avec nos frères ; RELIRE pour être RELIÉS à nos pères et à nos mères qui ont fait au mieux pour nous transmettre l’accès à la VIE. Eh bien c’est dans cette RELECTURE que Moïse veut, à la fin de la TORâH, nous initier en nous proposant SA relecture, qui deviendra le socle de toute relecture pour Israël, et donc pour Jésus, comme on le verra.
Alors maintenant, posons-nous la question : qu’est-ce que Moïse a-t-il donc de si essentiel à nous transmettre de la part de YHWH ? Eh bien encore une fois : Moïse, dans son acte même de mémoire qu’il nous invite à imiter, nous révèle que ce qui fait la grandeur de l’homme, c’est, précisément par l’exercice de la MÉMOIRE, de se découvrir capable de passer du seul rang d’ “espèce” animale à celui de NATURE humaine. Voyez : à partir d’un substrat organique — l’ancien biochimiste que je suis n’a aucun problème là-dessus : l’homme est un animal et c’est incontestable —, à partir d’un substrat organique donc, l’homme advient à sa dimension SPIRITUELLE, et c’est PAR LA MÉMOIRE que cette dimension se révèle ; une MÉMOIRE qui se reçoit et qui se transmet, de sorte que la NATURE HUMAINE se dévoile avant tout comme FILIALE pour pouvoir accéder, dans un second temps, à sa dimension PATERNELLE. Alors se construit un édifice solide, un Temple qui élève le genre humain vers YHWH ! Comment ça ? Eh bien pour entendre le message, il faut à nouveau passer par l’hébreu puisque ‘èVèN, la pierre — symbole d’éternité, si vous vous souvenez tout ce qu’on a dit à ce propos dans les vidéos sur le patriarche Joseph — ; ‘èVèN, donc, la pierre, associe deux racines en hébreu : ‘âV, le père, et BéN, le fils. Quand un Juif, par exemple, vient au Mur des Lamentations à Jérusalem et qu’il prie en touchant une pierre de l’édifice, il se connecte symboliquement à mes pères. ‘èVèN, c’est le père et le fils reliés entre eux pour construire une histoire comme un temple sacré, inviolable ! C’est très parlant ! Et c’est entre autres la raison pour laquelle saint Pierre et saint Paul parlent des chrétiens comme de « pierres vivantes » ; ou que Jésus se présente en parlant de lui comme d’un Temple : un édifice dont la pierre angulaire est précisément la relation d’amour entre Père et le Fils éternels ; une relation qui se transmet, par le Fils, à tout le genre humain, et d’une solidité à toute épreuve.
La paternité et la filiation sont ainsi deux dimensions par lesquelles l’homme se découvre à la ressemblance de DIEU. Retirez à l’homme cette dimension filiale ; retirez-lui tout accès à sa mémoire familiale et patriotique à coups de pubs, de bannières incessantes l’enjoignant à ne rechercher que son bien-être ; saoulez-le de jeux auxquels il va devoir se soumettre à longueur de temps à travers des dizaines de rappels par jours pour enraciner ses addictions, et c’en est fait de lui : il sera rendu aux lois de sa seule convoitise ; il deviendra un pur consommateur pour assouvir ses pulsions de bien-être qu’on lui vendra comme du “bonheur”, et ça suffira pour qu’il en oublie la NATURE humaine reçue de ses pères et qu’il se “dénature” ; qu’il se réduise au rang de sa seule animalité et là, c’est la dépression assurée qui peut le conduire jusqu’au suicide. Pourquoi ? Parce que l’homme d’aujourd’hui, rivé à ses écrans, n’a plus rien à RACONTER, plus rien à TRANSMETTRE. Son seul souci, pour lui et ses enfants, c’est de conserver son “pouvoir d’achat”. Enfin bref. Tout ça ne cesse d’être agaçant, dans la mesure où c’est orchestré par une intelligentsia qui travaille activement à effacer la mémoire de ses contemporains pour mieux manipuler les populations.
Alors peut-être que vous vous dites que j’exagère, que je me fais plaisir en vous disant tout ça à propos d’un seul verset du début du Deutéronome qui nous enjoint de faire mémoire de ce que nous recevons de nos pères… Laissez-moi vous lire le passage d’un ouvrage de M. Vincent Peillon paru en 2008 et qu’il n’a eu de cesse de mettre en œuvre une fois devenu ministre de l’Éducation nationale : « La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c'est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français. 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau — tu parles ! La révolution est un événement métahistorique, c’est-à-dire un événement religieux. La révolution implique L’OUBLI TOTAL DE CE QUI PRÉCÈDE LA REVOLUTION. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches prérépublicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c'est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi.» Vincent Peillon, La Révolution Française n'est pas terminée, Seuil (2008), p. 16.
C’est juste pervers, parce que ce que néglige de préciser Vincent Peillon, c’est que pour faire table rase du passé, il faut nécessairement faire table rase des populations. C’est ce qui s’est passé dans les années de terreur qui ont suivi l’ « année sans pareil » dont il parle. Et pour ce qui nous concerne, le paradoxe n’est pas mince puisque M. Peillon est juif ! Or il va aux antipodes de ce que propose Moïse et la TORâH reçue de YHWH. C’est de la folie pure, cette folie dont le livre des Proverbes au ch. 7 nous prévient qu’elle mène tout droit à la mort : « Avec tout son savoir-faire, [la femme folle] séduit [le jeune niais] et par ses lèvres enjôleuses, elle l’entraîne. Dans son trouble, le voilà qui la suit, comme le bœuf qu’on mène à l’abattoir, comme un cerf qui se prend au lacet, jusqu’à ce qu’une flèche lui transperce le foie ; comme l’oiseau se jette vers le filet sans savoir qu’il y va de sa vie. Et maintenant, mon fils, écoute-moi et sois attentif aux paroles de ma bouche : ne laisse pas ton cœur se détourner vers ses chemins, ne t’égare pas dans ses sentiers, car nombreuses sont les victimes qu’elle fait tomber, et ils étaient forts, tous ceux qu’elle a tués. Sa maison est le chemin du schéol qui descend aux chambres de la mort. » (Pr 7,21-27)
Comme quoi scruter la TORâH, ça n’est pas seulement se faire plaisir intellectuellement ou culturellement ! Elle nous est donnée pour ne pas nous laisser gruger par l’idéologie du serpent qui tente de nous séduire pour nous séparer de YHWH. Et donc nous entraîner dans le vortex de la mort.
Donc, j’espère qu’on voit bien à quel point il est essentiel d’ÉCOUTER MOÏSE, d’écouter cette TORâH qui ne vise rien de moins que d’élever l’homme ! Une TORâH qui prend pour ça, le temps de faire mémoire des Patriarches afin de nous initier nous-mêmes à cet exercice. Toute inspirée qu’elle soit, elle ne se considère pas orgueilleusement comme un commencement absolu, mais comme la gardienne d’une mémoire qu’elle exprime à travers sa propre expérience de libération : un jour, YHWH a libéré un peuple d’Égypte et l’a mis en marche dans le désert pour aller à la rencontre de la vrai liberté : à l’intérieur de soi, et élever ainsi l’homme de l’état d’esclave dans lequel le maintient sa dimension de pure “espèce”, à l’état de NATURE humaine qui lui ouvre son avenir charnel et spirituel . Un avenir qu’il lui reste néanmoins à conquérir au prix d’une obéissance à l’Alliance qui crée le lien nécessaire entre l’homme à son Dieu à l’image d’un fils à son Père.
Alors, maintenant que nous avons pris le temps de nous faire une petite idée de l’esprit dans lequel aborder le livre du Deutéronome, écoutons ce que Moïse veut RÉPÉTER à TOUT ISRAËL — une expression typique des auteurs deutéronomistes. Jusqu’à présent, on parlait uniquement des FILS D’ISRAËL. On n’a rencontré l’expression TOUT ISRAËL qu’une seule fois pour l’instant, en Ex 18,25, mais elle va de nombreuses fois revenir dans toute l’histoire qui va suivre, jusqu’aux livres des Rois. Et quoi qu’il en soit, on a là, dès les premiers mots du livre, un premier signe que nous changeons de style et donc de perspective.
Alors on reprendra la prochaine fois une lecture plus suivie du récit que le Deutéronome met en place. Mais j’espère que vous voyez tous les enjeux que posent d’emblée les quelques mots qui commencent ce livre dont le but est de nous entraîner, avec Moïse, à RELIRE une histoire qui est la nôtre jusqu’à AUJOURD’HUI ; à condition que nous sachions la recevoir de nos PÈRES ; à condition que nous sachions la recevoir comme des FILS pour construire un avenir édifiant qui, sans être facile facile, sera néanmoins un avenir de bénédiction.
Nous verrons la suite la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Re: La Bible en tutoriels - Le Deutéronome (père Alain DUMONT)
Gabuzo a écrit:Une vidéo sensationnelle de nos frères évangéliques : le Deutéronome en format "draw my life" !
Dans le Deutéronome, Moïse donne aux Israélites ses derniers conseils de sagesse accompagnés de mises en garde avant leur entrée en terre promise, en les incitant à rester fidèles à Dieu.
Une excellente vue d'ensemble avant de se lancer dans la lecture.
Merci!
A quand une video sur le prophétisme hébreu(Tresmontant?)
jacques58fan- Combat l'antechrist
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De la réprobation à la miséricorde
Bonjour,
Nous allons aujourd’hui tenter de dépasser le v. 1 du premier chapitre ! N’ayez pas peur, on n’ira pas toujours à un rythme aussi lent, mais c’est vrai que si on veut commencer sérieusement, il y a des préliminaires qu’il ne faut pas manquer.
Donc, on l’a vu, le Deutéronome se présente d’emblée comme un discours, non plus de HaShèM mais de Moïse, or ce discours a lieu, nous dit-on, dans le désert, dans le fameux MiDeBaR, vous vous souvenez, le lieu d’où jaillit une PAROLE, évidemment pour celui qui veut bien ÉCOUTER ! Encore et toujours ce thème de l’Écoute qui définit le FILS, et donc le PÈRE par la même occasion. Les deux sont indissociables. Du coup, le lien avec le livre précédent est tout trouvé, puisqu’en hébreu, le Livre des Nombre s’intitule : BaMiDeBaR : « Et YHWH parla à Moïse dans le Désert » (Nb 1,1), à quoi répond le Deutéronome : « Voici les paroles que dit Moïse dans le désert » (Dt 1,1) Donc vraiment, le désert est un lieu où surgit une parole, qu’elle soit de HaShèM ou de son serviteur Moïse, sachant qu’écouter l’un, c’est toujours écouter l’autre, comme on l’a vu à propos du début du ch. 14 du livre de l’Exode.
Ceci dit, le v. 1, toujours lui, précise que le peuple est dans le désert qui est « au-delà du Jourdain », et là, il y a déjà un indice : si vous parlez depuis les steppes de MO’âV — la Transjordanie actuelle —, ce qui est « au-delà du Jourdain », c’est KaNa“aN ! Or précisément, ici, c’est l’inverse : l’« au-delà du Jourdain », pour le rédacteur, ce sont les steppes de MO’âV ! Ce qui veut dire que pour le rédacteur, le sol de KaNa“aN est le SOL DE RÉFÉRENCE. Alors ça peut aussi se comprendre fictivement, un peu comme si Moïse se disait avant de partir qu’il : « y est déjà »… mais plus sérieusement, le rédacteur écrit de là où il est, ou de là d’où il vient s’il est en Exil, et c’est donc au moins, dans son esprit, depuis la Judée qu’il rédige cette introduction. Sachant pertinemment qu’il s’adresse à ses pairs — p-a-i-r-s —, pour qui le sol de référence ne peut être effectivement que la Judée.
Suit alors une série de toponymes transjordaniens : on est dans la vallée de la ‘ARâVâH créée par ce qu’on appelle la Faille du Levant qui creuse une dépression depuis le Golfe d’Aqaba jusqu’à la chaîne montagneuse de l’Anti-Liban. Pour le reste, personne ne sait précisément ce que représentent ces lieux, ce qui n’a pas d’importance ! Pourquoi ? Parce que le but du rédacteur n’est pas de faire un relevé géographique mais de faire MÉMOIRE. Et encore une fois, faire mémoire ne consiste pas à référencer des archives, mais à TRANSMETTRE ce qui a un SENS pour les générations à venir.
Ceci dit, tous ces toponymes ne sont pas si surprenants que ça, parce qu’on reconnaît en fait la patte de l’écrivain sacerdotal qui affectionne tellement l’identification des lieux, des dates, des événements, etc. Or c’est lui — ou son école de scribes — qui a établi l’édition définitive de la TORâH, et qui s’est occupé de coudre les derniers raccords pour que l’histoire soit cohérente. Donc on va l’entendre se pointer quelques fois au fil du récit, pour le rendre cohérent. Tout le reste est de facture deutéronomiste, une autre école rédactionnelle proche des prophètes, très différente dans le style, on va le voir.
Ceci dit, si on a du mal à identifier ces lieux, n’allons pas imaginer qu’ils soient sortis de l’imagination d’un seul scribe ! Quand on connaît les lois de l’Oralité qui remontent bien au-delà du viiie siècle, qu’il s’agisse des lieux, des dates ou des généalogies, il faut que ces précisions aient été JURIDIQUEMENT authentifiées par au moins DEUX témoignages absolument IDENTIQUES. De cette manière, on est sûr que les longues listes généalogiques, par exemple, qu’on trouve de ci, de là dans la Bible, ne sont pas de faux documents. Et de fait, quand les exilés rentreront en Judée et qu’ils voudront recomposer le peuple à partir de ses racines, il faudra certes écouter les uns et les autres, mais surtout trouver chaque fois deux témoignages identiques et sans controverse pour prouver la véracité des lettres de noblesse présentées. C’est un travail très sérieux ! Eh bien ici, on peut appliquer la même règle : ces toponymes sont alignés suite au recueil de témoignages convergents, et on peut leur faire confiance. Alors maintenant, c’est vrai que ça ne correspond pas à des lieux que nous pouvons aujourd’hui identifier précisément, mais est-ce que ça veut dire pour autant que ces déterminations sont artificielles, sûrement pas ! On a les mêmes difficultés partout : il suffit de penser à la bataille d’Alésia entre Jules César et Vercingétorix ; impossible d’en connaître la localisation exacte, et pourtant, tout le monde sait qu’elle a eu lieu et qu’elle a été décisive. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
À tout le moins, on peut remarquer que trois de ces toponymes évoquent des étapes connues de la marche dans le désert rapportée dans les livres précédents, ce que les targums — c’est-à-dire ces traductions explicatives en araméen élaborées à l’époque du Christ Jésus — ; ce que les targums, donc, n’ont pas manqué d’exploiter. Je vous lis l’un d’entre eux — je vous ai mis en rouge ce que le targum ajoute, mais qui n’est pas de l’invention ! Il y a derrière ces ajouts tout un travail de réflexion midrashique qui tente de mettre un sens sur les mots de la TORâH à partir des analogies entre les textes. Donc voici le Targum, avec en rouge les ajouts au texte biblique : « Voici les paroles de reproche — et de fait, le Deutéronome est beaucoup sur le mode de la réprobation — que Moïse dit à tout Israël. Il les rassembla autour de lui alors qu’ils se trouvaient au-delà du Jourdain. Il prit la parole et leur dit : “Vraiment, la TORâH vous a été donnée dans le désert, à la montagne du Sinaï et à vous expliquer dans les plaines de Moab. Que de signes et de prodiges le Saint — béni soit-Il — a accompli pour vous depuis le temps où vous êtes passés sur le rivage du YaM SOuPh — la Mer des Roseaux —, où Il avait fait pour vous une route pour chacune des tribus ! Mais vous, vous avez été infidèles à la Parole et, à PaRâN, vous avez provoqué sa colère à cause du rapport des explorateurs ; vous Lui avez attribué — à HaShèM — des paroles mensongères et vous avez murmuré au sujet de la manne blanche qu’il faisait descendre du ciel pour vous. Vous avez réclamé de la viande à HaTséRoT ; il vous revenait d’être exterminés du milieu du monde. Mais parce qu’il a fait mémoire en votre faveur du mérite de vos pères, les justes, de la Tente de la Rencontre, de l’arche d’alliance et des objets sacrés que vous aviez recouverts d’or pur, il vous a pardonné la faute du taurillon d’or. » (Targum Ps-Jonathan de Dt 1,1)
C’est sûr que c’est quand même pas mal développé — et encore, le Targum Neofiti est bien plus bavard —, mais il faut croire qu’à l’époque de l’élaboration des Targums — ou des Targumîm, devrait-on dire —, cette interprétation était commune. En tout cas, on entend bien qu’on a affaire, à travers cette évocation des étapes du désert, à des paroles de réprobation posées en exergue du livre, ce qui en donne d’emblée le ton. Les rabbins d’ailleurs ne manquent pas de le souligner.
Ceci dit, qui dit réprobation ne dit pas condamnation. La réprobation signifie qu’à la vue de tout ce qui s’est passé depuis la sortie d’Égypte, Tout Israël MÉRITE la colère de HaShèM ; de sorte que si la sanction ne tombe pas sur lui, le peuple réfléchisse et apprenne à discerner ! D’une part : peut-on se croire autorisé à faire n’importe quoi sous prétexte que HaShèM semble laisser couler les affaires — et la sagesse biblique s’interrogera souvent à ce propos : comment se fait-il que Dieu semble bénir les injustes ? — Certainement pas, répond le Deutéronome, et ce à la suite de tous les prophètes qui se sont succédé sur le sol d’Israël ! Et puis d’autre part, que nous apprend cette patience de HaShèM ? Pourquoi patiente-t-il ? Et c’est à partir de là que va peu à peu émerger l’idée d’un Dieu MISÉRICORDIEUX.
À Israël, donc, de discerner qu’à travers cette marche dans le désert ponctuée de révoltes impatientes qui méritent la colère divine, il ne doit son salut qu’à un pur effet de la Miséricorde de HaShèM. On retrouvera ce thème à la fin du Deutéronome : face à une colère méritée que HaShèM pourtant suspend, quel chemin prendre ? Le chemin de la bénédiction, ou celui de la malédiction ? Le chemin qui reconnaît cette miséricorde et qui agit en l’écoutant ; ou le chemin qui prend cette miséricorde pour un signe de mollesse, et donc : « Puisque Dieu ne réagit pas, ça signifie que je peux faire ce que je veux ! »
Alors le Deutéronome s’efforce de prévenir du danger et exhorte Israël à se mettre sous la lumière de la Miséricorde ; une Miséricorde qui se trouvera être à la source du renouvellement incessant de l’Alliance et que les prophètes déclineront comme le signe d’un amour NUPTIAL ! Ce qui veut dire que, dès les premiers versets qui font insensiblement gronder la colère divine, le Deutéronome se présente en fait — de manière voilée, c’est-à-dire accessible uniquement à celui qui se met à l’écoute — comme un moment de RENOUVELLEMENT D’ALLIANCE. C’est d’ailleurs ce que dira la fin du ch. 28 : « Voici les paroles de l’Alliance que YHWH a commandé à Moïse de trancher avec les Fils d’Israël sur le sol de MO’âV, en plus de l’Alliance qu’Il avait tranchée avec eux à l’HoRèV. » (Dt 28,69)
Par ailleurs, ce mouvement de Miséricorde offerte alors même que le peuple mérite la colère de HaShèM, est un thème qui introduit le mystère chrétien. Rappelons-nous le début du ministère de Jésus dans l’Évangile de Jean, lorsqu’il chasse les marchands du Temple. Les chrétiens sont mal à l’aise avec cet épisode. On en conclut souvent que ce jour-là, Jésus avait dû se lever du pied gauche ; ou alors que dans le fond, puisque lui aussi s’est mis en colère, ça peut bien légitimer les nôtres… Que nenni ! Ce que fait Jésus n’est rien d’autre que ce que fait Moïse au début du Deutéronome : il RÉPROUVE au Nom de son Père l’injustice que constituent des sacrifices purement extérieurs et mercantiles ! Mais une fois manifestée la colère de HaShèM, tout le ministère de Jésus, dans le droit fil de l’Alliance de Moïse, manifestera le choix de HaShèM de ne pas se laisser aller à sa colère et choisir de faire Miséricorde !
En d’autres termes, HaShèM n’est pas une “bonne pâte” ! Primitivement d’ailleurs, avant la révélation du Buisson-Ardent, il était perçu en MaDiâN comme une divinité guerrière, une divinité de l’orage, c’est vous dire ! Avec Moïse, Il reste ce dieu de colère, parce que légitimement, c’est la seule émotion qui vaille devant l’injustice. Maintenant, la question est celle-ci : que faire de cette colère ? Il y a deux possibilités : soit elle pousse à exterminer ceux qui en sont la cause — ça, c’est le marxisme de Lénine ou autres Khmers Rouges qui ont lancé les peuples les uns contre les autres pour un résultat plus que douteux — ; soit, sans renoncer à cette colère, faire néanmoins le choix de NE PAS s’en rendre prisonnier ; faire donc le choix de la LIBERTÉ, qui n’est autre que le choix de la MISÉRICORDE ! Et HaShèM témoigne précisément de sa souveraine LIBERTÉ en choisissant de faire MISÉRICORDE ! Alors pour comprendre ça, il faudra du temps à Israël, ce qui est normal, sauf que pour permettre à Israël de le comprendre, il faut unilatéralement que HaShèM fasse le premier pas ! Ce qu’a formidablement compris saint Jean : « Voici en quoi consiste l’amour de charité : ce n’est pas nous qui avons aimé DIEU de charité, mais c’est Lui qui nous a aimés de charité, et Il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. Pour nous, aimons de charité parce que DIEU Lui-même nous a aimés de charité le PREMIER » (1Jn 4,10.19)
Ce que dévoile saint Jean est juste essentiel ! Il nous dit que la véritable MISÉRICORDE qui ne consiste pas en une simple générosité flegmatique qui nous prendrait de haut, mais dans le choix de se SACRIFIER SOI-MÊME plutôt que de sacrifier les autres… Eh oui : quand on se laisse aller à la colère, c’est toujours pour sacrifier les autres ! Pour les faire taire, les éliminer, ce que vous voulez ! Eh bien : le miséricordieux se reconnaît à ce qu’il refuse absolument une telle solution. Le miséricordieux refusera TOUJOURS de choisir le mal pour enrayer le mal ; il refusera toujours d’ajouter du mal au mal, et sera toujours prêt à AVOIR MAL plutôt que de FAIRE MAL. Je vous le tourne dans tous les sens. Et là croyez-moi, c’est plus fort que tous les films Marvell compilés ! Parce que là, il n’y a pas de “superpouvoir” à la noix : il y a en revanche une réelle toute-puissance, et elle est charnelle : c’est celle de la CHARITÉ qui travaille à donner la VIE dans le cadre — disons-le tout de suite parce que le Deutéronome y reviendra — dans le cadre, donc, d’une amitié : l’amitié de HaShèM pour son peuple est la clef de tout ce mouvement ! HaShèM aime Israël avec la ferveur de l’Époux ; un Époux qui convoque Tout Israël à CHOISIR D’AIMER HaShèM en retour, par GRATITUDE, en empruntant le chemin de la Vie qui donne la vie.
En tout état de cause, l’amour qui se révèle à travers cette miséricorde n’est en rien d’un amour passionnel. C’est d’un amour marqué par le don de soi POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE ; où l’une et l’autre parties travaillent à grandir dans une liberté où chacun abdique son égoïsme pour se recevoir entièrement de l’autre. Quand on pense qu’en Jésus, DIEU a accepté d’entrer dans ce jeu de cette LIBERTÉ jusqu’à se vider de soi-même, dira saint Paul, pour nous manifester charnellement son amitié, alors là, tous les super-héros de Marvell, les Thor, les Captain America et autre Docteur Strange peuvent aller se rhabiller !
La suite du texte biblique va bien dans ce sens : en substance, le v. 2 affirme qu’il ne faut normalement que 11 jours pour aller de l’HoRèV à KâdéSh-BaReNé”a, au sud de KaNa“aN. Or, dit le v. 3, c’est au cours de la 40e année seulement que Moïse prend la parole pour clore le séjour au désert et en tirer les leçons : c’est donc bien la faute de Tout Israël que ces versets évoquent en le réprouvant, ce sur quoi les targums vont justement insister : « Il y a onze jours depuis l’HoRèV, par la route de la montagne de GaBeLaH — c’est l’autre nom du Mont Ssé”îR — jusqu’à ReKhèM-Gé”aH. Mais parce que vous vous êtes détournés de HaShèM et que vous avez provoqué sa colère, vous avez été retenus pendant quarante ans ! » (Targum Ps-Jonathan de Dt 1,2).
Alors soit dit en passant, le v. 3 est nettement de facture sacerdotale, j’espère que vous le sentez. Il fournit par ailleurs la seule et unique date de tout le livre dans lequel l’on ne trouvera ni calendrier, ni généalogies comme les affectionne tant l’école sacerdotale qui, je vous le rappelle, a peu ou prou achevé l’écriture de la TORâH. D’ailleurs, le rédacteur sacerdotal se trahit en appelant ici le peuple : « Fils d’Israël », alors que pour tout le reste du livre, le texte parlera de TOUT ISRAËL. Mais qu’à cela ne tienne : l’ultime rédacteur sacerdotal de la TORâH fait son travail de scribe : il TISSE L’HISTOIRE encore une fois ! Il fait ce que n’importe quel cerveau humain ne cesse de faire dans sa propre vie, vous vous souvenez ; à cette différence près qu’il le fait pour ordonner la mémoire de son peuple, de sorte que ce beau travail inspiré offre à TOUT ISRAËL de se sentir un seul CORPS, un sentiment est encore performant 2 500 ans plus tard.
Le v. 4 ressaisit pour sa part deux victoires correspondant à l’arrivée dans le territoire de MO’âV qu’on nous a racontées en Nb 21 et 22 ; et le v. 5 nous replace « au-delà du Jourdain » comme au v. 1. On a donc une inclusion qui désigne le passage essentiel, au centre de ce petit ensemble introductif, à savoir le v. 3 : d’accord, il y a eu des victoires, mais nous n’en sommes pas moins à la 40e année de pérégrination dans le désert, une durée infligée au peuple comme la conséquence de son refus d’avancer en KaNa“aN alors même que HaShèM lui en ouvrait la porte. Et là, fut-elle sous-jacente, il y a une vraie réprobation.
Une dernière remarque avant de voir ce qu’on peut tirer de ces versets introductifs au discours de Moïse : le v. 5 ne dit pas que Moïse expose des lois, des TORoT — pluriel de TORâH — mais bien UNE TORâH ; ce qui veut dire que ce qui va suivre ne doit pas être reçu comme un simple catalogue de préceptes, comme une somme de directives se superposant les unes sur les autres au fil de la jurisprudence façon “code de droit français”, purement fonctionnel mais sans âme et sans histoire à la clef. Tout ce qui suit ne forme au contraire qu’UNE seule TORâH : la TORâH de Vie qu’il s’agit de choisir pour se mettre en marche, comme l’exprimera la fin du livre. Une TORâH de VIE que le peuple va être appelé à aimer, comme le signe qu’il aime et qu’il choisit de suivre HaShèM en se mettant à l’écoute de sa Parole.
Dit autrement, ce qu’apporte le Deutéronome, en définitive, c’est essentiellement ça : il récapitule LES LOIS pour montrer qu’elles répondent toutes en réalité à UNE LOI, UNE TORâH qu’on peut dès lors DÉSIRER, parce que derrière « cette » TORâH — et elle seule — se dévoile moins un “contrat” qu’une ALLIANCE ; moins un “code” qu’une PAROLE : la Parole de HaShèM, DONC HaShèM en Personne, puisque derrière une parole, il y a toujours quelqu’un : HaShèM en tant qu’il PARLE, donc en tant qu’Il est VIVANT, donc en tant qu’Il DONNE LA VIE indissociablement du fait qu’Il AIME ce peuple en se sacrifiant pour lui plutôt que de le sacrifier alors même qu’il le mériterait bien !
Là encore, Jésus s’inscrira dans cette ligne puisqu’il condensera cette TORâH en UN SEUL commandement : celui de la CHARITÉ, de sorte qu’à la manière des Targums, on pourrait gloser ce verset essentiel de l’Évangile selon saint Jean de la manière suivante : « C’est un commandement de renouvellement de la TORâH que Je vous donne afin que, comme je vous ai aimés de charité — c’est-à-dire comme je vous ai donné ma vie, je me suis sacrifié pour vous —, vous vous aimiez de charité les uns les autres — c’est-à-dire que vous donniez votre vie, que vous vous sacrifiiez les uns pour les autres. Et c’est sûr que ça, ça vous change le monde ! » (cf. Jn 13,34) On peut dire que dans la plus pure tradition du Deutéronome, ce verset de l’Évangile RELIT, REPREND toute la TORâH de Moïse en dévoilant l’âme ultime de l’histoire sainte : non seulement HaShèM est VIVANT au sens où Il DONNE LA VIE, mais plus encore : toujours dans le fil d’une colère qui s’enflamme contre l’injustice du péché des hommes, en Jésus, HaShèM restera souverainement LIBRE à travers l’exercice de la MISÉRICORDE : Il manifestera qu’Il est LE VIVANT au sens où choisira de donner non plus seulement LA VIE mais SA VIE, en Jésus donc, le Verbe Incarné, ce qu’Il ne pouvait pas faire en Moïse qui n’était qu’un homme. Un homme magnifique certes, mais seulement un homme, incapable d’engager HaShèM dans le don de Lui-même jusqu’à traverser la mort pour manifester qu’elle ne saurait retenir dans ses griffes ceux qui ont revêtu leur existence du vêtement de la CHARITÉ, c’est-à-dire ceux qui sont habités par la TORâH de VIE et qui répondent par la Miséricorde à la colère que suscite en eux l’injustice dans le monde.
Voilà. Étonnant tout ce qu’on peut dire à partir de quelques versets apparemment seulement topographiques, n’est-ce pas ? Ceci dit, et c’est le plus important, j’espère que vous sentez combien le Deutéronome ouvre des perspectives inattendues et paradoxalement divines ! Combien il tire véritablement vers le haut ! La colère qui est sous-tendue par ces versets n’est là que pour ouvrir à la Miséricorde ! Magnifique !
Alors on n’en dira pas plus aujourd’hui. La prochaine fois, comme nous y invite l’introduction de ces cinq premiers versets, nous ouvrirons le premier discours de Moïse.
Je vous souhaite une bonne lecture de ce court passage, certes, mais qui ne se présente pas moins comme essentiel. Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Partez vers vous !
Bonjour,
Nous continuons notre lecture du début du Deutéronome. Alors je sais, on ne peut pas dire qu’on aille à la vitesse TGV, mais comme toujours : patience ! Comme je vous l’ai déjà dit, tout ce que nous posons maintenant sera autant d’acquis pour la suite et nous permettra de ne pas nous perdre en route. Les v. 1 à 5 que nous avons vus lors de la dernière vidéo nous ont permis de réfléchir sur l’enjeu majeur du Deutéronome : manifester la paradoxale MISÉRICORDE de HaShèM. À présent, commence le premier discours de Moïse qui va nous emmener quasiment jusqu’à la fin du ch. 4, avec un récit de mémoire qui s’étend jusqu’au ch. 3. En termes rabbiniques, on pourrait parler ici d’une HaGGâDâH, c’est-à-dire d’un récit de mémoire — en hébreu, la racine NaGâD signifie RACONTER. Alors à strictement parler, une HaGGâDâH concerne avant tout le récit de la sortie d’Égypte, mais là, disons qu’on n’en est pas loin. Et comme toujours, la HaGGâDâH est suivie d’une HaLaKhaH, un autre terme hébreu tiré cette fois de la racine HaLâKh qui signifie aller ; LeKh leKha, c’est le verbe HaLâKh. La HaLaKhaH, c’est donc le chemin, la voie qu’il faut emprunter, mais toujours à la lumière d’un récit qui la fonde, de cette fameuse HaGGâDâH. Ceci d’une part pour que le récit ne reste pas lettre morte et qu’il porte du fruit concrètement dans les actes de la vie quotidienne. Et d’autre part pour que les actes de la vie quotidienne reçoivent un SENS ; qu’ils n’en restent pas au seul rang du « devoir » à la manière de la morale d’Emmanuel Kant, complètement anhistorique ! Donc imbuvable !
Or voyez, Israël a conscience, très profondément, d’être précisément un peuple en marche, donc un peuple nomade. Et normalement, un chrétien devrait être habité du même sentiment, d’autant que Jésus se présente clairement comme « le chemin » ; le chemin dont l’histoire fondatrice n’est autre que la HaGGâDâH de la sortie d’Égypte dont la TORâH est le déploiement. Et c’est bien la raison pour laquelle il dira qu’il n’est pas venu abolir mais accomplir cette TORâH : il est la HaLaKhaH la plus parfaite de la HaGGâDâH de Moïse. La HaLaKhaH de la Charité.
Ceci est important parce que les lois d’un peuple en chemin sont obligatoirement différentes de celles d’un peuple sédentaire : les lois nomades ouvrent un horizon, fixent des objectifs à atteindre, des défis à relever ; prenez la pureté : c’est un défi ! La justice, c’est un défi ! La sainteté, c’est un objectif, et non un état naturel. Alors que les lois sédentaires, elles, ne vont nulle part, ne visent aucun horizon autre que celui de se prémunir de ce qui pourrait troubler l’ordre public… et après ? Pour aller où ? Pour bâtir quoi ? Le « Meilleur des mondes », comme l’appelait Aldous Huxley ? Un monde sans remous, mais sans histoire et sans vie ? Nombre de hauts fonctionnaires en rêvent parce qu’ils ne sont habités par aucune histoire, et donc ne voient pas pourquoi la nation en aurait besoin ! Rappelons-nous ce pauvre M. Peillon.
C’est en tout cas ce qui fait que la TORâH est une TORâH de VIE : elle est fondée sur une HaGGâDâH, sur un récit qui fonde son chemin, sa HaLaKhaH. Du coup, on comprend mieux pourquoi, quand Moïse veut instaurer des préceptes spécifiques à l’entrée prochaine en KaNa“aN, il est impératif qu’il les fasse précéder par un RÉCIT de mémoire qui fonde ce qu’on appelle l’ALLIANCE. Et c’est là toute la différence entre un simple CONTRAT, — qui n’est qu’une simple transaction et n’a besoin d’aucun récit fédérateur — et l’ALLIANCE qui, elle, ne peut pas exister sans RÉCIT. C’est la différence essentielle par exemple entre la CONTRAT de mariage civil, qui n’a besoin d’aucune histoire, et l’ALLIANCE qui constitue le mariage sacramentel qui, lui, se fonde sur une histoire qui précède les époux et les accrédite pour en prolonger le récit du cœur de l’amitié qui les relie ; un récit sur lequel il faudra impérativement veiller, évidemment, ne serait-ce que pour en perpétuer la transmission !
La prière, c’est la même chose ! Toutes les oraisons de la prière commune de l’Église commencent TOUJOURS par faire mémoire : « Seigneur notre Dieu, toi qui as fait ceci, ou cela, en mémoire de ça, nous te demandons ceci ou cela… » Quand le Christ dit, à propos du pain et du vin de son dernier repas : « Faites ceci en MÉMOIRE de moi », c’est la même chose ! C’est la MÉMOIRE qui relie ce pain et ce vin à son sacrifice sur la croix ! C’est la MÉMOIRE, donc le récit qui autorise le sacrement, parce que c’est la MÉMOIRE qui fonde l’ALLIANCE en Jésus.
Alors pour en revenir à notre livre, on a là en fait le son schéma global : d’abord la mémoire, la HaGGâDâH de Moïse, sur laquelle pourront alors — et seulement alors — se greffer les préceptes, c’est-à-dire la HaLaKhaH. Bon, on reviendra sur ces questions d’ALLIANCE parce qu’on n’en a pas tout dit ici, mais l’idée principale est là.
Le discours de Moïse commence donc au v. 6 du ch. 1 par un prologue historiqueUE qui va jouer sur l'alternance FIDÉLITÉ / INFIDÉLITÉ liée à l’alternance succès / échec. Ça, c’est très caractéristique de l'histoire deutéronomiste — on retrouve ça tout au long des livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois qui sont tous de la même école de rédaction.
Ceci dit, on se serait spontanément attendu à ce que le discours commence par l’évocation de la sortie d’Égypte, mais non ! Etonnamment, Moïse part du mont HoRèV : « HaShèM, notre ‘ÈLoHîM, nous a parlé à l’HoRèV » (Dt 1,6). Et ça doit nous interroger : pourquoi passer sous silence la sortie d’Égypte ? Sans doute parce que quand ils sortent d’Égypte, les Hébreux — pour parler comme Pharaon — ne constituent pas encore le « peuple » d’Israël à proprement parler. Comme le dit l’Exode au ch. 12, la foule qui prend le départ n’est encore qu’une sorte de conglomérat qu’unit certes une soif commune de liberté, mais ça ne suffit pas pour façonner un PEUPLE comme un CORPS.
Maintenant, pourquoi la constitution d’un peuple comme d’un CORPS est si essentiel ? Mais tout simplement déjà pour des raisons de survie ! Là, je laisse la parole au philosophe André Guigot qui peut nous éclairer à sa manière : « Originellement, la survie nécessite de prendre soin de son corps et cela mobilise à l’état de nature les facultés de représentation et d’anticipation où l’autre joue un rôle d’allié objectif de cette survie avant d’être un ennemi. N’oublions jamais que nous faisons partie de la nature, que les lois sont faites pour compenser les souffrances qu’elle génère, qu’elles [ces lois] sont fragiles et qu’il est temps d’en finir avec l’idéologie du darwinisme social qui n’est qu’une fable sinistre. Non, le bonheur n’est pas un idéal moral autonome ; être heureux n’est pas en soi moral ; réussir seul, à tout prix contre les autres ne prouve pas que l’on ait raison. Dans la nature, ce sont les espèces les plus solidaires qui survivent, la “loi du plus fort” est une illusion stupide, une instrumentalisation individualiste des découvertes de Darwin sur l’origine des espèces. […] La solidarité est la vraie puissance ; la générosité compte plus que la performance intellectuelle ou physique — individuelle toujours. L’individu n’est donc qu’une abstraction du point de vue anthropologique. Les moins forts sont [ceux qui sont] les plus égoïstes, car personne ne sait survivre seul. » (André Guigot, Petite Spiritualité de l’Amitié, Bayard (2018), p. 33-34)
L’argument d’André Guigot, qui promeut ici la nécessaire amitié entre individus, peut s’entendre plus largement à la nécessité de la constitution d’un peuple. Définitivement, il ne peut jamais s’agir de construire uniquement une nation administratrice, purement fonctionnelle et impersonnelle. Pour que le monde ait un sens, il est incontournable qu’un PEUPLE se reconnaisse comme un CORPS, avec une histoire « solidaire » pour reprendre les termes d’André Guigot. Alors personnellement, je ne dirais pas que l’amitié serait ici à promouvoir, mais bien plutôt la FRATERNITÉ. Ce qui suppose de savoir déterminer qui est le PÈRE de ce peuple ; donc quelle est l’HISTOIRE qui façonne ce peuple de génération en génération et lui donne ainsi sa CHAIR. C’est bien parce que les frères s’appuient sur un même père, sur une même origine, donc sur une MÉMOIRE commune que le livre des Proverbe peut dire très justement qu’ « Un frère appuyé sur un autre frère est une forteresse ! » (Pr 18,19 (lxx)). Pas d’histoire ? Pas de fraternité, et pas de peuple ! On voit les dégâts en direct aujourd’hui où l’histoire comme récit a volontairement été effacée. Reste peut-être encore les manifestations sportives, et encore… beaucoup d’émotion, mais quelle histoire ?
Parce que c’est l’histoire, c’est la mémoire qui nous montre que toute fraternité a ses lois, et qui fait surtout naître le désir de les respecter. C’est précisément, entre autres, ce que gère la TORâH qui n’est décidément pas cette pure LOI, comme on traduit habituellement en français. Toutes les lois de la TORâH sont inscrites dans la trame d’un récit, et c’est alors qu’elles peuvent commander les liens spirituels qui cousent les frères les uns aux autres et les constituent comme des ALLIÉS CHARNELS, donc SPIRITUELS, par-delà les générations, donc comme un PEUPLE.
Ce que je veux dire, c’est que la fraternité entre les membres d’une même génération n’est possible qu’au sein d’une fraternité intergénérationnelle, qu’il s’agisse des générations précédentes comme des générations suivantes. Par la CHAIR, par l’histoire qui se tisse génération après génération, on vit ainsi une COMMUNION spirituelle qui inspire les décisions individuelles, au sens où l’on a charnellement conscience que toute détermination privée engage le corps du peuple tout entier, soit en vue de la bénédiction, soit en vue de la malédiction… Or c’est précisément sur ce thème que s’achèvera le discours de Moïse à la toute fin du livre.
Alors revenons au texte. La TORâH n’a pas été donnée pour que le peuple reste planté au pied du Mont HoRèV : « C’est assez pour vous d’habiter cette montagne. Faites face et partez ! » (Dt 1,6-7) PeNOu OuÇe“Ou LâKhèM, litt. : « Faites face et partez vers vous ! » Alors d’accord, le v. 7 est un décalque du v. 25 au ch. 14 du livre des Nombres, mais j’espère que vous entendez qu’il relaie surtout l’appel d’Abraham : LèKh LeKha, « Va vers toi ! » en le déployant cette fois à toute sa descendance : OuÇe“Ou LâKhèM, « Partez vers vous. ! » Allez ! Partez à l’intérieur de vous ! Mettez-vous en marche pour rejoindre le sol intérieur que la TORâH de HaShèM vous montrera.
Voyez, là, il y a toute la puissance de l’analogie entre la marche extérieure, horizontale pour ainsi dire, et la marche intérieure, verticale cette fois : la marche extérieure n’a pas pour seule finalité de décompresser ou de rester en bonne santé. Tous ceux qui pratiquent la marche le savent : on en revient toujours spirituellement plus serein, plus lumineux, plus enraciné en soi, mais pour mieux s’élever ; un peu par analogie avec les plantes qui montent par héliotropisme, sauf qu’ici, il s’agit — du moins quand on a la foi — de Théotropisme — Je viens d’inventer ce mot, mais je l’aime bien. Je le trouve très motivant et très réconfortant à la fois, parce que du coup, on sait que l’homme ne grandit pas dans n’importe quelle direction. Dit autrement, l’homme enraciné dans l’histoire de son peuple, de sa famille, peut alors s’élever en s’abreuvant de la Lumière de HaShèM. Qu’il s’agisse du LèKh LeKha ou du OuÇe“Ou LâKhèM, il s’agit dans les deux cas de s’enraciner pour ne pouvoir que mieux relier la terre et le Ciel, et ainsi donner CHAIR à l’ALLIANCE.
Reste néanmoins que la marche extérieure n’a pas qu’un rôle de faire-valoir ! Elle n’est rien de moins qu’indispensable pour vérifier charnellement que son élévation intérieure n’est pas un pur angélisme ou une pure idéologie. Rappelons-nous que toutes les idéologies partent d’un bon sentiment : la révolution française, le communisme, le capitalisme ou ce que vous voulez ; toutes ces belles idées partent d’un mouvement généreux et messianique : on va sauver le monde ! Ok ! Maintenant, charnellement : quand on met en place ces idées, il se passe quoi ? Si les peuples se jettent les uns contre les autres ; si les rapports entre eux ne sont plus que contractuels et financiers ; si leur histoire est sommée de disparaître, alors ces idées sont des malédictions : leurs chemins sont pourvoyeurs de mort ! Si au contraire, grâce à elles, les peuples s’allient comme s’allieront les tribus d’Israël ; si leur rapport devient fraternel — ce qui ne signifie pas que tout soit rose ; si leur histoire s’abreuve à la source des anciens pour construire un avenir valeureux alors ces idées sont pourvoyeuses de bénédiction ; et c’est là qu’on peut discerner leur véritable INSPIRATION. Voilà en tout cas tout l’objet du Deutéronome : fonder une savante alchimie entre le spirituel et le charnel qui rend la TORâH et la Bible absolument UNIQUES dans le concert de toutes les spiritualités de l’histoire.
Alors maintenant qu’on perçoit un peu mieux les conditions et les enjeux de la mise en route, pour l’heure, il s’agit concrètement de partir à la conquête du sol. Et là, le récit nous présente le territoire de la « montagne des Amorites ». En fait, c’est une expression connue par ailleurs : dans l'usage du Proche-Orient, le terme Amorites en est venu à désigner progressivement toute la population de Syrie et de KaNa“aN, ce que décrit en gros le v .7 en remontant jusqu'à l’Euphrate, un territoire qui correspond au royaume légendaire de David et de Salomon tel que la Bible nous le présente, sans pour autant avoir jamais atteint de telles frontières : ni David, ni Salomon ne sont montés jusqu’à l’Euphrate ; ils n’ont pas même vraiment conquis les rives de la Méditerranée qui sont restées aux mains des Philistins — en gros la bande de Gaza actuelle — et plus au Nord : aux mains des Phéniciens — c’est-à-dire le Liban. Alors ceci dit, l’évocation de l’Euphrate se comprend néanmoins si on s’attache aux « pères » qui sont désignés ici comme étant AVeRâHâM, YiTseRâQ et Ya”aQoV. AVeRâHâM vient du Mitanni ; YiTseRâQ représente la plaine philistine dans laquelle il a habité ; et Ya”aQoV par son séjour en HaRâN, évoque la frontière Nord de l’Euphrate. Un peu comme si, par leurs pérégrinations, les patriarches avaient tracé les limites du territoire donné par HaShèM, somme toute assez vaste.
Ceci dit, la question rebondit : quel est le sens d’une donation qui, dans les faits, ne sera jamais conquise totalement ? Eh bien encore une fois, si on entend le « Partez VERS VOUS », on s’aperçoit vite que cette conquête de soi est loin, elle aussi, d’être accomplie dans toute son étendue. Dit autrement, si la totalité de ce territoire extérieur n’a jamais été conquise, c’est peut-être bien le signe que le territoire intérieur des Fils d’Israël est loin de l’être, et c’est là où l’interprétation chrétienne répond à sa manière à ce paradoxe ! Dans la mesure en effet où le Christ Jésus est absolument lumineux intérieurement, l’étendue de son évangile s’étend, par-delà les rives de ces deux fleuves, au MONDE ENTIER ! Plus de limites, plus de MiTseRaYîM : la libération, la délivrance est totale et le projet de la TORâH est porté à son achèvement ; un achèvement qui dépasse de loin ce que Moïse était en passe d’imaginer, mais qui pourtant, dès le commencement, était inscrit dans la TORâH comme l’objectif à atteindre… toujours la marche.
Enfin bref, en tout cas, ce que nous dit de manière voilée le récit, c’est que les dimensions du territoire dépendent en définitive de l’écoute de HaShèM et de sa TORâH ; et de la JUSTICE qui en découle par GRATITUDE. Ce qui veut dire que ce qui aura pu être CONQUIS ne sera jamais pour autant un ACQUIS, au sens où ce territoire nous appartiendrait pour toujours quoi qu’il arrive… Les prophètes le diront et le rediront : si vous ne pratiquez pas la JUSTICE, le sol vous sera enlevé ! Il suffit de lire “ÂMOS, entre autres : « Ils vendent le juste contre de l’argent, le pauvre pour des sandales. Ils écrasent sur la poussière du sol la tête des faibles et font dévier la route des humbles. Fils et père vont vers la même fille pour profaner Mon saint Nom. Auprès de tous les autels, ils se couchent sur les vêtements pris en gage. Dans la maison de leurs ‘ÈLoHîM, ils boivent le vin de ceux qu’ils ont sanctionnés. Et Moi, j’ai détruit devant eux l’Amorite — on retrouve la Montagne des Amorite du v. 7 —, dont la hauteur égalait celle des cèdres et la vigueur, celle des chênes ! J’ai anéanti son fruit en haut e ses racines en bas. Moi qui vous ai fait monter du sol de MiTseRaYîM, Je vous ai fait aller dans le désert pendant quarante ans pour vous donner en héritage le sol de l’Amorite. J’ai suscité des prophètes parmi vos fils et, parmi vos jeunes gens, des nazirs — c’est-à-dire des hommes consacrés à YHWH —. N’est-ce pas cela, fils d’Israël ? — Oracle de YHWH. Mais vous avez fait boire du vin aux nazirs, et aux prophètes vous avez donné cet ordre : “Ne prophétisez pas !” Eh bien Moi, voici que Je vais vous entasser sur place comme on tasse un char plein de gerbes. L’homme agile ne pourra pas fuir, le fort ne déploiera pas sa force, le brave ne sauvera pas son âme. L’archer ne tiendra pas, l’homme aux pieds agiles n’échappera pas, le cavalier ne sauvera pas son âme. Le plus brave s’enfuira nu, ce jour-là, – oracle de YHWH ! » (Am 2,6-16) Autant dire que ça ne plaisante pas ! Alors “ÂMOS est un prophète du Nord, mais on trouve des passages tout aussi durs chez YeSha“eYâHOu/Isaïe et chez YiReMeYaHOu/Jérémie qui, eux, ont prophétisé dans le Sud. Et ce sont toutes ces prophéties qui travaillent les scribes deutéronomistes de l’intérieur alors qu’Israël est en Exil. Ce que vont comprendre et mettre en récit ces scribes, c’est que si Israël est en Exil, c’est qu’il s’est installé, et qu’il n’a pas vécu la GRATITUDE qui lui aurait fait faire mémoire du DON du sol comme un héritage à faire fructifier, et non comme un acquis, comme une appropriation. C’est toujours la même histoire : à partir du moment où on s’installe, où on devient sédentaire, on est tenté de croire que tout est acquis ; on s’endort, on ne fait plus mémoire — pour quoi faire ? — On se divertit, l’histoire, comme la culture, s’évanouit, et on se croit tout permis : puisque les méfaits me réussissent, c’est que HaShèM ne voit rien ! Pô pô pô pô !
Dieu merci, les scribes et les sages d’Israël en exil se rendent donc compte de l’importance essentielle de ne pas s’endormir ! De ne pas devenir esclaves des idoles qui détournent de YHWH, d’une part, et de sa JUSTICE d’autre part. On l’entendra souvent dans les chapitres qui suivent. Mais en attendant, le v. 8, implicitement, relance la MÉMOIRE à travers l’évocation des Patriarches : c’est à eux que HaShèM a juré de donner ce sol ; alors, ne serait-ce que par gratitude vis-à-vis de ces pères qui ont accepté de se mettre en marche, il s’agit d’emprunter le même chemin, à savoir le chemin intérieur que vient éclairer la TORâH de Moïse : LèKh LeKha / OuÇe“Ou LâKhèM ! « Va vers toi / Partez vers vous ! » C’est donc à ce voyage intérieur vers la JUSTICE que nous convoquent ainsi, de manière voilée, ces premiers versets du Deutéronome, en espérant qu’ils nous conduiront jusqu’au choix éclairé de la bénédiction, à la toute fin du livre. À condition évidemment de ne pas nous endormir en route pour devenir des rentiers de nos acquis…
Je vous en souhaite une lecture lumineuse. Nous verrons la suite la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Pas de peuple sans mémoire
Bonjour,
Nous poursuivons la lecture du 1er ch. du Deutéronome à partir du v. 9. Ce v. 9 est très important : juste après avoir rappelé ce que HaShèM avait dit, voilà que Moïse prend la main : « Je vous ai parlé ainsi en ce temps-là : “je ne peux pas, moi seul, vous porter.” » (Dt 1,9)
Alors, à bien se souvenir, on avait eu le même problème en Ex 18 où YéTeRO, le beau-père de Moïse, lui avait conseillé d’instituer des juges pour l’aider à gérer les litiges. À un autre endroit, la même plainte était revenue devant HaShèM en Nb 1, à l’origine de l’institution des 70 anciens chargés de veiller sur le peuple. Comme quoi être pasteur d’un peuple, dès cette époque, n’est jamais simple.
Ceci dit, et c’est là où c’est intéressant, nos v. 10 à 14 reprennent à la fois des éléments, - et de la tradition d’Ex 18, - et de celle de Nb 11 ; et c’est là où l’on voit le tissage qu’opère le rédacteur : il a à sa disposition deux traditions qu’il va tresser entre elles, parce que dans la pensée analogique, la question n’est jamais de ne retenir qu’une seule version sélectionnée contre toutes les autres — une version “vraie” qui rendrait toutes les autres “fausses” —. Pour une pensée analogique, toutes les traditions, qui viennent de diverses sources, ont leur pierre à apporter à l’édifice ; aussi préfère-t-on toujours les associer, les tisser entre elles ; et pour ça, rien ne vaut la composition d’un RÉCIT, encore et toujours, de sorte que ces traditions puissent être MÉMORISÉES en s’abreuvant de la manière la plus riche possible la MÉMOIRE de TOUT ISRAËL.
Redisons-le tellement c’est essentiel : à partir du milieu du xviie siècle en gros, cette forme de pensée analogique s’est vue systématiquement, en Occident, entachée de suspicion ; au point de devenir complètement étrangère à l’intelligence occidentale qui CHOISIRA de ne plus se forger que sur le SEUL principe de l’analyse. Or comme l’analogie est la pensée portée par la CHAIR, annihilez l’analogie et vous annihilez la CHAIR ! Or la CHAIR a ceci d’infiniment précieux qu’elle porte en elle TOUT RÉCIT. Donc, effacez l’analogie, vous effacez la chair, vous effacez les récits, et il ne reste plus que des chiffres ! Raison pour laquelle l’analyste n’a jamais rien à raconter : il décrit, c’est tout. Il parlera du chômage, par exemple, mais jamais des CHOMEURS sur qui il n’a rien à raconter. Il calculera des taux de “pouvoirs d’achat” et réduira les populations qu’il analyse à un parc de “consommateurs” ; il parlera de “ressources humaines” pour faire fonctionner le système, mais jamais d’un PEUPLE à guider — pour aller où ? Il n’en a aucune intuition… ; il s’inquiètera de l’“emploi”, mais restera incapable de dire quoi que ce soit de la valeur humaine du TRAVAIL. Etc. Voilà toute la différence entre la pensée analytique et la pensée analogique. Le philosophe et mathématicien Olivier Rey a de ce point de vue écrit un formidable ouvrage : Quand le monde s’est fait nombre, aux éditions Stock.
Comprenons bien : l’ANALOGIE porte l’ORALITÉ, qui est juste consubstantielle à la nature humaine. Enlevez l’oralité, enlevez le RÉCIT et encore une fois l’homme disparaît parce que sa dimension CHARNELLE disparaît. Cette dimension qui est à la source des relations familiales, claniques et populaires au plus noble sens du terme. Or c’est précisément parce qu’elle est CHARNELLE que la pensée sémitique nous est si précieuse, et à travers elle la TORâH et toute la Bible, jusqu’à Jésus !
Il ne faut donc pas s’étonner que dans une société comme la France, purement rationaliste, la famille soit une notion qui n’ait plus aucun sens ! La transmission étant exclusivement déléguée à l’école, la famille n’est plus que le lieu d’un élevage de marmots et du bien-être qu’on vend à des couples en les rassurant : « ne vous en faites pas, si ça ne marche pas, vous n’aurez qu’à divorcer ! » Et les blessures de la MÉMOIRE que cette négligence de la famille, du clan, du peuple entraîne ? Mais nos élites ne savent même pas de quoi on leur parle en évoquant ces traumatismes ! « Ils n’ont qu’à aller voir un psy ! » Tu parles !
là, il faut peut-être rappeler qu’on doit ce réflexe rationaliste en grande partie à Galilée et à notre Descartes national lorsqu’ils découvrent l’analyse géométrique et mathématique du monde dans lequel l’homme évolue. C’est juste formidable ! Sauf si vous en concluez que le réel, désormais, se réduit à ce que ces analyses en disent. Et là, je vous lis un passage du philosophe Michel Henry dans l’un de ses rares propos relativement compréhensibles — c’est un grand philosophe, un vrai maître à penser, mais c’est vrai qu’en règle générale, il faut s’accrocher pour le lire. « Il s’est produit au début du xviie siècle une immense rupture dans l’histoire des sciences. Jusque-là les hommes croyaient que le monde est le monde sensible, le monde réel : avec des couleurs, des odeurs, des sons. Puis Galilée […] est venu affirmer que les corps n’ont pas de couleur, pas d’odeur, ne sont pas sonores mais qu’ils sont matériels, étendus, qu’ils ont des formes. Or pour connaître ces formes, il existe un savoir qui est la géométrie. Cela suppose que la connaissance sensible n’a aucune valeur, tout au plus un intérêt pratique dans le sens où elle vous permet de ne pas vous brûler lorsque vous approchez la main de la flamme, mais les corps, eux, ne sont pas brûlants. La thèse de Galilée est donc qu’il n’y a de connaissance que non sensible du monde, qui ne saurait être connu que par la géométrie.
[…] Descartes a ajouté que la connaissance géométrique des corps matériels pouvait être exprimée mathématiquement. C’est un progrès décisif qui a déterminé la science moderne et lui a permis de faire un bond en avant considérable. […] À la suite de Descartes, il y a eu bifurcation. Ceux pour qui le savoir est contenu dans la connaissance géométrico-mathématique des corps matériels ont mis entre parenthèses le savoir […] de la conscience par elle-même, de la vie, tout savoir “pathétique” — où l’homme éprouve vraiment qui il est, et l’analogie fait partie de ce processus où l’homme parvient à se dire et à s’élever — qui fait l’homme. » Michel Henry, Entretiens, Sulliver 2007, p. 137-138.
Et c’est vrai qu’on a des textes de Descartes étonnants, comme dans ce passage de ses Règles sur la direction des esprits où il exprime ce que représente, pour lui, être philosophe : « Nous ne deviendrons jamais philosophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d'Aristote, et que nous sommes incapables de porter un jugement assuré sur les sujets qu'on nous propose ; dans ce cas, en effet, ce ne sont point des sciences que nous aurions apprises, semble-t-il, mais de l'histoire. » (René Descartes, Règles pour la direction de l’esprit, iiième règle, 1628). Alors attention, toute la proposition de Descartes n’est pas fausse : inutile effectivement de posséder un savoir encyclopédique s’il ne permet pas de réfléchir par soi-même. Mais là où Descartes pèche, c’est sur son mépris de l’histoire — et de fait, on ne trouve nulle part chez lui de réflexion sur l’histoire. Dans un autre texte, le Discours de la Méthode, il compare l’étude de l’histoire à un voyage dans les pays lointains qui fait oublier la vie concrète. Ce qui veut dire que pour lui, tout ce qui relève de la mémoire est frappé de déconsidération et rejeté sans autre forme de procès.
Or à partir de là, exit la Bible et la foi au profit de la seule raison autonome, de la rationalité pure. Tout ce qui ne rentre pas dans le cadre de la rationalité analytique est insignifiant parce qu’inefficace ; et on arrive ainsi aux portes des Lumières qui se répandent jusqu’à aujourd’hui comme la pensée dominante. Non que le rationnel soit à rejeter — comme le dit Michel Henry, les sciences pratiques sont toutes nées à partir de là ; il serait donc stupide de le nier. Mais ce qui est grave, c’est d’avoir interdit à l’homme, à partir de cette méthode d’investigation du monde, de pouvoir réfléchir sur une autre base qui lui est pourtant essentielle, à savoir l’ANALOGIE, et de lui retirer violemment les récits qui en sont la forme sous prétexte qu’ils ne seraient que des mythes, au sens de légendes, donc de pures inventions nuisant à la « vérité » scientifique, sans âme.
Tout ça pour dire quoi à propos du Deutéronome ? Eh bien pour réaffirmer que l’ANALOGIE — pardonnez-moi de tant insister, mais le Deutéronome, je crois, nous est vraiment donné aujourd’hui pour nous faire une piqûre de rappel — l’ANALOGIE donc, est vraiment ESSENTIELLE à la pensée, non plus seulement rationnelle, mais RAISONNABLE. Or la pensée RAISONNABLE est SAGESSE en ce qu’en s’appuyant sur l’héritage d’une histoire RACONTÉE ; assimilée par la MÉMOIRE, elle sait prendre soin du présent et maintenir ouvert l’avenir des peuples — ce dont ne se préoccupe absolument pas le rationalisme pur, si ce n’est à travers la notion très discutable de « progrès ». On ne revient sur cette question, on en a déjà suffisamment parlé par ailleurs.
Tout ça pour bien montrer que quand le Deutéronome convoque à faire MÉMOIRE, ce n’est pas simplement par effet de style, mais bien pour féconder le présent et engager l’avenir de TOUT ISRAËL sur une trajectoire d’élévation portée de génération en génération ; chaque génération prenant soin des précédentes qu’elle écoute, et des suivantes pour lesquelles elle travaille. C’est là toute la tragédie de la génération d’après guerre qui a décidé qu’elle profiterait de l’instant présent en rejetant l’enseignement de ses pères et en reportant ses gaspillages sur les générations suivantes qui allaient être chargées de payer l’addition. Or comme je vous parle au moment de la crise économique provoquée par la pandémie du Covid-19, l’enjeu est juste essentiel : si on veut repartir sur des bases saines, il faudra revenir à cette mémoire, d’une manière ou d’une autre ! Et là, je ne vois pas comment dire plus clairement comment la TORâH nous montre le chemin de la vraie vie, comment elle nous montre le Christ dont le Deutéronome est la mémoire, donc la nôtre… Le Deutéronome est une MATRICE qui nous est donnée pour nous encourager, par la voix de Moïse, à faire mémoire, encore et encore, sans jamais nous lasser. Ce faisant, il fait une œuvre de sagesse, de vie, et donc de salut. Et il touche la pensée en général à qui il offre de REVENIR AU SENS ! Et pour ça, pas d’autre chemin que l’écoute des récits de nos anciens, pour leur emboîter le pas et nous mettre à notre tour à RACONTER.
