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Sérotonine : l’amour ou l’enfer de Michel Houellebecq

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Message par Isabelle-Marie Mar 15 Jan 2019 - 0:09

Sérotonine : l’amour ou l’enfer
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Dans l’enfer sordide de la consommation sexuelle et du cynisme de la société, décrit dans sa crudité la plus vulgaire mais sans complaisance, l’irruption de l’amour est toujours possible. Lui seul peut sauver de l’attirance vers le mal et du vide de l’existence. Pour François Huguenin, le dernier roman de Michel Houellebecq est un grand roman, implacable et bouleversant.

C’était un succès programmé, et cela le sera, sans surprise. C’est aussi un grand livre, sans doute le plus grand de Houellebecq avec La Carte et le Territoire. C’est pour le coup une bonne surprise. Et puis, en dépit des stratégies médiatiques à deux balles qui ont voulu nous faire croire que Sérotonine était le roman d’une improbable « génération Gilets jaunes », ce n’est pas un roman politique, bien moins que Soumission qui ne l’était d’ailleurs pas exactement. C’est un texte d’une puissance comique et tragique saisissante, un roman époustouflant, d’une humanité bouleversante, sur l’amour, sur le fait que seul l’amour compte, sans lequel notre vie est l’enfer. Il raconte le naufrage implacable d’un ingénieur agronome (métier d’origine de l’auteur) qui est passé à côté de l’amour et sombre dans la plus impitoyable des dépressions.

À plus d’un titre, désopilant

Je ne voudrais pas évacuer trop vite la force comique de ce livre. J’ai, pour ma part, ri à gorge déployée comme je ne l’avais pas fait à la lecture d’un roman depuis celle d’un ouvrage de Christine Angot dont j’ai oublié le titre. Mais ce n’est pas vraiment pour les mêmes raisons. Car Sérotonine est, à plus d’un titre désopilant, et je garde en mémoire quasi visuelle les combats de Florent-Claude, le personnage principal (vous voyez, vous riez), avec les détecteurs de fumée. Mais aussi une vacherie empruntée à Cioran sur Maurice Blanchot, « auteur idéal pour apprendre à taper à la machine, parce qu’on n’est pas ?dérangé par le sens? ». Plus généralement, l’effet comique d’une notation triviale au détour d’un propos sérieux, parfaitement linéaire, fait penser à l’humour de Desproges. Sauf qu’ici, ce n’est que la basse continue du livre et non pas une ligne mélodique dominante, ce qui le rend d’autant plus efficace.
 
Une sexualité vulgaire, jamais pornographique

Ce même procédé est employé à propos de la sexualité. Souvent un mot trivial apparaît au détour d’une phrase et vient, selon les cas et l’humeur du lecteur, provoquer un incompressible fou-rire ou une soudaine pointe de tristesse et de désenchantement. Je ne veux pas éluder la question. Beaucoup sont réfractaires à Houellebecq du fait de sa description crue de scènes sexuelles que l’on juge parfois pornographiques. Sur ce point n’allons pas hâtivement, comme on a pu le faire ici ou là, généraliser une attitude de Houellebecq vis-à-vis de la sexualité, bien plus ambivalente qu’on peut le croire. Certes, les évocations des sensations génitales qu’ont pu lui procurer telle ou telle femme ne s’embarrassent pas de précautions et décrivent une recherche égoïste de la jouissance, d’autant plus triste que Florent-Claude, sous l’effet des antidépresseurs est condamné à l’impuissance. Plus pathétique, la description clinique d’une scène zoophile et des actes d’un pédophile nous met cependant en face des perversions de notre société, dont la seconde est, on le sait hélas, bien plus qu’une immonde bizarrerie réservée à quelques-uns.
 
Mais ce n’est pas le dernier mot de Houellebecq sur la question. Il vient ainsi rappeler que « le passage par le sexe, et par un sexe intense, demeure un passage obligé pour que s’opère la fusion amoureuse », jusqu’au « risque » de la procréation qui « ne peut être séparé » du sexe au risque de tuer toute sexualité. Pas si simple donc de le réduire à un jouisseur mortifère. En tous les cas, je voudrais dire que Houellebecq peut être cru, provocateur, trivial, vulgaire même. Il n’est jamais pornographe. La pornographie est par essence, non pas le fait de montrer la nudité, ni même la sexualité, mais de le faire pour exciter les hommes (très majoritairement) et gagner de l’argent. Les descriptions de Houellebecq n’excitent pas. Et le fait qu’elles soient racontées par un anti-héros est le signe que ce roman ne peut être considéré comme véhiculant la promotion d’une vision de la sexualité, pas plus, je le signale en incise, que d’une thèse politique.