Pour le dire autrement, et encore pardon de tant insister, grâce à cette pensée analogique, les rédacteurs tissent le récit du Deutéronome à travers les traditions qu’ils recueillent. Mais c’est pour que chacun d’entre nous ose à son tour se donner pour tâche de raconter sa propre histoire enracinée dans le terroir qui le précède. C’est pour nous ouvrir l’accès à notre propre histoire que le Deutéronome déroule la sienne par la bouche de Moïse ; notre histoire non pas comme une compilation rationnelle d’archives mais comme la REPRISE des événements relus et racontés à la lumière de la mémoire de nos anciens. Une REPRISE qui devient en nous une HISTOIRE SAINTE, c’est-à-dire unifiée, pleine de sens et dont le tissage en un récit va présider notre tempérament, notre caractère et donc nos pensées et nos actes de chaque instant. Savoir se raconter, c’est savoir s’approprier les événements de sa propre vie, non pour le seul plaisir de mieux se posséder soi-même mais pour pouvoir TRANSMETTRE à nos enfants, notre clan, notre famille et notre peuple, l’histoire d’une humanité dont chaque génération se découvre ainsi LIÉE aux autres et à HaShèM ; LIÉE, c’est-à-dire EN ALLIANCE ! Ce que la psychologie rappelle comme essentiel à toute croissance personnelle, en termes d’attachement.
Alors poursuivons la lecture. Simplement remarquer au v. 10 l’expression : « HaShèM, votre ‘ÈLoHîM » typique du rédacteur ; une expression qui reviendra plus de 45 fois au fil des chapitres.
Par ailleurs, concernant la multiplication du peuple devenu « aussi nombreux que les étoiles du ciel », la référence est celle de la prière de Moïse en Ex 32,13, mais fait surtout allusion à la bénédiction prononcée par HaShèM en faveur d’‘AVeRâHâM, en Gn 15,5 ; précisément le chapitre où HaShèM tranche une ALLIANCE avec le patriarche. Comme pour nous dire que cette initiation de l’Alliance trouve, avant même l’entrée en KaNa“aN, un premier accomplissement : ce n’est pas sur le sol de KaNa“aN que le peuple s’est multiplié, mais AVANT, dans le Désert. Donc la bénédiction promise à ‘AVeRâHâM n’est pas liée au sol sur laquelle l’ALLIANCE a été tranchée. Autrement dit, ce n’est pas l’habitation sur le sol de KaNa“aN qui est signe de l’ALLIANCE, mais bien cette APTITUDE SPIRITUELLE À FAIRE MEMOIRE, où que vous soyez, fut-ce en Exil ! C’est cette aptitude spirituelle qui FAIT LE PEUPLE et le fait s’accroître ; qui fonde sur le ROC la maison d’Israël. Autrement dit, c’est cette aptitude spirituelle qui marque charnellement la descendance d’AVeRâHâM, et que saint Paul appellera la FOI. Une FOI qui, par greffe, va marquer à son tour la CHAIR des nations par le Christ Jésus ; des nations qui, par la FOI, recevront donc ‘AVeRâHâM pour père : « Vous êtes fils de Dieu à travers la FOI en Christ Jésus ; vous tous, en effet, qui avez été baptisés en Christ, c’est le Christ que vous avez revêtu. Il n’existe pas de Juif ni de Grec ; il n’existe pas d’esclave ni d’homme libre ; il n’existe pas d’homme ou de femme. Vous tous êtes UN en Christ Jésus. Si alors vous êtes du Christ, par conséquent, vous êtes de la semence d’‘AVeRâHâM, héritiers selon la promesse. » (Ga 3,26-29)
Cet accomplissement, énoncé dès le début du livre, rappelle au peuple que malgré les épreuves traversées, HaShèM est fidèle. De sorte que raconter l’histoire de TOUT ISRAËL au moment où le peuple va prendre un nouvel essor, ne saurait se dispenser de faire mémoire de cette ALLIANCE. C’est par exemple l’objet du Magnificat de la Vierge, en Lc 1,46-56. Marie ne fait rien d’autre, en une magnifique composition très finement ciselée, que de tisser l’histoire en rappelant notamment la bénédiction d’AVeRâHâM en sa descendance ; une descendance qui, par sa MÉMOIRE, assume l’ALLIANCE jusqu’à donner naissance au Messie de HaShèM ! Et donc, à l’image de Marie, il convient à tout chrétien de relire sa propre histoire à la lumière de cette ALLIANCE dont il se trouve être bénéficiaire par son baptême ! Et là, c’est un bon exercice auquel nous convie le Deutéronome : à savoir prendre le temps de discerner quelles sont les promesses de l’ALLIANCE qui, dans notre existence, ont été portées à leur accomplissement ; redécouvrir par là ce que bénit le Seigneur en nous, et décider de l’avenir en fonction du sens qui s’éclaire à la lumière de cette REPRISE de notre histoire. Quand on fait une retraite de discernement par exemple, ce type de REPRISE en constitue l’un des exercices essentiels.
Alors pour en revenir à notre chapitre, Moïse pose donc comme principe que ce qu’a promis HaShèM s’est accompli dans une première phase : le peuple s’est multiplié. C’est lourd à porter, mais le poids du fardeau ne doit pas cacher que cette multiplication du peuple est une bénédiction, précise le v. 11 : « Puisse-t-Il vous faire croître mille fois plus ! » Et ça, aujourd’hui, pour un Juif, c’est une parole d’or : toute la fierté des femmes juives un minimum pieuses ne consiste pas tant à “avoir” des enfants qu’à DONNER des enfants à son peuple en signe de la bénédiction de HaShèM. Et là, il y a de quoi réfléchir pour nous tous. Est-ce que j’ai « eu » des enfants, ou est-ce que j’ai « donné » des enfants ? Et si je les ai donnés, je les ai donnés à qui ? Dit autrement : par quelle mémoire je les nourris ?
Ceci dit, Moïse revient sur le poids de la charge, mais ici, la construction du texte est décisive à percevoir. L’inclusion est évidente entre le v. 9 et le v. 12, ce qui signifie que le point essentiel ici n’est pas que la charge pèse sur Moïse mais, comme l’exprime le v. 11 entre les deux, que cet accroissement du peuple soit une réelle BÉNÉDICTION ! Et dans le cadre de l’Oralité, ça fonctionne très bien !
Ensuite, le v. 13 reprend l’idée d’Ex 18,21 : « Tu distingueras d’entre tout le peuple des hommes capables, craignant Dieu, des hommes sûrs, ennemis du gain. » (Ex 18,21) On est ici sur une notion de justice ; tandis que notre v. 13, lui, est plus sur un propos de sagesse, signe d’une rédaction plus tardive : « Désignez-vous des hommes sages, intelligents et éprouvés pour chacune de vos tribus et je les mettrai à votre tête. ». Autant, si vous voulez, jusqu’à l’Exil, on préfère parler du JUSTE ; autant, après l’Exil, sous l’influence notamment de la culture perse, on s’orientera vers le SAGE. Mais l’idée est la même. Si je vous précise tout ça, c’est pour qu’on perçoive qu’il a fallu du temps pour élaborer ces textes. Et selon qu’on va fixer tel ou tel récit à une époque plutôt qu’une autre, les concepts vont évoluer, quand bien même le substrat du récit demeure.
Le v. 14, lui, relève d’un style assez typique du Deutéronome, à savoir le dialogue : « J’ai parlé ainsi », au v. 8 / et ici : « Vous avez parlé ainsi ». Et de fait, la ratification de la parole de Moïse par le peuple semble être un autre souci de l’auteur : par cette parole — entre autres… je pense aussi à Ex 19,8 : « Tout ce qu’a dit YHWH, nous le ferons ! » ; et puis encore en Ex 24,7 : « Tout ce qu’a dit YHWH, nous le ferons et nous l’écouterons ! » ; tout ça c’est la même veine deutéronomiste — Par ces paroles, donc, le peuple s’est engagé, au sens où il s’est CONSACRÉ à HaShèM dès le désert ; de sorte que ces paroles, prises à témoin, deviennent un élément du procès d’ALLIANCE qui marque les interventions prophétiques en Israël. Une pensée prophétique qui habite profondément l’auteur du Deutéronome, et qui dit en substance : « Avec Moïse, on s’est consacré à HaShèM — soyez saints/consacrés parce que Moi, Je suis saint — ; voilà notre tradition, notre raison d’être ! Alors HaShèM a le droit de nous mettre en procès, non pour nous condamner mais pour faire appel à notre fidélité. » Il faut bien comprendre que cette consécration dans le désert, surtout à partir de l’Exil où Israël en prend plus que jamais conscience, ne constitue ni plus ni moins que sa plus grande fierté ; sa NèPhèSh, c’est-à-dire son âme, sa vie ! »
Alors on poursuit : le peuple s’organise comme une armée ! C’est sûr que si on avance en désordre, on n’ira pas bien loin face à la résistance des habitants du sol de KaNa“aN. C’est alors que paraissent des personnages nouveaux, en tout cas jamais vus auparavant dans les récits de la TORâH, mais qui auront du succès puisqu’on les retrouvera à l’époque du Christ Jésus : voilà donc paraître les fameux « SCRIBES » ! Un par tribu, nous dit-on — ce qui n’est pas grand-chose, mais qui signifie tout de même, à tout le moins, que chaque tribu est considérée comme administrativement autonome. Alors là, il y aurait sans doute beaucoup à dire parce que selon les historiens, on ne peut véritablement parler de SCRIBES au sens institutionnel qu’à partir du ve siècle avant J.-C., c’est-à-dire la période perse. Mais dans la mesure où une écriture existait en KaNa“aN depuis la fin du iie millénaire, inspirée de l’écriture phénicienne, on ne peut pas rejeter totalement l’idée que des scribes aient officié dès les premiers royaumes qui ont composé Israël et Juda. Ne serait-ce que d’un point de vue administratif. Reste néanmoins que l’institution, elle, date bien de l’époque perse ; alors que les Judéens ont adopté cette fois l’alphabet carré consonantique qu’on connaît aujourd’hui et qu’un Moïse, lui, n’a jamais pratiqué. Cet alphabet a été adopté et généralisé sur tout son empire par l’Assyrie. C’est ce qui a donné l’Araméen dont l’hébreu — comme l’arabe du reste — est un dialecte particulier. Il y a d’ailleurs bien des chances pour que, lorsque Josias découvre le rouleau du Temple à partir duquel la TORâH est née, il ait été rédigé en alphabet araméen.
Toujours est-il que cette évocation des scribes rejaillit sur chaque tribu que le récit, quand bien même ce soit anachronique, constitue en région à la manière perse ; au sein donc d’une fédération, avec son administration propre dont les scribes seront les hauts fonctionnaires.
Les v. 16 à 18 inscrivent quant à eux l’interdit de corruption pour un gouvernement JUSTE au sein de chaque tribu à une époque où, après l’installation sur le sol, les dossiers les plus lourds seront entendus par la plus haute juridiction, au lieu choisi par HaShèM. Ceci dit, en ce qui concerne le Royaume du Nord d’avant l’invasion par l’Assyrie, la juridiction suprême était répartie dans plusieurs grands centres sanctuarisés comme SéKhèM, BéYT-‘ÉL, ShîLoH et plus tard DâN ; mais quand les réfugiés d’Israël rejoindront le Royaume de Juda pour se mettre sous sa protection, c’est Jérusalem qui prendra la relève ; de sorte que par le travail de REPRISE, les écrivains de la TORâH pourront dire que ce que visait Moïse, de manière voilée, c’était déjà l’éclosion de Jérusalem. Ce que sous-entend le v. 18.
Une fois cette base constituée, le peuple peut alors quitter l’HoRèV jusqu’à QâDéSh-BaReNé“a, soit les 11 jours de marche précisés au v. 2 ; de sorte qu’on a avec le v. 19 une inclusion qui délimite nettement l’INTRODUCTION du premier ensemble du livre, jusqu’à la fin du ch. 3. En substance : « Faites-face et partez vers vous, peuple désormais consacré à HaShèM ! »
Est-ce que ça a été simple pour autant ? Pas vraiment, et c’est ce que va nous rappeler la suite, que nous verrons la prochaine fois. Je vous souhaite une bonne lecture de ces versets introductifs.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Re: La Bible en tutoriels - Le Deutéronome (père Alain DUMONT)
merci!! quel boulot de votre part , pas encore tout lu mais c'est passionnant
Invité- Invité
Re: La Bible en tutoriels - Le Deutéronome (père Alain DUMONT)
A QUOI SERT LA LOI (Torah)
'' Car si l'héritage venait de la loi, il ne viendrait plus de la promesse; or, c'est par la promesse que Dieu a fait à Abraham ce don de sa grâce.
Car tous ceux qui s'attachent aux oeuvres de la loi sont sous la malédiction; car il est écrit : Maudit est quiconque n'observe pas tout ce qui est écrit dans le livre de la loi, et ne le met pas en pratique.
Et que nul ne soit justifié devant Dieu par la loi, cela est évident, puisqu'il est dit : Le juste vivra par la foi
Pourquoi donc la loi ?Avant que la foi vînt, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée. Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi. La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.'' Ga 3,18,10,11,19,23,24,25,
La loi nous fut donné afin de nous faire réaliser que nous ne pouvons pas la mettre en pratique pour être sauvé et que la loi nous mène à la mort et non à la vie puisque nul ne peut l'observer entièrement.
Elle est venu nous enseigner que sans la foi, nous ne pouvons être sauvé.
La loi nous conduit à Christ.
C'est pourquoi Jésus est venu accomplir la loi pour nous afin de justifier tous ceux qui croiront qu'Il l'a accomplit en leur nom.
Donc c'est pour cette raison que nous sommes justifiés par la foi et non par la loi ou nos bonnes œuvres car nous serons jamais assez parfait pour nous sauver.
Donc, nous ne sommes plus sous la loi mais sous la grâce puisque nous sommes justifiés par la foi en Jésus-Christ.
Mais pour ça, nous devons admettre que nos bonnes œuvres, même notre sincérité à vouloir observer ses commandements ne peuvent nous sauver et nous devons nous repentir car, croire que l'on peut contribuer, c'est insulter Christ en rendant son sacrifice imparfait puisqu'il est écrit;
'' C'est aussi pour cela qu'il peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur.'' He 7;25
Or, nous savons que tout ce que dit la loi, elle le dit à ceux qui sont sous la loi ( Ceux qui ont acceptés Christ, ne sont plus sous la loi), afin que toute bouche soit fermée, et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu. Car nul ne sera justifié devant lui par les oeuvres de la loi, puisque c'est par la loi que vient la connaissance du péché. Ro; 3; 19,20
Où donc est le sujet de se glorifier ? Il est exclu. Par quelle loi ? Par la loi des oeuvres ? Non, mais par la loi de la foi. Car nous pensons que l'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi. Ro 3; 27,38
Car si l'héritage ou le salut venait de la loi, il ne viendrait plus de la promesse; or, c'est par la promesse que Dieu a fait à Abraham ce don de sa grâce. Et si c'est une grâce, ce n'est pas une chose qui nous est due car ce ne serait plus une grâce mais une dette de Dieu envers nous.
Quand Jacques parle de la foi sans les œuvres est morte , il a tout à fait raison.
Mais la foi vient et les œuvres à la suite.
La foi prouve nos œuvres. Par contre, nous pouvons avoir les oeuvres sans la foi authentique ce qui ne prouve pas pour autant que nous sommes sauvés
Mais il faut être sauvé avant de faire des œuvres que Dieu a préparé d'avance pour nous. C'est pour ça qu'il est écrit;
''Car c'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. Ce n'est point par les oeuvres, afin que personne ne se glorifie. Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes oeuvres, que Dieu a préparées d'avance, afin que nous les pratiquions. Eph 2; 8-10
Nous ne pouvons saisir ce qui est dit si ce n'est par l'Esprit.
Est-ce par les oeuvres de la loi que vous avez reçu l'Esprit, ou par la prédication de la foi ?
Comme il est dit d'Abraham;
'' Si Abraham a été justifié par les oeuvres, il a sujet de se glorifier, mais non devant Dieu'' Ro 4;2
Autrement dit, si Abraham a été justifié par les œuvres, nous le pouvons nous aussi et nous pouvons à ce moment nous glorifier et nous n'avons plus besoin du sacrifice de Jésus-Christ.
Mais voyons ce que rajoute l'apôtre Paul.
''Ce bonheur n'est-il que pour les circoncis ( c-à-d ceux qui pensent se sauver par la loi), ou est-il également pour les incirconcis ? Car nous disons que la foi fut imputée à justice à Abraham. Comment donc lui fut-elle imputée ? Était-ce après, ou avant sa circoncision ? Il n'était pas encore circoncis, il était incirconcis. Et il reçut le signe de la circoncision, comme sceau de la justice qu'il avait obtenue par la foi quand il était incirconcis, afin d'être le père de tous les incirconcis qui croient, pour que la justice leur fût aussi imputée, et le père des circoncis, qui ne sont pas seulement circoncis, mais encore qui marchent sur les traces de la foi de notre père Abraham quand il était incirconcis.'' Ro 4; 9-12
Comme vous pouvez lire, Abraham a été circoncis après avoir cru à la promesse et ce n'est pas la circoncision c-à-d , la loi de la circoncision qui L'a sauvé puisqu'il était incirconcis.
Quand il a offert Isaac en sacrifice , il a confirmé par des actes qu'il avait cru à la promesse.
Donc, nous croyons et après nous faisons des oeuvres non pour être sauvé mais parce que nous sommes sauvés et ces œuvres sont notre récompense dans le ciel.
Pouvons nous négliger notre salut parce que nous sommes sauvés?
Loin de là , car ceux qui ont été sauvés et qui ont négligé un si grand salut, seront sauvés comme à travers le feu c'est à dire sans récompense et peut-être une perte de l'héritage qu'il leur était dû.(1Co 3;9-15)
Donc repentons nous et croyons que Christ seul peut nous sauver en s'humiliant et admettant que nous ne saurons jamais assez bon pour nous sauver.
Travaillons à notre salut non pour nous sauver, mais pour les récompenses qui sont offertes à celui qui aura fait la volonté de son maitre. (Ph 2;12)
P.S. Je comprends celui ou ceux qui ne sont pas capables de saisir la grâce sans les oeuvres car moi-même ça m'a pris quelque temps et un cheminement pour en arriver jusque là.
Mais ce n'est que l'Esprit qui peut nous le révéler.
On peut le comprendre intellectuellement sans vraiment le saisir car;
'' Lequel des hommes, en effet, connaît les choses de l'homme, si ce n'est l'esprit de l'homme qui est en lui ? De même, personne ne connaît les choses de Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu.''1Co 2;11
C'est comme mettre la charrue devant les bœufs.
Ce sont les bœufs qui tirent la charrue et non la charrue qui traine les bœufs.
Il en est ainsi de la foi et les œuvres.
Nous ne faisons pas les œuvres pour être sauvé mais parce que l'on est sauvé.
Mais pour ça, nous devons avoir l'assurance de notre salut qui est la preuve que nous sommes sauvés.
Cette espérance, nous la possédons comme une ancre de l'âme, sûre et solide; elle pénètre au delà du voile He 6; 19
C'est la seule façon qui nous confirme que nous faisons les œuvres non pour être sauvé sinon à quoi servirait nos œuvres sinon pour une récompense future.
C'est pour ça que l'apôtre Jean confirme à celui qui a reçu ce témoignage, qu'il est sauvé maintenant, et non qu'il sera sauvé puisqu'il parle au présent;
Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand; car le témoignage de Dieu consiste en ce qu'il a rendu témoignage à son Fils. Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui-même; celui qui ne croit pas Dieu le fait menteur, puisqu'il ne croit pas au témoignage que Dieu a rendu à son Fils. Et voici ce témoignage, c'est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est dans son Fils.Celui qui a le Fils a la vie; celui qui n'a pas le Fils de Dieu n'a pas la vie.
Je vous ai écrit ces choses, afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui croyez au nom du Fils de Dieu. 1Jn 5; 9-13
Et ce témoignage nous l'avons de l'Esprit car;
'' L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Ro 8;16
guy frechette- Avec Saint Benoit
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la foi, le baptême et l’accomplissement des commandements
guy frechette a écrit:A QUOI SERT LA LOI (Torah)
C'est comme mettre la charrue devant les bœufs.Ce sont les bœufs qui tirent la charrue et non la charrue qui traine les bœufs.Il en est ainsi de la foi et les œuvres.Nous ne faisons pas les œuvres pour être sauvé mais parce que l'on est sauvé.Mais pour ça, nous devons avoir l'assurance de notre salut qui est la preuve que nous sommes sauvés.
Bonjour Guy,
vous nous avez fait part d'une doctrine tirée de l'enseignement protestant.
Je préfère l'enseignement du Cathéchisme de l'Église Catholique:
CEC 2068 a écrit:Le Concile de Trente enseigne que les dix commandements obligent les chrétiens et que l’homme justifié est encore tenu de les observer (cf. DS 1569-1570). Et le Concile Vatican II l’affirme : " Les évêques, successeurs des apôtres, reçoivent du Seigneur ... la mission d’enseigner toutes les nations et de prêcher l’Evangile à toute créature, afin que tous les hommes, par la foi, le baptême et l’accomplissement des commandements, obtiennent le salut " (LG 24).
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Re: La Bible en tutoriels - Le Deutéronome (père Alain DUMONT)
Bonjour Gabuzo,
C'est bien gentil d'avoir donner suite à ces commentaires bibliques.
Je tiens à vous dire que premièrement, cette doctrine est avant tout biblique et non protestante.
Ce n'est pas des protestants qui ont écrits ces passages, mais bien l'apôtre Paul.
Si c'est par l'accomplissement des commandements, ceci est en contradiction manifeste de ce qui est écrit dans la bible.
Dites moi Gabuzo;
Quel est l'autorité suprême selon vous?
La Parole de Dieu ou l'église catholique ?
Dans ces commentaires, qu'est-ce qui n'est pas conforme et véridique à la Parole de Dieu ?
Qu'est-ce qui vous empêche de croire à ce que l'apôtre Paul a écrit, à savoir que, Jésus-Christ a tout accomplit parfaitement à la croix?
Pourquoi Gabuzo, refuser ce sacrifice et ce don gratuit?
Ce don est gratuit , vous n'avez qu'à l'accepter et après vous accomplissez les commandements non pour votre propre mérite, mais en reconnaissance , par amour de ce que Dieu a accomplit à la croix pour vous.
Pourquoi refuser ce don si précieux?
Comment échapperons-nous en négligeant un si grand salut ? He 2;3
Pendant que vous en avez encore l'occasion, pourquoi refuser ce si grand salut gratuitement.
Craignons donc, tandis que la promesse d'entrer dans son repos subsiste encore, qu'aucun de vous ne paraisse être venu trop tard.
Car cette bonne nouvelle nous a été annoncée aussi bien qu'à eux; mais la parole qui leur fut annoncée ne leur servit de rien, parce qu'elle ne trouva pas de la foi chez ceux qui l'entendirent
Pour nous qui avons cru, nous entrons dans le repos, Dieu fixe de nouveau un jour-aujourd'hui-en disant dans David si longtemps après, comme il est dit plus haut: Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, N'endurcissez pas vos coeurs.He 4;1,2,3,7
Croyez non en une institution qu'elle soit catholique ou protestante, mais croyez avant tout à la Parole de Dieu et l'Esprit se révèlera à vous.
C'est bien gentil d'avoir donner suite à ces commentaires bibliques.
Je tiens à vous dire que premièrement, cette doctrine est avant tout biblique et non protestante.
Ce n'est pas des protestants qui ont écrits ces passages, mais bien l'apôtre Paul.
Si c'est par l'accomplissement des commandements, ceci est en contradiction manifeste de ce qui est écrit dans la bible.
Dites moi Gabuzo;
Quel est l'autorité suprême selon vous?
La Parole de Dieu ou l'église catholique ?
Dans ces commentaires, qu'est-ce qui n'est pas conforme et véridique à la Parole de Dieu ?
Qu'est-ce qui vous empêche de croire à ce que l'apôtre Paul a écrit, à savoir que, Jésus-Christ a tout accomplit parfaitement à la croix?
Pourquoi Gabuzo, refuser ce sacrifice et ce don gratuit?
Ce don est gratuit , vous n'avez qu'à l'accepter et après vous accomplissez les commandements non pour votre propre mérite, mais en reconnaissance , par amour de ce que Dieu a accomplit à la croix pour vous.
Pourquoi refuser ce don si précieux?
Comment échapperons-nous en négligeant un si grand salut ? He 2;3
Pendant que vous en avez encore l'occasion, pourquoi refuser ce si grand salut gratuitement.
Craignons donc, tandis que la promesse d'entrer dans son repos subsiste encore, qu'aucun de vous ne paraisse être venu trop tard.
Car cette bonne nouvelle nous a été annoncée aussi bien qu'à eux; mais la parole qui leur fut annoncée ne leur servit de rien, parce qu'elle ne trouva pas de la foi chez ceux qui l'entendirent
Pour nous qui avons cru, nous entrons dans le repos, Dieu fixe de nouveau un jour-aujourd'hui-en disant dans David si longtemps après, comme il est dit plus haut: Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, N'endurcissez pas vos coeurs.He 4;1,2,3,7
Croyez non en une institution qu'elle soit catholique ou protestante, mais croyez avant tout à la Parole de Dieu et l'Esprit se révèlera à vous.
guy frechette- Avec Saint Benoit
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Libres par la foi
Bonjour,
Nous poursuivons la lecture du ch. 1 du Deutéronome, et voilà que Moïse fait mémoire du départ du Mont HoRèV avec TOUT ISRAËL, non pas, on l’a vu, selon une chronique répertoriée qu’on suivrait du début à la fin, mais selon ce que Moïse — ou les rédacteurs à qui il prête sa voix — en retient de plus essentiel.
Moïse parle d’abord des ‘ÈMoRî/AmoRites, un peuple nomade redoutable dont les traces remontent à la fin du iiième millénaire avant J.-C. Il occupait principalement la Syrie et KaNa“aN, tout en étant capable de faire des incursions jusqu’en Babylonie où certains ont même fondé une dynastie au xviiie siècle. Hammourabi — dont on connaît le code de lois grâce à la fameuse stèle d’Hammourabi — en est le roi le plus connu. Ils disparaissent de la circulation mais réapparaissent dans des textes assyriens au xe siècle pour désigner les peuples qui habitent entre Palmyre et les monts de KaNa“aN à l’Est du Jourdain — la « montagne des ‘ÈMoRî » des v. 7.19 et 20. Ce sont ces ‘ÈMoRî-là dont parle Moïse.
Or à partir de là survient un thème essentiel à l’auteur du Deutéronome : « Je vous ai parlé ainsi : “Vous avez atteint le Mont des ‘ÈMoRî, que YHWH votre ‘ÈLoHîM nous donne. Vois, YHWH ton ‘ÈLoHîM a donné le sol vers ta face — c’est-à-dire pour toi —. Monte et hérites-en comme YHWH, l’ÈLoHîM de tes pères, a parlé vers toi. N’aie pas peur et ne t’effraie pas. » (Dt 1,21)
Voilà : HaShèM te DONNE ce sol, donc vas-y, CONQUIERS-le ! Or rien que là, on a un principe spirituel essentiel, à savoir que ce que Dieu donne, encore faut-il mettre toute son énergie pour le RECEVOIR ! Rien à voir avec la becquée ! C’est l’exemple du MiDeBaR : HaShèM dit : « Je ferai refleurir le MiDeBaR », ok, mais c’est PAR TOI, Israël ; par le service de la terre que ça se produira ! Si tu ne la travailles pas, elle restera un terrain désolé et ce sera inutile de te plaindre !
Or voyez, on a là, de manière cryptée, un principe spirituel très important au sens où les hommes — et en particulier les sédentaires — ont tendance à penser qu’à partir du moment où un besoin s’exprime dans leur prière, c’est à DIEU de bosser ; avec pour conséquence que s’Il ne répond pas à ce qu’on attend de Lui, on change de crèmerie, évidemment ! Mais non ! Ce que rappelle Moïse, c’est que TOUT est donné sous forme de semence ; et c’est À NOUS de travailler la terre pour qu’elle germe ! Même sens ici : le sol est donné, mais il reste à conquérir au sens d’une mobilisation DE SOI par GRATITUDE pour le don reçu. Rien à voir donc avec le désir prétentieux de conquérir le monde ! Il s’agit, par la FOI, de prendre sa place et de la tenir, point final. Rappelons-nous ‘AVeRâHâM à qui HaShèM dit indissociablement : « Va vers toi, quitte ton sol pour aller vers le sol que je te ferai voir ! » (Gn 12,1) C’est le même message. On pourrait résumer par cette injonction : « HaShèM te DONNE le sol, donc n’aie pas peur de DONNER de ta personne ! » Et on voit bien comment, dans le droit fil de ce chemin spirituel, se prépare le lit de la CHARITÉ — l’amour comme source du DON de soi — enseignée par Jésus qui mène bien ainsi la TORâH de Moïse à son accomplissement. Et par extension, on comprend mieux le sens des premières paroles du pape Jean-Paul ii depuis la loggia de Saint-Pierre de Rome : « N’ayez pas peur ! » Il ne s’agissait pas d’un propos maternant du style : « Mes petits enfants, ne craignez rien, déposez vos fardeaux et laissez-moi vous consoler », mais bien plus virilement : « RETROUSSONS LES MANCHES ! »
Alors c’est vrai qu’on peut aussi se dire que lancer une telle conquête a un côté violent, mais encore une fois, la visée d’Israël n’est pas de conquérir pour devenir les souverains du monde par la loi du plus fort, et ce ne sera jamais le cas. Il s’agit d’un sol bien déterminé — KaNa“aN en l’occurrence — qui, une fois conquis, devra servir de fondation pour l’édification INTÉRIEURE d’Israël ; autour, notamment, de l’exercice des sacrifices dans l’enceinte du Temple qui deviendra la matrice analogique de cette élévation. Si Israël oublie cet impératif d’élévation, il perdra le sol ipso-facto ! Et c’est bien ainsi que les scribes en Exil comprennent ce qui arrive à leur peuple, et qu’ils se mettent à relire leurs traditions pour revivifier son âme : « Va vers TOI ! N’aie pas peur : HaShèM est ton ‘ÈLoHîM : fais en sorte de recevoir l’héritage intérieur qu’Il te destine depuis Moïse, et même depuis ‘AVeRâHâM ! »
Une dernière remarque à propos du v. 21 qui, comme au v. 8 et comme très souvent dans le Deutéronome, passe allègrement du « vous » au « tu ». Ici par exemple : « Je VOUS ai parlé ainsi : “VOUS avez atteint le Mont des ‘ÈMoRî, que YHWH votre ‘ÈLoHîM nous donne. Et puis tout à coup, on passe à la 2e personne du singulier : Vois, YHWH TON ‘ÈLoHîM a donné le sol vers TA face — c’est-à-dire pour toi —. Monte et hérites-en comme YHWH, l’ÈLoHîM de tes pères, a parlé vers toi. N’aie pas peur et ne t’effraie pas. » (Dt 1,21) En fait, il semble que le « VOUS » désigne plus le peuple ayant marché dans le désert, encore un peu disloqué pour ainsi dire ; alors que le « TU » paraît désigner le peuple appelé à s’unifier en un seul CORPS au moment d’hériter du sol, au sens où cet héritage est CONDITIONNÉ par l’UNITÉ de TOUT ISRAËL. Et là, TOUT ISRAËL prend vraiment son sens. La suite montrera a contrario que désunis, ne serait-ce qu’en deux parties, le Nord et le Sud, n’étant donc plus TOUT ISRAËL, le sol sera perdu. On voit donc de nouveau ce verset contient d’ores et déjà, de manière cryptée, toute l’interprétation des événements qui composeront l’histoire d’Israël !
Suit jusqu’au v. 33 le rappel de l’épisode des explorateurs, qu’on a entendu en Nb 13. Sauf que d’après le livre des Nombres, c’est HaShèM qui a demandé qu’on les envoie, alors qu’ici, c’est le peuple qui a émis une requête à laquelle a acquiescé Moïse. Encore une fois donc, pour le même événement, plusieurs traditions. Et comme toujours, la mémoire d’Israël ne choisit pas. Ce qui ne signifie pas que l’événement soit une légende, bien au contraire ! Le fait qu’il y en ait deux témoignages convergents, bien que distincts pour une part, va dans le sens de la véracité de l’épisode ! Dit autrement, les rédacteurs n’ont pas cherché à sélectionner une version “vraie” contre une “version” fausse. On garde les deux parce que, du fait qu’elles sont deux, précisément, elles confirment l’événement. Si on n’en avait retenu qu’une seule, ou si les versions avaient été fusionnées, c’est là qu’il faudrait se méfier ; parce que ce genre de lissage est toujours le signe d’une manipulation : la fameuse “pensée unique”. Or là, on touche précisément une des raisons d’être les plus profonde du Deutéronome en tant que REPRISE finale de la TORâH : en faisant honneur à la pluralité des traditions, les faits inscrits dans la mémoire des pères s’en trouvent corroborés, et donc leur véracité authentifiée. Ça n’est pas rien !
Donc on nous raconte l’épisode, mais surtout la réaction du peuple qui, apeuré face aux statures imposantes des habitants et de leurs villes, refuse de monter pour hériter du sol promis. « Vous n’avez pas voulu ! », une expression qui reviendra plusieurs fois, comme un reproche que la suite du v. 26 confirme : « Vous n’avez pas voulu et vous avez été rebelles contre la bouche de YHWH, votre ‘ÈLoHîM ! » Première réprimande du discours qui en dit long ! C’est sûr qu’au tout début, Israël était parti avec conviction : HaShèM n’était pas avare de manifestations de puissance : ébranlement du cosmos par l’écartement des eaux de la Mer des Roseaux — le YaM SOuPh —, colonne de feu la nuit et colonne de fumée le jour pour précéder la marche du peuple… C’est sûr qu’avec un tel Dieu, on avance d’autant plus volontiers qu’on se dit que rien ne pourra nous arrêter !
Sauf qu’arrivés à la frontière de KaNa“aN, à l’autre bout du désert, c’est fini ! « Maintenant, à vous de jouer ! Plus besoin de manifestations puissantes ! Avancez désormais en exerçant la FOI ! » Ah voilà ! Ceci dit c’est bien joli, mais ça veut dire quoi : « exercer la foi » ?
Eh bien, exercer la FOI, c’est exercer quotidiennement la MÉMOIRE qui pourra dès lors éclairer les pas qu’on aura à faire ; une FOI qui détermine en réalité la SORTIE DE L’ENFANCE pour entrer dans l’âge adulte, ce qui va juste à l’encontre de ce que nos idéologues occidentaux assènent avec prétention en faisant de la Foi le placébo de la science pour les marmots et les imbéciles…
Alors ici, sans doute faut-il s’expliquer : pour l’enfant, papa et maman sont des héros puissants : « Mon papa, c’est le plus fort ! ». Mais quand il s’agit de passer à l’état d’adulte, le rapport aux parents change : il s’agit de les quitter, comme dit la Genèse, non au sens de les abandonner mais de leur emboîter le pas pour vivre sa vie : « Va vers toi ! » Et pour ça, mettre à profit les fondements que leur fréquentation pendant l’enfance aura enracinés en nous. Ce sont notamment les récits écoutés de la bouche des parents et sur lesquels le futur adulte bâtira sa vie. Ces récits sont des histoires homériques, des poèmes, des musiques, des tableaux, que sais-je… dont le rôle est de nous greffer sur la trame qui constitue l’héritage de nos anciens. Mais c’est vrai : fini le temps de la toute-puissance héroïque parentale ; fini le temps où ils rattrapaient toutes nos âneries. Ils sont toujours là, CHARNELLEMENT, en nous, mais c’est en MÉMOIRE puisqu’on les a quittés !
Dit autrement, l’enfant n’entre dans l’âge adulte que dans la mesure où a été creusé en lui un socle de MÉMOIRE suffisamment profond — quel qu’il soit — pour qu’il puisse se dire : « Je peux y aller ! ». Et de ce point de vue, la TORâH, entre autres, est un réservoir magnifique ! Si, en tant que chrétien, vous ajoutez les évangiles, les fondations sont à toute épreuve. Ensuite, vous pouvez compléter par un apprentissage créatif, un apprentissage concret, voire de la philosophie ou de la littérature, que sais-je ? Mais en tout cas, la dimension HISTORIQUE de la mémoire, racinaire pour ainsi dire, ne doit surtout pas manquer, sans quoi les apprentissages seront rendus au rang de pures techniques et l’éducation au rang de seul formatage, ce qui est tout bonnement déshumanisant !
Ceci dit, et c’est le grand mystère de la liberté — son côté obscur —, mais l’enfant reste toujours capable de refuser un tel héritage. Refuser de quitter le refuge de la toute-puissance parentale et reprocher même aux parents de ne plus se conformer à de tels fantasmes ! Ce n’est pas du tout que les parents auraient raté son éducation — l’éducation n’est pas un formatage — mais il y a cette fameuse liberté qui peut certes jouer POSITIVEMENT quand elle accepte de puiser dans la MÉMOIRE pour permettre à la volonté de prendre des décisions de VIE ; mais une liberté qui peut aussi jouer NÉGATIVEMENT quand elle REFUSE de faire MÉMOIRE et engage la volonté sur des chemins exclusivement tournés sur soi, donc des chemins de MORT ! C’est ce qu’on appelle la MAUVAISE FOI. Et ça n’est pas autre chose que ce que Moïse reproche au peuple en ce début de livre : « YHWH votre ‘ÈLoHîM, qui va en face de vous, combattra pour vous, tout comme Il l’a fait en Égypte sous vos yeux. Tu l’as vu au désert : YHWH ton ‘ÈLoHîM t’a porté comme l’homme porte son fils, sur toute la route où vous êtes allés jusqu’à votre venue en ce lieu. Mais à cette parole, vous n’avez pas eu FOI en YHWH votre ‘ÈLoHîM. » (Dt 12,30-32)
Et là oui : face à la mauvaise foi du peuple, HaShèM peut légitimement voir naître en Lui la colère — et pas n’importe laquelle : quand HaShèM se heurte à la mauvaise foi, au sens fort du terme comme ici, Il écume ! Sauf qu’Il est DIEU ; et quand HaShèM écume, ça n’est pas pour laisser courir sa colère. La colère est là pour signifier l’injustice de la réaction d’Israël, l’ingratitude du peuple qui a tout reçu pour s’engager sur le chemin de la vie, mais qui refuse et se referme sur soi comme un ado mal dégrossi ! C’est un CAPRICE en fait !
Ceci dit, comme on l’a vu avec les premiers versets du chapitre, HaShèM est avant tout MISÉRICORDE. Donc Il ne désespère pas ! Ouf ! Ce qui n’empêche que les conséquences mortelles du choix de cette génération doivent être assumées ; et là, c’est pas drôle puisque du coup, Israël va devoir rester dans le MiDeBaR le temps que la génération du refus s’éteigne pour laisser place à la suivante qui, elle, réconciliée avec la MÉMOIRE des pères, puisse prendre cette fois la décision d’avancer.
Mais ça n’est pas tout ! Ce texte est d’une richesse incroyable quand on entend les analogies qu’il met en œuvre. Alors là, on va un peu jouer avec la TORâH — qui ne demande que ça — en mettant en lien non pas des rapports analytiques, scientifiques, mais ANALOGIQUES ; qui ont cette vertu d’être toujours très inspirants, donc vivants. J’ai presque envie de dire : là où l’analyse s’occupe du squelette, l’analogie, elle, se préoccupe de la chair. Et il faut les deux. Une chair sans squelette, c’est de la viande molle ; un squelette sans chair, c’est un coup de trique. Aucun pour racheter l’autre. Mais quand ils sont réunis, alors le squelette permet à la chair de se dresser, et là, c’est vivant !
Du coup, le commencement du dernier livre de la TORâH, nous renvoie analogiquement, entre autres, au commencement du premier. L’indice le plus clair de ce rapport est le « N’ayez pas peur » de HaShèM qui semble répondre au « J’ai eu peur » de ‘ADâM : c’est le même verbe YâRâ‘ en hébreu ! De sorte qu’Israël est présenté ici comme le peuple en qui la peur de ‘ADâM est appelée à se résorber. Le premier péché ne consistait en rien de moins, pour ‘ADâM, que de refuser de mettre sa FOI en HaShèM, avec pour conséquence non pas tant une punition qu’une MISE EN MARCHE hors du jardin — entendons par là : dans le désert. Le désert étant l’anti-jardin, en quelque sorte. Comme si Israël, aux portes du sol promis où coulent le lait et le miel, rejouait le scénario des origines ! En substance : « Monte et mange les fruits de KaNa“aN ! Ne retourne pas en Égypte, car pour mourir, tu mourras ! », dit HaShèM. Mais voilà qu’Israël, face à la difficulté, refuse les fruits de vie et regarde du côté de la mort dont les fruits sont regardés comme agréables et bons à manger ! On avait déjà entendu ça, deux mois après la sortie d’Égypte : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » (Ex 16,3). Et au moment d’entrer en KaNa“aN par le Sud : « Que ne sommes-nous morts sur le sol d’Égypte ou dans ce désert ? Vraiment, il serait mieux pour nous de retourner en Égypte. » (Nb 14,2.4) Et c’est ce que Moïse rapporte au v. 27 : « Vous avez grogné dans vos tentes et vous avez dit : “C’est par haine contre nous que YHWH nous a fait sortir du sol de MiTseRaYîM pour nous livrer aux mains des ‘ÈMoRî pour nous anéantir !” » (Dt 1,27) Vous entendez la mauvaise foi ? Face à l’épreuve qui consiste à devoir désormais discerner la présence de HaShèM par la foi, voilà que le pays qui donnait la MORT devient “meilleur” que le pays où sera donnée la VIE ! Le serpent de la Genèse n’est pas loin !
Dit autrement, au moment où il est arrivé par le Sud aux portes de KaNa“aN, Israël voulait rester un enfant. On l’entend dans l’interprétation qu’il se fait des « fils de ”ANâQîM » qui occupent déjà le sol, au v. 28 — rien à voir avec Star Wars attention ! —. La stature imposante de ces géants n’est en fait rien d’autre que l’image écrasante projetée sur l’adulte par l’enfant qui n’a pas encore pris sa vraie mesure ! Un enfant qui se représente évidemment HaShèM de la même manière !
À ceci près que HaShèM veut se soustraire à cette interprétation infantile et faire en sorte qu’ISRAEL grandisse ! Le moment est venu de se séparer de la vision d’un Dieu à l’image des fantasmes ; d’un dieu qui ne serait qu’un héros guerrier dégageant la route, comme Le présente le v. 31. Au moment d’entrer en KaNa“aN, finie la Nuée lumineuse pendant la nuit, ou la colonne de fumée pendant le jour ; finie l’omniprésence d’un dieu un peu trop ostensiblement provident ! Sauf que… ça fait peur ! « J’ai eu peur », avait dit Adam qui avait alors préféré se rassurer auprès des promesses vides du serpent ! « N’ayez pas peur ! », avait dit Moïse qui rêvait que son peuple soit devenu adulte grâce à la TORâH de l’HoRèV.
Mais non. Israël avait REFUSÉ de donner sa foi en son Dieu Rédempteur ! Avec ceci de terrible que cette décision n’impacterait pas seulement la génération du refus, mais bien TOUT ISRAËL puisque Moïse dit, en s’adressant à la nouvelle génération — celle qui est dans les steppes de MO’âV cette fois : « VOUS n’avez pas mis votre FOI en YHWH ! » (Dt 1,32) Il aurait dû dire : « Vos pères n’ont pas mis leur foi en HaShèM », mais non : il dit bien : « VOUS n’avez pas mis votre Foi en HaShèM !
Et là encore, à mots couverts, c’est très bien vu, parce que c’est là où Moïse coupe court au piège idéologique : l’idéologie dit toujours : « Avant, ILS se sont égarés, mais NOUS, on a tout compris ! » Ici, au contraire, la génération présente assume les choix de la précédente, et agit en conséquence au sens où, s’il le faut, on répare mais on ne se désolidarise pas. C’est donc bien TOUT ISRAËL qui, à travers la décision des pères, se sait ingrat et capable de refuser de mettre sa FOI en HaShèM Sauveur. Sauf que maintenant, la maturité est au rendez-vous, et ça change tout.
Voyez, ce que Moïse raconte ici est juste fantastique ! Il est en train de nous dire — et là c’est un paradoxe pour notre Occident athée — que la LIBERTÉ se détermine PAR LA FOI ! La LIBERTÉ s’exprime à travers le CHOIX DE CELUI EN QUI JE DÉCIDE DE METTRE MA FOI. Ce peut être MOI exclusivement, et là c’est un choix de mort pour moi et pour les autres dont je fais mes esclaves ; ce peut être un autre, à discerner évidemment. Mais ultimement, quand il s’agit de la FOI en HaShèM, le DIEU VIVANT, le DIEU qui, seul, donne la VIE, ça signifie que c’est bien LIBREMENT que l’homme décide de vivre ou de mourir — ce sera la conclusion du livre —, et qu’il impacte par le fait même la vie ou la mort des générations qui le suivent. Là, finie l’enfance ! Fini le « Moi d’abord » et « Après moi le déluge ! » À TOUT ISRAËL désormais de passer en mode ADULTE en se déterminant PAR LA FOI, c’est-à-dire par l’exercice de sa LIBERTÉ en faveur de HaShèM, en faveur de la VIE. Et là, Israël se vit comme la semence du JUSTE Abraham qui, par sa FOI en HaShèM, a impacté par le fait même l’histoire de toute sa semence. Et nous, chrétiens, nous recevons cet héritage par le Christ, ce qu’a magnifiquement compris saint Paul : « C’est selon que ‘AVeRâHâM a eu la FOI que cela lui a été compté comme justice. Comprenez que ce sont les hommes de foi qui sont fils d’‘AVeRâHâM. Et l’Écriture, prévoyant que c’est par la foi que DIEU justifie les nations, a d’avance annoncé à ‘AVeRâHâM cet évangile : toutes les nations seront bénies en toi ! De sorte que les hommes de foi sont bénis avec l’homme de FOI ‘AVeRâHâM. » (Ga 3,6-9) Une FOI qui ne consiste pas seulement à croire que DIEU existe, ce qui n’a aucun intérêt, mais une FOI qui, seule, sait LIBREMENT engager l’homme vers la VIE.
Alors je vous laisse méditer sur cette question, parce qu’elle est essentielle. On reviendra sur la colère de HaShèM la prochaine fois, et nous irons jusqu’à la fin de ce premier chapitre décidément bien instructif.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Re: La Bible en tutoriels - Le Deutéronome (père Alain DUMONT)
Bonjour Mr.Dumont
Je crois qu'il y a une mauvaise interprétation au chapitre 8 de votre enseignement concernant Deutéronome 1; 22,23.
Je ne crois pas qu'il s'agit ici, comme vous le dites de deux versions, deux traditions ou deux témoignages convergents bien que distincts pour une part , mais bien de deux récits contés par le même auteur qui relate le même évènement non nécessairement distinct ou en se convergent , mais plutôt en se complétant l'un à l'autre.
Je m'explique;
Vous dites que :
'' ...d’après le livre des Nombres, c’est HaShèM qui a demandé qu’on les envoie, alors qu’ici, c’est le peuple qui a émis une requête à laquelle a acquiescé Moïse.''
Je crois plutôt que la demande ne vient pas de Yahvé pour envoyer les espions, mais une réponse de Yahvé suite à la demande du peuple à Moise.
Voici comment nous pouvons l'interpréter;
Moise cite;
Et vous vîntes tous vers moi et vous dites : Nous voudrions envoyer des hommes devant nous pour qu’ils explorent pour nous le pays et qu’ils nous fassent rapport sur le chemin par lequel nous y monterons et sur les villes où nous arriverons . Deut. 1; 22
Quoi que cette demande du peuple a été faite à Moise et non à Yahvé, il nous est permis de croire que Moise a certainement consulté Yahvé pour cette demande si importante d'autant plus que le peuple allait à Moise pour consulter Dieu comme nous le voyons dans ce passage;
Et Moïse dit à son beau-père: C'est que le peuple vient à moi pour consulter Dieu. Ex 18;15
Pour revenir à notre texte, Dieu, en accord à cette demande, ordonne à Moise d'envoyer des espions:
Yahvé parla à Moïse et dit : "Envoie des hommes, un par tribu, pour reconnaître le pays de Canaan, que je donne aux Israélites. Vous enverrez tous leurs princes." Nb 13;1,2
Moise obéit:
Sur l’ordre de Yahvé, Moïse les envoya du désert de Parân. Ces hommes étaient tous chefs des Israélites. Nb 13;3
Ce qui parut bon à Moise suite à la demande du peuple et à la réponse de Yahvé ;
Et la chose me parut bonne et je pris douze hommes d’entre vous, un homme par tribu. Deut ; 1;23
guy frechette- Avec Saint Benoit
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Dur dur d'être pasteur !
Bonjour,
alors contrairement à ce que je pensais, on ne va pas terminer le ch. 1 du Deutéronome aujourd’hui, parce que ça ferait une vidéo trop longue. Mais bon. Ça montre aussi que ce ch. est vraiment d’une grande richesse, et ne vous en faites pas, on ira plus vite par la suite.
Ceci dit, on se souvient que, malgré l’attention toute paternelle de HaShèM qui a porté son peuple comme son fils pendant le chemin qui l’a amené aux portes Sud de KaNa“aN, au moment de se prendre en main, voilà que ce même peuple avait REFUSÉ LIBREMENT de prendre possession de l’héritage annoncé, c’est-à-dire refusé en définitive de METTRE SA FOI EN HaShèM, le Dieu de la VIE. Jusqu’à invoquer l’Égypte comme un sol de bonheur !!! Et là, c’est la coupe qui avait fait déborder le vase ! Qu’Israël choisisse, c’est le lot de sa liberté, donc pas de problème en soi. Mais qu’il se mente à lui-même en déclarant l’Égypte comme bonne alors qu’elle n’a cherché qu’à l’exterminer, là, ça s’appelle littéralement de la MAUVAISE FOI. D’où la colère légitime de HaShèM !
C’est ce que va rappeler Moïse à partir du v. 34. Littéralement, HaShèM « écume ». La MAUVAISE FOI est vraiment ce qui le fait sortir de ses gonds ! Or quelle est la sentence ? La même que pour ‘ÂDâM, à savoir que cette génération que HaShèM qualifie de « mauvaise » sera écartée du « bon sol » pourtant promis en héritage. Pourquoi ? Mais à cause des conséquences ! Un don qui n’est pas reçu comme tel sera nécessairement perverti par la convoitise : on le considérera comme un dû, comme un pur capital qu’on se contentera alors de dilapider par seul motif d’ingratitude — rappelons-nous la parabole du Fils Prodigue. Rappelons-nous que la GRATITUDE consiste à se savoir consciemment en dette, non comme un fardeau mais comme une mission : il s’agit de faire fructifier l’héritage reçu pour le transmettre à son tour de génération en génération et prendre conscience que cette dette constitue en réalité ni plus ni moins qu’une source infinie de JOIE.
Alors on a évoqué ‘ÂDâM ; pourquoi ? Parce que ce processus d’ingratitude est au cœur du péché dont le détonateur est la convoitise : Pourquoi la Genèse raconte-t-elle que ‘ÂDâM et H.aWWâH/Ève sont chassés du jardin par HaShèM ? Parce que la consommation de l’Arbre de la Connaissance du Bonheur et du Malheur les a introduits dans le vortex de la convoitise et qu’il ne faut surtout pas, dans le même élan mortifère, manger de l’Arbre de la Vie par convoitise, sans quoi la VIE elle-même sera exploitée, gaspillée comme un pur objet de consommation et donc détruite. Raison pour laquelle HaShèM les éloigne tous deux du jardin. C’est vécu comme une punition, mais c’est en fait un acte infini de miséricorde, dans la mesure où, sans cette décision divine, c’en était tout simplement fini de la création ! Alors on est d’accord, c’est un mythe, mais c’est en tous les cas vachement bien vu et drôlement bien raconté ! Quelle sagesse ! Il faut être soi-même passé par bien des épreuves et avoir expérimenté la miséricorde de HaShèM pour pouvoir écrire des chefs-d’œuvre pareils !
Toujours est-il qu’ici, Israël refuse le don ; ok. DONC, si on a compris, il faut, par miséricorde, l’éloigner de l’héritage qu’il ne perçoit pas comme tel ; lui laisser le temps de mûrir par la marche, en espérant que la génération suivante s’ouvre, elle, à la gratitude qui est la marque d’une existence parvenue à l’âge adulte.
Qu’on le veuille ou non, c’est toujours la même histoire : une chose est de DONNER, autre chose est de RECEVOIR. Mais c’est la réception qui fait porter au don les fruits qu’il promet ! Pas de réception, pas de fruit. En tout cas pas de fruit qui demeure, comme dira Jésus ; c’est-à-dire des fruits qui bénéficient à tous, et pas seulement à quelques profiteurs.
Vraiment, cette disponibilité au DON est une donnée essentielle, et pour tout dire incontournable pour entrer dans la vie adulte, et donc dans une véritable vie SPIRITUELLE. L’ESPRIT, dans la Bible, n’est pas l’intelligence mais le lieu de la COMMUNION, que ce soit avec DIEU ou avec le PROCHAIN. Même l’ESPRIT SAINT : l’Esprit Saint naît de la COMMUNION DU PÈRE ET DU FILS, et RECEVOIR CET ESPRIT, c’est entrer dans le mystère de cette communion d’amour qui déborde sur toute notre vie, sur tous les CHOIX qui l’orientent vers son accomplissement.
Or voilà précisément ce qu’esquive cette génération. Et la question, redisons-le, n’est pas d’avoir entériné ou non tel ou tel choix. À la limite, on pourrait dire à HaShèM : de quoi Te plains-Tu ? N’est-ce pas Toi qui as fait l’homme libre à Ta ressemblance ? Mais le problème n’est pas là. Le problème est qu’ISRAËL a prétendu que l’Égypte était dans le fond meilleure dans sa volonté d’extermination que le bon sol de KaNa“aN à conquérir ! C’est la MAUVAISE FOI d’ISRAËL qui fait écumer HaShèM de colère et qui Le fait traiter cette génération de MAUVAISE au v. 35 ! C’est la révision perverse de la mémoire utilisée pour légitimer un choix de mort alors même que cette mémoire, relue en vérité, devrait permettre à TOUT ISRAËL de prendre son envol en montant sur les épaules de ses pères pour « aller vers soi » en vérité et aller vers le sol que HaShèM lui montre.
Alors néanmoins, rappelle le v. 36, il y a eu KâLéV dont nous avait effectivement parlé Nb 14. KâLéV et YeHOShOu”a/ Josué avaient déchiré leurs vêtements en signe de deuil en disant : « Ce sol est bon, très bon ! HaShèM nous donne le sol ! Ne vous révoltez pas contre HaShèM, et n’ayez pas peur du peuple de ce sol ! HaShèM est avec nous ! » (Nb 14,8-9) Mais non, rien n’y avait fait.
Du coup, KâLéV, lui, était entré par le sud au moment où la génération de mauvaise foi, elle, a été refoulée vers le désert. Alors pour la petite histoire, on a ici la trace d’une tradition du Sud qui se souvient de l’entrée sur le sol d’un groupe rattaché à la vénération fidèle de HaShèM, sans qu’on sache grand-chose de plus. Là, voyez, on perçoit que HaShèM était connu de plusieurs clans ; et tout le travail du Deutéronome est de faire en sorte que tous ces clans se rassemblent pour invoquer d’un seul cœur le Nom de HaShèM.
Alors pour en revenir au récit de Moïse dans notre ch. 1 du Deutéronome, la suite s’accroche à YeHOShOu”a qui devient le personnage clef de l’entrée en KaNa“aN par l’Est, cette fois, à partir des steppes de MO’âV ; mais qui, ce faisant, ne fait que mieux mettre en exergue le fait que Moïse, lui, n’y entrera pas, comme le rappelle sèchement le v. 37 : « Contre moi aussi YHWH a fulminé à cause de vous : “Toi non plus, a-t-Il dit, tu n’y entreras pas !” » (Dt 1,37). La sentence prononcée sans raison apparente n’a évidemment pas manqué d’interroger les commentateurs, tant Juifs que chrétiens. Et sans doute est-il nécessaire de reprendre les éléments du dossier pour essayer malgré tout de comprendre.
Revenons à Nb 13 : les explorateurs envoyés par Moïse en KaNa“aN sont revenus de leur mission. Ils décrivent un pays puissant qui enthousiasme certes KâLéV, mais qui décourage les autres : « Le sol que nous avons parcouru pour l’explorer est un sol qui mange ses habitants ! Tous les gens que nous y avons vus sont des hommes de haute taille… nous étions à nos yeux comme des sauterelles ! » (Nb 13,32-33) Là-dessus, le peuple se met en colère contre Moïse : « Pourquoi YHWH nous fait-il entrer sur ce sol pour tomber par le glaive, tandis que nos femmes et nos enfants deviendront un butin ? Ne vaudrait-il pas mieux pour nous retourner en MiTseRaYîM ? » (Nb 14,3) Et là, colère de HaShèM explose : « Jusques à quand ce peuple va-t-il me mépriser ? Jusques à quand ne croiront-ils pas en Moi malgré tous les signes que j’ai opérés au milieu d’eux ? » (Nb 14,11) Du coup, intercession de Moïse : « Ne fais pas mourir ce peuple ! » avec l’argument qui décidément me plaît trop, tellement il est oriental : « Qu’est-ce qu’ils vont dire les voisins ? » : « Si tu fais mourir ce peuple comme un seul homme, les nations qui ont entendu parler de toi diront : “C’est parce que YHWH n’était pas capable de faire entrer ce peuple dans le sol qu’Il leur avait promis par serment qu’il les a immolés dans le désert !” » (Nb 14,15-16) Et là, on pourrait croire que HaShèM se laisse toucher, sauf que l’affront est grave. Certes, HaShèM veut faire miséricorde : il le dit, toujours en Nb 14, à partir du v. 20, mais il revient sur la gravité de la faute au v. 26 en les accusant d’être une « mauvaise communauté ». Que veut-il dire ?
La COMMUNAUTÉ, on l’a vu à propos du Lévitique, c’est l’hébreu “éDâH, qui vient soit de la racine Yâ“aD, se rassembler, soit de la racine “OuD, prendre à témoin. Or vous vous souvenez : l’hébreu ne choisit pas ; il tisse et associe tout ce qui peut l’être par analogie ; du coup, “éDâH, c’est le peuple dont le rassemblement se fait sur le partage d’un même TÉMOIGNAGE vis-à-vis de HaShèM à la face des nations ; et c’est ce qu’on veut dire en traduisant par COMMUNAUTÉ. Ceci dit, pour témoigner, on a besoin de quoi, sinon de la PAROLE ? Ce qui veut dire que ce qui constitue Israël en COMMUNAUTÉ, c’est bien la PAROLE dont ce peuple est porteur, qui n’est rien d’autre que la PAROLE de HaShèM reçu à travers la TORâH de Moïse. Cette PAROLE que porte Israël comme un seul CORPS communautaire.
Donc une « mauvaise communauté », ce n’est pas une « méchante communauté », mais une communauté dont le témoignage est mauvais ; une communauté de MAUVAISE FOI. Comment remédier à cela ? Et là, l’épreuve retombe sur Moïse : il faut qu’il soit un intercesseur JUSQU’AU BOUT !
Sur ces entrefaites, le livre des Nombre donne diverses prescriptions, jusqu’au ch. 20 qui raconte la mort de MiReYâM, la sœur de Moïse, et à nouveau un épisode de manque d’eau… aux conséquences dramatiques puisque c’est à l’issue de cet épisode que YHWH entérinera définitivement sa sentence : ni Moïse, ni ‘AHaRoN n’entreront sur le sol promis. ‘AHaRoN mourra d’ailleurs quelques versets plus loin dans le même chapitre. Or c’est précisément à cette décision définitive que Moïse fait allusion en Dt 1,37 : « Contre moi aussi YHWH s’est mis en colère à cause de vous : “Toi non plus tu n’y entreras pas !” » (Dt 1,37) Et là, toute la question est de comprendre pourquoi « à cause de vous ! » ?
Il faut, pour ça, relire le récit du livre des Nombre de manière un peu serrée, mais on va voir que ça vaut la peine. Le peuple arrive dans le désert de TsîN et là, le v. 1 du ch. 20 des Nombres dit : « Les Fils d’Israël, toute la COMMUNAUTÉ, arrivèrent au désert de TsîN… et le peuple s’établit à QaDèSh. » Très bien. Faites bien attention aux termes que je vous mets en majuscules.
Or voici que le récit se poursuit et raconte que la communauté n’ayant pas d’eau, elle « SE CONVOQUE contre Moïse et contre ‘AHaRoN » (Nb 20,2), du verbe QâHaL, appeler, convoquer, qui donne le substantif QaHaL, la CONVOCATION. La CONVOCATION ne constitue pas par elle-même une COMMUNAUTÉ. La CONVOCATION, c’est simplement la somme des individus qui se rassemblent, mais sans qu’il y ait cette unité de cœur qui fait proprement la COMMUNAUTÉ.
Toujours est-il que, cherchant querelle à Moïse, la COMMUNAUTÉ n’est plus préoccupée par le témoignage qu’elle est appelée à porter. Du coup, elle se délite pour n’être plus qu’une CONVOCATION, un rassemblement revendicateur… Dès lors, Moïse et ‘AHaRoN s’en dégagent, dit le v. 6, et courent se réfugier devant HaShèM. Et Celui-ci de leur dire : « Prends le bâton et CONVOQUE la COMMUNAUTÉ, puis vous parlerez au rocher sous leurs yeux pour qu’il donne ses eaux… et tu feras boire la COMMUNAUTÉ et son bétail. » (Nb 20,
Sauf… que Moïse et ‘AHaRoN n’y croient plus… Une grande lassitude les envahit, de sorte qu’ils vont, par dépit, rassembler non pas la COMMUNAUTÉ mais seulement une CONVOCATION : « Et ils CONVOQUÈRENT, Moïse et ‘AHaRoN, la CONVOCATION devant le rocher. » (Nb 20,10). Le texte est très précis ! À sa manière, il nous dit que, découragés, Moïse et ‘AHaRoN ne croient plus que ce ramassis qu’ils ont fait monter d’Égypte puisse rendre témoignage, c’est-à-dire être cette COMMUNAUTÉ de PAROLE qu’attend HaShèM. Une parole qu’il aurait suffi de prononcer FACE AU ROCHER, au nom du peuple, pour que l’eau jaillisse du rocher ; mais non : Moïse décide de le FRAPPER avec le bâton comme à RéPhiDîM, raconté dans le livre de l’Exode au ch. 17. Et le miracle se produit, comme à RéPhiDîM. Et la COMMUNAUTÉ boit, dit le v. 11.
Sauf que là, de manière inattendue, HaShèM s’enflamme contre Moïse et ‘AHaRoN : « Vous n’avez pas cru en Moi pour faire éclater ma sainteté aux yeux des Fils d’Israël — c’est-à-dire par la proclamation de ma Parole —. Eh bien ! vous ne ferez pas entrer cette CONVOCATION sur le sol que Je leur ai donné » (Nb 20,12) Et c’est là qu’il faut entrer dans toute la subtilité du texte : HaShèM est en train de dire que ce n’est pas en tant que simple CONVOCATION qu’Israël doit entrer : ça ne suffit pas ! Si Israël entre sur le sol promis, ce doit être en tant que COMMUNAUTÉ ! Mais pour ça, il faut que ses pasteurs l’élèvent jusque là, ce que Moïse et ‘AHaRoN vont négliger, et les conséquences seront terribles.
Dans le fond, le reproche HaShèM à Moïse et ‘AHaRoN pourrait s’expliciter de la manière suivante : « À cause de vous, le peuple ne se perçoit plus comme COMMUNAUTÉ de cœur mais comme simple CONVOCATION formelle ! Moi, Je le vois toujours comme COMMUNAUTÉ, mais vous, vous ne croyez plus en lui, de sorte que lui-même ne croit plus qu’il soit capable d’être cette COMMUNAUTÉ constituée par ma Parole dont Je veux qu’il soit le témoin. Je vous ai demandé, à toi et ‘AHaRoN de le convoquer comme COMMUNAUTÉ, c’est-à-dire capable de voir et de témoigner de la puissance de ma PAROLE ; et que renaisse en eux le désir d’en être les témoins. Raison pour laquelle Je t’ai dit : “PARLE au rocher” ! Témoigne, toi, de la puissance de cette Parole dont le peuple est appelé à être le témoin ! Mais toi, tu as FRAPPÉ le rocher, simplement pour qu’advienne de l’eau, et l’eau est venue parce qu’il faut bien qu’ils boivent… Mais dès lors, à cause du doute qui vous a habités, toi et ton frère, le peuple qui vous écoute comme de vrais prophètes ne se perçoit plus QUE comme une simple CONVOCATION formelle. Ce n’est pas parce que Je l’ai renvoyé au désert qu’Israël est déchu de l’élection ! Et tu ne peux pas décider par toi-même de le rétrograder de l’État de COMMUNAUTÉ à celui de simple CONVOCATION ! Car dès lors, c’est interdire même à la génération suivante d’entrer, car Israël ne peut entrer sur le sol de la promesse qu’en tant que COMMUNAUTÉ de témoignage. Là est la mission que moi, HaShèM, Je lui attribue. Tu ne peux, fut-ce par lassitude, décider du contraire ! »
Voilà la faute de Moïse… et c’est vrai qu’à son niveau, c’est grave ! Un peu comme si le pape se mettait à douter de l’Église… Que ce soit vous ou moi qui doutions, l’impact est mineur, ça ne porte pas à conséquences. Mais si c’est le Pape qui doute, c’est autre chose ! Entre lui et nous, le doute est de même nature mais les conséquences ne sont pas les mêmes au niveau de l’impact sur le peuple que constitue l’Église : n’est-elle qu’une CONVOCATION formelle d’adhérents — comme on adhère à un parti politique — ou est-elle une COMMUNAUTÉ de cœur, une communauté de témoignage à la face des nations ? Or le regard du pape sur notre COMMUNAUTÉ est ici d’une importance vitale ! C’est en ce sens qu’il est, de manière toute singulière, le vicaire du Christ. Même chose pour Moïse par rapport à la COMMUNAUTÉ D’ISRAËL. Toujours est-il que cette lassitude de Moïse à un moment où il eût dû être fort signe pour lui la fermeture des frontières. Alors ne vous en faites pas, comme dit saint Paul : de tout mal, HaShèM fait sortir un bien, et ce sera le cas. Mais en attendant, Moïse prend la nouvelle comme un coup de batte en pleine figure ! Et le v. 38 d’insister : c’est donc bien YeHOShOu”a qui fera pénétrer Israël en KaNa“aN.
Alors peut-être vous dites-vous que c’est un peu trop subtil, tout ça. Mais que nenni ! Ça interroge la qualité intérieure du peuple d’Israël qui écoute le récit au moment de l’Exil, tout autant que notre appartenance à l’Église : Israël en Exil se conçoit-il comme une simple CONVOCATION ou comme une COMMUNAUTÉ DE TÉMOIGNAGE ? Et nous chrétiens qui sommes les pierres vivantes de l’Église, nous percevons-nous comme une simple CONVOCATION ou formons-nous une COMMUNAUTÉ de cœur, une COMMUNAUTÉ de TÉMOIGNAGE à la face des nations ? Parce que dans le premier cas, l’Église devra vite se convertir, sans quoi elle disparaîtra ! C’est ce qu’avait d’ailleurs demandé le pape Jean XXIII à l’occasion de Vatican II. En revanche, dans le second cas, ce que j’espère et ce qui semble être le cas aujourd’hui — comme ça l’a été à d’autres moments de renouveau dans l’Église / je pense à saint François d’Assise, à Sainte Thérèse d’Avila, à saint Ignace de loyola, à l’école française de spiritualité, etc. Dans le second cas donc, si l’Église aujourd’hui, toutes confessions confondues, se vit comme une COMMUNAUTÉ DE CŒUR, une COMMUNAUTÉ DE TÉMOIGNAGE fondée sur le roc de la Parole du Christ Jésus, alors l’avenir est grand ouvert devant elle et devant le monde ! Les inondations pourront venir et frapper la maison, elle ne sera pas ébranlée, comme dit Jésus dans la parabole de la maison fondée sur le roc. Donc j’espère que vous sentez combien le message de ce passage du Deutéronome n’est pas anodin et valait bien une vidéo à part entière.
Bon alors pour terminer en ce qui concerne Moïse, il n’est pas coupable de tout ! Parce qu’on l’a vu, le peuple était lui-même habité par la MAUVAISE FOI. Mais voilà : Moïse aurait dû espérer contre toute espérance. Et parce qu’il n’a pas été jusque là, jusqu’où HaShèM voulait qu’il aille en son Nom, eh bien… il n’entrera pas sur le sol promis. C’est dur ! Mais souvenons-nous que même de cette sanction, HaShèM fera germer un fruit de salut. Ouf ! On verra ça en son temps.
Alors je vous laisse sur cette question. Nous achèverons vraiment le chapitre la prochaine fois. Demandons en attendant à saint Moïse d’intercéder pour que l’Esprit Saint illumine la nature de notre attachement à l’Église du Christ Jésus : une simple CONVOCATION formelle, ou une COMMUNAUTÉ de cœur, une COMMUNAUTÉ de témoignage qui, dès lors, Nous engage à traverser le Jourdain — le baptême — pour devenir des témoins du Christ Ressuscité ? Essayons de ne pas donner une réponse purement intellectuelle, parce que je sais qu’intellectuellement, on est tous d’accord pour la seconde proposition. Mais ça ne suffit pas : la réponse se trouve dans les faits : est-ce que chaque jour, je témoigne en paroles et en charité, en union avec la COMMUNAUTÉ de l’Église, de mon appartenance CHARNELLE au Christ ? Est-ce que ce soir, je pourrai goûter la joie d’inscrire sur un papier le nom des personnes devant qui j’aurai porté ce témoignage aujourd’hui, au nom de mon Église et du Christ Jésus ? Là, je verrai si je suis de bonne foi, ou si je dois à mon tour repartir un peu au désert, pour faire une retraite, par exemple…
Quoi qu’il en soit, je vous souhaite une lecture féconde de ces quelques versets. Nous verrons la fin du chapitre la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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YHWH est un Dieu patient
Bonjour,
Nous terminons aujourd’hui — enfin — le ch. 1 du Deutéronome. Donc Moïse vient de rappeler la notification sans appel de HaShèM lui interdisant définitivement d’entrer en KaNa“aN, ce qui prendra effet à la fin du livre. Le récit met alors brièvement en scène, au v. 38, le fameux YeHOShOu”a/Josué dont la renommée subsistera comme celui par qui ISRAËL a pu pénétrer en KaNa“aN en traversant le Jourdain pour recevoir son héritage. L’expression « Il se tient devant ta face » présente YeHOShOu”a comme serviteur et disciple de Moïse. Ce qui veut dire qu’en venant au-devant de la scène, il ne prend pas la place de Moïse ; pas plus que Moïse qui se tient « devant la face de YHWH » ne prend la place de HaShèM. Mais de la même manière qu’écouter Moïse qui se tient « devant la face de YHWH », c’est écouter HaShèM ; eh bien : écouter YeHOShOu”a qui se tient « devant la face de Moïse », ce sera écouter Moïse.
Puis dès le v. 39, retour à l’injonction au peuple ; et là, c’est vrai que le style surprend : qui est-ce « VOUS » à qui Moïse raconte ? On dirait qu’il s’agit de la génération de l’HoRèV, puisque Moïse reprend ici les termes du ch. 14 du livre des Nombres. Sauf qu’ils sont déjà tous morts pour laisser la place à leurs enfants qui, à ce stade, sont donc nécessairement les auditeurs du récit… Vraiment étrange !
Alors c’est encore une fois assez subtil, mais en fait, on a là la mise en œuvre de ce qu’on reconnaît en christianisme comme la « communion des saints ». En s’adressant aux enfants comme s’il apostrophait leurs parents, Moïse nous dit CHARNELLEMENT que la génération du MiDeBaR ne saurait être purement et simplement évincée sous prétexte qu’elle serait la “génération coupable”. Trop facile : « C’est nous qui entrons, donc c’est nous les meilleurs ! C’est nous que HaShèM bénit, et tant pis pour les pères ! » NON ! Du reste, c’est un réflexe d’immaturité très courant… on attribue à Georges Clémenceau cette remarque : « En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. » C’est une manière de se mettre en valeur : « Moi, j’ai tout compris ! » Ça s’appelle « refaire le monde », avec nous au centre. C’est une RELECTURE, mais c’est justement pour nous éviter de tomber dans ce piège de la survalorisation inutile de soi que Moïse, précisément, prend le contrepied !
Quand elle dénonce les fautes des pères, la TORâH pose un acte de vérité qu’on ne trouve que très rarement. Le seul exemple du même genre qui me vient à l’esprit sont les demandes de pardons lancés par Jean-Paul ii pendant l’An 2000, concernant les débordements de l’Église Catholique au cours de l’histoire. Il ne s’agissait pas de dire que les agissements des anciens sont répréhensibles pour suggérer qu’on serait meilleurs aujourd’hui. Il s’agit tout au contraire d’assumer ces agissements pour, dans la mesure du possible, réparer ce qui peut l’être en étant conscient que, si nous avions été à leur place, nous n’aurions assurément pas fait mieux. C’est RELEVER ce qui a pu chuter ; c’est mettre une espérance là où une vision manichéenne susurre diaboliquement qu’on appartiendrait au clan des sages contre ceux qui appartiendraient au clan des fous. Pas de ça dans l’Église, pas de ça dans la TORâH !
Moïse a conscience que la génération du désert ne se résume pas à son refus franchir la frontière Sud de KaNa“aN — elle a tout de même suivi Moïse, traversé le YaM SouF, marché difficilement dans le désert, etc. Alors ok, elle semble avoir râlé tout du long comme le rappelle quasiment à chaque chapitre le livre des Nombres. Mais le rédacteur se sent solidaire de la génération du désert, et il veut l’entraîner avec TOUT ISRAËL dans le grand mouvement d’unification et d’élévation qu’il poursuit en rédigeant la TORâH qui est tout autant la TORâH des justes que la TORâH des pécheurs !
Mais allons plus loin. Il y a dans cette apostrophe de Moïse à la génération qui va franchir le Jourdain, la conscience d’une marque inscrite à jamais dans la chair de TOUT ISRAËL — entendons par là toutes les générations d’Israël, et qui relève de l’ordre d’un péché originel. « [Vous] n’êtes pas différents de vos pères ! », dit en substance Moïse ; « et ce n’est que par l’acquiescement de VOTRE foi que vous bénéficierez de la bénédiction qu’ils n’ont pas su faire advenir pour eux-mêmes, suite à leur REFUS. Mais si vous mettez votre FOI en HaShèM qui vous donne le sol en héritage, par VOUS adviendra alors la bénédiction, et cette bénédiction rejaillira avec bonheur sur VOS PÈRES. Aujourd’hui, vos pères attendent de vous que vous fassiez advenir pour eux — car ils vivent en vous — cette bénédiction. » Et c’est là que s’avère précieuse cette manière proprement biblique de concevoir l’histoire, non pas comme une suite temporelle qui acheminerait mécaniquement du passé au présent puis du présent au futur ; mais l’histoire comme un PROJET À ACCOMPLIR. De sorte que le temps se conjugue entre ce qui, dans ce projet, est d’une part d’ores et déjà accompli, et d’autre part ce qui ne l’est pas encore. Du coup, le présent habite autant ce qui est inaccompli, c’est-à-dire ce qui est porté en germe dans chacune de nos actions ; et ce qui est déjà accompli, c’est-à-dire ce qui a déjà porté ses fruits. Ça n’est jamais exclusivement « ou passé, ou futur » ; c’est toujours en devenir, en croissance, en ALLIANCE ! MAIS c’est à condition de ne jamais oublier ses racines ! Il ne faut pas confondre avec le « progrès » : le progrès rejette ses racines ; il les oublie ; il ne les écoute pas. Donc il construit sans fondation, de sorte que quand l’inondation paraît, tout s’effondre et il ne reste rien, puisque tout a été oublié. Le PROJET d’ALLIANCE de HaShèM, lui, ne bâtit rien sans fonder la moindre élévation sur les fondations profondes et solides de la MÉMOIRE. Une mémoire qui n’est pas reléguée au musée, mais une mémoire VIVANTE, qui fait vivre, qui relève, qui nourrit, qui voit grand en même temps qu’elle se met au service des générations qui suivent.
Du coup, ce qui est déjà accompli n’est pas pour autant “passé” : ça reste PRÉSENT AUJOURD’HUI puisque la génération présente en vit. Et de la même manière, ce qui n’est pas encore accompli n’est pas “futur”, mais EN TRAIN de s’accomplir AUJOURD’HUI, en germe, ; un AUJOURD’HUI auquel se rendent donc contemporaines toutes les générations, présentes, antérieures comme postérieures. Voilà ce qui fait l’ALLIANCE. Voilà ce qui fait la beauté de cette génération du désert puisque c’est en s’appuyant sur sa MÉMOIRE, sur ses plus grands moments — elle a tout de même vaincu bien des ennemis, établi les bases du sanctuaire, d’une manière ou d’une autre ; posé avec Moïse et ‘AHaRoN les fondations d’Israël qui permettront non seulement d’entrer en KaNa“aN, mais d’y célébrer HaShèM comme il se doit et devenir ainsi la Nation Consacrée qui deviendra la Lumière des Nations par le Christ Jésus. Ça n’est pas rien ! Alors oui, il y a eu des moments moins glorieux, et alors ? Faut-il les effacer pour autant ? Non ! Parce que même de ces moments difficiles, HaShèM peut faire sortir un BIEN ; et la génération de la fin du désert en est le signe : si elle entre sur le sol promis, ce n’est pas qu’elle est plus vertueuse que ses pères, mais c’est parce qu’elle apprend d’eux comment ne pas tomber dans les mêmes ornières ; et elle sait, cette génération présente, qu’elle tombera elle-même dans des fondrières, et alors ? Elle aura mis en évidence que les routes oublieuses de HaShèM mènent à des impasses, ce qui permettra aux générations suivantes de pouvoir explorer d’autres pistes, comme celle qu’ouvre le Deutéronome par exemple. Le tout étant habité d’une GRATITUDE essentielle qui fait l’ÂME DES PEUPLES, la VIE DES PEUPLES.
Voilà donc, entre autres, ce que signifie ce paradoxal « VOUS avez répondu et VOUS m’avez dit » du v. 41. Ça paraît peut-être compliqué, parce que c’est une autre manière de penser que la nôtre. Mais en fait, c’est très concret, et c’est très opérant ! Ça élève parce que ce genre de considération rassemble ; elle n’exclut pas ; elle ne rejette pas la faute d’une génération sur une autre ; en Israël, aucune génération n’oublie ce qu’elle doit à la précédente, aussi imparfaite qu’elle ait pu être ! On pourrait dire que cette pensée est INCLUSIVE ; elle RASSEMBLE toutes les générations dans la COMMUNION des JUSTES, dans la communion des SAINTS, ce qui est le signe qu’elle est INSPIRÉE. Elle ne dit pas que tout le monde est parfait ; elle solidarise les JUSTES avec les INJUSTES dans une réalité FRATERNELLE : « Un frère appuyé sur un autre frère est une forteresse ! » (Pr 18,19). Et ce faisant, elle prépare déjà l’accomplissement que Jésus scellera dans Passion et sa Résurrection.
Voyez, ce type de pensée est en fait le signe d’une véritable vie spirituelle ; c’est-à-dire de la vie DANS L’ESPRIT, puisque l’ESPRIT, dans la Bible, est celui par qui s’opère toute communion. D’une part — dans une vision chrétienne — parce qu’il procède justement d’une communion d’amour en HaShèM Lui-même, entre le Père et le Fils ; d’autre part parce que c’est par l’Esprit que peut paraître une communion de DIEU avec les hommes qui va déborder sur une communion des hommes entre eux et que porte CHARNELLEMENT discours de Moïse. Ce que Jésus ACCOMPLIRA dans le commandement définitif de la charité, qui n’est pas « nouveau » au sens où il jaillirait de rien, mais qui est « nouveau » au sens où il RENOUVELLE l’ALLIANCE enracinée dans la TORâH. En Jésus, ce sont toutes les générations d’Israël, rassemblées dans la communion de l’ALLIANCE mosaïque qui accueillent dans le même élan de communion toutes les générations païennes qui reconnaissent en Jésus le MaShiaH., le MESSIE rédempteur de HaShèM. Donc qui reconnaissent en Moïse leur maître dont toute la TORâH se résume dans le commandement du Christ ; et qui rallient par la FOI la descendance d’ ‘AVeRâHâM leur père.
Et c’est ce qui fait que, vous et moi, pour recevoir ce récit, nous devons à notre tour recevoir les paroles de Moïse POUR NOUS-MÊMES ! C’est à NOUS que parle Moïse au v. 41 ; nous, pécheurs, qui nous débattons en prenant constamment des chemins de traverse alors que Jésus nous a clairement dit, dans le droit fil de Moïse : « JE SUIS la Voie, la Vérité et la Vie. » (Jn 14,6). Si on entre dans cette PENSÉE DE COMMUNION, alors nous nous rendons contemporains de la génération qui porte ces événements fondateurs du peuple d’Israël, et grâce à eux, nous apprenons, sans orgueil, à revenir à HaShèM, au Père céleste. Nous apprenons à porter dans nos entrailles les générations à venir en leur préparant le terrain sur lequel elles pourront s’élever à leur tour ; au lieu de le gaspiller, de le gâcher par nos détritus de plastique qui s’amoncellent dans le fond des océans comme le signe de l’INGRATITUDE qui refuse de marcher selon les voies de HaShèM, les voies de la BÉNÉDICTION et de la VIE.
Du coup, on comprend de l’intérieur des phrases surprenantes de Jésus comme : « ‘AVeRâHâM a vu mon jour et il s’en est réjoui ! » (Jn 8,56) ; ou Paul dans l’épître aux Hébreux : « C’est dans la foi, sans avoir connu la réalisation des promesses, qu’ils sont tous morts ; mais ils les avaient vues et saluées de loin, confessant qu’ils étaient des étrangers et des voyageurs sur la terre. » (Hb 11,13). C’est aussi le sens de la bénédiction que reçoit ‘AVeRâHâM : « Je fais de toi une grande nation, Je te bénis, Je rends grand ton nom. Sois une bénédiction. » (Gn 12,2) C’est un inaccompli, qui parle de nous cette promesse trouve son accomplissement par notre FOI en Christ : « Si vous êtes au Christ, vous êtes donc la semence d’‘AVeRâHâM, héritiers selon la promesse. » (Ga 3,29)
Ce mot d’HÉRITIER est celui-là même qui est en jeu dans le récit de Moïse ; et tout comme pour Israël, certes, nous sommes héritiers, mais encore faut-il que nous nous emparions de cet héritage, ce qui ne va jamais sans combattre — ce qui ne manque pas d’en effrayer plus d’un qui veulent bien de cet héritage, mais sous la forme d’une protection, rien de plus. Du coup, appuyés sur cette bénédiction, dans ce grand peuple qu’on appelle l’église, à nous de décider librement franchir le Jourdain ! Ce qu’au demeurant il nous est donné de vivre par le Baptême, mais là, c’est une autre histoire. Mais vous voyez comment une aspérité a priori anodine du texte est lourde de bien des conséquences qui nous touchent, vous et moi, AUJOURD’HUI !
Alors si on en revient au Deutéronome, le v. 39 prend évidemment une tout autre signification : quand HaShèM promet que les enfants entreront pour hériter du sol de KaNa“aN, il ne rejette donc pas la génération précédente. Simplement, ce qui était promis à brève échéance s’avère retardé à cause de la mauvaise foi de cette génération ; et c’est à nouveau une réalité qui habite toute la foi d’Israël et de l’Église : quand on parle de « hâter la venue du Christ dans la gloire », il ne s’agit pas d’accélérer le mouvement mais à tout le moins de ne pas le reporter par la mauvaise foi, c’est-à-dire par une vie qui refuse d’avancer dans la foi, l’espérance et la charité. Et là, il faut relire un passage comme la seconde lettre de Pierre : « Bien-aimés — c’est comme ça qu’un maître nomme ses disciples les plus fidèles à l’époque du Christ —, il est une seule chose que vous ne devez pas oublier : un seul jour auprès du Seigneur est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur ne retarde pas sa promesse — comme certains présument un retard — mais Il patiente envers vous ? Car Il n’a pas pour dessein de perdre qui que ce soit, mais Il veut que tous parviennent à une conversion. Cependant le jour du Seigneur surgira comme un voleur. Alors les cieux passeront impétueusement, les éléments embrasés seront dissous, la terre et les œuvres qu’elle contient se trouvera dissous. Ainsi, tout cela étant dissous, avérez-vous saints dans votre conduite et fervents, vous qui attendez et qui hâtez l’avènement du Jour de Dieu… Car ce que nous attendons, selon la promesse, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où réside la justice. » (2P 3,8-13) Comme me disait souvent mon défunt père spirituel, le père Paul Chapelle à qui je rends hommage, « seuls les impatients savent réellement ce qu’est la patience. » Dès lors, hâter le Jour de HaShèM ne consiste pas à vouloir accélérer les affaires qui vont normalement au rythme impatient de Dieu, mais à ne pas les retarder en obligeant Dieu à regorger de patience à cause de notre mauvaise foi !
Alors fort de tout ça, terminons notre chapitre. Le récit se poursuit à partir du v. 40 par le rappel de la fin du ch. 14 du livre des Nombres — sans mention de l’arche cependant —. Ce qu’il faut entendre dans les propos de Moïse, à travers ce mouvement de troupes incapables d’écouter HaShèM, c’est toute la tradition prophétique qui est derrière. Combien de rois, rapporte l’histoire biblique, n’ont-ils pas agi autrement, n’écoutant ni Isaïe, ni Jérémie dans des circonstances militairement déterminantes, et ont mené leur peuple à la ruine ? Et pourtant, nous dit le Deutéronome, la MÉMOIRE aurait dû être un lieu de discernement puisque tous les principes de FOI et leurs conséquences ont déjà été éprouvés et rapportés par la TORâH.
Du coup, évidemment, comme n’importe quel gamin qui subit le contrecoup de sa propre bêtise, Israël revient en pleurant devant HaShèM, et là, c’est encore un autre principe simple qui nous est énoncé au v. 43 : celui qui n’écoute pas HaShèM et lui oppose la mauvaise foi, HaShèM à son tour ne l’écoute pas. Autrement dit pour l’auteur du Deutéronome, le silence de Dieu signifie à Israël sa mauvaise foi, et ce faisant, l’appelle à se convertir.
Alors qu’est-ce que ça veut dire tout ça ? En fait, vous vous souvenez, la première rédaction du Deutéronome remonte à l’époque Assyrienne ; une époque où on ne peut pas ne pas se poser la question : « Si les Assyriens ont fait de l’Israël du Nord son vassal, que fait HaShèM ? » Et la réponse des prophètes revient sans appel, qui avait par ailleurs largement devancé l’invasion assyrienne avec Osée et Amos : « Vous n’écoutez pas HaShèM, donc vous prenez des décisions complètement inconsidérées qui mènent le peuple à sa perte, et vous venez pleurer dans ses jupons ? Mais HaShèM n’est pour rien dans ce désastre ! Maintenant que vous allez être déportés, inutile d’invoquer HaShèM puisque de toute manière, vous ne L’écouterez pas. Il n’est pas silencieux : c’est à vous de déboucher les oreilles de votre cœur ! »
Et à la question : « En quoi avons-nous été infidèles ? », l’auteur du Deutéronome répond : cette infidélité est là depuis la naissance de notre peuple — dès le désert avec Moïse —, ce qui montre bien, en négatif, à quel point HaShèM est patient, mais surtout à quel point il est FIDÈLE ! La mémoire rapportée dans la TORâH se souvient d’une ALLIANCE scellée avec les pères ; elle se souvient de graves soubresauts à l’intérieur même de cette Alliance, malgré quoi HaShèM, loyal à la bénédiction offerte à ‘AVeRâHâM, YiTseRâQ et Ya”aQoV, ne l’a pourtant pas brisée. Pourquoi ? Parce que, comme dit saint Paul : « Si nous sommes sans foi, [Dieu] demeure fidèle ! » (2Tim 2,13) Là, on a un bel exemple du principe selon lequel le Nouveau Testament n’existe que greffé sur l’Ancien. Quand Paul écrit, ce n’est jamais de son seul fait, mais inspiré par sa connaissance de la TORâH.
Voilà en tout cas la raison théologique du séjour prolongé dans le désert, et comme par hasard, le v. 46 répond aux tout premiers versets du chapitre pour faire une inclusion. Et que nous apprend cette inclusion, pour faire bref ? Eh bien si on considère que les v. 21-25 en composent le centre, ce qui est en cause n’est nullement le sol de KaNa“aN, qui reste ce bon sol que HaShèM donne à son peuple en héritage. Dans un premier temps, le peuple adhère au projet ; sauf que devant les difficultés, il refuse de mettre sa foi en HaShèM qui ne répond pas à ce qu’on attendrait d’une idole protectrice. C’est donc l’épreuve de la FOI, de la PURIFICATION DE LA FOI, qui est ici mise en exergue : face à la bonté objective du don de HaShèM, c’est par la FOI que le peuple est appelé à se déterminer pour avoir la vie en écoutant HaShèM, le VRAI DIEU, le DIEU de la VIE. Manque de pot : au moment de choisir concrètement, la génération du désert décide de croquer le fruit de la mauvaise foi et se retrouve prisonnier du désert, exilé avant même d’être entré sur le sol promis !!!
Comment dès lors Moïse va-t-il poursuivre son récit ? C’est ce que nous verrons la prochaine fois. Je vous souhaite une bonne lecture de ce chapitre décidément fort riche.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Mais à qui parle Moïse ?
Bonjour,
On a vu dans le ch.1 ouvrant le Deutéronome la question de l’importance de la foi pour recevoir — ou non, dans le cas de la mauvaise foi — l’héritage de HaShèM, et nous entamons aujourd’hui la lecture du ch. 2. Alors ne vous en faites pas, on va cette fois aller beaucoup plus vite. Le ch. 1 posait des fondements, donc il fallait prendre le temps.
Donc : la narration se poursuit de sorte que le v. 1 se greffe sur l’ordre du v. 40 du ch. précédent : « Allez ! Faites face et partez pour le désert sur la route du YaM SouF — la Mer des Jonc où les eaux se sont écartées pour laisser passer le peuple. » (Dt 1,40) Et le v. 1 du ch. 2 de répondre : « Nous avons fait face, nous sommes partis pour le désert sur la route du YaM SouF. » (Dt 2,1)
Eh oui : ils venaient de dire qu’ils étaient mieux en Égypte, alors qu’ils y retournent pour voir !!! Vraiment la mauvaise foi dans toute sa splendeur pour ne pas répondre aux exigences de l’Alliance ! Ceci dit, vous et moi, on fait la même chose : quand on n’a pas envie d’entendre l’appel du Christ, on trouve toujours toutes les raisons du monde pour justifier une mauvaise foi ! Comme quoi le récit parle bien d’AUJOURD’HUI, de vous, de moi, de tout homme dont les faits et gestes s’enracinent profond dans la mémoire collective judéo-chrétienne ! Et c’est tant mieux, parce que ça nous éclaire sur notre propre fonctionnement, et ça nous permet de nous ressaisir, le cas échéant, par l’exercice de la foi en Christ.
Alors Moïse raconte le retour qui semble aller jusqu’au sud de ‘ÉDoM où TOUT ISRAËL erre pendant le temps d’une génération dont on ne saura strictement rien, puisque dès le v. 3, il s’agit de remonter vers le Nord en traversant ‘ÉDoM, dénommé ici le territoire de « vos frères, les fils de “ÉSsâW », Ésaü, une expression que reprendra le v. 8. L’injonction est la même qu’en Dt 1,6 mais adressée cette fois à la génération suivante que HaShèM dirige ainsi sur les pas de ses pères.
Alors en soi, le récit est pour le coup assez différent de celui de Nb 20,14-21 puisque cette fois, il n’est question d’aucune inimitié entre Israël et les fils de “ÉSsâW, les ‘ÉDoMîYîM/Édomites. Sans doute le récit du Deutéronome est-il branché sur la même tradition que pour Gn 33 qui rapporte une réconciliation entre Ya”aQoV et “ÉSsâW — quand bien même une part de la tradition rabbinique voit en “ESsâW un être pervers pour tout un tas de raisons ; vous pourrez aller voir les vidéos qui concernent ce passage et où j’explique un peu tout ça. Par ailleurs, le livre des Nombres ne rapporte pas non plus d’affrontement entre les deux peuples, ce qui signifie à tout le moins que la mémoire retient qu’il y a entre ces deux peuples un lien qui leur interdit dans le même temps de se combattre et de s’ignorer. En tout cas, il est bien notifié que du sol de ‘ÉDoM, HaShèM ne donne rien à Israël : ce sol appartient aux fils de “ÉSsâW. Or pourquoi cette précision, sinon pour sous-entendre qu’un don a été fait par HaShèM à l’un comme à l’autre peuple, ce qui les constitue d’une part l’un et l’autre héritiers, donc frères ; et ce qui leur interdit d’autre part d’empiéter sur leurs héritages respectifs.. Enfin quoi qu’il en soit, Moïse raconte simplement qu’Israël s’écarte par prudence.
Un autre pacte de non-agression est réitéré aux v. 9 et 19, au regard cette fois de MO’âV, qu’on connaît bien maintenant. MO’âV qui est désigné par le rédacteur comme fils de LOT, le fameux “neveu” de ‘AVeRâHâM de la tradition patriarcale. Alors là encore, c’est un tissage : la tradition orale a gardé en mémoire un lien entre ces deux peuples dont les cultures et les langues sont très proches. Il est alors normal que, dans une pensée analogique, on les articule à partir de leurs origines. On a deux peuples affiliés ; deux patriarches en lice, avec deux histoires de fondation. Au moment de la rédaction du Deutéronome et de la Genèse, JUDA est devenue la tribu protectrice du reste d’Israël ; et comme c’est son histoire que la TORâH raconte, il est normal que le patriarche principal de la tribu de Juda prenne la place de père. Comment, dès lors, qualifier le lien avec MO’âV, qui n’est pas du même ordre qu’avec les clans répartis sur le territoire d’Israël ? On ne peut pas donner à LOT le statut de fils. On lui donnera alors celui de neveu de ‘AVeRâHâM. On associera leurs histoires : même origine, solidarité dans les moments de crise ; mais en même temps, on ne taira pas les différences, voire les animosités. Et là, il faut bien admettre qu’Israël ne porte pas les fils de LOT dans son cœur. Des fils issus d’une histoire sordide, puisque le ch. 9 de la Genèse rapporte que l'aînée des filles de LOT, inquiète de ne pas trouver d'hommes dans le pays, enivre son père pour s'accoupler avec lui à son insu ; et pour ne pas en rester là, elle incite sa sœur à faire la même chose, si bien qu’elles tombent toutes les deux enceintes de leur père ! L'aînée donnera naissance à MO’âV, l’ancêtre des MO‘âVîM/Moabites ; et la cadette donnera naissant à Ben-Ammi, l’ancêtre des “AMMoNîM/Ammonites. Ceci dit, au Moyen-Orient, désigner un peuple comme la descendance d’un inceste, c’est carrément le traiter de fils de chien !!! Donc on peut vraiment dire que ce n’est pas le grand amour ! Mais attention : HaShèM est aussi le dieu tutélaire de MO’âV — du moins d’après le rédacteur deutéronomiste, parce que dans les tablettes de l’époque, les MO‘âVîM nomment leur divinité KéMoSs. Reste que d’après la Genèse, LOT vénérait la même divinité que ‘AVeRâHâM ; donc ça n’est pas parce que les MO‘âVîM le nomment KéMoSs qu’il s’agit obligatoirement d’une autre entité —. Enfin, quoi qu’il en soit, d’après la TORâH en tout cas, c’est HaShèM qui leur a conféré leur territoire ; donc au nom de cet héritage, pas question pour Israël de le revendiquer pour lui !
Alors on pourrait se dire : c’est quoi, l’intérêt de raconter tout ça ? Eh bien l’intérêt, c’est qu’on touche une dimension essentielle de la conquête d’Israël, à savoir qu’il ne s’agit pas de remporter des victoires pour le plaisir de remporter des victoires et asseoir un empire à la manière de l’Égypte ou de l’Assyrie. Il s’agit uniquement, mais impérativement, d’habiter le sol que HaShèM a destiné au peuple élu comme son héritage, ceci afin de Lui rendre le culte qui Lui convient et dont Moïse parlera à partir du ch. 5. Et l’histoire deutéronomiste — les Livres de Samuel et des Rois — se chargera de bien montrer qu’à chaque fois que des rois de Juda ou d’Israël auront manigancé des alliances politicardes nauséabondes, HaShèM enverra des prophètes comme garde-fous : « Israël N’EST PAS une nation comme les autres ! », diront-ils sur tous les tons ! Israël doit d’abord et avant tout tenir sa place dans le cœur de HaShèM ! Une place que le prophète du Nord, Osée, qualifiera de NUPTIALE ; ce qui ne changera rien de moins que toute la physionomie de la Bible ! Se savoir épousée par HaShèM devrait dispenser Israël de vouloir guerroyer pour étendre un pouvoir dont le nerf consisterait à manipuler l’Époux divin pour Le réduire au rang de faire-valoir des intérêts étriqués d’un peuple médiocre et insignifiant. Ça, HaShèM ne le laissera jamais advenir, et l’auteur deutéronomiste en a pleinement conscience : c’est à une GRANDEUR singulière qu’est appelé Israël, comme le spécifiera le ch. 4 : « Vous obéirez et vous ferez [les décrets et les règles de YHWH], car c’est là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples qui entendront parler de tous ces décrets et parleront ainsi : “Ce ne peut être qu’un peuple sage et intelligent que cette grande nation !” Quelle est en effet la grande nation qui ait des ‘ÈLoHîM aussi proches d’elle qu’est YHWH, notre ‘ÈLoHîM, à chaque fois que nous L’invoquons ? Et quelle est la grande nation qui ait des décrets et des règles aussi justes que toute cette TORâH que je place devant vous aujourd’hui ? » (Dt 4,6- Donc voilà : la grandeur d’Israël ne se mesure pas à l’étendue inconsidérée d’un territoire qui ne refléterait qu’une mégalomanie pathétique de conquérants pervers. La grandeur d’Israël tient dans son ÉLECTION NUPTIALE qui lui fait demeurer de plein droit sur le sol reçu en héritage afin de rendre un culte à HaShèM, son Époux ; au sein d’une ALLIANCE appelée à rayonner sur toutes les nations en vue de l’illumination de la multitude ! Il faudra du temps pour qu’Israël reçoive CHARNELLEMENT cet appel, mais c’est vraiment là le projet divin qui ne motive rien de moins que la CRÉATION tout entière ! C’est vous dire !
Alors pour en rester à notre texte, les v. 10 à 12 se présentent comme une mini-chronique historique qui manifeste que lorsque HaShèM donne un sol, ce n’est jamais sans que les bénéficiaires y mettent du leur pour le recevoir — ça, j’espère qu’on commence à bien le comprendre. Et en l’occurrence, il a fallu que les fils MO’âV et ceux de ‘ÉSsâW conquièrent pour les mêmes raisons le sol qui leur revenait en héritage. Or, nous dit-on, ils ont dû pour ça combattre le peuple imposant des RePhâ‘îM qui l’occupait jadis — on parle d’eux en Gn 14 à propos de la campagne de ‘AVeRâHâM pour aller libérer LOT emmené en captivité —. Et revoilà les fameux géants qui paraissaient comme des demi-dieux dans la mémoire des clans de la région. Ils ont reçu différents noms : Juda les appelait les ‘ANaQîM ; MO’âV, les ‘ÉNîM ; “AMMON, les ZaMZouMîM. Je vous dis tout ça parce que ces noms sont dans le texte et encore un peu plus loin — on les a par ailleurs déjà trouvés en Gn 14 — ; donc si on n’est pas un tant soit peu informé, tout ça passe au-dessus de la tête. Maintenant, à quoi cette peuplade primitive de géants correspond historiographiquement, on n’en sait trop rien. En lien avec des fragments ougaritiques qui parlent aussi de RePhâ‘îM, il semble qu’il ait eu dans l’Antiquité un culte rendu à des morts à qui l’on reconnaissait la vertu de “revivifier”, c’est-à-dire de redonner la fécondité ; et donc par extension, ces morts ayant nécessairement vécu à une époque ou à une autre, la mémoire en rattache l’origine à cette peuplade singulière de géants… Bon. En soi ça n’est pas très important pour nous, mais c’est en tous les cas le fait, pour MO’âV et ‘ÉDOM, d’avoir consenti à les combattre au Nom de HaShèM qui leur immunité est acquise, tout adultère que fut leur fondation qui les rattache malgré tout, par LOT, à la parenté de ‘AVeRâHâM ; immunité que même Israël, donc, ne saurait violer.
Restent enfin les H.oRîM qui se rattachent aux Hourrites, un peuple venu du Nord de la Mésopotamie ; mais bon, là, on n’en dira pas plus.
Donc vraiment, Moïse cadre son peuple. En substance : « Tu n’es pas comme les autres nations ; tu n’es pas là pour étendre ton pouvoir ; et la bénédiction de HaShèM en ta faveur ne se mesurera pas à proportion de l’étendue de ton sol. L’important est D’OBÉIR pour déjà aller prendre possession de l’héritage qui te revient, point final ! », ce qui est bien plus difficile que de fanfaronner en faisant péter les muscles face aux autres peuples pour les impressionner. Tous ceux qui ont fait ça ont régné un temps puis ont disparu, et ceux qui le feront à leur tour passeront de la même manière. Or la vocation d’Israël n’est pas de passer. Il faut donc bien pérenniser son statut.
Du coup : Allez, maintenant, il faut y aller ; et Moïse de raconter l’injonction de départ intimée par HaShèM. À ce moment, en tant que lecteur, on se demande si Israël va enfin obéir dans la mesure où dans cette obéissance, c’est NOTRE vie même qui est en jeu ! Ceci dit, la colonne du peuple s’ébranle et passe le torrent du ZèRèD. Ouf.
Les v. 14-15 font quant à eux un bilan de la génération de mauvaise foi. Avec le franchissement du torrent, une étape est franchie : on relit donc rapidement la page précédente avant de la tourner, ne serait-ce que pour bien entériner les affaires : encore une fois, la génération de la sortie de MiTseRaYîM n’a pas été purement et simplement éradiquée ! Suite à sa mauvaise foi, elle a certes dû subir une sanction — et là, les termes sont violents, mais au moins la leçon, vraiment charnelle, ne risque pas d’être oubliée — ; reste qu’elle n’en demeure pas moins celle par qui Israël peut entrer aujourd’hui sur le sol promis. Malgré tous les déboires traversés, HaShèM n’a pas choisi un autre peuple ! La génération qui se met en branle prend donc en charge la même promesse ; elle traversera d’ailleurs des épreuves similaires qui signeront à leur tour la vocation d’Israël de mener l’élection à son accomplissement.
Quant aux v. 16 à 23, ils reprennent les mêmes thèmes que les v. 4 à 13, ce qui forme donc une inclusion qui met au centre les v. 14-15. Ce qui montrera que le nœud de cet ensemble est vraiment le passage d’une génération à l’autre.
Toujours est-il qu’on poursuit la progression vers le Nord pour rejoindre le territoire des fils de “AMMON. À nouveau, pour les mêmes raisons que MO’âV et ‘ÉDOM, “AMMON reçoit l’immunité — on remarque la même note ethnologique qu’aux v. 10 à 12, ce qui manifeste explicitement l’inclusion et confirme que le message central est bien aux v. 14 et 15. Là encore, la tradition marque le lien qui solidarise les fils de ‘AVeRâHâM avec ceux de LOT, par l’adoration commune vouée à HaShèM. On rencontre une dernière peuplade : les “AWîM, inconnus par ailleurs — sauf une mention en Jos 13 — qui ont été remplacés par les KaPheToRîM, autre nom pour désigner les Philistins. Or remarquons que cette fois, il n’est pas dit qu’ils ont reçu leur territoire de HaShèM, ce qui laisse immédiatement pressentir qu’il y aura entre eux et Israël une guerre territoriale ; guerre qu’Israël, au demeurant, ne remportera jamais.
Toujours est-il qu’à partir de maintenant, commence véritablement une CONQUÊTE des territoires. Les propos qu’on va alors lire sont assez choquants pour notre mentalité occidentale post-moderne. C’est ce qui fait qu’on prendra le temps de s’arrêter un peu sérieusement sur cette question la prochaine fois.
Pour l’heure, retenons que le passage du torrent du ZèRèD marque nettement la FIN de l’Exode : 38 années révolues, nécessaires néanmoins pour que la génération du désert se renouvelle, non pas simplement formellement mais bien spirituellement : il s’agit d’établir définitivement en qui Israël met sa FOI, et d’en accepter les injonctions : la VIE de TOUT ISRAËL en dépend.
Je vous souhaite une lecture féconde de ces versets.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Vous avez dit : Anathème ???
Bonjour,
Nous voilà parti depuis quelques versets avec Israël et Moïse en direction du Nord, par le franchissement d’une part du torrent du ZèRèD qui permet à Israël de traverser MO’ÂV, avant d’arriver au torrent de ‘AReNoN et de passer sur le territoire des Hâ‘eMoRî/Amorites. Israël aurait bien préféré passer plus à l’Est, par le territoire de “AMMON, mais HaShèM le lui a interdit ! Du coup, il va falloir passer en force.
Cette traversée d’Israël sur le sol des Hâ‘eMoRî est racontée du v. 26 au v. 35 du ch. 2, dans la suite par ailleurs du ch. 21 du livre des Nombres. Du coup, si deux témoins rapportent la même inimitié entre ces deux populations, c’est qu’on tient là une tradition ferme qui reflète sans aucun doute une donnée historique.
Quoi qu’il en soit, ce qui est sûr, c’est qu’à partir de là, le ton change : on entre vraiment en situation de guerre. Le v. 25 nous avait prévenu : « Ce jour, Je commence à imprimer ton tremblement et ton appréhension sur les faces des peuples, sous tous les cieux. Ils entendront ta renommée, ils s’agiteront et frémiront devant ta face. » (Dt 2,25) Ça promet ! Alors c’est vrai que, comme le clamaient les Prussiens au xviiie siècle, ça fait un peu Gott mit uns !, Dieu avec nous !, pour exciter les troupes à combattre. Ceci dit, le Gott mit uns n’a pas disparu avec le temps : il suffit de songer à la déclaration de « l’axe du Bien » par George W. Bush lors de son Message sur l’état de l’Union en janvier 2002 pour s’en convaincre. Le problème, c’est qu’avec un tel discours, on touche à ce qu’on appelle la « guerre des justes » : chaque partie justifie à ses propres yeux son intervention armée ! Alors aujourd’hui on n’ose plus trop invoquer Dieu dans ce genre d’agression, mais il n’en reste pas moins qu’une telle disposition mène toujours les belligérants dans l’impasse absolue ! Aucune solution n’est jamais possible puisqu’ils se considèrent mutuellement, par définition, comme injustes. Chacun est sûr de son bon droit !
Ceci dit, autant une « guerre des justes » est préjudiciable 2000 ans après la naissance du Christ, autant il fallait bien faire son trou dans le concert des nations à l’époque de Moïse ! Et comme chacune d’entre elles invoquait ses dieux face à ceux des autres, de ce point de vue, tout le monde était sur un pied d’égalité, et Israël ne fait pas exception. Pourquoi le ferait-il d’ailleurs ? Et surtout : comment le ferait-il ? C’est une chose de fuir l’Égypte, c’en est une autre de s’installer sur un sol déjà habité par des nations qui vous attendent de pied ferme avec les armes à la main. De plus, si on se souvient que chaque année au sortir de l’hiver, les rois partaient en campagne pour confirmer ou pour étendre leurs frontières, il n’y a pas de quoi s’étonner, ni même de se scandaliser puisque ce type de guerres locales faisaient donc complètement partie du paysage.
Alors attention : il ne faut pas non plus imaginer, à propos de ces affrontements, des mobilisations générales façon guerre mondiale : c’était des troupes de soldats plus ou moins professionnels ; et la plupart du temps, les conflits se réglaient entre une poignée d’hommes — quelques centaines au maximum ! Il fallait vraiment être un empire pour lancer des troupes conséquentes, mais en tout cas, aucun roi n’y engageait jamais de civils ! De ce point de vue entre autres, ils étaient moins barbares que nous…
Donc, si pour s’installer quelque part, fut-ce un sol donné en héritage, il faut prendre les armes, eh bien : HaShèM épouse le contexte et préside la chose ; et c’est tant mieux ! Parce qu’aussi étrange que ça puisse paraître à première vue, on verra qu’Il est là, en fait, pour empêcher les débordements.
Un exégète des années 60, le père Georges Auzou, aimait parler de cette période comme du « Don d’une Conquête ». C’est exactement ça : ce que HaShèM donne, c’est de CONQUÉRIR le sol. Du nerf, quoi ! On n’est pas au Club-Med, ni à l’époque des beatniks ! Et de ce point de vue, la TORâH est d’autant plus stimulante qu’on a du mal à entendre ce genre de propos guerrier aujourd’hui du fait qu’on a l’impression que les frontières sont définitives, et que vu de l’Occident, la paix devrait être un mot d’ordre naturellement universel. Sûrement… maintenant, il faudrait savoir ce qu’on entend par là, parce que s’il s’agit uniquement de confort, c’est juste irréel ! Le confort des uns se bâtit toujours sur l’inconfort des autres, donc on ne peut pas prendre cette notion comme base de la paix. Pour nous chrétiens, la base de la paix, c’est le Christ : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jn 14,27) Seulement avant d’en arriver là, encore faut-il commencer par travailler le cœur de l’homme qui, s’il ne connaît pas la loi de la Charité, ne connaît que la loi du plus fort. « L’homme est un loup pour l’homme » est un adage qui revient régulièrement dans la bouche des philosophes depuis Plaute, au IIe siècle avant J.-C. On l’a déjà souvent évoqué. Sauf qu’avant que ne soit rendue audible la loi du Christ, il y a tout un travail de cadrage à faire ! Du coup, il faut essayer de lire les versets qui vont de Dt 2,26 à 3,11 dans le sens d’une AMORCE du processus, qui commence par une limitation de la violence. Vous verrez que ça change complètement l’interprétation.
Prenons le cas de SîH.ON, le roi de H.èSheBON dont Moïse parle à partir du v. 26. On retrouve les mêmes accents que dans le récit de l’Exode, lorsque Moïse est venu trouver Pharaon, — c’est d’ailleurs à ça qu’on reconnaît que c’est la même école de rédaction : « SîH.ON ne voulut pas nous laisser passer parce que YHWH, ton ‘ÈLoHîM avait endurci son esprit et raidi son cœur. » (Dt 2,30) Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que quand on est envoyé en paix — il ne s’agissait que de traverser le territoire en payant une taxe — ; donc quand on est envoyé en paix par HaShèM face à quelqu’un qui se positionne en ennemi, inutile de culpabiliser face à son refus ! Notre seule présence lui est insupportable, non pas à cause de nous, mais du fait que son cœur est sclérosé. De la même manière que Pharaon, SîH.ON a programmé la mort d’Israël ? Il est juste, d’après la théologie deutéronomiste, que cette mort retombe sur lui.
Reste que là, HaShèM semble cautionner une guerre sans merci, et du coup, on commence à être mal à l’aise, d’autant qu’il est plusieurs fois question d’une notion aux accents nouveaux : le H.éRèM, c’est-à-dire l’ANATHÈME, l’extermination. Alors disons tout de suite que depuis ces temps reculés, les nations contemporaines ont frappé largement plus fort que tous les Anathèmes de la Bible réunis, notamment par l’invention des génocides, donc doucement les critiques ! Là encore, à côté des générations dites « modernes », question extermination, l’Israël biblique fait carrément office d’amateur ! Ceci dit, vu le malaise dans lequel nous plonge la question du H.éRèM — de l’anathème donc — qui reviendra plusieurs fois dans le Deutéronome, prenons le temps de faire le point.
D’abord, H.éRèM vient du verbe H.âRaM qui signifie « interdire l’accès », « interdire la mainmise » ; et à une époque où DIEU est omniprésent dans la vie et dans la pensée de tout un chacun, où n’importe quel acte a une dimension religieuse, le H.éRèM se présente en fait un acte de CONSÉCRATION : en détruisant par la mort et par le feu les objets et les personnes dont on s’est emparé, on pose en fait un acte de RENONCEMENT. Autrement dit, on refuse les profits de la victoire pour reconnaître qu’elle vient de la divinité, de sorte qu’on les Lui offre intégralement et qu’on les Lui dédie à Elle seule. La pratique appartient à tout le Moyen-Orient de l’époque. C’était une loi de la guerre dont les Assyriens s’étaient fait les champions, surtout d’un point de vue marketing : ils martelaient dans tout l’empire des fresques d’une telle sauvagerie que personne n’osait se révolter ! La Terreur, quoi. Du moins en apparence parce qu’en réalité, on sait que les chiffres sont hyperboliques. Ils correspondent plus à l’impact qu’on veut obtenir qu’à la réalité : c’est de la propagande.
Enfin toujours est-il que dans ce contexte, la pratique du H.éRèM par les fils d’Israël a avant tout le sens d’un hommage à HaShèM, ou dit autrement d’une pleine reconnaissance de son absolue souveraineté face aux idoles des nations. Alors avec le temps, on ira bien sûr un peu plus loin. Il ne s’agit plus, au temps de HiZeQîâHOu (Ézéchias) ou de Yo’ShiYâHOu (Josias), de YeSha“eYâHOu (Isaïe) ou de YiReMeYaHOu (Jérémie), de conquérir le sol. Il s’agit désormais de se défendre contre la séduction de l’idolâtrie ambiante qui n’a pas disparu. Et c’est là le point particulier que défendra le Deutéronome d’ici quelques chapitres : il faut préserver le peuple « saint », le peuple CONSACRÉ, de toute compromission avec les peuples, puisque ce serait dans le même temps se compromettre avec leurs idoles tutélaires. Or le ch. 5 le rappellera haut et fort : « N’aie pas d’autres dieux en face de Moi ! » (Dt 5,7). De sorte que les récits de H.éRèM que rapporte les livres historiques, écrits par l’école deutéronomiste à partir du VIIe siècle, bien après l’époque présumée des événements racontés ; donc ces récits de H.éRèM, même transférés sur des récits épiques, ne sont jamais, en définitive, qu’une manière d’affirmer AVANT TOUT la nécessité lutter contre les idoles pour qu’Israël n’oublie jamais sa vocation de peuple élu, témoin de l’Alliance.
Dit autrement, le H.éRèM se dévoile avec le temps comme un moyen prophylactique du peuple d’Israël contre SA propre faiblesse, contre SA propre tentation à l’idolâtrie. Et avec le temps, elle désignera l’offrande radicale de soi-même à HaShèM, qu’on trouve aussi dans la tradition sacerdotale ; de ce point de vue entre autres, les deux traditions qui ont présidé à la rédaction de la TORâH consonnent véritablement. Par exemple dans le Lévitique : « Rien de ce que l’homme dévoue par H.éRèM à YHWH, sur tout ce qui est à lui, — homme, bête, champ de sa propriété — ne pourra être vendu ou racheté. Tout ce qui est frappé de H.éRèM est une chose très sainte : elle est à YHWH. » (Lv 27,28)
Alors pour résumer, pour le rédacteur deutéronomiste, le H.éRèM exprime avant tout la CONSÉCRATION radicale d’Israël à HaShèM. Et de ce point de vue, encore une fois, il est tout à fait en phase avec le rédacteur sacerdotal qui rapporte l’injonction de HaShèM dans le Lévitique : « Soyez saints, car Moi, YHWH, Je suis Saint ! » (Lv 19,18) qu’on peut entendre ainsi : « Consacrez-vous à Moi comme Moi Je vous suis consacré ! », ce qui se comprend très bien dans la dynamique des épousailles que vise HaShèM avec Israël. Or ce rapport d’époux à épouse entre HaShèM et son peuple appartient pleinement à la théologie du Deutéronome. Au ch. 7, on entendra Moïse déclarer : « Tu es un peuple consacré à YHWH, ton ‘ÈLoHîM ; c’est toi qu’a choisi YHWH, ton ‘ÈLoHîM, pour devenir son peuple particulier parmi tous les peuples qui sont sur la face de la terre. YHWH s’est épris de vous et vous a élus — non que vous soyez nombreux parmi tous les peuples, car vous êtes le moindre de tous les peuples — parce que YHWH vous aime de charité et garde le serment qu’il a juré à vos pères, que YHWH vous a fait sortir à main forte et qu’il t’a libéré de la maison des esclaves, de la main de Pharaon, roi de MiTseRaYîM. » » (Dt 7,6-
Du coup, pour l’auteur du Deutéronome, la non-compromission avec les séductions du monde se conjugue avec le Salut qu’opère l’Alliance NUPTIALE entre HaShèM et Israël. Seulement avant d’en arriver à l’expression de cette spiritualité d’élévation, la TORâH prend le temps de RACONTER le chemin qui y conduit. Ça commence par la pratique du H.éRèM à travers des combats guerriers… mais à partir de là, c’est en fait pour accompagner tout homme dans les combats de sa propre croissance spirituelle. Et c’est ça que nous, lecteurs, nous ne devons jamais perdre de vue dans la lecture, quand bien même à première vue le récit nous choque. C’est voulu ! Au demeurant, ce qui est choquant, ce n’est pas le propos du texte… Ce qui est choquant, c’est le péché meurtrier inscrit dans le cœur de l’homme. Or plutôt que de se contenter de dire que c’est « mal », le rédacteur préfère nous RACONTER comment HaShèM prend l’homme là où il en est, pour le guider en définitive sur le chemin de son élévation. Ce qui demande inévitablement de la patience et de la miséricorde, de la part de HaShèM comme de la nôtre !
Il est d’autant plus primordial de comprendre ça que ce travail rejaillit sur les chrétiens. Dans le fond, il y a deux manières de s’envisager chrétien : la première consiste à immédiatement considérer le sommet — la « perfection », comme on dit — et de se lamenter de ce que l’homme ne s’y trouve pas. On entend alors des réflexions du style : “Le monde est mauvais !”, “Le monde est foutu !” ; “c’est la fin” ; “Satan est partout” etc. Ça donne des exhortations très dures, des dénonciations incessantes du péché d’où on ressort assommé. Mais il y a une seconde manière, qui consiste à prendre l’homme au stade où il en est, et de toujours consentir à reprendre le chemin à ses côtés. Ne jamais désespérer, mais s’OFFRIR soi-même pour l’accompagner, dans une radicalité puisée dans la CONSÉCRATION à HaShèM qui, en termes chrétiens, s’appelle l’AMITIÉ avec Jésus. N’oublions pas que Jésus, le premier, s’est heurté à une humanité mal dégrossie, mais dont Il nous fait découvrir à chaque ligne de l’Évangile combien elle reste digne de considération et de charité, quoi qu’il en coûte.
Parce qu’en définitive, ce qui manque à cette humanité, c’est juste un guide, un pasteur. D’abord Moïse qui MONTRE le chemin, puis le Christ qui, Lui, OUVRE le chemin, en ne faisant pas autre chose que de VOUER sa personne au H.éRèM ; autrement dit, il se CONSACRE à HaShèM, qu’Il appelle son « Père ». Il se consacre, il se désapproprie radicalement de Lui-même pour remettre résolument sa volonté dans les mains du Père, de sorte qu’en recevant tout du Père et Lui offrant tout en retour, la VIE surgit là où ne semble régner que la mort, et la mort sur la Croix. Alors ça n’est pas notre sujet dans cette vidéo, mais à tout le moins, j’espère qu’on voit mieux jusqu’où nous porte ce thème du H.éRèM a priori rebutant. Si vous voulez, il apporte cette dimension de COMBAT qui n’est pas immédiatement perceptible dans la notion d’offrande de soi, mais qui n’en est pas moins essentielle sur la route de la liberté.
C’est d’autant plus essentiel dans un monde qui nous vend le bien-être comme la valeur suprême, en nous faisant croire que la vie n’est heureuse que si elle ne connaît pas de lutte. Mais c’est un mensonge ! C’est de la manipulation ! Une vie qui se veut de qualité, sans compromis avec le mal, est TOUJOURS une lutte : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. » (Mt 10,34) ; ou alors les propos toujours incisifs de Jacques : « Adultères que vous êtes ! Ne savez-vous pas que l’amour pour le monde rend ennemi de Dieu ? Donc celui qui veut être ami du monde se pose en ennemi de Dieu ! » (Jc 4,4) : on est sur le même terrain que notre chapitre du Deutéronome ! Même chose quand Jésus dit qu’ « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » (Lc 16,13). C’est d’un vrai combat qu’il s’agit ! Le chrétien est appelé, avec les armes du Christ, à résister à la tentation, et pour ça, retrancher de soi-même ou de son milieu tout ce qui y conduit : « Éloignez-vous de toute espèce de mal. Que le Dieu de la paix lui-même vous consacre tout entiers » (1Th 5,22-23). Même les propos de Jésus ne sont pas sans rudesse, quand il dit par exemple : « Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne. Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier qui s’en aille dans la géhenne. » (Mt 5,29-30) Et puis vous connaissez sûrement cette exhortation de saint Paul dans la lettre aux Romains : « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps en sacrifice vivant, consacré, capable de plaire à Dieu — c’est le H.éRèM — : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12,1-2) On pourrait multiplier les citations.