Au rendez-vous de l’amour

Le sexe et donc l’amour. Car c’est là que nous donne rendez-vous Sérotonine. Une des pages les plus bouleversantes du livre est celle où Florent-Claude raconte comment il a laissé partir sans la retenir la jeune femme avec laquelle il partage sa vie, Kate, en larmes sur le quai d’une gare. « Nous aurions pu sauver le monde […] mais nous ne l’avons pas fait, enfin je ne l’ai pas fait, et l’amour n’a pas triomphé, j’ai trahi l’amour ». Sans l’amour, la vie est bien cet enfer qui est pire que la mort et dont les comprimés de Captorix ne peuvent libérer. Sérotonine est la narration sans complaisance aucune (et la complaisance sexuelle est un leurre rhétorique qui protège de l’apitoiement) de l’échec de deux amours et de la perte irrémédiable de l’élan vital. Le second amour est celui de Camille, Camille la jeune stagiaire dont la première phrase, sur le quai de la gare de Caen, fut simplement « je suis Camille ». Qui n’a jamais chaviré à l’énoncé d’une telle annonciation ne sait pas ce qu’est la force irrésistible de la déflagration amoureuse : et cet amour est aussi gâché, et sans Camille, « un seul être vous manque et tout est mort ».
 
Une infinie tristesse

L’émotion qui jaillit de ces pages, parmi les plus belles de leur auteur, est d’autant plus forte qu’elles succèdent à la neutralité des descriptions. Certes, on peut noter par endroits de la compassion :  par exemple pour les animaux maltraités et pour les paysans ruinés par la politique agricole commune, mais cette compassion est profondément distanciée. C’est de cette distance que naît de fait le sentiment d’une infinie tristesse qui étreint le lecteur au fil des pages. Le romantisme qui est au plus profond de ce livre est sublimé par une neutralité analytique et une langue blanche qui, comme chez certains cinéastes, peut laisser aux faits toute la pureté de leur puissance émotionnelle, sans le prisme imposé par l’écrivain. Chacun est donc parfaitement libre.

La fin du livre vient alors en point d’orgue de l’ensemble en superposant la parole du Christ et celle de Houellebecq. Les trois dernières phrases peuvent en effet être attribuées à l’un ou l’autre, ou aux deux. Toute l’ambiguïté de Houellebecq, et c’est la marque de son génie romanesque, rend impossible de réduire Sérotonine à une thèse enfermante et permet au lecteur de s’emparer du texte pour s’interroger sur son propre monde et sa propre condition humaine. Elle laisse à mon sens une ouverture intacte sur ce qui est un mystère : l’irruption de l’amour dans notre existence. Seul l’amour permet à ces vies sorties du néant — et y retournant par secousses saccadées — d’échapper à cette attirance inexorable vers le mal qu’on peut aussi appeler le vide. Ou pour le dire autrement, c’est mon interprétation, et je ne veux pas y enfermer Houellebecq, mais enfin il la rend envisageable : Sérotonine nous dit qu’est possible dans nos vies l’irruption de la grâce et d’un salut ; et que l’amour humain, en dépit du repli sur soi symbolisé par la consommation sexuelle et le cynisme de la société, le dit, peut-être même au fond du gouffre, en écho bégayant à Celui qui est amour en plénitude.

https://fr.aleteia.org/2019/01/08/serotonine-lamour-ou-lenfer/
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Message par Isabelle-Marie Ven 14 Juin 2019 - 0:43

La chanson dont il est question dans le livre. D'après ce que je comprends elle parle de la violence, du mal et de ses inévitables ravages ??



Sweet child in time, you'll see the line
Line that's drawn between good and bad
See the blind man shooting at the world
Bullets flying, ooh taking toll
If you've been bad - Oh Lord I bet you have
And you've not been hit oh by flying lead
You'd better close your eyes, aahaouho bow your head
Wait for the ricochet
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Message par Isabelle-Marie Sam 15 Juin 2019 - 19:15

Grand entretien avec un journaliste de "Valeurs actuelles" ; il est heurté par le Dogme de l'Immaculée Conception, mais il conclut par ce qui ressemble bien à un acte de foi : " La restauration du catholicisme dans son ancienne splendeur peut-elle réparer notre civilisation endommagée ? Là nous sommes d’accord, c’est beaucoup plus simple, évident presque : la réponse est oui." 

Restauration
by Michel Houellebecq and Geoffroy Lejeune
May 2019

Michel Houellebecq: Il existe en France, beaucoup d’Américains l’ignorent sans doute, un mouvement pentecôtiste ; j’en ai pris conscience alors que j’habitais, à Paris, près de la Porte de Montreuil - un quartier alors pauvre, avec beaucoup d’immigrés récents. Attiré par des affiches, je me suis rendu à plusieurs célébrations – parfois animées par un télé-évangéliste américain en tournée. L’assistance était, à 90 % au moins, noire. J’en garde un souvenir étrange, je pourrais presque douter d’avoir vécu ces moments. Les gens dansaient, chantaient à tue-tête, « parlaient en langues » quelquefois mais pas trop, je n’ai jamais eu la sensation d’assister à un délire collectif, ni de me retrouver dans une secte. Le « signe de paix », réduit dans les messes catholiques à une poignée de main brève, gênée et glaciale, donnait lieu ici à d’interminables et chaleureuses embrassades. Et l’on partageait, à l’issue de la célébration, de copieuses victuailles.

« Si ces gens sont sauvés », disait à peu près (avec cruauté, mais justesse) Nietzsche, « il faudrait qu’ils en aient davantage l’air ». J’ai compris dès ce moment que l’Église catholique avait beaucoup à gagner à se rapprocher de l’ambiance des célébrations pentecôtistes.