Autant de décisions de foi en tout cas qui sont présentes dès la TORâH de Moïse dans la notion de H.éRèM, ne serait-ce que sous forme embryonnaire. Il faut juste avoir à cœur, dans notre lecture, de ne pas mépriser ces épisodes chaotiques des commencements, qui sont autant de confessions publiques de la part du peuple d’Israël qui ose RACONTER sa pénible progression dans l’intelligence de l’Alliance. Ne condamnons pas Israël quand il nous raconte son histoire, qui est une histoire de combats, certes, mais menés POUR NOUS ! Pour qu’en toute guerre intérieure face à la tentation, nous ne perdions pas courage : « On est passé par là ! — nous dit-il — On est tombé, mais HaShèM nous a relevés ! » C’est juste magnifique, et nous devrions éprouver une infinie gratitude envers Israël d’avoir osé écouter l’inspiration de l’Esprit qui lui a donné le courage de ne pas cacher les aspérités de son histoire ! Par ailleurs, demandons-nous si nous aurions, nous, le courage nous, de publier nos propres revers à la face du monde… Ce serait d’ailleurs une manière intelligente de considérer le sacrement de la confession, en vue d’une radicalité de notre croissance spirituelle.
En tous les cas, si Israël a dû passer par là, nous aurions tort d’imaginer que nous pourrions nous en dispenser. Je pense d’ailleurs que notre entrée dans le Royaume en dépend, au sens où le jour où la mort nous fera nous présenter devant Jésus en vérité, il s’agira de lui RACONTER notre histoire sans en cacher les parties sombres ; non comme une autocritique — ça, c’est le marxisme, pas le christianisme — mais comme l’assurance que ces déboires de nos vies ont été l’occasion pour nous de grandir dans la foi et la charité sans jamais désespérer. Réfléchissons-y bien dans la lecture de ce récit de Moïse en particulier, comme dans celle de l’histoire qui suivra, parce que le principe de la radicalité est sans appel : et avant de dépasser, n’oublions jamais qu’il faut d’abord atteindre ! À nous, lecteurs, de commencer à considérer quel récit nous sommes prêts à faire de NOTRE vie pour nous mettre au niveau de nos anciens ; avant de déclarer obsolètes ces récits de H.éRèM. Trop commode !
Enfin bref. Alors j’ai bien conscience que le thème d’aujourd’hui n’est pas facile, mais raison de plus, justement, pour prendre le temps d’en analyser les enjeux et ne pas mépriser un récit qui a plus d’importance qu’on ne le croit habituellement.
Là-dessus, reprenons le fil du récit : avec le début du ch. 3, la conquête se poursuit sur le sol du BâShâN. Après le roi SîH.ON, voici qu’il faut combattre un certain roi “OG qui, dans la mesure où BâShâN n’a jamais été un royaume unifié, semble plus une figure fédératrice des petits royaumes qui constellaient la région qu’un véritable personnage historique. Les v. 8 à 10 décrivent un territoire Hâ‘eMoRî lui aussi ; la conquête est racontée rituellement sur la même trame que pour le royaume de SîH.ON.
Maintenant, on peut se poser la question : qu’allait faire Israël sur ce territoire qui remonte aussi loin dans le Nord ? Alors c’est vrai que, bien après, ce sol a été occupé par la tribu de MeNaShè. Du coup, on décèle ici la volonté du rédacteur de justifier cette occupation en la rattachant à la mémoire de l’installation de TOUT ISRAËL à l’époque de Moïse ; et pourquoi pas ?
Par ailleurs, on retrouve au v. 11 les fameux RePhâ’îM, avec toujours leur stature plus qu’imposante. Neuf coudées de haut, ça fait déjà du bon géant de 4 mètres ! “OG aurait été le dernier de leurs descendants, nous dit-on, et Moïse nous parle de « son lit » qu’on peut encore trouver sur le territoire des AMMoNîM/ Ammonites. De quel lit s’agit-il ? On pense aujourd’hui à un sarcophage de basalte, ou à une curiosité naturelle qu’on montrait aux populations en évoquant ces fameux géants. Ceci dit, pourquoi ce « lit » se trouve-t-il sur le sol de ‘AMMÔN, c’est-à-dire bien au Sud de BâShâN ? Mystère ! Mais bon : quand on raconte d’après mémoire, il faut s’attendre à voir s’y raccrocher certains épisodes étranges, mais qui ont pourtant suffisamment marqué pour faire pleinement partie de l’histoire des anciens. Rien de très étonnant à ça, ni de très inquiétant dans la mesure où ces débordements n’altèrent pas la vraisemblance de l’ensemble.
L’important, c’est d’entrer dans l’intention de l’auteur : les événements de l’installation ont un sens religieux, et il est fondamental que ce sens ne soit pas perdu. Il constitue le trésor d’Israël le plus précieux. Peu importent les détails ! Ce qui importe, c’est de retenir que quand la fidélité radicale d’Israël — sa consécration — répond à la fidélité radicale de HaShèM, alors s’accomplit la libération qui permet à TOUT ISRAËL de mettre en lumière son identité et sa vocation. Et c’est ça que RACONTE Moïse. Pour reprendre un concept cher à Paul Ricœur, et que la Bible confirme complètement : il n’y a d’identité que NARRATIVE ; je ne peux parler de mon identité et de la vocation qui lui est attachée qu’à partir du moment où cette identité sait se raconter à quelqu’un d’autre qu’elle-même. Pourquoi ? Parce que comme le dit un autre philosophe contemporain — Emmanuel Levinas, dans la ligne de Franz Rosenzweig : Le rôle de l’autre — le lecteur, ou l’auditeur des générations qui suivent, ou même HaShèM, le Père, Jésus… — Le rôle de l’autre, c’est d’être ce VISAGE que je RENCONTRE en face de moi et qui, en me donnant l’occasion de parler, de me raconter, de me LIVRER, me révèle à moi-même qui je suis. Rappelons-nous toujours : je ne peux parler, je ne peux me raconter que dans la mesure où je me sais ÉCOUTÉ ; je ne peux me DÉSAPPROPRIER DE MOI-MÊME que si je me sais REÇU ; DIT AUTREMENT, je ne sais parler que lorsque je me sais appelé à le faire : et quand quelqu’un M’APPELLE, vous vous souvenez, alors et alors seulement, j’EXISTE ; quel que soit le contenu de mon récit.
Eh bien voilà : si Moïse prend le temps de RACONTER son arrivée à la frontière de KaNa“aN, sans en cacher les aspérités, c’est pour donner à ce peuple les mots qui lui permettront de se sentir EXISTER au nom de HaShèM. Ce sont ces mots qui seront transmis, génération après génération, qui leur donneront d’entrer dans ce récit pour à leur tour se sentir appelées à se CONSACRER à HaShèM, dans la charité ; pour entrer dans l’amitié nuptiale qui jaillira de cette rencontre sans faux-semblants. Et c’est sur cette RACINE NARRATIVE que nous, chrétiens, sommes greffés par le Christ !
Enfin voilà. Alors la vidéo d’aujourd’hui est un peu longue, mais il fallait bien tout ça pour recevoir ces versets sans être choqués outre mesure, et les faire NÔTRES. Je vous en souhaite donc une lecture féconde et vivifiante. Nous verrons la suite la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Les dernières dispositions de Moïse
Bonjour,
Nous terminons aujourd’hui notre lecture du ch. 3 du Deutéronome, du v. 12 au v. 29. Le récit se poursuit, et une fois la Transjordanie conquise, nous dit Moïse, est venu le temps de partager les territoires entre les tribus de Re’OuVéN/Ruben, GâD et une partie de MeNaShèH/Manassé. Les v. 12 à 17, de ce point de vue, étonnent un peu dans la mesure où celui qui « donne » ces territoires n’est plus tant HaShèM que Moïse en personne… Mais n’oublions pas que depuis le livre de l’Exode, on sait qu’avoir foi en HaShèM et en Moïse son serviteur, c’est tout un. Donc derrière Moïse, HaShèM n’est évidemment pas loin.
Alors bon, on ne va pas rentrer dans les détails, mais on va tout de même réfléchir sur la pertinence historique d’un tel récit d’installation. En soi, il n’y a pas de raison vraiment valable pour mettre en cause le fait qu’au début de l’époque du FER II, entre l’an 1000 et l’an 900 avt J.-C., une installation de différents clans montés du désert ait pu se faire par le Sud ou par l’Est. Dans cette période, cette région ne subissait quasiment plus l’influence des grands empires, que ce soit l’Égypte décadente, l’Asie Mineure avec le royaume Hittite ou la Mésopotamie. On peut dire d’ailleurs que c’est même la période rêvée pour l’émergence de royaumes dignes de ce nom, comme avec Saül et David. Mais on verra ça au moment venu.
Archéologiquement parlant, on sait assez peu de choses sur cette époque, dans la région. On constate à tout le moins une relative homogénéité céramique et architecturale des habitations, avec l’apparition d’innovations comme les citernes ou les terrasses. Autre indice de cette homogénéité : on ne trouve aucune trace d’élevage de porc sur tout le territoire. Bon, ce ne sont que quelques éléments, mais entre autres, ça laisse tout de même penser qu’on a affaire à des clans qui partagent une même culture de base. C’est aussi l’époque où on passe d’une économie de subsistance — c’est-à-dire avec une agriculture locale autosuffisante — à une économie de commerce dont la région montagneuse cisjordanienne, très aride, va profiter : c’est à cette époque qu’on voit l’émergence d’élites dirigeantes régionales, jusqu’à des monarchies qui fédèrent les seigneuries qui parsemaient jusqu’alors le paysage.
Alors on n’en est pas encore à la création d’un grand “royaume d’Israël” proprement dit, mais disons que la situation politique de l’époque est à tout le moins compatible avec des événements tels que la TORâH nous les rapporte à sa manière.
Maintenant attention : on ne se regroupe identitairement que quand on se sent en danger ! C’était par exemple le cas au moment de quitter l’esclavage d’Égypte ; mais ce sera surtout le cas quand on se retrouvera déporté par les Assyriens, puis les Babyloniens relayés par les Perses et Grecs. C’est dans ces époques que vont naître l’idée et la géographie d’un « TOUT ISRAËL » rassemblant 12 tribus sous une unité politique, sociale et religieuse. Et de fait, la fameuse “unité des 12 tribus d’Israël” ne se forge vraiment que dans des textes tardifs, c’est-à-dire pas avant l’époque Perse et Grecque, à partir du VIe siècle — même si on peut considérer que les premiers éléments de cette unité germent sous le règne de Yo’ShiYâHOu, donc avec la naissance du Deutéronome ! C’est l’un des rôles premiers de la TORâH que de fournir un fondement NARRATIF à ce regroupement.
Ce qui ne veut pas dire que cette unité soit fictive ! elle est le fruit d’une reconnaissance CHARNELLE qui a certes pris du temps à venir au jour, mais qui témoigne d’une unité culturelle qui existait bien auparavant.
Entre ces deux moments : la sortie d’Égypte et l’Exil, il y a tout ce temps qu’on pourrait appeler d’intégration pour une part ethnique : on se sait tous “sémites” d’origine — même si c’est anachronique de parler comme ça, mais c’est l’idée — ; mais surtout, on partage la vénération de la même divinité ! Pas de la même manière — au Nord, c’est à travers des statues de bovins réparties sur plusieurs points du territoire régi par la fédération d’une dizaine de clans ; au Sud, deux clans principaux, Juda et Benjamin, vénèrent HaShèM à travers des stèles de pierre installées dans une arche — ; ok, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit bien, au Nord comme au Sud, du même HaShèM.
Du reste, il n’y a pas de raison positivement valable de mettre à la poubelle l’agencement qui veut qu’entre ces clans existe un lien tel que la TORâH le présente à travers les figures de ‘AVeRâHâM, YTseRâQ et Ya”aQoV. Ce que manifestent ces figures, c’est simplement qu’il y a un lien qui unit ces clans. Or dans l’Antiquité du Moyen-Orient, ce genre de lien est nécessairement un lien de VIE, un lien d’origine : « On est de la même famille ! » ; « On est pareil ! » Donc « On est frères », et on ne se tape pas dessus ! Du moins on découvre qu’être frères, c’est ne pas se taper dessus : d’où les récits de Caïn et Abel, de ÉSsâW et Ya”aQoV et des 12 fils de Ya”aQoV. Si en revanche on n’arrive pas à s’entendre avec tel ou tel autre peuple, comme ‘ÉDoM ou les “AMMoNî, alors qu’on se sent tout de même proches, on dira qu’on a une ascendance plus ou moins commune, mais pas totale ; c’est pas la même lignée. Alors on ne s’entend pas, mais en même temps, on ne se tape pas trop dessus, même si on se regarde de travers…
Bref. Donc ok, on n’a pas de trace archéologique de ces personnages — donc encore moins de leur affiliation ; encore qu’il faudrait voir en ce qui concerne le patriarche Joseph. Et alors ? Hypothèse pour hypothèse, je crois en définitive plus raisonnable de m’appuyer sur la mémoire biblique qui a pour elle une tradition charnelle et vivante, plutôt que sur des hypothèses universitaires dont les postulats sont purement intellectuels — et croyez-moi, j’en ai parcouru un bon nombre, et de long en large, et c’est intellectuellement passionnant. Reste que les reconstructions des récits de cette histoire pour en proposer une autre version qu’on appellera « scientifique » ne me semblent finalement pas décisives. En définitive, ok, la Bible est un tissage de traditions ; mais la reconstruction contemporaine est tout aussi fictive ! Ça n’est qu’une HYPOTHÈSE de travail qu’on présente à l’appui de « preuves », mais le propre des preuves, c’est qu’elles ne prouvent rien justement ! Les preuves ne sont jamais que des indices qu’on peut regrouper en faisceaux, sachant que l’accusateur aura son propre faisceau et l’avocat en aura un autre, avec les mêmes dossiers… Une fois le matériel biblique déconstruit, il faut se poser la question : ça donne quoi ? Ça porte quels fruits ? Si c’est une simple satisfaction intellectuelle, c’est d’une part sec comme un coup de trique, mais c’est surtout très mince comparé à la puissance de VIE qui se déploie dans ces lignes quand on veut bien tout simplement se mettre à leur écoute, et les recevoir telles qu’elles se donnent à entendre. Il y a une intelligence dans ces récits ; il y a une inspiration, et c’est cette inspiration à laquelle il faut s’ouvrir pour découvrir la puissance vitale qui les anime.
Donc à tout prendre, prenons les éléments scientifiques pour ce qu’ils sont : des éclairages utiles pour mieux se faire une idée sur ce qui s’est passé, mais pour autant, ne lâchons pas la proie pour l’ombre. On lit régulièrement des articles dans la presse qui balancent slogans définitifs comme : « Moïse n’a pas existé », que « les patriarches sont de la propagande », etc. Mais c’est juste faux : si on veut bien considérer les critères rigoureux de la tradition orale au Moyen-Orient, on sait qu’elle ne colporte jamais jamais ragots !
Prenez par exemple les miracles. Les récits antiques aiment tous rapporter des miracles, ou des interventions des divinités dans le monde des hommes. Or précisément : la Bible, elle, est très ÉCONOME en miracles ! Quand elle en raconte, c’est toujours fugace ! Même la traversée du YaM SouF ne fait l’objet que de quelques versets, pas plus. Composer une légende dorée n’est pas l’objet de la Bible : elle n’a pas de cause à défendre, et c’est bien là qu’elle tient sa force. Elle RACONTE, et elle raconte TOUT, jusqu’au moins avouable !
Et pour ça, a des sources qu’elle vérifie en recoupant les témoignages qu’elle reçoit des diverses traditions qu’elle agence, mais elle n’affabule en aucune manière ! Parfois, ne sachant pas trancher, elle conserve les différentes versions d’un même événement, raison pour laquelle certains récits semblent faire doublons. Mais ces doublons ne révèlent en rien des inventions…
Et puis, on l’a déjà fait remarquer plusieurs fois : un récit de propagande est toujours composé à la gloire de ceux qui le diffusent. Nulle part dans les récits antiques on ne trouve de faille en défaveur du clan qui y fait sa publicité ! Les failles sont toujours du côté des ennemis ! Or la TORâH ne cache pas ses propres failles, tant s’en faut ! rappelez-vous tout le livre des Nombres qui va de chute en chute, au point qu’à la fin du livre, on se dit qu’ils ne vont jamais s’en sortir ! L’objectif de la TORâH n’est pas marketing : il est l’ÉLÉVATION du peuple qu’elle fait passer CHARNELLEMENT de l’enfance à la sagesse.
Donc voilà. Tout ça pour dire que cette installation ne s’est peut-être pas déroulée aussi facilement que le récit le laisse entendre, mais il n’y a pas de raison pour qu’on décide qu’elle n’a tout simplement pas eu lieu et que ce ne seraient que des peuplades déjà présentes sur le terrain qui se seraient peu à peu mêlées entre elles, mélange qu’on aurait ensuite légitimé en inventant une origine commune. Rien, mais absolument RIEN ne soutient une telle version.
Une fois qu’on a dit ça, il nous reste donc à recevoir humblement ce que nous livre cette mémoire : trois tribus israélites s’installent à l’Ouest du Jourdain : Re’OuVéN/Ruben, GâD et MâKhîR, affiliée à la grande tribu de MeNaShèH/Manassé.
L’étonnant, c’est que Re’OuVéN est présenté par la tradition comme l’aîné des fils de Ya”aQoV, et donc non des moindres ; alors qu’en fait, cette tribu se fera rapidement absorber par GâD ! Eh bien là encore, on a un indice de la fidélité de la tradition à ses sources, parce qu’un texte recomposé n’aurait pas choisi de donner cette place à Re’OuVéN alors même que cette tribu a complètement disparu en tant que telle bien avant l’Exil.
Toujours est-il que les v. 18 à 20, reprenant le ch. 32 des Nombres, entérine la revendication de ces tribus à demeurer à l’Ouest du Jourdain mais non sans poser cependant le principe de la solidarité conforme à toute confédération : les soldats des tribus installées à l’Est du Jourdain participeront aux faits d’armes de l’ensemble de la communauté, y compris à l’Ouest ; en particulier au moment de prendre possession de l’héritage de HaShèM. Ce qui importe, c’est de comprendre que, quelle que soit la tribu à laquelle chacun se rattache, chacune est solidaire de TOUT ISRAËL. Et c’est cette solidarité qu’exprime la notion de FRATERNITÉ.
Les v. 21-22 consacrent YeHOShOu“a/Josué comme disciple de Moïse et lui fixent sa mission : combattre bien sûr, mais surtout être celui grâce à qui toute peur devra être surmontée lorsqu’il s’agira d’affronter les adversaires ; non parce que YeHOShOu“a serait le plus fort, mais parce qu’il devient celui qui devra soutenir la FOI de son peuple en HaShèM. HaShèM qui ne se manifestera plus dans une colonne de feu, mais se battra néanmoins bel et bien en faveur de son peuple.
Alors encore une fois attention : c’est vrai que l’idée d’un dieu guerrier peut choquer les âmes sensibles, mais là encore, la tradition est fidèle : l’archéologie semble effectivement confirmer que HaShèM, avant d’être le Dieu d’Israël a été vénéré par de nombreuses tribus du désert comme une divinité guerrière ; mais ce qui importe, c’est ce qu’Israël va faire de ce dieu guerrier ! Et en l’occurrence, Israël va comprendre peu à peu que le véritable combat n’est pas tant extérieur qu’INTÉRIEUR ! C’est à travers ce chemin d’intériorisation — qui prend du temps au niveau de tout un peuple — que se prépare, de manière tout à fait inspirée, le fait que Jésus Lui-même se présentera au premier front d’un combat tragique : sa Passion commencera par son AGONIE, or AGONIE signifie LUTTE ; et cette lutte, ce COMBAT, il le mènera POUR NOUS !
Du coup, pour en rester à nos versets, l’engagement de HaShèM dans cette installation guerrière ne signifie pas qu’Israël n’aura pas à se battre ; mais ce sera pour découvrir peu à peu le combat INTÉRIEUR qui se mène, lui, avec les armes DE LA FOI ; une FOI en HaShèM qui rejaillit nécessairement sur la manière de mener le combat EXTÉRIEUR. Il y a donc dès le récit de Moïse : ET la dimension extérieure - ET la dimension intérieure qui appartiennent toutes les deux au combat du Christ, donc au combat chrétien. Tout est déjà en germe.
Alors on poursuit la lecture : les v. 23 à 27 quant à eux sont originaux : ils rapportent une supplique de Moïse en sa propre faveur afin de franchir le Jourdain. Là, on a un passage qui est de la même veine que pour le prophète Jérémie, tout emprunt d’émotion ; et qui n’est pas sans rappeler non plus les débuts de la mission de Moïse où il demande à HaShèM de choisir quelqu’un d’autre, non parce qu’il se défausse mais parce qu’il ne se sent pas capable de répondre à cet appel.
C’est là une écriture proprement deutéronomiste qui tranche sur l’écriture hiératique de l’école sacerdotale. Les rabbins parlent d’ailleurs de la rédaction deutéronomiste comme d’une écriture “féminine” ; et de la rédaction sacerdotale comme d’une écriture “masculine” ; mais pour ceux qui connaissent un peu le vocabulaire psychanalytique à propos des névroses, je préférerais parler d’une écriture hystérique pour l’école du deutéronome et obsessionnelle pour l’école sacerdotale — l’hystérie et l’obsession ne sont pas des pathologies ! Ce sont deux modes psychologiques de fonctionnement. Une personne hystérique, c’est quelqu’un qui, en gros, a besoin qu’on lui dise et qu’on lui montre en permanence qu’on l’aime. Du coup, il met sa vie en scène, il théâtralise, se plaint souvent. L’hystérique est beaucoup sur l’émotion, et c’est vrai que le Deutéronome joue beaucoup sur ce terrain : les v. 23 à 28 en sont un bon exemple. L’obsessionnel, lui, fait passer le devoir et la règle avant tout pour, lui-aussi, gagner de l’amour, mais à terme. En attendant, l’obsessionnel compte, range, organise… exactement ce qu’on trouve, entre autres, dans le livre du Lévitique par exemple. Alors derrière ces qualificatifs, il n’y a aucun jugement moral : ce sont encore une fois deux modes de fonctionnement psychologiques, qui s’expriment chacun sur un mode NARRATIF propre. Et HaShèM se sert de l’un comme de l’autre pour inspirer un récit qui s’avère, in fine, spirituellement très équilibré et très humain.
Enfin bref. Toujours est-il que ces versets 23 à 28 livrent une conversation entre Moïse et HaShèM étrangère au livre des Nombres. C’est en fait un échange très intime, celui de deux amis dont, paradoxalement, témoigne la brusque réponse de HaShèM — parce que dans le fond, on NE parle jamais sur un tel ton QU’à ses amis. Moïse rappelle la sanction de HaShèM — mais vous vous souvenez de ce qu’on en a dit dans les vidéos précédentes : il ne traversera pas le Jourdain, point final ! Et c’est donc d’un combat INTÉRIEUR qu’il s’agit : celui de l’OBÉISSANCE, celui du SERVICE qui est en passe, pour Moïse, de s’achever. Et là, Moïse se présente un PRÉCURSEUR de ce qu’Israël devra découvrir peu à peu. Il se présente comme un PÈRE pour Israël ! Terrible épreuve pour un père que de se voir mourir et de se dire : « Comment mes enfants vont-ils faire sans moi ? ». En même temps, c’est quand on sent la mort prochaine qu’on tente une dernière fois de transmettre l’essentiel à ses enfants : or ce sera précisément l’objet des chapitres qui suivent ; l’objet, en définitive, de tout le Deutéronome.
Et en ce sens, en fait, HaShèM ne prive Moïse de rien, au contraire. Parce que dans le fond, KaNa“aN n’est jamais que le signe du Royaume éternel, son sacrement si vous voulez. Mais KaNa“aN n’est pas le Royaume de HaShèM. En mourant avant d’entrer sur le sol, HaShèM signifie en fait à Moïse qu’il a mérité — malgré sa faute professionnelle, pourrait-on dire — d’entrer immédiatement dans le Royaume ; et c’est ce que signifiera le récit de sa mort que le Deutéronome présentera comme un « baiser de HaShèM ».
Donc là encore, Moïse est un précurseur, un avant-coureur. Du coup, lorsqu’il montera sur le Mont PiSheGâH — un mont important puisque c’est de là que Balaam avait béni Israël, au ch. 23 du livre des Nombres ; le Mont PiSheGâH est littéralement un « pic » de la chaîne des “aVâRîM, en Jordanie actuelle, non loin du Mont NeVO — ; donc quand, à la fin du livre, Moïse montera sur le mont PiSheGâH ou le mont NeVO, quel qu’il soit, il « portera les yeux », dit notre récit, comme on « porte son regard » en français, sur les 4 points cardinaux — et de fait, du haut de ce pic, on a une vue à 380°. Mais c’est surtout une manière de dire qu’il verra la totalité du sol que HaShèM donne à TOUT ISRAËL. Après quoi ses yeux se fermeront alors même que ceux de YeHOShOu”a, eux, viennent de s’ouvrir, au v. 21. Ce sera désormais à YeHOShOu”a d’être “les yeux du peuple” pour le mener sur le sol promis qui restera à découvrir comme le signe du Royaume. Et quand, à cause de l’Exil, le signe semblera perdu, ça ne signifiera pas que le Royaume le sera, mais que pour y être admis par HaShèM, il faut y revenir dans le cadre de l’ALLIANCE fondée en Moïse.
Le v. 28 confirme YeHOShOu”a dans sa mission. Le récit marque une pause au v. 29 pour permettre à Moïse de donner ses dernières consignes à son disciple : ce sera l’objet des chapitres qui vont maintenant s’ouvrir.
La première partie du discours inaugural de Moïse se termine là. Entre le ch. 2, v. 24 et le ch. 3, v. 29, une étape, un MOMENT du Salut est achevé. Les v. 8-11 du ch. 3 qui composent le centre de cette partie parlent précisément à ce propos, du KAÏROS dans la traduction grecque ; c’est-à-dire un moment où un événement fondateur scellé dans la mémoire. Ce KAÏROS nous apprend que HaShèM est ROI, mais certainement pas à la manière de SîH.ON ou de ‘OG : ces deux-là sont des rois jaloux de leur sol ; des roitelets, des petits chefs. HaShèM, Lui, est véritablement ROI en tant que, par Moïse, Il DONNE le sol en héritage à son peuple ; un don que YeHOShOu”a sera chargé de mettre en œuvre après le franchissement du Jourdain.
Nous verrons la suite la prochaine fois. D’ici là, je vous souhaite une féconde lecture de ce passage.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Qu'est-ce qu'un héritage ?
Bonjour,
Nous avons achevé avec la dernière vidéo la première partie du discours inaugural de Moïse. On commence aujourd’hui la seconde partie de ce discours, composé de 4 fragments d’une exhortation pressante à la fidélité. Alors on va rester plusieurs vidéos sur les premiers versets parce qu’il y a un certain nombre de notions à bien mettre en place pour profiter au mieux de l’héritage que porte le Deutéronome.
Quand on étudie un peu la structure des 4 premiers chapitres du livre — je ne vais pas le faire avec vous parce que c’est un peu technique, mais il est intéressant d’en dégager le point primordial —, on s’aperçoit que le cœur du message est celui du DON de HaShèM, mais un DON — on l’a déjà évoqué — à RECEVOIR autant qu’à CONQUÉRIR : « Levez-vous et partez ! » (Dt 2,24), constitue le centre de cet ensemble, entouré : – d’une part, par une exhortation à recevoir le sol en HÉRITAGE ; – d’autre part, par une première prise de possession des territoires à l’Est du Jourdain. Alors encore une fois, ne soyons pas choqués par cette dimension offensive : Rappelons-nous toujours que la chose était courante à l’époque et que ce qu’Israël devra apprendre — et qui constitue la trajectoire de toute l’histoire sainte qui aboutira à Jésus —, c’est que le cœur de toute lutte véritable, de toute lutte pour la VIE, s’avère avant tout INTÉRIEURE. Une lutte pour recevoir authentiquement le DON de HaShèM, un DON VIVANT, qu’on ne peut retenir à soi comme l’accaparement d’un bien qu’on s’approprie. Un DON VIVANT ne peut se recevoir que comme un HÉRITAGE, c’est-à-dire comme un acte de NON-APPROPRIATION du bien qu’on reçoit. C’est cette notion d’HÉRITAGE qui va nos occuper aujourd’hui.
Aussi paradoxal que ça puisse paraître, HÉRITER n’est jamais obtenir un acte de propriété. HÉRITER, c’est consentir à prendre en CHARGE un bien qui, précisément, N’APPARTIENT PAS à l’Héritier. Ça ne veut pas dire qu’il n’en profitera pas, mais ce sera comme GÉRANT d’un bien dont il sait qu’il devra le transmettre à son tour pour que la génération suivante poursuive ce travail VIVANT, c’est-à-dire par lequel la VIE l’emporte sur la mort.
Alors approfondissons cette question. D’une certaine manière, on peut dire qu’un Héritage, c’est à la fois une DETTE et une MISSION. Une DETTE parce qu’un Héritage ne s’achète jamais : je reçois gratuitement un bien dont un AUTRE QUE MOI a pris soin AVANT MOI et qu’il a fait fructifier. Un bien vivant, donc, dont il se DÉSAPPROPRIE en ma faveur pour me le transmettre sans aucun mérite de ma part. Cette DETTE ne s’honore que dans la mesure où je consens à la MISSION qui lui est associée puisqu’à mon tour, j’aurai pour charge de lui faire porter un fruit de VIE, avant de le transmettre comme un HÉRITAGE VIVANT. C’est dans le cadre de cet HÉRITAGE toujours VIVANT que Jésus peut évoquer le fameux « fruit qui DEMEURE » ; non pas au sens où ce fruit en lui-même serait pérenne, mais au sens où ce fruit s’inscrit dans une succession ininterrompue de DÉSAPPROPRIATIONS et de DONS à travers laquelle se dévoile la dynamique même de la vie. Alors c’est difficile de concevoir ça pour nous, parce que pour nos générations post-modernes, la VIE, c’est celle de l’individu. C’est MA vie ! Alors que pour nos anciens, il n’y avait de vie QUE dans la TRANSMISSION, c’est-à-dire dans un flux de désappropriations successives, génération après génération. Ce qui était sagesse ! Au point qu’un homme comme le dominicain Maître Eckhart, dès le XIIIe s., méditera toute sa vie durant ce mystère de DÉSAPPROPRIATION qui caractérise le DIEU VIVANT. En DIEU, la VIE n’est que désappropriation du Père en faveur du Fils et du Fils en faveur du Père ; une désappropriation mutuelle d’où jaillit le Souffle vivant, l’Esprit, par qui DIEU donne la VIE hors de Lui-même, se désapproprie de la VIE sans pour autant en être privé. Et c’est là que surgit l’idée d’un DIEU d’amour, puisque l’amour ne se perd pas en le donnant, mais grandit au contraire. La VIE, c’est de l’AMOUR, de la CHARITÉ en acte de DÉSAPPROPRIATION perpétuelle. Et si DIEU est « brûlant », c’est dans le même sens : la flamme ne disparaît pas en se donnant, au contraire. C’est si elle ne se donne pas qu’elle s’éteint. Alors on comprend dès lors pourquoi, à partir du moment où un individu proclame : « C’est à MOI ! », comme la flamme, la vie s’éteint, l’amour s’éteint et l’HÉRITAGE échappe et disparaît.
Alors creusons cette affaire par un autre biais. On l’a dit : personne ne “mérite” un héritage. Un héritage n’est jamais un “dû” : c’est donc une grâce, un cadeau. Or le propre du cadeau n’est pas de “faire plaisir”. Le propre du cadeau, c’est de SIGNIFIER UN LIEN, un ATTACHEMENT, autrement dit : une ALLIANCE.
Prenons un exemple simple qu’on a déjà évoqué, je crois : quand j’offre un cadeau, si quelques jours après je vois qu’il est en vente sur Internet, ça me heurte ! Je suis blessé ! Pourquoi ? En termes comptables, on pourrait me dire que dans la mesure où j’ai fait un “don”, le bien ne m’appartient plus : « donner c’est donner, reprendre c’est voler », comme on dit. Celui à qui j’ai “donné” ce cadeau a donc légitimement le droit d’en faire ce qu’il veut, oui ?
Eh bien NON, en fait ; précisément parce qu’il s’agit d’un CADEAU et que , derrière le bien matériel, il y a un LIEN VIVANT que l’objet offert signifie CHARNELLEMENT : on pourrait dire que le propre d’un cadeau, c’est d’être le SACREMENT, le SIGNE visible du LIEN invisible qu’il manifeste matériellement ; un LIEN qui lui confère en fait toute sa valeur... Voyez : le LIEN appartient à l’essence même du « cadeau », de sorte qu’en le regardant, ou en en usant, ce cadeau signifie quelque chose de plus que sa simple matérialité. Il SIGNIFIE au sens fort le LIEN qui attache le donateur au donataire — le donataire, c’est celui à qui l’on donne en termes contractuels. Au bénéficiaire, si vous préférez.
Par ailleurs, un LIEN n’est possible que là où une PAROLE est posée. Dit autrement, si le « cadeau » n’existe que par le LIEN qu’il institue, il est nécessairement porteur d’une PAROLE. Il est porteur d’une PAROLE d’ALLIANCE dont il devient le SIGNE. Par lui, je reconnais mon frère, ma sœur, mon ami, mon Dieu, mon père, ma mère ,etc. Et ça, c’est profondément biblique ! Vous vous souvenez qu’en hébreu, il n’y a pas de mot pour dire « objet », pour dire « chose » ? OBJET se dit DâVâR, PAROLE ! Ce qui fait que pour la Bible, tout « objet » est une PAROLE au sens où à tout « objet » est attaché un LIEN, donc un HÉRITAGE qu’Israël est convoqué à recevoir. Tout est donc CADEAU, GRÂCE, qui manifeste le LIEN vivant qui relie fondamentalement Israël à un DONATEUR, à savoir HaShèM ; un LIEN auquel Israël répond par une TORâH de GRATITUDE représentée par les sacrifices offerts au Sanctuaire de Jérusalem.
Alors on vient de dire que ce rapport de l’objet à la parole est biblique, mais c’est parce qu’il est profondément anthropologique. Je voudrais vous lire ici l’extrait d’un billet écrit par l’académicien François Cheng, daté du 28 avril 2020, alors que sévissait le confinement général dû à la pandémie du CoVid19 : « Il fut un temps où l’humanité était plus humble, plus patiente. Elle chérissait les choses qui étaient à son service. Elle en connaissait le prix, éprouvait à leur égard de la gratitude. Il s’établissait entre les humains et les choses un lien de sympathie, pour ne pas dire de connivence. On gardait les choses le plus longtemps possible, même quand elles étaient rongées d’usure. On rapiéçait les chaussettes, on ravaudait les chemises, on réparait les porcelaines fêlées, on entretenait avec vénération les meubles légués par les aïeux.
Ainsi traitées, les choses prenaient un aspect personnel, revêtaient un coloris intime.
Mais depuis une ou deux générations, nous assistons à l’avènement du jetable. Du coup, nous n’entretenons plus le même rapport avec les choses. Les traitant de haut, nous ne leur portons ni attachement, ni affection. Elles sont usées par nous, dans l’indifférence. Arrive le moment où elles se montrent moins efficaces, nous les fourrons sans ménagement dans le sac-poubelle. Hop là, un bon débarras. Ni vu ni connu. Tout cela ne nous éduque pas dans le sens de l’attention du respect, encore moins de la douceur et de l’harmonie. Il arrive bien souvent qu’inconsciemment, aux heures de nos désœuvrements, nous nous agacions de la présence des choses parce qu’elles nous renvoient l’image de nos propres désarrois.
Le confinement est l’occasion de réapprendre la valeur des choses qui nous entourent. Celles-ci, nous le savons, ont une âme, même un bout de ruban, même une épingle. Elles ont acquis une âme pour avoir été les témoins de notre vie. Elles conservent précieusement nos souvenirs, que nous avons relégués aux oubliettes. Elles peuvent nous être d’un soutien secourable si nous consentons à en faire des interlocuteurs valables. Elles sont là, pour nous rappeler que la vie n’est pas forcément un gâchis total. Elles sont là pour nous appeler à la fidélité. » (François Cheng, « Champs libres », Le Figaro du mardi 28 avril 2020, p. 29).
Voyez ? C’est une manière différente de sentir que chaque chose est porteuse d’un LIEN qui nous attache à un AUTRE que nous-même et qui nous parle par l’objet ; qui nous signifie la PRÉSENCE de l’AUTRE, même en son absence formelle. On dit alors que l’objet est MÉDIATEUR : médiateur d’une parole qui subsiste par lui, même en l’absence du donateur avec qui est établi le LIEN qui nous attache à lui. Cette MÉDIATION est au cœur de la notion d’HÉRITAGE et de l’ALLIANCE qui lui est concomitante. Si je m’approprie l’HÉRITAGE comme un pur bien de consommation, alors la MÉDIATION dont est porteur cet héritage disparaît et l’ALLIANCE disparaît avec lui. Et là, soit dit en passant, on touche le sens profond du décalogue, à commencer par la 10ème parole qui interdit la CONVOITISE. Il ne s’agit pas d’un petit précepte de morale bien pensante : la convoitise ne trahit rien de moins que l’HÉRITAGE de HaShèM et efface l’ALLIANCE qu’il porte. C’est vraiment grave, parce qu’à partir de là, de proche en proche, la mort construit son lit pour aller jusqu’au meurtre : « Tu n’assassineras pas ! »… Eh oui, mais pour éviter ça, il faut commencer par ne pas convoiter, par ne pas S’APPROPRIER L’HÉRITAGE. Et ça n’est pas pour rien qu’on réentendra le Décalogue au ch. suivant : « Tu ne convoiteras pas ! » (Dt 5,21 // Ex 20,17), sous-entendu : tu ne t’approprieras pas l’Héritage de tes pères afin de ne pas perdre l’ALLIANCE de VIE qui lui est attenante ! Donc à travers ce dernier article du Décalogue, ce n’est en définitive rien de moins que l’HÉRITAGE de TOUT ISRAËL qui est en cause !
Alors ça paraît peut-être un peu intello, ces affaires, mais en fait pas du tout ! C’est très concret au contraire, très CHARNEL, avec de nombreuses conséquences.
Par exemple : cette PAROLE, attachée à chaque chose, a ceci de précieux qu’elle manifeste certes un LIEN, mais instaure dans le même moment une DISTANCE salutaire entre la chose et moi. Si la chose me parle, et si j’entends cette parole, alors elle n’est plus simplement un bien de consommation ! Une distance m’interdit alors d’exercer une mainmise sur elle ; m’interdit de me l’approprier pour en faire n’importe quoi à ma guise ; ce qui rend cette chose rien de moins que SACRÉE. Encore et toujours ce mouvement de DÉSAPPROPRIATION salutaire qui contrecarre en nous le réflexe pécheur de la convoitise et nous fait tout recevoir sur le mode d’un HÉRITAGE ! Même un simple caillou sur le chemin, si je veux bien l’ÉCOUTER, peut m’entraîner dans un abîme de contemplation, à condition que je refuse de le réduire à un simple bibelot ou à de la pure matière. L’âme de l’encyclique Laudato Si, du pape François est là : la Création est médiatrice de la Parole de Dieu qui rend SACRÉE cette Création et interdit par le fait même d’en faire un pur produit d’exploitation consumériste qui ne procède à rien d’autre qu’à une désacralisation.
En définitive, recevoir un HÉRITAGE, c’est donc consentir à ENTENDRE LA PAROLE qui lui est attachée ; une parole qui SIGNIFIE le LIEN, l’ALLIANCE qui subsiste entre celui qui TRANSMET cet héritage et celui qui le REÇOIT. Et c’est l’écoute de cette PAROLE D’ALLIANCE qui fait germer la JOIE de se savoir l’objet d’une RECONNAISSANCE, et qui fait germer la GRATITUDE en réponse joyeuse à la responsabilité qui est confiée de veiller sur cet HÉRITAGE pour lui faire porter son fruit, génération après génération.
La TORâH met clairement en lumière la joie de se savoir le sujet d’un AMOUR entre HaShèM et son peuple en tant qu’HÉRITIER, donc en tant que FILS. Et là, c’est la notion de FILIATION qui prend une autre dimension à partir du moment où on lui attache celle d’HÉRITAGE, donc de DÉSAPPROPRIATION pour se mettre au service de la PAROLE dont cet HÉRITAGE est le MÉDIATEUR.
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Alors allons encore plus loin, tellement ce message est essentiel pour aujourd’hui où le LIEN est battu en brèche au profit de l’individualisme pur et dur. Les médias et l’éducation enseignent que le sommet de la liberté s’inscrit dans “l’indépendance” intégrale de l’individu comprise comme le droit de ne se « lier » à un autre que dans la mesure où cet autre lui « fait du bien ». Sauf qu’à pousser cette idéologie jusqu’au bout, on finit tout simplement isolé, ENFER-mé sur soi, comme dit Thomas d’Ansembourg.
Alors c’est vrai que l’irruption de l’autre dans ma vie n’est jamais simple : mais c’est précisément TOUTE LA QUESTION DE LA BIBLE : comment GÉRER cette présence de l’AUTRE qui m’est à la fois blessante et indispensable ? Eh bien précisément, répond Moïse : grâce à l’ALLIANCE et aux médiations qui portent cette ALLIANCE.
D’abord, pourquoi cette présence de l’autre est-elle blessante ? Parce que cette seule présence de l’autre me révèle que je suis FAIBLE, tout simplement. La faiblesse n’est pas un mal en soi ; elle est un RÉVÉLATEUR ! La faiblesse, c’est en fait ce qui me révèle que j’ai BESOIN D’UN AUTRE, que j’ai BESOIN DES AUTRES ; non comme des biens de consommation pour me donner du plaisir, mais comme des MÉDIATEURS de l’ALLIANCE qui nous relie à HaShèM comme à notre Père.
À partir de cette blessure que m’inflige la présence de l’autre, ma liberté m’ouvre deux chemins : soit un chemin descendant, fait de plainte et de révolte, qui perçoit cette faiblesse comme une misère. Aucune parole d’ALLIANCE n’est plus perçue ; l’autre est désacralisé, il n’est plus médiateur de personne, de sorte que sa seule présence, trop pleine de lui-même, est ressentie comme intrusive. Son regard sur moi m’apparaît comme un jugement injuste — « au nom de quoi, de qui ? » — et donc insupportable ; c’est le fameux « l’ENFER, c’est les autres » de Jean-Paul Sartre dans Huits-Clos. Je vais alors chercher à me défendre de cette blessure qui me révèle ma faiblesse en m’ENFER-mant sur moi-même, avec pour seul recours la loi du plus fort CONTRE l’autre qui devient un ennemi.
Ou alors — autre chemin possible, ascendant cette fois — ma liberté m’ouvre un chemin de DÉSAPPROPRIATION joyeuse et volontaire de toute convoitise ; un chemin de PAUVRETÉ qui me met à l’écoute de l’autre, de sa dimension SACRÉE qui se rappelle à moi par la parole dont il est porteur ; donc par la MÉDIATION de l’ALLIANCE inscrite dans sa CHAIR : l’autre me RELIE à DIEU. Le rapport à l’autre ne peut plus dès lors être un jeu de mainmise, de sorte que l’autre se trouve autorisé à surgir librement dans mon existence pour m’entraîner au-delà de tous mes ENFER-mements, et là, je deviens VIVANT. C’est ce qui permettra à Paul d’affirmer : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2Co 12,10), dans toute la mesure où « Un frère appuyé sur un autre frère est une forteresse. » (Pr 18,19 (LXX)). Ce qui est d’autant plus puissant si ce frère se révèle être le Christ Jésus, puisqu’Il est par excellence MÉDIATEUR du Père. C’est tout l’enjeu de la prière sacerdotale, dans l’Évangile de Jean au ch. 17.
En définitive, ce chemin de DÉSAPPROPRIATION est au cœur de toute vie spirituelle véritable. Il s’avère être le chemin de HaShèM, donc celui de Moïse et celui de Jésus — ne séparons jamais Jésus de Moïse, sans quoi on ne comprend RIEN à l’Évangile qu’on réduit à un petit manuel de morale bien-pensante ! C’est le chemin de la vérité vivante, qui donne la vie. C’est le chemin de la PAUVRETÉ, de l’HUMILITÉ, c’est-à-dire du SERVICE.
Dit autrement, le chemin de la VIE se vérifie par le fait que j’ai BESOIN D’ÊTRE LIÉ à UN AUTRE — je suis PAUVRE — pour recevoir cette vie comme un HÉRITAGE SACRÉ et la transmettre à mon tour comme un HÉRITAGE sans jamais mettre la main dessus. J’apprends alors que la “faiblesse humaine” constitue en réalité la FORCE de tout homme — Jésus le manifestera de manière absolue — ; une FORCE SPIRITUELLE qui interdit toute appropriation pour goûter au bonheur de S’ALLIER à l’AUTRE. C’est de cette ALLIANCE que naît cette FORCE — la force de la VIE —, infiniment plus puissante que celle du seul individu qui croit devoir se DÉLIER des autres pour exister, et qui pour cette raison devient un pourvoyeur de mort par la mainmise qu’il exerce sur toute personne qui aura le malheur de passer à sa portée. Tout à l’inverse, grâce au consentement à l’ALLIANCE, l’AUTRE — le PROCHAIN dira Jésus — se dévoile comme indispensable : il est celui avec qui je vais pouvoir TRANCHER une alliance de sorte que s’inscrive en moi une PAROLE ; que de cette parole se tisse un RÉCIT sur la TRAME de cette ALLIANCE, en sorte que de ce récit dévoile une histoire sainte, SACRÉE, CONSACRÉE, par laquelle la VIE peut dès lors se RACONTER, donc se TRANSMETTRE… Et c’est parti pour l’aventure.
Je vous livre à propos de cette difficulté d’appréhender l’autre dans notre existence, une très belle méditation d’Élisabeth Smadja dans son livre Prier le Notre Père : « Je pleure parfois sans raison… Je pleure d’humanité. Je pleure parce que naître, c’est être blessé de la blessure causée par l’irruption de l’autre en mon histoire. C’est ma chance d’aimer et d’être aimé, de déployer les relations d’amour conjugal, paternel, maternel, filial, fraternel et amical que Dieu nous donne de vivre pour que son Amour se déverse sur toute la surface de la terre. » (Élisabeth Smadja, Prier le Notre Père, Émeth Éditions (2019), p. 42.) Voilà : à la fois, l’autre me blesse parce qu’il dérange ma zone de confort ; et dans le même temps, il est ma chance, ma grâce, mon secours vital pour pouvoir m’aventurer sur le chemin de la vraie VIE offerte en HÉRITAGE, comme une PAROLE qui rend cette VIE SACRÉE et m’interdit ainsi de la spolier à mon seul profit. Du coup, on retrouve l’intuition initiale du « LèKh LeKhaH », « Va vers toi… vers le SOL que Je te ferai voir ! » (Gn 12,1) qui a mis en route ‘AVeRâHâM ; et qui s’accomplit au fil de toute sa descendance à travers la notion d’HÉRITAGE. C’est ainsi qu’on peut entendre une fois encore saint Paul lorsqu’il dit des chrétiens : « Si vous êtes au Christ, vous êtes donc la postérité d'Abraham, HÉRITIERS selon la promesse. » (Ga 3,29). À bon entendeur, salut !
Maintenant, il reste une interrogation : quel est ce SOL vers lequel Moïse est chargé de conduire ce peuple ? C’est la question que nous nous poserons la prochaine fois. D’ici là, prenez le temps de lire une première fois les premiers versets de ce ch. 4 du Deutéronome, et vous verrez que vous ne les entendrez plus de manière seulement formelle.
Je vous remercie.
Nous avons achevé avec la dernière vidéo la première partie du discours inaugural de Moïse. On commence aujourd’hui la seconde partie de ce discours, composé de 4 fragments d’une exhortation pressante à la fidélité. Alors on va rester plusieurs vidéos sur les premiers versets parce qu’il y a un certain nombre de notions à bien mettre en place pour profiter au mieux de l’héritage que porte le Deutéronome.
Quand on étudie un peu la structure des 4 premiers chapitres du livre — je ne vais pas le faire avec vous parce que c’est un peu technique, mais il est intéressant d’en dégager le point primordial —, on s’aperçoit que le cœur du message est celui du DON de HaShèM, mais un DON — on l’a déjà évoqué — à RECEVOIR autant qu’à CONQUÉRIR : « Levez-vous et partez ! » (Dt 2,24), constitue le centre de cet ensemble, entouré : – d’une part, par une exhortation à recevoir le sol en HÉRITAGE ; – d’autre part, par une première prise de possession des territoires à l’Est du Jourdain. Alors encore une fois, ne soyons pas choqués par cette dimension offensive : Rappelons-nous toujours que la chose était courante à l’époque et que ce qu’Israël devra apprendre — et qui constitue la trajectoire de toute l’histoire sainte qui aboutira à Jésus —, c’est que le cœur de toute lutte véritable, de toute lutte pour la VIE, s’avère avant tout INTÉRIEURE. Une lutte pour recevoir authentiquement le DON de HaShèM, un DON VIVANT, qu’on ne peut retenir à soi comme l’accaparement d’un bien qu’on s’approprie. Un DON VIVANT ne peut se recevoir que comme un HÉRITAGE, c’est-à-dire comme un acte de NON-APPROPRIATION du bien qu’on reçoit. C’est cette notion d’HÉRITAGE qui va nos occuper aujourd’hui.
Aussi paradoxal que ça puisse paraître, HÉRITER n’est jamais obtenir un acte de propriété. HÉRITER, c’est consentir à prendre en CHARGE un bien qui, précisément, N’APPARTIENT PAS à l’Héritier. Ça ne veut pas dire qu’il n’en profitera pas, mais ce sera comme GÉRANT d’un bien dont il sait qu’il devra le transmettre à son tour pour que la génération suivante poursuive ce travail VIVANT, c’est-à-dire par lequel la VIE l’emporte sur la mort.
Alors approfondissons cette question. D’une certaine manière, on peut dire qu’un Héritage, c’est à la fois une DETTE et une MISSION. Une DETTE parce qu’un Héritage ne s’achète jamais : je reçois gratuitement un bien dont un AUTRE QUE MOI a pris soin AVANT MOI et qu’il a fait fructifier. Un bien vivant, donc, dont il se DÉSAPPROPRIE en ma faveur pour me le transmettre sans aucun mérite de ma part. Cette DETTE ne s’honore que dans la mesure où je consens à la MISSION qui lui est associée puisqu’à mon tour, j’aurai pour charge de lui faire porter un fruit de VIE, avant de le transmettre comme un HÉRITAGE VIVANT. C’est dans le cadre de cet HÉRITAGE toujours VIVANT que Jésus peut évoquer le fameux « fruit qui DEMEURE » ; non pas au sens où ce fruit en lui-même serait pérenne, mais au sens où ce fruit s’inscrit dans une succession ininterrompue de DÉSAPPROPRIATIONS et de DONS à travers laquelle se dévoile la dynamique même de la vie. Alors c’est difficile de concevoir ça pour nous, parce que pour nos générations post-modernes, la VIE, c’est celle de l’individu. C’est MA vie ! Alors que pour nos anciens, il n’y avait de vie QUE dans la TRANSMISSION, c’est-à-dire dans un flux de désappropriations successives, génération après génération. Ce qui était sagesse ! Au point qu’un homme comme le dominicain Maître Eckhart, dès le XIIIe s., méditera toute sa vie durant ce mystère de DÉSAPPROPRIATION qui caractérise le DIEU VIVANT. En DIEU, la VIE n’est que désappropriation du Père en faveur du Fils et du Fils en faveur du Père ; une désappropriation mutuelle d’où jaillit le Souffle vivant, l’Esprit, par qui DIEU donne la VIE hors de Lui-même, se désapproprie de la VIE sans pour autant en être privé. Et c’est là que surgit l’idée d’un DIEU d’amour, puisque l’amour ne se perd pas en le donnant, mais grandit au contraire. La VIE, c’est de l’AMOUR, de la CHARITÉ en acte de DÉSAPPROPRIATION perpétuelle. Et si DIEU est « brûlant », c’est dans le même sens : la flamme ne disparaît pas en se donnant, au contraire. C’est si elle ne se donne pas qu’elle s’éteint. Alors on comprend dès lors pourquoi, à partir du moment où un individu proclame : « C’est à MOI ! », comme la flamme, la vie s’éteint, l’amour s’éteint et l’HÉRITAGE échappe et disparaît.
Alors creusons cette affaire par un autre biais. On l’a dit : personne ne “mérite” un héritage. Un héritage n’est jamais un “dû” : c’est donc une grâce, un cadeau. Or le propre du cadeau n’est pas de “faire plaisir”. Le propre du cadeau, c’est de SIGNIFIER UN LIEN, un ATTACHEMENT, autrement dit : une ALLIANCE.
Prenons un exemple simple qu’on a déjà évoqué, je crois : quand j’offre un cadeau, si quelques jours après je vois qu’il est en vente sur Internet, ça me heurte ! Je suis blessé ! Pourquoi ? En termes comptables, on pourrait me dire que dans la mesure où j’ai fait un “don”, le bien ne m’appartient plus : « donner c’est donner, reprendre c’est voler », comme on dit. Celui à qui j’ai “donné” ce cadeau a donc légitimement le droit d’en faire ce qu’il veut, oui ?
Eh bien NON, en fait ; précisément parce qu’il s’agit d’un CADEAU et que , derrière le bien matériel, il y a un LIEN VIVANT que l’objet offert signifie CHARNELLEMENT : on pourrait dire que le propre d’un cadeau, c’est d’être le SACREMENT, le SIGNE visible du LIEN invisible qu’il manifeste matériellement ; un LIEN qui lui confère en fait toute sa valeur... Voyez : le LIEN appartient à l’essence même du « cadeau », de sorte qu’en le regardant, ou en en usant, ce cadeau signifie quelque chose de plus que sa simple matérialité. Il SIGNIFIE au sens fort le LIEN qui attache le donateur au donataire — le donataire, c’est celui à qui l’on donne en termes contractuels. Au bénéficiaire, si vous préférez.
Par ailleurs, un LIEN n’est possible que là où une PAROLE est posée. Dit autrement, si le « cadeau » n’existe que par le LIEN qu’il institue, il est nécessairement porteur d’une PAROLE. Il est porteur d’une PAROLE d’ALLIANCE dont il devient le SIGNE. Par lui, je reconnais mon frère, ma sœur, mon ami, mon Dieu, mon père, ma mère ,etc. Et ça, c’est profondément biblique ! Vous vous souvenez qu’en hébreu, il n’y a pas de mot pour dire « objet », pour dire « chose » ? OBJET se dit DâVâR, PAROLE ! Ce qui fait que pour la Bible, tout « objet » est une PAROLE au sens où à tout « objet » est attaché un LIEN, donc un HÉRITAGE qu’Israël est convoqué à recevoir. Tout est donc CADEAU, GRÂCE, qui manifeste le LIEN vivant qui relie fondamentalement Israël à un DONATEUR, à savoir HaShèM ; un LIEN auquel Israël répond par une TORâH de GRATITUDE représentée par les sacrifices offerts au Sanctuaire de Jérusalem.
Alors on vient de dire que ce rapport de l’objet à la parole est biblique, mais c’est parce qu’il est profondément anthropologique. Je voudrais vous lire ici l’extrait d’un billet écrit par l’académicien François Cheng, daté du 28 avril 2020, alors que sévissait le confinement général dû à la pandémie du CoVid19 : « Il fut un temps où l’humanité était plus humble, plus patiente. Elle chérissait les choses qui étaient à son service. Elle en connaissait le prix, éprouvait à leur égard de la gratitude. Il s’établissait entre les humains et les choses un lien de sympathie, pour ne pas dire de connivence. On gardait les choses le plus longtemps possible, même quand elles étaient rongées d’usure. On rapiéçait les chaussettes, on ravaudait les chemises, on réparait les porcelaines fêlées, on entretenait avec vénération les meubles légués par les aïeux.
Ainsi traitées, les choses prenaient un aspect personnel, revêtaient un coloris intime.
Mais depuis une ou deux générations, nous assistons à l’avènement du jetable. Du coup, nous n’entretenons plus le même rapport avec les choses. Les traitant de haut, nous ne leur portons ni attachement, ni affection. Elles sont usées par nous, dans l’indifférence. Arrive le moment où elles se montrent moins efficaces, nous les fourrons sans ménagement dans le sac-poubelle. Hop là, un bon débarras. Ni vu ni connu. Tout cela ne nous éduque pas dans le sens de l’attention du respect, encore moins de la douceur et de l’harmonie. Il arrive bien souvent qu’inconsciemment, aux heures de nos désœuvrements, nous nous agacions de la présence des choses parce qu’elles nous renvoient l’image de nos propres désarrois.
Le confinement est l’occasion de réapprendre la valeur des choses qui nous entourent. Celles-ci, nous le savons, ont une âme, même un bout de ruban, même une épingle. Elles ont acquis une âme pour avoir été les témoins de notre vie. Elles conservent précieusement nos souvenirs, que nous avons relégués aux oubliettes. Elles peuvent nous être d’un soutien secourable si nous consentons à en faire des interlocuteurs valables. Elles sont là, pour nous rappeler que la vie n’est pas forcément un gâchis total. Elles sont là pour nous appeler à la fidélité. » (François Cheng, « Champs libres », Le Figaro du mardi 28 avril 2020, p. 29).
Voyez ? C’est une manière différente de sentir que chaque chose est porteuse d’un LIEN qui nous attache à un AUTRE que nous-même et qui nous parle par l’objet ; qui nous signifie la PRÉSENCE de l’AUTRE, même en son absence formelle. On dit alors que l’objet est MÉDIATEUR : médiateur d’une parole qui subsiste par lui, même en l’absence du donateur avec qui est établi le LIEN qui nous attache à lui. Cette MÉDIATION est au cœur de la notion d’HÉRITAGE et de l’ALLIANCE qui lui est concomitante. Si je m’approprie l’HÉRITAGE comme un pur bien de consommation, alors la MÉDIATION dont est porteur cet héritage disparaît et l’ALLIANCE disparaît avec lui. Et là, soit dit en passant, on touche le sens profond du décalogue, à commencer par la 10ème parole qui interdit la CONVOITISE. Il ne s’agit pas d’un petit précepte de morale bien pensante : la convoitise ne trahit rien de moins que l’HÉRITAGE de HaShèM et efface l’ALLIANCE qu’il porte. C’est vraiment grave, parce qu’à partir de là, de proche en proche, la mort construit son lit pour aller jusqu’au meurtre : « Tu n’assassineras pas ! »… Eh oui, mais pour éviter ça, il faut commencer par ne pas convoiter, par ne pas S’APPROPRIER L’HÉRITAGE. Et ça n’est pas pour rien qu’on réentendra le Décalogue au ch. suivant : « Tu ne convoiteras pas ! » (Dt 5,21 // Ex 20,17), sous-entendu : tu ne t’approprieras pas l’Héritage de tes pères afin de ne pas perdre l’ALLIANCE de VIE qui lui est attenante ! Donc à travers ce dernier article du Décalogue, ce n’est en définitive rien de moins que l’HÉRITAGE de TOUT ISRAËL qui est en cause !
Alors ça paraît peut-être un peu intello, ces affaires, mais en fait pas du tout ! C’est très concret au contraire, très CHARNEL, avec de nombreuses conséquences.
Par exemple : cette PAROLE, attachée à chaque chose, a ceci de précieux qu’elle manifeste certes un LIEN, mais instaure dans le même moment une DISTANCE salutaire entre la chose et moi. Si la chose me parle, et si j’entends cette parole, alors elle n’est plus simplement un bien de consommation ! Une distance m’interdit alors d’exercer une mainmise sur elle ; m’interdit de me l’approprier pour en faire n’importe quoi à ma guise ; ce qui rend cette chose rien de moins que SACRÉE. Encore et toujours ce mouvement de DÉSAPPROPRIATION salutaire qui contrecarre en nous le réflexe pécheur de la convoitise et nous fait tout recevoir sur le mode d’un HÉRITAGE ! Même un simple caillou sur le chemin, si je veux bien l’ÉCOUTER, peut m’entraîner dans un abîme de contemplation, à condition que je refuse de le réduire à un simple bibelot ou à de la pure matière. L’âme de l’encyclique Laudato Si, du pape François est là : la Création est médiatrice de la Parole de Dieu qui rend SACRÉE cette Création et interdit par le fait même d’en faire un pur produit d’exploitation consumériste qui ne procède à rien d’autre qu’à une désacralisation.
En définitive, recevoir un HÉRITAGE, c’est donc consentir à ENTENDRE LA PAROLE qui lui est attachée ; une parole qui SIGNIFIE le LIEN, l’ALLIANCE qui subsiste entre celui qui TRANSMET cet héritage et celui qui le REÇOIT. Et c’est l’écoute de cette PAROLE D’ALLIANCE qui fait germer la JOIE de se savoir l’objet d’une RECONNAISSANCE, et qui fait germer la GRATITUDE en réponse joyeuse à la responsabilité qui est confiée de veiller sur cet HÉRITAGE pour lui faire porter son fruit, génération après génération.
La TORâH met clairement en lumière la joie de se savoir le sujet d’un AMOUR entre HaShèM et son peuple en tant qu’HÉRITIER, donc en tant que FILS. Et là, c’est la notion de FILIATION qui prend une autre dimension à partir du moment où on lui attache celle d’HÉRITAGE, donc de DÉSAPPROPRIATION pour se mettre au service de la PAROLE dont cet HÉRITAGE est le MÉDIATEUR.
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Alors allons encore plus loin, tellement ce message est essentiel pour aujourd’hui où le LIEN est battu en brèche au profit de l’individualisme pur et dur. Les médias et l’éducation enseignent que le sommet de la liberté s’inscrit dans “l’indépendance” intégrale de l’individu comprise comme le droit de ne se « lier » à un autre que dans la mesure où cet autre lui « fait du bien ». Sauf qu’à pousser cette idéologie jusqu’au bout, on finit tout simplement isolé, ENFER-mé sur soi, comme dit Thomas d’Ansembourg.
Alors c’est vrai que l’irruption de l’autre dans ma vie n’est jamais simple : mais c’est précisément TOUTE LA QUESTION DE LA BIBLE : comment GÉRER cette présence de l’AUTRE qui m’est à la fois blessante et indispensable ? Eh bien précisément, répond Moïse : grâce à l’ALLIANCE et aux médiations qui portent cette ALLIANCE.
D’abord, pourquoi cette présence de l’autre est-elle blessante ? Parce que cette seule présence de l’autre me révèle que je suis FAIBLE, tout simplement. La faiblesse n’est pas un mal en soi ; elle est un RÉVÉLATEUR ! La faiblesse, c’est en fait ce qui me révèle que j’ai BESOIN D’UN AUTRE, que j’ai BESOIN DES AUTRES ; non comme des biens de consommation pour me donner du plaisir, mais comme des MÉDIATEURS de l’ALLIANCE qui nous relie à HaShèM comme à notre Père.
À partir de cette blessure que m’inflige la présence de l’autre, ma liberté m’ouvre deux chemins : soit un chemin descendant, fait de plainte et de révolte, qui perçoit cette faiblesse comme une misère. Aucune parole d’ALLIANCE n’est plus perçue ; l’autre est désacralisé, il n’est plus médiateur de personne, de sorte que sa seule présence, trop pleine de lui-même, est ressentie comme intrusive. Son regard sur moi m’apparaît comme un jugement injuste — « au nom de quoi, de qui ? » — et donc insupportable ; c’est le fameux « l’ENFER, c’est les autres » de Jean-Paul Sartre dans Huits-Clos. Je vais alors chercher à me défendre de cette blessure qui me révèle ma faiblesse en m’ENFER-mant sur moi-même, avec pour seul recours la loi du plus fort CONTRE l’autre qui devient un ennemi.
Ou alors — autre chemin possible, ascendant cette fois — ma liberté m’ouvre un chemin de DÉSAPPROPRIATION joyeuse et volontaire de toute convoitise ; un chemin de PAUVRETÉ qui me met à l’écoute de l’autre, de sa dimension SACRÉE qui se rappelle à moi par la parole dont il est porteur ; donc par la MÉDIATION de l’ALLIANCE inscrite dans sa CHAIR : l’autre me RELIE à DIEU. Le rapport à l’autre ne peut plus dès lors être un jeu de mainmise, de sorte que l’autre se trouve autorisé à surgir librement dans mon existence pour m’entraîner au-delà de tous mes ENFER-mements, et là, je deviens VIVANT. C’est ce qui permettra à Paul d’affirmer : « Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2Co 12,10), dans toute la mesure où « Un frère appuyé sur un autre frère est une forteresse. » (Pr 18,19 (LXX)). Ce qui est d’autant plus puissant si ce frère se révèle être le Christ Jésus, puisqu’Il est par excellence MÉDIATEUR du Père. C’est tout l’enjeu de la prière sacerdotale, dans l’Évangile de Jean au ch. 17.
En définitive, ce chemin de DÉSAPPROPRIATION est au cœur de toute vie spirituelle véritable. Il s’avère être le chemin de HaShèM, donc celui de Moïse et celui de Jésus — ne séparons jamais Jésus de Moïse, sans quoi on ne comprend RIEN à l’Évangile qu’on réduit à un petit manuel de morale bien-pensante ! C’est le chemin de la vérité vivante, qui donne la vie. C’est le chemin de la PAUVRETÉ, de l’HUMILITÉ, c’est-à-dire du SERVICE.
Dit autrement, le chemin de la VIE se vérifie par le fait que j’ai BESOIN D’ÊTRE LIÉ à UN AUTRE — je suis PAUVRE — pour recevoir cette vie comme un HÉRITAGE SACRÉ et la transmettre à mon tour comme un HÉRITAGE sans jamais mettre la main dessus. J’apprends alors que la “faiblesse humaine” constitue en réalité la FORCE de tout homme — Jésus le manifestera de manière absolue — ; une FORCE SPIRITUELLE qui interdit toute appropriation pour goûter au bonheur de S’ALLIER à l’AUTRE. C’est de cette ALLIANCE que naît cette FORCE — la force de la VIE —, infiniment plus puissante que celle du seul individu qui croit devoir se DÉLIER des autres pour exister, et qui pour cette raison devient un pourvoyeur de mort par la mainmise qu’il exerce sur toute personne qui aura le malheur de passer à sa portée. Tout à l’inverse, grâce au consentement à l’ALLIANCE, l’AUTRE — le PROCHAIN dira Jésus — se dévoile comme indispensable : il est celui avec qui je vais pouvoir TRANCHER une alliance de sorte que s’inscrive en moi une PAROLE ; que de cette parole se tisse un RÉCIT sur la TRAME de cette ALLIANCE, en sorte que de ce récit dévoile une histoire sainte, SACRÉE, CONSACRÉE, par laquelle la VIE peut dès lors se RACONTER, donc se TRANSMETTRE… Et c’est parti pour l’aventure.
Je vous livre à propos de cette difficulté d’appréhender l’autre dans notre existence, une très belle méditation d’Élisabeth Smadja dans son livre Prier le Notre Père : « Je pleure parfois sans raison… Je pleure d’humanité. Je pleure parce que naître, c’est être blessé de la blessure causée par l’irruption de l’autre en mon histoire. C’est ma chance d’aimer et d’être aimé, de déployer les relations d’amour conjugal, paternel, maternel, filial, fraternel et amical que Dieu nous donne de vivre pour que son Amour se déverse sur toute la surface de la terre. » (Élisabeth Smadja, Prier le Notre Père, Émeth Éditions (2019), p. 42.) Voilà : à la fois, l’autre me blesse parce qu’il dérange ma zone de confort ; et dans le même temps, il est ma chance, ma grâce, mon secours vital pour pouvoir m’aventurer sur le chemin de la vraie VIE offerte en HÉRITAGE, comme une PAROLE qui rend cette VIE SACRÉE et m’interdit ainsi de la spolier à mon seul profit. Du coup, on retrouve l’intuition initiale du « LèKh LeKhaH », « Va vers toi… vers le SOL que Je te ferai voir ! » (Gn 12,1) qui a mis en route ‘AVeRâHâM ; et qui s’accomplit au fil de toute sa descendance à travers la notion d’HÉRITAGE. C’est ainsi qu’on peut entendre une fois encore saint Paul lorsqu’il dit des chrétiens : « Si vous êtes au Christ, vous êtes donc la postérité d'Abraham, HÉRITIERS selon la promesse. » (Ga 3,29). À bon entendeur, salut !
Maintenant, il reste une interrogation : quel est ce SOL vers lequel Moïse est chargé de conduire ce peuple ? C’est la question que nous nous poserons la prochaine fois. D’ici là, prenez le temps de lire une première fois les premiers versets de ce ch. 4 du Deutéronome, et vous verrez que vous ne les entendrez plus de manière seulement formelle.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Quand paraît enfin ‘ÂDaM
Bonjour,
Nous restons dans les v. 1 à 9 du ch. 4 du Deutéronome, et nous allons nous poser la question : pourquoi HaShèM donne-t-Il un SOL en HÉRITAGE à Israël et surtout de quel SOL s’agit-il ? Pourquoi n’a-t-Il pas tout simplement donné une mission itinérante à son peuple pour qu’il diffuse la TORâH dans le monde entier ? Est-ce que ça n’aurait pas été plus simple ? Alors on va partir d’un peu loin, mais c’est nécessaire pour bien saisir l’importance de ce fameux SOL. Et on va parler, si vous le voulez bien, de “mondialisation”.
On vit aujourd’hui avec l’idée que : d’un côté, il y a « le monde » — la mondialisation — ; de l’autre, on a « l’individu » souverain… Et puisqu’il faut bien relier ces deux pôles, on va poser comme principe que l’appartenance première de l’individu, ce qui lui fait se reconnaître comme « Homme » au sens générique du terme, c’est la notion d’“HUMANITÉ”. Ça n’a rien de concret : c’est un pur concept qu’on pose arbitrairement comme constitutif des « individus » dans le « monde ». Si la question vous intéresse, personnellement, j’ai beaucoup aimé l’ouvrage du sociologue Edgard Morin paru chez Robert Laffont en 2015 : Penser global, l’humain et son Univers. Je n’entre pas dans les détails, mais c’est un ouvrage où les idées sont objectives, comme toujours avec Edgard Morin, et vraiment utile pour comprendre l’idéologie contemporaine sur « l’homme » et ses conséquences.
On va prendre la question par un biais simple. En 1948, la toute jeune ONU publie la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dont le premier article commence par ces mots : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Toute la suite du document développe ce dogme de manière aussi complète que possible. On ne va pas critiquer l’article ici, ça n’est pas notre objet. On va simplement se poser la question : « Et après ? » Une fois proclamé ce principe d’en Haut, de la chaire onusienne, on fait quoi ? Et c’est là que la Bible apporte une lumière tout à fait essentielle.
Alors attention : on n’est pas en train de dire que ce 1er principe des Droits de l’Homme serait faux puisque la Bible est la première à l’énoncer à sa manière. À cette différence près qu’elle ne proclame pas cette vérité par le HAUT : elle la CONSTRUIT patiemment comme on construit une maison, c’est-à-dire par le BAS, à partir du SOL dans lequel elle enracine les FONDATIONS ! Et comme le dit la parabole du Christ Jésus, une fois solidement fondée, l’inondation peut venir frapper la maison, elle ne pourra pas l’ébranler !
Restons un instant sur ce premier article des Droits de l’Homme. On peut le reconnaître comme le pendant “humaniste” de la sortie de MiTseRaYîM ! Qu’un homme ou un peuple soit asservi par un autre est tout simplement indigne et injuste, on est d’accord. Sauf qu’être dégagé d’une oppression — si tant est que ce soit possible en ce monde — ça ne suffit pas, et c’est là la singularité de la TORâH ! Parce qu’une fois la porte close sur MiTseRaYîM grâce au reflux des eaux de la mer sur les poursuivants, tout n’est pas acquis pour autant ! Ok : Israël est EXTÉRIEUREMENT libre, mais après ?
Eh bien après, s’ouvre une trajectoire, non plus de “sortie” mais de MONTÉE. Une « MONTÉE depuis le SOL de MiTseRaYîM », dit la TORâH. Avec ‘AVeRâHâM, il s’agissait de QUITTER un SOL pour aller vers un autre : « Quitte ton SOL pour aller vers le SOL que Je te ferai voir ! » (Gn 12,1). Ici, il s’agit de MONTER d’un SOL à l’autre, comme le dit HaShèM Lui-même dès le début de l’aventure, dans l’épisode du Buisson-Ardent : « Je suis descendu pour arracher [mon peuple] de la main de MiTseRaYîM et le FAIRE MONTER depuis ce SOL vers un SOL bon et large, vers un SOL ruisselant de lait et de miel, vers le lieu du KeNa“aNî /Cananéen/, du H.iTTî /Hittite/, de l’ ‘ÈMoRî /Amorite/, du PéRiZî /Périzzite/, du H.iWî /Hivvite/ et du YeVOuSî /Jébuséen/. » (Ex 3,. Or voyez, cette idée de MONTÉE est loin d’être anodine. La première fois qu’on la trouve, c’est dans les écrits des prophètes du Nord ayant sévi au VIIIe siècle avant J.-C., comme Amos et Osée, entre autres : « Moi, Je vous ai FAIT MONTER depuis le SOL de MiTseRaYîM. Je vous ai fait marcher quarante ans dans le désert pour hériter du SOL de l’ ‘ÈMoRî /Amorite. » (Am 2,10) Et un peu plus loin : « Écoutez cette parole qu’a parlée pour vous YHWH, Fils d’Israël, sur toute la famille que j’ai FAIT MONTER depuis le SOL de MiTseRaYîM en disant : c’est vous seuls que j’ai connus parmi toutes les familles de la terre ! » (Am 3,1-2a) On peut encore écouter Osée, alors que HaShèM se ravise d’un long réquisitoire contre l’infidélité d’Israël, son épouse : « Aussi, Moi, Je vais la séduire, la faire marcher dans le désert et parler à son cœur. De là, Je vais lui donner ses vignobles, et la Vallée de “ÂKhOR comme une Porte d’espérance. Là, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse, comme au jour de sa MONTÉE depuis le SOL de MiTseRaYîM. » (Os 2,17). Le rédacteur deutéronomiste s’inspire donc en fait de la prédication prophétique dont il connaît d’autant mieux la valeur qu’il sait que les rois d’Israël ne l’ont pas écoutée et que des conséquences graves s’en sont suivies, puisque l’héritage a été perdu. Reste que le rédacteur choisit de mettre les termes de cette prédication prophétique sur les lèvres de Moïse, comme pour dire : cette MONTÉE dont parlent les prophètes est inscrite à la racine même de TOUT ISRAËL ! C’est notre marque de fabrique !
Peut-être qu’il faudrait ici rappeler la signification du mot MiTseRaYîM, qui est le nom biblique de l’Égypte. MiTseRaYîM, c’est un nom qui dérive de la racine TsâRaR qui veut dire « opprimer, oppresser, être hostile », mais aussi, par le fait même, « être à l’étroit, se sentir oppressé, angoissé. Ce verbe va donner le substantif MéTsaR, une forme “duel” comme on dit en grammaire qui désigne une limite double, comme une prison à doubles murs d’où personne ne peut s’échapper ; mais MéTsaR, c’est donc en même temps une angoisse intérieure profonde, comme une dépression dont on sent qu’on n’en sortira jamais ! Du coup, quand HaShèM libère Israël de MiTseRaYîM, c’est bien sûr au sens d’une libération extérieure préliminaire, mais c’est surtout une libération INTÉRIEURE qui est visée. La libération de ce MiTseRaYîM intérieur angoissant dans lequel le péché enferme le Fils d’Israël, soit en maintenant en lui une mentalité d’esclave ; soit en faisant de lui un esclavagiste à son tour par le biais de la convoitise. Il y a donc pour Israël tout un travail qui s’amorce une fois libéré extérieurement ; sauf que là, la seule intervention de HaShèM ne suffit plus : il faut aussi qu’Israël consente à cette libération, ce qui n’est pas immédiatement gagné.
Ici, les rabbins aiment à considérer que là où la SORTIE de MiTseRaYîM désigne la libération EXTÉRIEURE racontée au début de l’Exode, la MONTÉE depuis MiTseRaYîM, elle, désigne cette libération INTÉRIEURE qui constitue en fait la trajectoire de toute la Bible : TORâH, Prophètes et Livres de Sagesse. Chaque livre, chaque chapitre, chaque verset de la Bible se tisse en fait sur la trame dynamique d’une ÉLÉVATION, qui va imprégner jusqu’aux aspects les plus concrets de la vie du peuple.
Prenons les sacrifices. Pour la Bible, un HOLOCAUSTE par exemple, n’est littéralement rien d’autre qu’une MONTÉE : ֹֹעֹלָה, “oLâH, sur la racine “âLâH, monter, faire monter, comme dans « Je vous ai fait monter du sol de MiTseRaYîM ». Alors on peut comprendre bien sûr que l’holocauste est une offrande qui « monte » vers HaShèM, c’est un premier sens. Mais on peut aussi comprendre plus profondément que l’Holocauste est une offrande par laquelle le peuple maintient active SA MONTÉE depuis MiTseRaYîM ; sa MONTÉE intérieure par laquelle HaShèM le dégage de l’oppression de cette convoitise qui décidément, constitue l’âme du péché. Une MONTÉE rendue possible par l’ALLIANCE, par le LIEN qui attache HaShèM à Israël et que les holocaustes sont chargés de signifier, génération après génération dans la mesure où cette MONTÉE est toujours à relancer, tant les tentations de « revenir en MiTseRaYîM » sont multiples face aux épreuves inhérentes à cette trajectoire de libération.
C’est si fort que cet élan ascensionnel porté par les holocaustes quotidiens du Sanctuaire rejaillit sur l’ensemble des autres sacrifices comme sur les prescriptions rituelles qui leur sont associées. L’effet est de maintenir ardente cette soif d’élévation qui va s’inscrire INTÉRIEUREMENT, sacrifice après sacrifice, dans la CHAIR de tout le peuple. Et c’est ce qui va faire que peu à peu, on en viendra à considérer que le VÉRITABLE SACRIFICE, celui qui plaît à HaShèM, c’est précisément le SACRIFICE INTÉRIEUR, le SACRIFICE DE MONTÉE associé au sacrifice de LOUANGE et de GRATITUDE pour l’avènement de cette LIBERTÉ INTÉRIEURE.
Et c’est en ce sens qu’on pourra in fine comprendre la mort de Jésus sur la Croix comme l’accomplissement de tous les sacrifices de la TORâH : comme la MONTÉE, non plus seulement d’animaux extérieurs que le Grand Prêtre offre sur l’autel, notamment au Jour du Pardon, au YoM KiPOuR où il doit pénétrer dans le Saint des Saints au nom du peuple dont il est le représentant devant HaShèM — mais comme la MONTÉE du Grand-Prêtre Lui-même, s’offrant intérieurement, librement, au nom du peuple avant d’entrer définitivement dans le Sanctuaire éternel et de s’asseoir à la droite du Père. Comme nouveau Grand-Prêtre, le Christ s’offre Lui-même sur la Croix en s’attachant à l’homme prisonnier de son MiTseRaYîM intérieur, et l’entraîne dans sa MONTÉE. Du coup, puisque HaShèM le premier s’offre à son peuple en scellant avec lui son Alliance — « Dieu nous a aimés le premier », dit saint Jean —, HaShèM et l’homme se trouvent ainsi unis dans une COMMUNION D’OFFRANDE mutuelle qui autorise alors leur rencontre NUPTIALE, de sorte que la VIE sorte victorieuse de cette prison mortelle à doubles murs que constitue MiTseRaYîM. Et ça, voyez, c’est toute la puissance qui est inscrite dans le sacrifice eucharistique du Christ auquel l’Église est chargée de RELIER ses enfants chaque dimanche, génération après génération.
En attendant, ce que dit la TORâH, c’est qu’il ne suffit pas de se déclarer « libre » de toute contrainte extérieure pour croire que tout serait déjà gagné. Il faut voir sur quel chemin INTÉRIEUR on est alors prêt à s’élancer. Là est toute la problématique du Deutéronome qui fait terminer le discours de Moïse par ces mots : « J’en prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : Je donne face à vous la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant YHWH ton ‘ÈLoHîM, pour écouter sa voix et t’attacher à Lui ; c’est Lui ta vie, la longévité de tes jours sur le sol que YHWH a juré de donner à tes pères, ‘AVeRâHâM, YiTseRâQ et Ya”aQoV. » (Dt 30,19-20) Voilà : toute la TORâH n’a qu’un seul but : disposer Israël à prendre le Chemin de la VIE.
Ceci dit, attention : la TORâH N’EST PAS le chemin ! Elle MONTRE le chemin, elle dispose à choisir le chemin de la MONTÉE intérieure. Mais l’histoire biblique, qui est franche, manifestera que peu, en fait, y parviendront — si ce n’est ceux qu’Isaïe appellera le « petit reste » fidèle. Du coup, lorsque Jésus dira : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » (Jn 14,6), il ne fera rien de moins que d’accomplir la TORâH en ouvrant enfin le chemin qu’elle espère avec tant d’ardeur. Un chemin sur lequel pourront alors s’engager les nations, mais c’est à condition qu’elles n’oublient pas que c’est grâce à Israël, gardien de la TORâH, que ce chemin ascensionnel est dévoilé en Christ. Si on oublie cette minutieuse préparation de l’avènement du Christ, on n’y comprend plus rien, et surtout, on loupe la finalité nuptiale du projet de HaShèM attendue dès le commencement !
Maintenant, pour MONTER, pour s’élever, il est nécessaire de s’inscrire dans ce qu’on va de nouveau appeler des MÉDIATIONS. La raison en est que l’homme ne sait pas im - médiatement — c’est-à-dire “sans médiation” —, être un « citoyen du monde » à lui tout seul ; et toutes les déclarations de nos fonctionnaires onusiens ou autres n’y changeront rien ! Un homme habite toujours ce monde par la MÉDIATION d’un AUTRE — l’homme est fondamentalement PAUVRE, vous vous souvenez ; un être qui ne trouve sa joie que dans la désappropriation de lui-même pour se rendre disponible à tout recevoir d’un AUTRE, à l’image de HaShèM — L’homme, donc, habite toujours ce monde par la MÉDIATION d’un AUTRE dont il est PROCHE ; par la MÉDIATION du “PROCHAIN”, dira Jésus. L’AUTRE véritable n’est pas celui qui vit à l’autre bout de la planète. L’AUTRE, c’est celui qui vit PROCHE DE MOI et qui, d’une manière ou d’une autre, impacte ma vie. Cette nécessaire rencontre de l’AUTRE, notamment à travers son VISAGE, est un thème philosophique qui a fructueusement traversé le XXe siècle à travers des hommes comme Franz Rosenzweig et Emmanuel Levinas. Or c’est cette proximité qui va nous ramener à la question du SOL.
Avant tout en effet, si la TORâH pose comme principe qu’un Fils d’Israël se reçoit de HaShèM, c’est bien parce que, selon l’expérience du peuple d’Israël, HaShèM le premier se fait PROCHE DE LUI, s’APPROCHE de lui, se LIE, s’ATTACHE à lui ; fait ALLIANCE avec lui, appelez ça comme vous voulez.
C’est tout le sens du Sanctuaire planté sur le SOL qu’Israël reçoit en HÉRITAGE. Par le Sanctuaire planté à Jérusalem, HASHÈM siège au milieu de son peuple, non pas pour la gloriole, mais parce que cette proximité d’Alliance, à travers les sacrifices où s’opère la rencontre entre HaShèM et Israël ; cette proximité d’Alliance, donc, va impacter le SOL et en faire le MÉDIATEUR charnel de la VIE qui imprègne l’ALLIANCE ! Un SOL qu’Israël va être appelé à SERVIR, pour éviter de tomber dans le piège mortel qui consiste au contraire à « se servir » du SOL pour assouvir la convoitise. Un service du SOL dont parle expressément la Genèse dès ses tout premiers chapitres : « Au jour où YHWH ‘ÈLoHîM fit sol et ciel, aucun buisson des champs n’était encore en sol, et aucune herbe des champs n’avait encore germé ; car YHWH ‘ÈLoHîM n’avait pas fait pleuvoir sur le sol, et il n’y avait pas de Terreux — ‘ÂDâM — pour SERVIR la terre — ‘aDâMâH —. » (Gn 2,4b-5).
Ce verset est lumineux ! Il nous permet de comprendre qu’être Fils d’Israël, c’est précisément HÉRITER d’un SOL pour se mettre à son SERVICE ; rester dans cette HUMILITÉ essentielle — qui n’est nullement mollesse, mais au contraire un effort courageux pour refuser toute mainmise mortifère — ; rester dans cette HUMILITÉ essentielle, donc, pour que, depuis ce SOL, advienne… une ‘aDâMâH, une TERRE. Chose impossible avec le SOL de MiTseRaYîM qui est un SOL marqué par l’esclavagisme ! Raison pour laquelle il est si essentiel qu’Israël hérite du SOL de KaNa“aN en peuple LIBRE — ce qui suppose de lutter constamment contre la tentation de recréer un SOL de MiTseRaYîM, d’abandonner ce service en vue de s’approprier ce SOL comme des despotes n’ayant de compte à rendre qu’à eux-mêmes ! Or, aussi étrange que ça puisse paraître, ce sont les sacrifices du Temple qui vont supporter cette lutte intérieure.
Pour comprendre, on peut résumer les affaires de la manière suivante : Israël va s’installer sur le SOL de KaNa“aN. Avec SheLoMoH/Salomon, il établit à Jérusalem le Sanctuaire de HaShèM à partir duquel il se donne les moyens de s’élever à travers l’offrande des MONTÉES, des sacrifices dont le rôle sera de veiller à ce que le peuple ne s’approprie pas le SOL. Faute de quoi, vous vous souvenez, l’HÉRITAGE sera perdu !
Prenons un exemple : quand vous élevez un troupeau mais que vous veillez à en prélever une part, parmi les plus purs spécimens dont vous consentez à vous dépossédez gracieusement pour l’offrir sur l’autel ; eh bien ce sacrifice a cette vertu d’instaurer une distance entre vous et l’exploitation pure et simple de votre troupeau. Dit autrement, en laissant un droit de préemption à HaShèM, vous inscrivez dans votre CHAIR que le troupeau dont vous avez la charge n’est en fait qu’une GÉRANCE. Même chose pour le froment, et vin et l’huile qui sont offerts à chaque sacrifice. Ces sacrifices sont donc vraiment des actes par lesquels Israël se reconnaît l’humble et actif régisseur d’un bien, d’un SOL qui ne lui appartient pas. Mais ce faisant, il libère ce SOL et le FAIT MONTER au rang de TERRE, de ‘aDâMâH ; ce qui a pour effet ipso facto de le FAIRE MONTER lui-même au rang de ‘ÂDâM, d’Homme véritable selon le dessein de HaShèM. C’est gagnant – gagnant, comme on dit aujourd’hui. Et pourquoi pas ? Et c’est là qu’on peut beaucoup plus clairement entendre un saint Paul nous dire : « Aux aguets, la création guette le dévoilement des fils de Dieu — ‘ÂDâM ! — En effet, assujettie à une fumisterie, non pas délibérément mais à cause de celui qui l’a assujettie — l’homme de convoitise — la création garde l’espérance qu’elle aussi sera libérée de l’esclavage de la déchéance, en vue de la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » (Ro 8,19-21). C’est juste un principe écologique avant l’heure !
Alors vous me direz : oui, mais aujourd’hui, il n’y a plus de sacrifices du Temple ! Certes, mais n’oublions pas que le but des sacrifices extérieurs est de susciter le sacrifice INTÉRIEUR : l’offrande charnelle de soi, dans une désappropriation de soi qui autorise la rencontre nuptiale avec HaShèM. De cette intériorisation, les Écrits de Sagesse, et en particulier les psaumes, sont totalement imprégnés, signe de la réelle fécondité de la TORâH ! C’est à cette offrande charnelle de soi qu’on reconnaît les sages ; qu’on reconnaît les justes en Israël ! Et de ce point de vue là, les chrétiens ne sont pas si mal lotis, puisque pour eux, il y a la permanence du sacrifice eucharistique dont ils font mémoire chaque dimanche et qui procède du même mode opératoire : celui qui vient communier en vérité au sacrifice du Christ, en entrant dans cet élan de désappropriation de soi auquel préside Jésus sur la Croix ; celui-là ne peut pas, en même temps, rester prisonnier des doubles murs de la convoitise et de la consommation esclavagiste ! Il MONTE donc jusqu’au rang de l’ ‘ÂDâM attendu par le Père, et prend au sérieux l’élévation du SOL sur lequel il réside pour en faire une ‘aDâMâH ! On est encore une fois ici au cœur de l’encyclique du pape François, Laudato si ! Mais ça passe par la fréquentation charnelle de l’Eucharistie. Et peut-être qu’on comprend mieux pourquoi la « pratique », comme on dit, n’est pas si négligeable qu’on le pense habituellement… Ne pas pratiquer, c’est faire de l’angélisme, Et c’est perdre le sens de la Création comme d’un HÉRITAGE. Donc attention !
Du reste, si avec le temps, ces sacrifices deviennent intérieurs, la réalité du SOL ne disparaît pas pour autant. Ce SOL CHARNEL reçu en HÉRITAGE, cette TERRE qui fait de lui un ‘ÂDâM, le Fils d’Israël la garde EN LUI, dut-il partir en voyage ou en Exil, de sorte que, quoi qu’il arrive, son périple de par le monde — revoilà la mondialisation, mais par le bas — ne sera jamais une errance. Il porte en lui la ‘aDâMâH dont il se veut le serviteur au nom de la TORâH, et qui fait de lui cet ‘ÂDâM conçu dès la fondation du monde. Une ‘aDâMâH qui prend dès lors le nom de PATRIE et qui fait encore une fois qu’un Fils d’Israël, où qu’il soit, ne sera jamais a - PATRI - de.
En tout cas, à travers cette trajectoire sur laquelle HaShèM entraîne Israël, la TORâH manifeste que si l’homme est créé « libre », cette liberté ne peut pas être le simple fruit d’une déclaration constitutionnelle. Ok, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Sauf qu’une fois les conditions d’une liberté extérieure établies par le politique dont c’est la tâche, il faut qu’il laisse la main. La question de la liberté intérieure n’est pas du ressort du politique, mais du charnel qui doivent s’articuler l’un à l’autre, chacun ayant sa légitimité propre. Une dimension charnelle que la TORâH pose néanmoins en PREMIER, en place de FONDATIONS ! De sorte que même quand le politique flanche — l’histoire fera et défera les empires ; et même la royauté en Israël aboutira à l’Exil —, au moins, le noyau CHARNEL, lui, demeure, et avec lui, l’espérance invincible en toutes circonstances qui caractérise les Fils d’Israël.
Du coup, j’espère qu’on comprend mieux l’enjeu de cette liberté qu’il faut, dit Moïse, APPRENDRE à mettre en œuvre par la TORâH : « Et maintenant, Écoute Israël les décrets et les jugements que moi — c’est Moïse qui parle —, je vous APPRENDS pour que vous les fassiez, que vous viviez et que vous entriez, que vous héritiez du sol que YHWH, l’ ‘ÈLoHîM de vos pères, vous donne. » (Dt 4,1) Vous entendez ? Il ne s’agit définitivement pas de conquérir un sol pour “ensuite” obéir à la TORâH. Il s’agit, tout à l’inverse, d’obéir d’abord à la TORâH pour MONTER hériter du SOL en vérité, génération après génération ; faire de ce SOL une TERRE, ‘aDâMâH, par laquelle se révélera enfin le TERREUX, l’ ‘ÂDâM qui portera la création à son achèvement. Et c’est en Jésus que cet achèvement s’accomplit, Lui qui n’est définitivement pas venu abolir la TORâH, mais bien l’accomplir !
Alors au terme de cette longue vidéo, je ne saurais trop vous encourager à lire à nouveau les 9 premiers versets du ch. 4 du Deutéronome. Prenez simplement garde au fait que vos bibles traduisent souvent SOL par « pays », et HÉRITER par « prendre possession ». Mais une fois cette difficulté écartée, vous devriez saisir tout l’élan qui habite ces quelques paroles. Bonne et féconde lecture !
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Pour te faire passer par la pauvreté
Bonjour,
Nous sommes toujours au début du ch. 4 du Deutéronome, et encore pardon de prendre tant de temps avant d’aller plus avant dans la lecture, mais ces notions d’HÉRITAGE, de MÉDIATION, de LIBERTÉ INTÉRIEURE et de MONTÉE sont tellement essentielles concernant ce livre de REPRISE de la TORâH qu’on ne peut pas se contenter de les survoler si on veut vraiment écouter ce que Moïse a à nous transmettre. C’est la mission du Deutéronome de planter ces piliers de la vie intérieure, pour faire en sorte qu’une rencontre puisse se faire en vérité entre HaShèM et son peuple ; une rencontre NUPTIALE, vous vous souvenez.
Comme le dit Moïse dans ces versets, les décrets et les règles qui vont être énoncés le sont vraiment pour que, conscient de sa faiblesse au sens positif, le Fils d’Israël puisse s’ouvrir à l’HÉRITAGE de HaShèM. Alors rappelons-nous : par nature, cette « faiblesse » fait que j’ai vitalement besoin qu’un autre s’attache à moi par un LIEN indéfectible. Définitivement, je ne suis pas à moi-même un système plein pouvant vivre en autarcie. À l’image de HaShèM, je suis un être de DON et de RÉCEPTION, de sorte que cette vulnérabilité, loin d’être une « imperfection », se révèle comme CONSTITUTIVE de l’homme que je suis ! Elle n’est pas confortable, c’est évident ; mais la vie véritable, la vie charnelle ne rime pas avec confort. Le confort IMMOBILISE, là où l’inconfort, lui, déstabilise ; une déstabilisation qui est la condition même de toute mise en marche. Dit autrement, dans la mesure où il vise à résorber l’inconfort, le péché IMMOBILISE ; dans la mesure où, dans le jeu exaltant du DON et de la RÉCEPTION, la FOI en l’Autre met en inconfort, elle MOBILISE, elle met en marche : « LèKh LeKha », encore, encore et encore. Comme quoi ‘AVeRâHâM est toujours présent, comme ce père dans la Foi qui nous mobilise à nous engager sur la route.
Donc les décrets et les règles qui vont être énoncés par Moïse le sont vraiment pour que, conscient de sa faiblesse, le peuple se mobilise en entérinant l’ALLIANCE absolument vitale ; qu’il choisisse de se donner les moyens d’ENTRER pour HÉRITER pleinement du SOL promis, faire advenir ‘ÂDâM , le TERREUX qui fera passer ce SOL au rang de ‘‘aDâMâH, de TERRE, et porter un fruit qui demeure en vie éternelle : « Et maintenant Israël, écoute les décrets et les jugements que je vous enseigne pour que vous les fassiez, afin que vous viviez, que vous ENTRIEZ et que vous HÉRITIEZ du SOL que YHWH, l’ ‘ÈLoHîM de vos pères, vous donne. N’ajoutez rien à ce que je vous commande et n’en retranchez rien, gardant les commandements de YHWH ton ‘ÈLoHîM que je vous commande. » (Dt 4,2).
« N’ajoutez rien et ne retranchez rien », entendons : une fois entrés sur le SOL. L’histoire qui va commencer après le franchissement du Jourdain ne sera plus une histoire fondatrice. La TORâH est donnée dans le désert, dans le MiDeBaR : c’est-à-dire un lieu qui, pour le rédacteur deutéronomiste, n’est PAS UN SOL ; donc un lieu où le peuple, démuni du sol, va apprendre la PAUVRETÉ, non pas comme une fatalité mais comme une VERTU, selon les propres mots du ch. 8 : « Fais mémoire de tout le chemin où YHWH, ton ‘ÈLoHîM, t’a fait aller pendant quarante ans dans le MiDeBaR pour te faire PASSER PAR LA PAUVRETÉ ; pour t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements ou non ? » (Dt 8,2).
Alors là c’est un peu subtil, parce que les bibles traduisent souvent par : « HaShèM t’a humilié », ou « t’a violenté… », ce qui est bien sûr possible d’après l’hébreu. Mais dans la mesure où ce texte est tardif, le verbe a de fortes chances d’avoir en fait le sens du Chaldéen de l’époque, c’est-à-dire : « appauvrir ». Ce qui a beaucoup plus de sens si l’on comprend que la PAUVRETÉ, comme on l’a dit dans les vidéos précédentes, n’est pas la misère matérielle mais la conscience d’avoir encore une fois BESOIN D’UN AUTRE que soi : je ne suis définitivement pas à moi tout seul l’Alpha et l’Oméga ; ma vie ne consiste pas à tout maîtriser souverainement depuis ma naissance jusqu’à ma mort, dans la mesure où, de toute manière, ces deux moments qui encadrent mon existence m’échapperont toujours ! Deux moments, soit dit en passant, que notre époque tente par tous les moyens de maîtriser pour immobiliser le mystère inscrit en nous. Il suffit de réfléchir un peu : qu’est-ce que la naissance, sinon un APPEL ? Un appel à vivre qui m’est lancé par un AUTRE QUE MOI-MÊME ? Et qu’est-ce que la mort, sinon toujours un APPEL à vivre qui m’est lancé par AUTRE QUE MOI-MÊME ? Si l’AUTRE disparaît, tout appel disparaît ; la mort devient une porte qui donne sur le vide, sur le néant ; l’existence devient à ce point triste qu’elle ne trouve de ressort que dans la revendication et l’orgueil, un peu comme le coq qui se cabre et vocifère sur son tas de fumier pendant que tout le monde rigole… Ça n’a AUCUN sens.
Maintenant, comment ENTENDRE cet appel ? Eh bien, nous dit Moïse, en passant par la vertu PAUVRETÉ qui me fait expérimenter dans ma CHAIR que j’ai BESOIN D’UN AUTRE ; que j’ai BESOIN DES AUTRES, non pas pour les capter à mon profit, mais pour m’offrir à eux autant qu’eux-mêmes ont soif de pouvoir s’offrir à moi. Là est le secret, le mystère, le TRÉSOR d’une vie qui a du sens. Une pauvreté paradoxalement HEUREUSE, comme l’enseignera, dans la même ligne, Jésus dans son fameux discours des Béatitude. Il commence précisément par là : « Heureux les pauvres en esprit, à eux le Royaume des Cieux ! » (Mt 5,3). Si on se souvient que pour la Bible, l’esprit est cette réalité qui me met en relation avec HaShèM ; cette réalité intérieure par laquelle, en m’ouvrant à sa présence, au DON qu’Il me fait de Lui-même, je peux m’offrir à Lui à mon tour, MONTER vers Lui, cette « pauvreté en esprit » est tout à fait claire : il s’agit de cette PAUVRETÉ intérieure à laquelle je consens et par laquelle je me rends disponible à l’ALLIANCE. Mais il y a plus encore : si je veux bien entrer à l’intérieur de moi — et Jésus est le Chemin qui y conduit tout homme —, la PAUVRETÉ me fait alors découvrir que cet AUTRE, au fondement de ma vie, est en réalité EN MOI ; il siège EN MOI, dans ma CHAIR. Et cet autre, c’est HaShèM ! HaShèM qui Lui-même est pauvre au sens où la VIE surgit de Lui comme un FEU dans la mesure infinie où Il DONNE tout ce qu’Il est. HaShèM n’ « a » RIEN ! Il ne retient RIEN pour Lui et se désapproprie de TOUT ; Il n’est que DON de Lui-même. Un DON qui, comme un FEU, ne fait que s’étendre en se donnant. Comme l’amour véritable. Voyez, c’est là où se dévoile cette notion tellement improbable pour les êtres pécheurs que nous sommes et qui ne réfléchissent qu’à travers le prisme de la convoitise ! Le faux amour, l’amour amoureux, c’est l’amour qui convoite l’autre parce qu’il me « fait du bien ». Le véritable amour, comme un FEU, c’est celui qui se sait et se veut pauvre, et de ce fait, est le seul qui puisse se répandre en donnant la VIE. C’est l’amour des épousailles : l’amour qui se LIE joyeusement, qui s’ALLIE, qui s’attache pour se donner et pour que naisse une HISTOIRE.
Alors oui : HaShèM fait passer Israël par la PAUVRETÉ dans le MiDeBaR, mais c’est pour qu’Israël, l’épouse, découvre qu’elle a BESOIN d’un autre qu’elle-même ; qu’elle a BESOIN d’être LIÉE à HaShèM. C’est la fameuse ALLIANCE qui ne lui est pas imposée de force : HaShèM lui révèle que ce LIEN lui est VITAL, quand bien même le péché lui fait prétendre s’en défaire pour se contenter d’un rapport mercantile avec les idoles. Là seront toutes les luttes ; il suffit de se rappeler le livre des Nombres. Or seule l’expérience de la pauvreté ouvre à la reconnaissance d’une telle nécessité constitutive ; et plus précisément : seule l’expérience de la pauvreté ouvre à l’ÉCOUTE de la PAROLE, et donc du RÉCIT, de l’HISTOIRE, de l’AVENTURE que suscite l’ALLIANCE. Une PAROLE qui se révèle être le TRÉSOR inaliénable d’Israël, que nulle nation ne pourra lui retirer puisque HaShèM vise à l’inscrire dans sa CHAIR. Là, on entend le prophète Jérémie qui est vraiment l’âme des rédacteurs deutéronomistes : « Voici l’Alliance que je trancherai avec la maison d'Israël, après ces jours-là — oracle de YHWH : Je donnerai ma TORâH à l’intérieur d’eux, Je l'écrirai sur leur cœur. Je suis leur ‘ÈLoHîM ; ils seront mon peuple. » (Jr 31,33).
Mais il faut aller jusqu’au bout du raisonnement : cette PAROLE, cette ALLIANCE inscrite dans le cœur, il faudra qu’Israël s’en DÉSAPPROPRIE à son tour pour pénétrer dans la véritable PAUVRETÉ qui consiste encore une fois non pas à ne rien avoir, mais à DONNER, à se DÉSAPPROPRIER de tout ce qu’on reçoit de la part de HaShèM. Or : ce DON qui appartient au sommet de la PAUVRETÉ ; ce DON que Moïse sera appelé à vivre en se désappropriant de tout mérite qui l’eut fait entrer en KaNa“aN ; ce DON sera accompli à la perfection par Jésus sur la Croix, qui révélera que la PAUVRETÉ est l’âme de la CHARITÉ, de l’amour véritable, libre, qui ne garde rien pour lui de sorte que paraisse l’AMITIÉ avec l’AUTRE, et avec cette AMITIÉ, la JOIE : la JOIE des Noces.
J’espère qu’on voit mieux à quel point cette étape préliminaire du MiDeBaR est donc essentielle à la réception de l’HÉRITAGE, parce qu’elle va constituer la TRAME de l’histoire qui va dès lors pouvoir être tissée à partir de la traversée du Jourdain. Après, le tissage pourra prendre les motifs et les couleurs qu’il veut : la TRAME incluse entre, d’un côté la traversée du YaM SouF qui scelle la liberté EXTÉRIEURE par la libération du joug de MiTseRaYîM ; et celle du Jourdain pour la mise en œuvre de la liberté INTÉRIEURE dont la TORâH aura livré les fondements ; cette TRAME, donc, est ACHEVÉE : « N’ajoutez rien ni ne retranchez rien ! » !
Jésus Lui-même n’ajoutera ni ne retranchera rien à cette TRAME : ce serait un non-sens ; ce serait tisser sur du vide. Son commandement de la CHARITÉ n’est « nouveau » que parce qu’il RE-NOUVELLE la TRAME de la TORâH ; il lui redonne un élan qui entraîne avec lui désormais toutes les nations. On pourrait dire que l’Évangile, c’est le RENOUVEAU de la TORâH rendue à son essence la plus pure, à sa substantifique moelle. Aucun renouveau, fut-ce dans l’Église, ne peut se permettre de rejeter la racine sur laquelle il se greffe ! Ou alors c’est une secte ! Une approche de l’enseignement et de la vie du Christ qui ne s’alimenterait pas à la racine de la TORâH ; qui enseignerait même à rejeter la TORâH et le fameux « Ancien Testament » ; une telle approche serait sectaire, vide, donc mortifère ! Cette TRAME est vraiment le trésor qu’Israël est appelé à garder : « Gardez [les décrets et les jugements] et faites-les car c’est votre sagesse et votre discernement aux yeux des peuples qui entendent tous ces décrets et parlent ainsi : “Assurément, c’est un peuple sage et avisé que cette grande nation !” Quelle grande nation a des ‘ÈLoHîM aussi proches d’elle comme YHWH notre ‘ÈLoHîM, toutes les fois que nous l’invoquons ? Quelle grande nation a des décrets et d’aussi justes jugements comme toute cette TORâH que je place devant vous aujourd’hui ? » (Dt 4,6-.
La TORâH de HaShèM est JUSTE parce qu’à travers l’école de la pauvreté qu’elle ouvre, qui rend disponible à l’ALLIANCE divine, elle est VIVANTE, et donc VIVIFIANTE : voyez, on revient toujours aux mêmes concepts de base. Ce qui fait que dans cette magnifique envolée lyrique des v. 6 à 8, TOUT ISRAËL reçoit sa mission : il ne s’agit pas pour le peuple de HaShèM de tirer son épingle du jeu, de recevoir cette TORâH pour lui seul, de se l’approprier, mais d’être LUMINEUX au milieu des nations qui, depuis MeLKiÇéDeQ avec ‘AVeRâHâM (cf. Gn 14,17-20), n’attendent qu’une chose : à savoir BÉNIR CE PEUPLE par qui elles ces nations que la VIE sera donnée à la multitude, en rémission des péchés, comme dira Jésus au moment de sceller cette mission dans l’offrande de son propre sang.
Toujours est-il que dès le v. 1 de cette nouvelle partie du discours de Moïse, le motif de tout le Deutéronome est livré : il s’agit de VIVRE, ce que confirmera par mode d’inclusion la fin du livre, au ch. 30 : « Choisis la VIE ! » Voilà vraiment le thème sous-jacent de TOUTE la réflexion deutéronomiste, et en fait de toute la TORâH : si le peuple — par la personne de ses dirigeants évidemment, sur qui veillent les prophètes — ; si le peuple, donc, choisit la vie en recevant la Parole de HaShèM inscrite dans le SOL reçu en héritage, alors il donnera la vie : le SOL sera ruisselant de lait et de miel à la mesure du service que lui rendra Israël en le travaillant. Et cette vie se déploiera de génération en génération, humblement, PAUVREMENT mais assurément sous la houlette de HaShèM comme de l’ÉPOUX auquel Israël restera indissolublement LIÉ — la fameuse ALLIANCE qui constitue son véritable et inaliénable TRÉSOR. Alors, voyant cela, oui : les nations pourront dire : « “Assurément, c’est un peuple sage et avisé que cette grande nation !” » (Dt 4,6) Et elles pourront à leur tour désirer entrer dans cette ALLIANCE de VIE, une entrée qu’opérera le Christ Jésus.
Ceci dit, d’un point de vue rédactionnel, quand on connaît un peu la Bible et qu’on entend des mots comme « sagesse » et « discernement », c’est un indice clair de la facture tardive de ce passage du Deutéronome qui ne peut pas avoir été rédigé avant l’époque royale, disons de Yo’ShiYâHOu/Josias. C’est à cette époque qu’on s’abreuve aux écrits de sagesse qui sont le lot de tout le Moyen-Orient, de l’Égypte à Babylone. Et si on se rappelle que le contexte d’écriture du Deutéronome est précisément le giron royal, on n’est pas surpris de l’irruption de ce style qui montre que jusqu’aux écrits les plus tardifs de la tradition juive — le livre de la Sagesse n’a pas été rédigé plus de 50 ans avant la naissance de Jésus — ; jusqu’aux écrits les plus tardifs de la tradition juive, donc, la pensée s’enracine encore et toujours dans la tradition de Moïse qui reste ainsi la TRAME infrangible de toute l’histoire de ce peuple. On reconnaît en tout cas ici des thèmes chers au livre des Proverbes : « Commencement de la Sagesse : acquiers le discernement » (Pr 4,7) ; « Un cœur sage est proclamé avisé, la douceur des lèvres augmente le savoir. » (Pr 16,21), etc. On a aussi le livre de Job : « ‘ÈLoHîM dit au Terreux — ‘ÂDâM — : “la crainte de ‘ADoNaÏ, voilà la sagesse ; fuir le mal, voilà le discernement !” » (Jb 28,28). Or « fuir le mal », ce n’est pas autre chose que de choisir la PAUVRETÉ — tout donner et se donner —, donc de choisir l’ALLIANCE et par là, choisir la VIE.
On peut aussi noter dans ces versets un thème très important du Deutéronome, à savoir celui de la VISION. On entend parfois dire que pour la Bible, il s’agit d’écouter et non de voir. C’est largement excessif, et dès le Deutéronome, le thème de l’écoute est doublé de celui de la vision. Mais plus largement encore, partout, HaShèM est le dieu caché qui se fait VOIR à travers les signes ; Ex 14,13 affirme par exemple qu’Israël a VU la Gloire de HaShèM ; inversement, combien de fois les prophètes accuseront les idoles d’être sourdes et aveugles : « Elles ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’écoutent pas ! » (Jr 5,21 ; Éz 12,2) Or précisément, c’est de l’idolâtrie dont vont se préoccuper les versets qui suivent.
Et là, à partir du v. 9, on passe du discours sapientiel au discours prophétique. Voilà : ça c’est le Deutéronome : on passe d’un registre à l’autre, non pas de façon aléatoire, mais analogique : ok pour la sagesse, mais attention, il y a des conditions pour que ça ne reste pas simplement un idéal, ou une belle idée ! Et cette condition, c’est la TORâH qu’il faut GARDER comme un TRÉSOR, non en se l’appropriant mais en y puisant la VIE pour aussitôt LA TRANSMETTRE. Or pour ça, pour rester dans cet esprit de PAUVRETÉ essentiel, il s’agit de garder en éveil la MÉMOIRE qui ramène sans cesse tout Juif à l’enracinement dans le MiDeBaR.
En même temps, on ne quitte pas tant que ça le registre sapientiel puisque la transmission de père en fils en constitue un des étendards majeurs de la sagesse biblique : voilà, le père se désapproprie en faveur du fils, il donne ce qu’il a lui-même reçu ; comme quoi la Sagesse biblique n’a pas d’autre résonance que la TORâH : « Prends garde à toi et garde beaucoup ta gorge — c’est-à-dire ton souffle, ton âme, ta vie —, de peur d’oublier les paroles qu’ont vues tes yeux. Ne les écarte pas de ton cœur — c’est-à-dire de ta mémoire et de ta volonté — un seul jour de ta vie. Fais-les connaître à tes fils et aux fils de tes fils. » (Dt 4,9). Ah, voilà encore la transmission de l’héritage !
Alors on se souvient : en chaque événement, en chaque chose, en chaque objet même est inscrite une parole qui réfère à l’Alliance et qu’il faut savoir écouter pour rester dans l’élan de la VIE. C’est la raison pour laquelle Moïse parle « des paroles qu’ont vues tes yeux » : ça peut être la théophanie du Sinaï, les interventions de HaShèM dans les combats, les sanctions, mais aussi dans l’édification du Sanctuaire etc. Tout ça PARLE de la part de HaShèM pour qui veut bien REGARDER pour ÉCOUTER. Et c’est donc cette parole inscrite en chaque chose qu’il faut « garder dans son cœur » : les paroles de Moïse n’ont de poids que rattachées à la mémoire de ce que les yeux d’Israël ont vu. Et ce que le peuple a vu, c’est la puissance de HaShèM à l’œuvre dont il faut transmettre la mémoire par le témoignage de père en fils. Vous vous souvenez que cette transmission de père en fils est analogiquement inscrite dans la pierre ; en particulier la pierre qui édifice le Sanctuaire. Ce qui veut dire que ce qui se construit, dans la transmission de la mémoire, n’est rien de moins qu’un TEMPLE CHARNEL qui est bien plus important que le Temple de Jérusalem au pinacle de sa splendeur !
Et c’est là que s’articule, dans la vie des Fils d’Israël, PATERNITÉ et MATERNITÉ : la mère est du côté de la Sagesse, des paroles qui savent illuminer ce qui, sans elle, resterait dans les ténèbres. Le père, lui, inscrit cette parole dans les événements en vivant avec son fils l’aventure de cette parole. Les paroles de la mère resteront vaines si, de son côté, le père vit sans référence à cette parole. En termes analogiques, je dirais volontiers que la femme tient dans le TEMPLE DE CHAIR, le rôle de la ménorah, là où le père travaille, lui, à en édifier les pierres vivantes. Comme quoi, encore une fois, on n’entend la profondeur des propos du Nouveau Testament qu’en entrant dans la profondeur du mystère que porte la TRAME de la TORâH.
Il y a dans ce verset toute une théologie du témoignage : il ne s’agit pas de transmettre des notions abstraites mais de transmettre la parole inscrite dans des faits qui rejoignent ainsi l’Histoire qui se tisse sur la TRAME de la TORâH. Il s’agit non pas de faire la morale mais de RACONTER ; et raconter, c’est FAIRE VOIR, donner à VOIR ce qui, sans le récit, resterait purement formel ! C’est vraiment à partir de là que tout se détermine. « Voir ou ne pas voir, that is the question ! » pourrait-on dire ; et dans le fond, tout est là dans la mesure où le mystère de l’existence ne s’avère pas tant métaphysique — par-delà la nature, le monde visible — que CHARNEL : à l’INTÉRIEUR même de cette nature habitée par la parole ; qui n’existe que par ce LIEN qui l’unit à HaShèM et s’épanouit dans l’ALLIANCE qui donne à TOUT ISRAËL sa raison d’être.
Ce qui est le plus remarquable, c’est de comprendre que cette notion de transmission sauve de l’individualisme souverain. Cette mémoire de la TORâH n’est en aucune manière individuelle : elle est faite pour le TÉMOIGNAGE qui est inscrit dans la COMMUNAUTÉ. De la même manière que Jésus dira : « Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer de charité comme je vous ai aimés de charité. C’est à la charité que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaîtra comme mes disciples. » (Jn 13,34-35). Voilà la COMMUNAUTÉ DU TÉMOIGNAGE, la “ÉDâH du livre du Lévitique. Non pas une réalité seulement collective : le collectif en reste au corps matériel, sans parole. La mémoire, elle, est COMMUNAUTAIRE parce qu’elle fait advenir un Corps qui se VOIT et qui est porteur d’une PAROLE. Un Corps devenu CHAIR, c’est-à-dire pauvre, disponible à l’accueil de l’ESPRIT, à l’accueil de la TORâH, à la COMMUNION avec HaShèM qui fonde la COMMUNION entre les générations : « Je vous donnerai un cœur renouvelé, et c’est un esprit renouvelé que je mettrai à l’intérieur de vous. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit à l’intérieur de vous et je ferai que vous alliez suivant mes décrets, que vous gardiez et fassiez mes règles. Vous habiterez sur le SOL que j’ai donné à vos pères ; vous serez mon peuple et Moi-même, Je serai votre ‘ ÈLoHîM. » (Éz 36,26-28). Voyez, tant qu’on n’a pas compris tout ce qu’on vient de voir, la seconde partie de la prophétie nous échappe, et on l’oublie ; alors qu’elle est juste essentielle, j’espère que ce qu’on a vu dans ces trois longues vidéos sur les premiers versets du ch. 4 nous en a un peu convaincu.
Alors maintenant, concrètement, que faut-il partager ? Eh bien c’est ce que nous verrons la prochaine fois. D’ici là, je vous souhaite une belle réception de ces paroles, dans un esprit de PAUVRETÉ qui, seul, nous ouvre les portes du Royaume des Cieux, comme dit Jésus.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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De la crainte à la gloire
Bonjour,
Nous reprenons aujourd’hui notre lecture du ch. 4 du livre du Deutéronome, des v. 10 à 24 ; un chapitre qui nous a déjà obligés à faire le point sur un certain nombre de piliers essentiels pour entrer au cœur de la démarche des rédacteurs qui posent là, ne l’oublions pas, les fondements pour qu’Israël reprenne vie alors même que, suite à leurs invasions successives, les Assyriens comme les Babyloniens ont travaillé à l’éradiquer. Il ne s’agit pas seulement de survivre aux assauts de cultures mille fois plus imposantes que celle de ce petit peuple qui s’agitait sur une non moins petite bande de terre malheureusement prise en tenaille entre le Nil et l’Euphrate. Il s’agit, depuis l’Exil où se trouvent désormais expatriés les notables d’Israël, de redonner une dynamique de vie qui soit telle qu’elle permette au peuple de revisiter ce qui fait son identité propre — à savoir l’Alliance avec HaShèM —, grâce à quoi il pourra repartir à l’aventure. L’expérience de la royauté avait conduit au désastre par négligence des ressorts qui animent en profondeur TOUT ISRAËL ; ressorts sur lesquels veillaient pourtant les prophètes. HaShèM inspire donc les rédacteurs pour qu’ils se mettent à l’écoute de ces prophètes d’Israël comme des traditions éparses des différents clans d’Israël, du Nord comme du Sud. C’est grâce à cette écoute qu’ils vont savoir étayer la TRAME sur laquelle tisser désormais une histoire qui allait non seulement permettre à Israël de retrouver son âme et sa fierté, mais aussi et surtout de peser de tout son poids dans l’histoire universelle.
Bon. Pour en revenir à notre texte, le v. 10 nous fait franchir un échelon sur la base de l’événement d’Ex 19 qu’on va prendre le temps de se remémorer : « YHWH parla ainsi à Moïse : “ Voici : Moi-même, Je viens vers toi dans l’épaisseur de la nuée, pour que le peuple écoute. Quand Je parlerai avec toi, ils auront foi en toi pour toujours.” […] Moïse descendit de la montagne vers le peuple. Il consacra le peuple ; tous lavèrent leurs vêtements. […] Le troisième jour au matin, il y eut des voix, des éclairs, une lourde nuée sur la montagne et la voix du ShOPhâR, très forte ; dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse fit sortir le peuple hors du camp, à la rencontre de ‘ÈLoHîM, et ils se postèrent au pied de la montagne. Le mont du Sinaï était tout fumant, face à YHWH qui y était descendu dans le feu. Sa fumée montait comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne tremblait fort. Et la voix du ShOPhâR allait de plus en plus fort. Moïse parlait, et ‘ÈLoHîM lui répondait dans la Voix. » (Ex 19,9.14-19) On ne s’en lasse pas ! Face à de tels récits, tous les Georges Lucas et autres Spielberg sont des amateurs !
Et le Deutéronome, donc, de reprendre cet événement en rappelant les paroles de HaShèM : « Assemble pour Moi le peuple et Je leur ferai entendre Mes paroles, de manière qu’ils apprennent à Me CRAINDRE tous les jours qu’ils vivront sur le SOL, et qu’ils enseignent [cette crainte] à leurs fils. » (Dt 4,10). Alors à propos de la crainte, je vous laisse aller voir la vidéo du site qui en parle explicitement, mais j’aimerais quand même qu’on se rappelle cette phrase inaugurale du livre des Proverbes : « La crainte de YHWH est le principe de la Sagesse. » (Pr 1,7) La CRAINTE ici est la marque du mystère, du sacré, donc, vous vous souvenez, de l’interdit : CRAINDRE l’autre, c’est refuser de mettre la main sur lui pour le façonner à mon image, autrement dit : refuser de me faire dieu à la place de DIEU. Du coup, CRAINDRE, pour reprendre les mots de saint Paul, c’est avoir conscience que « Toutes choses sont en notre pouvoir, mais toutes choses ne sont pas opportunes ; Toutes choses sont en notre pouvoir, mais toutes choses n’édifient pas. Que nul ne cherche ce qui [relève] de lui-même, mais ce qui [relève] de l’autre. » (1Co 10,23-24). C’est formidablement dit : chercher ce qui relève de soi, c’est le process de la convoitise qui conduit à la folie meurtrière ; chercher ce qui relève de l’autre, c’est le process de la CRAINTE qui éveille à la Sagesse de vie que Jésus désignera comme l’amour-agapè, la Charité.
Rejeter cette CRAINTE au nom d’une liberté extérieure autosuffisante ; vouloir briser l’interdit que la CRAINTE seule sait percevoir revient donc à tomber dans la folie qui proclame qu’il est « interdit d’interdire », ce qui n’est rien d’autre que l’argument du serpent de la Genèse. Comme quoi l’accroche du péché ne varie jamais… Rejeter cette CRAINTE donc, c’est s’autoriser à rendre l’autre esclave de mon égo, de ma convoitise, ce qui conduit ni plus ni moins qu’à l’assassiner, comme l’exprime clairement le Décalogue qu’on va réentendre au ch. suivant.
Ceci dit, prenons le temps d’aller plus loin sur cette question, puisque le v. 10 nous y invite. En fait, la CRAINTE est la première porte de toute attitude religieuse. Rappelons-nous l’étymologie du mot « religion » que donne le grand Cicéron : religion vient de RELIGIO, qui désigne l’attention qu’on porte aux choses divines, que ce soit rituel ou spirituel, pour les RECUEILLIR avec soin, pour les ACCUEILLIR au lieu de chercher à les manipuler en exerçant une emprise souveraine. Toujours la même chose : accueillir comporte toujours un élément de volonté résolue : accueillir, c’est REFUSER de s’emparer ; tout comme s’emparer, c’est refuser d’accueillir : accaparement et accueil sont absolument incompatibles.
En tout cas, au sens premier, la religion n’est pas une simple rubrique sociologique : « les religions » comme on dit pour classifier des groupes définis par l’exercice d’un culte. Ça, ça remonte au xvie siècle. Dans son sens premier, la RELIGION est avant tout une VERTU, c’est-à-dire une capacité intérieure que l’homme est appelé à développer pour ÊTRE ATTENTIF et se donner les moyens d’ACCUEILLIR une réalité AUTRE que soi seul ; un AUTRE dont il faut parvenir à se convaincre qu’il n’est pas là pour exercer une emprise — ce qui ne peut générer que lutte et dissension — mais au contraire, un AUTRE dont il faut se persuader que l’ACCUEIL constitue la source d’une force irremplaçable pour traverser et donner un sens à l’existence.