D’autant que cela n’a rien d’impossible. Cela a même été tenté, avec succès, par les communautés affiliées au « renouveau charismatique ». J’ai passé une semaine au sein de l’une d’entre elles, qui s’appelait à l’époque la Communauté du Lion de Juda et de l’agneau immolé, et j’y ai retrouvé exactement la même effusion, la même chaleur. Il n’y avait, du reste, à peu près que des Blancs – je dis pour ça pour établir, s’il en était besoin, que dès qu’il est question d’« affai­res de cœur » (et la religion en est une, et même au plus haut degré), la race n’est pas un paramètre pertinent.

Une scène du même ordre peut se trouver dans les magnifiques dernières pages du livre d’Emmanuel Carrère, Le royaume, situées cette fois dans la commu­nauté de l’Arche, de Jean Vanier : je veux parler de ce moment où dansant avec les autres, faisant face à élodie, la jeune fille trisomique, il entrevoit le Royaume.

Bien que j’aie énormément aimé ces célébrations charismatiques, il demeurait cependant en moi un malaise, que je n’ai pleinement compris que grâce au très bon livre de Douglas Kennedy, In God’s Country, où il relate son enquête sur le renouveau du christianisme évangélique dans les états de la Bible Belt. On a parfois l’impression, en le lisant, que ce renouveau ne peut concerner que des gens ayant un passé d’alcoolique, de drogué, de prostituée ou de sans domicile fixe – qu’il ne s’adresse en aucun cas aux gens normalement intégrés dans la société, ayant passé leur enfance dans une famille raisonnablement aimante. De fait, la communauté de l’Arche a pour vocation essentielle la prise en charge des handicapés mentaux ; et je n’aurais probablement pas séjourné dans la Communauté du Lion de Juda si je n’avais pas été, à l’époque, victime d’une dépression sévère, en partie liée au chômage.

En somme, il semble que si les pentecôtistes peuvent récupérer des êtres au bord de l’abîme, ou même parfois un peu plus loin (ce qui est déjà un bien considé­rable, et il n’y a guère que les Témoins de Jéhovah, à cet égard, qui puis­sent leur être comparés), ils ne peuvent en aucun cas faire ce que l’église catho­lique a si parfaitement réussi, durant de nombreux siècles : organiser le fonction­nement de la société dans son ensemble.

Geoffroy Lejeune: Je vais à la messe chaque dimanche depuis trente ans, j’ai connu à peu près tous les styles liturgiques. J’ai fréquenté des « charismatiques », notamment au sein de la Communauté de l’Emmanuel, et j’ai vu comme vous des gens danser, chanter, parler en langues également, bref s’adonner à toutes les effusions qu’on croyait réservées aux américains. Je dois reconnaître qu’il règne dans ces assemblées une forme de joie, un peu inquiétante parfois, parce que certains des membres semblent possédés (leur comportement lors de soirées dites de « guérison » laisse croire qu’en effet, on ne peut goûter à ce mystère que quand on est dans un sale état). Mais je ne me suis jamais senti aussi loin de Dieu qu’en ces occasions : j’avais dix-huit ans, je n’étais ni malade ni dépressif, et j’ai fini par croire que, n’arrivant ni à pleurer à chaudes larmes, ni à m’épancher au micro devant des inconnus, je n’étais tout simplement pas fait pour la foi.

Il est une blessure qui devrait être soignée par l’Église, c’est celle de ne pas connaître Dieu, ou de ne pas savoir le trouver. Dans les années 60, quand les Beatles faisaient danser le monde, l’Église s’est demandé comment continuer à annoncer l’évangile. En 1962, elle a convoqué le concile Vatican II. Des mauvaises langues remarquent que les cardinaux y sont arrivés en bateau, et qu’ils sont repartis en avion : l’institution venait d’entrer dans la modernité. En se rapprochant des mœurs communes, en parlant le langage de son époque, l’Église croyait pouvoir maintenir le lien avec des fidèles déroutés par les révolutions libérale et sexuelle.

Les changements ont notamment concerné l’aspect liturgique : le latin a été abandonné, les ornements ont été simplifiés, le prêtre s’est retourné vers l’assemblée. Les paroisses ont investi dans des synthétiseurs électroniques et des jeunes filles ont commencé à battre la mesure dans les chœurs. Mais le drame de la mode, c’est qu’elle se démode. Soixante ans plus tard, les synthétiseurs sont toujours là, les jeunes filles aussi, mais elles ont vieilli et leurs voix sont devenues chevrotantes – même les prêtres ne les supportent plus. Seules les paroisses dynamiques des centre villes échappent à cet appauvrissement de la liturgie, mais on peut au mieux y entendre un guitariste du dimanche s’essayer aux arpèges et rappeler cette cruelle réalité : n’est pas Mark Knopfler qui veut.

Cette course à la modernité est un criant échec, les églises se sont considérablement vidées. Avant Vatican II, un tiers des Français déclarait aller à la messe tous les dimanches. En 2012, ce chiffre était descendu à 6 %, signe d’un basculement culturel majeur.