Maintenant, tout un chacun sait que ça n’a rien d’évident pour les pécheurs que nous sommes — et c’est le grand combat de la Bible. Combien de fois l’homme, par peur d’être manipulé, tombe dans ce piège qui consiste à vouloir riposter par avance en prenant le pas sur cette réalité AUTRE que lui-même ? C’est ce qui s’appelle l’IDOLÂTRIE, dont il faut toujours se méfier, même pour des juifs ou des chrétiens ! C’est tellement facile de réduire HaShèM à ce qu’on voudrait qu’Il soit, ou Jésus… Alors ça marche avec des divinités païennes, puisqu’elles n’existent pas. Mais avec HaShèM, là, on tombe sur un os, parce qu’Il ne se laisse pas faire ! Et toute la Bible raconte, dans le fond, cette LUTTE dont la figure majeure est le COMBAT DE Ya”aQoV. Un combat dont le patriarche ne ressort ni vainqueur, ni vaincu, mais où est instauré un rapport de CRAINTE qui pose les bases d’une ALLIANCE saine entre Ya”aQoV et HaShèM : Ya”aQoV, vous vous souvenez, avait fait un deal avec HaShèM à BéYT ‘ÈL : « Si ‘ÈLoHîM est avec moi et qu’Il me garde sur ce chemin sur lequel moi, je vais ; s’Il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir et que je reviens dans la paix vers la maison de mon père, YHWH sera mon ‘ÈLoHîM. Cette pierre que j’ai posée en stèle sera la BéYT ‘ÈL. Tout ce que Tu me donneras, j’en verserai la dîme pour Toi. » (Gn 29,20-22). Ça, c’est du marchandage idolâtre ; tout juste l’établissement d’un contrat, mais qui n’a rien d’une ALLIANCE. Ya”aQoV est encore loin de la démarche de son grand-père ‘AVeRâHâM qui, lui, ne marchande pas : il obéit et consent à l’aventure, ce qui le dévoilera comme JUSTE devant HaShèM. Pour Ya”aQoV , c’est plus laborieux. Toujours est-il qu’à l’autre extrémité de son histoire, au moment de revenir sur la terre de ses pères, là, HaShèM ne va pas se laisser faire ! Ok, Il a répondu aux conditions de Ya”aQoV ; mais maintenant attention : à lui, Ya”aQoV, de répondre aux conditions de HaShèM, et là, une lutte s’engage dont le récit typique est bien entendu offert dans le combat de Ya”aQoV avec l’ange, au torrent du YaBoQ. Avant cette lutte dans la poussière, Ya”aQoV jouait les mafieux : ce roublard boitait à l’intérieur de lui-même ; après la lutte, il devient un vrai Fils de ‘AVeRâHâM : il boîte à l’extérieur — HaShèM l’a touché à la hanche —, mais cesse de boiter à l’intérieur. HaShèM inscrit dans sa chair une FAIBLESSE, non pour le rabaisser, mais pour qu’il s’ouvre à cette dimension de PAUVRETÉ dont on a déjà parlé, qui met au jour cette nécessité de s’ALLIER à un AUTRE pour que germe une force que seule dégage une relation de communion. Dit autrement : HaShèM introduit Ya”aQoV à la CRAINTE ; à partir de quoi l’aventure intérieure commence pour lui et pour sa descendance, au cœur d’une ALLIANCE qu’il va s’agir de pérenniser.
Toujours est-il que toute vertu de RELIGION digne de ce nom commence par l’exercice de la CRAINTE qui signifie que l’Autre, quel qu’il soit, est SACRÉ. La CRAINTE est LA discipline qui fonde ma dignité d’Homme ; qui m’oblige donc, contrairement à ce qu’on aurait tendance à penser a priori aujourd’hui, à ne RIEN revendiquer de l’Autre. Tout à l’inverse, la CRAINTE m’oblige à travailler sur moi-même pour ME RENDRE DISPONIBLE à tout RECEVOIR de l’Autre — à la mesure de l’offrande que lui-même est prêt à faire de lui évidemment, et là, dans un monde marqué par le péché, c’est tout le mystère de la Croix. Une pareille démarche paraît complètement dingue, complètement utopique dans un monde où prévaut le chacun pour soi ! Et pourtant, le Christ Jésus n’a pas emprunté un autre chemin, et des milliards d’hommes et de femmes qui l’ont suivi y ont trouvé la force de traverser les pires difficultés. Reste que dans l’ordre du dessein de HaShèM, cette disponibilité radicale de soi à l’AUTRE, cette offrande inconditionnelle de soi à l’AUTRE, est ce qui caractérise l’avènement du ‘ÂDâM dont on a parlé la dernière fois, et dont le Christ Jésus accomplit pleinement la figure.
Dans le fond, la CRAINTE constitue ni plus ni moins que le fameux porche qui mène à la Vie : « Tout ce que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, de même vous aussi, faites-le pour eux. Car c’est cela, la TORâH et les Prophètes. Entrez par le porche étroit, parce que large est le porche et spacieux le chemin qui conduit à la perdition. Et nombreux sont ceux qui s’y engagent. Qu’étroit est le porche et resserré le chemin qui mène à la Vie ! Et peu nombreux sont ceux qui le trouvent ! » (Mt 7,13-14). Peu nombreux sont ceux qui acceptent de faire de cette CRAINTE la condition irréductible pour qu’une relation saine puisse germer entre soi et l’Autre, quel qu’il soit, dans une reconnaissance mutuelle de la dignité de chacun. En ce domaine, on entend beaucoup de discours, mais combien sont capables de les mettre en pratique ? À commencer par vous et par moi ?
Enfin, quoi qu’il en soit, il résulte de cette CRAINTE capitale — capitale, au sens où elle est en tête de toute une série d’actes qui en découlent — ; il résulte donc de cette CRAINTE capitale qui m’interdit de mettre la main sur l’Autre, que toute RENCONTRE véritable procède en définitive d’une GRÂCE ; une RENCONTRE VRAI ne peut être que GRATUITE et ne procède JAMAIS d’une question de mérite ou de droit. Je ne peux JAMAIS « provoquer » une rencontre : je peux provoquer un entretien, une entrevue, un rendez-vous, une réunion ; je peux convoquer une assemblée, comme HaShèM au v. 10, appelez ça comme vous voulez ; mais pour ce qui en est d’un avènement de la RENCONTRE, on passe à un autre registre : on passe une nouvelle fois de l’extérieur à l’intérieur, du formel au personnel, du fonctionnel au vivant. Ceci dit, je suis toujours en droit d’ESPÉRER la rencontre ; je peux même bien entendu créer les conditions de son avènement. Mais il n’empêche : si RENCONTRE il y a, elle ne sera jamais la conséquence logique d’une quelconque stratégie. Encore une fois : je peux me rendre disponible à la RENCONTRE — par la vertu de CRAINTE — ; je peux même, on vient de le dire, l’ESPÉRER, mais l’espérer d’ESPÉRANCE, et non d’espoir. L’ESPÉRANCE est habitée de CRAINTE ; elle laisse donc l’Autre libre de se présenter ou non. L’espoir se dit d’une victoire envisagée : « J’ai tout fait pour, j’ai bon espoir » comme on dit. L’espoir suscite l’attente angoissée d’un résultat qui peut à l’occasion composer avec un arrière-fond malhonnête — « la fin justifie les moyens » comme on dit quand on est pervers —. Et quand le résultat survient, il apporte indubitablement un soulagement, voire une joie quand la préparation a été honnête. Mais l’ESPÉRANCE, elle, ne suscite jamais un soulagement : elle suscite un ÉTONNEMENT, ainsi qu’une PLÉNITUDE ! Et c’est tout autre chose ! C’est dans l’espérance qui l’a portée que se caractérise la véracité d’une RENCONTRE. Il faut bien faire la différence entre les deux. Redisons-le : la RENCONTRE n’est jamais le fruit d’un espoir : elle est le fruit d’une ESPÉRANCE emprunte de la vertu de CRAINTE qui demande de s’accrocher vigoureusement à la vertu de COURAGE. La CRAINTE n’est pas pour les mollassons !
Enfin, quoi qu’il en soit, ce qui caractérise la véracité d’une RENCONTRE, de par sa GRATUITÉ intrinsèque, c’est qu’elle suscite toujours l’ÉTONNEMENT, qui provient du fait que, de l’intérieur même de cette RENCONTRE, alors même que je suis en attitude d’offrande de moi-même — « en espérance d’être reçu », pour ainsi dire —, voilà que mon offrande est AGRÉÉE ! Voilà qu’un Autre m’accueille, s’ALLIE à moi sans contrepartie, sans marchandage, sans condition ; et voilà que je me redresse, que je me sens grandir, appartenir à une histoire ! En termes bibliques : voilà que paraît ma GLOIRE ! Étonnant !
Étonnant, mais il n’empêche que c’est drôlement fort : de la RENCONTRE de l’Autre vécue dans la CRAINTE procède notre GLORIFICATION. Prenons un exemple : je fais un exploit. Mettons que j’encode sur une plateforme virtuelle une vidéo dans laquelle le joue une pièce de piano de façon plutôt virtuose. Je la poste sur les réseaux sociaux, et là : déferlements de “like” ! Quel contentement ! Sauf que ça, ça n’est pas la gloire : c’est la gloriole. Maintenant, voilà que Ray Charles — je dis n’importe quoi puisqu’il est mort, mais c’est l’idée — Voilà donc que Ray Charles entend ma prestation et me téléphone non seulement pour me féliciter, mais pour me RENCONTRER ! Vous imaginez ce que je ressens alors ? Rien à voir avec les “like” de milliers d’inconnus ! Là, je me redresse, je me sens grandir — ça peut même faire peur ! Un chemin s’ouvre qui peut faire basculer mon histoire, signe qu’on touche là à la GLOIRE véritable qui n’a rien d’orgueilleux puisqu’elle suppose l’agrément d’un Autre que je considère humblement comme plus grand que moi. La GLOIRE procède en revanche d’une FIERTÉ tout à fait légitime et qui va susciter en nous la soif de poursuivre l’effort, la soif de VIVRE, puisqu’un SENS apparaît !
Alors imaginez quand c’est HaShèM en personne qui vient à votre RENCONTRE pour agréer l’offrande de votre vie ? Pour s’ALLIER à vous dans des Épousailles éternelles ? C’est sûr que tant qu’on a l’image d’un juge suprême, impossible de se sentir agréé par HaShèM ! Raison pour laquelle Jésus dira qu’Il ne vient pas pour juger le monde mais pour lui donner la Vie ! Or il n’y a de vie que dans l’ALLIANCE, dans la RENCONTRE ; une RENCONTRE que Jésus inscrit dans la CHAIR pour entraîner dans la GLOIRE des enfants de DIEU ceux qui, par la vertu de CRAINTE, voudront bien s’y rendre disponibles.
Du coup, faut-il espérer cette GLORIFICATION ? Bien entendu : il faut d’autant plus l’espérer qu’elle est proprement l’objet de la vertu d’ESPÉRANCE à laquelle introduit la CRAINTE : « Assemble pour Moi le peuple et Je leur ferai entendre Mes paroles, de manière qu’ils apprennent à Me CRAINDRE tous les jours qu’ils vivront sur le SOL, et qu’ils l’enseignent à leurs fils. » (Dt 4,10).
Ici, de deux choses l’une : soit cette convocation est formelle — un petit chef qui rassemble ses troupes pour les subordonner et mieux les dominer — et alors cette convocation est vaine ; soit cette convocation est l’annonce de l’agrément de HaShèM vis-à-vis de l’offrande qu’Israël est appelé à faire de lui-même pour ainsi entrer dans la profondeur d’une ALLIANCE par laquelle il se trouve GLORIFIÉ par HaShèM, élevé jusqu’aux Épousailles éternelles avec son DIEU. Quel ÉTONNEMENT ! Et en définitive, on peut dire que la TORâH ne procède pas d’une autre inspiration que celle de l’ÉTONNEMENT d’être choisi par HaShèM ; un ÉTONNEMENT qui va susciter chez TOUT ISRAËL ce désir de peser de tout son POIDS dans l’histoire des nations. Voilà la GLOIRE — KâVOD, en hébreu, qui désigne ce qui a du « poids », on l’a déjà souvent dit — ; voilà la GLOIRE, donc, à laquelle HaShèM convoque son peuple.
Par ailleurs, à bien y réfléchir, ceux qui affirment qu’ils ont « rencontré Jésus » ne témoignent pas d’autre chose que de leur étonnement : sans mérite de leur part, voilà que Jésus, c’est-à-dire à travers Lui le Père éternel, leur ouvre le chemin de cette GLOIRE qui consiste à marquer l’histoire de tout leur POIDS, pour que s’opère l’ASCENSION universelle de la Création vers le Père. Et hop, revoilà le ch. 8 de l’épître aux Romains : « Aux aguets, la création guette le dévoilement des fils de Dieu. En effet, assujettie à une fumisterie, non pas délibérément mais à cause de celui qui l’a assujettie, la création garde l’espérance qu’elle aussi sera libérée de l’esclavage de la déchéance, en vue de la liberté de la GLOIRE des enfants de Dieu. » (Ro 8,19-21).
L’Autre est donc là pour nous dévoiler GRATUITEMENT à nous-même qui nous sommes, et à quoi nous sommes appelés ! C’est radical ! Au point que passer outre cette grâce de la rencontre, ne pas s’y rendre disponible par le chemin de l’offrande, c’est se perdre soi-même ! « Si quelqu’un veut venir derrière Moi, qu’il se renie lui-même, et qu’il prenne sa croix, et qu’il vienne [alors] derrière Moi. Car celui qui veut faire vivre son âme — par lui-même, pour lui-même, sans l’autre qu’il ne craint pas —, il la fera perdre, mais celui qui fera perdre son âme — c’est-à-dire qui, par CRAINTE de l’autre, du cœur de la Sagesse qu’ouvre cette vertu de CRAINTE et qui me fait m’offrir à l’autre plutôt que de m’en emparer / celui qui fera perdre son âme, donc — à cause de Moi — Moi qui livre ma vie pour vous, moi qui en perds le profit pour vous ouvrir le chemin annoncé par la TORâH de Moïse —, il la trouvera. » (Mt 16,24-25).
Dit autrement, faire fi de cette RENCONTRE, vouloir manipuler l’Autre plutôt que de l’accueillir ; vouloir le façonner à mon image pour mieux le posséder ; ne vouloir être avec lui qu’au prorata du confort qu’il me “doit” selon un bas contrat de convenance, c’est m’interdire à moi-même toute grâce, tout étonnement et toute plénitude ! À commencer par m’interdire la rencontre du Christ qui, certes, s’est offert au Père pour que notre propre sacrifice, attaché au sien par l’Eucharistie, soit agréé — c’est déjà une sacrée surprise ! — ; mais plus encore : en Jésus, c’est HaShèM Lui-même qui S’OFFRE A NOUS et attend notre agrément ; un agrément qui ne peut advenir que dans l’offrande de nous-mêmes à sa suite ! C’est le monde à l’envers ! À moins que ce ne soit la clef du Royaume… La clef des Noces ; la clef de l’amitié entre Dieu et l’homme Et là encore, quel ÉTONNEMENT ! « Qu’est-ce qu’un homme, que Tu en fasses mémoire ? Un fils de Terreux, que Tu viennes à sa RENCONTRE ? Tu lui fais manquer de peu d’être un ‘ÈLoHîM, Tu le couronnes de GLOIRE et de splendeur… » (Ps 8,5-6).
Quoi qu’il en soit, refuser cette CRAINTE préliminaire, c’est refuser la rencontre, et c’est donc, par le fait même, s’interdire la GLOIRE, puisqu’en tout état de cause, nul ne sait se la conférer à soi-même — à moins de ne chercher que la gloriole, ce qui reste toujours possible, mais qui n’est qu’un chemin mesquin et infernal ; un chemin d’ENFER-mement. En tout cas, d’une manière ou d’une autre, c’est s’interdire toute révélation, toute élévation, toute MONTÉE ; c’est s’interdire d’exister pleinement, en profondeur, et en définitive, c’est se suicider.
Toujours est-il que oui, décidément, « La crainte de YHWH est le principe de la sagesse. » et qu’on le veuille ou non, ça commence par considérer que l’Autre — le PROCHAIN, quel qu’il soit, — est SACRÉ, inviolable… Tu violes ? tu transgresses ? tu outrepasses ?… c’est toi qui meurs ! D’où le choix de la fin du Deutéronome : « Choisis la VIE ! », sous-entendu : « NE TRANSGRESSE PAS ! », rends-toi disponible à la GLORIFICATION des enfants de HaShèM dont Jésus est le chef dans l’offrande qu’il fait de lui-même au Père, en notre faveur : « Père, elle est venue, l’heure. GLORIFIE ton Fils afin que le Fils Te GLORIFIE, selon que Tu Lui as donné pouvoir sur toute chair, afin qu’à tout ce que Tu Lui as donné, Il donne à ceux-là la Vie éternelle. Et telle est la vie éternelle : qu’ils Te connaissent — au sens biblique de RENCONTRER —, Toi, le seul véritable DIEU, et Celui que Tu as envoyé, Jésus Christ. » (Jn 17,1b-3). Et un peu plus loin : « Et Moi, la GLOIRE que Tu M’as donnée, Je la leur ai donnée pour qu’ils soient un comme Nous sommes un ; moi en eux et Toi en Moi, pour qu’ils se trouvent accomplis dans l’unité, pour que le monde connaisse que c’est Toi qui M’as envoyé et que Tu les as aimés de charité comme Tu M’as aimé de charité. » (Jn 17,22-23). Comment mieux exprimer l’étonnement de la RENCONTRE, qui procède, redisons-le, de cette CRAINTE qu’il faut apprendre, pour reprendre les termes de notre v. 10, et à laquelle la TORâH convoque Israël ?
Alors voilà. Un seul verset nous a occupés aujourd’hui, mais il est essentiel par le chemin de CRAINTE à laquelle il convoque TOUT ISRAËL à ce stade de la TORâH. Et par Israël, toute l’Église. Je nous laisse méditer sur cet appel ; je vous laisse surtout le soin d’y répondre le plus justement possible à la lumière de la rencontre que vous avez peut-être faite du Christ Jésus. Nous verrons la suite la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Écouter pour Voir
Bonjour,
Nous poursuivons notre lecture du ch. 4 du Deutéronome, et promis : cette fois, on va lire plus qu’un seul verset ! Alors, une fois posée la nécessité de la crainte avec le v. 10 — dont maintenant on voit mieux les enjeux glorieux, enfin j’espère —, le v. 12 enchaîne : « YHWH vous a parlé du milieu du feu : vous écoutiez la voix des paroles mais vous ne voyiez pas de représentation : rien qu’une voix ! » (Dt 4,12) Là, on n’est plus dans la problématique du voir et de l’écoute, comme dans les premiers versets. On est dans la problématique de la représentation des idoles. C’est ce que confirme le v. 15 : « Vous n’avez vu aucune représentation le jour où YHWH vous a parlé à l’HoRèV, du milieu du feu ; n’allez pas vous détruire et vous faire une statue représentant quelque fétiche que ce soit en forme de masculin ou de féminin ! » (Dt 4,15-16). Et c’est sûr que là, il y avait de quoi faire, y compris en Israël ! Souvent, les divinités allaient par deux, et d’ailleurs, il y a bien des chances pour qu’une des façons d’adorer YHWH par certains clans d’Israël ait été celle-là : certaines traces archéologiques laissent à penser que l’Israël ancien, d’avant l’Exil, vénérait certes YHWH, mais aussi son « ‘AShéRâH », une déesse féminine qui lui était associée plus ou moins comme son épouse et qu’on trouve un peu partout, dans le Proche comme dans le Moyen Orient antiques. Et de fait, on a retrouvé sur un site archéologique — le site de Kuntillet Ajrud qui remonte au VIIIe siècle avant J.-C. / avant l’Exil donc /, situé à la hauteur de Timna, au Sud du NèGèV — On a donc retrouvé sur ce site des tessons de poteries portant semble-t-il des représentations de YHWH et de son ‘AShéRaH, accompagnées de l’inscription : « Je te bénis par YHWH de TéMâN et son ‘AShéRâH. » Et en allant plus au Nord, jusque sur le territoire de Juda, on trouve des traces de cette vénération remontant au VIIe siècle, dans la période précédant de peu l’Exil cette fois ; soit ce sont des inscriptions parlant de « YHWH et son ‘AShéRâH », soit ce sont des statues qu’on peut reconnaître comme des représentations de cette ‘AShéRâH. Or le VIIe siècle, vous vous souvenez, c’est celui du roi Yo’ShiYâHOu/Josias, et il est intéressant de noter que c’est à propos de ce roi qu’on trouve un passages des plus intéressants évoquant ‘AShéRâH : « Le roi ordonna à H.iLeQiYYâHOu, le Grand Prêtre, au prêtre en second et aux gardiens du seuil, de faire sortir du Temple de YHWH tous les objets qui avaient été faits pour Ba“aL, pour la ‘AShéRâH et pour toute l’armée des cieux ; […] Il fit sortir la ‘AShéRâH de la Maison de YHWH — tiens ? — en dehors de YeROuShâLaYiM, dans le ravin du KiDeRON […] Il abattit les maisons des prostitués sacrés qui étaient dans la Maison de YHWH et où les femmes tissaient des robes pour ‘AShéRâH. » (2R 23,4a.6a.7). Ces statues de ‘AShéRaH avaient sans doute été installées par son prédécesseur, le grand roi MeNaShèH, fils de H.iZeQiYYâHOu/Ézéchias, raison pour laquelle le rédacteur sera sans complaisance avec lui, alors qu’il semble qu’il ait été par ailleurs un bon roi pour Juda pendant plus d’un demi siècle. Ce qui est sûr en tous les cas, c’est que la question de l’idolâtrie était bien là ! Non pas à côté d’un Israël soi-disant pur, mais EN Israël que les prophètes de YHWH appelaient à la purification.
Comprenons bien qu’il est beaucoup plus instructif d’admettre cette réalité que d’en appeler de manière idéologique à un peuple imaginaire qui se serait totalement converti au monothéisme aussitôt sa sortie de MiTseRaYîM ! La Bible ne ment pas : elle témoigne. Elle témoigne d’une patiente MONTÉE, d’une ASSOMPTION intérieure depuis le MiTseRaYîM idolâtre jusqu’à la RENCONTRE du DIEU Unique pour connaître, du cœur de l’ALLIANCE qui les attache l’Un à l’autre, la GLOIRE des fils de YHWH. Sauf que ça prend du temps : plusieurs SIÈCLES !
Pour vous donner un exemple : cette dévotion est à ce point ancrée dans les mœurs qu’au moment de l’Exil, certaines familles juives vont s’enfuir en MiTseRaYîM, et que vont-ils faire ? Adorer non seulement YHWH, le DIEU des Cieux, mais encore faire fumer de l’encens devant celle qu’ils appellent la Reine des Cieux, ce que va fustiger Jérémie. Écoutez bien, ce sont les Judéens exilés en MiTseRaYîM qui lui répondent : « Pour ce qui est de la Parole que tu nous adresses au nom de YHWH, nous ne t’écoutons pas. Quant à faire, nous ferons selon toute parole qui sort de notre bouche : encenser la Reine des cieux et lui verser des libations, comme nous avons fait, nous et nos pères, nos rois et nos chefs, dans les villes de Juda et dans les rues de YeROuShâLaYiM — ah bon ? — ; alors nous avions du pain à satiété, nous étions bienheureux et nous ne voyions pas le malheur. Mais depuis que nous avons cessé d’encenser la Reine des cieux et de lui verser des libations — depuis Josias —, nous manquons de tout, achevés par le glaive et la famine ! — les assauts Babyloniens — » (Jr 44,16-18). Vous entendez ? C’est chaud de chaud !!! Autre exemple, toujours en MiTseRaYîM : des clans juifs ont fui YeROuShâLaYiM en 587 pour s’installer sur l’ile d’Éléphantine, au milieu du Nil à la hauteur d’Assouan, et sont allés jusqu’à demander l’autorisation exceptionnelle d’y construire un Temple… pour y vénérer YaHô — entendons YHWH —, à côté de qui ils vont vénérer la déesse Anat, sa parèdre ! Pourquoi ? Tout simplement pour prolonger le culte qu’ils ont connu en Juda, au VIe siècle, et qui leur semblait naturel ! Du coup, j’espère qu’on voit mieux à quel pont il y a vraiment un avant et un après l’Exil !!! Ça explique aussi pourquoi les juifs de Babylone regardaient de travers leurs frères réfugiés en MiTseRaYîM ; mais ça, c’est une autre histoire.
Et puis allez, je vous dis tout : non seulement il y avait des statues de ‘AShéRâH jusque dans le Temple de YeROuShâLaYiM, mais certains archéologues contemporains ne sont pas loin de penser que, primitivement, les deux « tables de pierre », dans l’Arche, pouvaient bien être précisément des représentations de YHWH et de son ‘AShéRâH ! Alors ça ne veut pas dire que le Décalogue n’existait pas, et peut-être était-il inscrit au verso des pierres, pourquoi pas ? Hypothèse pour hypothèse... Mais il n’est effectivement pas impossible que primitivement, dans l’arche, il y ait eu des représentations de YHWH et de son ‘AShéRâH, et alors ? On peut même supposer à bon droit que c’était le cas dès l’époque de David et Salomon, où on chantait des psaumes comme : « Fais lever, YHWH, la splendeur de Ta Face ! » (Ps 4,7) ; « Tu m'apprends le chemin de la vie : devant Ta Face, débordement de joie ! » (Ps 16/15,11) ; ou quand le juste chante : « Quand pourrai-je contempler la Face de YHWH ? » (Ps 42/41,3), etc. Alors pour nous, on entend cette expression de manière allégorique, mais à l’époque, une telle abstraction est très peu probable ! Et ça explique en tout cas pourquoi, 500 ans plus tard, non seulement le prophète Jérémie cache l’Arche de façon à ce que personne ne la retrouve — on raconte ça dans le second Livre des Maccabées au début du ch. 2 —, mais surtout pourquoi il s’oppose à ce qu’on en fabrique une autre : « Revenez, fils renégats — Oracle de YHWH ! — — alors si ce qu’on vient de dire est vrai à propos des représentations de YHWH et de son ‘AShéRâH, on comprend mieux la violence du prophète —, car Moi, Je vous ai épousés. Je vous prendrai, un par ville, deux par clan et je vous ferai venir à Sion — à YeROuShâLaYiM : Sion est la colline sur laquelle est bâtie la ville —. Je vous donnerai des bergers selon mon cœur qui vous feront paître de connaissance et de discernement. Et lorsque vous vous serez multipliés et que vous aurez fructifié sur le SOL, en ces jours-là — Oracle de YHWH — on ne parlera plus de l’arche de l’Alliance de YHWH ; elle ne montera pas au cœur, on n’en fera pas mémoire, on ne la regrettera pas, il n’en sera pas fait d’autre. En ce temps-là, c’est YeROuShâLaYiM qu’on appellera : “Trône de YHWH” — sous entendu, et non plus l’arche — ; toutes les nations se rassembleront au nom de YHWH, à YeROuShâLaYiM et elles n’iront plus derrière l’obstination de leur cœur mauvais. » (Jr 3,14-17) ! C’est sûr que si l’Arche contenait des représentations de YHWH et de son ‘AShéRâH, on comprend mieux pourquoi le prophète la fait disparaître et s’oppose à ce qu’on en reconstruise une !
Mais il y a plus : en définitive, pour Jérémie et pour le rédacteur deutéronomiste, l’Arche, dans le fond, n’a AUCUNE IMPORTANCE, n’en déplaise à Indiana Jones. Surtout si elle n’est jamais qu’un objet qui se donne à voir à la manière égyptienne ; un objet de vénération extérieure, alors même qu’il s’agit décidément pour Israël de passer de l’extérieur à l’intérieur ! Ceci dit, on ne peut pas non plus la gommer l’histoire et faire comme si l’Arche n’avait pas existé. En revanche, à partir du moment où elle a disparu, on peut faire en sorte d’en épurer la mémoire ; et le rédacteur deutéronomiste, qui consone absolument avec le prophète, d’effacer les représentations pour ne conserver que le Décalogue. Manière de dire que si l’Arche a eu un rôle à tenir, ce n’était pas pour conserver des représentations vaines, mais pour servir de relais jusqu’à ce que le Décalogue soit inscrit DANS LES CŒURS. Les tables de pierre qu’elle a contenues avaient quelque chose à nous dire — elles étaient des DeVaRîM, des paroles, avant d’être des représentations. Mais maintenant que ces paroles sont inscrites dans le cœur, l’Arche peut — et même doit — disparaître ! L’important n’est pas de VOIR YHWH de l’extérieur — puisque nul ne peut voir YHWH sans mourir, dit le ch. 33 de l’Exode au v. 20. L’important, c’est de VOIR ses VOIX, comme disait notre v. 12, autrement dit : pour le VOIR, il faut d’abord l’ÉCOUTER, dans la mesure où ÉCOUTER, c’est VOIR, mais à partir de l’INTÉRIEUR. De même qu’écouter l’homme, c’est le voir ; et écouter la création, c’est la voir si on veut bien comprendre que l’écoute façonne le vrai regard, le regard profond. C’est exactement ce qu’a repris James Cameron dans les dialogues de son film Avatar : « Je te vois » est la salutation que se donnent les habitants de la planète Pandora : les Na‘vis — les prophètes, en hébreu. Ces films sont truffés de symboles bibliques ! Et de fait, redisons-le : pour la Bible, toute chose est DâVâR, est PAROLE : toute chose, y compris le vivant, y compris YHWH, est à appréhender DE L’INTÉRIEUR, sans quoi le rapport à l’autre, devenu un pur OBJET extérieur, sera celui de la consommation paresseuse, de la convoitise, de l’idolâtrie ! Il ne s’agit pas de ne rien voir, ce qui est absurde et contre nature. Il s’agit de VOIR, mais à partir de l’INTÉRIEUR, à partir du cœur. Là commence la vertu de religion ; là commence la FOI qui donne à « voir l’invisible », pour reprendre les mots de saint Paul dans l’Épître aux Hébreux.
Toujours est-il qu’avec tout ça, on comprend mieux la logique de nos versets, oui ? En tous les cas, les paroles à partir du v. 12 n’en prennent que plus de sens : Il faut purifier ces représentations qui empêchent les Fils d’Israël de se rendre disponibles comme ils le devraient à la RENCONTRE de YHWH. De par son extériorité intrinsèque, la représentation travaille en fait contre la CRAINTE véritable à laquelle convoquaient les v. 10 et 11 dans la mesure où représenter YHWH, c’est une manière de façonner DIEU à l’image de l’homme. Et il faut croire que le danger est récurrent puisqu’au XVIIIe siècle, le perfide Voltaire disait encore : « Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons bien rendu ! » (François-Marie Arouet, dit Voltaire (1694-1778), Le Sottisier, Garnier frères (1920), p. 165).
Or cette question de l’ÉCOUTE rejaillit sur l’assemblée convoquée au v. 10. L’Assemblée n’existe réellement que quand elle se constitue non pour “voir” une image de YHWH, mais pour ÉCOUTER Sa voix. Et là, on peut percevoir le cœur de ce qui motive l’entrée — ou le retour, si on est en Exil — en KaNa“aN : à savoir la mise en pratique de l’Alliance proclamée lors de la Théophanie, que rappelle le v. 13. L’assemblée qui entre, ou qui rentre, n’est pas une simple troupe d’assaillants venue conquérir un territoire : pour ça, pas besoin de la TORâH. Attention donc, dans l’excitation guerrière qui se profile, à ne pas oublier le but qu’on poursuit. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’on remporte des victoires qu’on peut prétendre que « Dieu est avec nous » ! Seule l’assemblée convoquée pour ÉCOUTER la TORâH permet de discerner la Voix de YHWH, pour prévenir tout débordement au milieu du brouhaha des armes, ou tout simplement même du brouhaha de l’existence ; une VOIX sans laquelle nul n’est plus capable de distinguer quoi que ce soit dans sa vie — à commencer par la nécessité charnelle de l’ALLIANCE !
Avec l’Alliance donc, qui suppose l’ÉCOUTE, une ASSEMBLÉE s’institue, et pas seulement une collectivité. Une assemblée comme une famille, où se forge l’âme d’un PEUPLE et sans laquelle ce peuple se résorbe en une simple nation fonctionnelle. Enlevez l’alliance, il ne reste plus que le contrat formel qui gère le fonctionnement et dispense de toute écoute ! l’assemblée se désagrège alors en collectivité : on ne vit plus les uns avec les autres mais les uns à côté des autres ; il ne s’agit plus de s’élever intérieurement les uns par les autres, mais simplement de maintenir un « vivre ensemble » comme on dit, c’est-à-dire vivre bien horizontalement à la manière de bovins dans un pré. Or le projet de YHWH est autrement plus exaltant ; autrement plus laborieux aussi, puisqu’il s’agit pour l’homme, par l’ÉCOUTE, de s’allier à YHWH pour connaître, grâce à leur Rencontre Nuptiale, la GLOIRE qui rejaillit sur toute la Création. Et ça, ma foi, c’est pas gagné d’avance : c’est ce que nous dit la Bible, précisément. MAIS c’est possible !
D’où l’importance vitale de GARDER l’Alliance tranchée au Mont HoRèV que rappelle le rédacteur par la voix de Moïse ! Cette Alliance est redéfinie dans sa spécificité, c’est-à-dire, dit le v. 13, autour du Décalogue écrit sur les tables de pierre par YHWH. Et là il faut lire attentivement : le Décalogue n’est pas une suite de commandements — on l’a souvent répété : ce sont, littéralement, 10 PAROLES ! Si commandement il y a, c’est celui de GARDER ces dix paroles au point de les graver dans le cœur, comme le suggérait le v. 9, c’est proprement ÉCOUTER. Là, on voit vraiment à l’œuvre le travail de purification : fini les représentations ! Voir sans écouter, c’est rester à l’extérieur de soi. ÉCOUTER en revanche, c’est passer de l’extérieur à l’intérieur ; c’est se donner la possibilité d’inscrire dans le cœur ce qui est écouté pour le GARDER et y obéir en vérité ! Voyez, trop facilement, l’homme pécheur se contente de l’extérieur, se contente de fonctionner pour survivre. L’attrait contemporain pour les écrans procède de ce piège du VOIR sans avoir à ÉCOUTER ; VOIR pour seulement se divertir et se contenter de rester à l’extérieur de soi. Dans un tel monde, YHWH n’a pas sa place, et c’est l’homme qui en crève ! À l’inverse, ÉCOUTER, c’est passer au plan intérieur et c’est donc VIVRE ! C’est faire advenir en soi le ‘ÂDâM, l’Homme VRAI, l’Homme en ALLIANCE qui répond au projet de YHWH, capable dès lors d’entrer en communion avec DIEU comme avec ses prochains, grâce à une ÉCOUTE qui permet alors à ‘ÂDâM, redisons-le, de VOIR l’invisible et recevoir de YHWH la GLOIRE promise aux enfants de DIEU.
Le v. 14 quant à lui reprend le v. 1 pour manifester l’inclusion qui organise ce passage en une belle unité de sens : il s’agit de recevoir les décrets et les jugements enseignés par Moïse « en ce temps-là », qui ne renvoie pas dans un passé révolu mais qui désigne le temps de la mémoire et rejoint le MAINTENANT du v. 1.
Du coup, ça nous oblige à chercher le centre de cet ensemble pour être assuré de ne pas en rater le point essentiel, qu’on trouve aux v. 5 à 8 qui parlent de quoi ? Des décrets et des jugements qui font d’Israël le peuple sage et intelligent par quoi les nations le reconnaîtront et lui donneront sa place dans leur concert. Entendons par là : attention ! Si vous perdez l’Alliance, si vous cessez d’ÉCOUTER, vous serez absorbés par les nations plus fortes que vous, ce qu’illustre évidemment l’expérience de l’Exil. Mais à l’inverse, ce rappel de Moïse à GARDER les paroles de YHWH dit que même dissous dans le flux des nations, si TOUT ISRAËL retrouve le goût de garder l’Alliance, alors elle reviendra sur le SOL pour y demeurer en servant YHWH et retrouver la reconnaissance des nations.
Bref. Alors poursuivons la lecture. Précisément, dans les v. 15 à 20, on sent une certaine… comment dire ? « expérience » de l’idolâtrie, que ce soit à travers les statues représentant les divinités sous forme humaine ou animale qu’on trouve partout dans le monde ; ou bien à travers l’adoration des astres dont les Mésopotamiens s’étaient fait une spécialité — j’aime assez la formule du v. 19, un peu méprisante sans doute, mais assez juste : YHWH a laissé les idoles aux idolâtres des nations, mais pas à Israël, donc attention là encore : qu’Israël ne cherche pas à n’être qu’une nation comme les autres ! Or quand l’Assyrie débarque, elle transporte avec elle la vénération des astres et il semble bien, d’après le second livre des rois au ch. 12, que même les rois judéens avaient fait édifier des autels sur le toit du Temple pour pratiquer un culte astral ! Comme quoi, décidément ! Mais Dieu merci, Yo’ShiYâHOu/Josias avait fait détruire ces autels ! Sauf que ça ne suffit pas : briser les autels est une chose, mais après ? On les remplace par quoi ? Eh bien, comme par hasard, Yo’ShiYâHOu est le roi qui découvre dans le Temple le Deutéronome — du moins sa première facture — Et donc on remplace ces autels dressés en faveur des astres qui se VOIENT de l’extérieur, par le recours à l’ÉCOUTE, par le recours à la MÉMOIRE qui fait VOIR de l’INTÉRIEUR : fais mémoire que, précisément, lorsque YHWH s’est manifesté, tu as entendu, mais tu n’as RIEN VU, aucune image, et surtout pas astrale ! Donc d’une part, ne représente jamais YHWH sous quelque image que ce soit — à l’extérieur de toi. Mais d’autre part, trouve YHWH à l’intérieur de toi, dans l’ÉCOUTE de sa parole ! Et hop, on retrouve la fin du livre au ch. 30 : « Ce commandement que Moi, Je te commande aujourd’hui n’est ni impossible pour toi, ni lointain. Il n’est pas dans les cieux — les astres — pour que tu dises : qui montera pour nous aux cieux et le prendra pour nous ? Qui nous le fera écouter afin que nous le fassions ? Il n’est pas de l’autre côté de la mer pour que tu dises : qui passera pour nous de l’autre côté de la mer et qui le prendra pour nous ? Qui nous le fera écouter afin que nous le fassions ? Car la Parole est proche de toi : sur ta bouche et dans ton cœur afin que la faire. » (Dt 30,11-14). Comme quoi on touche vraiment là la problématique majeure de tout le livre, de toute la TORâH et donc de toute la mission de Jésus qui consistera à faire advenir la VIE qu’elle promet.
Les v. 21-22 quant à eux reviennent une nouvelle fois sur la colère de YHWH contre Moïse, comme quoi l’auteur ne s’en remet pas ! Mais ici, on comprend aussi que si Moïse n’entre pas, c’est pour que lui-même ne risque pas d’être pollué de quelque manière que ce soit par l’idolâtrie qui imprègne le SOL de KaNa“aN et qui ne manquera pas d’atteindre Israël, on l’a vu. Or cette purification n’adviendra en définitive que lorsque YeHOShOu”a franchira le Jourdain ; entendons par là non pas le Josué de l’histoire biblique, mais celui qu’il préfigure : Jésus, le Christ, qui renouvellera la TORâH et la mènera à son accomplissement en fermant d’une part le chemin mortifère des idoles, le chemin de la gloriole qui séduit le pécheur qui ne cherche qu’à s’isoler et à ne vivre qu’à l’extérieur de lui-même ; et en ouvrant d’autre part le chemin de YHWH, le chemin de l’ALLIANCE, le chemin de la VIE et de la GLOIRE auquel introduit la TORâH. Voyez ? Il faut ET Moïse ET Jésus ! ET Moïse qui fonde et montre le chemin en deçà du Jourdain ; ET Jésus qui, sur l’autre rive du Jourdain — c’est le sens de son baptême par Jean-Baptiste —, accomplit ce chemin pour que par Lui, les nations s’ouvrent enfin au mystère d’Israël choisi par YHWH et dont elles reconnaissent la sagesse et la grandeur des jugements dont parlaient les v. 6 à 8.
Les v. 23-24 reprennent les v. 15-16 et délimitent à nouveau une unité littéraire qui désigne le v. 20 comme son centre, donc comme le cœur du message : « Vous, vous avez été pris par YHWH pour devenir le peuple de son Héritage. » (Dt 4,20). Donc : prenez garde !
Un avertissement qui rejaillit sur l’Église — L’Église, c’est l’Ecclésia, c’est-à-dire l’ASSEMBLÉE en grec —, c’est-à-dire qui rejaillit sur les nations qui, ayant reconnu la sagesse et le jugement d’Israël sont entrées par le Christ à leur tour dans le mystère de l’ALLIANCE. Donc pour NOUS, de la même manière : prenons garde aux idoles, ÉCOUTONS pour VOIR de l’INTÉRIEUR ce que Jésus accomplit pour nous à partir de la TORâH : en Jésus, le CHOIX du Père — ce qu’on appelle l’élection — s’est posé sur nous ; Jésus nous a ALLIÉS au Père pour répondre à notre besoin adamique de vivre en plénitude et nous conférer la GLOIRE qui nous fait entrer dans la VIE ÉTERNELLE. Ne perdons donc pas cette Alliance de VIE : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est Moi qui vous ai choisis. Et Je vous ai placés pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure ; afin que quoi que vous demandiez au Père en Mon Nom — et il faut rien demander de moins que la GLOIRE —, Il vous le donne. » (Jn 15,16).
Voilà. Alors je vous souhaite une bonne et féconde lecture de ces quelques versets déconcertants, mais merveilleux. Nous verrons la suite la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Ne pas perdre l'Alliance !
Bonjour,
Nous avons quitté le peuple la dernière fois sur l’avertissement de ne pas perdre l’Alliance qui constitue l’âme du peuple d’Israël : « Prenez garde à vous, de peur d’oublier l’Alliance que YHWH, votre ‘ÈLoHîM, a tranchée avec vous, et de vous faire une statue à toute image, ainsi que te l’a ordonné YHWH, ton ‘ÈLoHîM. Car YHWH, ton ‘ÈLoHîM est un feu dévorant, un ‘ÉL ardent ! » (Dt 4,23-24). Là pour le coup, on peut le dire : ça chauffe ! En même temps, l’idée du feu est vraiment magnifique : le feu, c’est de l’énergie à l’état pur ! Et l’énergie, c’est la chaleur qui permet la vie — un trop-plein d’énergie consume, c’est vrai ; mais une énergie maîtrisée par le vivant, c’est une énergie qui rayonne, c’est-à-dire qui se partage en se donnant. Et plus cette énergie se donne, plus elle se répand. C’est l’image de la lumière d’une bougie qui peut allumer un incendie ; mais c’est aussi l’image de l’amour qui, d’un moindre signe, peut enflammer une existence. La plus belle image étant celle du buisson-ardent : le fameux buisson embrasé qui, pourtant, ne se consume pas. Mais l’image de ce feu mangeur, c’est aussi, rappelons-nous l’épisode de NaDaV et ‘AViHOu au ch. 10 du Lévitique : c’est le feu des sacrifices qui ÉLÈVE celui qui est prêt à se livrer — ce qui n’était pas le cas des deux fils de ‘AHaRoN qui en sont morts au lieu de trouver la vie. Ce « feu dévorant » est donc l’image de HaShèM qui agrée l’offrande, et du cœur de cet agrément, GLORIFIE celui qui s’offre par ce sacrifice. Donc voilà : le fameux « ‘ÈL ardent » — mieux que le « Dieu jaloux » comme on traduit la plupart du temps — est une image très riche qu’il ne faut surtout pas réduire à une sorte d’incendie ravageur.
Alors on va revisiter un peu cette notion d’Alliance pour interpréter correctement les v. 25 à 31. Je sais qu’on l’a déjà vue, mais c’est une notion dont il faut bien comprendre les ressorts pour mieux saisir pourquoi le rédacteur deutéronomiste y est tellement attaché : l’Alliance constitue vraiment la trame sur laquelle il tisse toute l’histoire, depuis les juges jusqu’à l’Exil ; sans parler des prophètes dont il s’inspire pour bien tenir la trame dans la mesure où le tissage, dans un premier temps, tire un peu dans tous les sens. Des prophètes dont on retrouve beaucoup d’accents dans notre Deutéronome, en particulier YiReMeYaHOu/Jérémie ; mais aussi, pour large part, HOShé“a/Osée.
L’Alliance, BeRîT en hébreu, est avant tout un contrat entre deux parties, qu’on « tranchait » littéralement comme on « tranche une affaire » pour dire qu’elle est conclue. On tranchait donc l’Alliance : KâRaT BeRîT. Et à une époque où il n’y avait pas d’acte notarié, où la parole donnée était précieuse, surtout si elle était attachée charnellement à un rite. En l’occurrence, on coupait un animal en deux et les contractants piétinaient le sang en passant entre les parts de l’animal pour manifester qu’ils s’engageaient dans l’alliance en question. On ne peut pas trouver un rite plus charnel : une fois la victime tranchée et son sang piétiné, on n’avait pas envie de briser l’alliance parce qu’on savait CHARNELLEMENT qu’on subirait tout simplement le sort de l’animal dont le sang répandu constituait alors un signe indélébile. La meilleure illustration, sans doute vous souvenez-vous, se trouve en Gn 15 : « Puis YHWH parla ainsi : “Moi, YHWH, Je t’ai fait sortir de ‘OuR KaSheDDîM — Our des Chaldéen — pour te donner ce SOL en Héritage.” — maintenant, j’espère que vous reconnaissez le style de l’auteur deutéronomiste : c’est lui pour une bonne part qui rédige cette histoire — [‘AVeRâM] parla ainsi : « ‘ADoNaï, comment savoir que j’en hériterai ? » [YHWH] lui parla ainsi : “Prends pour moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe.” [‘AVeRâM] prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque part aux abords de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Les rapaces descendirent sur les cadavres, mais ‘AVeRâM les chassa. Au coucher du soleil, une torpeur angoissante tomba sur ‘AVeRâM, une sombre et profonde ténèbre tomba sur lui. — cette torpeur qui manifeste le mystère qui n’appartient qu’à HaShèM, le mystère de la vie renouvelée : c’est la torpeur de ‘ÂDâM au moment de la création de H.aWWâH ; ou celle des apôtres au moment de la prière du Christ à Gethsémani — […] Après le coucher du soleil, il y eut l’obscurité. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux. Ce jour-là, YHWH trancha une alliance avec ‘AVeRâM en parlant ainsi : “À ta semence, Je donne le SOL que voici.” » (Gn 15,7-12.17-18a)
Voilà : HaShèM « tranche l’alliance » avec ‘AVeRâM, tel un feu dévorant : c’est-à-dire qui agrée ce sacrifice et lui fait porter son fruit de vie : « À ta semence, Je donne le SOL que voici. ». Je vous ai fait remarqué à l’époque où nous lisions ce récit que seul HaShèM était passé entre les parts, ce qui signifie que seul HaShèM s’engageait à être fidèle. Il était trop tôt pour que l’homme puisse s’obliger à un tel choix. Même à l’HoRèV, HaShèM ne demandera pas à Israël de passer par ce rite : le peuple n’est pas prêt, même s’il s’engage formellement à mettre sa foi en HaShèM et en Moïse son serviteur. Le seul moment où l’homme passera à son tour par ce chemin de sang versé en libation, c’est-à-dire ce chemin de vie rendue à HaShèM qui en est la source, ce sera avec le Christ Jésus. Mais bon, là n’est pas notre objet. Je voulais simplement qu’on se rappelle le sens de ce RITE par lequel l’Alliance était tranchée. Or là où il y a un RITE, on se souvient : il y a du SACRÉ, c’est-à-dire de l’interdit, de l’inviolable : donc, en termes bibliques, de la LIBERTÉ, prémice irréductible d’une RENCONTRE vivifiante. Donc vu l’enjeu, on comprend que dès le premier stade du rite, HaShèM ne plaisante pas !
Alors maintenant, malgré tout, Israël s’est engagé à écouter HaShèM, on vient de le dire. Là, il faut revenir au grand texte d’Ex 19 : « Moïse monta vers ‘ÈLoHîM. YHWH le convoqua du haut de la montagne en parlant ainsi : « Parle ainsi à la maison de Ya”aQoV, et annonce aux fils d’Israël : “Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte — Ah tiens : “vous avez vu”… très deutéronomiste comme style ! —, comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle pour vous amener jusqu’à moi. Maintenant donc, si vous écoutez, écoutez ma voix et gardez mon alliance. Soyez pour Moi un domaine particulier parmi tous les peuples, car tout le sol est à Moi ; et vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres — là, c’est le rédacteur sacerdotal qui reprend la main ! —, une nation consacrée.” Voilà les paroles que tu parleras aux fils d’Israël. » Moïse revint et convoqua les anciens du peuple, il leur exposa toutes ces paroles que YHWH avait ordonnées. Le peuple tout entier répondit, unanime, en parlant ainsi : “Tout ce dont YHWH a parlé, nous le ferons ! » Et Moïse rapporta à YHWH les paroles du peuple. » (Ex 19,3- Voilà. Donc certes, le rite n’est pas imposé au peuple — on se demande bien comme il aurait pu l’être au demeurant —, mais l’engagement a néanmoins été prononcé et consigné dans la mémoire d’Israël, ce qui l’oblige donc à travailler pour y être fidèle. Ça n’est jamais acquis ces choses-là. Il ne suffit pas d’être sincère sur le moment : l’Alliance appelle toujours une mise en travail qu’on appelle précisément la SAGESSE, cette sagesse dont nous parlaient les v. 6-8 de notre chapitre, et qui nous introduisaient déjà à leur manière au rappel de l’Alliance.
SAUF que, et on l’a largement vu avec le livre des Nombres, dès le désert, et par après sur le SOL de l’Héritage : Israël aura énormément de difficultés à être fidèle. Toujours à râler, à avoir peur, à n’en faire qu’à sa tête, etc. Je me dis souvent que si Israël n’avait pas répondu à l’appel de HaShèM, les Français, avec leur tempérament ronchonneur, auraient pu faire un peuple de rechange tout à fait acceptable !!!
Toujours est-il qu’il faut tout de même que les affaires se mettent à rouler, et là intervient une instance de régulation, pour ainsi dire, qu’on appelle en exégèse le PROCÈS D’ALLIANCE et qui est au cœur des v. 25 à 31 que nous lisons aujourd’hui. C’est un rituel commun au Moyen-Orient de l’époque, mais que la Bible va s’approprier comme instance de régulation de l’Alliance entre HaShèM et son peuple. On retrouve ce rituel en particulier chez les prophètes, et donc largement, dans la TORâH qu’ils inspirent.
Quand il est complet, on y retrouve toujours la même structure : 1/ Une captatio benevolentiae, un appel à l’attention, en particulier du ciel et du SOL — une manière d’invoquer toute la création contenue entre ces deux bornes ; 2/ un interrogatoire et une mise en cause ; 3/ un réquisitoire sur l’ingratitude d’Israël face aux bienfaits de HaShèM pour son peuple ; 4/ Dénonciation de l’hypocrisie du culte ; 5/ Avertissement sur les conséquences — ça, c’est dans le meilleur des cas — ou déclaration de malédiction sur le peuple reconnu coupable — une malédiction qui n’est pas une condamnation, rappelons-nous : la condamnation est sans appel ; la malédiction, elle, est toujours conditionnelle au sens où si le peuple revient dans le giron de l’Alliance, la malédiction laissera la place à la bénédiction liée à l’Alliance — une bénédiction qui concerne toujours la VIE, la vie qui donne la vie… On reste toujours dans le même thème, profondément lié à l’Alliance qui court sur tout le livre, puisqu’on le retrouvera jusqu’à la fin : « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et le SOL ; c’est la vie et la mort que Je donne devant toi, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie pour que tu vives, toi et ta semence ! » (Dt 30,19)
Alors à présent, les v. 25 à 28 ne devraient plus nous surprendre ; à cette nuance près que le procès d’Alliance qu’ils contiennent est pour ainsi dire préventif ! Formellement, si on suit la chronologie deutéronomiste, Israël n’est pas encore censé avoir trahi, même si les révoltes n’ont déjà pas manqué. Mais HaShèM leur déclare en substance : « Je vous connais ! Une fois sur le sol, vous allez rompre l’Alliance et servir les idoles — vous vous souvenez de ce qu’on a dit dans la vidéo précédente à propos des représentations de HaShèM et de son ‘AShéRaH —. Donc Je vous disperserai hors du sol, et là, vous verrez bien qui est votre ‘ÈLoHîM ! » Et là, ma foi, on est complètement dans la ligne du grand, de l’immense prophète HOShé“a/Osée, abrégé de YeHOShOu”a, HaShèM est Sauveur ; un nom qui rythmera toute l’histoire du salut puisque ce nom est à l’origine de celui de HOShé“a/Osée, donc, mais aussi de YeHOShOu“a /Josué, de Yo’ShiYâHOu/Josias et de YeShOu“a/Jésus… autant de figures de salut et de vie, chacun à sa manière —.
Mais pour l’instant donc, tenons-nous en au prophète HOShé“a, chronologiquement le premier de la série des prophètes écrivains, sans qui je vous le rappelle, l’histoire biblique n’aurait juste jamais vu le jour, du moins sous l’angle de cette magnifique parabole de l’Alliance qui manifeste l’amour nuptial de HaShèM pour son peuple ; un peuple qu’Il a pris pour Épouse en tranchant l’Alliance avec ‘AVeRâHâM et sa descendance. Du coup, on comprend sa douleur de voir cette Épouse se laisser séduire par des amants que sont les idoles, les Ba”aLîM des nations païennes ! Prenant à témoin les enfants de son épouse, HaShèM la met alors sous le coup d’un procès d’alliance : « Incriminez votre mère, incriminez-la, car elle n’est plus Ma femme, et Moi, je ne suis plus son homme ! Qu’elle écarte de sa face ses putasseries, et d’entre ses seins, ses adultères ; que Je ne la déshabille toute nue, et ne l’expose comme au jour de sa naissance ! Je vais la rendre pareille au désert, la réduire en terre aride et la ferais mourir de soif. Je n’aurai pas de tendresse pour ses fils, car ils sont des fils de putasserie. Oui, leur mère a putassé, leur infamante génitrice. Car elle a parlé ainsi : « Je vais aller après mes amants qui me donnent mon pain, mon eau, ma laine et mon lin, mon huile et ma boisson. » Aussi, voici que J’obstrue son chemin avec des ronces, l’emmurer d’un mur : elle ne trouvera plus ses sentiers. Elle poursuivra ses amants mais ne les atteindra pas ; elle les cherchera mais ne les trouvera pas ! Alors elle parlera ainsi : “Je vais retourner à mon premier homme, car c’était alors meilleur pour moi que maintenant.” Elle n’a pas su que c’est Moi qui lui avais donné le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche ; Moi qui lui avais prodigué l’argent, et l’or dont ils ont fait un Baal ! » (Os 2,4-10) Rappelons-nous que HOShé“a est un des tout premiers prophètes — si non le premier — et un prophète du Nord, donc attention : les tribus du Nord ont un véritable attachement à HaShèM ! Les traditions de Ya”aQoV et de Moïse viennent du Royaume du Nord qui a donc un rôle vraiment essentiel à jouer dans la construction de l’histoire biblique ! Tout ne procède pas uniquement de Juda, tant s’en faut. C’est proprement cette vision de HaShèM comme d’un Époux d’Israël qui a fourni la trame de cette histoire, depuis la Création jusqu’aux épousailles du Christ et de l’Église. Sans HOShé“a, disons-le carrément, la Bible serait vide ! Le rédacteur deutéronomiste en a bien conscience, pour qui ce thème de l’Époux est l’âme de l’Alliance. Autant que de YiReMeYaHOu, le rédacteur se place donc en fidèle disciple de HOShé“a comme de tous les prophètes qui ont repris cette image.
Alors on peut se dire que la perspective de nos versets, du coup, n’est pas très à la joie… mais c’est pourtant une manière très efficace de dire : voilà, l’histoire d’Israël est celle-ci ! Elle est marquée par l’infidélité, notamment celle dont on a parlé dans la vidéo précédente et qui a fait que le peuple a dû être envoyé en Exil — exactement, soit dit en passant, comme ‘ÂDâM et H.aWWâH ont été exilés du Jardin d’Éden. Ce mythe adamique est tissé lui aussi sur la trame commune à toute la Bible, avec les mêmes clefs de lecture. Ceci dit, n’allons pas croire pour autant que HaShèM a été surpris ! Il n’a pas épousé Israël comme dans un conte de Grimm ! Il connaît le cœur de l’homme et sait qu’il doit être sauvé. Il connaît la prison du péché, de la convoitise dans laquelle l’homme, en restant à l’extérieur de soi, s’est enfermé librement : « Là [où YHWH vous aura dispersés], vous servirez des ‘ÈLoHîM faits de mains d’homme, de bois et de pierre, qui ne voient ni n’entendent, qui ne mangent ni ne sentent. » (Dt 4,28). Autant d’idoles qu’Israël vénérait principalement sous le coup des cultures cananéennes, égyptiennes, assyriennes et babyloniennes ; des idoles qui interdisent à l’homme d’entrer à l’intérieur de lui-même. Mais HaShèM sait tout autant que l’homme, qu’Il a créé à son image, ne peut être délivré de ce péché que LIBREMENT. Aussi inutile de l’en délier par la force que de tirer sur des poireaux pour les faire pousser ! C’est donc par l’exercice de sa LIBERTÉ irréductible que HaShèM pourra dégager l’homme de son péché, pour faire advenir en lui la figure adamique dans laquelle il a été créé. Ce ‘ÂDâM GLORIFIÉ, capable d’ÉCOUTER pour VOIR, d’ÉCOUTER pour descendre à l’intérieur de lui-même et se découvrir être le Temple charnel de HaShèM, comme l’évoque le v. 29 : « De là-bas — de ta misère extérieure, en Exil, à l’image de l’épouse dans le livre de HOShé“a —, mets-toi en quête de YHWH, ton ‘ÈLoHîM ; et tu Le trouveras si tu Le cherches de tout ton cœur et de toute ton âme. » (Dt 4,29).
Ce qui sous-tend ces versets, c’est que cette liberté libérante n’apparaît que dans le choix de l’amour, non pas du sentiment d’amour mais de l’amour éprouvé et éprouvant qui se DONNE, autrement dit la CHARITÉ. C’est ce mouvement de DON qui effraye l’homme pécheur, aveugle et sourd ; ce pécheur qui, a priori, a l’impression que ce DON le perdra, alors qu’en réalité, le DON de soi, l’OFFRANDE libre de soi qui oblige l’homme à se reconnaître intérieurement PAUVRE, à l’image de HaShèM ; ce DON de soi, donc, est le seul chemin pour trouver le mystère de la Vie, en se rendant disponible à la GLOIRE que procure la rencontre avec HaShèM.
Ceci dit, pour l’instant, voilà : « Quand tu seras sur le SOL que tu vas recevoir en Héritage, tu vas te croire arrivé alors qu’au contraire, c’est là que tout commence en vérité. Le SOL qui te reste à conquérir, avec la force de HaShèM ton époux, c’est celui de ton cœur, de ta volonté, du DON de toi pour faire fructifier le miel et le lait annoncés. » Et là, vous pouvez lire les v. 30 et 31 qui deviennent d’une clarté limpide : « Dans ta détresse, toutes ces paroles te trouveront dans la suite des temps — c’est la mémoire de la TORâH —, et tu retourneras vers YHWH, ton ‘ÈLoHîM et tu écouteras Sa voix — pour le VOIR en vérité, en profondeur —. Car YHWH, ton ‘ÈLoHîM est un ‘ÉL miséricordieux : Il ne te délaisse pas, Il ne te détruit pas, Il n’oublie pas l’Alliance jurée à tes pères. » (Dt 4,29-31)
Voilà : HaShèM n’abandonne pas son Épouse : même en Exil, c’est Lui qui conduit les affaires, donc rien n’est perdu, JAMAIS. Ce qui est dit ici, c’est que l’échec de la première période sur le SOL ne produira pas pour autant d’anéantissement — parce qu’il n’en a tout simplement pas le pouvoir — ; mais l’Exil aura pour tâche de faire naître l’ESPÉRANCE de la bénédiction inscrite dans l’Alliance avec les pères. C’est André Néher, ce grand auteur juif, qui aimait parler d’Israël comme du « peuple de l’espérance ». Une espérance qui motivera la TeShouVaH, la conversion, la repentance, le retournement du cœur — appelez ça comme vous voulez — qui ouvrira le réveil de la mémoire — son revival, si vous voulez —, et avec ce renouveau : le chemin du retour sur le SOL avec un cœur transformé, comme l’expriment magnifiquement les derniers versets de notre passage. Pour Israël, encore aujourd’hui, l’échec n’est jamais synonyme de déchéance mais toujours prometteur d’un renouveau pour celui qui sait se ressaisir, se convertir. C’est ce que me disait un rabbin, il y a bien des années déjà en Belgique : « Moi, je n’ai jamais connu l’échec. Dans ma vie, BaROuKh HaShèM — Le Nom de DIEU soit béni — : soit j’ai réussi, soit j’ai appris. » Signe que ce rabbin dont j’ai totalement oublié le nom — que Dieu me pardonne — était un vrai disciple de la TORâH, un vrai disciple de MoShèH RaBéNOu, — Moïse notre Maître — comme aiment à l’appeler nos frères juifs. Ce rabbin fait en tout cas partie de ceux qui m’ont ouvert à ma formidable vocation de chrétien, tout GoYîM que je sois.