Sans doute les phénomènes sont-ils liés : l’Église a tenté de se conformer au monde au moment où il devenait plus laid. C’est un motif suffisamment grave de reproche : nous sommes en droit d’attendre qu’elle indique un chemin indépendamment des soubresauts de l’époque, qu’elle demeure. Qu’elle indique un chemin, celui vers Dieu, par exemple. Le latin était ainsi censé marquer une différence entre le langage du quotidien et celui dans lequel on s’adresse au créateur. L’encens, en s’élevant sous la nef, indiquait un chemin à l’âme. Le prêtre, dos aux fidèles, était en réalité tourné vers le ciel. On a chassé le sacré des églises, silencieusement, et on ne l’a remplacé que par du cool, du festif – c’est formidable, mais désespérément humain. Je précise, pour ne pas prêter à confusion, que j’ai connu aussi des ultra traditionalistes pour qui l’encens, les prières débitées en latin à toute vitesse et les heures passées à genoux étaient l’alpha et l’omega de la foi : je les tiens tout autant pour des fanatiques. Que conclure? Il faut être dans le monde mais pas du monde, avait dit Jésus à ses disciples. L’Église aurait dû le prendre plus au sérieux.

L’organisation sociale.

Michel Houellebecq: On peut repérer dans l’histoire de la pensée une étrange famille d’esprits, qui admirent l’église catholique romaine pour son pouvoir de direction spirituelle des êtres humains, et surtout d’organisation des sociétés humaines, sans pour autant être chrétiens.

Le premier, et le plus remarquable représentant de cette tendance, est certainement Auguste Comte. à son inimitable manière, Comte qualifie la dénomination « protestant » de caractéristique. En effet, un protestant ne sait rien faire d’autre que protester, c’est dans sa nature. De Maistre, dont Comte se réclame, notait déjà qu’un protestant sera républicain sous la monarchie, anarchiste sous la république. Pour De Maistre, il est encore pire d’être protes­tant que d’être athée. Un athée peut avoir perdu la foi pour des motifs respecta­bles, il est possible de l’y ramener, cela s’est vu ; alors que le protestan­tisme, écrit-il, « n’est qu’une négation ».

Intellectuellement le plus remarquable dans cette étrange famille des « catholiques non chrétiens », Comte est également le plus sympathique, en raison de sa pittoresque mégalomanie qui le conduit sur la fin à multiplier les appels à tous ceux qu’il juge prêts à rejoindre le positivisme : les conservateurs, les prolétaires, les femmes, le tsar Nicolas Ier... Au fond il se serait très bien vu remplacer le pape à Rome, et il aurait repris l’ensemble de l’organisation catholique ; il aurait suffi que les catholiques accomplissent ce geste, à ses yeux tout simple : se convertir à la foi positive.

Se réclamant à son tour de Comte, Charles Maurras accorde une importance trop grande à l’efficacité politique, ce qui finit par le conduire des compromissions aussi funestes qu’immorales.

L’avatar contemporain le plus intéressant de cette tendance est certainement, en France, éric Zemmour. Depuis des années il me rappelait quelqu’un, sans que je parvienne à retrouver qui. Et puis, tout récemment, la solution m’est apparue : Zemmour, c’est exactement Naphta dans La montagne magique.

Léon Naphta est sans doute le jésuite le plus fascinant de la littérature mondiale. Dans l’interminable controverse entre Settembrini et Naphta, Thomas Mann a une position ambigüe, on sent que ce n’est pas simple pour lui. Indiscutablement Naphta a raison contre Settembrini, sur tous les points ;

l’intelligence de Naphta surpasse celle de Settembrini, autant que l’intelligence de Zemmour surpasse celle de ses actuels contradicteurs. Mais, de manière également indiscutable, toute la sympathie de Thomas Mann (et cela de plus en plus nettement, à mesure que le livre avance) se porte vers Settembrini, et ce vieux radoteur d’humaniste italien finit par nous tirer les larmes, ce que serait bien incapable de faire le brillantissime Naphta.

Si nous changeons radicalement d’ambiance, quittant les rivages de l’Europe civilisée des années 1900 pour nous transporter au cœur de l’hystérie russe, nous pouvons verser une autre pièce au dossier : la célèbre scène des Frères Karamazov, mettant en scène le Christ et le Grand Inquisiteur, où Dostoïevski s’en prend violemment à l’Église catholique, en particulier au pape et aux jésuites. Revenant sur Terre, le Christ est aussitôt emprisonné par les autorités ecclésiastiques. Le Grand Inquisiteur, venant lui rendre visite dans sa cellule, lui explique que l’Église s’est très bien organisée sans lui, qu’ils n’ont plus besoin de lui – et que, même, il les dérange. Il n’a donc d’autre choix que de le faire exécuter à nouveau.

Cette scène dans laquelle Freud voyait « une des plus hautes performances de la littérature mondiale » plonge le lecteur catholique dans un malaise profond et prolongé. Car que se passerait-il en effet si le Christ revenait et déambulait dans les rues de Rome, prêchant et accomplissant des miracles ? Comment le pape actuel réagirait-il ?

Geoffroy Lejeune: Eric Zemmour aime beaucoup l’histoire mais dans quelques siècles, il compliquera considérablement la tâche des historiens. Ceux qui se pencheront sur l’étude de son cas pour comprendre notre époque auront beaucoup de mal à en tirer des conclusions justes : il incarne un courant intellectuel très puissant en France, qu’on pourrait qualifier de réactionnaire, mais se retrouve quasiment seul pour défendre ces idées, et il est combattu de manière farouche.

La posture de « catholique non chrétien » que vous décrivez lui convient à merveille, il est en réalité l’un des derniers du genre. A l’époque d’Auguste Comte, et même plus tard, il en existait beaucoup, pour une raison assez simple : le catholicisme était, en Europe en tout cas, dans une situation d’hégémonie culturelle, pour parler comme les communistes italiens. Dans un continent chrétien, où le catholicisme était souvent religion d’État en même temps que socle culturel commun, il était possible pour les grands esprits, croyants ou pas, d’influencer l’Eglise. Dans une époque déchristianisée, dans un continent qui a oublié ses racines, avec des systèmes juridiques visant à effacer les traces de la religion, les « catholiques non chrétiens » se font rares, il n’y a déjà presque plus de catholiques tout court.

De manière générale, regretter le temps des controverses entre grands penseurs au sujet de la foi me paraît anachronique. L’Église elle-même a renoncé, en même temps qu’elle se retirait de la sphère publique, à jouer un rôle et à influencer les esprits. En France, la loi de 1905 a été trop bien appliquée : en séparant l’Église de l’État, le pouvoir politique ne pensait sans doute pas qu’il réussirait, en moins d’un siècle, à opérer ce gigantesque effacement. L’Église a sa part de responsabilité, même si elle a été âprement combattue, en se soumettant trop facilement. Elle paie aujourd’hui la facture.

L’art chrétien.

Michel Houellebecq: Quels sont, exactement, ces siècles de splendeur de l’Église ? Chacun, à mon avis, a son époque de prédilection, et il me semble que c’est l’architecture qui nous permet de nous situer. Dans un cloître roman je me sens apaisé, relié à la divinité. Les cathédrales gothiques c’est déjà différent, la beauté y prend un caractère que Kant qualifiera plus tard de sublime (la beauté accompagnée de la sensation d’un danger, on peut citer une tempête en pleine mer, ou un orage en haute monta­gne). Dans une église baroque ça ne va plus du tout, je pourrais aussi bien être dans un palais, au théâtre…

En somme, il me semble que l’Église de Rome a commis différentes erreurs, au début du XIIe siècle (se séparer des églises d’Orient, essayer de concilier la raison et la foi, tenter d’interférer dans les affaires du pouvoir temporel, accorder trop d’importance au Jugement dernier et par conséquent aux questions de morale), et que ces erreurs ont rendu possible ces catastrophes civilisationnelles que furent la Renaissance gréco-latine et, surtout, le protestantisme – qui, par leur action conjointe, devaient nécessairement aboutir au Siècle des lumières, et partant à l’effondrement de l’ensemble. Le mal vient donc de loin.

Geoffroy Lejeune: Si on choisit de se fier à l’architecture, il y a bien un aspect qui peut frapper : au temps des cathédrales, on édifiait de monumentaux lieux de cultes et leur construction durait plus de temps qu’une vie d’homme. Les cathédrales de Reims, de Chartres et de Paris ont été construites respectivement en 75, 134 et 182 ans : à l’époque, on n’aimait pas le minuscule. A titre de comparaison, la Trump tower de New York a été dessinée, construite et livrée en deux ans, entre 1981 et 1983. On pourra dire que la motorisation, les progrès techniques et les matériaux expliquent cette considérable différence. Va pour le business, mais quand on voit la laideur des églises modernes, ces malheureux cubes de béton délavés, hideux parfois, qui ne dominent guère la ligne d’horizon tracée par les pavillons environnants, on comprend surtout que ce qui nous différencie des bâtisseurs de la chrétienté, c’est de « penser fonctionnel » au lieu de dédier la construction à Dieu. C’était mieux avant, quand le surnaturel se voyait partout, jusque dans les flèches des cathédrales, pointées vers le ciel.

Si on élargit ce constat à l’art, c’est encore pire. Des artistes européens, croyants ou pas, ont trouvé dans le sacré une inspiration sans limite pour irriguer de leur génie des siècles de chrétienté. Tout était lié, homogène. Personnage scandaleux, fantasque et bagarreur, Le Caravage doit à son talent (et à quelques relations bien placées, c’est vrai aussi) sa réhabilitation par le pape alors qu’il est condamné à mort par contumace et qu’il vit en exil hors de Rome. Quand on entre à Saint Louis des Français, on voit dans ses trois tableaux consacrés à la vie de Saint Matthieu les fruits magnifiques de cette connivence entre le clergé et les artistes. Doit-on comparer cette époque à la nôtre en matière d’art sacré ? Franchement, gagnons du temps, évitons ce faux débat.

Le pouvoir politique.

Michel Houellebecq: Le précepte de « rendre à César » était clair ; il ne me semble pas que l’église catholique l’ait appliqué avec suffisamment de rigueur.

Absolument dénué de base théologique, le schisme anglican n’a pour origine que le refus du pape Clément VII d’annuler le mariage d’Henri VIII. Affaibli par cette lutte, le clergé anglican s’est montré incapable d’enrayer le développement du puritanisme. Sans l’obstination de Clément VII, les états-Unis seraient peut-être aujourd’hui un pays catholique ; c’est malin.