Voilà donc pour ces v. 25 à 31. On n’a pas tout dit sur ce passage, mais il me semble qu’on a mis l’essentiel en lumière. Je vous en souhaite donc une bonne et féconde lecture. Nous verrons la suite la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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La révélation du DIEU UN et Père
Bonjour,
Notre lecture du ch. 4 du Deutéronome se poursuit. On reste dans la problématique de l’ALLIANCE, mais avec les v. 32 à 43, on entre dans une pièce à tout le moins majestueuse, qui n’est pas sans rappeler les accents des v. 6 à 8.
On commence par une interrogation toute sapientielle — sapientia, c’est la sagesse en latin. Les écrits de sagesse biblique, tout en s’abreuvant largement à la sagesse des cultures environnantes, relisent et assument les enseignements clefs de la TORâH : faire mémoire, transmettre, écouter, chercher la justice, louer HaShèM, glorifier le père et la mère, etc. — ; on a donc ici une interrogation sapientielle posée face à la totalité du temps et de l’espace : « Interroge donc les premiers jours, ceux qui étaient avant ta face — avant que tu ne viennes au monde —, depuis le jour où ‘ÈLoHîM a créé le Terreux sur le sol. Et d’une extrémité des cieux à l’extrémité des cieux, est-il parole aussi grande que celle-ci ? Ou bien y en a-t-il été écouté de semblable ? Est-il un peuple qui ait écouté la Voix de ÈLoHîM parler du milieu du feu comme toi, tu L’as écoutée, et soit resté vivant ? etc. » (Dt 4,32). On retrouve le même genre de convocation au ch. 38 du livre de Job par exemple, ou dans les Psaumes. Donc ici, le moment est solennel, comme pour dire : « Ce que vous vivez, le monde ne le voit pas encore ; pourtant, votre histoire, toute chaotique qu’elle soit, est COSMIQUE ! » Alors « cosmique » à la manière de l’époque. Il ne s’agit pas d’interroger E.T. (!), mais d’interroger d’une part la mémoire des récits de création, et d’autre part les temps contemporains qu’évaluait l’astrologie dont les prêtres de Babylone s’étaient rendus maîtres : l’observation attentive du mouvement des astres et de leurs configurations, etc. Tout ça ne pouvait que laisser penser que les cieux étaient les ambassadeurs d’un monde divin dont il fallait apprendre à discerner les messages. À l’époque de l’Exil, et pour toute la seconde moitié du premier millénaire avant J.-C., cette science de l’observation babylonienne est en plein essor ! Donc en substance, le texte dit : « Interroge toute la science d’hier et d’aujourd’hui, et tu verras que nulle part il n’est question d’un peuple à qui le divin a parlé comme HaShèM te parle avec la TORâH, c’est-à-dire compose une HISTOIRE avec toi. » Qu’il y ait des messages divins dans toutes les religions du monde, ok. Mais un DIEU qui s’associe à l’histoire humaine comme avec les patriarches, comme avec Moïse, et a fortiori comme en Jésus Christ ? on n’en trouvera nulle part ailleurs. C’est dire à quel point Iraël a du prix aux yeux de HaShèM, comme dit le prophète Isaïe : « Et maintenant — Ainsi dit YHWH —, Lui qui t’a créé, Ya”aQoV, et qui t’a formé, YiSheRâ’éL : N’aie pas peur : Oui, Je t’ai racheté, J’appelle ton nom : sois vers Moi, toi ! — dit autrement : tourne-toi vers Moi —. Quand tu traverses les eaux, Je suis avec toi, les fleuves ne te submergent pas — là, on pense à la traversée du Jourdain pour entrer sur le SOL de l’Héritage —. Quand tu vas au milieu du feu, tu n’es pas brûlé, la flamme ne te consume pas — là, on pense à la Nuée lumineuse qui accompagne le peuple pendant sa marche au désert ; mais aussi au buisson-ardent : les rabbins aiment dire que si HaShèM se donne à voir dans un buisson, c’est pour signifier l’état misérable du peuple au milieu de qui Il vient demeurer… comme un FEU. Mais un FEU qui ne consume pas : qui redonne vie au contraire. C’est une très belle image de ce que devrait être toute vie spirituelle. —. Oui : Moi, YHWH, Je suis ton ‘ÈLoHîM, le Consacré — le Saint — de YiSheRâ’éL, ton Sauveur. Pour ta rançon, Je donne à ta place MiTseRaYîM, KOuSh et SéVâH — l’Éthiopie — c’est-à-dire que tout le prestige de cette civilisation égyptienne n’a aucune valeur à côté de l’histoire que je construis avec toi : MiTseRaYîM ne roule que pour lui-même, alors que toi et Moi, nous travaillons pour sauver le monde ! —. Parce que tu es cher à Mes yeux, tu es GLORIFIÉ — ah tiens ! Tu as du poids à Mes Yeux ! Je te regarde de l’intérieur, j’agrée tes sacrifices et te voilà GRANDI, te voilà GRAND au milieu des nations, toi qui es le plus petit d’entre tous les peuples du SOL ; ça, on va l’entendre dans pas longtemps, mais ce qui est derrière évidemment, c’est ce que Jésus condensera dans cette formule : « Les derniers seront les premiers et les premiers : derniers, car nombreux sont les appelés mais peu nombreux sont les choisis / les élus » (Mt 20,16) Israël est donc bien le peuple de l’élection, dit Isaïe ! D’où la signature du verset qui synthétise tout au nom de la charité : — et Moi, Je t’aime de charité. » (Is 43,1-4). Là il faudrait relire la prière sacerdotale de Jésus en Jn 17, ou sa prière en Jn 12,28, mais on n’a pas trop le temps ici.
Toujours est-il que le v. 32 interroge : au milieu de l’immensité du temps et de l’espace, les événements les plus importants ne sont donc pas ceux qu’on croit. En réalité, l’événement le plus étonnant est le fait que DIEU PARLE ; et qu’Il parle de manière enflammée au plus petit de tous les peuples, dit à sa manière le v. 38, et que, loin d’y trouver la mort, ce peuple monte vers la VIE : voilà sa GLORIFICATION ! Si on essaye de dire les choses simplement, l’expérience commune veut que quand les chefs de ce monde parlent, les peuples se taisent et obtempèrent. Le système contemporain dont les chefs sont les argentiers ne demande pas aux peuples de grandir mais de consommer ; le reste n’a aucun intérêt ! Or voilà que HaShèM, Lui, parle à son peuple et que le peuple s’en trouve grandi, élevé, GLORIFIÉ par le regard divin qui se pose sur lui, un regard que révèle la voix de HaShèM ! Israël est le plus petit de tous les peuples — ce sera redit au ch. 7, il faut bien marteler la chose — ; Israël est donc le plus petit de tous les peuples en NOMBRE, et alors ? C’est celui qui, par cette glorification de HaShèM, se trouve avoir le plus de POIDS ! Du coup, cette parole devient brûlante ; fait naître dans le peuple l’espérance d’une liberté qui lui donne la force de se mettre en marche.
Maintenant, si on va plus loin, cette parole divine est le lieu d’une révélation bouleversante : si on veut bien admettre que l’énonciation d’une parole qui élève est une prérogative de la PATERNITÉ, HaShèM se présente alors ici comme un père ! Alors attention : je ne dis pas que la parole maternelle n’élève pas, mais pas de la même manière : la parole maternelle est de l’ordre du secours, du soutien, du réconfort. La parole paternelle, elle, est plus du côté de la LÉGITIMATION de la part d’un AUTRE — le fameux TIERS qui s’insinue au cœur de la dyade mère-enfant pour signifier à ce dernier qu’un autre univers l’attend, hors de cette dyade. La parole paternelle est donc du côté de la LÉGITIMATION, de la RECONNAISSANCE, de la GLORIFICATION de la part d’un TIERS que l’enfant perçoit humblement comme “plus grand” que lui ! Non qu’il se sente écrasé, au contraire : il sent son cœur brûler, il se sent MONTER, s’élever, grandir du seul fait que quelqu’un d’autre que sa mère croit en lui.
Alors évidemment, on n’est pas en train de dire que la mère est reléguée aux oubliettes ! On n’est pas en train de dire que le père serait “plus grand” que la mère, mais que la mère, du point de vue du ressenti de l’enfant, n’est pas positionnée de la même manière et c’est tant mieux. Le Père est là pour signifier à la mère qu’elle ne peut pas s’installer dans la toute-puissance vis-à-vis de son enfant : « Mon fils ! Mon fils ! », comme crient les mères juives du tréfonds de leurs tripes. Là, il y a en jeu un vrai travail spirituel féminin ; un vrai travail de libération.
Pour le dire autrement, la mère est là — c’est sa vocation — pour encourager, réconforter, accompagner. Le père, lui, est là pour… ENVOYER dans le monde : « Père, consacre-les dans la vérité. Ta Parole est vérité. Comme Tu M’as ENVOYÉ dans le monde, moi aussi Je les ai ENVOYÉS dans le monde. […] Moi, la GLOIRE que Tu M’as donnée, Je la leur ai donnée pour qu’ils soient UN comme Nous sommes UN ; Moi en eux et Toi en Moi, pour qu’ils se trouvent parachevés dans l’unité, pour que le monde connaisse que c’est Toi qui M’as ENVOYÉ et que Tu les as aimés de charité comme Tu M’as aimé de charité. » (Jn 17,17-18.22-23). Envoyer pour peser de tout son poids dans la destinée du monde, avec ses talents, bien sûr, mais surtout avec cette mémoire essentielle qui donne au fils ou à la fille cette fondation nécessaire pour édifier une demeure vivante que toutes les inondations s’abattant sur elle ne pourront ébranler.
De manière assez inattendue, on trouve l’illustration la plus condensée du rôle paternel dans le dialogue de HaShèM avec Moïse, à nouveau au Buisson-ardent : — « Pour voir, J’ai vu — ça, c’est une tournure typique de l’hébreu pour dire : « j’ai vraiment vu ! ». Comme l’expression, en Gn 2 lorsque HaShèM interdit de manger de l’Arbre de la Connaissance du bonheur et du malheur : « Tu n’en mangeras pas, sinon, pour mourir, tu mourras ! » = entendez : c’est sûr que tu vas mourir ! — Donc : « Pour voir, J’ai vu l’humiliation de mon peuple en MiTseRaYîM ! — c’est sûr que quand un père est capable de voir quels sont les esclavages de ses enfants, c’est fabuleux ! — J’ai écouté sa clameur face à ses tyrans. — une fois avoir vu, se mettre à l’écoute — Oui, Je connais ses douleurs. Je descends le délivrer de la main de MiTseRaYîM et pour le faire monter de ce sol vers un sol bon et vaste, vers un sol ruisselant de lait et de miel… — Tout est là : je vais vers mon gamin (de son point de vue, je “descends” vers lui) et je contrarie sa chute aux enfers par les diverses tentations esclavagistes qui le poursuivent ; en lui ouvrant une route ascendante : par la qualité d’une présence attentive et agissante, le père permet à l’enfant d’avoir un cœur suffisamment brûlant pour d’une part croire en lui-même, en ses capacités, et d’autre part vouloir se fixer un objectif qui le tire vers le haut, ce fameux SOL où, si tu bosses, le lait et le miel ne demandent qu’à couler ! » (Ex 3,7-8a). Là vraiment, tout y est : HaShèM voit, Il écoute et connaît la douleur d’Israël ; aussi décide-t-Il de descendre — l parle du point de vue des hommes qui scrutent le ciel —, et par Sa présence, Sa reconnaissance et Sa défense d’Israël face à Pharaon, Il suscite le feu dans le cœur de son peuple et l’engage sur le chemin de la libération. Et pour finir — c’est essentiel — Il l’envoie vers un autre SOL. Eh bien par ce regard, cette écoute et cette présence agissante, HaShèM se révèle pleinement PÈRE ; et Israël s’en trouve élevé, GLORIFIÉ, ce qui lui vaut de recevoir explicitement le titre de FILS, comme le confirmera le ch. suivant : « Dis à Pharaon : “Ainsi a dit YHWH : YiSheRâ’éL est mon fils, mon premier-né !” » (Ex 4,22).
Et le Deutéronome d’intégrer tout ça ! Ce mystère est tellement immense que le rédacteur ne cesse de s’étonner devant HaShèM qui se révèle à Israël d’une part comme un Époux, d’autre part comme un Père ; qui s’ALLIE donc à son peuple par tous les bouts, non pas de façon seulement formelle mais d’une manière telle qu’aucun homme, aucune culture sous aucune latitude ni à aucune époque, n’a jamais su, ni même osé l’imaginer.
Mais ça n’est pas tout : voilà que HaShèM, du seul fait qu’il ait libéré son peuple de l’esclavage de MiTseRaYîM, fait valoir précisément dans nos versets qu’AUCUNE autre divinité n’a jamais opéré une telle œuvre ! Et là, peu à peu, se profile la double idée du Dieu Unique et de l’ÉLECTION ! Essayons de comprendre.
Si HaShèM n’était qu’un dieu parmi d’autres, la divinité tutélaire d’Israël à côté de Assur pour l’Assyrie ; ou de Mardouk pour Babylone, on ne pourrait pas parler d’élection ; tout juste d’attribution, pour ainsi dire. Les divinités se répartissant leurs zones d’influence… En même temps ça n’est pas si simple, parce qu’il semble bien qu’entre eux, il soit aussi question de pouvoir : là, on a l’illustration la plus claire de ce façonnage de ces divinités à l’image des hommes qui projettent sur elles leurs fantasmes de super-héros ! De ce point de vue, Marvel n’a rien inventé ! C’est d’ailleurs à ça qu’on distingue assez vite le vrai DIEU de ses contrefaçons, y compris au sein du christianisme d’ailleurs… Qu’est-ce qu’on veut dire en parlant de la fameuse « toute-puissance » de Dieu ? De ce point de vue, je garde pour ma part comme un trésor le propos du père François Varillon : « Dire que Dieu est Amour, c’est dire que Dieu N’est QU’Amour.
Tout est dans le « NE QUE » Je vous invite à passer par le feu de la négation car ce n’est qu’au-delà que la vérité se dégage vraiment. Dieu est-il Tout-Puissant ? Non, Dieu n’est qu’Amour, ne venez pas me dire qu’il est Tout-Puissant. Dieu est-il Infini ? Non, Dieu n’est qu’Amour, ne me parlez pas d’autre chose. Dieu est-il sage ? Non.
Voilà ce que j’appelle la traversée du feu de la négation, il faut y passer absolument. A toutes les questions que vous me poserez, je vous dirai : non et non, Dieu n’est qu’Amour.
Dire que Dieu est Tout-Puissant, c’est poser comme toile de fond une puissance qui peut s’exercer par la domination, par la destruction. Il y a des êtres qui sont puissants pour détruire (demandez à Hitler, il a détruit 6 millions de juifs !) Beaucoup de chrétiens posent la toute-puissance comme fond de tableau puis ajoutent, après coup : Dieu est amour, Dieu nous aime. C’est faux ! La toute-puissance de Dieu est la toute-puissance de l’amour, c’est l’amour qui est tout-puissant !
On dit parfois : Dieu peut tout ! Non, Dieu ne peut pas tout, Dieu ne peut que ce que peut l’Amour. Car il n’est qu’Amour. Et toutes les fois que nous sortons de la sphère de l’amour nous nous trompons sur Dieu et nous sommes en train de fabriquer je ne sais quel Jupiter. » (François Varillon, Joie de croire, Joie de Vivre, Centurion (1981) p. 25)
Or cette question se pose dès la TORâH : si les Assyriens ont avalé le Royaume du Nord, est-ce que ça veut dire que Assur serait plus puissant que HaShèM ? Et si les Babyloniens les ont supplantés, est-ce que ça veut dire que Mardouk est plus puissant que Assur qui était déjà plus puissant que HaShèM ? Du coup, ne faudrait-il pas se rallier au vainqueur final ?
La question en tout cas se pose, et l’objectif que se donne la TORâH est d’y répondre en déplaçant la problématique : si effectivement Mardouk est plus fort que Assur qui est plus fort que HaShèM, quid des traditions des pères ? Quid des prophètes ? Que faire de HOShé“a par exemple et de sa complainte présentant l’Amour de HaShèM pour Israël ? Et si… Et si, précisément, à la lumière de cet amour nuptial, face à l’ingratitude d’Israël, HaShèM ne l’avait pas abandonné mais était resté fidèle ? Si le CHOIX de l’Époux avait toujours cours, ça voudrait dire alors que tous les Assur et les Mardouk de la terre n’ont en fait rien gagné du tout ! Ça veut dire que l’HÉRITAGE demeure : s’il a été perdu par Israël qui n’a pas perçu sa valeur, ça ne signifie pas que HaShèM l’ait attribué à un autre ! Et c’est là qu’on comprend à quel point l’AMOUR est, dès Moïse, dit le rédacteur, le pivot de toute la RÉVÉLATION : il ne s’agit pas d’un sentiment amoureux mais du signe inscrit dans une ALLIANCE existentielle qui ne se reprend pas ! On peut toujours chercher d’autres raisons qui feraient que HaShèM n’abandonne pas Israël : la loyauté, le devoir, la sincérité, etc. Rien ne marche ! Il n’y a que l’AMOUR qui illumine la raison profonde de l’ALLIANCE et justifie la fidélité à laquelle HaShèM ne déroge pas. C’est drôlement fort ! Or c’est cet AMOUR qu’annonçait depuis bien des années le prophète HOShé“a qu’Israël va redécouvrir en Exil : l’AMOUR inconditionnel de HaShèM fait de ce bannissement un formidable lieu pédagogique : c’est quand on perd ce qui nous est vital — mais qu’on méprise à force de l’avoir auprès de soi comme un acquis — ; c’est quand on perd ce qui nous est vital qu’on prend la mesure de sa véritable valeur. C’est tout le prophète HOShé“a ! Alors que faire ? Se lamenter ? « Au bord des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion. » ? Ok, on a été déporté, maintenant si on continue à se lamenter, c’est sûr qu’on n’ira pas plus loin. Mais si en revanche on écoute les prophètes qui ont parlé au nom de HaShèM, on prend conscience que si on revient à HaShèM, HaShèM nous ouvrira les bras comme le père de la parabole du Fils Prodigue. Israël est donc toujours le peuple de l’Élection ! Notre mission, notre vocation n’a pas disparu ! Alors debout, Jérusalem ! « Courage Zorobabel ! » (Ag 2,4) ; « La joie de HaShèM est notre rempart ! » (Ne 8,10). Le cœur est à nouveau brûlant en écoutant les Écritures, de sorte qu’Israël se RELÈVE, il MONTE de nouveau sous le regard de HaShèM ; autrement dit, il RESSUSCITE ! Ce sera tout le thème de la vision de YeH.èZeQé’èL/Ézéchiel au ch. 37 de son livre : les fameux ossement desséchés. Et à nouveau, on touche aux fondements du chemin qu’ouvrira le Christ Jésus. Encore une fois, rien n’est « nouveau » dans l’enseignement de Jésus, comme si tout partait de lui : en revanche, tout est RENOUVELÉ par le Christ ; relancé, si vous voulez, de sorte que par Lui, TOUT Israël entre dans la plénitude de sa mission qui est d’offrir ce chemin à l’ensemble des nations de la terre.
Par ailleurs, si HaShèM a CHOISI Israël par AMOUR, ça sous-entend qu’Il aurait pu choisir un autre peuple, oui ? Or s’Il peut choisir, c’est bien qu’en définitive, TOUS les peuples relèvent de Lui ! Ce qui veut dire que HaShèM transcende toutes les divinités nationales qui ne sont, dans le fond, que des idoles. HaShèM se révèle donc peu à peu non plus seulement comme le plus grand des dieux, mais l’UNIQUE Dieu sur toute la terre. Ce qui va motiver le rédacteur à rédiger, sous l’inspiration de l’Esprit, les premiers ch. de la Genèse qui présentent HaShèM comme l’‘ÈLoHîM de toute la Création, en se posant la question : comment les hommes ont-ils pu à ce point passer à côté de leur vocation adamique ? Et comment HaShèM a-t-Il pu récupérer ce gâchis monumental à partir des pères ‘AVeRâHâM, YiTseRâQ et Ya”aQoV ?
Du coup, plus de difficulté pour lire la suite. Les v. 35 et 36 reprennent le thème des v. 9 à 14 : au sein d’un espace désormais universel — non plus sur le plan du pouvoir mais de l’Amour —, un événement particulier, et UN seul, est le pivot de l’histoire : à l’HoRèV, Israël écoute et voit que HaShèM est UN. Un non pas tant au sens numérique qu’au sens où HaShèM est UNIQUE en son genre ! Il est UN au sens où en Lui, parce qu’Il N’est qu’Amour, tout s’unifie, tout s’illumine ! C’est cet Amour qui GLORIFIE ceux qui consentent à entrer dans son Alliance, à commencer par Israël qui se comprend dès lors comme le peuple ÉLU, par Amour, et non par un quelconque privilège de pouvoir.
Les v. 37-38 reprennent alors le thème de l’élection manifestée dans l’acte de la libération d’Égypte, comme l’avait déjà évoquée le v. 33. Libération « par amour », dit le v. 37 — ah tiens ! —, d’un tout petit peuple, ajoute le v. 38, destiné seul, dans un premier temps, à la réception de l’HÉRITAGE de HaShèM. Et là, on n’a rien de moins que le CREDO d’Israël, à savoir son élection par le Dieu Unique. Un CREDO que les v. 39-40 vont intimer de GARDER pour qu’advienne un véritable BIEN — YaTâV, qui donne l’adjectif TOV, ce qui est bon, ce qui est bien —. Alors là, attention aux traductions qui disent : « bonheur », parce qu’aujourd’hui ce mot est tellement perverti qu’on en a fait un pur synonyme de « bien-être », ce qu’il n’est pas. Le bonheur n’est pas toujours confortable, tant s’en faut. Pour que le bonheur advienne, il faut lui accrocher l’objectif d’un BIEN, en vue duquel on prend les moyens de grandir, de se dépasser et d’entraîner avec soi tous ceux qui marchent sur le même chemin. Un chemin de vie, quoi ! Exactement ce que dit la suite du verset. Mais un chemin qui s’entreprend volontairement ; raison pour laquelle, aussi paradoxal que ça puisse paraître, ce BIEN est l’objet d’un commandement ! Ça ne veut pas dire que le BIEN ne dépend que de nous, mais que sans nous, sans une mise au travail de la volonté — donc du cœur —, le BIEN qu’on vise n’adviendra pas. Une mise en travail qui passe par la mémoire du cœur, par l’apprentissage et l’écoute des décrets et des commandements qui signifient l’attachement à l’Alliance. Tout autre chemin n’est que paresse, sachant que la paresse ne consiste pas à ne “rien faire”, mais à ne faire que ce qui nous plaît. Il y a des paresseux très besogneux, mais c’est uniquement pour ce qui leur plaît ! Ils donnent de leur personne, éventuellement, mais ne SE DONNENT jamais totalement.
Bref. Toujours est-il qu’on reconnaît, depuis le v. 9 de notre ch. 4 tous les éléments constitutifs du formulaire d’ALLIANCE dont je vous rappelle le schéma : 1/ Une TITULATURE, c’est-à-dire la désignation de celui qui énonce ce formulaire et son rang qui légitime son discours — « Je suis YHWH ! » ; 2/ Un PROLOGUE historique qui rappelle les bienfaits qu’a opérés celui qui parle au bénéfice de ceux qui écoutent : « Je suis YHWH qui t’ai fait sortir du sol d’Égypte ! » ; 3/ Une STIPULATION fondamentale, c’est-à-dire la formulation d’un ordre de base : « Tu observeras les décrets ! » ; 4/ Des STIPULATIONS particulières, qui vont dans le sens de la stipulation fondamentale : « Ne vous laissez pas entraîner à vous prosterner devant les idoles ! » ; 5/ Un appel à témoins pour sceller les paroles qui viennent d’être prononcées : on en appelle en général aux cieux et à la terre ; 6/ Suivent les MALÉDICTIONS conditionnelles si les contractants n’obéissent pas aux stipulations de cette alliance, puis les BÉNÉDICTION conditionnelles quand les contractants obéissent.
Tous ces éléments composent la trame de ce ch. 4, jusqu’au v. 40. Je vous laisse faire le travail de décryptage pour ceux que ça intéresse, mais ce qui importe, c’est que les paroles de HaShèM ne soient pas seulement des paroles en l’air mais bien CONSIGNÉES — NOTARIÉES j’ai envie de dire, à travers ce formulaire d’ALLIANCE pour que sa mémoire ne s’efface pas.
Voilà. On verra les derniers versets du ch. 4 la prochaine fois. D’ici là, je crois qu’on en a déjà décrypté bien des ressources cachées. Je vous en souhaite en tout cas une bonne et féconde lecture.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Inscription : 28/11/2016
Re: La Bible en tutoriels - Le Deutéronome (père Alain DUMONT)
Merci GaBuZo (Me) pour cette chaîne. J'écoute en ce moment les titres consacrés à l'Exode : 78 titres !
Continuons donc de pomper même sans savoir très bien pourquoi
Continuons donc de pomper même sans savoir très bien pourquoi
Desiderius Ulixes- Enfant de Dieu
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Inscription : 04/04/2019
Vers l'accomplissement du projet de YHWH
Bonjour,
Nous terminons aujourd’hui la lecture du ch. 4 du Deutéronome, et c’est vrai que le concret des v. 41 à 43 surprend à première vue : voilà que Moïse, sans crier gare après des propos d’une haute tenue lyrique et spirituelle, redescend brutalement sur terre et institue trois villes refuges pour la Transjordanie — ceci dit, l’institution de ces villes refuges est essentielle : elle consiste à protéger le meurtrier involontaire contre la vengeance du sang assurée selon le droit par le Go’éL. Là je vous renvoie au ch. 35 du Livre des Nombres. Par ailleurs, c’est vrai aussi qu’on aurait mieux vu ce passage à la fin du ch. 32 du livre des Nombres qui parlait lui aussi de l’installation des tribus en Transjordanie… Et pourtant non. Enfin ceci dit, vous vous souvenez que la rédaction de ces livres n’est pas linéaire : le livre de la Genèse n’a pas été écrit avant l’Exode, qui lui-même aurait été écrit avant le Lévitique, lui-même avant celui des Nombres et lui-même avant le Deutéronome ! Redisons-le : les rédacteurs récoltent les perles de diverses traditions et les tissent entre elles par le jeu d’analogies là où ça leur semble judicieux, selon l’inspiration de l’Esprit : une perle ici, une perle là ; avec certaines perles communes d’une tradition à l’autre comme c’est le cas ici : qu’on mentionne ces villes-refuge à un autre endroit que le passage qui leur est consacré dans le livre des Nombres constitue en fait le témoignage d’une autre source traditionnelle qui vient confirmer l’historicité de tels sanctuaires.
Ceci dit, la raison la plus simple de l’évocation de ces villes à cet endroit est qu’avec elles, le discours pose sa signature sur tout ce qui concerne les tribus de Transjordanie. Au ch. 19, on retrouvera la même institution des villes-refuge commanditées pour plus tard à l’Ouest du Jourdain, en Cisjordanie. Alors pour plus tard, oui, mais selon le modèle instauré ICI, par Moïse ! Comme pour dire : cette tradition des villes-refuge en Israël n’est pas une simple institution humaine aménagée au gré des circonstances. Leur établissement s’enracine dans la TORâH, donc font partie de l’essence même du peuple élu ; leur rôle n’est pas seulement de réduire les débordements de violence, mais de se donner les moyens de faire œuvre de justice selon le droit de la TORâH. Si un meurtre doit être sanctionné, il le sera ; mais en attendant, tu ne poursuivras pas ton frère à n’importe quel prix. Sa vie ne t’appartient pas : elle appartient à HaShèM ! Et c’est bien ce rôle que tiennent ces villes-refuges : être des lieux sacrés, des sanctuaires donc où le droit de vengeance est suspendu au nom de HaShèM. Je vous renvoie à ce que nous avons dit à ce propos dans le livre des Nombres.
Donc on institue définitivement ici ce qui concerne les tribus transjordaniennes, d’une part parce que YeHOShOu”a /Josué n’y reviendra pas pour le faire — ce serait traverser le Jourdain dans l’autre sens, et donc symboliquement revenir au désert dont on vient si péniblement de sortir ! Très mauvais signe ! Mais surtout le rédacteur nous dit que l’installation présidée par Moïse en Transjordanie va servir d’ARCHÉTYPE, c’est-à-dire de modèle fondateur, pour l’installation en Cisjordanie. Comme pour dire : Moïse n’a peut-être pas présidé à l’installation en KaNa“aN — le rédacteur n’a sans doute à sa disposition aucun récit de tradition rapportant que Moïse aurait lui-même procédé à l’installation sur le SOL promis. Or redisons-le : le rédacteur n’invente rien ! Donc si la tradition rapporte que c’est YeHOShOu“a qui a présidé à l’installation sur le SOL, on ne va pas réviser l’histoire pour dire que ce serait Moïse, sous un prétexte ou sous un autre. — Donc Moïse n’a peut-être pas présidé à l’installation en KaNa“aN, mais néanmoins, il y a tout de même une tradition qui rapporte qu’il aurait présidé à celle du territoire à l’Est du Jourdain. Or c’est cette installation que le rédacteur va poser comme exemplaire au regard de celle à laquelle présidera YeHOShOu“a, le « disciple bien-aimé » de Moïse. L’expression ne désigne pas une affection particulière du Maître pour le disciple, mais signifie l’aptitude du disciple à poursuivre l’œuvre du Maître. Le « disciple bien-aimé », comme pour saint Jean l’évangéliste vis-à-vis de Jésus, est celui qui est tellement pénétré de l’enseignement du Maître que la parole et les actions de ce disciple seront reçues par le peuple comme le prolongement de celles du Maître. On avait déjà ça à propos de Moïse et de HaShèM : « Le peuple crut en YHWH et en Moïse, son serviteur. » (Ex 14,31).
Cette installation en Transjordanie prend donc ce qu’on appelle figure d’ARCHÉTYPE dont le rôle est de légitimer, par leur enracinement dans la TORâH, les institutions de YeHOShOu”a. Ce qui veut dire, d’une part, qu’on est désormais complètement tourné vers l’entrée prochaine en KaNa“aN ; et d’autre part que le rédacteur est en train de justifier, par la TORâH, la présence d’Israël sur ce SOL. Dit autrement : au moment de la rédaction, le sol est perdu. Ce qui pose évidemment la question : « Ce sol nous a-t-il vraiment été donné par HaShèM ? » À quoi le rédacteur répond : OUI, ce sol nous a vraiment été donné en héritage par HaShèM ! Pour preuve : dès la TORâH, donc au nom de HaShèM et de son ALLIANCE, Moïse a inauguré en personne l’installation ! Le peuple élu que nous sommes, affirme le rédacteur, est donc légitime pour s’y installer et y vénérer HaShèM comme le Dieu Unique qui s’ALLIE à Israël doublement : d’une part, Il transmet le SOL comme un HÉRITAGE — HaShèM est donc Père — ; d’autre part, puisque HaShèM en personne habite cet HÉRITAGE, c’est sur ce SOL qu’Israël est convoqué pour MONTER jusqu’à Lui et s’unir à Lui par l’offrande des sacrifices — HaShèM est Époux. Et là, le rédacteur sacerdotal prendra le relai pour bien montrer que cette offrande sacrificielle n’a rien d’idolâtre : l’offrande est proprement l’ÂME d’Israël, sa VOCATION qui induit tout un art de vivre autour des notions de pur et d’impur pour que l’ALLIANCE s’inscrive dans la CHAIR même du peuple. « Je donnerai ma TORâH dans leur sein — dans leur CHAIR, à l’intérieur d’eux-mêmes —, et Je l’inscrirai sur leur cœur ! » (Jr 31,33), dira Jérémie au nom de HaShèM. Et ça n’a rien de formel !
C’est là qu’on peut voir à quel point, entre la vénération des idoles et celle de HaShèM, on est dans deux univers incompatibles : le premier univers se conforte et s’enferme dans la sphère humaine dont il se contente de s’illusionner en divinisant ses fantasmes ; le second consent à sortir de ce confort illusoire, à la fois paresseux et prétentieux. Où l’homme consent à ce qu’un Autre — HaShèM en l’occurrence — l’attire, le fasse SORTIR hors de ses limites asservissantes pour le préparer à une ASCENSION totale !
Or cette MONTÉE à la rencontre de l’Autre constitue précisément la porte d’entrée dans le RÉEL. Un réel qui contient toujours une part de confrontation dans la mesure où il nous interdit de nous figer dans un égocentrisme ravageur, mais une confrontation vécue dans l’amour, ce que HaShèM n’arrête pas de répéter depuis le début du livre. Au cœur de cette confrontation, me voilà GLORIFIÉ par un regard qui m’élève, or là n’est pas le moindre des paradoxes pour nous puisque c’est cette GLORIFICATION qui nous introduit dans le RÉEL — alors même qu’aujourd’hui, depuis Galilée et Descartes, le matérialisme nous a convaincu du contraire : le réel ne serait que ce qui est mathématisable, alors qu’en fait, le RÉEL ne se manifeste que dans la RENCONTRE avec un AUTRE qui nous SORT de nous-même pour nous faire nous « dépasser », comme on dit aujourd’hui ; pour nous faire MONTER, dit la TORâH. Reste que cette élévation, cette ascension, cette GLORIFICATION n’est pas un acquis : elle ne subsiste que dans une Alliance qu’il s’agit de rappeler chaque jour à la mémoire ; d’une ALLIANCE à recevoir quotidiennement comme une manne. C’est là tout le sens de l’Eucharistie chrétienne, évidemment.
Dit autrement : là où la sphère de l’idole est celle de l’appropriation — ce qu’on sous-entend en parlant habituellement de « toute-puissance » : « Tout est À MOI ! » ; Égocentrisme — ; tout à l’inverse, la sphère de HaShèM, elle, est celle de la DÉSappropriation, au sens où, comme dit saint Paul, je n’ai rien que je n’ai d’abord REÇU. Tout m’est DONNÉ, mais c’est en HÉRITAGE, au cœur d’une ALLIANCE dans laquelle HaShèM le premier se DÉSapproprie de Lui-même pour SE donner comme Père et comme Époux ! Dès lors, si je sors de l’ALLIANCE ; autrement dit : si je revendique la jouissance toute-puissante du DON au détriment de CELUI qui me l’a transmis que je décide d’évincer ; si je casse donc le lien qui m’attache au Père et à l’Époux, alors je perds purement et simplement l’HÉRITAGE. Et me voilà errant dans un monde où ne règne que la loi du plus fort, la loi des loups qui ne survivent eux-mêmes qu’en abaissant l’autre pour le rendre esclave. En fait, le choix est assez simple : c’est le chemin de la GLORIFICATION — se laisser élever par un autre, dans l’amour — contre le chemin de la perversité — rabaisser l’autre pour l’avilir. D’un côté, entrer dans la VIE, de l’autre rester dans la SURVIE. D’un côté entrer dans le RÉEL éternel, de l’autre se perdre dans l’illusion d’un monde qui passera. « Que gagnera l’homme s’il acquiert tout l’univers et qu’il manque son âme ? Ou bien que donnera l’homme à la place de son âme ? » (Mt 16,26).
Alors maintenant, posons-nous la question : qu’est-ce qui fait, qu’est-ce qui constitue le LIEN ? Une seule réponse : La PAROLE ! La PAROLE DONNÉE. On parle peu de la parole aujourd’hui. On parle de “langage”, de “communication”, mais quasiment jamais de la PAROLE. Or la PAROLE est précisément ce qui nous lie les uns aux autres ; elle est ce qui nous RELIE à un AUTRE et nous fait passer ainsi du rang de pur individu illusoire à celui de PERSONNE réelle. Par un Autre qui s’allie à moi dans le mystère d’une PAROLE DONNÉE, nous voici sortir de l’anonymat, nous voici devenir une FIGURE ; dit autrement, nous voici advenir à la plénitude de notre humanité, nous voici élevés, glorifiés au rang du ‘ÂDâM envisagé — c’est le cas de le dire — par HaShèM dès le commencement. Nous voici prêt, en gardant vivante en nous cette PAROLE qui signifie l’ALLIANCE comme une BÉNÉDICTION ; nous voici prêts, donc, à livrer le meilleur de nous-mêmes pour qu’avec nous s’élève le monde dont nous nous révélons être les GARDIENS ; véritablement Fils de DIEU. Là est toute la portée de cette affirmation du Christ Jésus : « Faites attention : ces PAROLES que vous écoutez, c’est selon la mesure avec laquelle vous les recevez qu’elles seront, en vous, bien prises en compte. Et elles s’accroîtront encore plus en vous, ces PAROLES que vous écoutez. Car à celui qui les a en lui, il lui sera donné encore ; mais à celui qui ne les a pas — celui qui ne vit que pour lui-même et par lui-même, hors de toute parole d’alliance —, même ce qu’il a lui sera enlevé. » (Mc 4,24-25, trad. de l’araméen). Et à nouveau on retrouve saint Paul dans l’épître aux Romains : « Aux aguets, la création guette le dévoilement des fils de Dieu. En effet, assujettie à une fumisterie, non pas délibérément mais à cause de celui qui l’a assujettie, la création garde l’espérance qu’elle aussi sera libérée de l’esclavage de la déchéance, en vue de la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » (Ro 8,19-21). Tout ça est d’une cohérence admirable, quand on y pense ; quand on veut bien se mettre au travail pour découvrir les racines qui portent l’arbre de la révélation judéo-chrétienne, l’arbre de VIE par excellence offert à recevoir par tout homme de bonne volonté.
Restent alors les v. 44 à 49 qu’on présente souvent comme un prologue historique inaugurant le deuxième discours de Moïse qui commence au ch. suivant — ouf ! On avance ! —, de la même manière qu’il y avait un prologue pour introduire le premier discours, au ch. 1, v. 1 à 8. Mais on peut aussi remarquer que nos v. 44 à 49 ont des termes très semblables précisément avec ce premier prologue, de sorte que ces deux passages semblent bien encadrer l’ensemble des ch. 1 à 4 dans une belle inclusion qui fait sens. Ce qui est indirectement confirmé par le fait que le v. 1 du Ch. 5 qui suit immédiatement fait inclusion avec la fin du ch. 11, au v. 32, ce qui rassemble les ch. 5 à 11 comme une unité, sans avoir besoin de nos v. 44 à 49. Donc on peut tout à fait lire les ch. 1 à 4 comme un seul bloc.
Alors ce serait un peu long à expliquer — je le pourrais : j’ai fait pour ma part tout ce travail de structuration — voilà : tout est écrit dans de nombreux cahiers remplis au fil des années —, mais c’est vraiment technique et ça dépasse le cadre de nos vidéos. Ceci dit, on peut montrer que ces ch. 1 à 4 dégagent un centre, c’est-à-dire un nœud autour duquel tout le récit s’articule, à savoir, au ch. 3, les v. 12 à 29 qui racontent l’installation en Transjordanie de Re’OuVéN, GâD et MeNaShèH en prémices de l’installation orchestrée par YeHOShOu“a pour le reste des tribus en Cisjordanie. De part et d’autre de ce centre, on a d’un côté un long développement sur la gestion de la faute d’Israël refusant d’entrer par le Sud au retour des explorateurs ; et de l’autre côté, l’injonction à ne pas commettre à nouveau le même genre de faute et à garder précieusement les règles et les commandements de la TORâH comme témoin de l’élection d’Israël. Dit encore autrement, d’un côté, on a la dénonciation de la folie du peuple reniant son engagement dans l’Alliance et s’enfonçant dans la MALÉDICTION, c’est-à-dire dans l’incapacité de s’en sortir dans l’épreuve sans HaShèM ; de l’autre l’exaltation de la sagesse de ce peuple dès lors qu’il est fidèle à l’engagement dans l’Alliance et qu’il en reçoit les lumières de la BÉNÉDICTION.
Et évidemment, vous pensez bien qu’un tel développement impacte profondément la pensée des scribes en Exil : Israël a été infidèle, mais si nous revenons à l’écoute de la TORâH, alors HaShèM nous fera entrer de nouveau sur le SOL de la promesse. Et là, c’est encore saint Paul qui nous offre comme condensé fulgurant de l’esprit qui habite nos rédacteurs à ce stade du livre : « C’est là une parole sûre : si nous sommes morts avec [le Christ Jésus], nous vivrons aussi avec lui ; si nous tenons, nous règnerons aussi avec lui ; si nous le renions, lui aussi nous reniera — tout comme, suite au reniement de la TORâH par les rois d’Israël, HaShèM décide de les envoyer en Exil. Mais on l’a vu, cet Exil n’est en rien définitif : il a une portée pédagogique pour signifier au peuple qu’en toute justice, rien n’est jamais acquis en matière d’élection et d’Alliance ; celles-ci ne portent leurs fruits que dans la mesure où Israël, retrouvant la valeur de cette Première Alliance qui demeure, revient à HaShèM, son ‘ÈLoHîM. Et donc, dans cette optique, Paul poursuit : — ; si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle car Il ne peut se renier Lui-même. » (2Tim 2,11-13). Du point de vue chrétien, pour HaShèM, la PAROLE DONNÉE est donnée avec d’autant plus de détermination que cette PAROLE est faite CHAIR. Il ne s’agit pas d’une parole en l’air : toute la PAROLE DONNÉE dès la TORâH l’est en vue de s’incarner ; et le Christ, en tant que VERBE FAIT CHAIR — ce qui veut bien dire ce que ça veut dire —, est donné pour prouver CHARNELLEMENT l’authenticité de cette PAROLE.
Du coup, on peut entendre le message de ce premier discours qui couvre les 4 premiers ch. du Deutéronome : à savoir une longue exhortation à recevoir le DON de HaShèM comme un HÉRITAGE que légitime la PAROLE DONNÉE dans l’ALLIANCE ; ni comme un dû, ni comme une possession mais, dès le commencement, comme un cadeau gratuit, gracieux ; comme un acte de miséricorde de HaShèM, puisqu’Israël ne mérite pas plus qu’un autre d’hériter ce SOL. Il le reçoit en gérance d’Héritage, qui se dévoile comme le sacrement de l’ALLIANCE tranchée dès les patriarches avec HaShèM ; renouvelée par Moïse avec TOUT Israël dont il devra transmettre la mémoire par l’écoute, par l’étude de la PAROLE de génération en génération.
Alors pour en revenir aux tribus de Re’OuVéN, GâD et MeNaShèH de ce côté-ci du Jourdain, on sent bien que leur installation n’est pas du même ordre que celle que mènera YeHOShOu“a. D’un côté, on a une installation qui appartient à la TORâH — on pourrait parler ici de protohistoire pour signifier qu’on est dans les fondements sur lesquels se construira l’histoire proprement dite, à partir du livre de Josué — ; une protohistoire qui a valeur archétypale, une valeur de modèle fondateur ; de l’autre, on a une installation qui appartient à l’histoire d’Israël, c’est-à-dire à cet espace-temps au cours duquel lequel est censée advenir la BÉNÉDICTION que la TORâH pose ici en forme de germe. En tout cas, on a là une mémoire d’installation qui se souvient pouvoir remonter jusqu’à Moïse, là où celle des autres tribus ne s’autorise à remonter qu’à YeHOShOu“a. Est-ce que ça donne aux tribus transjordaniennes des prérogatives sur les autres ? Pas vraiment. Elles vont même plutôt s’effacer, puisqu’on ne les évoquera plus. Mais on a sans doute là, avec cette part de l’installation menée à terme par Moïse en personne, l’assurance que l’installation menée par YeHOShOu“a ira elle-même à son terme, comme l’accomplissement de la mission du disciple bien-aimé de Moïse. Ce que Moïse a commencé, à YeHOShOu“a de l’achever, dans la force du même esprit que le Maître transmettra à son disciple. À charge par la suite, pour TOUT Israël, de faire en sorte que cette installation ne soit pas vaine en restant fidèle à l’ALLIANCE tranchée dans le désert, le fameux « prolongement des jours sur la terre » dont parle le ch. 4 au v. 40.
Ce dernier point dépasse la seule personne de YeHOShOu”a et sa mission, mais n’en demeure pas moins l’objectif à atteindre pour toute la descendance d’Israël dont la vocation, de génération en génération, s’enracine, disent nos versets, dans l’action archétypale que Moïse pour sa part a su mener jusqu’au bout. La véritable conquête de KaNa“aN ne sera donc achevée que lorsqu’Israël, purifié, aura acquis la sagesse et l’intelligence données par HaShèM comme un Père à ses enfants. Et pour le rédacteur en Exil, cet accomplissement se fera par le RETOUR sur le SOL.
Dit autrement, ce qui est vécu jusqu’au bout en deçà du Jourdain est le signe que ce qui devra être vécu jusqu’au bout au-delà, sur le SOL. Ça mettra le temps qu’il faudra, mais l’accomplissement adviendra, non comme un pur destin aveugle, mais comme l’avènement d’une LIBERTÉ qui signera l’achèvement du projet divin qui a commencé dès les premiers moments de la Création ! Le père Albert Chapelle, un jésuite que j’ai eu l’honneur d’avoir comme professeur, avait cette formule déconcertante : « Le paradoxe de la liberté, c’est que l’homme n’est pas libre de ne pas être libre ! » Et de fait : l’homme n’est ‘ÂDâM, l’homme dans sa plénitude selon le projet de HaShèM, que si la liberté l’habite et l’inspire en vue de vivre de la BÉNÉDICTION à laquelle ouvre cette ALLIANCE. Si ‘ÂDâM refuse l’ALLIANCE, le paradoxe est là : il refuse librement d’être libre d’une liberté qui lui donnerait de pouvoir grandir dans l’épreuve ! Il plonge donc dans la MALÉDICTION, et ça, même si HaShèM ne peut pas s’y résigner, Il ne peut pas l’empêcher... Mais, sauf à s’enfermer dans le COMBLE de cette MALÉDICTION qui consiste à aimer vivre dans cette prison, à préférer donner la mort que donner la vie, la porte n’est jamais fermée par HaShèM qui n’attend que le retour libre de ‘ADâM.
Or ce que nous dit la Bible, c’est que ce projet inscrit par Dieu au fondement même de sa création, ne saurait manquer son objectif. Et là, HaShèM se présente vraiment comme un PÈRE : par la TORâH, il donne à son enfant bien-aimé le cadre de la liberté vivifiante ; de l’intérieur même de cette protohistoire, il manifeste le moment de son accomplissement, d’abord par Moïse ; puis par Israël ; puis enfin par le Messie qu’Israël est appelé à engendrer pour que paraisse enfin le nouvel ‘ÂDâM ; le ‘ÂDâM renouvelé, la plénitude de l’Homme qui répond au projet initial de HaShèM. Bref un ‘ÂDâM que manifeste Jésus Christ en qui sont enfin célébrées les Noces éternelles avec HaShèM, d’une part par l’Incarnation en qui HaShèM et ‘ÂDâM sont charnellement unis — « Le Verbe s’est fait chair » — ; d’autre part par la MONTÉE vers le Père, c’est-à-dire par la GLORIFICATION de cet ‘ÂDâM qui répond enfin à la PAROLE d’ALLIANCE donnée par HaShèM depuis l’aube des temps, en prévision de ces Noces. Par le Messie, par le Christ Jésus, advient donc l’accomplissement final, à savoir l’avènement de cette liberté vivifiante inscrite au cœur de tout le genre humain et qui le rend enfin à l’image de HaShèM.
Eh bien voyez, tout ça se met en place de manière inattendue à travers les éléments que nous ont présentés ces 4 premiers chapitres du Deutéronome, comme la REPRISE de ce qui a été raconté dans les quatre premiers livres de la TORâH ; à savoir le mystère étonnant de l’unicité divine et de l’élection.
Bien. Je ne crois pas qu’il faille en dire plus pour cette fois, parce que tout ça est quand même très dense. Je vous laisse y réfléchir, et la prochaine fois, nous commencerons la lecture du début de deuxième discours de Moïse.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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YHWH a tranché l'Alliance avec NOUS !
Bonjour,
Nous commençons aujourd’hui la lecture du deuxième discours de Moïse qui va du ch. 5 au ch. 11 du Deutéronome. Et sans transition, le ch. 5 va REPRENDRE un texte déjà connu : le fameux DÉCALOGUE, les 10 Paroles déclinées dans le livre de l’Exode au ch. 20. Ceci dit vous vous souvenez : en réalité, on a ici la PREMIÈRE version du DÉCALOGUE, celle promulguée par le roi Yo’ShiYâHOu/Josias, au VIIe s. av. J.-C. Mais qu’à cela ne tienne : le rédacteur place cette tradition en lieu et place de REPRISE de l’ensemble de la TORâH, et c’est comme ça qu’on va l’écouter.
Alors comme pour le premier discours de Moïse — souvenez-vous : « Voici les paroles que dit Moïse à tout Israël au-delà du Jourdain, dans le désert, etc. » (Dt 1,1) — le début du chapitre 5 plante le décor du second discours : « Moïse convoqua tout Israël et il leur dit, etc. » (Dt 5,1). On retrouve TOUT ISRAËL, qui désigne le peuple quand il est assemblé devant Moïse, mais qu’il faut entendre au sens très englobant : TOUT ISRAËL, ce sont toutes les générations d’Israël. Ce qui veut dire que dès qu’un Juif ouvre la TORâH, au moment même où il lit ce passage, il se perçoit comme CONVOQUÉ par Moïse à l’HoRèV.
Alors ici, le verbe קָרָה, QâRâH, CONVOQUER est essentiel. Ce n’est pas la première fois qu’on l’entend : c’est le verbe qui, dans la bouche de YHWH, sert précisément à rassembler Israël. C’est lui qui inaugure en ce sens le livre du Lévitique : « VaYiQeRâ‘ ‘èL-MoShéH VaYeDaBéR YHWH » : « Et Il — c’est-à-dire YHWH — convoqua Moïse, et Il parla ainsi, YHWH » (Lv 1,1). À cette différence près, et elle est de taille, qu’ici, au ch. 5 du Dt, c’est MOÏSE qui convoque ! Vous vous souvenez de ce qu’on a dit au début du livre : désormais, ce n’est plus tant YHWH qui parle que Moïse ; en même temps, dans l’esprit du rédacteur, Moïse est vraiment le sacrement de YHWH, on s’en était fait la remarque à propos du ch. 14 du livre de l’Exode : « Israël vit la grande main par laquelle avait agi YHWH contre MiTseRaYîM. Le peuple craignit YHWH et il eut foi en YHWH et en Moïse, son serviteur. » (Ex 14,31). Dès lors, écouter Moïse, c’est écouter YHWH, on l’a déjà souvent rappelé ! C’est tout le mystère de ce qu’on appelle la MÉDIATION qui se met en place avec la TORâH : YHWH ne parle pas directement au peuple à travers un mégaphone : c’est à travers la CHAIR de Moïse qu’il donne à discerner sa PAROLE, de façon à ne pas spolier la liberté du peuple. Comprenons bien : si YHWH parlait directement du “haut du ciel”, pour ainsi dire, Israël n’aurait pas d’autre choix que d’obéir ; sauf que cette obéissance serait servile. YHWH ne peut donc que CONVOQUER à travers des SIGNES que l’homme sera en droit de discerner ou non. Or ces signes — et c’est le propre de la TORâH — ne sont pas tant des signes cosmiques que des FIGURES à rencontrer ; des FIGURES dont Moïse est le pivot ; un pivot d’autant plus important qu’il convoque jusqu’au MESSIE dont la mission sera de porter cette MÉDIATION à son zénith : en Christ, YHWH et son Serviteur ne feront qu’une seule chair ; et c’est en Christ que toutes les nations se trouveront à leur tour CONVOQUÉES, mais là encore ce sera à travers des SIGNES et des FIGURES qu’on appellera respectivement des SACREMENTS et des SAINTS, c’est-à-dire des hommes ou des femmes CONSACRÉS au Christ et porteurs de sa Parole, de sorte qu’écouter ces CONSACRÉS, c’est écouter le Christ ; et écouter le Christ, c’est écouter le Père. Mais voyez : on passe toujours de médiation en médiation, et c’est tant mieux parce que ça nous sauve de toute tentation de prétention : « Dieu me parle en direct ! » Ouais… faudrait peut-être voir quel démon se cache derrière ça, parce que ce que YHWH nous apprend, c’est qu’Il ne parle jamais QU’au sein d’une COMMUNAUTÉ convoquée. Donc avant de dire qu’on entend des voix célestes, prudence prudence !
Alors restons encore un peu sur ce verbe QâRâH: וַיִּקְרָ֖א VaYiQeRâ‘, « Et il convoqua », est vraiment typique du vocabulaire sacerdotal qui désigne très précisément, à propos d’Israël, le moment où le peuple se constitue en communauté — donc le seul fait que le livre du Lévitique commence par VaYiQeRâ‘, désigne que le livre entier est une CONVOCATION par laquelle Israël se constitue en communauté. Ceci dit il faut vraiment entendre ce verbe au sens fort que lui donne la TORâH : lorsque le peuple est CONVOQUÉ, il n’est rien de moins que CRÉÉ ! De la même manière qu’au ch. 1 de la Genèse, ‘ÈLoHîM ne crée rien sans immédiatement après le CONVOQUER : « ‘ÈLoHîM convoque la lumière : “Jour !” et la ténèbre : “Nuit” » (Gn 1,5). Ce qui fait qu’à chaque CONVOCATION, lors du ShaBaT ou des fêtes, Israël retrouve les racines de sa propre création en écoutant la PAROLE de YHWH, notamment à travers l’ÉCOUTE du Décalogue qui constitue la charte de cette assemblée.
Et de fait, dès qu’a retenti la CONVOCATION, Moïse commence son discours par un autre verbe particulièrement cher au rédacteur deutéronomiste : שְׁמַ֤ע יִשְׂרָאֵל֙ « ÉCOUTE ! ». Alors on l’a déjà entendu en ce sens au début du ch. 4, mais ici, au fronton non seulement du ch. 5 mais de tout le deuxième discours, ce verbe prend une dimension singulière. Très exactement, il s’agit d’ÉCOUTER POUR GARDER : « Écoute, Israël, les décrets et les jugements que moi, j’énonce à vos oreilles aujourd’hui — aujourd’hui, c’est toujours l’aujourd’hui du LECTEUR, pas celui du rédacteur uniquement. Encore une fois l’auteur n’écrit pas un roman mais ce qu’on appelle en science du langage un récit PERFORMATIF : le but du récit de la TORâH, c’est de FAIRE ISRAËL, de le constituer comme PEUPLE et de relier ainsi toutes les générations à Moïse — Apprenez-les et gardez-les pour les faire — pour les mettre en pratique — ! » (Dt 5,1).
Or là voyez, est dite une chose absolument essentielle, à laquelle le Deutéronome est plus qu’attentif et qui montre bien que la culture au sein de laquelle évolue le rédacteur — mais c’est sans doute vrai dès le roi Yo’ShiYâHOu/Josias — Dans dans toute la Mésopotamie, ÉCOUTER ne consiste pas seulement à entendre d’une oreille distraite pour savoir en gros de quoi il s’agit. ÉCOUTER, c’est APPRENDRE, et APPRENDRE POUR GARDER ! Dit autrement, on sait qu’on a ÉCOUTÉ une fois qu’on sait GARDER ce qui a été proclamé ; et GARDER, dans la culture sémite, dans la culture de tout l’Orient mésopotamien encore une fois, c’est APPRENDRE. APPRENDRE de tout son cœur, APPRENDRE PAR CŒUR, de sorte, dit la TORâH, que ce qui a été APPRIS devienne une BÉNÉDICTION, c’est-à-dire une ressource pour la vie de chaque jour. Et on redécouvre depuis le début du 3ème millénaire que Jésus n’a pas procédé autrement ! Il ne s’est pas contenté de lancer à la volée son enseignement : ça n’aurait JAMAIS marché, et c’eut été procéder à l’encontre la plus radicale de toute la culture qui l’a Lui-même porté et formé. La tradition syriaque a toujours retenu que Jésus a pris d’abord 6 disciples à qui il a fait apprendre ses enseignements, en particulier les paraboles mais pas seulement ; puis 6 autres qu’il a confiés aux premiers, en binôme, pour leur transmettre ce que les premiers avaient appris ; de sorte que quand Jésus les enverra deux par deux dans les villages environnants sans bâton ni sandale, ce sera avec dans le cœur les Paroles du Maître qu’ils rediront, sans doute de synagogue en synagogue. Que voulez-vous qu’ils annoncent d’autre ? Jésus n’était ni mort, ni ressuscité à l’époque ! Donc ils ont enseigné aux foules, par petits groupes de 6, ce que le Maître de Nazareth leur avait appris. Et ainsi sont nés les 72 (12 groupes de 6) premiers disciples ! Eh bien : cette tradition orale remonte bien en-deçà de l’époque de Jésus ! Elle remonte au moins aux grandes cultures babylonienne, assyrienne et antérieures. Et aujourd’hui où la culture chrétienne part en lambeaux, où il faut tout reprendre à zéro — un sondage a été fait en août 2020 par le journal Le Monde qui montre que les moins de 35 ans qui se disent encore catholiques ne connaissent même pas le Notre Père —, on aurait tout intérêt à former les chrétiens de la manière même dont Jésus et Moïse ont fondé chacun pour sa part les prémices du peuple de YHWH.
Or le fruit essentiel, le fameux « fruit qui demeure » dont Jésus parle dans l’évangile selon saint Jean, c’est de pouvoir accéder, grâce à cette PAROLE inscrite dans la CHAIR, sur le cœur disait le prophète Jérémie ; le fameux « fruit qui demeure » donc, c’est de pouvoir accéder à la BÉNÉDICTION de l’ALLIANCE avec YHWH ! Redisons-le : si les paroles sont EN NOUS, apprises par cœur, alors l’Esprit Saint pourra puiser dans ce patrimoine pour nous les faire remonter à la mémoire dès que nous en aurons besoin, à chaque épreuve que nous traverserons, petite ou grande ; et nous nous découvrirons BÉNIS ! « Si vous demeurez en Moi et que MES PAROLES demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et vous l’aurez. — voilà la fameuse bénédiction de l’ALLIANCE ! — » (Jn 15,7). Ce n’est pas par hasard que le ch. qui suit parle précisément des persécutions ! Jésus promet alors d’envoyer l’Esprit Saint « Paraclet », un mot qui signifie en araméen : « Souffleur ». Comme un souffleur de théâtre dont l’office n’est pas d’apprendre le texte au comédien qui le connaît déjà, mais de le lui souffler quand sa mémoire en a besoin. Mais ça nécessite que le comédien ait APPRIS PAR CŒUR son texte pour le GARDER ! Et c’est ainsi que Jésus poursuivra : « Quand [le Paraclet] viendra, l’Esprit de Vérité, Il vous guidera dans toute la vérité — la vérité qui manifestera la puissance de la BÉNÉDICTION dès lors que les paroles de Jésus seront apprises par ses disciples — ; car Il n’adressera [rien] depuis Lui-même, mais c’est autant qu’il ÉCOUTERA qu’Il adressera et ce sont les choses à venir qu’il proclamera à son tour pour vous. — la fameuse BÉNÉDICTION qui vous fera discerner quoi dire et quoi faire en temps d’épreuve ! Et un peu plus loin Jésus poursuit : — […] C’est issu de [la Parole] qui est la mienne que prend [le Paraclet] et qu’Il proclamera vers vous. » (Jn 16,13.15b). Ce qui veut bien dire ce que ça veut dire : si la PAROLE n’est pas APPRISE par nous, l’Esprit Saint ne peut rien nous proclamer ! « Qui a des oreilles pour écouter, qu’il écoute ! » comme dit Jésus en Mt 11, v. 15. Or tout ça ne s’enracine pas ailleurs que dans la culture millénaire qui remonte au moins au Deutéronome dont Jésus est complètement imprégné !
Alors redisons-le pour que ça rentre : la BÉNÉDICTION n’est jamais un bienfait qui viendrait d’en haut comme une sorte de prévention contre toute épreuve de l’existence. La BÉNÉDICTION, c’est une RESSOURCE que YHWH inscrit en nous par l’APPRENTISSAGE de sa Parole ; de sorte que quand nous submerge une épreuve — vous vous souvenez de la parabole de la maison construite sur le roc —, nous sommes sans doute secoués, mais nous ne nous effondrons pas. GRÂCE À LA PAROLE gravée en nous, gravée « dans le cœur » pour reprendre les termes prophétiques, cette Parole devient la RESSOURCE qui nous permet de traverser cette épreuve pour en sortir plus vivant que jamais ! Maintenant, si je me contente d’écouter d’une oreille distraite, que survient l’épreuve et que je n’ai pas enraciné en moi cette Parole, alors je fais l’expérience de la MALÉDICTION ! Non pas comme une punition de la part de YHWH, mais comme la conséquence d’un manque DE MA PART : je suis totalement démuni, et dans la panique face à l’épreuve, je prends forcément les mauvaises décisions qui me font aller de catastrophe en catastrophe !
La convocation de Moïse pour ÉCOUTER et GARDER LA PAROLE a donc un rôle prophylactique, pour ainsi dire ; et ça se vit EN COMMUNAUTÉ, comme l’effort de toute une famille, de tout un peuple dont le patrimoine commun devient une source de bénédiction qui lui fera traverser les pires tempêtes qui soient ! Une PAROLE qui n’a qu’un but : rappeler à la mémoire l’ALLIANCE qui unit YHWH à son peuple comme un Père à ses enfants, comme un Époux à son épouse.