Si les mariages royaux ne sont plus aujourd’hui qu’une cérémonie folklorique, l’Église catholique n’a nullement renoncé à se mêler du gouvernement des états (à intervenir, par exemple, dans leur politique migratoire), et cela finit, il faut bien le dire, par agacer tout le monde.

Geoffroy Lejeune: Avec son « rendez à César », Jésus invente la laïcité ; le problème, c’est que les catholiques l’ont appliqué avec un peu trop de zèle. L’histoire de ce dernier siècle pourrait se résumer ainsi : une déchristianisation massive de presque tout l’occident, principalement en Europe, où on a défait en quelques décennies ce qu’on avait bâti en quinze siècles.

On peut faire tous les reproches à l’Église catholique, mais au début du XXème siècle, elle jouait encore un rôle politique et surtout, elle restait culturellement majoritaire. En France, le drame se noue en 1905, avec la loi de séparation des églises et de l’État, qui est imaginée pour achever son influence autant que pour la chasser des esprits. Le grand principe de cette laïcité à la française est au fond compatible avec celui édicté par Jésus : il y a la foi intérieure, et la liberté est préservée de ce point de vue, et il y a l’espace public, où le religieux ne peut exercer une influence. Selon cette séparation, l’État est laïc, certes, mais à aucun moment il n’est précisé que la société doit être athée. Le problème, c’est que l’Église a intégré qu’elle était chassée, et a abandonné sur tous les terrains.

Son influence politique s’est rapidement affaissée, mais elle a surtout abandonné ce qu’on appelle le « catholicisme social » qui lui donnait une assise populaire. Longtemps, les gens ont vécu dans un bain culturel catholique. Leur journée était rythmée par les cloches, ils suivaient quelques offices, se retrouvaient à la messe le dimanche. Même si dans le secret de leur conscience, ils n’étaient pas nécessairement animés d’une foi intense, ils avaient recours aux services du curé dans les moments importants de leur vie : le mariage, la maladie, la mort. J’aime beaucoup l’idée de « foi du charbonnier » parfois décrite par Balzac comme le fait « d’aimer la sainte vierge comme on aime sa femme » : une piété filiale, un attachement dénué de réflexion théologique ou philosophique, une fidélité à une histoire et à des racines davantage qu’une révélation mystique. Je me situe parfaitement dans cette catégorie là ; cette foi simple constitua le ciment d’une civilisation.

Après 1905, et durant son vaste mouvement de retrait, l’Eglise a confondu « disparaître de la sphère publique » et « disparaître tout court ». Elle s’est effacée du monde. Autrefois, elle gouvernait les âmes ; aujourd’hui, son influence politique est nulle, et son rôle dans la société réduit à presque rien: on peut vivre en France sans voir un prêtre durant toute sa vie. Ils n’ont pas disparu, simplement on les voyait auparavant parce qu’ils portaient des soutanes et organisaient des processions lors des grandes fêtes religieuses, aujourd’hui, ils s’habillent en civil et se cachent comme au temps des catacombes.

Et l’Église semble s’excuser d’exister encore. Récemment, en France, nous avons vécu un vaste mouvement d’insurrection de la part de ceux qu’on pourrait appeler les « laissés pour compte de la mondialisation », les gilets jaunes. Ces gens criaient une colère venue de loin et ils étaient soutenus par une majorité de la population. Un phénomène social de cet ordre ne peut échapper à aucune institution revendiquant d’avoir un projet pour les hommes. A défaut d’exercer une influence politique, l’Église aurait pu jouer son rôle en offrant un projet spirituel à ceux qui se battent contre une perte de sens globale. Il existe 104 diocèses en France, soit autant d’évêques, qui sont les représentants de l’Église dans le pays. Un d’entre eux, un seul, a jugé bon de se rendre à la rencontre des gilets jaunes. Peut mieux faire.

La sexualité.

Michel Houellebecq: L’intérêt porté par l’église catholique à la sexualité de ses fidèles me paraît nettement exagéré. Cela ne remonte pas aux origines du christianisme, Saint Paul est comme d’habitude irréprochable, « mieux vaut se marier que de brûler », et parfois sublime, « ils ne feront qu’une seule chair ». Les choses se gâtent nettement avec saint Augustin, mais cela reste sans conséquence durant pas mal de siècles. Les choses ne dégénèrent vraiment qu’à l’ère moderne, sans doute là aussi par contamination du protestantisme, et du puritanisme qui en découle. Nous en sommes encore là, et j’avoue une vraie gêne lorsque j’entends différents prélats s’insurger contre l’usage du préservatif, SIDA ou pas ; au nom du Ciel, qu’est-ce que ça peut bien leur foutre ?

J’ai eu depuis longtemps l’impression que l’église orthodoxe se montrait, sur ce point, plus sage, et savait maintenir cette attitude de tolérance qui a été celle de l’église catholique durant de nombreux siècles. Mais il s’agissait d’une impres­sion diffuse, que j’ai peiné à justifier par un texte (justement parce que les orthodoxes répugnent à s’exprimer sur cette question, à leurs yeux secondaire), jusqu’à ce je tombe, dans un article d’Olivier Clément (décidément, il faut toujours revenir aux bons auteurs) sur cette citation, à mes yeux lumineuse, d’Athénagoras Ier, patriarche de Constantinople : « Si un homme et une femme s’aiment vraiment, je n’ai pas à entrer dans leur chambre, tout ce qu’ils font est saint. »

Geoffroy Lejeune: L’Église catholique passe en effet pour moralisatrice et puritaine, chiante, pour tout dire. C’est à la fois logique et injuste. Elle est à mon sens dans son rôle quand elle indique un chemin, spirituel mais aussi moral, et l’unité qu’elle prêche entre le corps, l’esprit et l’âme rend absolument normal le fait qu’elle s’investisse dans le domaine de la sexualité. Je préfère à cet égard qu’elle en parle, voire qu’elle en parle trop, et que les papes (comme Paul VI avec l’encyclique Humanae vitae ou Jean-Paul II avec sa théologie du corps) s’expriment à ce sujet, plutôt que, comme dans l’islam, on entretienne un rapport hypocrite et confus avec le sujet.

Ce qu’on oublie, peut-être l’Église n’insiste-t-elle pas assez sur ce point, c’est que son enseignement indique un chemin, censé conduire vers le ciel, et procurer aussi le bonheur sur terre. L’homme est pécheur, depuis toujours, et Dieu lui pardonne, c’est aussi ce que les non-croyants ont cessé de percevoir. Si elle retrouvait une influence dans les cœurs, l’Église pourrait sans doute délivrer ce message. Nous en sommes à des années-lumière.

Splendeur catholique.

Michel Houellebecq: L’église catholique peut-elle retrouver son ancienne splendeur ? Oui, peut-être, je ne sais pas.

Il serait bien qu’elle s’éloigne définitivement du protestantisme, et qu’elle se rapproche de l’orthodoxie. S’y intégrer complètement serait la meilleure solution, mais ne sera pas facile. La question du Filioque peut être aisément résolue par les théologiens compétents. Le problème de l’installation des barons francs au Proche-Orient ne se pose plus, même Donald Trump a laissé tomber. Mais, pour l’évêque de Rome, renoncer à son ambition universelle, n’avoir qu’une prééminence honorifique sur les patriarches de Constantinople ou d’Antioche, sera peut-être difficile à avaler.

Au minimum, il faudrait que l’église catholique, imitant la modestie orthodoxe, limite ses interventions dans les domaines qui ne sont pas directement de son ressort (j’ai cité la recherche scientifique, le gouvernement des états, l’amour humain).

Qu’elle renonce à cette manie d’organiser des conciles, qui sont surtout l’occa­sion de déclencher des schismes.

Qu’elle renonce également aux encycliques, et mette un frein à son inventivité doctrinale (l’Immaculée Conception, et surtout l’infaillibilité pontificale heurtent trop directement la raison ; la raison est un gros animal paisible, qui s’endort sans difficulté à l’heure du culte ; mais il faut éviter, à son égard, les provoca­tions inutiles).

Elle peut s’inspirer du pentecôtisme, de la même manière que la pop music s’est inspirée du gospel et du blues ; d’autre part il ne faut pas oublier une dose nécessaire de folie, en version russe c’est Dostoïevski : « S’il faut choisir entre le Christ et la vérité, je choisis le Christ », en version française nous avons Blaise Pascal.

Tout se résume au fond à ce que l’Église catholique a, au cours de son histoire, accordé beaucoup trop d’importance à la raison (et cela s’est aggravé au long des siècles, sans doute, peut-être est-ce que j’insiste trop mais enfin je ne crois pas, sous l’influence du protestantisme). L’homme est un être de raison – si on veut, cela arrive, de temps en temps. Mais il est avant tout un être de chair, et d’émotion : il serait bien de ne pas l’oublier.

Geoffroy Lejeune : L’Église catholique peut-elle retrouver son ancienne splendeur ? Oui, sans doute, mais la route est longue.

Si on devait résumer les dernières décennies, on pourrait dire que l’Eglise, après avoir perdu le pouvoir temporel, a tenté de survivre en se faisant tolérer ; elle s’est pour cela essentiellement adaptée aux dérives d’un monde qu’elle est censée sauver. Cette inversion de rôle la conduit en effet au suicide, mais même aux yeux de Dieu, il existe, après ce geste tragique, une possibilité de salut : le saint curé d’Ars a dit un jour à une mère désespérée par le suicide de son fils qu’entre le pont d’où il s’était jeté et l’eau où il s’était noyé, il avait eu largement le temps de regretter, et de se retourner vers la miséricorde divine.

Pour sauver ce qui peut l’être, il faudrait peut-être rompre avec le relativisme en vogue depuis les années soixante. Peut-être l’Eglise retrouverait-elle un peu de sa splendeur si elle cessait de vouloir être cool, et qu’elle enseignait à nouveau la crainte de Dieu, sans laquelle il n’y a pas d’amour ; c’est exactement comme pour l’éducation des enfants, on a laissé se saper l’autorité parentale, avec les mêmes conséquences.