Or c’est précisément cette ALLIANCE qu’évoquent les v. 2 & 3, de manière néanmoins un peu déconcertante : « YHWH notre ‘ÈLoHîM a tranché avec NOUS une ALLIANCE à l’HoRèV. Ce n’est pas avec nos pères que YHWH a tranché cette ALLIANCE, mais c’est avec NOUS ; nous, ici et aujourd’hui ; nous tous, les vivants. » (Dt 5,2-3). C’est déconcertant parce que factuellement, YHWH a bien tranché l’ALLIANCE à l’HoRèV avec la génération précédente ! De ce point de vue, le v. 31 du ch. 4 était plus nuancé : « YHWH, ton ‘ÈLoHîM […] ne te délaissera pas ; Il ne te détruira pas et n’oubliera pas l’ALLIANCE [tranchée] avec tes pères, celle qu’Il leur a jurée. » (Dt 4,31). Donc que veut dire Moïse en disant : « Ce n’est pas avec nos pères que YHWH a tranché cette ALLIANCE, mais c’est avec NOUS » ?
Alors on peut trouver des explications compliquées, mais le plus simple est d’entendre : « Ce n’est pas SEULEMENT avec nos pères que YHWH a tranché cette alliance, mais c’est AUSSI avec nous… ». Ce qui confirme ce qu’on vient de dire : l’ALLIANCE elle-même — plus encore que le SOL — est le véritable HÉRITAGE d’Israël. C’est elle qui doit être REÇUE pour offrir les bénédictions qu’elle promet. Et c’est donc là l’objet de l’ÉCOUTE : GARDER l’ALLIANCE dans le cœur. Si une génération se laisse perturber par la tentation des idoles jusqu’à refuser d’ÉCOUTER les PAROLES de l’ALLIANCE, quand survient l’épreuve, cette génération se trouvera sans ressource pour prendre les bonnes décisions, et ce sera le temps des MALÉDICTIONS de l’ALLIANCE. Mais n’oublions jamais que l’ALLIANCE est donnée définitivement et inconditionnellement par YHWH, de sorte qu’au moment où la génération suivante revient à YHWH pour l’ÉCOUTER, elle renoue avec les BÉNÉDICTIONS de l’ALLIANCE. On est complètement à l’opposé d’un dieu “pas content” qui punirait, qui “châtierait”, qui lancerait des éclairs de mécontentement ou je ne sais quelle autre fantasme humain projeté sur un YHWH idolâtré.
Alors restons sur l’expression : « YHWH notre ‘ÈLoHîM a tranché avec NOUS une ALLIANCE à l’HoRèV. » Comment, encore une fois, Moïse peut-il dire que YHWH a tranché l’alliance avec la génération qui va entrer sur le SOL alors qu’elle n’était pas née à l’époque de l’HoRèV ? La seule manière de comprendre, c’est que Moïse convoque chaque génération à intérioriser POUR ELLE-MÊME l’événement de l’HoRèV, ce qui est proprement l’objet des fêtes de pèlerinage auxquelles convoque avec insistance le livre du Lévitique, et qu’on reverra dans le Deutéronome. Prenons PèSaH., la fête de la Pâque. Chaque année, en célébrant la fête, en se remémorant les PAROLES qui racontent l’événement, toute famille Juive revit rituellement POUR ELLE-MÊME la sortie de MiTseRaYîM. Même chose pour ShâVou“oT, 50 jours plus tard — ou la Pentecôte, c’est la même chose — au cours de laquelle Israël commémore le don de la TORâH à Moïse. Non pas au sens où on se contenterait de s’en souvenir mais au sens où on en fait MÉMOIRE. Et faire MÉMOIRE, c’est définitivement consentir à REVIVRE POUR SOI l’événement, à travers les SIGNES et les PAROLES qui établissent le lien avec AUJOURD’HUI. Et c’est se donner la capacité de puiser aux BÉNÉDICTIONS dont ces PAROLES D’ALLIANCE sont porteuses.
Et c’est très important pour les chrétiens, parce qu’on est au fondement même de l’instauration de l’Eucharistie : l’Eucharistie est proprement un MÉMORIAL de l’offrande du Christ Jésus à son Père dont il ne s’agit pas pour nous de nous souvenir — nous n’y étions pas — ; il s’agit pour nous d’INTÉRIORISER pour nous-mêmes les PAROLES qui nous relient rituellement, CHARNELLEMENT au dernier repas du Christ ; et par ce repas, qui nous relie à son sacrifice sur l’autel de la Croix, à sa mort et à sa résurrection. De sorte qu’on pourrait dire, en plagiant Moïse : « Jésus, le Verbe de YHWH fait chair, a tranché avec NOUS une ALLIANCE au Cénacle. Ce n’est pas avec les apôtres seulement que Jésus a tranché cette ALLIANCE, mais c’est avec NOUS ; nous, ici et aujourd’hui ; nous tous, les vivants. » Donc à chaque Eucharistie, nous voilà convoqués au dernier repas du Christ au cours duquel il attache le pain et la coupe à son offrande sur l’autel de la Croix ; un pain et une coupe par lesquels nous pouvons communier à cette offrande et recevoir, par Jésus, la GLORIFICATION des Enfants de DIEU — à savoir l’agrément de notre propre sacrifice par le Père dont le regard bienveillant nous élève jusqu’à Lui. Et fort de tout ça, voilà que les sources de toutes les BÉNÉDICTIONS nous sont ouvertes, à nous qui sommes païens, et c’est par Jésus, le Christ qui se révèle ainsi notre SAUVEUR ! Par Lui sont données les BÉNÉDICTIONS qui nous rendront vainqueurs même de la mort qui ne saura plus nous garder dans ses griffes.
Mais pour ça, il faut que nous fassions régulièrement MÉMOIRE de ce repas, une mémoire qui ne se résume pas au simple fait de communier mais qui demande que nous ÉCOUTIONS les paroles Et de la TORâH, Et de l’Évangile pour les GARDER. Sinon, comment comprendre que Jésus ait dit : « Ne comptez pas que je sois venu pour jeter à terre la TORâH ou les prophètes ; je suis venu non pour jeter à terre, mais pour apporter la plénitude. ‘ÂMéN, je vous parle ainsi : avant que ne passent que le ciel et le SOL, pas un seul YOD ni un seul tiret ne passera de la TORâH jusqu’à ce que tout soit advenu. — et de fait, quand vous enlevez une petite lettre ou un tiret en hébreu, vous changez complètement le sens des mots ! — Celui donc qui rejette un seul des plus petits de ces commandements et enseigne aux hommes à [faire] de même, il sera appelé le plus petit dans le Règne des Cieux — eh oui ! Parce qu’alors, les petits seront livrés à la MALÉDICTION, ce qui est profondément injuste ! —. Mais celui qui fait et enseigne [ces commandements] — c’est-à-dire celui qui les ÉCOUTE ces paroles pour les GARDER ET POUR LES TRANSMETTRE — celui-là sera appelé grand — il sera GLORIFIÉ — dans le Règne des Cieux. » (Mt 5,17-19).
J’espère que vous voyez à quel point travailler la TORâH éclaire vraiment les propos du Christ Jésus qui n’est pas venu — et là j’insiste — pour “remplacer” Moïse — ne disons jamais que Jésus serait le « nouveau Moïse » — ; Jésus est venu pour confirmer la TORâH de Moïse, parce que c’est la TORâH qui donne à Jésus de se manifester comme le Messie tant espéré. Et ça, c’est vraiment un enseignement constant et vénérable de toute l’Église, puisque dès le Ve siècle, saint Jérôme dira dans son commentaire du livre d’Isaïe — on l’a déjà souvent rappelé — : « Ignorer les Écritures — c’est-à-dire la TORâH, les Prophètes et les Écrits de sagesse —, c’est ignorer le Christ ! ».
Alors on va en rester là pour cette fois. Il me semble qu’on a déjà là de quoi méditer sérieusement sur notre vocation à ÉCOUTER la Parole de l’ALLIANCE pour la GARDER. Une Alliance dont la charte est donnée dans le Décalogue qui va suivre. On verra ça la prochaine fois. Je vous souhaite une belle méditation de ces premiers versets du ch. 5 du Deutéronome.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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YHWH existe, je l'ai rencontré !
Bonjour,
Nous avançons toujours pas à pas dans le livre du Deutéronome, de sorte qu’après les perspectives ouvertes par les v. 1 à 3 du ch. 5 qu’on a vus dans la dernière vidéo, les v. 4-5 prennent une tout autre dimension : bien sûr qu’il y a le récit en lui-même qui nous dit que Moïse, à l’HoRèV, était ce médiateur entre YHWH et le peuple — l’Exode le racontera d’une manière formidable. Mais si on a bien entendu les versets qui précèdent ; si effectivement CHAQUE GÉNÉRATION est convoquée à vivre rituellement, charnellement, cet événement de l’HoRèV que rappellent les v. 32 à 40 du ch. 4 ; alors ça veut dire que pour toutes les générations juives, mais aussi chrétienne, Moïse reste celui qui se tient entre YHWH et son peuple pour prononcer la Parole qui tranche l’ALLIANCE. Une Parole, vous vous souvenez, qui n’est pas simplement une exhortation morale ou idéologique, mais une PAROLE qui CONVOQUE et qui CRÉE ! Donc une PAROLE VIVANTE puisque, quand elle est REÇUE, ÉCOUTÉE et GARDÉE, elle transmet la VIE.
Alors ce que je nous propose de réfléchir dans cette vidéo, c’est d’abord une implication à côté de laquelle on risque de passer tellement ce que je vais énoncer semble évident alors même que les incidences, elles, sont tout à fait inattendues : quand je parle d’une PAROLE ÉCOUTÉE, je sous-entends ipso facto qu’un AUTRE QUE MOI la prononce face à moi, pour reprendre les termes bibliques : « YHWH a parlé vers vous face à face. » dit le v. 4. Mais aussitôt, lorsque j’entends cette parole, ce n’est pas seulement une voix qui entre en moi : c’est l’intuition qui apparaît qu’un AUTRE QUE MOI existe et qui me fait SORTIR DE MOI, sortir d’un monde autocentré qui me fait croire que je pourrais être autosuffisant. Or c’est là une révélation brûlante qui bouleverse une existence en faisant naître une HISTOIRE ! « YHWH a parlé vers vous face à face, sur la montagne, du milieu du feu ! »
L’illusion d’un monde autocentré, c’est la tentation du nourrisson : « Je crie, et voilà que le lait coule à flots. Je suis le roi ! Jusqu’au moment où l’esclave qui se précipite à mon service ose commettre un crime de lèse-majesté en disant : « NON » ! Quel toupet ! Ok, sauf que ce NON m’oblige, COMME UN FEU, à ÉCOUTER pour comprendre ce qui se passe ; comprendre que si je me sens roi dans MON MONDE, je ne suis néanmoins pas tout seul dans LE MONDE, et qu’il va falloir à tout le moins négocier. Ce « NON » prononcé par l’AUTRE m’oblige donc à SORTIR DE MOI et du monde illusoire que je m’invente ; et ce faisant, cette PAROLE de l’AUTRE fait naître en moi une CONSCIENCE.
Or précisément : nous assistons, avec la TORâH, à la NAISSANCE de la CONSCIENCE d’Israël. Et comme toutes les naissances, celle-ci n’est pas confortable : on voit bien qu’à chaque occasion, Israël tente de reprendre la main ; tente de négocier avec YHWH en disant : « Si tu ne fais pas telle chose pour MOI, on rentre en Égypte ! ». C’est la tentation idolâtre : « Puisque YHWH n’est pas contrôlable, on va voir d’autres divinités qui, elles, sauront nous servir ! » On est dans la confrontation Maître-esclave, dans la loi du plus fort !
Tout l’enjeu sera donc de comprendre par la suite que l’AUTRE n’est pas nécessairement un ennemi, mais un AUTRE qui vient à nous en AMI — un rôle délicat puisque l’AMI nous est donné pour nous délivrer de ce MOI autosuffisant qui nous emprisonne, et que paraisse en nous la CONSCIENCE. La CONSCIENCE non pas comme la capacité de rentrer “en soi-même” pour méditer ou réfléchir, mais tout au contraire comme cette capacité de SORTIR DE SOI pour se mettre À L’ÉCOUTE et consentir à brûler au feu une RENCONTRE ! « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous quand il nous parlait sur la route ? » (Lc 24,32). Voilà : encore une fois, la CONSCIENCE naît à partir d’une RENCONTRE ! Et tout le but de la TORâH est de préparer à cette RENCONTRE brûlante avec cet AUTRE qui est YHWH ; une RENCONTRE qui prend nom d’ALLIANCE. Sauf que la TORâH n’opère pas intellectuellement : elle opère à travers des récits, elle opère CHARNELLEMENT, et c’est beaucoup plus efficace !
Mais la TORâH va plus loin ! À travers le Deutéronome, voilà qu’on s’aperçoit que cette problématique ne concerne pas uniquement TOUT ISRAËL, mais concerne TOUT HOMME, dès le commencement ! Raison pour laquelle les rédacteurs vont poser cet objectif universel au fronton de la TORâH, dans les premiers chapitres de la Genèse ! Pour le dire rapidement : quand ‘ÈLoHîM crée ‘ÂDâM, ce dernier est tout frétillant à l’idée d’un monde paradisiaque où tout lui soit permis ! SAUF qu’un interdit — un « NON ! » — survient : « Tu ne mangeras pas de l’Arbre de la Connaissance du Bonheur et du Malheur ! » (Gn 2,17). Cet interdit sonne comme une incohérence dans le réel apparemment bien huilé qu’imagine ‘ÂDâM autour de sa propre personne. Ce « Non ! » l’oblige à considérer qu’il n’est pas le maître du monde, et qu’il lui faut composer avec un AUTRE QUE LUI. Et là, pas d’accord : il s’empare du fruit de l’arbre : « C’est moi le maître de ma vie ! » Sauf qu’il avait été prévenu : à partir du moment où il considère qu’il est le maître du monde ; à partir du moment où il prétend que son système égocentré se suffit à lui-même ; à partir de ce moment, parce que son système de perception du monde se prétend définitif et qu’il refuse que s’y immisce quelque incohérence que ce soit qui le détrônerait de sa superbe, le malheur fond sur ‘ÂDâM. Il croyait pouvoir se bénir lui-même, et voilà que la malédiction se saisit de lui et le tire vers la mort !
Alors ça fait déjà pas mal de temps qu’on parle, justement, de cette nécessité de « sortir de soi », sortir de son confort, etc. Et c’est vrai qu’on est en droit de se demander : « Mais pourquoi faut-il sortir de soi ? » Et là, j’aimerais vous proposer de passer par un détour inattendu, qui n’a formellement rien à voir avec la Bible mais qui la rejoint néanmoins complètement. Je veux parler — attention, tenez-vous bien ! — d’un THÉORÈME MATHÉMATIQUE établi en 1930, reconnu et admis par l’intégralité du monde scientifique, qu’on appelle le Théorème de Gödel. Et là vous vous dites : « Qu’est-ce qu’il va encore nous inventer ? »
Alors ce serait trop long à expliquer, je vous donne simplement l’énoncé en termes les plus clairs possible — et pardon à tous ceux qui connaissent ce théorème, parce que je vais nécessairement devoir caricaturer les affaires. Voilà l’énoncé : « Tout système logique humain — en rigueur de terme, il s’agit de logique mathématique, mais si on lit un auteur comme Olivier Rey, on comprend vite que les nombres impactent jusqu’aux structures les plus intimes de l’univers, y compris le vivant — Donc : « Tout système logique humain cohérent est nécessairement incomplet. »
Étonnant, oui ? En 1930, Kurt Gödel établit ce qu’on appelle le THÉORÈME D’INCOMPLÉTUDE mathématique, au sens où il démontre irréfutablement que tout système complet comprend toujours et nécessairement au moins une INCOHÉRENCE qui va faire qu’un système rationnel qui se prétendrait absolu ne l’est en fait JAMAIS. Dans son livre Explorateurs de l’Invisible, Jean Staune illustre ce théorème par le paradoxe du bibliothécaire : imaginons que pour classer ses livres, un bibliothécaire décide de les répartir en deux listes : ceux qui se citent eux-mêmes — “voir page X du même ouvrage” — et ceux qui ne se citent pas eux-mêmes. Une fois les catalogues terminés se pose une question : dans quelle liste insérer le catalogue des « livres qui ne se citent pas eux-mêmes » ? Celle des livres qui se citent eux-mêmes ou celle des livres qui ne se citent pas eux-mêmes ? Si le bibliothécaire le met dans la seconde — les livres qui ne se citent pas eux-mêmes —, alors le catalogue est incomplet puisqu’il devrait se mentionner comme un ouvrage qui ne se cite pas lui-même. Donc pour que le catalogue soit complet, le bibliothécaire l’ajoute dans le catalogue des ouvrages qui ne se citent pas eux-mêmes. Sauf que maintenant, le catalogue se cite lui-même ! Donc il faut que le bibliothécaire le place dans la liste des ouvrages qui se citent eux-mêmes ; oui, mais c’est le catalogue qui liste les ouvrages qui ne se citent pas eux-mêmes, donc en toute cohérence, il faut le retirer du catalogue. Sauf que si je le retire du catalogue, il ne se cite plus lui-même, donc je dois le remettre dans la première liste, et là, c’est le serpent qui se mord la queue : on ne peut pas décider dans quelle liste mettre ce catalogue qui en est réduit : soit à être complet, mais incohérent ; soit être cohérent mais incomplet… jamais les deux à la fois. Et Jean Staune de conclure : « En démontrant que tout système logique contient une proposition du type “où met-on le catalogue des ouvrages qui ne se citent pas eux-mêmes ?” (proposition que l’on appelle indécidable puisqu’on ne peut pas décider de l’endroit où l’on met le catalogue), il implique que tout système logique humain cohérent est forcément incomplet ; certes, on peut avoir des systèmes logiques complets, mais ils seront incohérents, ce qui est mortel pour un système logique ! » (Jean Staune, Explorateurs de l’Invisible, Guy Trédaniel éd. (2018), p. 280-281).
Dit autrement, c’est l’histoire du grain de sable dans le rouage trop bien huilé. Cette incohérence irréductible oblige à envisager qu’il y a nécessairement et toujours autre chose d’extérieur à tout système rationnel qui vise l’autarcie ; un au-delà du système qui OBLIGE à toujours envisager une possible SORTIE du système. Et ça, évidemment, vous le sentez bien, c’est juste contre-intuitif ! Et c’est très énervant — ça a déstabilisé complètement l’Académie des sciences mathématiques ! Hermann Weyl a écrit à l’époque : « C’est le paradigme même de la rationalité qui vient de voler en éclat ! » Kurt Gödel venait de démontrer LOGIQUEMENT que toute logique mathématique qui se voulait complète comportait nécessairement un moment illogique, indécidable…
Alors vous me direz : qu’est-ce que ça a à voir avec la Bible ? Eh bien : si les nombres font partie de la structure la plus fine du réel matériel, le théorème de Gödel signifie que dans le monde créé ; dans le monde dit « réel », rien n’est “complet” et ne le sera jamais. Ça signifie que RATIONNELLEMENT, ce monde sait dorénavant qu’il ne sait pas se suffire à lui-même : quoi qu’on fasse et quoi qu’on en dise, il subsiste toujours une incohérence rationnelle qui oblige le monde à ne pas se contenter de tourner illusoirement sur lui-même. Ça ne relève pas d’une “défaillance” du monde, mais tout au contraire de sa CONDITION D’EXISTENCE ! Le monde ne peut exister, jusque dans sa dimension mathématique la plus intime, que s’il n’est PAS complet ; que s’il ne se suffit PAS à lui-même, que s’il n’est à lui-même ni son origine, ni sa fin ! Wouaille ! C’est chaud de chaud ! C’est là où ça devient brûlant comme un FEU, parce que cette règle irréductible de l’INCOMPLÉTUDE touche par ricochets TOUT le réel — c’est même ce qui FAIT le réel, dans toutes ses dimensions. Cette démonstration oblige à considérer RATIONNELLEMENT que le RÉEL créé n’est pas, ne PEUT PAS être autosuffisant, et vous me voyez venir… Ça oblige à tout le moins à PENSER que Dieu — ou un principe spirituel, appelez-le comme vous voulez — existe nécessairement, au-delà de ce monde-ci ! C’est la fin de ce qu’on appelle le « matérialisme fort », c’est-à-dire le matérialisme radical. Et le pire, c’est que le coup de grâce vient de l’intérieur même de ce matérialisme puisque, mathématiquement parlant, il est établi depuis bientôt 100 ans que système rationnel ne SAIT PAS être complet ; le matérialisme radical ne SAIT PAS être autosuffisant ; ce qui l’oblige, LOGIQUEMENT parlant, à s’ouvrir à AUTRE CHOSE que lui-même ; voire à QUELQU’UN D’AUTRE, à une CONSCIENCE AUTRE que lui-même qui, pour reprendre les termes de la TORâH, lui parle FACE À FACE.
Alors encore une fois c’est un résumé infiniment trop rapide avec des raccourcis insupportables, j’en ai bien conscience, mais l’idée est là. Avec des conséquences assez étonnantes, ne serait-ce que parce que ce théorème de Gödel élargi démontre que la logique humaine sera toujours limitée ; autrement dit qu’elle est FAIBLE, non pas au sens de défaillante, mais au sens où elle a BESOIN, où elle est CONSTITUTIVEMENT faite pour s’éveiller à quelque chose ou à quelqu’un d’autre qu’elle-même ; elle est faite pour s’éveiller à la CONSCIENCE qu’elle se reçoit d’un autre et que c’est cette RENCONTRE, cette ALLIANCE qui lui fait se sentir VIVANTE ! Une vie qui n’est pas ENFERmée sur elle-même mais qui est en ouverture constante de soi à un autre que soi ; comme l’enfant qui, dès lors qu’il s’éveille à la nécessité de composer avec l’autre, commence à grandir en force et en sagesse ; commence vraiment sa marche pour devenir adulte. Et s’il refuse, c’est juste insupportable pour les parents de voir leur gamin s’ENFERmer par pur caprice dans un monde sur lequel il croit pouvoir faire une OPA.
Je pense ici au sermon dans la Cathédrale Notre-Dame auquel assiste Jacques Bernis, le héros du roman Courrier Sud, de Saint-Exupéry. Le prédicateur fait parler Dieu : « Je suis la source de toute vie. Je suis la marée qui entre en vous et vous anime et se retire. Je suis le mal qui entre en vous — non pas au sens où Dieu serait le mal, mais au sens où DIEU est un FEU ; et quand Il intervient pour nous sortir de nos ENFERmements, ça fait toujours mal, ça bouleverse nos plans, ça déchire nos certitudes — Je suis le mal qui entre en vous et vous déchire et se retire. Je suis l’amour qui entre en vous et dure pour l’éternité. […]
« Et vous venez me parler d’interpolations. Et vous venez dresser contre moi votre misérable logique humaine, quand je suis Celui qui est au-delà, quand c’est d’elle que je vous délivre !
Ô prisonniers, comprenez-moi ! Je vous délivre de votre science, de vos formules, de vos lois, de cet esclavage de l’esprit, de ce déterminisme plus dur que la fatalité — au sens qu’il nous délivre de la radicalité du déterminisme ; il nous délivre de l’idéologie scientiste, pas pas la science en elle-même évidemment —. Je suis le défaut dans l’armure. Je suis la lucarne dans la prison. Je suis l’erreur dans le calcul : je suis la vie.
Vous avez intégré la marche de l’étoile, ô génération des laboratoires, et vous ne la connaissez plus. C’est un signe dans votre livre, mais ce n’est plus de la lumière : vous en savez moins qu’un petit enfant ! Vous avez découvert jusqu’aux lois qui gouvernent l’amour humain, mais cet amour même échappe à vos signes : vous en savez moins qu’une jeune fille ! Eh bien, venez à moi. Cette douceur de la lumière, cette lumière de l’amour, je vous les rends. Je ne vous asservis pas : je vous sauve. De l’homme qui le premier calcula la chute d’un fruit et vous enferma dans cet esclavage, je vous libère. Ma demeure est la seule issue, que deviendrez-vous hors de ma demeure, hors de ce navire où l’écoulement des heures prend son plein sens ; comme, sur l’étrave luisante, l’écoulement de la mer qui ne fait pas de bruit mais porte les Îles ? » (Antoine de Saint-Exupéry, Courrier Sud, Livre de poche (1991), p. 60.) Alors d’accord, Jacques Bernis en conclut à un sermon désespérant— Saint-Exupéry est athée —, mais en fait c’est tout le contraire ! Plus encore aujourd’hui qu’à son époque, l’homme s’ENFERme dans ses calculs : il n’arrive plus à voir que des algorithmes partout et y réduit le réel au point d’imaginer que la chair devra disparaître pour laisser la place à un monde purement mathématique. Sauf qu’il y a le Théorème de Gödel !!! Un tel monde n’est pas possible, il est même PAS CONCEVABLE ! Et là où l’homme tente malgré tout de le mettre en place, coûte que coûte, il monte les murs de sa propre prison… Mais heureusement, un AUTRE veille, au-delà du système.
Je voudrais ici vous lire un autre texte qui traduit à sa manière l’irruption de DIEU dans nos vies ENFER-mées, de Hans Urs von Balthazar, un des plus grands théologiens du XXe siècle, dans un magnifique petit ouvrage qui s’intitule Le Cœur du Monde : « Mon fils, entre le milieu de la nuit et le froid du matin, au moment où ils me traînèrent pour la deuxième fois devant le juge, j’ai séjourné dans ta prison. Seul, battu de verges, objet d’opprobres, j’étais enchaîné à un poteau. Je pensais à toi et au jour qui allait poindre. Ta prison, je l’ai goûtée, rien de son odeur de pourriture amère et fétide ne m’a été épargné. Toutes les prisons de tous les êtres qui se débattent désespérément contre la liberté de Dieu, je les ai traversées jusqu’à la cellule la plus secrète. Là, au fond, au plus bas de toi-même, dans l’obscurité et la honte de ton impuissance et de ton refus, j’ai choisi ma demeure. De même qu’une petite racine fait se briser les pierres les plus lourdes — voilà l’incohérence qui se glisse impitoyablement dans un système trop bien clos, ENFER-mé sur lui-même —, ainsi j’ai doucement ébranlé la paroi de ta prison. Maintenant encore tu te raidis avec la force du désespoir contre mon amour, mais déjà ton bras commence à faiblir, peu à peu tu cèdes à ma poussée.
Je ne trahirai pas le mystère par la force duquel j’ai surmonté ton désespoir (…) Ma grâce a pu le réaliser : voilà ce qui importe seul. Lorsqu’enfermé en toi-même, tu méditais avec angoisse sur la profondeur de ton échec — l’échec de ton système autosuffisant où tu te croyais le centre du monde —, tu étais étrangement divisé en ton être, tu étais séparé de toi-même. Ton unité — dans cet embrassement douloureux de la volonté et du repentir — était une pure apparence. Légèrement, sans que tu le remarques, je t’ai dissocié, et je t’ai donné la véritable unité.
Tu ne t’inquiètes plus de progresser, et c’est bien ainsi. Tu ne ferais jamais que progresser en direction de toi-même. Jamais les pas accomplis par toi ne t’auraient fait réellement avancer. À présent, dépose tout souci au sujet de toi-même, laisse le mort enterrer ce qui est mort, détourne ton regard de la misère de tes liens et dirige vers ma misère un long regard attentif. Tu verras ce que tu ne voulais pas croire. Ta prison est devenue ma prison, et ma liberté ta liberté. Ne cherche pas à savoir comment cela est arrivé, mais réjouis-toi, et rends grâces. » (Hans Urs Von Balthasar, le Cœur du Monde, éd. Saint-Paul (1997), p. 151).
Alors vous allez me demander pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ici ? Eh bien parce que le Décalogue, et derrière lui toute la TORâH jusqu’à l’Incarnation du Verbe à laquelle elle prépare ; tout ça consiste à mettre en lumière l’incohérence de tout système par lequel les hommes tentent de faire main basse sur le monde en se proclamant les maîtres d’un univers que rien ni personne — selon eux — ne pourrait les empêcher de s’approprier. Quoi qu’on fasse, il y aura toujours une incohérence rationnelle qui sanctionnera notre fantasme d’autodétermination, et qui fera qu’on devra s’ouvrir à au moins « quelque chose d’autre » que soi, sinon quelqu’un d’autre, qui échappera TOUJOURS à tous nos calculs asséchants. Quelque chose qui s’insinuera TOUJOURS dans nos plans à notre insu ; qui fera qu’on sera TOUJOURS comme obligé de tenir compte d’un nécessaire grain de sable dans le rouage trop bien huilé de notre confort illusoire. Et c’est TANT MIEUX !
C’est cette incohérence irréductible qui nous fait peur comme un feu détonnant au sommet de la Montagne Sacrée menaçant tous nos systèmes idéologiques : « YHWH a parlé vers vous face à face, sur la montagne, du milieu du feu. Moi-même, je me tenais entre YHWH et vous en ce temps-là, pour vous rapporter la parole de YHWH, car vous avez eu peur en face du feu et vous n’êtes pas montés sur la montagne [où YHWH parlait] (suit le Décalogue). » (Dt 5,4-5). Sauf que, par la médiation de Moïse, cette incohérence se présente à nous comme la porte d’accès à YHWH ; YHWH qui s’avance comme un ami — il n’est pas contre nous — ; comme un Père — Je ne suis pas à moi-même mon créateur ; Un autre que moi est le Créateur pour glorifier cette création en portant sur elle un regard qui l’élève à plus grand qu’elle-même et qui la rend VIVANTE — ; YHWH qui s’avance comme un Époux pour s’ALLIER à nous ; YHWH qui Lui-même consent au mystère de cette Altérité nécessaire et vivante ; EN Lui-même d’une part : le Père est comme posé en regard du Fils, et inversement ; et d’autre part HORS DE Lui-même, dans l’Esprit, puisqu’il s’allie à l’homme comme cet autre que Lui-même à qui Il fait ainsi hériter de l’Éternité — « Qu’est-ce que l’homme pour que tu en fasses mémoire ? Le fils de l’homme, que tu le sanctionnes ? » dit le Ps 8 (Ps 8,5).
Voilà : à sa manière, cet empêcheur de tourner en rond, ce caillou dans la chaussure, la TORâH nous le dévoile comme YHWH en Personne qui révèle une incohérence dans le monde pour le sauver de son illusion de complétude ; le sauver de son MiTseRaYîM intérieur qui le rend esclave de lui-même, du monde qu’il s’invente fébrilement mais dans lequel, sans le savoir, il s’autodétruit. Et cette incohérence est portée par le DÉCALOGUE, comme une SANCTION qu’on pourrait formuler ainsi : « tu ne t’ENFER-meras pas et tu t’ouvriras à YHWH, le seul Dieu vivant qui te donne la VIE ! » YHWH est donc cet AUTRE qui vient dans le monde par la porte de cette incohérence irréductiblement inscrite dans la Création ; qui ne laisse pas l’homme s’ENFER-mer sur lui-même mais le convoque, comme un feu, à emprunter le chemin qui va paradoxalement le mener EN lui-même — « Va vers toi ! » —, si tant est qu’on ne peut aller vers soi que si un AUTRE, qui est EN NOUS, nous y appelle.
Alors oui : YHWH a créé le monde imparfait ? Il le fallait pour ne pas s’y ENFER-mer et mourir sous les coups d’un déterminisme aveugle plus implacable que ce que nos anciens appelaient la fatalité. Il nous a créés faibles ? Il le fallait pour que nous consentions à avoir besoin d’un autre que nous-mêmes, pour pouvoir sortir de nous-mêmes et consentir à la merveille que nous sommes. Et rappelons-nous : être faible ne signifie pas être défaillant, tout au contraire : « C’est lorsque je suis faible que je suis fort ! » (2Co 12,10).
Voilà pourquoi YHWH ne laisse pas son peuple se laisser aller. Voilà pourquoi il envoie Moïse pour le cadrer ; voilà pourquoi il le sanctionne par les Prophètes chaque fois que le peuple prétend pouvoir s’affranchir de YHWH et de sa PAROLE D’ALLIANCE. Voilà pourquoi YHWH va même jusqu’à s’unir en Personne à cette création imparfaite en prenant chair de notre chair ; en assumant la faiblesse de la CHAIR et en nous manifestant que si, du cœur de cette faiblesse constitutive de cette CHAIR, nous consentons à ce chemin vers l’autre et donc au cadre de ce chemin que dessine le Décalogue, alors la CHAIR est LIBÉRÉE de son MiTseRaYîM intérieur, de ses frontières ENFER-mantes ; et elle peut, dès ici bas, vivre non pas en complétude mais en PLÉNITUDE, et porter, sans peur, un fruit qui demeure. Or voyez, une telle CHAIR libérée, la mort ne sait pas la garder.
Alors je vous laisse méditer tout ça pour vous préparer à relire le Décalogue. Peut-être en repensant à notre propre histoire et à la manière dont elle a été visitée, à de multiples occasions, par cette incohérence inconfortable par laquelle, paradoxalement, se glissait une GRÂCE — de manière d’autant plus violente que notre système RATIONNEL était bouclé, cadenassé dans nos certitudes, dans nos complétudes illusoires qui ne nous entraînaient que vers la satisfaction de nous-mêmes, au détriment des autres que nous n’estimions plus que par rapport à nous et à notre orgueil —. Faire mémoire alors de la manière dont Jésus, le Verbe uni à cette CHAIR faible, incomplète, nous a relevés, à la fois avec vigueur et douceur : « N’aie pas peur, je viens surmonter ton désespoir car je te donne une mission à tenir dans ce monde. Tu en as la force — AVEC MOI, parce que sans moi, tu ne peux rien faire : tu t’enfermerais à nouveau dans une complétude mortelle — ; tu en as la force avec Moi, donc, et avec Moi, tu vas pouvoir soulever des montagnes et aplanir le chemin de la vie pour toi et tes frères. Car « Moi, YHWH, Je suis ton ‘ÈLoHîM qui t’ai fait sortir du sol de MiTseRaYîM, de la maison des esclaves. » (Dt 5,6) dit le v. 6 que verrons la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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Le décalogue: 10 Paroles de libération
Bonjour,
Nous commençons aujourd’hui la lecture de la seconde version — du moins pour nous qui avons déjà entendu celle du livre de l’Exode — ; nous commençons donc la lecture de la seconde version du Décalogue, au ch. 5 du Deutéronome. Vous vous rappelez que dans l’histoire, il s’agit en fait de la PREMIÈRE version du Décalogue, promulguée au VIIe siècle par le roi Yo’ShiYâHOu/Josias ; mais comme on l’a déjà dit, si le rédacteur positionne cette première version en second dans la TORâH, en forme de RELECTURE, c’est sans doute qu’il a ses raisons qu’il nous faudra tenter de découvrir.
Alors j’espère que vous ne pensez pas que tout ce qu’on a dit dans la dernière vidéo, en introduction de cette relecture, soit vain ! Bien au contraire : à présent, le Décalogue ne se présente plus comme un simple catalogue de lois morales mais bien comme ces 10 PAROLES — déca-logue — par lesquels YHWH dévoile cette INCOMPLÉTUDE inhérente à Israël — tout peuple élu qu’il soit, puisque cette INCOMPLÉTUDE est la marque de tout le réel créé, et en particulier les systèmes que l’homme met en place, ne serait-ce que pour sa survie dans ce monde. Pour le dire en termes philosophiques, tout système humain est prisonnier de ce que Hegel appelait la « dialectique du maître et de l’esclave » : quoi qu’il fasse, l’homme mettra toujours en place le seul système dont il croit que dépend sa survie : la loi du plus fort. Pour Hegel, le plus fort — le Maître —, c’est celui qui préfère mourir plutôt que d’abdiquer sa liberté ; l’esclave, c’est celui qui préfère abdiquer sa liberté plutôt que de mourir. Sauf qu’il ne s’agit pas ici de liberté intérieure : il s’agit de la liberté de mouvement qui consiste à revendiquer la possibilité de faire ce que je veux, quand je veux, si je veux, comme je veux et avec qui je veux. C’est tout ! Et Hegel montre bien que dès qu’il le peut, s’il en reçoit ou s’il s’en donne les moyens, l’homme — comme la femme — cherche à s’imposer comme maître face aux autres qu’il transforme ipso facto en esclaves. Qu’on le veuille ou non, dès qu’il le peut, l’homme cherche à imposer ses croyances aux autres. C’est comme ça, et c’est ce qu’interrogeront les premiers ch. de la Genèse. Sauf que ce système — dont le nerf est la convoitise — se heurte à une INCOHÉRENCE qui se glisse dans l’édifice, à savoir : la liberté intérieure, dont le nerf est cette fois la GRATUITÉ, ou l’AMOUR, ou l’OFFRANDE DE SOI, comme vous préférez.
Le système organisé sur la dialectique du maître et de l’esclave va nier cette liberté intérieure de toutes ses forces — ce qu’on appelle le déterminisme —, mais tant qu’il y aura des hommes et des femmes capables de perdre leur vie, non parce qu’ils renoncent à leur liberté mais au contraire PARCE QU’ils sont INTÉRIEUREMENT libres, le système régi par la dialectique du maître et de l’esclave sera obligé d’abdiquer sa complétude illusoire et de s’ouvrir à autre chose ! Et ce n’est là rien de moins que le défi de la TORâH qui place le Décalogue au fondement de cette liberté intérieure ; un défi que Jésus mènera à son achèvement en témoignant jusqu’au bout de la victoire de la liberté intérieure sur tous les maîtres du système ; de la victoire de l’ALLIANCE du Fils avec le Père dont le Christ Jésus, en tant que Verbe fait Chair, reçoit l’héritage pour transmettre la vie éternelle à tous ceux qui mettront leur foi en Lui.
Et aujourd’hui où le monde se complexifie à outrance sur la seule base de l’argent dictateur, les coups de boutoir de la TORâH et de l’Évangile sont d’autant plus essentiels, pour que les peuples du monde ne tombent pas dans le comble d’un non-sens par une sorte de retour au chaos initial. Ce serait une décréation, en quelque sorte… sauf que l’homme n’a heureusement pas les moyens de défaire ce qu’a fait YHWH. Il en est empêché encore et toujours par cette INCOHÉRENCE inhérente à tout système créé, depuis sa structure mathématique la plus intime jusqu’aux productions les plus inattendues de la pensée rationnelle.
Ainsi YHWH veille-t-Il au grain, Lui qui n’appartient pas à ce système mais qui ne cesse de l’ouvrir pour que l’homme puisse donner le meilleur de soi ! La condition est que l’homme consente à la gratuité, à l’amour, à l’HÉRITAGE qui lui est offert sans y introduire la convoitise ; et pour ça, voici cet homme convoqué à trancher une ALLIANCE avec cet AUTRE que lui-même, qui non seulement se présente à lui comme une TRANSCENDANCE irréductible, mais qui s’offre à lui comme un ALLIÉ, en vue d’une RENCONTRE ! Et d’une rencontre NUPTIALE s’il vous plaît.
Toute la difficulté vient de ce que c’est précisément l’ALLIANCE qui révèle à l’homme son INCOMPLÉTUDE ; qui lui révèle que le monde dans lequel il s’enferme, un peu comme la caverne de Platon, est en fait une prison inconsciente. C’est un MiTseRaYîM dont cette TRANSCENDANCE seule est capable, par l’ALLIANCE tranchée avec l’homme, de le faire SORTIR pour le faire MONTER jusqu’à la liberté intérieure qui compose l’héritage de la vraie vie.
Eh bien : le Décalogue est précisément donné pour préserver à tout le moins la POSSIBILITÉ de cette RENCONTRE : « Ne convoite pas ! » C’est-à-dire n’attire pas l’AUTRE dans ta prison, parce que tu ne ferais que l’assassiner ! Consens à ce que l’appel à cette RENCONTRE te travaille dans toutes les directions : le prochain, le père et la mère, le rassemblement fraternel du ShaBaT — il y a aussi les grandes fêtes, mais elles ne concernent pas le Décalogue qui, lui, pose les fondements. En revanche, s’il n’y a pas de ShaBaT, il n’y aura pas de fêtes. Le ShaBaT est donc vraiment le principe de tout rassemblement.
Enfin, quoi qu’il en soit, tout ça est donné pour que l’homme devienne et surtout reste VIVANT, pour qu’il donne la vie. Et en vue de ce dessein, l’homme est convoqué à emprunter le chemin de sa faiblesse constitutive — cette faiblesse sans laquelle il mourrait d’esseulement — : qu’il le veuille ou non, l’homme est un être de RENCONTRE, en quoi d’ailleurs il est à l’image de YHWH. Or pourquoi avoir créé un être de RENCONTRE si c’est pour le laisser à lui-même ? Eh bien précisément : en pleine cohérence avec son projet, la TORâH présente YHWH comme cet AUTRE que l’homme ; comme son ‘ÈLoHîM VENANT À SA RENCONTRE pour le faire SORTIR de sa réclusion cauchemardesque où disparaît le sens même de son existence — cette fameuse RENCONTRE ; ce que la TORâH désigne comme son MiTseRaYîM intérieur.
À charge néanmoins pour l’homme, redisons-le, de CONSENTIR à cette nécessaire RENCONTRE, c’est-à-dire d’une part RENONCER à toute velléité autocratique ; et d’autre part s’ouvrir à une sortie possible de ce monde assassin qui, dans son aveuglement, lui paraît pourtant la norme. Quoi qu’il arrive, YHWH ne sauvera pas l’homme sans son libre consentement. Et en disant ça, on est complètement dans l’esprit du Deutéronome pour qui : « Choisis la VIE ! » est le cri par excellence de YHWH à son peuple — dans la tradition sacerdotale, ce cri devient : « Consacre-toi ! », mais c’est la même chose.
Bon, alors maintenant, concernant l’étude du Décalogue en lui-même dans sa version deutéronomique, comme elle est tout de même très proche de celle de l’Exode, je vous renvoie aux vidéos concernées pour les articles identiques.
Pour le contexte deutéronomique, remarquons simplement que le Décalogue est entouré par les v. 4-5 et le v. 22 qui l’encadrent dans une inclusion qui fait sens. On a donc là une unité littéraire qui vaut pour elle-même.
D’autre part — mais on l’avait déjà remarqué à propos de la version de l’Exode — on peut lire ce Décalogue comme un FORMULAIRE D’ALLIANCE dont Moïse vient de parler aux v. 2-3. Je vous rappelle : le formulaire d’alliance est structuré par une titulature adossée à un prologue historique qui énonce les bienfaits du roi ; suivi d’une stipulation générale, de stipulations particulières, d’un appel à témoins et de l’énoncé des bénédictions pour ceux qui appliqueront les règles et des malédictions pour ceux qui ne les appliqueront pas.
Du coup, on peut lire le v. 6 comme une titulature et un prologue historique de l’ensemble : « Moi-même, YHWH, ton ‘ÈLoHîM, Je t’ai fait sortir du sol de MiTseRaYîM, de la maison des esclaves ! » (Dt 5,6). Là, on n’est pas dépaysé, puisque c’est ce qu’on a entendu au début du ch. 4.
On peut ensuite considérer le v. 7 comme la stipulation fondamentale qui préside à toutes les autres : « Il ne sera pas pour toi d’autre ‘ÈLoHîM en face de Moi » (Dt 5,7), suivi des stipulations particulières développant d’une part l’interdiction des vaines idoles, du v. 8 au v. 11 ; d’autre part le commandement positif du ShaBaT et celui de la gloire à rendre aux parents, du v. 12 à 15 ; et enfin les interdits fondamentaux qui déclinent en fait, quand on les prend à l’envers vous vous souvenez, les étapes qui mènent au meurtre, du v. 16 au v. 21.
Alors formellement, manque à ce formulaire d’alliance l’appel à témoins et les malédictions / bénédictions conditionnelles. Sauf qu’au v. 22 paraissent les fameuses tables de pierre, dont on se rappelle que la fin du livre de l’Exode les nomme — selon la tradition sacerdotale — les TABLES DU TÉMOIGNAGE (Ex 31,18 ; 32,15 ; 34,29) : donc on peut les reconnaître comme les témoins en question. Et à tout le moins, notre ch. 5 s’achève par des paroles de bénédiction conditionnelle qui encadrent tout le chapitre à travers l’impératif de GARDER les paroles de YHWH, à savoir GARDER — donc APPRENDRE — le Décalogue : « Gardez [les paroles] pour faire comme YHWH, votre ‘ÈLoHîM vous l’a ordonné. Ne vous écartez ni à droite, ni à gauche, sur tout le chemin où YHWH votre ‘ÈLoHîM vous commande d’aller afin que vous viviez pour votre bien et prolongiez les jours sur le sol dont vous héritez. » (Dt 5,32-33).
Donc le schéma d’Alliance concernant le contexte du Décalogue deutéronomiste est tout à fait défendable, de façon à ce que ces 10 paroles ne soient pas considérées simplement comme une sorte d'astéroïde qu’on pourrait extraire de son contexte pour en faire une entité indépendante du reste, comme on peut le voir dans certains catéchismes. Non : définitivement, le Décalogue s’inscrit dans une HISTOIRE de libération de l’esclavage intérieur ; de la libération d’un système de pensée par lequel l’homme se perçoit aveuglément non seulement comme autosuffisant, mais toujours supérieur aux autres : « Le mal ne va pas m’atteindre ! »
En science cognitive, on reconnaît au moins trois “croyances” fondamentales qui habitent tout un chacun, dont celle-ci : « Je ne mourrai pas demain. », c’est la même chose. Or ce principe de no limit, pourrait-on dire, est en fait terrible, parce qu’il est mensonger : c’est le propos même du serpent de la Genèse qui ouvre à toutes convoitises l’individu qui se perçoit comme un système non seulement autosuffisant mais invulnérable. Et dans un tel monde évidemment, je m’autorise à pouvoir tout faire : « Je suis Tout-Puissant, Je suis dieu dans mon monde ».
Du coup, HEUREUSEMENT que l’AUTRE TRANSCENDANT — que les judéo-chrétiens appellent YHWH, ou le Père et le Fils, comme vous préférez — ; heureusement donc que l’AUTRE TRANSCENDANT, l’AUTRE CRÉATEUR a établi une faille, une incohérence irréductible qui subsiste mathématiquement, rationnellement parlant dans tout système créé, dans tout le réel créé pour empêcher l’homme de s’auto-incarcérer dans ses aveuglements ! C’est la révélation de cette faille que Jésus appelle « la Vérité tout entière » dans saint Jean ; une Vérité qui ne dit en fait qu’une seule chose : c’est que si l’homme est CONSTITUTIVEMENT FAIBLE, il ne s’agit aucunement d’une défaillance mais d’une GRÂCE pour que l’homme ne puisse jamais se fermer irrémédiablement à une possible ALLIANCE, donc à une RENCONTRE à laquelle le convoque cet AUTRE TRANSCENDANT. Parce que c’est là que commence l’HISTOIRE, toute HISTOIRE, comme un CHEMIN qui nous conduit l’un vers l’autre. Et là où il y a une histoire — une histoire à raconter —, là commence la VIE . C’est en ce sens que Jésus prononcera ces paroles avec une plénitude inégalée : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » (Jn 14,6).
En définitive, ce que nous présente la TORâH, ce n’est jamais qu’une HISTOIRE ! Mais une HISTOIRE à travers laquelle se dévoile YHWH qui convoque chaque génération d’Israël à rester ouverte à ce chemin. C’est donc dans le cadre de cette HISTOIRE d’ALLIANCE qu’il devient alors possible d’ÉCOUTER le Décalogue pour le GARDER comme une RESSOURCE DE VIE, dit autrement comme une BÉNÉDICTION ; sans quoi on aura beau l’apprendre par cœur, on le transformera en un pur traité de devoirs ou de valeurs ; comme un pur catalogue d’autolimitation interne au système, mais on passera à côté de la VIE que le Décalogue vient insuffler à Israël. Une VIE au sens fort qui ne passe que par le dévoilement de l’AUTRE TRANSCENDANT dont la convocation envoie à l’homme un message juste essentiel : tu n’as pas la main sur le monde, et encore moins sur le divin. En revanche, si tu consens à me rencontrer en profondeur, alors tout te seras remis entre tes mains, tout te sera donné, mais… comme un HÉRITAGE !
Alors on l’a dit, on ne va pas refaire un commentaire complet du Décalogue — il y en a déjà deux sur le site de La Bible en Tutoriel : l’un à propos du livre de l’Exode, l’autre dans le cadre de : “La Foi en Tutoriel”, toujours sur le même site —. On va ici se contenter d’insister sur un ou deux points de compléments et sur les quelques variantes par rapport à Ex 20, principalement les v. 12 à 15 sur le ShaBaT, le v. 16 et le v. 21.
Commençons par un petit focus sur le v. 6. Ce verset est on ne peut plus solennel — comme du reste au ch. 20, v. 2 de l’Exode — puisqu’il commence par « MOI-MÊME, YHWH, ton ‘ÈLoHîM » = אָֽנֹכִ֖י֙ יְהוָ֣ה אֱלֹהֶ֑֔יךָ ‘âNoKhî YHWH ‘ÈLoHèYKhâ, en hébreu —, une expression suffisamment rare pour qu’on puisse la rapprocher des quelques autres textes où YHWH se positionne de cette manière : d’abord dans le livre de YeSha“eYâHOu/Isaïe, au ch. 51 : « MOI-MÊME, YHWH, ton ‘ÈLoHîM, Je dompte la mer et Je fais rugir les flots. Mon nom est YHWH des rassemblements. » (Is 51,15) — on traduit souvent TseVâ‘OT par « armées », mais ce mot signifie plus généralement les RASSEMBLEMENTS, par opposition à la DISPERSION. Donc dans un contexte rédactionnel très marqué par l’épreuve de l’Exil, YHWH TseVâ‘OT, c’est avant tout le DIEU QUI RASSEMBLE.
On retrouve par ailleurs ce MOI solennel de YHWH chez le prophète HOShé“a/Osée, ce fameux prophète dont je n’arrête pas de vous parler, d’autant plus essentiel que c’est lui qui a introduit la vision de YHWH comme l’Époux de son peuple. Or on l’a bien compris maintenant, c’est dans le cadre des épousailles qu’il faut entendre l’ALLIANCE. Et comme par hasard, HOShé“a est un prophète du Royaume du NORD, le Royaume d’Israël proprement dit, très attaché à la tradition de la sortie de MiTseRaYîM : les prophètes du Royaume du Nord y reviennent constamment, plus que ceux du Royaume du Sud, du moins avant l’Exil. Après, les deux traditions se mêlent l’une à l’autre par la force des choses.
Toujours est-il que HOShé“a est envoyé par YHWH pour dénoncer le piège des idoles dans lequel tombe le Royaume du Nord, et après avoir menacé de disperser le peuple, voilà que YHWH annonce un retour toujours possible si Israël, évidemment, retrouve le chemin de la fidélité à l’ALLIANCE : « MOI-MÊME, YHWH, ton ‘ÈLoHîM dès le sol de MiTseRaYîM ! Je te ferai encore habiter dans les tentes comme aux jours de la Rencontre. » (Os 12,10) ; et un peu plus loin : « MOI-MÊME, YHWH, ton ‘ÈLoHîM dès le sol de MiTseRaYîM ! D’ ‘ÈLoHîM, tu n’en connais pas, sinon Moi ! Hors Moi, pas de sauveur ! » (Os 13,4). On reconnaît bien les intonations du Décalogue ! Alors il y a aussi le Ps 81 dans le même sens, mais somme toute, cette expression étant d’une part assez rare et faisant essentiellement partie du corpus prophétique d’autre part, on peut en déduire que c’est plutôt la tradition prophétique qui est présente dans le MOI-MÊME du Décalogue, c’est-à-dire un MOI solennel, un MOI SAUVEUR et RASSEMBLEUR que le Décalogue enracine ainsi dans la TORâH de Moïse pour lui donner sa légitimité pour TOUT ISRAËL, par-delà les générations.
N’oublions jamais ce point : la TORâH est donnée pour fonder ce qui fait sens dans l’histoire de toutes les générations des enfants d’Israël. À partir de l’époque royale et de l’effondrement auquel elle a conduit — d’abord pour le Royaume du Nord qui vient se réfugier sur le territoire de Juda suite à l’invasion assyrienne ; puis pour le Royaume de Juda écrasé par la puissance babylonienne —, les scribes envoyés en Exil s’interrogent. Et dans la lignée du roi Yo’ShiYâHOu/Josias, ils vont se mettre à l’écoute de toutes les traditions des clans du Sud comme du Nord qui ont afflué à Jérusalem. Il ne faut pas oublier que tous vénèrent YHWH, mais chacun à sa manière, chacun selon sa mémoire propre, à savoir ce qui concerne d’une part les origines patriarcales particulières à chaque tradition, et d’autre part les événements, les choix politico-religieux que collecteront les livres historiques et les livres prophétiques.
À partir de là, l’école deutéronomiste fait une REPRISE pour en tirer les leçons qui s’imposent et surtout pour discerner quels sont les ressorts internes qui permettent d’hériter de la bénédiction de l’ALLIANCE. Une ALLIANCE dont les scribes valident l’enracinement dans le projet de Salut d’Israël, dès l’époque de la sortie de MiTseRaYîM et dont la figure de Moïse va devenir la FIGURE principale. Ensuite, c’est vrai qu’il faudra aussi expliquer comment et pourquoi Israël s’est retrouvé en MiTseRaYîM : ce sera tout l’objet du livre de la Genèse qui constitue le prologue patriarcal à la TORâH de Moïse. En articulant les différentes traditions patriarcales en une seule famille, la Genèse pose avant tout cette question : pourquoi, au milieu des nations, Israël a-t-il été choisi par YHWH ? Comment YHWH s’est-Il révélé à ce noyau familial dont on nous dit qu’il remonte aux traditions d’AVeRâHâM, YTseRâQ et Ya”aQoV. Et la réponse est pour ainsi dire tout entière incluse dans ce MOI-MÊME solennel du Dieu LIBÉRATEUR, YHWH TseVâ‘OT, le DIEU Rassembleur de YeSha“eYâHOu/Isaïe, avant même qu’Il ne se révèle comme le Dieu Créateur de l’univers.
Du coup, si celui qui promulgue la TORâH — YHWH en l’occurrence — se fait connaître avant toute chose comme LIBÉRATEUR, pour la tradition deutéronomiste, c’est que toute la TORâH qui émane de Lui est porteuse de LIBÉRATION. Ce qui veut dire que chacun des impératifs du Décalogue qui suit, qu’il soit positif ou négatif, est un impératifs LIBÉRATEUR : Consentir à recevoir YHWH comme le Dieu Unique est libérateur ; rejeter les autres dieux est libérateur ; vivre le ShaBaT est libérateur ; glorifier son père et sa mère est libérateur ; etc. Du coup, on comprend que la fidélité à laquelle TOUT ISRAËL est appelé est en définitive une fidélité LIBÉRATRICE.
Bien. Alors, à propos des v. 7 à 11 concernant le rejet des divinités et le respect absolu du Nom de YHWH, pas de variante significative avec le texte d’Ex 20. Donc je vous renvoie à ce que nous en avons dit dans les vidéos concernées.
Il faut s’arrêter en revanche sur l’impératif du ShaBaT qui motive ce commandement non, comme en Ex 20, sur la structure en 6 jours de la Création suivi d’un 7ème jour qui renvoie à Gn 1, mais encore et toujours sur cette fameuse sortie de MiTseRaYîM. Ce qui semble montrer que la première rédaction du Décalogue, au Sud, ignore le ch. 1 de la Genèse concernant la création en six jours, qui appartient à la tradition sacerdotale de Jérusalem. Cette tradition interviendra par après — elle rédigera le ch. 1 de la Genèse, elle développera l’édification du sanctuaire du désert, elle composera le livre du Lévitique, etc. — Mais en ce qui concerne la promulgation de cette version du Décalogue qui date du roi Yo’ShiYâHOu, le récit fondateur est d’abord celui de la libération de MiTseRaYîM.
Alors on peut se demander : pourquoi ne pas avoir corrigé pour tout unifier au moment de clore la rédaction de la TORâH avec chaque école ? Mais précisément parce qu’il ne s’agit pas de réviser la tradition ! Il s’agit d’en recueillir les différentes strates en les respectant. Ce sera ensuite le travail des rabbins et des scribes de manifester la cohérence de cette TORâH aux multiples facettes en commentant les diverses versions qu’elle contient : ça donnera ce qu’on appelle la Tradition Orale, la TORâH SheBè“âL PèH — la « TORâH sur la bouche » — absolument indispensable pour entendre la TORâH écrite, la TORâH SheBiKheTâV. Dit autrement : on a d’une part la TORâH écrite qui est close : on n’y ajoute rien, on n’en retranche rien. Rappelons-nous Jésus : « Ne comptez pas que je sois venu pour jeter à terre la TORâH ou les prophètes ; je suis venu non pour jeter à terre, mais pour apporter la plénitude. ‘ÂMéN, je vous parle ainsi : avant que ne passent que le ciel et le SOL, pas un seul YOD ni un seul tiret ne passera de la TORâH jusqu’à ce que tout soit advenu. Celui donc qui rejette un seul des plus petits de ces commandements et enseigne aux hommes à [faire] de même, il sera appelé le plus petit dans le Règne des Cieux. Mais celui qui [les] fait et [les] enseigne, celui-là sera appelé grand dans le Règne des Cieux. » (Mt 5,17-19). Et puis d’autre part, on a la TORâH Orale, c’est-à-dire la somme des interprétations des commentateurs autorisés, compétents, qui éclairent le sens de la TORâH Écrite. La TORâH Orale est là pour veiller à ce que l’unité de l’interprétation soit respectée ; une interprétation qui ne cesse jamais de se renouveler : et c’est à travers cette interprétation sans cesse reprise qu’on sent à quel point la TORâH Écrite est VIVANTE : elle donne la VIE à chaque génération qui scrute la TORâH de Moïse qui elle-même est le fruit de la collection des traditions qui l’ont gardé en mémoire, chacune pour sa part. Jusqu’à ce que les scribes, en Exil, les compilent en une seule et grande épopée inspirée.
De ce point de vue, il faut bien comprendre que le Nouveau Testament, comme on dit, n’est jamais qu’une TORâH SheBè“âL PèH chrétienne, une INTERPRÉTATION CHRÉTIENNE de la TORâH SheBiKheTâV, la TORâH de Moïse. C’est très important à entendre, notamment pour un dialogue fécond entre Juifs et Chrétiens !
Donc pour l’heure, à l’époque où le Décalogue est promulgué par Yo’ShiYâHOu, le moment fondateur n’est pas universel et encore moins cosmologique. Il est celui de la naissance proprement dite d’Israël comme peuple dont l’origine s’inscrit dans la mémoire d’une traversée providentielle de la Mer des Roseaux qu’on pourrait résumer ainsi : Nos pères étaient tous esclaves sur le sol de MiTseRaYîM et YHWH les a libérés. Nous sommes donc en dette, une dette qui nous oblige vis-à-vis de YHWH comme de nos pères, et il me semble qu’on pourrait lire en ce sens le v. 16, qui appelle à la glorification du père et de la mère. Autant, d’après la version d’Ex 20, on pense à l’ascendance directe : glorifie ton père et ta mère qui t’ont donné naissance ; autant, dans le contexte de la fondation d’Israël, on pense aux pères et aux mères par qui tout a commencé, sous la guidance d’un leader que la tradition nomme Moïse.
Le ShaBaT, du coup, est porteur d’une double mémoire : d’abord la sortie de MiTseRaYîM. Puis avec le temps, notamment au contact des cultures babylonienne et perse, cette mémoire va s’étendre jusqu’à concerner toute la Création. Et quand le rédacteur sacerdotal rédigera sa propre version du Décalogue, il lui donnera son extension maximale pour bien signifier que YHWH est le DIEU Unique qui surpasse tous les dieux ; le Créateur de tout l’Univers qui, au sein de l’histoire universelle, choisit Israël comme porteur de cette mémoire au nom de toutes les nations. Ceci dit, le rédacteur sacerdotal n’ignore pas la version deutéronomiste initiale. Il sait qu’ensemble, ces deux versions contribuent à donner au ShaBaT une sorte de vision binoculaire qui permet de donner du relief à la TORâH ; de lui donner une portée universelle, et donc d’interpréter la Création à son tour comme un acte de libération du Tohu-Bohu initial — une sorte de MiTseRaYîM mythique ENFER-mant tout le potentiel d’un univers de vie —. Et s’il nous est permis de l’imaginer, sans tomber dans un concordisme simpliste, il me semble que le Big-Bang initial serait une bonne illustration de ce genre de libération, ce qui est proprement joyeux !
Toujours est-il qu’avec cette dimension universelle attachée au ShaBaT, les nations à leur tour pourront comprendre qu’elles font elles-mêmes l’objet d’un dessein rassembleur et libérateur de la part d’un AUTRE qu’elles-mêmes. Ce sera la mission du Christ Jésus de le leur dévoiler dont l’Évangile selon saint Luc dira qu’il sera pour elles un « signe de contradiction » (Lc 2,34) : le signe de cette incohérence irréductible qui convoquera les nations pour les appeler à sortir de leur propre prison intérieure, pour s’ouvrir à plus qu’elles-mêmes, à plus qu’elles seules.
Voilà, je vous laisse sur ce point. Je vous souhaite une lecture féconde de cette version deutéronomiste du Décalogue. Nous verrons la suite la prochaine fois.
Je vous remercie.
Gabuzo- Avec l'Archange Saint Michel
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