L’Eglise devrait peut-être modérer sa fascination pour les autres religions. Au sujet du protestantisme, comment tolérer des chevaux de Troie tels le secrétaire général de la conférence des évêques d’Italie, monseigneur Nunzio Galantino, qui a dit il y a peu de temps que « la Réforme lancée par Martin Luther il y a 500 ans a été un événement du Saint-Esprit » ? Je précise qu’il est proche du pape et appelle à une nouvelle Réforme. Le pape François lui-même multiplie les signes à l’égard des musulmans, comme en témoigne son récent voyage aux Émirats arabes unis, et avait pris soin de se définir comme simple « évêque de Rome » le jour de son élection, un gage de bonne foi donné cette fois aux orthodoxes.

Il faudrait en finir avec la quête permanente d’émotion, de ce point de vue, l’Eglise ne peut pas lutter avec les concerts ou le cinéma ; mais si elle se cantonne à sa mission, annoncer Dieu, et conduire les hommes à la vie éternelle, elle reste absolument indispensable.

Peut-être l’Église retrouverait-elle un peu de crédibilité si elle cessait de se concevoir comme une ONG vaguement caritative mais qui n’assume pas la source de sa générosité, le Christ. En politique, elle gagnerait peut-être à cesser de jeter le discrédit moral sur certains gouvernements (les critiques du pape sur la gestion des migrants par le ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini sont un bon exemple).

De manière générale, depuis qu’elle est devenue minoritaire, l’Église en Europe s’est recroquevillée sur des noyaux durs, sociologiquement très homogènes, elle s’est presque constituée en classe sociale, et s’est coupée de la majorité des âmes.

Son embourgeoisement est peut-être, finalement, le plus grand fléau qui frappe l’Église en ce début de XXIème siècle.

Michel Houellebecq: La restauration du catholicisme dans son ancienne splendeur peut-elle réparer notre civilisation endommagée ? Là nous sommes d’accord, c’est beaucoup plus simple, évident presque : la réponse est oui.
 
Michel Houellebecq est l'auteur de Sérotonine. Geoffroy Lejeune est le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles.

https://www.firstthings.com/article/2019/05/restauration
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enfer - Sérotonine : l’amour ou l’enfer de Michel Houellebecq Empty Re: Sérotonine : l’amour ou l’enfer de Michel Houellebecq

Message par Isabelle-Marie Mar 22 Oct 2019 - 21:50

enfer - Sérotonine : l’amour ou l’enfer de Michel Houellebecq Hh10

Michel Houellebecq a plusieurs fois déclaré être très inspiré par un grand auteur chrétien, Joris-Karl Huysmans, et a affirmé ne plus être athée dans un entretien accordé à La Vie en 2015. Quelle place à la religion catholique dans l'oeuvre de Houellebecq ? Y a-t-il une authentique interrogation religieuse ou peut-on plutôt parler d'esthétique chrétienne ?

Oui, et, d'ailleurs Huysmans est un converti, qui a choisi l'Eglise pour, je cite, sortir de « l'impasse naturaliste », comprendre l'explication scientifique et rationnelle du monde. Il raconte sa conversion dans En Route, paru en 1895, à la fin d'un XIXe siècle épris de scientisme et de positivisme. De ce point de vue, la comparaison avec Houellebecq est flagrante : les deux s'interrogent sur le sens de la vie et la présence d'un Dieu dans une époque qui érige la science et la raison en figures tutélaires. Houellebecq y ajoute le consumérisme et l'hédonisme induits par le capitalisme. Je ne peux affirmer qu'il y a une « esthétique chrétienne » chez Houellebecq, mais il y a une véritable appétence pour la question de Dieu. Houellebecq a aussi confié ne pas aller à l'église, mais qu'il voulait que les églises soient toujours présentes et accueillantes, au cas où il avait envie d'y retourner. Dieu est une (sainte) tentation chez Houellebecq, celle qui lui ferait dépasser l'absurdité du monde contemporain. Il me semble que c'est la première apparition de Jésus dans un de ses livres. Que cela survienne dans les dernières pages du roman, présage en tout cas d'un approfondissement ultérieur de cette question au cours de son oeuvre.

Lire aussi : Michel Houellebecq: «Oui, le bonheur est possible en ce monde et, audace inouïe, le Christ en est la clef.»

Abjurant pour la première fois le credo matérialiste et darwinien auquel il doit son succès, Houellebecq reconnaît d'abord à l'amour son caractère surnaturel. "Ces élans d'amour, écrit-il, inexplicables si l'on considère notre nature biologique." Et, sans trembler, d'oser nommer clairement leur origine : Dieu. Chaque manifestation d'amour, explique-t-il, constitue autant de signes que Dieu nous adresse. Et, puisque de tout temps, la plupart des hommes ont été incapables d'en tenir compte, il a bien fallu que Dieu, par amour, leur envoie un signe incontestable : son fils Jésus. "Est-ce qu'il faut vraiment que je donne ma vie pour ces minables, s'interroge le Christ sous la plume de Houellebecq, est-ce qu'il faut à ce point être explicite ?" Dernière phrase du livre : "Il semblerait que oui." Tout est accompli.

(...) Que le message chrétien soit validé par un écrivain majeur contemporain mettra sans doute du baume au cœur des catholiques. Et ne manquera pas d'interroger les autres.

https://www.pierre-et-les-loups.net/michel-houellebecq-je-suis-catholique-dans-le-sens-ou-je-montre-l-horreur-d-un-monde-sans-dieu-545.html
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